Vous êtes sur la page 1sur 36

Introduction

1
GENERALITES DU REGIME JURIDIQUE DES ACTES DE COMMERCE

PLAN
Introduction

I- Preuve de l’acte de commerce

A- La preuve : Facilités offertes aux commerçants


1- principe de liberté en droit commercial

2- Portée du principe

B- Spécificité de la preuve électronique selon la loi 53-05


1- L’écrit de l’acte sous seing privé électronique

2- La signature de l’acte sous seing privé électronique

3- Le défaut de reconnaissance de l’acte authentique


électronique par la loi 53-05
II- l’exécution des actes de commerce

A- La solidarité dans l’exécution des actes de commerce


1-le principe de la solidarité

2-la solidarité des débiteurs

B- Le paiement
1- la rigueur de l’échéance

2- Imputation des paiements

3- le calcul des intérêts

III- le contentieux des actes de commerce

A- La prescription

1- le principe

2- application du principe
B- Le recours aux tribunaux de commerce

1- compétence

2- procédure

C- Le recours à l’arbitrage

2
1- organisation de la procédure

2- pouvoirs des arbitres

3- les recours

Conclusion

I) Preuve de l’acte de commerce

La preuve en générale peut être définie comme une démonstration


de l’existence d’un fait (materialite de dommage) ou d’un acte (contrat,
testament) dans les formes admises par la loi. Il aussi être définie comme

3
étant un moyen employé pour faire la preuve. Ex. preuve par témoins,
preuve littérale, indices, aveu, serment, constatation1.

Dans cette partie nous essayerons de démontrer que les actes de


commerce connaissent un traitement particulier qui tranche sur celui
applicable aux actes civils. En outre, nous mettrons la lumière sur la
preuve et la signature électronique dans le cadre de la loi 53-05.

A) La preuve : Facilités offertes aux commerçants

La plupart de ces règles ont pour objet de faciliter la conclusion des


opérations commerciales, car le commerçant conclut plus de contrats que
le simple particulier. Mais assez souvent le bénéfice de ce régime
dérogatoire n’est plus limité aux seuls commerçants. Il est la conséquence
de l’exercice d’une activité professionnelle, même de nature civile. Ce sont
donc des relations d’affaires plus que les relations commerciales qui sont
ainsi facilités2.

- 1/ principe de liberté en droit commercial

Le rythme du droit des affaires est plus rapide que celui de droit civil,
il est incompatible avec un système de preuve écrite, dans lequel les
parties sont supposée avoir le temps de pré constituer la preuve de leur
engagement.

Le Code de commerce marocain de 1996 pose le principe qu’ « en


matière commerciale la preuve est libre » (Art. 334). Il en résulte qu’entre
commerçants la preuve d’un contrat commercial n’est pas subordonnée à
la présentation d’un écrit ou d’un commencement de preuve par écrit ;
elle peut se faire par tous les moyen tels que correspondance, les factures,
les livres et documents comptables, témoignages et présomptions,
microfilms, télex, télécopies, supports informatique la loi 53-05 sur
l’échange des données informatique etcetera. Ce principe se fonde sur la
rapidité et le caractère répétitif des opérations commerciales, qui sont
conclues souvent dans les mêmes conditions et entre les mêmes
personnes. Un écrit signé par les deux parties serait une formalité inutile3.

1 Vocabulaire juridique, Edition Delta, 1987

2 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome I, Droit Commercial Général et Sociétés,
Edition 11, p.70

3 H.CHERKAOUI, Droit Commercial, 2éme Edition, p.53


4
- 2 / Portée du principe

Le domaine de la liberté de la preuve est entendu restrictivement. Il


faut à la fois que l’élément à prouver soit un acte de commerce, que le
défendeur soit commerçant et ait agi dans l’exercice ou pour l’intérêt de
son propre compte.

 l’exigence de la forme écrite

De surcroît, l’art 334 du Code de commerce, en posant la règle de la


liberté des preuves, a imposé l’écrit dans certains cas. Il dispose en effet
que la preuve « doit être rapporté par écrit quand la loi ou la convention
l’exige». Sans que cette disposition ne soit une exception à la règle
générale, le principe de la liberté de la preuve ne peut faire abstraction à
toute forme4.

