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Commotion cérébrale

Dr Pierrick GUILLEMOT - Service de Médecine du sport


Plan

• Introduction

• Définition

• Épidémiologie

• Physiopathologie

• Clinique

• PEC

• Évolution

• Stratégie de reprise sportive

• Complications
Introduction

• Longtemps ignoré et considéré comme totalement bénin

• En quelques années => attentions scientifiques et médiatiques importantes

• Conséquences potentielles immédiates, à moyen et à long termes

• Souvent considérée comme un traumatisme crânien léger, ce qui suggère une


connotation bénigne et par là même réductrice de cette pathologie.

• => mésestimation de sa gravité, de ses conséquences et donc de sa prise en


charge
Définition

• Commotion cérébrale : en pratique sportive, tout traumatisme cérébral induit par


des forces biomécaniques provoquant des changements neuro-pathologiques

• Ou altération transitoire des fonctions neurologiques après un choc transmis au


cerveau
Définition

• Plusieurs caractéristiques :

• Le traumatisme transmet une force d’impulsion à l’encéphale par l’application


d’un choc de façon directe ou indirecte à la tête (comme la face, le cou ou le reste
du corps).

• Apparition soudaine d’une dysfonction cérébrale qui se résout spontanément.


Parfois de façon retardée dans les minutes ou les heures suivant le traumatisme.

• La commotion est la traduction de désordres neuropathologiques, mais les signes


et symptômes aigus sont largement plus le résultat d’un désordre fonctionnel que
d’un désordre structurel expliquant la normalité des séquences d’imagerie
conventionnelle

• Symptômes sans que la perte de connaissance ne soit obligatoire. La régression


des symptômes habituellement rapidement progressive, mais peut se prolonger
McCrory P, Meeuwisse W, Dvorak J. Consensus statement on concussion in sport-the 5th international conference on concussion
in sport held in Berlin, October 2016. Br J Sports Med 2017.
Épidémiologie

• Aux États-Unis, 1,6 à 3,8 millions commotions cérébrales surviennent chaque


année.

• On estimait à 50 % la proportion des commotions qui ne sont pas recensées

• Au cours des 20 dernières années, en raison d’une meilleure connaissance, ce


pourcentage a diminué, probablement par une amélioration de la formation
médicale, du dépistage et de la participation des sportifs eux-mêmes

• Sports dits de “contact” ou de “collision” : les arts martiaux, les sports de combat
et quelques sports d’équipe comme le football américain et le rugby, ainsi que les
sports de vitesse (ski, motocyclisme, équitation…)

• Augmentation du nombre de commotion (meilleure reconnaissance, majoration


de l’exposition ?)
JA, Gammons M et al. American Medical Society for Sports Medicine position statement: concussion in sport. B
EPIDÉMIOLOGIE LFP

Saison Saison Saison nbr Commotion/


2017/2018 2016/2017 2015/2016 1000 AEs match

Total blessures 1542 1483 1504


Football M 1,5

Nb commotions 24 13 9 Rugby M 6,2


cérébrales
Hockey sur glace M 3,8

% commotions 1,5% 1% 1% Football américain M 3,7


cérébrales
Prien et al. Concussion epidemiology of head injuries
focusing on concussions in team contact sports : a
systematic review. Sports Med (2018) 48 : 953-969
LES CIRCONSTANCES

75% en match
Épidémiologie

• Significativement plus élevées chez les femmes quelque soit le sport

• Taux d’incidence 1,5 à 3x supérieur

• Chez la femme :

• Symptômes plus marqués / bruyants

• Symptômes prolongés

• Circonférence du cou et donc musculature du cou plus faible


Physiopathologie aiguë

• Conséquence de la traversée du parenchyme cérébral par une onde d’énergie


cinétique générée par l’impact, qu’il soit direct (associant à la force générée par
l’impact la force d’impulsion déplaçant l’extrémité céphalique,) ou indirect (la force
d’impulsion seule)

• absence de lésions neuronales macroscopiques

• => lésion principalement fonctionnelle (des changements ioniques, des


changements métaboliques ou une neurotransmission altérée) ou microstructurale
du tissu neural (changements physiques, potentiellement détectable en IRM de
diffusion)

