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Article original

Ann Biol Clin 2015 ; 73 (2) : 158-64

Accumulation de la protéine p53 et surexpression


du récepteur HER3 dans le cancer colorectal
Accumulation of p53 protein and overexpression of the HER3 receptor
in colorectal cancer

Siham Amsaguine1 Résumé. Chez les patients atteints du cancer colorectal, l’accumulation
Sara El Mhaia1 nucléaire de p53 est souvent liée à un mauvais pronostic ainsi qu’à une résis-
Houda Drissi tance à la chimiothérapie. La surexpression de HER3 est associée à un pronostic
défavorable et à la résistance à la thérapie ciblant l’EGFR. Notre étude est réa-
Chrifa Amer1
lisée sur des échantillons de 16 adénocarcinomes colorectaux, les pièces fixées
Mohammed Ahallat2 dans le formol sont enrobées dans la paraffine. L’étude de l’expression de p53 et
Najat El Amrani1 de HER3 est réalisée par une technique immunohistochimique. L’étude immu-
Driss Radallah1 nohistochimique de l’expression de p53 a révélé une accumulation nucléaire de
1 Equipe « Signalisations cellulaires et cette protéine dans 87 % des adénocarcinomes colorectaux analysés. Concer-
pathologies associées », Laboratoire nant le récepteur HER3, une surexpression a été observée dans 56 % des cas.
biologie et santé, URAC 34, Université Globalement, 50 % des cas co-expriment p53 et HER3, marqueurs importants
Hassan II, Faculté des sciences Ben
M’sik, Casablanca, Maroc du cancer colorectal car ils informent sur les caractéristiques biologiques dis-
<amsaguine.siham@gmail.com> tinctives des tumeurs. La valeur pronostique et prédictive de l’association de
2 Service de chirurgie, Centre ces deux marqueurs pourrait en faire un outil clinique important.
hospitalier Ibn Sina, Rabat, Maroc
Mots clés : cancer colorectal, protéine p53, récepteur HER3, marqueurs tumo-
raux, immunohistochimie, valeur pronostique

Abstract. In patients with colorectal cancer, nuclear accumulation of p53 is


often associated with poor prognosis and resistance to chemotherapy. Overex-
pression of HER3 is associated with poor prognosis and resistance to therapy
targeting EGFR. Our study was performed on 16 samples of colorectal ade-
nocarcinomas. The pieces fixed in formalin were embedded in paraffin. The
study of the expression of p53 and HER3 is performed by immunohistoche-
mical technique. Immunohistochemical study of the expression of p53 showed
nuclear accumulation of this protein in 87% of colorectal adenocarcinomas ana-
lyzed. Regarding the HER3 receptor overexpression was observed in 56% of
cases. Overall, 50% of the cases co-expressed p53 and HER3. HER3 and p53
are important markers of colorectal cancer because they provide information
about the distinctive biological characteristics of tumors. The prognostic and
predictive value of the combination of these two markers could be an important
clinical tool.

Article reçu le 14 avril 2014,


Key words: colorectal cancer, p53, HER3 receptor, tumor markers, immuno-
accepté le 30 juin 2014 histochemistry, prognostic value

La fréquence et le taux de mortalité du cancer colorectal diale du CCR montre une grande disparité avec des taux
doi:10.1684/abc.2015.1027

(CCR) en ont fait un centre d’intérêt pour la recherche cli- d’incidence plus élevés dans les zones développées et des
nique et fondamentale. Il s’agit de la quatrième cause de taux plus bas dans les zones défavorisées comme l’Afrique
décès par cancer dans le monde [1]. La répartition mon- [2]. L’incidence du CCR est comparable dans les trois pays
du Maghreb (Maroc, Tunisie et Algérie) [3], mais reste plus
Tirés à part : S. Amsaguine faible que celle des pays occidentaux. Au Maroc, selon les
Pour citer cet article : Amsaguine S, El Mhaia S, Drissi H, Amer C, Ahallat M, El Amrani N, Radallah D. Accumulation de la protéine p53 et surexpression du récepteur
158 HER3 dans le cancer colorectal. Ann Biol Clin 2015 ; 73(2) : 158-64 doi:10.1684/abc.2015.1027
Protéine p53 et récepteur HER3 dans le cancer colorectal

