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Introduction :

Démocratie et gouvernance jouissent d’une transversalité


épistémologique qui impose qu’on ne puisse les envisager dans la
dimension réflexive sans une délimitation des frontières de
l’approche convoquée. De même, les aborder à l’occasion d’un cours ne
peut se faire que sur la base d’une modalité partielle, partiale et
parcellaire.

La démocratie implique l’existence d’une pluralité d’options et de


propositions que cristallisent les partis politiques et les leaders
jouissant de la liberté de s’opposer et de critiquer le gouvernement
ainsi que les divers acteurs du système politique. La reconnaissance
des libertés d’association, d’expression et de presse, etc. nécessite
une acceptation de la diversité. La démocratie induit la prolifération
des sphères d’autorité et nécessite une sorte de répartition des
rôles. Ceci, si l’on se place du point de vue de la responsabilité, pose
nécessairement des problèmes à la gouvernance.

L’action publique, elle-même, se complexifie et se fragmente. Elle


donne à constater son incohérence, son impuissance, sa privatisation,
etc. Ce sont autant d’éléments qui, en plus de la baisse continue de la
participation électorale, attestent que la gouvernance, elle-même, est
en panne de gouvernance. Dès lors, engageons-nous à répondre aux
questions suivantes : Quelle figure d’articulation possible peut-on
envisager entre gouvernance et démocratie ? Peut-on inscrire la
gouvernance sous les auspices d’une idéologie de la participation
démocratique ? La démocratie peut-elle peser sur l’action publique,
intervenir sur le processus d’action et de décision ? En clair,
comment la démocratie infléchit-elle, reconfigure-t-elle l’espace de
la gouvernance ?
Chapitre I : Balisage spéculatif ou maîtrise des concepts

• La démocratie

D’un point de vue étymologique, le concept de démocratie vient


du grec ‘’ dêmos’’ qui signifie « peuple » Signalons ici que le terme
grec ‘’dêmos’’ ne renvoie pas à la simple somme des individus citoyens.
Les Anciens distinguaient le ‘’laos’’ du ‘’dêmos’’. Le premier terme est
associé à une foule ou à une masse sans organisation, sans conscience
manifeste. Le second terme désigne un ensemble organisé de
citoyens. Le terme démocratie est rarement utilisé avant le XVIIIe
siècle. Il faut attendre les révolutions libérales, américaines et
françaises, pour que se généralise l'usage actuel du terme. Le
suffixe ‘’kratos’’ désigne, la « puissance », la « souveraineté ». Ainsi,
la démocratie est le régime politique fondé sur le principe que
la souveraineté appartient à l'ensemble des citoyens, soit
directement (par des référendums) soit indirectement par
l'intermédiaire de ses représentants élus. Les élections doivent se
tenir au suffrage universel, de façon régulière et fréquente. En
clair, le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (Principe de
souveraineté), sans qu'il y ait de distinctions dues à la naissance, à la
richesse, à la compétence... (Principe d'égalité).

Le terme démocratie désigne un corpus de principes


philosophiques et politiques suivant lequel un groupe social donné
organise son fonctionnement par des règles : élaborées, décidées,
mises en application et surveillées par l'ensemble des membres de ce
groupe, a priori sans privilèges ni exclusion.

Dans le champ philosophique, nous pouvons nous appuyer sur


Montesquieu pour en donner une claire appréhension. Dans l’optique
de Montesquieu, la démocratie est une forme de gouvernement au
sein d’une nouvelle classification des régimes. Pour lui, au sein de la
république, on peut distinguer deux systèmes de gouvernement, le
régime démocratique et le régime aristocratique : « lorsque, dans la
république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est une
démocratie. »

Pour les politiciens comme Périclès et Abraham Lincoln, la


démocratie doit avant tout se baser sur un principe de liberté du
peuple. Selon Périclès : « La démocratie c'est le gouvernement du
peuple par le peuple et pour le peuple. » Sa définition est reprise,
à juste titre, par Abraham Lincoln, en ces termes : « Gouvernement
par le peuple, la souveraineté y est investie dans le peuple et
exercée directement par lui ou par ses représentants désignés au
cours d'élections libres. »

Pour la sociologie, la démocratie a sa base principielle dans le


respect des lois, de la constitution. Prenons attache avec Raymond
Aron, philosophe, sociologue, politologue et journaliste français, pour
en savoir plus. D'après lui « Le principe premier de la démocratie est
le respect des règles ou des lois puisque, l'essence de la démocratie
occidentale, c'est la légalité dans la concurrence pour l'exercice du
pouvoir. » Autrement dit : « Une démocratie saine est celle où les
citoyens respectent la constitution qui fixe les modalités de la lutte
politique mais aussi de toutes les lois qui marquent le cadre dans
lequel l'activité des individus se déploie. »

• La gouvernance

La gouvernance désigne l’ensemble des mesures, des règles, des


organes de décision, d’information et de surveillance qui permettent
d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’un Etat, d’une
institution ou d’une organisation qu’elle soit publique ou privée,
régionale, nationale ou internationale.