Hager JP, Girard F. Physiopathologie de la commotion cérébrale du sportif : mise au point. Sci sports (2019
Physiopathologie aiguë

• 1. Flux ionique et libération de glutamate aiguë

• Le traumatisme entraîne une cascade métabolique particulière au niveau neuronal


avec une hyperexcitabilité cellulaire liée à une dépolarisation cellulaire massive
avec la libération de potassium et de glutamate de la cellule vers l’espace
interstitiel
Physiopathologie aiguë

• 2. Crise de l’énergie

• Le rétablissement de ce déséquilibre ionique nécessite une activation massive des pompes


Na+/K+, utilisant de l’énergie sous forme d’ATP. La demande énergétique cellulaire cérébrale
est donc brusquement et fortement augmentée par ce processus, avec de surcroît une
consommation importante de glutamate.

• Cette demande accrue d’énergie survient dans un contexte de débit sanguin cérébral normal
ou réduit, entraînant un désaccouplement ou un déséquilibre entre l’offre et la demande
d’énergie.

• Durée de cette période hypométabolique variable


Physiopathologie aiguë

• 3. Dommages cytosquelettiques

• Les forces biomécanique peuvent endommager les composants microstructuraux


délicats et complexes, y compris les arbres dendritiques, les axones et les processus
astrocytaires et activer diverses voies de blessure (notamment l’afflux de calcium et
des cytokines pro-inflammatoires qui initie la protéolyse)

• 4. Neurotransmission altérée

• 5. Inflammation

• 6. Mort cellulaire
Physiopathologie chronique

• Mort cellulaire chronique avec atrophie de certaines zones cérébrales (l’atrophie


corticale et hippocampique, la ventriculomégalie, le cavum septum pellucidum)

• Altération de la dégradation des protéines et accumulation de toxines (protéine tau


et amyloïde)

• Dysfonction axonale chronique


Clinique

• 10 à 15 % avec perte de connaissance (KO) seulement

• Symptômes : très variable

• Somatiques : céphalées, vertiges, nausées, vomissements, troubles de


l’équilibre et asthénie.

• Cognitifs : amnésie pré- et posttraumatique, difficultés de concentration,


troubles mnésiques, sensation d’être ralenti, dans le brouillard, confusion,
désorientation…

• Émotionnels : irritabilité, labilité émotionnelle, anxiété, humeur dépressive.

• Relatifs au sommeil : difficulté à l’endormissement, temps de sommeil


raccourci ou augmenté par rapport à l’habitude, somnolence.

• + fréquents : céphalées, le vertige, le ralentissement psychomoteur, ainsi que


nsensus statement on concussion in sport-the 5th international conference on concussion in sport held in Berli
Clinique

• Signes cliniques :

• les convulsions,

• la perte de connaissance,

• la crise tonique posturale,

• l’ataxie ou troubles de l’équilibre et de la coordination au moment de se


relever, de rester debout puis de marcher,

• l’expression stupéfiée avec les yeux hagards ou dans le vide,

• les modifications comportementales,

• les signes ophtalmologiques (comme un nystagmus par exemple)

nsensus statement on concussion in sport-the 5th international conference on concussion in sport held in Berli
Prise en charge immédiate

• Lorsqu’une commotion cérébrale est suspectée (ou a fortiori évidente), c’est-à-dire


que le sportif a subi un traumatisme susceptible d’entraîner une force d’impulsion à
la tête et qu’il présente un symptôme ou signe clinique évocateur d’une commotion
cérébrale, ou encore qu’il existe un doute de l’encadrement (voire la crainte du
sportif lui-même),

• => le sportif doit immédiatement se retirer du jeu, du combat ou du terrain, dans


l’objectif d’éviter d’autres blessures liées à l’altération de ses performances et
surtout de se soustraire à tout nouveau risque de commotion cérébrale
Prise en charge immédiate

• Principes de base :