données du registre des cancers de la région du Grand Casa- à l’activité kinasique de son partenaire. L’hétérodimère
blanca [4], le CCR occupe la 3e place chez l’homme et la formé par l’HER3 est une unité de signalisation hautement
4e chez la femme avec une incidence en hausse durant les fonctionnelle ayant un rôle central dans la médiation de la
dernières années. voie de signalisation phosphoinositol 3-kinase-Akt. HER2
Le CCR a fait l’objet de nombreuses études qui ont permis qui est un récepteur sans ligand spécifique s’hétérodimèrise
de découvrir plusieurs marqueurs tumoraux ayant des rôles préférentiellement avec HER3 activé par ses ligands NRG
plus ou moins importants [5]. Dans le présent travail, nous (neurégulines). Dans le cas de l’hétérodimère HER3/HER2,
nous sommes intéressés à deux marqueurs : la protéine l’intensité du signal est maximale car ce dernier active plus
p53 et le récepteur des facteurs de croissance épidermiques longtemps la voie de transduction du signal qui conduit à la
HER3. prolifération et à la migration cellulaire [17]. L’activation
La protéine p53, codée par un gène suppresseur de tumeur, anormale des récepteurs HER ou leur surexpression, jouent
est un facteur de transcription qui répond à différents types un rôle important dans l’initiation et la progression de
de stress cellulaires en régulant l’expression de gènes impli- nombreuses tumeurs [18]. Les fonctions oncogéniques des
qués dans de nombreux processus comme l’arrêt du cycle, récepteurs HER1 et HER2 ont été démontrées par un grand
la réparation de l’ADN et l’apoptose [6, 7]. nombre d’études qui ont constitué la base pour le déve-
p53 de type sauvage est maintenue à des niveaux faibles loppement de thérapies ciblées cliniquement efficaces. Par
dans la plupart des cellules où elle est presque indétectable contre, le mécanisme oncogénique de HER3 reste encore
à cause de sa demi-vie extrêmement courte (20 à 30 min) obscur et mal connu. Des données récentes provenant prin-
[8] et de la régulation négative par l’ubiquitine ligase cipalement de modèles expérimentaux semblent désormais
Mdm2. Le gène codant Mdm2 est lui-même un gène cible impliquer HER3 dans la pathogenèse de plusieurs types
de p53, créant ainsi une boucle de rétroaction négative [9]. de cancer [16]. Dans le CCR, l’expression de HER3 a été
Les nombreuses études réalisées sur p53 ont montré que associée à un mauvais pronostic [19] et à la résistance à la
des mutations du gène codant sont présentes dans plus de thérapie ciblant l’EGFR (HER1) [20].
50 % de toutes les tumeurs malignes humaines ; il s’agit HER3 et p53 sont des deux marqueurs tumoraux dont
de l’événement génétique le plus courant dans le cancer la valeur pronostique et prédictive pourrait être impor-
[10]. Le gène p53 subit des mutations ou des délétions tante dans le cancer colorectal. Notre travail a pour
conduisant à l’inactivation de la protéine p53 et à son objectif l’étude de l’expression de HER3 et de p53 dans
accumulation nucléaire [11]. Ce type d’altérations a été des tumeurs colorectales malignes par une technique
associé au développement et à la progression du cancer immunohistochimique.
colorectal [12]. Chez les patients atteints de CCR, les
mutations du gène p53 sont souvent liées à une agressivité
tumorale et à un mauvais pronostic [13], ainsi qu’à une Patients et méthodes
résistance à la chimiothérapie [14].
Les récepteurs des facteurs de croissance épidermiques Échantillons tumoraux
humains (HER) sont des récepteurs à activité tyrosine Notre étude est réalisée sur des échantillons de tissus de
kinase qui appartiennent à une famille composée de quatre 16 adénocarcinomes colorectaux provenant du service de
membres homologues (EGFR/Her1/erbB1, Her2/erbB2, chirurgie, du Centre hospitalier Ibn Sina de Rabat. Les
Her3/erbB3 et Her4/erbB4). Ils partagent une structure pièces d’exérèse récupérées lors de résections curatives
commune, avec un domaine extracellulaire de liaison au sont fixées dans le formol ; elles sont ensuite rincées,
ligand, un domaine transmembranaire et un domaine tyro- déshydratées dans des bains d’alcool de titre croissant puis
sine kinase cytoplasmique [15]. Ces récepteurs montrent incluses dans la paraffine.
une interdépendance l’un de l’autre et une complémentarité
dans leur fonctionnement constituant une caractéristique Coloration hématoxyline éosine
particulière de leur activité. La liaison du ligand à
Des coupes de 5 ␮m sont réalisées par un microtome à partir
ces récepteurs induit la formation d’homodimères ou
de chaque échantillon, puis sont colorées par la technique
d’hétérodimères, et active ainsi de nombreuses voies de
hématoxyline éosine. Ceci permet de choisir des tissus dont
signalisation en aval qui régulent des processus divers
la qualité de fixation est suffisante pour une analyse immu-
incluant la différenciation, la migration, la prolifération et la
nohistochimique.
survie cellulaires. Le récepteur HER3 possède un domaine
tyrosine kinase inactif, son activité biologique nécessite
donc son hétérodimérisation avec un autre récepteur de la Analyse immunohistochimique
même famille, HER1 ou HER2 [16]. En association hété- Les échantillons sélectionnés sont débités en coupes sériées
rodimérique, HER3 est capable d’activer un signal grâce de 5 ␮m qui sont montées ensuite sur des lames adhé-

