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Ohadata D-05-24

L’AVIS A TIERS DETENTEUR ET

LE NOUVEAU DROIT DES AFFAIRES OHADA*

Par jean GATSI, Chargé de cours à l’Université de Douala.

NB. Au moment où je terminais cette étude, j'ai appris le décès du Professeur Josette NGUEBOU
TOUKAM, la grande sœur. Je lui dédie ce modeste travail qu'elle aurait eu grand plaisir à relire, comme
elle savait bien le faire pour tous ceux qui le lui demandaient. "Professeur JOSETTE", nous
continuerons à défendre tes idées de justice.

1 - Introduit en droit français par la loi du 12 novembre 1908, l’avis à tiers détenteur est
une procédure qui permet au Trésor public de recouvrer les impôts dus par un
contribuable en adressant une simple demande aux débiteurs de ce dernier ou, à toute
personne qui détient des sommes d’agent pour son compte. Avec cette procédure,
paradigme de la puissance publique, l’administration fiscale dispose d’un moyen d’action
simple et rapide, d’une extrême efficacité et peu onéreux1. A la vérité, il s’agit d’une arme
redoutable qui permet à l’administration de court-circuiter les autres créanciers dans un
concours d’oppositions ou de contourner la procédure collective ouverte contre le
redevable.

2 - Sensibles à l’efficacité de cette voie d’exécution, les législations africaines l’ont intégré
dans leur contexte fiscal. Seulement, depuis quelques années, les Etats africains partie au
traité de l’OHADA2 ont opté pour une intégration juridique3. Dans cet objectif, ils se sont
tourné vers l’harmonisation de leurs législations, avec l’adoption de nombreux actes
uniformes, dont l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général4 l’Acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution5, celui portant sur les procédures collectives d’apurement du passif6, et autres.

* Etude en hommage au Professeur Josette NGUEBOU TOUKAM


1 M. COZIAN : L’avis à tiers détenteur en matière de privilège du Trésor : RTD com. 1967, p. 61.
2 L’OHADA, l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires est né le 17 octobre 1993 à Port

Louis en île Maurice. Pour une présentation générale, v. P. G. POUGOUE, Présentation générale et procédure en
OHADA, PUA, 1998.
3 J. ISSA-SAYEGH : L’intégration juridique des Etats africain dans la zone franc, Pénant, 1997, n° 823, p. 5. H. D.

MODI KOKO BEBEY : L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : regard sous l’angle de la théorie générale
du droit. Rev. d’actualité juridique. www.juriscope.org.
4 J. NGUEBOU TOUKAM : Le droit commercial général dans l’Acte Uniforme OHADA, PUA, 1998.
5 F. ANOUKAHA et A-D. TJOUEN: Les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution en

OHADA, coll. Droit Uniforme, PUA, 1999.

1
Désormais, l’avis à tiers détenteur se heurte à l’esprit de ces nouvelles législations, et les
conflits ne manquent pas de surgir. Se pose dès lors la question du sort de l’avis à tiers
détenteur dans le cadre des procédures collectives. En d’autres termes, il s’agit de mesurer
l’impact de la réforme de l’OHADA sur ce privilège spécial reconnu au trésor public.

3 - La question n’est pas dénuée d’intérêt. En effet, la mise en œuvre de la procédure née
de l’avis à tiers détenteur avait pour objectif d’accélérer les procédures de recouvrement
fiscal, rendant ainsi redoutables, voire redoutées les offensives de l’administration. Par
ailleurs, avec l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution, tout citoyen dispose désormais, notamment à
travers la saisie-attribution7, d’une voie de recouvrement aussi accélérée que celle qui jadis
était de l’exclusivité du fisc. Autant dire que les procédures accélérées de recouvrement
des créances sont de nature à poser des problèmes particuliers au regard de la spécificité
du nouveau droit des affaires OHADA. Le sort de l'avis à tiers détenteur n'est plus
nécessairement celui imaginé par le législateur au moment de son instauration.

Pour mieux cerner le sort nouveau de l'avis à tiers détenteur, celui résultant des
dispositions portant organisation en Afrique du droit des affaires, il convient de placer le
privilège étatique dans le cadre général des voies d’exécution (I) avant de mettre l’accent
sur la place particulière qui lui est désormais réservée dans le cadre des procédures
collectives OHADA (II).

I. LE PARTICULARISME DE L’AVIS A TIERS DETENTEUR DANS LE CADRE GENERAL DES VOIES


D’EXECUTION OHADA

4 - L’institution de l’avis à tiers détenteur avait pour objectif d’accorder au Trésor un


privilège exclusif de nature à le dispenser des formalités lourdes et complexes de la saisie-
arrêt. En effet, le recours à son mécanisme de recouvrement en matière fiscale rendait
redoutables les offensives de l’administration à l’encontre du contribuable récalcitrant.
Avec l’adoption de l’acte uniforme portant sur les voies d’exécution du 10 avril 1998,
l’avis à tiers détenteur semble avoir perdu du terrain, notamment avec la mise en place de
nouveaux mécanismes de recouvrement de sommes d’argent qui permettent à tous les
créanciers de réclamer leur dû dans des conditions similaires à celles qui jadis
appartenaient exclusivement au Trésor public. Dorénavant, ce dernier peut, en sa qualité
de créancier, recourir à plus d'une voie d’exécution de grande efficacité et aux effets
immédiats, de sorte que l'avis à tiers détenteur n’apparaît plus comme une mesure
exorbitante de droit commun. Toutefois, le particularisme de l’avis à tiers détenteur
demeure, tant dans sa mise en œuvre (A) qu’à sa présentation par rapport aux autres
mécanismes de recouvrement de sommes d’argent nées de l’OHADA (B).

6 P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, L’organisation des procédures collectives d’apurement du passif OHADA,


PUA, 1999 ; F. M. SAWADOGO : OHADA, Droit des entreprises en difficulté, Collection droit uniforme africain,
éd. Bruylant, Juriscope , Bruxelles, 2002 ; J. M. NYAMA : Eléments de droit des affaires, Cameroun-OHADA,
Presse de l’UCAC, éd. 2000.
7 La saisie-attribution a un effet attributif (art. 154 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d'exécution). Une telle saisie d'une créance à exécution successive pratiquée à l'encontre de son
titulaire avant la survenance du jugement poursuit ses effets dur les sommes échues en vertu de cette créance après
ledit jugement : Rappr. Cass. com. 10 juillet 1996, D. 996. 625, note P. Ancel, JCP 1997, éd. E. I. 623, n° 11, obs. P. P.

2
A. Le particularisme de l’avis à tiers détenteur tenant à sa mise en oeuvre

5 - La mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur révèle un certain particularisme né de son


originalité. Comme l’a relevé un auteur, il s’agit d’un moyen expéditif de saisies des
créances d’un contribuable qui réalise une véritable expropriation forcée de celui-ci par la
voir d’une novation par changement de créancier8. Dès lors, sa mise en œuvre se doit
d’être canalisée (1) afin que les effets produits soient des plus importants (2).
1) Les conditions de mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur

6 - Nombreuses sont les conditions dont le respect conditionne la mise en œuvre de l’avis
à tiers détenteur. Un regroupement desdites conditions permet de les ranger en conditions
subjectives (a) et objectives (b).
a) Les conditions subjectives de mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur

7 - Les conditions subjectives de mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur sont celles
concernant les parties en présence. La procédure fait en effet intervenir trois personnes, à
savoir le créancier saisissant, le contribuable récalcitrant et le tiers détenteur.

Le créancier saisissant désigne celui qui dispose du droit de saisir les biens de son débiteur
défaillant9. Dans la mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur, ce droit appartient à l’Etat,
représenté à travers ses administrations10. Le receveur des impôts pourra ainsi mettre en
œuvre la procédure aboutissant à la saisie des biens du contribuable redevable et
défaillent. Le créancier saisissant est toutefois un sujet passif de la procédure.

Le contribuable désigne un redevable des impôts et pénalités ou de frais dont le


recouvrement est garanti par le privilège du Trésor. Car l’avis à tiers détenteur ne vise pas
tout contribuable ; il n’est délivré que contre celui qui n’a pas spontanément acquitté ses
dettes fiscales privilégiées ou qui, suite à la notification de l’avis de mise en recouvrement,
ne s’est pas exécuté après un délai de 15 jours11.

A la différence du débiteur saisi de l’article 47 de l’acte uniforme sur les procédures


simplifiées et les voies d’exécution, la saisie résultant d’un avis à tiers détenteur n’est pas
dirigée contre le contribuable lui-même. Elle est faite en direction des tiers détenteurs,
dépositaires ou débiteurs de sommes d’argent12.
A la suite de ces conditions, la mise en branle de la procédure d’avis à tiers détenteur
dépend de son efficacité, laquelle résulte du respect des conditions objectives.

8 M. COZIAN : préc.
9 Art. 28 de l’acte uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.
10 V. par ex., l’art. L 71 du code général des impôts camerounais qui fonde le droit de l’administration fiscale à mettre

en œuvre l’avis à tiers détenteur.


11 Art. L. 53 du Livre des procédures fiscales camerounais.
12 Art. L 71 du Livre des procédures fiscales camerounais. Selon ce texte, « les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes

appartenant ou devant revenir aux redevables d’impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège
du Trésor sont tenus, sur demande qui leur est faite sous forme d’avis à tiers détenteurs notifié par le receveur d’impôts, de verser en lieu et
place des redevables, les fonds qu’ils détiennent ou qu’ils doivent à concurrence des impositions dues par les redevables ».

3
b) Les conditions objectives de mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur

8 - Les conditions objectives de mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur visent aussi bien
les créances à recouvrer (α) que la procédure elle-même (β).

α) Les conditions relatives aux créances à recouvrer

9 - En vertu de l’article 31 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de


recouvrement et les voies d’exécution, toute personne qui justifie d’une créance certaine,
liquide et exigible peut recourir à une procédure d’exécution forcée13. Ces caractères sont
évidemment requis lorsque l’administration a recours à la procédure d’avis à tiers
détenteur contre un contribuable récalcitrant. Et en application de l’article L 71 du Code
général des impôts camerounais14, seuls les impôts exigibles, c’est-à-dire arrivés à
échéance peuvent être réclamés à un tiers détenteur15.

10 - Reste tout de même la question des impôts dus au titre de la vente d’un fonds de
commerce16. L’on suppose alors que le contribuable récalcitrant vient de vendre son
fonds de commerce. Certes, les fonds provenant de la vente d’un tel fonds doivent, en
application de l’article 125 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial général, être
déposés chez un séquestre (un notaire ou une banque sur un comte spécial ouvert à cet effet). Ces
fonds restent indisponibles pour le temps nécessaire aux créanciers d’exercer leurs droits
d’opposition et de surenchère du sixième17. On se demande alors si l’administration fiscale
peut utiliser la procédure d’avis à tiers détenteur pour exercer un droit d’opposition en
vue du paiement des impôts dus par ce contribuable.

Une telle possibilité, reconnue aux créanciers opposants à l’article 3 alinéa 5 de la loi
française du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce18,
n’a pas été admise par la jurisprudence au profit du Trésor public procédant au
recouvrement forcé par l’avis à tiers détenteur19. Pour les juges, les avis à tiers détenteurs,
même qualifiés d’opposition au paiement du prix de vente du fondes de commerce par
leur auteur, restent soumis aux dispositions combinées du Code général des impôts
relatives à l’exigibilité de l’impôt et l’attribution immédiate de la créance saisie auxquelles
l’article 3 ne déroge pas. De la sorte, agit en violation de ces textes, l’administration qui
procède au recouvrement forcé, par une voie d’exécution entraînant transfert immédiat de
la créance appréhendée dans le patrimoine du Trésor, de sommes dont il est constant
qu’elles n’étaient pas encore exigibles faute d’avoir fait l’objet de mises en recouvrement,

13 Ces caractères de la créance sont appréciées par rapport au droit commun.


14 Ce texte prévoit le recours à l’avis à tiers détenteur pour assurer le recouvrement des impositions dues par le
redevable.
15 Il s’agit des impôts, droits, taxes, pénalités et frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du

Trésor.
16 Sur ce contrat, v. J. NGUEBOU TOUKAM : Le droit commercial général dans l’Acte Uniforme OHADA, préc.,

p. 46 et s.
17 Art. 125 et s. de l’acte uniforme portent sur le droit commercial général. V. J. NGUEBOU TOUKAM, op. cit., p.

50.
18 L’opposition devant intervenir dans les dix jours de la dernière en date des publications légales même si les

créances ne sont pas encore exigibles : art 3 de la loi de 1909, précité.


19 TGI Thonon-les-bains, 15 avril 1997 : Bull. inf. C. cass. 1997, n° 1130 ; V aussi Bourdillat in JCP éd. N 1998, n° 10,

p. 361.