• 1. Toute suspicion de commotion doit conduire à la sortie définitive du match


ou de l’entraînement

• 2. Le diagnostic de commotion cérébrale ne peut être posé qu’après 48 heures

• 3. Pas de retour au match ni à l’entraînement complet tant que les symptômes


persistent.
Prise en charge immédiate

• CRITERES DE SORTIE DEFINITIVE :

• 1. Perte de connaissance définie par les yeux fermés du joueur : aucune réponse aux ordres simples, aucun mouvement (en-dehors de
mouvements réflexes)

• 2. Suspicion de perte de connaissance définie par :

• Hypotonie cervicale observée juste après l’impact

• Le joueur est immobile au sol, les yeux fermés à l’arrivée des premiers secours

• La perte de connaissance est rapportée par les premiers témoins (joueurs, arbitres, kiné)

• 3. Ataxie définie, dans un contexte de suspicion de commotion cérébrale, par le comportement du joueur qui doit être aidé :

• Pour se relever (parfois retombe)

• Pour tenir debout de façon stable

• Pour marcher normalement et de façon stable, en particulier les premiers pas.

• 4. Comportement clairement hébété, sonné : regard « vague », semble ne pas accorder d’attention aux personnes qui lui parlent

• 5. Comportement clairement confus : propos inappropriés, répète les mêmes choses

• 6. Désorienté : (sans nécessairement réaliser une évaluation standardisée, score de Maddoks), le joueur tient des propos anormaux sur
l’identité des personnes qui l’entourent, et/ou sur le lieu où il se trouve, et/ou sur son orientation temporelle

• 7. Changement de comportement évident : agité, exécute des actions inappropriées

• 8. Convulsions : contractions musculaires involontaires stéréotypées, brusques et répétitives d’un membre, d’un hémicorps voire des quatre
membres
Prise en charge immédiate

• CRITERES DE RECOURS À UNE EVALUATION sur le TERRAIN

• 1. Traumatisme crânien ou facial même sans élément évident en faveur d’une


commotion cérébrale

• 2. J’ai un doute sur le comportement du joueur


Prise en charge immédiate

• L’EVALUATION SUR LE TERRAIN

• Score de Maddocks

• Examen de l’équilibre
Prise en charge immédiate

• Arrêt du joueur :

• La sortie du sportif doit se faire avec les précautions médicales d’usage : dans la
mesure où il s’agit d’un traumatisme de l’ensemble tête-cou, le sportif doit être
considéré comme systématiquement porteur d’une lésion cervicale jusqu’à preuve
du contraire

• Après la sortie du terrain, le joueur commotionné doit être laissé au repos et ne


jamais se retrouver seul. Il ne doit pas conduire sans avoir reçu l’aval d’un
professionnel de santé.

• Examen à l’infirmerie
Prise en charge immédiate

• Le joueur doit ensuite être évalué par un médecin. L’examen peut être réalisé au
mieux avec le SCAT 5 (
https://casem-acmse.org/wp-content/uploads/2019/01/scat5-Frenchl.pdf)
développé par la conférence internationale de consensus sur les commotions dans
le sport de 2016

• Child - SCAT 5 pour les enfants de 5 à 12 ans


Imagerie

• pas indiqué lors de la suspicion de commotion sans signes de gravité

• scanner cérébral et IRM cérébrale avec séquence classique sans particularité dans le cadre de
commotion

• Dans les TC légers, l’examen recommandé pour la détection des lésions cérébrales aiguës est le TDM

• Indications de TDM selon la SFMU :

Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:199-2


Prise en charge immédiate

• Étape 4 : Conseils et surveillance

• Durant 48 heures

• Repos impératif

• Ne pas boire d’alcool

• Ne pas prendre de médicaments sans surveillance médicale (surtout


somnifère, aspirine, anti-inflammatoire, antidouleur, sédatif)

• Ne pas conduire

• Ne pas reprendre de sport sans l’avis médical

• Consulter un médecin généraliste , médecin du sport ou neurologue dans les 48


heures
Prise en charge

• Le joueur est déclaré commotionné si :

• Commotion immédiate : Le joueur est symptomatique jusqu’au soir du match


puis est asymptomatique (aucun symptôme ou signe à 48 heures)

• Commotion prolongée : Le même joueur est toujours symptomatique à 48


heures

• Commotion évolutive avec l’ajout de signes ou de symptômes dans le bilan à


48 heures comparé aux signes et symptômes initiaux.