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sives (Superfrost plus). Les coupes sont déparaffinées dans Tableau 1. Accumulation de p53 dans les adénocarcinomes.
le toluène puis hydratées par le passage dans des bains
d’alcool de titre décroissant puis dans l’eau courante. Pour Effectif Pourcentage
bloquer les peroxydases endogènes, les coupes sont incu- Positif + 2 14,2
bées dans un bain d’eau oxygénée à 3 % pendant 10 min. Positif ++ 8 57,14
Positif +++ 4 28,57
Le démasquage par la chaleur des sites antigéniques se fait
par l’incubation des coupes dans du tampon Tris EDTA
(pH 9) dans un four à micro-onde à 500 W pendant 15 min. Tableau 2. Surexpression de HER3 dans les adénocarcinomes.
Les réactions non spécifiques sont minimisées par une incu-
bation avec un agent bloquant (UtraTech HRP) pendant 5 Effectif Pourcentage
min. Les coupes sont ensuite incubées pendant une heure Score 1 5 55,5
dans une chambre humide avec l’anticorps monoclonal anti- Score 2 3 33,3
HER3 (souris anti-humain Dako) à une dilution de 1:50 Score 3 1 11,1
dans du tampon PBS, ou avec l’anticorps monoclonal anti- Score 4 0 0
p53 (souris anti-humain DakoCytomation) à une dilution de
1:50 dans du tampon PBS. Le système de détection strepta-
vidine biotine (Ultra Tech HRP) est utilisé pour la détection trois marquages membranaire, cytoplasmique et nucléaire,
des réactions anticorps-antigènes. Le marquage visualisé à que le marquage soit localisé dans la même cellule ou dans
l’aide de la 3,3’-diaminobenzidine est légèrement contrasté des groupes différents de cellules tumorales.
par un passage dans l’hématoxyline de Harris. Les coupes
déshydratées par l’alcool et éclaircies par le toluène sont
montées entre lame et lamelle puis observées par un micro- Résultats
scope optique « Leica » muni d’un appareil photo de haute
définition. Accumulation nucléaire de p53
Des contrôles négatifs ont été effectués simultanément
en traitant les coupes de la même manière sans rajou- Sur les 16 cas d’adénocarcinomes Lieberkuhniens analy-
ter d’anticorps primaires anti-p53 ou anti-HER3. Des sés, 14 montrent une accumulation nucléaire de p53 (87 %).
coupes de tumeurs colorectales connues pour leur marquage Le marquage est exclusivement nucléaire dans tous les cas
positif p53 ou HER3, ont été incluses comme contrôle positifs (tableau 1). Les noyaux marqués sont localisés
positif. dans les cellules épithéliales des glandes de Lieberkuhn
(figure 1). Les cellules du stroma ne présentent pas de
Évaluation de l’accumulation nucléaire de p53 marquage. La plupart des tissus marqués correspondent à
des tumeurs bien ou moyennement différenciées (86 %) et
L’évaluation semi-quantitative de l’accumulation nucléaire appartiennent aux stades I (21 %), II (50 %) ou III (28 %)
de p53 se fait par l’estimation de la proportion des noyaux (tableau 3).
marqués sur une coupe tumorale selon un score allant de 0
à 3+. Les coupes dans lesquelles l’accumulation nucléaire
Surexpression de HER3
a été identifiée dans moins de 10 % des cellules tumo-
rales, sont considérées comme négatives. Sont considérées Sur les 16 adénocarcinomes analysés par immunohistochi-
comme positives, les coupes montrant des noyaux marqués mie, 9 cas se sont révélés positifs à l’HER3 (56 %) (tableau
dans plus de 10 % des cellules tumorales (10 à 30 % : + , 2). Dans les cas positifs, l’immuno-marquage est d’intensité
31 à 50 % : ++, > 50 % : +++) [21]. variable, il n’est pas observé dans toutes les glandes et il
n’est pas uniforme. Il est observé au niveau membranaire,
Évaluation de l’expression HER3 cytoplasmique ou nucléaire (figure 2). Tous les tissus HER3
positifs correspondent à des tumeurs bien ou moyennement
L’évaluation de l’expression de HER3 se fait d’une manière différenciées et appartiennent aux stades I (22 %), II (67 %)
semi-quantitative. Les coupes marquées ont été évaluées ou III (11 %) (tableau 3).
en utilisant le score Rajkumar [22]. Les scores 0 à 4 sont
attribués en fonction du pourcentage des cellules marquées
(score 0 : nombre de cellules tumorales marquées < 10 %, Co-expression de p53 et HER3
score 1 : 10 à 25 % de cellules marquées, score 2 : 26 à Globalement, sur les 16 cas étudiés, 8 cas co-expriment p53
50 % de cellules marquées, score 3 : 51 à 75 % de cellules et HER3, soit 50 % des cas. Sur les 14 cas p53 positif, 8 cas
marquées, score 4 : nombre de cellules marquées > 75 %). (57 %) sont HER3 positifs, alors que sur les 9 cas HER 3
Les tumeurs ont été considérées comme positives pour les positifs, 8 cas (89 %) sont p53 positifs.