4
et qu’elle ne peut davantage prétendre avoir agi à titre purement conservatoire faute de
justifier d’une créance fiscale certaine à l’encontre de la société débitrice20.

11 - Dans le cadre de l'OHADA, nous pensons que malgré le défaut de précisions


relativement à ce sujet dans l’acte uniforme portant sur le droit commercial général, l’avis
à tiers détenteur pourrait valablement servir de support à une procédure d’opposition
entre les mains du séquestre. Cette position se justifie d’autant plus qu’avec la misère et la
corruption qui gangrènent les sociétés africaines, il y a un grand risque pour
l’administration de ne jamais obtenir le recouvrement des impôts dus une fois que le prix
de la vente du fonds de commerce sera passé entre les mains du contribuable vendeur.
Dans une société où les contribuables ne paient pas spontanément leurs impôts, il est
nécessaire d’admettre des dérogations à certains principes.

C’est d’ailleurs en ce sens que se prononce l’article L 72 du Livre des procédures fiscales
camerounais, qui reprend les dispositions de l’article L 263 Livre français des procédures
fiscales, en étendant les effets de l’avis à tiers détenteur aux créances conditionnelles et à
terme21. En vertu de ce texte, « l’avis à tiers détenteurs a pour effet d’affecter, dès réception, les
sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions quelle que soit la date à laquelle
les créances même conditionnelles ou à terme, que le redevable possède à l’encontre du tiers détenteur
deviennent effectivement exigibles ». Toutefois, il convient de souligner, que si l’avis à tiers
détenteur peut permettre de saisir les créances conditionnelles ou à terme, cela suppose
que lesdites créances existent au moins en germe22 dans le patrimoine du contribuable au
moment où il reçoit l’avis23. Ce qui semble être le cas des sommes provenant de la vente
d’un fonds de commerce, qui existent d’ailleurs déjà dans le patrimoine du débiteur, mais
qui sont indisponibles24, provisoirement, ceci pour permettre aux créanciers d’exercer
leurs droits25.

12 - La détermination des biens et droits saisissables revêt également d’une grande


importance, car les détenteurs des sommes appartenant ou devant appartenir au
contribuable ne peuvent verser au Trésor agissant que les sommes considérées par la loi
comme saisissables, en totalité ou particulièrement. Sur ce point, latitude est laissée aux
Etats parties de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies
d’exécution pour déterminer les créances saisissables26. Quant aux créances insaisissables,
elles comprennent, nous précise l’article 53 de l’acte uniforme précité, notamment les
rémunérations.

20 CE., 28 nov. 1997 : JCP éd. N 1998, n° 15-16, p. 577, note Bourdillat ; RTD com. 1998. 570, obs. Derrupé.
21 C’est le cas des créances nées de la vente d’un fonds de commerce qui ne peuvent entrer entièrement en
possession du contribuable vendeur qu’à l’expiration du délai nécessaire pour faire opposition.
22 S’agissant de la France, l’article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles

d’exécution soumet la validité de la saisie à l’existence de la créance, c’est-à-dire qu’elle soit née dans le patrimoine du
débiteur au moment de la signification de ladite saisie.
23 P. ANCEL, obs. in D. 1996, J., p. 625.
24 L’indisponibilité des fonds ne dure que 30 jours à compter du jour de la parution de la publicité de la vente dans

un journal habilité à recevoir les annonces légales : V. art. 125 et s. de l’acte uniforme portant sur le droit commercial
général.
25 Les conditions de l’opposition sont précisées à l’article 127 de l’acte uniforme précité. Quant au droit de

surenchère, il s’exerce selon les règles prévues aux articles 131 et 132 du même texte.
26 V. art. 51 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.

5
Pour ce qui est du Cameroun, le décret n° 94/197/PM du 9 mai 1994 portant application
de l’article 71 du Code du travail fixe les quotités cessibles et saisissables du salaire,
variables suivant le montant de la rémunération. Il va sans dire que le receveur des impôts
agissant par voie d’avis à tiers détenteur devrait se soumettre aux exigences de la
législation du travail. Et en cas de concours avec d’autres créanciers sur la même portion
saisissable, le Trésor public devrait invoquer son privilège pour se voir accorder la
priorité27.

13 - L’efficacité de l’avis à tiers détenteur suppose que le contribuable soit propriétaire de


la créance saisie entre les mains du tiers par le receveur des impôts28. Cette condition
rejoint celle formulée par l’acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement
et les voies d’exécution qui précise, en son article 50, que les saisies peuvent porter sur
tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers.

L’exigence tenant à la propriété de la créance oblige le receveur des impôts à un minimum


de vérifications. En toute hypothèse, si une contestation arrivait à s’élever, la compétence
du juge judiciaire devrait être retenue, s’agissant de l’examen de la question préjudicielle de
savoir si le la personne atteinte par la voie d’un avis à tiers détenteur est ou non débiteur
du redevable de l’impôt29. Et en cas de réponse négative, la juridiction administrative
devrait déclarer l’avis à tiers détenteur non fondé et ordonner, le cas échéant, que soient
remboursées les sommes versées en l’acquit du contribuable et au préjudice du tiers saisi.
C’est la solution retenue par le Conseil d’Etat30.

14 - Reste le problème des créances transitant par des comptes professionnels (avocats,
notaires, agents immobiliers, syndic31, etc.)32 ou celles se rapportant aux créances déléguées ou
cédées.

S’agissant de la de la première catégorie, les fonds déposés ne faisant pas partie du


patrimoine du professionnel, mais celui de son client, il est admis depuis longtemps, que
la réception d’un avis à tiers détenteur ne saurait justifier un prélèvement au profit de
l’administration33. Un tel prélèvement exposerait le professionnel, tiers-détenteur, à une
condamnation au paiement de dommages-intérêts34. Bien évidemment, cette solution
s’applique aux sommes versées dans les comptes spéciaux des procédures collectives,
réglementés par les articles 45 et 147 alinéa 3 de l’acte uniforme portant sur les procédures

27 Cette priorité n’aurait pas été accordée si le Trésor avait agi autrement, notamment par la voie d’une saisie-
attribution.
28 Art. L 71 du Livre des procédures fiscales.
29 Ordonnance n° 72 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire au Cameroun.
30 Req. 11 mai 1988, n° 28514, Dr. fisc. 1990, n° 22, comm. 1101.
31 Art. 45 et 147 de l’Acte uniforme portant sur les procédures collectives d’apurement du passif.
32 Obligation étant faite pour ces personnes de disposer d’un compte spécial où transitent les fonds remis pour leurs

clients à l’occasion des actes et opérations liés à leur activité.


33 Cass. com., 27 janv. 1992, Liaisons jur. et fisc. 11 mars 1992, n° 473, p. 1, obs. P.-M. Ghislain ; RJDA 5/1992, n°

491 ; CA Paris, 4 juin 1992 : Liaisons jur. et fisc. 22 sept. 1992, n° 370, obs. J. Lamonerie.
34 Ibid. sur l’ensemble de la question, et avant la réforme opérée en France par la loi du 9 juillet 1991, voir Saisies-

arrêts et avis à tiers détenteurs sur les comptes bancaires professionnels, Dr. Fisc. 1986, n° 43, p. 1211.

6
collectives d’apurement du passif. Le receveur des impôts ne pourrait donc valablement
émettre un avis à tiers détenteur et être payé sur ces comptes par le syndic35.

S'agissant des créances cédées, il paraît évident qu’à travers la technique de cession36, le
redevable des impôts cesse d’être propriétaire de sommes qui lui sont dues si elles sont
affectées au paiement d’un autre créancier37. Il en est de même si le contribuable, à travers
le mécanisme de la délégation38, donne l’ordre à son débiteur de verser à un tiers les
sommes qu’il détient et que celui-ci donne son accord39. L’avis à tiers détenteur qui
intervient après la transmission des créances ainsi réalisée ne saurait être suivie d’effets40.

β) Les conditions relatives à la procédure de mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur

15 - La loi française du 12 novembre 1908, tout comme le Code général des impôts
camerounais, ne soumet l’émission de l’avis à tiers détenteur ainsi que la procédure de
recouvrement à aucune règle de fond particulière. C’est la jurisprudence et la pratique qui,
ultérieurement, ont donné des précisions sur les règles procédurales applicables, lesquelles
ont trait à la contrainte préalable et à la double notification.

16 - S’agissant de la contrainte préalable, la question s’est posé, en France de savoir si en


l’absence de formalisme légal, la seule existence d’une créance garantie par le privilège du
Trésor suffisait à valider le recours à l’avis à tiers détenteur, sans qu’il soit nécessaire que
recourir à un avis de mise en recouvrement ou d’une réclamation.

Admettre une telle position aurait contredit l’adage selon lequel « la dette est quérable et non
portable » et aurait été source d’abus de la part de l’administration. Raison pour laquelle il a
été admis d’exiger, préalablement au recours à l’avis à tiers détenteur, un rappel au
contribuable de l’existence de sa dette, comme c’est le cas en matière de saisies-ventes
immobilières avec la phase préalable du commandement de payer41. Le conseil d’Etat a
ainsi refusé d’admettre la régularité d’un avis à tiers détenteur non précédé d’une
contrainte42. Cette exigence a été renforcée par l’obligation d’envoi d’une lettre de rappel
préalable à l’avis à tiers détenteur et au respect d’un délai de vingt jours43 entre la mise en
demeure et l’engagement des poursuites.

35 A noter tout de même qu’au contraire de l’article 45, l’article 147 alinéa 4 de l’acte uniforme sur les procédures

collectives d’apurement du passif donne des directives de solution en disposant qu’aucune opposition sur les sommes
versées sur un compte spécial de la procédure n’est recevable. Sur ce point, infra, n° 64-65; 90 et 96.
36 Art. 1689 et s. C. civ. Sur cette cession, voir A. SERIAUX : Droit des obligations, 2e éd. mise à jour, 1992, n° 169

et s. ; A RIEG : Cession de créances, in Rép. civ.


37 Toutefois, un avis à tiers détenteur adressé par voie postale par l'administration fiscale au débiteur cédé est

opposable au cessionnaire d'une créance dès lors que la date portée sur l'accusé de réception de cet avis par le
débiteur cédé est antérieure à la signification de la cession de créance par le cessionnaire. Sur ce point, v. Cass. com.,
18 déc. 1979 : Bull. civ. IV, n° 343.
38 Art. 1275 du Code civil.
39 Cass. com., 24 juin 1986 : Bull. civ. IV, n° 141.
40 Toutefois, un avis à tiers détenteur adressé par le receveur des impôts au débiteur cédé est opposable au

cessionnaire de la créance dès lors que la signification faite par ce dernier est postérieure à la date portée sur l’accusé
dudit avis par le débiteur cédé : Cass. com. 24 juin 1986, préc.
41 Articles 92 et 93 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées et voies d’exécution.
42 CE., 27 juill. 1984 : Dr. Fisc. 1986, n° 1102, p. 552.
43 Art. L. 255 et L. 258 du Livre des procédures fiscales.

7
17 - Dans la plupart des pays membres de l’OHADA, la pratique consiste à précéder la
procédure d’avis à tiers détenteur d’un avis de mise en recouvrement, et d’accorder un
délai variant entre quinze et vingt jours au contribuable pour s’acquitter de sa dette. On ne
peut dès lors dire qu’il y a abus de la part de l’administration qui a recours à la procédure
d’avis à tiers détenteur.

18 - L’efficacité de l’avis à tiers détenteur suppose encore sa notification, par le receveur


des impôts, aussi bien au redevable qu’au tiers détenteur.

En vertu de l’article L 71 du Livre des procédures fiscales camerounais, l’administration,


représentée par le receveur des impôts, est tenue d’informer le redevable de l’envoi de
l’avis à tiers détenteurs et de lui préciser le tiers concerné. Cette obligation est logique.
Elle permet au contribuable de prendre conscience des risques encourus à la suite de sa
défaillance.
Le défaut de notification au redevable (ou à son mandataire) entraîne la nullité de l’avis à
tiers détenteur émis44. Par ailleurs, l’administration ne saurait se prévaloir des effets
attachés à la notification, lesquels résident dans l’interruption de la prescription et
l’ouverture du délai d’opposition à la poursuite. Enfin, la créance d’impôts de
l’administration peut être atteint par la prescription extinctive45.

La nullité de l’avis à tiers détenteur pour défaut de notification au redevable présente un


intérêt au regard du droit des procédures collectives. En effet, la décision d’ouverture du
redressement judiciaire emporte suspension des poursuites individuelles46. Dès lors, le
Trésor se verra retirer le droit de réitérer la procédure de recouvrement par la voie de
l’avis à tiers détenteur. De la même façon, le défaut de notification laissant courir le délai
de prescription, l’extinction de la créance en résultant devrait interdire au Trésor de
participer à la procédure collective au titre d’un créancier de la masse, la production de sa
créance au passif de ladite procédure lui étant désormais interdite. Toute chose qui permet
d’avancer que la sauvegarde des intérêts de l’administration dépend largement du strict
respect des règles procédurales.

