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Lecture linéaire 7 _ L’égalité économique

Présentation du passage
Ce passage est un extrait du postambule. L’autrice insuffle aux femmes la force et les arguments
pour défendre leurs intérêts.
Placé à la fin du « Postambule », cet extrait – souvent tenu pour secondaire au sein de l’œuvre -
aborde la question cruciale de l’égalité économique, ou tout au moins de la protection financière
des femmes.

Problématique
- Quelles stratégies argumentatives utilise ODG pour dénoncer les inégalités socio-économiques
que subissent les femmes ?
- En quoi le circuit argumentatif mis en place par l’autrice relève à la fois des émotions et du
raisonnement logique ?
- Comment ODG dans cet extrait du postambule dénonce-t-elle les inégalités socio-économiques
que subissent les femmes ?

MOUVEMENTS
1. Du début à « pourquoi n’a-t-elle pas su faire fortune ? » : l’autrice montre la fragilité du pouvoir des
femmes sur les hommes

2. De « D’autres exemples » à « perd ses droits » : l’autrice relate un exemple d’infortune

3. De « Quelles lois » à la fin du passage : propositions concrètes de l’autrice pour améliorer la condition
sociale des femmes

I. Du début à « pourquoi n’a-t-elle pas su faire fortune ? » : l’autrice montre-t-elle la


fragilité du pouvoir des femmes sur les hommes
L’esclave commande au maître ; mais si le maître lui donne la liberté sans
récompense, et à un âge où l’esclave a perdu tous ses charmes, que devient
cette infortunée ? Le jouet du mépris ; les portes mêmes de la bienfaisance
lui sont fermées ; elle est pauvre et vieille, dit-on ; pourquoi n’a-t-elle pas su
faire fortune ?
Le passage se situe après qu’O. de Gouges a comparé la situation des femmes à celle des esclaves.
ODG militait également en faveur de l’abolition de l’esclavage. Elle met ainsi en parallèle les
oppositions sexistes et racistes. Ce parallèle avec l’esclavage lui permet de mieux faire
comprendre la souffrance d’être une femme.
- Comme un esclave, la femme peut être achetée par un homme, dans un marchandage qui va de
la prostitution à la maîtresse entretenue. Or O. de Gouges établit un paradoxe : « L’esclave
commande au maître ». Cette inversion du rapport de force vient de l’emprise que la femme, par
ses charmes, peut avoir sur l’homme.
- Cependant la suite de la phrase, relancée par « mais », propose un raisonnement hypothétique
qui vient nuancer le paradoxe, pour aboutir à un nouveau paradoxe : l’affranchissement peut
être une déchéance, et non une délivrance.
- Présenté sous la forme d’une question rhétorique, ce raisonnement en appelle à la pitié du
lecteur. Le lexique de la privation (« sans récompense », « a perdu ») et la formule pathétique
« cette infortunée » renforcent cet effet. La question rhétorique reçoit une réponse très brève : «
Le jouet du mépris ». Les femmes sont réifiées (assimilées à un objet) par le terme « jouet » mais
aussi par leur position grammaticale dans la phrase puisqu’elles sont en position de complément
d’objet : « si le maître LUI donne la liberté »
- Elle ne reçoit même plus l’aide charitable des autres : la métaphore hyperbolique des « portes
mêmes de la bienfaisance […] fermées » exprime à la fois l’absence de recours financier et
l’exclusion sociale.
- ODG mobilise le discours indirect libre pour faire entendre le mépris collectif dont est victime
une femme « pauvre et vieille » qui n’a pas su profiter de ses atouts. L’argumentation passe ainsi
par le récit qui donne de la vivacité au discours et suscite l’empathie, la révolte et l’action.