La gouvernance a pour vocation de fournir l’orientation stratégique,


de s’assurer de l’atteinte des objectifs et de la gestion des risques,
aux fins d’une utilisation des ressources dans un esprit raisonnable.
Elle veille prioritairement au respect des intérêts des ‘’ ayant droits’’
(citoyens, pouvoirs publics, partenaires, actionnaires, etc.) en faisant
en sorte que leurs voix soient entendues dans la conduite des
affaires. Ainsi d'un point de vue qualitatif (celui du jargon des
grandes institutions internationales comme le FMI et la Banque
Mondiale), la gouvernance est une modalité de gestion de la chose
publique dans l'intérêt de la stabilité et de la pacification de l'espace
économique, politique et social, conformément à certaines règles
établies. On parle, à juste titre, de "bonne gouvernance". On peut, de
ce fait, réduire la gouvernance à un ensemble de normes abstraites,
applicables pour parvenir à un certain résultat préconisé à l'avance
dans un domaine défini. Mais cette approche normativiste prenant en
compte les règles de "bonne" gestion des personnes et des biens, doit
s’interroger également sur la manière d’y arriver en intégrant toutes
les échelles et tous les paramètres de la vie commune : territoires,
ressources, institutions, traditions, culture, acteurs, etc., dans le
souci de la plus grande cohérence dans l’action et pour la paix sociale.

Initialement utilisé pour désigner la manière dont un gouvernement


exerce son autorité économique, politique, administrative et gère les
ressources d’un pays en vue de son développement, le concept de
gouvernance a ensuite été étendu à la gestion des entreprises. On
distingue, dès lors, deux grands types de gouvernance : La
gouvernance d’entreprise pour le secteur privé et la gouvernance
politique pour la pensée politique et administrative.
Chapitre 2 : Démocratie et gouvernance : une finalité commune ?

• La logique de la complémentarité : la gouvernance


démocratique, un paradigme nouveau

Le contexte politique actuel dont deux des caractéristiques


essentielles sont la globalisation et la crise de la démocratie met
au gout du jour la préoccupante question de la gouvernance et celle
de la crise de l’Etat. On ne peut pas aujourd’hui réinvestir la
question du rôle de l’Etat et des relations qu’il entretient avec la
société sans se placer sous la bannière de la gouvernance et de la
démocratie. Ces deux paramètres d’analyse semblent obéir à une
même logique : celle de garantir l’ordre dans le système politique
aussi bien localement que globalement. En clair, il s’agit de porter à
la réflexion le débat relatif aux rapports entre gouvernance et
démocratie.

La crise de l’Etat est une crise de souveraineté et de légitimité qui


appelle l’Etat à donner un contenu significatif à son action
politique. La gouvernance y répond en manifestant sa volonté et en
reconnaissant la nécessité de proposer des réponses aux lacunes
ou aux limites de l’Etat. Elle vise donc le rétablissement d’un ordre
qui peut se traduire par une gestion efficiente des ressources
disponibles et limitées.

La remise en cause de la légitimité de l’Etat et du modèle


démocratique qui le soutient appelle à l’analyse profonde de la
démocratie qui s’offre à nous sous l’angle de la diversité. La
pluralité de vues sur la démocratie la pose désormais comme un
cadre référentiel convoquant tout acteur politique à se soumettre
à l’exigence d’un positionnement clairement défini. Ainsi, selon les
dires de Kervégan Jean-François, « la démocratie ne désigne plus
un régime parmi d’autres, mais semble être l’horizon de tout ordre
politique légitime » (« Démocratie » in Raynaud (Ph.), Rials (S.),
Dictionnaire de Philosophie Politique, Paris, PUF, 1996, p.127-133).
Il y a également les niveaux (local, régional, national, …) d’exercice
de la démocratie mettant en scène des acteurs et des structures
politiques avec des niveaux démocratiques différents. La
détermination de caractéristiques communes ou de principes
fondamentaux communs constitue ici un enjeu indépassable.