19 - La notification formelle de la procédure de recouvrement au tiers est essentielle pour


qu’elle puisse produire effet47. Cette notification doit se faire par tout document laissant
une trace écrite, telle une lettre recommandée avec accusé de réception48, ou un imprimé
préétabli comportant une partie détachable servant d’accusé de réception. Le respect de ce
formalisme sauvegarde la place de l’administration en cas de contestation sur la date de
réception de l’avis, le Trésor ne pouvant se voir supplanté par un créancier ordinaire eu
égard au privilège conféré au premier saisissant par l’acte uniforme portant organisation

44 Cass. com., 18 nov. 1973 : Bull. Civ. IV, n° 326.


45 V. art. 182 du LPF en vertu duquel « les sommes dues par les contribuables pour les impôts droits et taxes assis ou liquidés en
vertu des dispositions du Code général des impôts sont prescrites à leur profit après un délai de quatre (4) ans suivant la date d’exigibilité
si aucun acte n’est venu interrompre la prescription ».
46 Art. 75 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. V. F. M.

SAWADOGO : op. cit, n° 72 et s. ; P-G. POUGOUE et Y. KALIEU, L'organisation des procédures collectives
d'apurement du passif, préc., n° 152 et s.
47 V. art. L 71 du Livre des procédures fiscales, s’agissant du Cameroun.
48 C’est le cas dans la procédure française. Cf. Instruction D-GI du 4 mars 1974

8
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en matière de saisie-
attribution.

2) Les effets attachés à la procédure d’avis à tiers détenteur

20 - Dans la plupart des cas, les effets résultant de la mise en œuvre de la procédure d’avis
à tiers détenteur sont redoutables pour le contribuable récalcitrant, qui ne peut que les
observer (a). Mais il est des hypothèses où l’inefficacité de la procédure s’affiche, au grand
dam de l’administration (b).

a) L’efficacité de l’avis à tiers détenteur

21 - L’efficacité de la procédure résultant d’un avis à tiers détenteur signifie que le Trésor
public obtient gain de cause, et procède au recouvrement des créances fiscales (α). Mais
dans certaines hypothèses, cette satisfaction du créancier saisissant entraîne elle-même des
conséquences inattendues, dont le déclenchement des procédures collectives du
contribuable saisi (β).

α) Le recouvrement des créances fiscales

22 - L’effet attendu à la suite d’une procédure d’avis à tiers détenteur réside dans la
satisfaction du créancier saisissant, c’est-à-dire le recouvrement des créances fiscales. En
France, cet effet s’est considérablement accrue depuis le principe posé par la loi de
finances rectificative pour 199149 et selon lequel « l’avis à tiers détenteur prévu par les articles L
262 et L 263 du Livre des procédures fiscales comporte l’effet d’attribution immédiate prévu à l’article 43
».

Mais il faut dire qu’avant cette précision, l’effet translatif était déjà prévu à l’article 86 de la
loi du 9 juillet 1991 portant réforme des voies d’exécution. Mais cette transmission n’était
pas immédiate ; le législateur prévoyant que l’avis à tiers détenteur aurait un effet translatif
à l’issue d’un délai de 15 jours réservés au débiteur pour présenter les réclamations. Ce
retard de l’effet attributif de l’avis à tiers détenteur exposait considérablement le Trésor
public qui pouvait, soit se voir primé par d’autres créanciers ayant entamé des poursuites
concomitantes, soit perdre sa priorité si une procédure collective était ouverte dans cet
intervalle.

23 - Cette évolution du droit français a été suivie par certaines législations africaines.
Ainsi, l’article L 72 du Livre des procédures fiscales camerounais prévoit désormais, que
« l’avis à tiers détenteur a pour effet d’affecter, dès réception, les sommes dont le versement est demandé, au
paiement des impositions quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme
que le redevable possède à l’encontre du tiers détenteur, deviennent effectivement exigibles ». Par cette

49 JCP 1992, I. II. 65279.

9
formule, le législateur camerounais, à l’instar de son homologue français, consacre
l’avancement dans le temps de l’effet attributif lié à la procédure d’avis à tiers détenteur50.

24 - La satisfaction du créancier saisissant suppose que les sommes dont dispose le tiers
saisi pour le compte du redevable soient suffisantes pour couvrir le paiement des créances
fiscales. Dans le cas contraire, le recouvrement de la créance ne pourra se faire que
partiellement. En tout état de cause, un tel recouvrement peut entraîner l'ouverture des
procédures collectives contre le contribuable saisi.

β) L’ouverture des procédure collectives contre le contribuable saisi

25 - Dans le cadre de l’acte uniforme portant sur les procédures collectives d’apurement
du passif, le législateur africain n’a pas cité la mise en place d’une voie d’exécution parmi
les causes d’ouverture des procédures. Pourtant, une voie d’exécution, fut-ce par le biais
d’un avis à tiers détenteur, peut, en raison de son ampleur, provoquer la cessation des
paiements d’une entreprise. Car les fonds détenus par le tiers saisi peuvent être d’une
grande utilité pour la poursuite de l’activité de l’entreprise, à tel point que son affectation,
même partielle à l’administration fiscale, crée un important préjudice pour l’entreprise,
dont la cessation des paiements, condition nécessaire et suffisante à l’ouverture du
redressement judiciaire et de la liquidation des biens51.

26 - Dans le cas où un recouvrement forcé par voie d’un avis à tiers détenteur décerné de
façon précipitée entraîne la paralysie financière d’une société, entraînant du même coup la
résiliation du bail et l’expulsion des lieux loués, la responsabilité des services fiscaux peut
être retenue52.
Toutefois, pour qu’une telle responsabilité soit retenue, l’administration fiscale doit avoir
commis une faute53. Selon nous, cette faute ne peut résider dans la simple mise en œuvre
de la procédure de recouvrement, prérogative légale de recouvrement des créances. La
faute génératrice d’un dommage réside généralement dans la précipitation des services
fiscaux, qui n’ont pas laissé suffisamment de temps au contribuable pour s’exécuter.

27 - C’est d’ailleurs le lieu de souligner, que dans une économie africaine en pleine
déliquescence, l’Etat, à travers ses administrations, doit davantage privilégier la mise en
place de mécanismes assurant la survie des entreprises et le maintien de l’emploi. Car
même sans commettre de faute, le Trésor public peut toujours, avec un avis à tiers
détenteur, provoquer des difficultés financières d’une entreprise ou d’un sous-débiteur,
difficultés de nature à entraîner son état de cessation des paiements. Au regard des
conséquences sociales désastreuses pouvant résulter de cette situation, notamment la
liquidation de l’entreprise et la perte de nombreux emplois, les solutions au cas par cas
devraient être privilégiées. Aussi, l’administration fiscale ne devrait pas hésiter à accorder
des délais de paiement s’il apparaît que la le recouvrement forcé par la mise en place d’un
avis à tiers détenteur risque d’entraîner la cessation des paiements de l’entreprise débitrice.
50 P. ANCEL : Les incidences de la réforme des procédures collectives sur l’avis à tiers détenteur, Petites Affiches 6
janvier 1993, p. 38.
51 Art. 25 de l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
52 V. CA. Paris, 21 nov. 1995, D. 1997, p. 64.
53 CE., 11 juill. 1984, RJF 10/1984, n° 1227, Dr. Fisc. 1984, n° 43, comm. 1868.

10
Cela suppose, bien évidemment, que le fisc mette plus de rigueur dans le traitement des
avis à tiers détenteur. Sinon, l'inefficacité de l'avis à tiers détenteur serait de mise.

b) L’inefficacité de l’avis à tiers détenteur

28 - La mise en œuvre de l’avis à tiers détenteur tient à la volonté de l’administration


fiscale de recouvrer rapidement ses créances. Toutefois, cette volonté ne se concrétise pas
toujours ; l'avis à tiers détenteur devient inefficace en raison de certaines difficultés (α) ou
de facteurs (β) dont l’importance mérite d’être soulignée.

α) Les difficultés entraînant l’inefficacité de l’avis à tiers détenteur

29 - L’inefficacité de l’avis à tiers détenteur peut tenir, tout d’abord, aux difficultés de
détermination du tiers détenteur. En effet, en l’absence d’informations fiables, il est
impossible pour l’administration fiscale de déterminer avec précision l’éventuel tiers
détenteur. L’opacité de certaines relations, notamment dans les pays africains où il est
souvent impossible de localiser des individus, et donc le lieu d’exercice professionnel,
complique la tâche d’identification de l’administration fiscale. D’où de nombreuses erreurs
sur le véritable destinataire de l’avis, avec pour corollaire l’impossible recouvrement des
créances fiscales54.

30 - L’inefficacité de l’avis à tiers détenteur peut tenir, ensuite, à un défaut de franche


collaboration des administrations et services destinataires. En effet, la loi ne prévoit
aucune obligation pour le contribuable, d’indiquer à l’administration fiscale le tiers
détenteur. Il y a donc lieu de procéder à des recherches, le plus souvent vaines. Et quand
bien même la détermination du tiers détenteur serait faite, il n’est pas sûr qu’il
communique toutes les informations en sa possession relativement à la créance du
débiteur fiscal poursuivi. En matière bancaire par exemple, les banquiers ne respectent pas
toujours l’obligation qui leur est faite de communiquer, dès réception de l’avis, le solde
des comptes du débiteur. Certains d'entre eux pensent, le plus souvent, à ménager les
intérêts du client, en ne fournissant que des bribes d’informations, ce qui renforce
l'inefficacité de l'avis à tiers détenteur.
β) Les facteurs d’inefficacité de l’avis à tiers détenteur

31 - Nombreux sont les facteurs d'inefficacité de l'avis à tiers détenteur. Ils sont relatifs,
aussi bien aux caractères de la créance fiscale à recouvrer qu'à la procédure même de l'avis
à tiers détenteur.

32 - Les facteurs d'inefficacité relatifs aux caractères de la créance fiscale sont de deux
ordres.

54 En matière d’assurance par exemple, il a été rappelé, que le souscripteur, durant la vie du contrat, n’est nullement
propriétaire des fonds qu’il a versés à définitivement à l’assureur et ne dispose d’aucune créance conditionnelle à son
encontre. Dès lors, l’avis à tiers détenteur délivré contre l’assureur doit être déclaré infructueux : v. Cass. civ. 1re, 2
juillet 2002, n° 99-14-819.

11
D'abord l'exigence du caractère fiscal de la créance à recouvrer, c'est-à-dire la créance
objet de l'avis à tiers détenteur. Cette exigence constitue un handicap sérieux à la
réalisation des objectifs des pouvoirs publics. Il en résulte que toutes les créances du
trésor ne sont pas susceptibles d'être recouvrées par avis à tiers détenteur ; seules le sont
celles qui ont un caractère fiscal.
L'exigence du caractère fiscal de la créance réduit l'assiette de cette voie d'exécution. Or,
en plus des créances fiscales, une immense majorité des créances non fiscales de l'Etat
peuvent être recouvrées par voie d'avis à tiers détenteur, sans que cela ne constitue sa
banalisation. Il en résulte qu'une telle exigence peut être à l'origine de l'alourdissement de
l'ardoise des créances de l'Etat non recouvrées.

Ensuite l'exigence du caractère privilégié de la créance fiscale à recouvrer. Cette exigence


constitue une limitation pouvant rendre inefficace la procédure d'avis à tiers détenteur, en
ce sens que les créances autres que celles-là ne sauraient être recouvrées par avis à tiers
détenteur. Aux exigences et formalités relatives à la publicité du privilège du trésor
s'ajoute la limitation de l'exercice dudit privilège dans un délai qui ne peut pas faciliter sa
mise en œuvre et son corollaire qu'est l'avis à tiers détenteur.
Toutefois, cette exigence semble dépassée. Car toutes les créances fiscales sont
recouvrables par voie d'avis à tiers détenteur. Etant entendu que le privilège du trésor
garantit non seulement le paiement d'impôts, droits, taxes, mais aussi celui des
majorations ou des pénalités liquidées par la direction des impôts et du trésor.

33 - La créance objet de la saisie peut être un facteur de l'inefficacité de la procédure


d'avis à tiers détenteur lorsque, par exemple, le tiers à qui est décerné l'avis est le banquier
ou l'employeur du redevable.
L'inefficacité de l'avis à tiers détenteur adressé à un banquier peut provenir du défaut de
provision sur le compte du redevable. Dans ces conditions, le bénéficiaire de la voie
d'exécution ne saurait être satisfait. Quant à l'employeur du redevable, la saisie des
rémunérations à lui décerné par voie d'avis à tiers détenteur ne peut porter que sur la
quotité cessible et saisissable. Cette limitation de l'assiette de la saisie réduit d'autant
l'efficacité de la procédure mise en œuvre par le receveur des impôts.