Ainsi, concernant la cession de fonds de commerce, l’article 81


du Code de commerce exige que l’acte soit constaté en la forme
authentique ou sous seing prive et qu’il comporte quatre mentions
obligatoire. Si l’une des mentions fait défaut et qu’il cause par conséquent
préjudice, l’acheteur sera en mesure de demander sa nullité (art. 82 cc).
De même, le nantissement de fonds de commerce est aussi
subordonné à l’observation de règles formelles précises.

De surplus, l’existence d’une lettre de change dépend du respect


des formes posées par le Code de commerce. Le titre qui ne comporte pas
les mentions énumérées par l’article 159 à savoir : (la dénomination de la
lettre de change, le mandat, le non du tiré, l’ échéance, lieu de paiement,
le nom de celui auquel le paiement doit de faire, la date et le lieu où la
lettre est crée et le nom et la signature de celui qui émet la lettre tireur)
ne vaut pas comme lettre de change. Sa forme est une condition de son
existence. En effet, si une des mentions fait défaut, le titre ne bénéficie
pas du régime des lettres de change et représente une reconnaissance de
dette ordinaire (article 160 al.2).

Dans la plupart des contrats relatifs au droit maritime, l’écrit est


imposé pour des raisons diverses. D’une part, le souci de sécuriser
l’ensemble des opérations et transactions commerciales. D’autre part, de
disposer d’un système de traçabilité permettant de suivre l’évolution

4 H.CHERKAOUI, Droit Commercial, 2éme Edition, p.53


5
d’une opération ainsi que de dégager la responsabilité incombant à
chacune des parties dans ce processus.

Pour les contrats passés à la Bourse, l’opération donne lieu à la


délivrance d’un bordereau. Enfin toutes les fois qu’un commerçant fait une
opération qui implique une inscription en compte (exigée par la
dématérialisation des titres), le compte qui lui est ouvert revêt une
certaine forme.

La règle de preuve en matière commerciale trouve une autre limite


dans les actes mixtes5. Mais la solution dépend de la qualité du défendeur
à la discussion sur la preuve. La preuve est soumise aux règles de droit
civil sur l’action dirigée par un commerçant contre un non- commerçant.
En disposant que « les règles de droit commercial ne peuvent être
opposées à la partie pour qui l’acte est civil» ( Art. 4/ C.c) consacre cette
distinction.

Outre que les obstacles qui peuvent être générés de l’exigence par la loi
de l’écrit dans certains contrats de nature commercial, il existe d’ailleurs
une autre problématique qui trouve son origine dans la vie des affaires qui
est celle de silence et les effets juridique qui en découlent. C’est ce que
nous essayerons dans cette partie à décortiquer.

 le silence dans le droit commercial

L’acceptation peut prendre différentes formes, elle peut notamment


être tacite ou expresse. Par ailleurs, le destinataire peut aussi choisir de
refuser de manière explicite l’offre qui lui est faite. Le problème est plus
délicat lorsqu’il garde le silence, qu’il choisit de ne pas se prononcer, ni
positivement, ni négativement. Le silence est particulièrement ambigu
alors même que l’acceptation est censée être affranchie de toute
ambiguïté pour exprimer clairement la volonté de la partie concernée. Elle
est nécessairement totale, pure et simple et ne souffre pas d’imprécision.
Le silence rend complexes les relations entre l’offreur et le destinataire et
floue la possibilité de former ou non un contrat. Le rôle du silence est donc
loin d’être neutre dans l’acceptation d’une offre. L’acceptation ou le refus
nécessitent un comportement actif de manifestation de la volonté de
conclure le contrat que le silence, comportement passif, ne permet pas
d’exprimer. C’est pourquoi s’est imposé en droit, le principe, contraire à
l’adage « qui ne dit mot consent » selon lequel le silence ne vaut pas
5 M.D.ALAMI MACHICHI, Droit Commercial Fondamental au Maroc, Rabat,2006,
p.258 et 259
6
acceptation. Mais ce principe est assorti d’exceptions liées à certaines
circonstances, exceptions qui peuvent être prévues par la loi ou reconnues
par le juge.

La conclusion des actes de commerce ne nécessite pas les formalités


souvent complexes du droit civil (que l’on songe, par exemple, aux ventes
d’immeubles qui, bien que soumises au principe du consensualisme, ne
sont pleinement efficaces qu’après la rédaction d’un acte de notarié et
l’accomplissement de la publicité foncière). Par conséquent le silence est
source d’obligation : ainsi le fait de recevoir sans protester des
marchandises et la facture qui y correspond équivaut à la conclusion d’un
contrat d’achat6.