La première caractéristique est la liberté définie comme


l’indépendance juridique et politique, un état contraire à celui de
l’esclave. Cette liberté donne la possibilité à tout citoyen d’être
alternativement gouvernant et gouverné et amenuise ainsi les
risques majeurs de sédition. Elle induit le principe de participation
à la vie politique ou encore l’inclusivité des membres du corps
politique. La démocratie, dès lors, pose la nécessité de
l’instauration d’un sentiment de confiance entre d’une part entre
les membres du corps politique et d’autre part entre ceux-ci et le
régime politique.

La deuxième caractéristique est l’égalité, fondement de la liberté


dans un contexte démocratique. Plus précisément, il s’agit d’une
égalité politique ne prenant pas en compte le souci de la justice
sociale. La pensée démocratique affirme le lien avéré entre
liberté et égalité dans l’affirmation de la légitimité politique, et
pose ces deux principes comme des modalités pratiques
d’investissement de la problématique de l’ordre dans la société
politique. La démocratie, en priorisant la liberté et l’égalité,
reconnaît leur contribution dans la quête d’une légitimité perçue
comme fondement de l’ordre au sein d’une société politique.

En somme, gouvernance et démocratie ont une aspiration


commune : établir ou rétablir l’ordre. Pour la gouvernance, l’ordre
est une condition d’efficacité ; pour la démocratie, il est un
critère de reconnaissance de la légitimité politique. C’est pourquoi,
la légitimité de la gouvernance se mesure à l’aune de son efficacité
et celle de la démocratie selon le principe d’inclusivité ou encore
sur la base du principe de participation, de concertation de la
majorité des citoyens.

B - L’axe de la rupture : la répartition des rôles

La quête de l’ordre et la question de la légitimité semblent être les


points de convergence entre la démocratie et la gouvernance. En
effet, aussi bien la démocratie que la gouvernance se fondent sur une
profonde acceptation de la société dans son ensemble au mode
d’organisation choisi. Cependant, les processus de légitimation tout
comme les critères de légitimation divergent selon que l’on se trouve
dans les champs respectifs de la démocratie et de la gouvernance. Le
critère d’efficacité est le principe de légitimation de la
gouvernance. La démocratie, par contre, ancre sa légitimité sur le
principe de participation ou de concertation du plus grand nombre
(le principe d’inclusivité).

La démocratie repose sur deux critères majeurs : la liberté et


l’égalité. La gouvernance n’accorde pas la même valeur à ces deux
caractéristiques fondamentales. Dans la gouvernance, il y a
l’affirmation de la préséance des enjeux économiques sur tout autre
enjeu. La priorisation de ces enjeux incline la gouvernance à œuvrer
principalement pour l’atteinte des objectifs suivants : le bénéfice
sans cesse croissant des investisseurs et la satisfaction des
consommateurs. On peut, toutefois, se poser la question de la liberté
dans le champ de la gouvernance. Mettant en scène une pluralité
d’acteurs de différentes natures, la gouvernance peut-elle
légitimement assurer leur égalité ? D’un premier point de vue, il est
loisible de reconnaître que la question de l’égalité n’est pas
essentielle pour la gouvernance. L’objectif d’efficacité qu’elle se
donne fait que le critère de la liberté ne peut que se mesurer à l’aune
de sa contribution ou non à la réalisation de la finalité d’efficience
affirmée. En clair, seul l’impératif d’efficience permet de jauger de
la pertinence du principe de liberté. D’un second point de vue, le
processus de gouvernance s’inscrit non seulement dans une logique
des places (luttes de positionnement) mais aussi dans une logique des
forces (luttes d’influence).

Le critère de liberté est également tributaire de la perspective


choisie (démocratie ou gouvernance). Dans la perspective
démocratique, la liberté est fondamentalement politique et offre la
possibilité d’être alternativement et successivement gouvernant et
gouverné. Cette alternance est le fruit d’un processus électif
convoquant l’ensemble des membres du corps politique et
garantissant le renouvellement continuel des instances dirigeantes. Il
n’en va pas de même, dans le cadre de la gouvernance. Etre à la fois
gouvernants et gouvernés est ici (dans la gouvernance) le résultat de
tractations ou de négociations, lieu de rapports de forces entre les
acteurs les plus influents. Les choix des dirigeants des organismes
comme le FMI ou la Banque Mondiale sont des exemples édifiants, à
ce propos. Ce mode n’est rien d’autre qu’une remise en cause du
principe de participation égalitaire, caractéristique même de la
démocratie. La participation ne prend en compte que quelques
acteurs organisés et fortement impliqués relativement à l’enjeu
nécessitant la prise de décision. La démocratie, au contraire, implique
la participation de tous les membres du démos.