B. Le particularisme de l’avis à tiers détenteur par rapport aux autres mécanismes


de recouvrement des créances de sommes d’argent

34 - L'avis à tiers détenteur présente un certain particularisme par rapport eux autres
mécanismes de recouvrement des créances de sommes d'argent. C'est à la suite de la
présentation de ces autres mécanismes de recouvrement des créances de sommes d'argent
(1), nous ferons ressortir ce particularisme (2).

1) Les autres mécanismes de recouvrement de créances de sommes d’argent

35 - De l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées recouvrement et


des voies d'exécution, les principaux mécanismes de recouvrement des créances de
sommes d'argent sont : l'injonction de payer, procédure simplifiée de recouvrement (a) et
les voies d'exécution (b).

12
a) L'injonction
L'injonction de payer : procédure simplifiée de recouvrement des créances

36 - Les procédures simplifiées de recouvrement des créances désignent des mécanismes


ou voies permettant à un créancier d'obtenir rapidement un titre exécutoire55, c'est-à-dire
une décision de condamnation de son débiteur au paiement de sa créance. L'acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution cite principalement l'injonction de payer, qui présentent l'intérêt de mettre à
l'abri des procédures de droit commun les plaideurs souhaitant recouvrer leur dû56.

Cette procédure permet au juge compétent57 de décider, sur simple requête, et après avoir
examiné l'ensemble des documents produits, de délivrer au bénéficiaire un titre exécutoire
contre son débiteur.
Afin d'obtenir rapidement du juge un titre exécutoire, la demande du créancier doit porter
sur le recouvrement des créances certaines, liquides et exigibles58. Il doit s'agir de créances
contractuelles, c'est-à-dire celles résultant d'un accord de volontés59, en sus des
engagements résultant de l'émission ou de l'acceptation d'un effet de commerce60.
Le créancier, dont les droits doivent être garantis, doit saisir, soit la juridiction du lieu du
domicile, soit celle du lieu de résidence effective du débiteur ou l'un d'entre eux en cas de
pluralité de débiteurs61.

La décision du juge peut estimer la requête aux fins d'injonction de payer non fondé ou
partiellement satisfaisante, tout comme elle enjoindre le débiteur de payer son créancier.
Le contenu et les effets de cette décision sont précisés par le juge.
Qu'en est-il des voies d'exécution assurant le recouvrement de sommes d'argent ?
b) Les voies d'exécution assurant le recouvrement de sommes d'argent

37 - Les voies d'exécution désignent les procédures par lesquelles un créancier impayé
saisit les biens de son débiteur afin de les faire vendre et de se faire payer sur le prix ou de
se les faire attribuer. Dans leur mosaïque, la saisie attribution (α) et la saisie des
rémunérations (β) permettent d'assurer le recouvrement de sommes d'argent.

α) La saisie-attribution des créances

55 Les différents titres exécutoires sont précisés à l'article 33 de l'acte uniforme portant organisation des procédures

simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.


56 F. ANOUKAHA et A-D. TJOUEN, Les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution en

OHADA, préc., n° 11 et s.
57 Pour le Cameroun, il s'agit du Tribunal de première instance.
58 Art. 1 de l'acte uniforme précité.
59 Les titulaires de créances délictuelles ou quasi-délictuelles doivent recourir aux procédures de droit commun.
60 Lettres de change, billet à ordre.
61 Les parties peuvent déroger aux règles de compétence territoriale en prévoyant une élection de domicile dans leur

convention : art. 3, al. 2 de l'acte uniforme précité.

13
38 - Cette forme de saisie, qui vient remplacer l'ancienne saisie-arrêt, porte sur des
sommes d'argent que détient un tiers pour le compte du débiteur62.

Le tiers détenteur est celui qui dispose d'un pouvoir propre et n'est pas subordonné. C'est
le cas du banquier, de l'avocat ou du représentant légal du mineur. C'est également le cas
du locataire qui doit, à chaque fin de mois, payer son loyer.
Cette interprétation jurisprudentielle fait que certaines personnes, bien que possédant des
sommes du débiteur, ne peuvent faire l'objet d'une saisie-exécution. Il en est ainsi du
salarié du débiteur ou de son préposé, le premier pour cause de lien de subordination, le
second pour absence de lien autonome. La violation de cette exigence entraîne la nullité
de la saisie, le débiteur pouvant demander et obtenir la mainlevée.

39 - S'agissant des caractères de la créance saisie, les solutions classiques sont consacrées
par l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d'exécution, à savoir : l'exigibilité, la certitude et la liquidité. En plus, la créance
doit figurer sur un titre exécutoire.

Toutefois, une particularité doit être relevée : on admet la saisie d'une créance en germe
dans le patrimoine du débiteur saisi le jour où la voie d'exécution est pratiquée. Cette
possibilité ouvre la voie à la saisie des créances successives dont le titulaire doit se libérer
au fur et à mesure.
La créance objet de la saisie doit être saisissable et exister au jour de la saisie sous peine de
nullité faute d'objet.

40 - La saisie-attribution peut également être pratiquée entre les mains de tout


établissement habilité par la loi à opérer les opérations financières63. Contrairement aux
règles de droit commun, les établissements bancaires et assimilés sont tenus de faire en
leur qualité de tiers saisi, une déclaration provisoire ou une déclaration définitive à
l'huissier ou à l'agent d'exécution.

β) La saisie des rémunérations

41 - L'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et


des voies d'exécution consacre la saisie des rémunérations64. Un créancier simplement
muni d'un acte sous seing privé ne peut engager une telle procédure, le créancier saisissant
devant disposer d'un titre exécutoire.
La créance, cause de saisie des rémunérations, doit être liquide et exigible, et figurer sur un
titre exécutoire. Quant à la créance objet de la saisie, il doit s'agir d'une somme d'argent
due au titre des rémunérations saisissables65.

La saisie de rémunérations ne peut être pratiquée qu'à la suite d'une tentative de


conciliation devant la juridiction compétente du domicile du débiteur. Au Cameroun, il
62 V. art. 153 et s. de l'acte uniforme précité. V. F. ANOUKAHA et A-D. TJOUEN, op. cit., n° 74 et s., et n° 102.
63 Art. 161 et s. de l'acte uniforme précité. S'agissant des comptes, tous sont saisissables à l'exclusion des comptes de
titres.
64 Art. 179 et s.
65 Pour le Cameroun, un décret du 9 mai 1994 réglemente la quotité cessible et saisissable du salaire.

14
s'agit du TPI ou du TGI, selon que le montant de la somme revendiquée est inférieure ou
égale à 5 millions de francs cfa. L'objectif de cette conciliation consiste à trouver un
terrain d'entente entre l'employé saisi et le créancier saisissant. En cas d'échec, on procède
à l'opération de saisie, et celle-ci est diligentée par le greffier de la juridiction compétente.
La notification de l'employeur rend indisponible la quotité saisissable du salaire de
l'employé.

2) Le particularisme de l’avis à tiers détenteur

42 - Le particularisme de l'avis à tiers détenteur s'apprécie par rapport à l'injonction de


payer (a) et aux autres voies d'exécution (2).

a) L'avis à tiers détenteur et l'injonction de payer

43 - L'avis à tiers détenteur se rapproche de l'injonction de payer, dans le sens où les deux
procédures visent le recouvrement des créances. Il s'agit de forcer le débiteur à s'exécuter.
La mise en œuvre des deux procédures s'avère simple, rapide et efficace. Par ailleurs, il
s'agit de procédures peu coûteuses pour le créancier qui y a recours. L'exigence tenant à la
certitude, la liquidité et l'exigibilité de la créance à recouvrer permet au créancier de se
soustraire des lenteurs judiciaires.

44 - Ces rapprochements ne doivent cependant pas faire perdre de vue les différences
notables entre les deux mesures d'exécution. En effet, au regard de l'injonction de payer,
l'avis à tiers détenteur se particularise en ce que la créance cause de la saisie est une
créance fiscale privilégiée, alors que la créance cause d'injonction de payer doit être une
créance d'origine contractuelle.

Par ailleurs, l'avis à tiers à tiers détenteur est une mesure exorbitante de droit commun, au
contraire de l'injonction de payer qui est une procédure essentiellement judiciaire. Cette
situation fait du créancier agissant par la voie d'injonction de payer un créancier moins
privilégié que l'administration fiscale.

Enfin, s'agissant des mécanismes, la procédure d'injonction de payer met en présence trois
personnes, alors que dans la procédure d'avis à tiers détenteur fait intervenir
essentiellement deux personnes : l'administration fiscale et le tiers détenteur.

b) L'avis à tiers détenteur et les autres voies d'exécution

45 - Il existe une variété de voies d'exécution permettant le recouvrement des créances. Si


elles visent uniquement à rendre les biens saisis indisponibles, les mesures sont dites
conservatoires. En revanche, s'il s'agit de vendre le bien ou de l'attribuer au créancier
saisissant, on parlera de saisie aux fins d'exécution. Nous intéressant au recouvrement
forcé de sommes d'argent, seule cette dernière catégorie sera l'objet de nos
préoccupations. Dans ce cadre, nous examinerons le caractère particulier de l'avis à tiers
détenteur par rapport la saisie-attribution (α) et la saisie des rémunérations (β).

15
α) La spécificité de l'avis à tiers détenteur par rapport à la saisie attribution

46 - L'appréhension de la créance du débiteur constitue la finalité de l'avis à tiers


détenteur et de la saisie-attribution, et les procédures y afférentes se veulent aussi rapides.
Se pose dès lors la question de savoir si l'institution de la saisie attribution par la réforme
des procédures civiles d'exécution fait perdre à l'avis à tiers détenteur son caractère de
procédure exorbitante de droit commun.

Il faut le reconnaître : l'institution de la saisie-attribution ne diminue pas en soi les effets


de l'avis à tiers détenteur, et elle n'atteint pas les prérogatives qui, jadis, pouvaient
permettre au Trésor de l'emporter sur les autres créanciers.
Toutefois, la question se pose pour ce qui est des conditions de mise en œuvre de la
saisie-attribution au regard de l'effet immédiat qui lui est attachée. Car sous l'empire de la
saisie-arrêt, aujourd'hui remplacée par la saisie-attribution, l'avis à tiers détenteur était
regardé comme une procédure exorbitante de droit commun, en ce sens que
l'administration fiscale pouvait agir dans des conditions de rapidité et de simplicité peu
onéreuses et efficaces66. Il s'agissait d'un privilège d'exécution et de recouvrement ;
l'administration était seule à pouvoir agir efficacement et, même, court-circuiter les
créanciers en cas de pluralité de saisies.

47 - Avec la réforme instituant la saisie-attribution, le privilège né de l'avis à tiers


détenteur paraît amoindri, comme semblent le montrer les conditions de mise en œuvre
de la saisie-attribution67 et ses effets.
Dorénavant, la saisie-attribution, étendue à tous les créanciers, constitue une véritable
procédure d'exécution entre les mains d'un tiers. Au même titre que l'avis à tiers
détenteur, la saisie-attribution est assortie de l'effet translatif immédiat68, l'acte uniforme
faisant opérer le transfert de propriété dès la notification de l'exploit de saisie-
attribution69.

48 - Cette situation est de nature à fragiliser les droits du Trésor mis en œuvre dans le
cadre d'un avis à tiers détenteur. Nous n'irons cependant pas jusqu'à affirmer qu'avec
l'avènement de la saisie-attribution, l'administration agissant par voie d'avis à tiers
détenteur est dans une situation moins privilégiée qu'avant. Toutefois, elle doit faire face à
une sérieuse concurrence. Car les effets de l'avis à tiers détenteur sont exactement les
mêmes que ceux de la saisie-attribution. La reconnaissance de l'effet attributif aussi bien à

66 Le titulaire de la créance fiscale était donc dispensé de formalités plus lourdes et complexes de la saisie-arrêt. Car il
fallait d'abord bloquer entre les mains du tiers saisi les sommes ou objets mobiliers corporels avant de se faire
attribuer les sommes ou objets mobiliers ainsi bloqués.
67 Supra, n° 39.
68 Dans l'ancienne saisie-arrêt, le transfert de propriété n'intervenait qu'à partir du jugement de validité ou de

mainlevée.
69 La situation est identique pour la procédure d'avis à tiers détenteur.

16
l'une comme l'autre procédure constituerait une sorte de banalisation de l'avis à tiers
détenteur70.

Avec l'avènement de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de


recouvrement et des voies d'exécution, on dénote donc un signe de l'effritement des
prérogatives qui jadis permettaient au Trésor de l'emporter aisément sur les autres
créanciers.