• Le joueur est déclaré non commotionné si les évaluations sont toutes négatives
Évolution

• Le + vers une régression totale des symptômes qui constituent le syndrome commotionnel en 7 à
10 jours chez l’adulte, de façon plus prolongée chez l’enfant.

• Ces délais cliniques sont liés aux symptômes alors qu’un déficit des performances
neuropsychologiques peut persister après l’arrêt des symptômes. Il faut donc souligner
l’importance d’une évaluation neurologique même si l’athlète se déclare “normal”.

• Certaines formes de commotion se déclarent quelques heures ou jours après l’événement initial.
Ce sont les formes évolutives qui demandent, d’une part, de répéter les évaluations
neurologiques au moins jusqu’à 48 h après l’événement pour permettre d’en faire le diagnostic et,
d’autre part, de s’abstenir d’exclure le diagnostic le jour même de l’événement traumatique sous
prétexte que l’évaluation initiale est normale.

• Le repos prolongé jusqu’à la résolution complète des symptômes n’est plus recommandé : après
une brève période de repos initial de 48 heures, l’introduction précoce d’activités cognitives et
physiques légères peut être initiée tant qu’elles ne se soldent pas par une exacerbation des
symptômes.
Stratégie de reprise du sport progressive

• Pour les enfants (moins de 18 ans), il est recommandé de ne démarrer le protocole de


reprise du sport par paliers que si le retour aux activités scolaires s’est passé sans
difficulté
Stratégie de reprise du sport progressive

• Reprise de la compétition variable selon les fédérations :

• Par ex : rugby :

• 1ere commotion :10 jours minimum,

• 2eme commotion dans les 12 mois : 21 jours,

• 3eme commotion dans les 12 mois : 90 jours ;

• pour les <18 ans : 1ere commotion : 23 jours

• FFF : selon les 6 paliers. Pas de délai minimum


Complication

• Complication à court terme :

• Altération de la performance sportive (allongement du temps de réaction)

• Autre blessure (50 % d’augmentation de risque de blessure après une


commotion)

• Risque de survenue d’une nouvelle commotion dans un temps rapproché

• Syndrome du second impact (décès dans 50% des cas) : entité très rare et
controversée, dont la physiopathologie est mal comprise (désautorégulation
du système vasculaire qui conduit à un oedème cérébral après le second choc,
car le cerveau ne peut pas compenser l’oedème en diminuant le flux sanguin),
mais dont les conséquences neurologiques peuvent être majeures (séquelles
neurologiques graves, voire décès)
Complication

• Complication à moyen terme :

• syndrome post-commotionnel (Persistance d’au moins 3


symptômes au-delà d’1 mois : céphalées, vertiges, fatigue, troubles
du sommeil, troubles de la concentration…)

• Développement d’une sensibilité accrue aux impacts

• Complications tardives des commotions :

• Syndrome démentiel

• Dépression

• Chronicité des problèmes neurologiques (maux de tête, troubles


visuels, troubles de l’équilibre, troubles de la mémoire)

• Encéphalopathie chronique post traumatique


Mesures préventives ?

• Les équipements de protection comme les protège-dents ou les casques de protection


n’ont pas scientifiquement démontré d’efficacité dans la prévention de survenue de la
commotion cérébrale.

• Toutefois, ils permettent une protection contre les lésions du massif facial et dentaire (avec
les protège-dents par exemple).

• Il peut être intéressant de surveiller l’apparition du risque paradoxal de sensation de


sécurité véhiculée par le casque. En effet, le joueur peut changer son comportement de jeu,
en prenant plus de risques, car il se sent protégé par son matériel, et augmenter son risque
de commotion.

• Le changement des règles et leur adaptation pour diminuer l’incidence et la sévérité des
commotions sont probablement les facteurs de prévention les plus efficaces.

• Respect des règles et du fair-play

• Éducation thérapeutique et la diffusion des informations concernant les commotions au

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