Pour terminer, disons ceci : la démocratie se laisse appréhender


comme un régime. En tant que mode d’organisation des pouvoirs, elle a
une finalité politique. La gouvernance, quant à elle, est un processus
nécessitant une hiérarchisation des enjeux à partir de la priorité
accordée aux préoccupations et aux questions économiques. Dans la
démocratie, il n’y a pas de hiérarchisation a priori des différents
enjeux car le processus démocratique lui-même est une discussion
autour de la hiérarchisation desdits enjeux. En vérité, la suprématie
du politique sur tout autre champ est la seule hiérarchie a priori
qu’exige la démocratie.

Chapitre 3 : De la crise de la gouvernance à l’exigence de la


bonne gouvernance

• La crise de la gouvernance

La crise de la gouvernance affecte la plupart des régions du


monde. Elle revêt, cependant, une intensité particulière dans la
majeure partie des Etats de l’hémisphère Sud. Les Etats de l’Afrique
de l’Ouest sont frappés par cette crise d’ensemble. Dans notre
région, cette crise est d’abord relative aux différents
bouleversements relatifs au système de pouvoir. Ces transformations
ne prennent pas toujours en compte l’unité nationale des populations,
leur capacité à assumer pleinement leur destin, leur promotion
économique et sociale. Cette crise est le résultat et le moteur de la
misère endémique vécue par nos populations. Elle est inhibitrice de
leur autonomie individuelle et collective. Elle déstructure le système
social traditionnel qui promeut la sécurité solidaire, forme de
responsabilité relationnelle et d’éthique de la réciprocité. La quête
des stratégies et parades à ces différents maux a mis en exergue
des revendications identitaires et sectaires, obstacles majeurs à une
réelle intégration nationale de nos Etats.

La crise de la gouvernance marginalise et exclut de la vie


politique plusieurs catégories de la population en les dépourvoyant de
leurs prérogatives et attentes citoyennes. Celles-ci, les femmes et
les jeunes, prompts à écouter les discours des aventuriers,
deviennent des terreaux favorables à toute action de sédition.
L’extrême pauvreté des zones rurales, leur instabilité, inclinent les
jeunes à venir grossir les effectifs des populations des villes qui,
elles-mêmes, ne peuvent contenir dans leurs limites spatiales et
managériales cette démographie galopante. Les programmes,
découlant des puissances ou institutions étrangères, mis en œuvre
pour résoudre cette crise multiforme, sont très souvent irréalistes.
Les Etats se décrédibilisent et ne peuvent faire face aux urgences
qu’elles laissent subtilement aux mains des ONG œuvrant dans
l’humanitaire. La précarité existentielle de nos Etats fait qu’ils sont,
à tout moment, sujets à des incidents, des conflits ouverts pouvant
prendre l’allure de guerres interethniques, de guerres tribales, de
conflits interrégionaux, etc.

La crise de la gouvernance est également une crise de mal


développement. Nos Etats n’ont pas encore intégré le développement
comme un schème universel caractérisant l’évolution de toute société
humaine. Ils le perçoivent encore comme un paravent idéologique
masquant la ferme volonté des puissances étrangères de voir
perdurer leur hégémonie. Il s’agit, en réalité, pour nos Etats, de
sortir de leur impuissance parasitaire caractérisée par leur
déconnexion quasi-totale des réalités sociales de leurs populations.
L’Afrique a un souci méthodologique mû par une quête d’originalité
donnant l’impression d’un refus implicite de se développer. On peut
alors comprendre la question d’Axelle Kabou : Et si l’Afrique refusait
le développement ?

La gouvernance politique africaine est encore aujourd’hui


caractérisée par la passion du pouvoir qui se décline en des pratiques
d’oppression politique, d’intolérance et de confrontation dans la
classe politique, d’usage abusif des organes et moyens publics de
communication (élection, tribalisme, ethnicisme, régionalisme, etc.).
On ne peut que s’interroger sur le processus démocratique en cours.
En effet, au vu des tensions ou des conflits pré ou post électoraux,
du refus de l’alternance politique pacifique, de la pérennisation des
coups d’Etat ou des rébellions, la crise de la gouvernance reste
fondamentalement une crise éminemment politique, une crise de
gouvernance démocratique.