49 - Reste la question de savoir si l'administration peut désormais, comme tout créancier,


recourir à la saisie-exécution pour obtenir le paiement de ses droits, au lieu de faire appel
au mécanisme d'avis à tiers détenteur. Certes, un tel recours n'est pas interdit. Mais il est à
déconseiller, notamment en raison du caractère extra-judiciaire de l'avis à tiers détenteur
qui lui confère un privilège certain sur la procédure judiciaire de la saisie-attribution. Par
ailleurs, pour procéder au recouvrement par voir d'avis à tiers détenteur, le receveur des
impôts n'a pas besoin de recourir au juge ; il suffit que certaines conditions soient réunies.
Ce détail peut être déterminant par rapport à l'institution du privilège du premier
saisissant71. Ce privilège, institué par l'acte uniforme sur les voies d'exécution, est une
innovation fondamentale. Dans la plupart des cas, la rapidité de la procédure
extrajudiciaire fera en sorte que l'administration fiscale soit le premier saisissant, et donc
bénéficiaire d'un privilège sur les autres saisissants.

β) La spécificité de l'avis à tiers détenteur par rapport à la saisie des rémunérations

50 - Le salaire d'un citoyen donné peut faire l'objet d'une saisie, soit par voie d'avis à tiers
détenteur72, soit par voie de saisie des rémunérations. Dans ce cas se posera
nécessairement la question du particularisme de celui-ci par rapport à celle là.

51 - L'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et


des voies d'exécution impose au créancier qui veut procéder à la saisie des rémunérations
une phase préalable de conciliation73.

Une telle conciliation n'est pas exigée lorsque le receveur des impôts veut recouvrer une
créance fiscale privilégiée par avis à tiers détenteur. Ce dernier étant soustrait des
diligences du greffier, la conciliation ne saurait s'imposer lorsque le receveur des impôts
utilise la voie privilégiée qui lui est accordée par le code général des impôts74. Le
législateur a justement voulu éviter que des contestations ne constituent un écueil à la
mise en œuvre de la mesure particulière de poursuites reconnue à l'administration. Il y a
d'ailleurs lieu de relever, que l'avis à tiers détenteur constitue un acte administratif au sens
70 P. ANCEL : Les incidences de la réforme des procédures d'exécution sur l'avis à tiers détenteur, in Petites Affiches
du 6 janvier 1993, n° spécial sur la réforme des procédures civiles d'exécution, spéc., n° 155, p. 135.
71 Art. 155 al. 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies

d'exécution.
72 L'avis à tiers détenteur n'est pas une saisie des rémunérations au sens de l'acte uniforme, mais une procédure dont

l'objet de saisie peut être des rémunérations.


73 Art. 179 et s. de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies

d'exécution.
74 A contrario, si le receveur des impôts se décidait à procéder par voie de saisie des rémunérations, il serait soumis à

l'acte uniforme et son exigence relative à la conciliation.

17
de l'article L 80 du Livre des procédures fiscales. Il ne peut par conséquent être contesté
que devant l'administration et non devant une juridiction de l'ordre judiciaire75.

52 - L'avis à tiers détenteur se particularise nettement dans le cadre de la procédure de


saisie des rémunérations. En effet, des incidents peuvent être liés à une telle procédure,
par exemple, l'intervention d'un autre créancier dans la procédure en cours. Cette
intervention entraîne la répartition des sommes saisies aux différents créanciers parties à la
saisie, selon éventuellement les causes légitimes de préférence. Il va sans dire que le
receveur des impôts peut valablement intervenir dans une procédure de saisie de
rémunérations en cours et prétendre au paiement, compte tenu du caractère privilégié de
sa créance. Dans ce cadre, il pourra être préféré au premier saisissant lors de la
distribution des sommes saisies.

53 - Cependant, lorsque le premier saisissant est le receveur des impôts et qu'il a procédé
par voie d'avis à tiers détenteur, il est évident qu'eu égard à l'effet attributif immédiat qui
lui est attaché, l'intervention d'une saisie des rémunérations sera sans effet sur la créance
de l'administration. L'effet attributif immédiat attribué à l'avis à tiers détenteur conduit,
dès sa signification, à une attribution des créances appréhendées au profit du trésor
public. Il en résulte que les créances saisies par l'avis, sorties du patrimoine du saisi,
échappent aux autres créanciers.

II. L'AVIS A TIERS DETENTEUR DANS LE CADRE GENERAL DES PROCEDURES COLLECTIVES OHADA

54 - Les procédures collectives s'entendent des procédures faisant intervenir la justice


lorsque le commerçant76, et plus généralement le débiteur, n'est plus à même d'honorer
ses engagements en payant ses dettes. Il y a lieu de dire, que le débiteur connaît de
sérieuses difficultés, d'où son état de cessation des paiements.

Plusieurs objectifs orientent le cadre des procédures collectives, parmi lesquels le


sauvetage de l'entreprise, même au prix d'une entorse aux droits des créanciers. Au
nombre de ces derniers figure le Trésor public, créancier d'un genre particulier eu égard à
la nature et à la qualité de ses créances. Le Trésor fait généralement partie de ceux des
créanciers dont les droits sont souvent amputés devant la volonté de sauvegarder
l'entreprise à tout prix. L'efficacité démontrée de l'avis à tiers détenteur peut ainsi se
heurter à certains écueils constitués durant le déroulement des procédures collectives. Le
sort qui est réservé à cette voie d'exécution diffère toutefois selon qu'elle intervient à
l'ouverture (A) ou dans la phase active du déroulement des procédures collectives (B).

A. L’avis à tiers détenteur à l’ouverture des procédures collectives

75 Les contestations se font conformément aux dispositions des articles L 116 et suivants du Code général des

impôts.
76 Sur la définition du commerçant, voir l'ouvrage du Professeur Josette NGUEBOU TOUKAM : Le droit

commercial général dans l’Acte Uniforme OHADA, PUA, 1998, p. 9 et s.

18
55 - L’ouverture de la procédure collective se matérialise par un jugement rendu si
certaines conditions sont réunies77. Un tel jugement a nécessairement une influence sur
certaines voies d’exécution78, dont l’avis à tiers détenteur. Pour mieux comprendre ce
phénomène, il est nécessaire d’examiner la situation de l’avis à tiers détenteur au début des
procédures (1), avant de montrer ce qu’il en advient après, notamment face au jugement
d’ouverture des procédures collectives (2).

1) L’avis à tiers détenteur au début des procédures collectives

56 - Au début des procédures collectives, la situation née de l'avis à tiers détenteur peut
s'analyser au regard de certaines causes d'ouverture qu'il est nécessaire de préciser.

a) Les procédures collectives visées

57 - La situation de l'avis à tiers détenteur n'est pas identique dans toutes les procédures
collectives. Pour mieux l'expliciter, il convient de faire appel à l'acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif qui distingue les procédures
de redressement de l'entreprise de la procédure de liquidation. Par ailleurs, il y a lieu de
tenir compte de la procédure collective du contribuable et du tiers détenteur qui
influencent le sort de la procédure exorbitante mise en œuvre par l'administration fiscale.

α) Les procédures de redressement et de liquidation du débiteur en difficultés

58 - Les procédures de redressement du débiteur s'entendent de celles visant à assurer la


survie de son entreprise. A cet égard, le législateur communautaire distingue le règlement
préventif du redressement judiciaire.

Le règlement préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou
d'activités, et à permettre à l'entreprise l'apurement de son passif au moyen d'un
concordat préventif79. Il ne s'agit pas d'une procédure collective proprement dite80, et ce
en raison de l'antériorité de son intervention par rapport à la survenance de la cessation
des paiements, et par le fait que seul le débiteur en est l'initiateur.
Dans les pays africains membres de l'OHADA, l'importance du règlement préventif n'est
plus à démontrer. Car le tissu économique est, pour une large part, dominé par les PME
ayant la forme de sociétés de capitaux, dont le capital social est généralement réduit aux
seuils légalement fixés par l'acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et du
groupement d'intérêt économique81. Ces sociétés connaissent généralement des difficultés
dont le règlement préventif paraît comme une thérapie suffisante de guérison.

77 V. F. M. SAWADOGO : Droit des entreprises en difficulté, préc., n° 32 et s.


78 L’avis à tiers détenteur est en effet une voie d’exécution au même titre que l’injonction de payer et autres voies
d’exécution prévues par l’Acte uniforme de l’OHADA : supra, n° 36 et s.
79 Art. 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.
80 F. M. SAWADOGO : op. cit., n° 3, p. 2.
81 Notamment, il s'agit de 1 000 000 de francs pour la SARL, et de 10 000 000 de francs pour la SA ne faisant pas

publiquement appel à l'épargne. Pour une étude approfondie du droit des sociétés commerciales, voir P. G.

19
59 - Toutefois, lorsque l'entreprise franchit le seuil clinique de la cessation des paiements,
lorsqu'elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il y a lieu
de se départir des thérapies douces pour se résoudre à organiser brutalement son destin.
C'est la procédure de redressement judiciaire82 qu'il convient alors de mettre en œuvre,
afin d'assurer la sauvegarde de l'entreprise et l'apurement de son passif.

Les procédures de redressement de l'entreprise constituent ainsi une pesanteur


psychologique réelle, capable d'influencer la décision de tout créancier soucieux du
redressement de l'entreprise, car c'est souvent suite à un tel redressement qu'il dispose de
chances de recouvrer intégralement sa créance. Et cela peut très bien concerner le
l'administration fiscale, qui peut gagner à attendre le retour à meilleure fortune d'un
redevable connaissant de difficultés passagères.

60 - Toutefois, lorsque l'entreprise franchit le seuil critique, et n'est plus en situation d'être
redressée, il y a lieu de passer à la phase de liquidation judiciaire83. Cette dernière consiste,
au sens de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du
passif, en la réalisation des biens du débiteur afin d'apurer son passif. Il s'agit d'un
traitement judiciaire administré à une entreprise dont la situation est irrémédiablement
compromise.

La situation des créanciers est généralement bien affectée dans le cadre de la liquidation.
A son ouverture, la question relative au sort de l'avis à tiers détenteur peut s'avérer d'une
importance certaine. Car la demande d'un paiement faite par créancier saisissant par voie
d'avis à tiers détenteur est susceptible de poser des difficultés84.

β) Les personnes visées par les procédures collectives

61 - Au contraire du droit français85, l'acte uniforme portant organisation des procédures


simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ne précise pas si la créance saisie est
ou non remise en cause par la survenance d'un jugement de redressement ou de
liquidation judiciaire. Cela est sans doute un oubli regrettable, et nous pensons que la
solution admise par le droit français devrait être transposée en droit OHADA.
Reste que les problèmes ne se trouvent pas complètement résolus, étant entendu le défaut
de précision sur le justiciable en cause. En distinguant la procédure collective du
contribuable de celle du tiers détenteur, nous arriverons à quelques éléments de solution.

POUGOUE, F. ANOUKAHA et J. NGUEBOU, Le droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt


économique OHADA, coll. Droit uniforme, PUA, 1998. ; F. ANOUKAHA, ABDOULLAH CISSE, NDIAW
DIOUF, J. NGUEBOU TOUKAM, P. G. POUGOUE, MOUSSA SAMB, Sociétés commerciales et GIE, éd.
Bruylant, Juriscope, Bruxelles, 2002.
82 Art. 25 et s. de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.
83 La liquidation judiciaire peut être l'objet d'une procédure autonome , lorsqu'il apparaît, à l'évidence, qu'il n'y a plus

aucun espoir de redressement de l'entreprise déjà économiquement morte.


84 Sur ces difficultés, infra, n° 69 et s.
85 Art. 43 de la loi française du 09 juillet 1991.

20
62 - Le "contribuable" désigne toute personne devant s'acquitter des contributions fiscales.
Le contribuable redevable se distingue de celui qui ne l'est pas. Alors que ce dernier
s'acquitte régulièrement de ses obligations fiscales, le premier manifeste son désamour
pour l'accomplissement de son devoir civique ; il ne paie pas ses impôts. Cette situation
est de nature à justifier l'ouverture d'une procédure collective à son endroit, pour peu que
les conditions tenant à la qualité de justiciable et sa situation économique et financière
soient remplies.

Toutefois, les droits du Trésor ne peuvent être atteint par les règles des procédures
collectives touchant le redevable, dans la mesure où son action est dirigée non contre ce
redevable, mais contre un tiers détenteur. A supposer même que le Trésor ait agi par voie
de saisie-attribution, il y a lieu de considérer que l'attribution de la créance saisie n'est pas
remise en cause par la survenance d'un jugement de redressement ou de liquidation
judiciaire86.