II. De « D’autres exemples » à « perd ses droits » : l’autrice relate un exemple


d’infortune
D’autres exemples encore plus touchants s’offrent à la raison. Une jeune
personne sans expérience, séduite par un homme qu’elle aime, abandonnera
ses parents pour le suivre ; l’ingrat la laissera après quelques années, et plus
elle aura vieilli avec lui, plus son inconstance sera inhumaine ; si elle a des
enfants, il l’abandonnera de même. S’il est riche, il se croira dispensé de
partager sa fortune avec ses nobles victimes. Si quelque engagement le lie à
ses devoirs, il en violera la puissance en espérant tout des lois. S’il est marié,
tout autre engagement perd ses droits.
ODG continue dans un style romanesque : « d’autres exemples encore plus touchants »,
soulignant l’effet pathétique du récit illustratif qui suit.
- L’adverbe d’intensité « encore plus » et le sujet au pluriel « d’autres exemples » annoncent des
ex de plus en plus frappants d’oppression féminine.
- Le terme « raison » renvoie aux Lumières. Il s’agit pour ODG de convaincre dans un esprit
rationnel.
- Le récit illustratif d’ODG prend un cas presque opposé au précédent : la « jeune personne sans
expérience » s’oppose par antithèse à la « pauvre et vieille » du 1er mouvement. « Cette jeune
femme sans expérience » est une allégorie de la fragilité féminine. L e récit rappelle une situation
romanesque tout à fait convenue des narrations du xviiie siècle, de Richardson à Laclos : l’ingénue
séduite puis délaissée.
- Le p.passé « séduite » suggère la naïveté de la jeune femme et sa position de victime.
- L’emploi du futur de certitude (« abandonnera », « laissera », « sera ») présente le récit comme
certain par inférence avec des situations fréquentes. Du registre pathétique on glisse vers le
registre polémique, avec des termes qui accusent de cruauté l’homme séducteur à travers des
termes très péjoratifs : « ingrat », « inconstance », « inhumaine ».
- La corrélation « plus / plus » souligne cette ingratitude cruelle des hommes.
-L’accumulation de quatre sub circonstancielles hypothétiques montre que la victime n’a aucune
échappatoire : quelle que soit la situation familiale ou financière de l’homme, elle sera perdante.
- Les « nobles victimes » est une périphrase désignant les enfants non reconnus dont les
souffrances découlent de l’oppression subie par les femmes.
- L’attitude masculine est dénoncée de manière virulent à travers des mots forts comme
« abandonnera », « violera ».
- L’autrice insiste sur le fait que le rapport entre les « engagement[s] » moraux qui devraient
protéger la victime et les « lois » qui protègent le criminel est totalement illogique. C’est pourquoi
ODG demande à ce que les lois changent pour permettre l’émancipation des femmes.
Ainsi Le recours au récit donne à voir de manière concrète et cruelle les conséquences de
l’inégalité de droit des femmes. Ce bref récit rappelle l’histoire de Polly Baker dans le Supplément
au voyage de Bougainville de Diderot.

III. De « Quelles lois » à la fin du passage : propositions concrètes de l’autrice pour


améliorer la condition sociale des femmes

Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper le vice jusque dans la racine ?
Celle du partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de
l’administration publique. On conçoit aisément que celle qui est née d’une
famille riche, gagne beaucoup avec l’égalité des partages. Mais celle qui est
née d’une famille pauvre, avec du mérite et des vertus, quel est son lot ? La
pauvreté et l’opprobre. Si elle n’excelle pas précisément en musique ou en
peinture, elle ne peut être admise à aucune fonction publique, quand elle en
aurait toute la capacité.

- Après les exemples vient une question rhétorique qui relance la réflexion vers sa conclusion :
« Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper le vice jusqu’à la racine ? ».
- Le connecteur « donc » marque le raisonnement déductif : des constats doivent découler des
mesures concrètes, les « lois » destinées à déraciner le « vice ». La métaphore végétale souligne
la profondeur du mal, son implantation presque naturelle dans la société et que des lois pourront
arracher.
- Ces propositions de lois sont au nombre de deux : le « partage des fortunes » entre les sexes
mais aussi le partage de « l’administration publique », second partage mis en valeur par son
détachement en hyperbate après la virgule et la conjonction « et ».
- La question du partage des fortunes est essentielle. On rappelle qu’à l’époque les femmes
étaient financièrement dépendantes des hommes qui seuls pouvaient disposer des biens. ODG
milite donc pour l’indépendance financière des femmes comme le souligne le champ lexical de
l’argent, très développé : « fortunes », « riche », « gagne », « égalité des partages », « pauvre »,
« pauvreté ».
- La réforme législative voulue par ODG prend en compte les femmes de toutes les conditions
sociales. L’antithèse « riche » / « pauvre » n’oppose pas 2 catégories sociales mais les réunit dans
le même combat comme le montre le parallélisme : «celle qui est née d’une famille riche » et
« celle qui est née d’une famille pauvre ». ODG rallie ainsi toutes les femmes à son projet.
- L’autrice précise ensuite l’importance des deux lois envisagées : si au sein d’une famille « riche »
le partage des fortunes suffit, au sein d’une famille pauvre la femme doit pouvoir accéder à une
charge publique pour gagner sa vie, sinon elle risque « [l]a pauvreté et l’opprobre », à moins,
comme le souligne la prop sub hypothétique, de pouvoir faire reconnaître des talents artistiques.
Les femmes ne seront donc les égales de l’homme que lorsqu’elles partageront le pouvoir avec
eux en exerçant « l’administration publique ».

Eléments pour une conclusion


Ainsi l’autrice, s’appuyant à la fois sur des arguments émotionnels (le pathétique) et rationnels
(des exemples et un examen des liens de causalité), parvient à montrer le bien-fondé des réformes
législatives qu’elle soumet aux députés de l’Assemblée

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