B- Principes démocratiques et bonne gouvernance 13/02/2020

La transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires


publiques, la justice distributive et le développement durable
constituent les trois piliers de la bonne gouvernance. Trois principes
démocratiques sont consubstantiels à la bonne gouvernance. Ce sont
la participation, la délibération et la coopération. La démocratie est
un régime politique dans lequel le peuple exerce le pouvoir. C’est ce
qu’on appelle la « démocratie participative » qui fait en sorte que la
participation du citoyen à la prise de décision politique soit
renforcée. La démocratie participative est une forme de partage et
d'exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation
des citoyens à la prise de décision politique. En effet, le régime
démocratique nécessite un engagement citoyen. Cette affirmation
part du concept même de démocratie à savoir un régime politique qui
se caractérise par le gouvernement du peuple, donc par l’engagement
des citoyens dans les affaires de la cité.

Par participation, il faut entendre le fait de donner la possibilité à


toutes les couches de la population de prendre une part effective au
jeu politique. La démocratie induit une démarche inclusive. C’est
pourquoi, l’inclusion de toutes les minorités (sociales, politiques,
religieuses, etc.) doit être pris en compte. La participation est donc
le moment d’une inclusion individuelle et collective. Les individus
comme les catégories sociales y voient la reconnaissance de leurs
droits politiques fondamentaux. Parler de bonne gouvernance, c’est
prendre en compte les aspirations politiques, morales, sociales et
écologiques des citoyens en vue d’impacter sur les politiques
publiques dont ils sont les bénéficiaires. La bonne gouvernance doit
assurer l’égalité des chances et la répartition équitable des
ressources publiques. Cela ne se peut faire sans l’engagement plénier
des citoyens eux-mêmes.

A l’instar de la participation, la délibération est un critère de


bonne gouvernance. La délibération se pose comme une confrontation
de points de vue dont la finalité est de trancher un problème ou un
choix difficile par l'adoption d'un jugement ou
d'une décision réfléchie. Elle peut être le fait d’un individu seul, mais
aussi d’un groupe d'individus ou d’une collectivité. Elle débouche en
général sur une décision ou un choix. Mais, il se peut qu’on soit dans
une situation provisoirement aporétique. Avec la délibération, on
parle de démocratie délibérative. La démocratie délibérative est
inspirée des théories de John Rawls et Jürgen Habermas.

Dans la démocratie délibérative, une décision politique est légitime


lorsqu’elle procède de la délibération publique de citoyens égaux. La
délibération démocratique impose une communication inclusive se
déroulant sur une base égalitaire. L’échange discursif entre les
citoyens doit être à même de favoriser le partage des différentes
conceptions du bien commun et de faire la promotion du pluralisme
inhérent à nos sociétés actuelles. C’est donc l’échange d’arguments
raisonnés capables de convaincre et de susciter l’assentiment des
autres qui octroie un gain de rationalité à la prise de décision finale.
Les préférences des citoyens peuvent désormais, à travers la
discussion, s’affirmer ou se modifier selon les arguments avancés.
Elles ont un fondement réflexif et non émotionnel ou sentimental.
C’est cet effort collectif de réflexion qui assure la réflexion
personnelle du citoyen lui-même. Il faut, dès lors, appeler à la prise
de parole de toutes les sensibilités politiques, idéologiques,
religieuses, etc. par la réalisation des conditions d’une occupation
équitable des médias publics.

Selon Hervé Pourtois, (professeur à l'Institut Supérieur de


Philosophie de l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve), c’est la
condition d'argumentation, c'est-à-dire le processus qui vise à
choisir le meilleur argument en faveur d'une thèse, et la condition
de participation, qui permet de faire reconnaître différents points
de vue moraux sur une question, qui sont essentielles à l'idéal de la
démocratie délibérative. Pour Pourtois, l’origine des désaccords vient
moins des différences de valeurs entre membres du groupe que des
différences de signification des pratiques sociales. En somme, pour
favoriser la délibération démocratique, il faut encourager le débat
contradictoire, la discussion. La valeur de la délibération
démocratique tient, en définitive, à la confrontation des arguments
pour et contre la décision envisagée et à la mise en balance des
raisons de sens inverse.

La coopération est un principe de la démocratie. Elle instaure


une plateforme collaborative et constructive entre les Institutions
de la République, entre l’Etat et les acteurs non étatiques ou les
acteurs de la société civile. La coopération implique que des groupes
de citoyens auto-organisés, s’unissent autour de leurs intérêts et
questionnements propres. Ils conduisent leurs relations et leurs
échanges, non dans la concurrence ou le conflit, mais en cherchant les
modalités appropriées pour analyser ensemble et de façon partagée
les situations et collaborer dans le même esprit pour parvenir à des
fins communes ou acceptables par tous. Facteur de bonne
gouvernance, la coopération offre l’opportunité de collecter et de
prendre en compte les attentes sociales des citoyens. Elle engage une
responsabilité relationnelle de toutes les composantes de la société.
En somme, la démocratie, en sa triple vocation participative,
délibérative et coopérative, est la condition de la bonne gouvernance.
Qu’en est-il de l’implication de la bonne gouvernance dans
l’enracinement de la démocratie ?