63 - Dans un sens classique, le "tiers détenteur" désigne le débiteur du débiteur, c'est-à-dire


la personne redevable d'une somme d'argent envers le débiteur immédiat. Il peut s'agir,
par exemple, du banquier dépositaire des fonds appartenant à son client.
Le livre des procédures fiscales attribue la qualité de tiers détenteur aux dépositaires,
détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir au redevables d'impôts
et de frais accessoires dont le recouvrement est garanti par le privilège du trésor87.

64 - La question se pose de savoir si le syndic, organe essentiel des procédures collectives,


peut être considéré comme un tiers auprès de qui peut être décerné un avis à tiers
détenteur.

L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif fait
obligation au syndic de verser immédiatement les sommes récoltées dans un compte
spécial88 qu'il doit ouvrir au nom de chaque procédure collective auprès d'un
établissement bancaire ou postal ou au Trésor89. Les sommes transitant par ces comptes
des procédures n'appartiennent plus vraiment au débiteur, mais potentiellement à ses
débiteur, de sorte qu'elles ne peuvent être l'objet d'aucune mesure d'exécution. En
revanche, il est évident que si ces sommes restent entre les mains du syndic, elle peuvent
être saisies par les créanciers, dont le fisc.
Cette solution suppose, bien évidemment, de considérer le syndic comme un tiers
détenteur pour le compte du redevable, atteint par un dessaisissement de l'administration
et de la disposition de ses biens, que le dessaisissement du débiteur soit partiel90 ou total91.

65 - La solution est logique : le syndic, organe de la procédure représentant le débiteur, ne


saurait ainsi s'identifier à lui pour faire échec à la mise en œuvre de l'avis à tiers détenteur.
86 Rappr., de la solution retenue par la loi française du 09 juillet 1991, art. 43.
87 Art. L. 71 du livre des procédures fiscales.
88 Art. 45 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.
89 La question de savoir si le trésor, en sa qualité de dépositaire peut invoquer une compensation ne se pose pas, les

règles du dépôt s'opposant à un tel mécanisme.


90 Hypothèse du redressement judiciaire : art. 52 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives

d'apurement du passif.
91 Hypothèse de la liquidation judiciaire : art. 53 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives

d'apurement du passif.

21
Par ailleurs, la solution responsabilise le syndic qui serait tenté de conserver, par-devers lui
et pour quelques temps, tout ou partie des sommes récoltées, au mépris des exigences de
l'article 45 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement
du passif. Déjà, ce texte sanctionne le syndic qui n'aurait pas effectué un tel dépôt dans les
huit jours des recettes par l'obligation au paiement des intérêts des sommes non versées.

b) Les causes d'ouverture des procédures collectives

66 - Ce qui peut être à l'origine des procédures collectives mérite de retenir l'attention. A
cet égard, les causes primaires se distinguent des causes secondaires d'ouverture des
procédures collectives.

Les causes primaires d'ouverture des procédures collectives s'entendent de celles qui font
intervenir la procédure pour la première fois.
S'agissant de l'ouverture du règlement préventif, son origine se trouve dans la situation
économique et financière difficile du débiteur, mais non irrémédiablement compromise92.
S'agissant du redressement et de la liquidation judiciaires, il s'agit de deux procédures qui
se rapprochent par la cause93, mais diffèrent quant à la finalité : le redressement se justifie
par l'état de cessation des paiements, alors que la liquidation résulte de l'impossibilité
manifeste de redressement.

Les causes primaires peuvent avoir un impact sur la mise en œuvre de l'avis à tiers
détenteur ou sur le paiement d'un avis déjà émis. L'optimisation des recettes fiscales étant
un souci permanent du receveur des impôts, il peut être tenté de contourner la procédure
déjà ouverte, afin de recouvrer les créances fiscales entre les mains d'un tiers détenteur. Il
va sans dire qu'un avis émis dans de telles conditions est susceptible de tomber sous le
coup des inopposabilités de la période suspecte94.

67 - Les causes secondaires d'ouverture des procédures collectives s'entendent des causes
de conversion d'une procédure à l'autre. Plus précisément, il s'agit de la conversion du
règlement préventif en redressement, puis de la conversion du redressement en
liquidation. La première des conversions est possible lorsque, malgré le concordat, l'état
de cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise est constaté. Quant à la
seconde, elle intervient lorsque le redressement s'avère impossible.

68 - Il va sans dire que chaque étape de la procédure induit des conséquences sur les
droits des créanciers, dont le fisc fait partie. L'avis à tiers détenteur émis au cours d'une
des phases de conversion subira ainsi les attractions du droit des procédures collectives,
en fonction de l'objectif à atteindre par les organes habilités.

2) L’avis à tiers détenteur face au jugement d’ouverture des procédures collectives

92 F. M. SAWADOGO : Droit des entreprises en difficulté, préc., n° 65 et s.


93 Le débiteur doit, dans tous les cas, être dans une situation irrémédiablement compromise ; son actif disponible doit
être incapable de faire face à son passif exigible.
94 P-G. POUGOUE et Y. KALIEU, préc., n° 34 et s.

22
69 - Lorsque la juridiction compétente prononce un jugement d'ouverture d'une
procédure collective, il en résulte une modification de la situation des différents
créanciers. L'uniformisation de leur condition juridique qui en résulte affecte le contenu
de leurs créances et l'exercice des droits à travers la règle de suspension des poursuites
individuelles95. L'avis à tiers détenteur, prérogative essentielle de l'administration fiscale,
n'échappe pas aux rigueurs résultant de la volonté manifeste de sauvegarde de l'entreprise
et de protection des droits des créanciers. Pour mieux cerner l'incidence du jugement
d'ouverture sur l'avis à tiers détenteur, il est nécessaire d'examiner successivement
l'antériorité de l'avis à tiers détenteur sur le jugement d'ouverture (a) et l'incidence de la
suspension des poursuites individuelles sur l'avis à tiers détenteur (b).

a) L'antériorité
L'antériorité de l'avis à tiers détenteur sur le jugement d'ouverture

70 - Lorsqu'un avis à tiers détenteur est émis avant le jugement d'ouverture, se pose la
question de la validité ou, plus exactement, de l'efficacité de l'acte émis régulièrement par
le receveur des impôts. Cette question amène à envisager l'avis à tiers détenteur en
période suspecte ainsi que les effets qu'il est susceptible de produire.

71 - Il résulte de l'article 67 de l'acte uniforme portant organisation des procédures


collectives d'apurement du passif, que les actes passés par le débiteur pendant la période
suspecte débutant à la date de cessation des paiements et finissant à la date de la décision
d'ouverture sont inopposables de droit ou peuvent être déclarés inopposables à la masse
des créanciers96. La sanction de l'inopposabilité dont fait état ce texte vise manifestement
les actes frauduleux du débiteur en difficultés, entraînant une rupture injustifiée de l'égalité
entre les créanciers97.

Dans ce contexte, un avis à tiers détenteur émis et payé en période suspecte devrait
échapper au régime des inopposabilités. Le débiteur aux abois, par ailleurs redevable de
l'impôt, se trouve contraint de payer le fisc par le biais du tiers détenteur, consécutivement
à une mesure de poursuite en recouvrement forcé des créances fiscales. Ce paiement
involontaire et indirect, d'une dette échue, ne saurait relever du régime des
inopposabilités. C'est du reste en ce sens que s'est prononcée la plus haute juridiction
française98. Dans une décision remarquée, la Cour de cassation a rappelé qu'un avis à tiers
détenteur constitue une mesure d'exécution forcée qui ne rentre pas dans le champ
d'application de l'article 108 de la loi du 25 janvier 198599.

95 P-G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit., n° 152 et s., p. 53 et s.


96 La date de cessation des paiements peut être reculée ou reportée sans pouvoir être antérieure à une période de dix
huit mois à la date du jugement que la constate.
97 Sur les inopposabilités de la période suspecte, voir les développements importants du Professeur SWADOGO in

Droit des entreprises en difficultés, préc., n° 227 et s., p. 220 et s.


98 Cass. civ., 16 juin 1998 : Bull. civ. IV, n° 2000, JCP 1998, E. 2065, obs. M. Cabrillac, Rev. Proc. Coll. 1999, 106, obs.

Canet, RTD com. 1999, 199, obs. Martin Serf, D. Aff. 1998, 1272, note A. L.
99 Selon ce texte, "les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis

après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements". ;
Cass. civ., 16 juin 1998 : préc., Sur la validité de l'avis à tiers détenteur en période suspecte, v. Dumont, Rev. proc. coll.
1999. 146.

23
72 – S'agissant des effets de l'antériorité de l'avis à tiers détenteur émis en période
suspecte, il y a lieu de relever, que cette mesure de poursuite en recouvrement forcé vise
nécessairement des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture. Se pose dès
lors la question de savoir si l'administration fiscale est en droit d'en poursuivre le paiement
après l'ouverture des procédures collectives d'apurement du passif. L'appréciation de la
situation dépendra de la distinction selon que les créances sont échues avant ou après
l'ouverture des procédures collectives100.

Pour les créances échues lors du jugement d'ouverture, aucune difficulté particulière ne se
pose : ces créances sortent du patrimoine du débiteur en vertu de l'effet attributif
immédiat de l'avis à tiers détenteur. Le droit acquis par le Trésor ne saurait donc être
remis en cause par l'intervention postérieure du jugement d'ouverture. La règle de la
suspension des poursuites imposée par les articles 9 et 75 de l'acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif ne saurait donc constituer
un obstacle à l'appréhension, par le receveur des impôts, du montant des impôts dus par
le redevable.

Pour les créances échues après le jugement d'ouverture, il s'agit de savoir si le fisc peut
appréhender les sommes non encore exigibles avant la procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire. Cette question se pose au regard de la rédaction des articles L 72 et
L 73 du livre des procédures fiscales camerounais101 qui renforcent l'efficacité de l'avis à
tiers détenteur dès son émission.

73 - Ces dispositions semblent heurtées de plein fouet par les procédures collectives
OHADA, qui érigent en principe le gel du patrimoine du débiteur en difficultés à travers
la suspension des poursuites individuelles102. Ce qui a pour conséquence d'interdire qu'un
bien puisse quitter le patrimoine du débiteur s'il y est encore au moment du jugement
d'ouverture ou s'il y transite. Cette solution a été adoptée en France, pour un avis à tiers
détenteur notifié avant le 1er janvier 1993, date d'entrée en vigueur de la loi n° 91-650 du 9
juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. Ainsi, une créance de
loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux
règles de cette procédure. En conséquence, cette créance échappe au principe de l'effet
attributif immédiat opéré par l'avis à tiers détenteur (notifié antérieurement au jugement
déclaratif) au profit du trésor pour les seules sommes échues avant le jugement d'ouverture
de la procédure collective103.

74 - Toutefois, la jurisprudence française applique le principe de l'effet attributif immédiat


de l'avis à tiers détenteur, après l'entrée en vigueur de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991,
pour les créances à exécution successives. Ainsi, un avis à tiers détenteur adressé à uns
société d'HLM produit tous ses effets, puisque l'ensemble de la créance de la société
100 A. HONORAT : Portée de l'avis à tiers détenteur devenu définitif avant l'ouverture du redressement judiciaire :
D. 1991, p. 386.
101 Selon l'article L. 72, "l'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé, au

paiement des impositions quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le redevable possède à
l'encontre du tiers détenteur, deviennent effectivement exigibles". L'article L. 73 poursuit que "tout avis à tiers détenteur reste valable
jusqu'à l'extinction de la dette pour laquelle il a été établi ou à l'obtention d'une mainlevée établie par ceux qui l'ont émis".
102 F. M. SAWADOGO : op. cit, n° 72 et s., et n° 209 et s.
103 Cass. com., 24 oct. 1995 : Bull. civ. IV, n° 255, D. 1996. 155, note F. Derrida, JCP 1996. II. 22518, note Putman,

Defrénois 1996. 256, obs. Sénéchal, RTD com. 1996. 526, obs. Martin-Serf.

24
défaillante née de marchés pour le compte de cette société d'HLM se rapportait à des
travaux commandés et exécutés avant le prononcé du redressement judiciaire, et que ces
créances ont donc pris naissance au moment de l'exécution des prestations et étaient
sorties du patrimoine de la société défaillante pour être transférées dans le patrimoine du
créancier saisissant104. La même solution a été appliquée s'agissant d'une créance du salarié
envers son employeur : pour la Cour de cassation, les créances de salaires sont des
créances conditionnelles pouvant être appréhendées par les comptables du Trésor105.