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Protéine p53 et récepteur HER3 dans le cancer colorectal

A B

C D

E F

Figure 1. Mise en évidence de la surexpression de p53 par immuno-histochimie sur des coupes d’adénocarcinomes. A et B : G x100, C,
D, E et F : G x 400. C (positif +), D (positif ++), E et F (positifs +++).

Tableau 3. Corrélation entre l’expression de p53, HER3 et les caractéristiques tumorales.

Nombre d’échantillons tumoraux : 16


P53+ : 14 (87 %) HER3+ : 9 (56 %)
Stade tumoral
I 3 (21 %) 2 (22 %)
II 7 (50 %) 6 (67 %)
III 4 (29 %) 1 (11 %)
IV 0 0
Différenciation tumorale
Bien ou moyennement différenciée 12 (86 %) 9 (100 %)
Peu différencié 2 (14 %) 0

Discussion de nombreuses études visant à déterminer des marqueurs


tumoraux intéressants. Contrairement à p53, peu d’études
Le cancer colorectal représente l’une des principales causes ont été consacrées à l’expression de HER3 dans le CCR.
de décès par cancer. Il a fait l’objet ces dernières années L’étude immunohistochimique de l’expression de p53

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A B

C D

E F

Figure 2. Mise en évidence de la surexpression de HER3 par immnuno-histochimie sur des coupes d’adénocarcinomes observées au
grossissement 400 (A, B, D, E et F) ou 1 000 (C). A et B (score 3) : immuno-marquage membranaire et cytoplasmique, C et D (score 1) :
immuno-marquage cytoplasmique, E (score 2) : immuno-marquage membranaire, F (score 1) : immuno-marquage nucléaire.

menée dans ce travail, a révélé une accumulation nucléaire Une diminution de la survie après résection est observée
de cette protéine dans 87 % des adénocarcinomes colo- chez les patients ayant un CCR et dont les cellules tumo-
rectaux étudiés. Nos résultats concordent avec les travaux rales montrent une accumulation nucléaire de p53 [26].
d’autres équipes qui ont observé un pourcentage impor- La résistance à la chimiothérapie a été associée aux muta-
tant d’adénocarcinomes colorectaux p53 positifs [13, 23]. tions du gène p53, car la protéine p53 inactive n’induit plus
Cette accumulation est expliquée par des mutations ponc- l’apoptose des cellules dont l’ADN a été endommagé [14].
tuelles conduisant à la stabilisation de la protéine et donc à L’analyse de l’expression de HER3 par immunohistochi-
l’allongement de sa demi-vie de 20-30 minutes à plusieurs mie nous a permis de détecter une surexpression de HER3
heures [24]. Par ailleurs, la mutation du gène p53 casse la dans 56,25 % des adénocarcinomes colorectaux analysés.
boucle de rétroaction responsable de la régulation néga- Nos résultats sont proches de ceux d’autres auteurs [27]
tive de p53 par Mdm2 [25]. Le statut de p53 est important qui ont identifié une surexpression de HER3 dans 52 %
pour évaluer le pronostic des patients ayant un CCR [13], des cas étudiés. L’immuno-marquage est observé au niveau
ainsi que pour prédire leur réponse à la chimiothérapie. membranaire, cytoplasmique et nucléaire. Une expression