C- La bonne gouvernance, un enracinement de la


démocratie

La bonne gouvernance répond à la nécessité de moraliser la gestion


du pouvoir de l’Etat. La gouvernance actuelle des affaires publiques
convoque en plus des acteurs gouvernementaux,
intergouvernementaux ou multilatéraux, des acteurs privés tels que
les individus, les entreprises et les organisations de la société civile.
L’implication de ces nouveaux acteurs dans la gestion de l’Etat assure
la transparence et l’efficience. Cette implication est la preuve d’une
démocratisation de la gestion du pouvoir d’Etat. Rappelons ici que la
transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires
publiques, la justice distributive et le développement durable
constituent les trois piliers de la bonne gouvernance. Le respect de
ces principes de gouvernance influence positivement la démocratie en
ce qu’ils sont les lieux où elle s’exerce véritablement. L’exercice
démocratique se perçoit d’abord par l’implication d’acteurs non
étatiques, et d’autre part, par le contrôle du respect scrupuleux des
principes de bonne gouvernance.

La transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires


publiques imposent le refus de la corruption, de l’opacité et la quête
du bien-être collectif. Les défis de la paix et de la démocratie, le
défi des droits de l’homme, le défi du pillage, les défis de la
cohérence politique inclinent l’Etat à prendre ses responsabilités, à
agir en toute responsabilité. La responsabilité est le devoir de
répondre de ses actes en toutes circonstances et assumer toutes les
conséquences positives ou négatives qui en découlent. Corollaire de la
liberté, elle exige une prise de risque mesurée et implique la
confiance que les autres placent en un individu ou un groupe
d’individus. Quelles que soient ses formes, la responsabilité fait
obligation de rendre compte à l’autorité qui nous investit. Le
responsable est donc comptable devant un souverain (peuple,
communauté, etc.). Dans le cas de la responsabilité politique, une
gestion transparente et responsable a l’avantage de susciter la
confiance des acteurs non-étatiques de la société ainsi que du simple
citoyen. Cette gestion peut se poser comme une source de stabilité
institutionnelle et de paix sociale. Elle offre ainsi un cadre d’analyse,
de réflexion, de concertation, d’expression et de prise de position
relatives à la gestion de l’Etat. Les efforts de démocratisation ne
prospèrent que dans un tel contexte.

La justice distributive a égard aux personnes, à leur dignité et à


leur mérite. Elle dispense les charges et les récompenses selon le
mérite de chaque citoyen. Sa finalité ultime est de faire disparaître
les injustices dont sont victimes certains citoyens, leurs
mécontentements à l’égard des gouvernants. Dans un cadre d’équité,
les citoyens sont prompts à réaliser l’unité nationale en perpétuel
chantier. Construire ce cadre d’éq uité n’est pas une prérogative
exclusive du pouvoir d’Etat. Des acteurs non étatiques comme la
société civile par leurs fonctions de protection, de contrôle, de
participation, de règlement (ou gestion) des conflits sociaux y
contribuent énormément.

Le développement durable exige la responsabilité


intergénérationnelle c’est-à-dire veiller à ce que les générations
actuelles et futures puissent jouir des ressources naturelles
satisfaisantes, vivre dans un cadre de stabilité et de paix. En effet,
la raréfaction des ressources naturelles et le manque de planification
ou de futurisation sont sources de nombreux conflits. La promotion
du développement durable crée les conditions d’une bonne marche de
la démocratie. En effet, le développement durable, en tant
qu’exigence collective, exige :

• Un système politique assurant la participation effective des


citoyens à la prise de décision,

• Un système économique à même de dégager des excédents et


de créer des compétences techniques sur une base soutenue et
autonome,

• Un système social capable de trouver des solutions aux tensions


nées d’un développement déséquilibré,

• Un système de production respectant l’obligation de préserver


la base écologique en vue du développement,

• Un système technologique à l’affût de solutions nouvelles,

• Un système international favorisant des solutions durables en


ce qui un concerne les échanges et le financement,

• Un système administratif souple capable de s’auto corriger.