75 - Ces solutions nous paraissent transposables en droit OHADA. De cette


transposition, il en résulte, qu'au jour de l'ouverture d'une procédure collective,
l'indisponibilité ne peut atteindre les créances se trouvant encore dans le patrimoine du
débiteur, mais déjà transférées au profit du Trésor ayant notifié un avis à tiers détenteur.
Les fonds appréhendées avant le jugement d'ouverture doivent ainsi revenir au Trésor et
non aux créanciers de la procédure. De là, il n'y a qu'un pas pour faire remarquer que
l'apparente réduction de l'efficacité de l'avis à tiers détenteur par la saisie-attribution106 se
trouve compensée dans le cadre des procédures collectives107.

b) L'incidence de la suspension des poursuites individuelles sur l'avis à tiers détenteur

76 - Une procédure collective s'accommode mal à l'exercice désordonné des poursuites


par les différents créanciers. Dans ce cadre, le législateur OHADA n'a pas hésité à
énoncer la règle dite de suspension des poursuites individuelles108, ceci en vue de faciliter
le principe d'égalité entre les créanciers. La question relative à la portée de la règle de
suspension des poursuites individuelles varie selon le type de procédure en cause.

77 - Dans les procédures collectives se définissant par leur finalité (règlement préventif,
redressement et liquidation judiciaires), la règle de suspension des poursuites est prédominante,
mais avec une portée variable.

Tout d'abord, dans le cadre du règlement préventif, selon la règle issue de l'article 8 de
l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, "dès
le dépôt de la proposition de concordat préventif, celle-ci est transmise, sans délai, au président de la
juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles …". La décision
du tribunal va donc suspendre toutes les poursuites tendant à obtenir le paiement des

104 Paris, 24 mai 1996 : JCP éd. E 1996, Panor. 773. Comp., en matière de saisie-attribution en droit français, Cass. civ.

2e, 10 juill. 1996 : D. 1996. 625, note Ancel, JCP 1996. II. 22723, note Putman, Rev. proc. coll. 1997. 42, obs. Canet
décidant que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la
survenance d'un jugement portant ouverture du redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire de celui-ci
poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance après ledit jugement. Et dans le même sens, Paris,
12 mars 1998 : Rev. proc. coll. 1999. 108, obs. Canet ; 28 sept. 1999 : D. 1999. AJ. 34.
105 Cass. com., 19 mars 1991: Bull. civ. IV, n° 107, D. 1991, p. 386, note crit. Honorat. Comp., appliquant la même

solution, Com., 1er mars 1994 : Bull. civ. IV, n° 88, D. 1994. IR. 94 ; Nancy, 8 juill. 1996, Rev. proc. coll. 1999. 108, obs.
Canet.
106 Supra, n° 46 et s.
107 Il y a lieu de relever toutefois la menace pesant sur l'avis à tiers détenteur, avec l'instauration du privilège du

premier saisissant par l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution. Supra, n° 19 ; 49 ; 52-53.
108 En France, la règle est posée par l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985. Pour une application, v. Cass. com., 22

avr. 1997, JCP 1997, éd. E. II. 1013, note V. GRELLIERE et I. 681, § 16, obs. M. Cabrillac.

25
créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision109. A la vérité, il
s'agit de créances d'importance, dont la réclamation pourrait accroître les difficultés de
l'entreprise, au point de la conduire à la cessation des paiements. Il va sans dire que si la
requête du débiteur ne mentionne pas les créances fiscales, il court des risques de
poursuites par voie d'avis à tiers détenteur, ce qui peut précipiter son envol vers l'état de
cessation des paiements

Ensuite, dans le cadre du redressement et de la liquidation judiciaire, la règle de


suspension des poursuites individuelles posée par l'article 75 de l'acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif110 s'applique aussi bien aux
demandes tendant au paiement qu'à l'exercice des voies d'exécution. Elle concerne donc
l'avis à tiers détenteur en tant que voie d'exécution des poursuites individuelles. En
énonçant expressément que "la décision d'ouverture interdit ou suspend toutes les poursuites
individuelles …", le législateur communautaire a entendu poser une règle impérative,
nécessairement défavorable à la mise en œuvre de la procédure d'avis à tiers détenteur.

En matière de redressement et de la liquidation judiciaire, le Trésor est donc un créancier


comme les autres. Il en résulte qu'à dater du jugement d'ouverture, le receveur des impôts
ne peut plus émettre un avis à tiers détenteur pour obtenir le paiement des impôts mis en
recouvrement et impayés dont le fait générateur est antérieur audit jugement111.

78 - Lorsque les procédures collectives touchent le contribuable ou le tiers détenteur, les


solutions suivantes doivent être retenues :

Si c'est le contribuable qui se trouve soumis à la procédure collective, la règle de


suspension des poursuites individuellement ne peut pas frapper l'avis à tiers détenteur.
Car l'avis est décerné à tiers et non au débiteur. Sous cet angle, le trésor peut valablement
recouvrer ses créances vis à vis du redevable entre les mains du tiers ainsi notifié. Pour
éviter de tomber sous le coup de la caducité, l'avis à tiers détenteur ainsi émis doit être
dénoncé au débiteur saisi conformément à l'article L 71 alinéa 2 du Livre des procédures
fiscales camerounais.

Cette dénonciation est de nature à tomber sous le coup de l'article 8 de l'acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif précité, si les
créances fiscales antérieures au règlement préventif ont été visées dans la requête du
débiteur112. En revanche, la dénonciation ou l'information du redevable n'étant pas une
mesure d'exécution en soi, elle ne saurait être visée par la règle de l'interdiction des
poursuites individuelles. En tout état de cause, l'avis à tiers détenteur émis dans ce cadre
est dirigée contre un tiers, bien que touchant, en définitive, le contribuable en difficultés.

79 - Lorsque la procédure collective est ouverte à l'encontre du tiers détenteur, et non du


redevable, se pose la question de savoir si le Trésor peut toujours émettre un avis à tiers
détenteur. En d'autres termes, il s'agit de savoir si le Trésor qui n'est pas le créancier direct
109 F. M. SAWADOGO : OHADA, Droit des entreprises en difficulté, préc., n° 72 et s.
110 Ibid., n° 212 et s.
111 Rappr. Grenoble, 1re ch. civ., 12 mars 1990, receveur principal des impôts de Valence nord c/Madonna: Jurisdata

n° 042023.
112 Supra, n° 70 et s.

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du tiers soumis à la procédure collective est concerné par la règle de suspension des
poursuites individuelles.
D'emblée on peut penser que l'avis à tiers détenteur connaît pour obstacle la règle de
suspension des poursuites individuelles. Mais il y a lieu, pour la précision de la réponse,
d'analyser précisément le lien existant entre le tiers détenteur et le redevable.

Il ressort de l'article L 71 du livre des procédures fiscales, que le tiers détenteur est un
dépositaire ou détenteur du débiteur. Le tiers détenteur étant considéré comme un
dépositaire, les parties se trouvent dans un contrat de dépôt, régi par les articles 1915 et
suivants du Code civil. Le dépositaire sera ainsi astreint à certaines obligations dès
réception de l'avis à tiers détenteur. Par exemple il devra, non seulement déclarer les
sommes qu'il détient pour le compte du débiteur, mais également payer en l'acquit du
redevable.

L'avis à tiers détenteur qui lui est décerné peut subir l'influence de la procédure collective
si cette voie d'exécution n'a pas encore produit tous ses effets, à savoir-faire ressortir, par
le biais de l'effet attributif immédiat, les sommes les sommes déposées avant le jugement
d'ouverture. En revanche, l'avis à tiers détenteur ne subira aucune influence lorsqu'il aura
déjà produit son effet attributif. Le tiers détenteur (dépositaire) ayant pris la place du
redevable et devenu le débiteur immédiat du fisc, ce dernier sera astreint à la discipline
collective. Le paiement de la créance fiscale ne pourra ainsi intervenir que dans le cadre de
la procédure collective ouverte à l'encontre du dépositaire.

B. L’avis à tiers détenteur dans le déroulement des procédures collectives

80 - Lorsque les procédures collectives sont déjà ouvertes, les voies d'exécution n'ont plus
de raison d'être. Elle ne tentent de s'affirmer, à nouveau, qu'en cas d'inertie ou de
négligence du syndic au cours des procédures collectives (1), ou encore lorsque les
procédures prennent fin (2).

1) L’avis à tiers détenteur au cours des procédures collectives

81 - Il peut paraître paradoxal de présenter l'avis à tiers détenteur au cours des procédures
collectives. En effet, dès l'ouverture d'une procédure, les droits des créanciers sont
restreins de manière provisoire ou définitive, leur exercice se heurtant à la règle de la
suspension des poursuites individuelles. Toutefois, certains cas de mise en œuvre de l'avis
à tiers détenteur subsistent (a) au cours de cette période, tout comme doivent être payées
les créances saisies par voie d'avis à tiers détenteur (b).

a) La mise en œuvre de l'avis à tiers détenteur au cours des procédures collectives

82 - Le trésor, en sa qualité de créancier, semble bénéficier d'une protection apparente


après le jugement d'ouverture d'une procédure collective. Cette protection se matérialise
par la possibilité qui lui est offerte d'obtenir par voie d'avis à tiers détenteur le
recouvrement de ses créances. Mais il y a lieu de distinguer le recouvrement des créances

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fiscales antérieures (α) du recouvrement des créances fiscales postérieures au jugement
d'ouverture (β).

α) Le recouvrement des créances fiscales antérieures au jugement d'ouverture

83 - Il s'agit ici d'une hypothèse de reprise des poursuites individuelles113. En effet, si


l'interdiction de telles poursuites prolonge ses effets pendant la liquidation judiciaire en
raison du caractère collectif de la procédure, elle est tempérée par les exceptions des
articles 149 et 150 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d'apurement du passif. Ces textes autorisent exceptionnellement certains créanciers
antérieurs, dont le Trésor public114, à exercer leur droit de poursuite individuelle si le
liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens dans le délai de trois mois suivant la
décision de liquidation.

84 - L'acte uniforme autorise le syndic à exercer les poursuites en vue du recouvrement de


ses créances fiscales privilégiées dans les même conditions que les créanciers gagistes et
nantis. Seulement, il ne précise pas la forme de cette poursuite. On est en droit de se
poser la question de savoir si le législateur africain a voulu exclure certaines voies
d'exécution, à l'instar de l'avis à tiers détenteur.

Le fait d'obliger le syndic à "agir dans les mêmes conditions que les créanciers gagistes ou nantis"
semble montrer que le législateur communautaire a voulu mettre l'accent sur l'égalité des
créanciers reprenant les poursuites individuelles. De cette interprétation, il en résulte une
exclusion de l'avis à tiers détenteur qui est de nature à mettre le Trésor public dans une
situation privilégiée115.

β) Le recouvrement des créances fiscales postérieures au jugement d'ouverture

85 - Les créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective sont des


créances contre la masse116, ce qui implique qu'elles soient payées à l'échéance. Et à défaut
de paiement, les créanciers concernés peuvent mettre en œuvre les voies d'exécution pour
obtenir satisfaction.
La créance fiscale postérieure est celle dont le fait générateur117 est postérieur au jugement
d'ouverture118. Cette créance est donc forcément liée à la continuation de l'activité119 de
l'entreprise en difficultés.

113 Art. 8 et 75 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. Infra, n° 94.
114 Spéc., l'alinéa 3 de l'article 149, et l'alinéa 4 de l'article 150.
115 Sur la nature de ce privilège, supra, n° 4 et s.
116 A l'exclusion des créances nées de l'exploitation du locataire-gérant qui restent exclusivement à sa charge sans

solidarité avec le propriétaire du fonds : art. 117 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d'apurement du passif.
117 Le fait générateur désigne l'événement qui constitue la source de la créance fiscale, l'événement par lequel sont

réalisées les conditions légales nécessaires à l'exigibilité de l'impôt et qui fait naître l'obligation fiscale. Il diffère de
l'exigibilité, c'est-à-dire le moment ou la date à partir de laquelle, en l'absence de terme ou de condition suspensive, le
créancier est en droit d'exiger immédiatement le paiement de sa créance. V. E. DISLE et J. SARAF : Droit fiscal, éd.
Dunod, 1995, p. 10.
118 La créance fiscale postérieure ne concerne ainsi que la procédure de redressement à l'exclusion de la liquidation.

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86 - L'existence d'une créance fiscale postérieure et régulière confère, au sens de l'article
117 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du
passif, le même traitement préférentiel qu'à tous les créanciers postérieurs120 qui jouissent,
selon l’heureuse expression du professeur Yves GUYON, d’une « priorité de date »121. En
effet, ces derniers doivent être payés au fur et à mesure que leurs créances arriveront à
échéance, exactement comme si le débiteur n'était pas en redressement judiciaire122.

Il en résulte qu'aucune restriction ne doit s'appliquer à un créancier postérieur. De la


sorte, s'il n'est pas payé à l'échéance, il peut mettre en œuvre les voies d'exécution pour
obtenir satisfaction. C'est dans ce cadre qu'un receveur des impôts pourra recourir à l'avis
à tiers détenteur afin de saisir des sommes appartenant ou devant appartenir au
contribuable soumis à la procédure collective.