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Protéine p53 et récepteur HER3 dans le cancer colorectal

de HER3 au niveau membranaire et cytoplasmique a été nostic des patients et donnent des informations précieuses
reportée par certaines équipes [28, 29] dans près de 89 % pour le choix d’une thérapie. La valeur pronostique et pré-
des carcinomes colorectaux analysés. Par contre, d’autres dictive de l’association de ces deux marqueurs pourrait en
travaux ont mentionné une expression de HER3 principale- faire un outil clinique important. HER3 pourrait également
ment cytoplasmique dans 69 % [22] et 78 % des cas [30], ou être une cible moléculaire intéressante pour le développe-
une expression exclusivement membranaire dans 36 % des ment d’une nouvelle thérapie ciblée.
cas [31]. La surexpression membranaire de HER3 observée
dans notre étude, correspond probablement à une altération Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de
activatrice du gène codant ce récepteur [27]. Le marquage lien d’intérêt en rapport avec cet article.
cytoplasmique détecté dans les adénocarcinomes analysés,
atteste d’une accumulation de HER3 qui pourrait être due à
un dysfonctionnement du processus de régulation négative
Références
de HER3. Dans les cellules normales, cette régulation se
fait par une internalisation des complexes récepteur/ligand 1. Ferlay J, Shin HR, Bray F, Forman D, Mathers C, Parkin DM. Estimates
par endocytose. Ensuite, les récepteurs sont triés dans les of worldwide burden of cancer in 2008 : Globocan 2008. Int J Cancer
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le recyclage, soit vers les protéasomes pour la dégrada- 2. Segnan N, Patrick J, von Karsa L, European commission. European gui-
tion. Le processus d’internalisation ainsi que l’adressage delines for quality assurance in colorectal cancer screening and diagnosis,
First edition. Luxembourg : Publications Office of the European Union,
des récepteurs vers la dégradation nécessite une ubiquitina- 2010.
tion [32]. Il a été démontré qu’une ubiquitination incorrecte
des récepteurs HER peut entraîner une baisse importante de 3. Trabelsi O, Hassair M, Haout K. le cancer du côlon. Étude de 153 cas
et comparaison avec une série historique de 140 cas. Tunisie Médicale
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Un tel mécanisme a été corrélé avec un renforcement du
développement tumoral [33]. 4. cCRC. Registre des Cancers de la Région du grand Casa-
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La localisation nucléaire de HER3 observée dans notre tra- site_media/uploaded_files/RCRC_-_28_mai_2012.pdf.
vail a été rapportée par très peu de travaux. HER3 a été
détecté dans le noyau de lignées cellulaires du cancer du 5. Gurzu S, Szentirmay Z, Jung I. Molecular classification of colorec-
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sein [34] et de la prostate [35], ainsi que dans des cellules 2013 ; 54 : 241-5.
de cancer du poumon [36]. Cette localisation atteste d’une
translocation de HER3 vers le noyau où il jouerait le rôle 6. Vogelstein B, Lane D, Levine AJ. Surfing the p53 network. Nature
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d’un facteur de transcription [37].
Nos résultats suggèrent que le récepteur HER3 pourrait 7. Riley T, Sontag E, Chen P, Levine A. Transcriptional control of human
jouer un rôle important dans l’oncogenèse en particulier p53-regulated genes. Nat Rev Mol Cell Biol 2008 ; 9 : 402-12.
en agissant de concert avec HER2. Malgré le nombre 8. Reich NC, Levine AJ. Growth regulation of a cellular tumor antigen,
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cancer colorectal, il a été démontré néanmoins que sa sur-
9. Poyurovsky MV, Prives C. Unleashing the power of p53 : lessons from
expression est associée à un mauvais pronostic [19] et à mice and men. Genes Dev 2006 ; 20 : 125-31.
une résistance aux inhibiteurs des récepteurs HER1 (anti-
EGFR) [20]. Cette résistance est probablement due au lien 10. William A. Freed-Pastor and Carol Prives. Mutant p53 : one name,
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entre HER3 et la voie AKT qui confère des capacités onco-
géniques à ses partenaires actifs de la famille HER [38]. 11. Hahn WC, Weinberg RA. Modelling the molecular circuitry of cancer.
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