Par la transparence, la concertation, la cohérence des actions et


des objectifs dans la relation des dirigeants aux citoyens, il est
possible de réconcilier les quatre piliers du développement durable
(le politique, l’économique, le social et le culturel).
CHAPITRE 4 : Horizons

• La post démocratie ou la subreptice remise en cause de la


démocratie

Les questions de crédibilité du processus électoral, de taux de


participation, de légitimité des élus, de crises pré ou post
électorales inclinent à penser que les différentes structures
étatiques sortent souterrainement de la démocratie pour investir le
champ de la post démocratie. Le principal ennemi de la démocratie
c’est tout simplement elle-même, ou plutôt certains de ses aspects
qui menacent son existence même.

Pour Tzvetan Todorov, dans Les ennemis intimes de la


démocratie "La démocratie est malade de sa démesure : la liberté y
devient tyrannie, le peuple se transforme en masse manipulable, le
désir de promouvoir le progrès se mue en esprit de croisade."
Todorov présente trois ennemis intimes de la démocratie. Le
premier ennemi est une forme de démesure caractérisée par la
ferme volonté des tenants de la démocratie d’exporter les bienfaits
de la civilisation aux peuples qui en sont dépourvus. Le second ennemi
est l’étrange filiation entre les idéologies universalistes. La
croyance en l’universalité des valeurs s’accompagne de violence
sournoise ou patente ne tenant pas compte des enjeux spécifiques de
la liberté dans chaque peuple. Le troisième ennemi est la tyrannie
des individus. La doctrine originelle de protection des libertés se
donne à voir comme le lieu d’affirmation du privilège, de quelques
puissants, de s'approprier non seulement les richesses, mais aussi le
pouvoir politique et l'influence publique.

La mondialisation montre que les choix politiques sortent des


prérogatives des Etats. Les vrais maîtres du monde ne sont plus les
gouvernements. Ce sont désormais les dirigeants des groupes
multinationaux financiers ou industriels, et d’institutions ou
d’instances internationales opaques telles que le FMI, La Banque
Mondiale, l’OCDE, l’OMC, les banques centrales… Or, ces dirigeants
ne sont pas élus. Si le pouvoir des Etats a une dimension nationale,
celui de ces organisations a une dimension planétaire. Elle atteste
également, par la mise en place d’une gouvernance globale, de l’usage
de mécanismes de gestions transnationaux mettant en scène de hauts
fonctionnaires, des experts, des membres de la société civile
internationale, etc. Le citoyen n’est pas associé à la prise de décision.
L’opacité des décisions prises par les acteurs transnationaux confine
le citoyen dans un rôle de spectateur passif de la vie politique. Le
citoyen baigne dans une illusion démocratique. En effet, il continue à
voter, mais son vote est vidé de tout contenu car il vote pour des
responsables qui n’ont plus de pouvoir réel.

La marge d’action des Etats est désormais réduite par des accords
économiques internationaux pour lesquels les citoyens n'ont été ni
consultés, ni informés. Les traités élaborés ne visent, en réalité,
qu’un but : le transfert du pouvoir des Etats vers des organisations
non-élues, par le truchement du processus de « mondialisation ». Les
organisations multinationales privées, par exemple, s’arrogent
inéluctablement les attributs de la puissance des Etats comme les
réseaux de communications, les satellites, les services de
renseignements, les fichiers sur les individus, les institutions
judiciaires.

En somme, il n’y a plus de vraie démocratie. Les politiciens sont au


service des détenteurs des capitaux et des experts dans tous les
domaines de compétence. Ce sont eux qui contrôlent parfaitement
l’outil démocratique. L’éducation d’abord, l’information par les médias
ensuite, donnent, au citoyen lambda sa pensée correcte. La
démocratie s’est diluée par l’évolution des idées et des références
philosophiques de sorte que la vraie démocratie, celle du débat
citoyen et responsable, faisant de ce dernier un acteur politique
majeur, s’est perdue dans les méandres des enjeux politiques et
économiques supranationaux ou supra étatiques.

• Le totalitarisme démocratique

Avec la grande victoire du monde occidental, caractérisée par


l’effondrement du communisme soviétique, on assiste à l’instauration
d’un pouvoir planétaire. La fin du communisme marque ici la fin de la
démocratie. Celle-ci donne lieu à la démocratie totalitaire ou au
totalitarisme démocratique. En effet, la démocratie suppose le
pluralisme. Le pluralisme, quant à lui, exige l’opposition de forces
(deux au moins) plus ou moins égales se combattant et s’influençant
réciproquement. La démocratie mondiale, à l’époque de la guerre
froide, mettait aux prises à la fois le système capitaliste, le système
communiste et la nébuleuse structure dénommée les non-alignés. Le
monde actuel vit sur la base d’une idéologie unique, sous la domination
d’une force unique et d’un parti unique mondialiste.