87 - Reste la question liée à l'opportunité d'un recours à cette voie spécifique de


recouvrement pour des créances postérieures. Certes, la mise en œuvre de l'avis à tiers
détenteur dépend de celui qui en est titulaire. Seulement, l'aboutissement d'une telle
procédure est de nature à paralyser la volonté de redressement, chère au droit des
procédures collectives. Car le paiement prioritaire et intégral de créances fiscales, qui sont
généralement d'un montant élevé, peut être de nature à conduire tout droit à la
liquidation.
En tout état de cause, l'assiette d'une telle saisie sera fort réduite par l'interdiction de
l'opposition sur les sommes déposé au compte spécial de la procédure collective123.

b) Le paiement des créances saisies par voie d'avis à tiers détenteur

88 - Le paiement des créances fiscales saisies par voie d'avis à tiers détenteur émis au
cours des procédures collectives suppose l'efficacité de la mesure d'exécution. Pour ce
faire, l'avis doit être dénoncé, aussi bien au débiteur assisté du syndic qu'au syndic seul.

89 - Le recouvrement des créances fiscales antérieures dans le cadre de la liquidation des


biens faisant intervenir l'avis à tiers détenteur doit être dénoncé au syndic en raison de sa
double qualité : organe de la procédure et tiers détenteur. S'adressant à la même personne,
le créancier valablement entreprendre une dénonciation unique.

S'agissant du recouvrement des créances fiscales postérieures par voie d'avis à tiers
détenteur décerné au cours du redressement judiciaire, la dénonciation doit être faite au

119 Référence qui permet de préciser la date de paiement. V. F. PEROCHON et R. BONHOMME : Instruments de

crédit et entreprises en difficultés, LGDJ, 2000, n° 199, p. 126.


120 D. BACHASSON : La représentation du débiteur et des créanciers dans les procédures collectives, Gaz. Pal. 1998,

Doctr., p. 1699 et s. P-G. POUGOUE et Y. KALIEU, préc., n° 185 à 187.


121 Y. GUYON : Droit des affaires, entreprises en difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2, 5è éd.

Economica, 1995., n° 1251, p. 292.


122 P. G. POUGOUE et Y. KALIEU: op. cit., p. 63. ; J. J. DAIGRE, in JCP éd. E., I, n° 566, p. 263.
123 Art. 147, alinéa 4 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. Ce

texte ne vise que les oppositions. Mais nous pensons qu'il est nécessaire de tenir compte de la philosophie du texte,
pour y voir une volonté du législateur communautaire de mettre à l'abri des poursuites les sommes déposées sur ce
compte.

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débiteur assisté du syndic d'une part, au syndic seul d'autre part si celui-ci détient des
fonds appartenant ou devant revenir au redevable d'impôts124. De surcroît, la
dénonciation doit lui être faite en sa qualité de représentant des créanciers afin qu'il puisse
veiller au respect de l'ordre des paiements énoncé aux articles 166 et 167 de l'acte
uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

90 - Reste la question de l'assiette de l'avis à tiers détenteur émis au cours des procédures
collectives. De façon spécifique, il s'agit de savoir sur quels fonds doit se faire le paiement
de l'avis à tiers détenteur émis dans le cadre du recouvrement des créances fiscales
privilégiées antérieures, et le recouvrement de toutes les créances postérieures au
jugement d'ouverture.

Les articles 45 et 147 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d'apurement du passif exigent l'ouverture d'un compte spécial à chaque procédure
collective auprès d'un établissement bancaire ou postal ou au Trésor. Selon l'article 45
alinéa 3, les fonds ainsi déposés ne peuvent être retirés qu'en vertu d'une décision du juge-
commissaire. Quant à l'article 145 alinéa 4, il renchérit q'aucune opposition sur les deniers
versés au compte spécial de la procédure collective. Autant dire que la situation du
créancier se complique véritablement, dès lors que les fonds de la procédure se trouvent
sur le compte spécial ouvert à cet effet125.

En tout état de cause, les fonds appartenant au débiteur peuvent être saisies tant qu'elles
se trouvent entre les mains du syndic126. De la même façon, les fonds encore détenus par
des tiers peuvent valablement faire l'objet d'un avis à tiers détenteur127.

2) L’avis à tiers détenteur à la clôture de la procédure collective

91 - L'avis à tiers détenteur connaît un sort variable suivant la nature de la procédure


collective dont la clôture est envisagée. Deux principales situations s'illustrent, suivant
qu'il s'agit d'une procédure de redressement (a) ou de liquidation judiciaire (b).

a) L'avis à tiers détenteur à la clôture des procédures de redressement

92 - Les procédures de redressement son celles qui visent à assurer la survie de


l'entreprise. L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement
du passif présente deux procédures répondant à cette définition : le règlement préventif et
le redressement judiciaire.

93 - Deux solutions permettent la clôture des procédures de redressement : le concordat


et la clôture pour extinction du passif.
Le concordat met fin au règlement préventif, en ce sens que son homologation rend celui-
ci obligatoire pour tous les créanciers antérieurs à la décision de règlement préventif, ce
124 Appl. art. L 71 du Livre des procédures fiscales.
125 Supra, n°s 64 et 90.
126 Supra, n° 64.
127 Supra, n° 25.

30
qui donne un nouveau souffle au débiteur qui n'est plus harcelé par ses créanciers. Dans le
cadre du redressement judiciaire, le concordat met fin à la procédure collective dès que le
jugement d'homologation a acquis force de chose jugée128.

S'agissant de la clôture pour extinction du passif, elle relève d'une évidence. La solution
intervient avant la fin de la procédure en raison de la disparition de l'état de cessation des
paiements. Dès lors qu'il n'y a plus de passif exigible, il y a lieu de mettre fin à la
procédure pour défaut de fondement ou défaut d'intérêt de la masse129 ou alors pour
extinction du passif.

94 - La clôture des procédures de redressement a une incidence immédiate sur l'avis à


tiers détenteur. La décision de clôture pour extinction du passif met en effet fin à la
procédure concernée, sans rétroactivité ; elle consacre la reprise ultérieure par les
créanciers, de leurs droits de poursuites individuelles. Le Trésor public est évidemment
concerné par cette reprise par la voie d'avis à tiers détenteur.

Quant au concordat, il s'impose à tous les créanciers antérieurs à la décision d'ouverture,


quelle que soit la nature de leurs créances. Toutefois, le concordat ne s'imposera à
l'administration qu'en l'absence de disposition législative lui interdisant les remises ou les
délais.
La fin normale du concordat résulte du règlement de la dernière échéance. Satisfait dans
ce cadre comme les autres créanciers, le Trésor public ne saurait, faute d'objet, mettre à
nouveau en œuvre son avis à tiers détenteur.
La fin anormale du concordat130 résulte de son annulation ou de sa résolution131. Cette
situation produit des conséquences graves par rapport aux créanciers, dont le Trésor, et
ses droits ne pourront être assurés que dans le cadre du redressement ou de la liquidation
judiciaire.

b) L'avis à tiers détenteur à la clôture de la liquidation judiciaire

95 - La liquidation judiciaire désigne une situation malheureuse et douloureuse pour un


débiteur en difficultés. Dans cette situation d'échec des tentatives de faire survivre le
débiteur, l'avis à tiers détenteur intervient, tant dans le cadre de l'union que pendant la
clôture pour insuffisance d'actif.

96 – L'union est consécutive au jugement d'ouverture ou à la conversion de la procédure


de redressement judiciaire. La réalisation de l'actif et l'apurement du passif sont les deux
opérations caractéristiques de la situation née de l'union. Au cours de ces opérations, l'avis
à tiers détenteur peut trouver une place plus ou moins favorable.

Dans le cadre de la réalisation de l'actif, le Trésor bénéficie d'importants droits reconnus


par l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.
128 Art. 136 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ; F. M.

SAWADOGO : OHADA, Droit des entreprises en difficulté, préc., n° 290.


129 Cass. com., 19 mai 1952 : S. 1953, 1, 154 ; 10 févr. 1953 : Bull. civ. III, n° 64.
130 V. F. M. SAWADOGO : ibid., n° 292, p. 284.
131 Art. 139 et s. de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

31
Comme il a été relevé, il lui est permis, au même titre que tous les créanciers munis de
sûretés réelles132, de reprendre son droit de poursuite individuelle dans des conditions
bien déterminées133. L'avis à tiers détenteur lui servira alors de support pour obtenir le
règlement de la créance fiscale.

Dans le cadre de l'apurement du passif, l'accroissement des pouvoirs du syndic limite


considérablement le champ d'intervention de l'avis à tiers détenteur. C'est ainsi que le
syndic poursuit seul la vente des marchandises, le recouvrement des créances et le
règlement des dettes du débiteur. Dans ce cadre, l'union constitue un obstacle évident au
succès de la procédure exorbitante de recouvrement. La manifestation la plus visible
réside dans l'obligation faite au syndic d'ouvrir un compte spécial de la procédure où
seront versées les sommes collectives. Par ailleurs, aucune opposition sur les fonds ainsi
versés n'est tolorée. Tout cet arsenal ne peut pas favoriser la mise en œuvre de l'avis à tiers
détenteur dans le cadre de l'union

97 – S'agissant de la clôture pour insuffisance d'actif, elle révèle la situation la plus


malheureuse pour le débiteur, et la plus décevante pour créanciers dont les droits sont
complètement anéantis.

La décision de clôture pour insuffisance d'actif fait recouvrer à chaque créancier l'exercice
individuel de ses actions. Toutefois, la mise en œuvre d'un avis à tiers détenteur après la
clôture pour insuffisance d'actif ne sert pratiquement à rien. Son efficacité restant
éventuelle, il faudra espérer que débiteur retourne à meilleure fortune. Ce qui n'est pas
évident dans le contexte des entreprises africaines, dominé par des crises économiques
sans lendemain.

CONCLUSION

98 - L'adhésion de plusieurs gouvernements africains au projet de création de l'OHADA


révèle une double signification. Il s'agit non seulement d'une volonté de lever les boucliers
contre l'insécurité juridique et judiciaire, mais également d'une mutation profonde du
cadre juridique en général. C'est dans ce cadre dominé par la réforme des procédures
simplifiées de recouvrement et voies d'exécution et des procédures collectives
d'apurement du passif que nous avons choisi de saisir l'avis à tiers détenteur. Il en ressort
que l'avènement de l'OHADA n'est pas sans incidence sur cette voie d'exécution d'un
genre particulier.

99 - L'avis à tiers détenteur est une procédure spécifique de recouvrement, placée par le
législateur entre les mains du receveur des impôts. Sa mise en œuvre emporte, attribution
immédiate au profit du Trésor, des sommes détenues par des tiers pour le compte du
redevable. Cette efficacité fait de l'avis à tiers détenteur l'arme favorite de l'administration
fiscales pour ses offensives en matière de recouvrement de ses créances. Dans le cadre des

132 Sur le droit des sûretés, voir notamment l'ouvrage du professeur ANOUKAHA : Le droit des sûretés dans l'acte
uniforme OHADA, Collection droit uniforme, PUA, 1998.
133 Supra, n° 83.

32
voies d'exécution, cette procédure demeure efficace malgré l'institution de la saisie
attribution, ce qui semble d'ailleurs de nature à poser la question de son intérêt actuel.
Toutefois, il ressort que l'adoption de l'acte uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution donne à l'administration fiscale deux
possibilités d'action en recouvrement forcé, régies par des règles différentes mais ayant
des effets similaires.

100 - L'avis à tiers détenteur demeure une voie d'exécution d'un genre particulier, d'une
efficacité réelle, qui s'affirme nettement dans le cadre des procédures collectives,
notamment par l'affirmation de sa force née de l'effet attributif immédiat. Ceci est de
nature à constituer une atteinte à l'objectif de sauvegarde de l'entreprise dont le législateur
OHADA s'en est fait l'écho en adoptant l'acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif.

101 - Toutefois, la mise en œuvre de l'avis à tiers détenteur pour le recouvrement des
créances fiscales antérieures est quelque peu gelée par la règle de suspension des
procédures individuelles. Mais la situation n'est pas du tout absolue, le receveur des
impôts pouvant toujours, en cas de négligence du syndic, reprendre ses poursuites
individuelles. De la même façon, l'avis à tiers détenteur peut être servi pour le
recouvrement d'une créance fiscale postérieure.

102 - Une constante confrontation naît donc entre l'intérêt général révélée dans la survie
de l'entreprise et l'intérêt public d'assurer le recouvrement des recettes fiscales nécessaires
au développement et la lutte contre la pauvreté dans les pays africains membres de
l'OHADA. Il reviendra au juge de veiller à la bonne harmonisation des différents intérêts
en présence, tout en évitant d'orienter ses solutions vers la consécration d'un droit d'être
insolvable.

Jean GATSI
Chargé de cours, HDR
Faculté des sciences juridiques et politiques de
l'Université de Douala

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