La souveraineté des Etats ou des Nations est constitutive du


pluralisme et donc de la démocratie au niveau mondial. Or, l’actualité
donne à découvrir un pouvoir dominant qui écrase la souveraineté des
Etats. A titre d’exemple, disons que l’intégration de l’Europe elle-
même a pour conséquence la disparition du pluralisme au profit d’un
pouvoir supranational. Ainsi, bien que dominateurs, dans la nouvelle
configuration du monde, les pays occidentaux sont eux-mêmes en
perte progressive de leur propre souveraineté. Cette dépossession de
la souveraineté se réalise au profit d’une ‘’suprasociété planétaire’’
regorgeant les entreprises commerciales et les organismes non-
commerciaux dont les zones d’influence dépassent les nations.
Du temps de la guerre froide, on percevait clairement les
divergences idéologiques et la différence entre les programmes
politiques. Il en allait, de même, pour les organes de presse dont les
lignes éditoriales avaient des différences marquées. C’est cette
dialecticité des rapports qui présidaient au bien-être des individus.
Remarquons ici que c’est l’épouvantail communiste, ou du moins la peur
de tomber sous le giron du communisme, qui a amené le capitalisme
démocratique et prospère à engager des lois sociales, à offrir des
garanties d’emploi. En effet, depuis la chute du communisme à l’Est,
on assiste à un amenuisement massif des droits sociaux. Les
socialistes œuvrent pour une politique de démantèlement des droits
sociaux ; les écologistes applaudissent les désastres écologiques
occasionnés par les guerres. Au vu de ces constats, on peut
légitimement affirmer que la démocratie tend à disparaître du monde
occidental. Le totalitarisme financier a pris le dessus sur les pouvoirs
politiques.

Marqué par la froideur, le totalitarisme financier ne marche pas


avec la pitié et les sentiments. En comparaison avec la dictature
financière, les dictatures politiques sont pitoyables et occasionnent
une certaine résistance. Le monde de la banque et des finances ne
rend pas possible la révolte. Ainsi, le totalitarisme démocratique et la
dictature financière excluent la révolution sociale. Ils combinent, à
juste titre, la brutalité militaire et l’étranglement financier.
L’idéologie occidentale combine et fait converger les idées en
fonction des besoins tout en affirmant la supériorité des valeurs, des
modes de vie occidentaux sur les autres. Affirmant l’universalité des
valeurs occidentales, les occidentaux s’inscrivent dans un dogmatisme
idéologique qui les persuade de la supériorité de leur système. C’est
justement pour cette raison qu’ils l’imposent au monde avec bonne
conscience.
En somme, le mondialisme, la globalisation, autrement dit la
domination mondiale se voile en prenant l’apparence d’un discours
généreux sur l’unification planétaire. C’est ce vieux masque
idéologique prônant l’amitié entre les peuples et l’universalisation de
la démocratie qui couvre l’expansionnisme sournois des Etats
occidentaux.

Surséance :

La gouvernance et la démocratie demeurent des notions


inachevées. Ce cours nous aura permis d’ouvrir des chantiers de
compréhension, d’interrogations et de propositions. En saisissant les
enjeux démocratiques de la gouvernance et l’exigence démocratique
de la bonne gouvernance, on comprend aisément qu’on ne peut se
contenter d’une convergence superficielle entre démocratie et
gouvernance. En réalité, les relations entre démocratie et
gouvernance s’inscrivent dans une dynamique dialectique. Démocratie
et gouvernance s’interpénètrent et trouvent chacune en l’autre la
condition de sa légitimation.

La gouvernance est un paradigme incontournable de gestion, de


développement. De ce fait, elle a nécessairement besoin de l’aiguillon
démocratique car se caractérisant désormais par l’introduction des
acteurs associatifs et par la prise en compte de leurs revendications
démocratiques comme partie prenante désormais du partenariat
initial. Elle ouvre un dialogue inter acteurs pour une atteinte des
objectifs pertinents pour toute la communauté politique.

La démocratie, en tant qu’espace de mobilisation des acteurs de la


gouvernance, se décline en des modalités de gouvernance à la fois
univoques et diversifiées. Ainsi, les aspirations à une meilleure
gouvernance locale comme globale trouvent leur cristallisation dans la
revendication démocratique.
Pour terminer, disons ceci : l’option dialectique priorisée pour la
dynamique interne de ce cours reste complétive des autres
approches compréhensives de la relation intime entre démocratie et
gouvernance.

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