La technique de la lettre de change relevé (LCR) révèle le même


phénomène. Théoriquement le banquier domiciliaire ne devrait payer les
traites que sur ordre exprès de son client. Dans la pratique l’inverse se
produit souvent : le banquier paye, sauf si le client lui a fait connaître son
refus. Le silence vaut ordre de payer, ce qui est la solution la plus
commode et la plus rapide.

En outre, pour faciliter la rapidité de la conclusion des contrats, le


droit commercial a mis sur pied un formalisme adapté à ces besoins
spécifiques, comme notamment les ventes aux enchères pratiquées sur
les marchés de gros.

Les transactions commerciales s’effectuent de plus en plus souvent


par la communication électronique, faisant ainsi disparaître tout support
papier. Face donc à l’inadaptation du système probatoire marocain au
phénomène de la dématérialisation des preuves, le législateur civil
marocain a entretenu certaines modifications des dispositions
incommodes contenues dans le D.O.C.

B) Spécificité de la preuve électronique selon la loi 53-05

Les dispositions prévues par la loi relative à l’échange électronique


de donnée juridiques s’inscrit dans cette optique puisque les articles 4 et 5
de la loi précitée prévoient la modification de plusieurs articles du D.O.C et
l’insertion de dispositions relatives, notamment, à l’écrit et à la signature
électronique.

6 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome I, Droit Commercial Général et Sociétés,
Edition 11, p.71
7
- 1 / L’écrit de l’acte sous seing privé électronique

Dans cette optique, nous se contentons de l’analyse de la preuve


littérale avant et après la promulgation de la loi 53-05 relative à l’échange
des données électronique.

 La notion de l’écrit avant la loi 53-05

La notion de l’écrit n’est pas tout à fait claire dans l’esprit tant des
juristes que des profanes. Que faut-il entendre par écrit ? Est-il associé au
support papier ou bien recouvre-t-il une acceptation plus générale ?

L’écrit qui est pourtant un élément essentiel en matière de preuve,


n’a fait l’objet d’aucune définition de la part du législateur.

L’article 417 du D.O.C. s’est en effet contenté de traiter de la


preuve littérale dans son ensemble en disposant que celle-ci « résulte d’un
acte authentique ou d’une écriture sous seing privé. Elle peut résulter
également de la correspondance, des télégrammes et des livres des
parties, des bordereaux des courtiers dument signés par les parties, des
factures acceptées, des notes, et documents privés, et de toutes autres
écritures ».

La raison de ce mutisme du législateur est fort simple : l’écrit


s’est toujours identifié au support papier. « L’adjectif littéral désignait une
écriture apposée en signes lisibles sur un support tangibles ».

la réalité est, de nos jours, totalement différente. Le document écrit


sur papier est de plus en plus souvent remplace par de nouveaux
supports d’information ; il tend même à disparaître dans le cadre des
contrats du commerce électronique. Cette vision traditionnelle de la notion
d’écrit n’est plus acceptable et constitue un frein au développement des
activités commerciales sur l’Internet7.

En France, la jurisprudence et la doctrine ont depuis longtemps mis


en exergue que l’écrit était dissocié de l’instrument et de la matière qui
ont permis de le réaliser8.

7 M.D. TOUMLILT, Le commerce électronique au Maroc, aspects juridiques, Edition


Maghrébines 2008, P. 443
8
En outre, il faut souligner que, s’agissant des modes de preuve
juridiquement recevables, les systèmes juridiques ont toujours tenu
compte des évolutions des techniques de communication. Un auteur qui
s’appelle M.REULOS soulignait en 1950 déjà que « le droit n’a pu
ignorer longtemps l’usage du papyrus ou celui du parchemin, il a
lentement intégré à sa réglementation l’imprimerie puis la
dactylographie. Il doit maintenant envisager les techniques
modernes de bureau »9

Il était donc grand temps que l’écrit électronique fut enfin reconnu
explicitement. La doctrine marocaine en formulait le souhait et considérait
que le système probatoire marocain constituait un réel frein au
développement du commerce électronique au Royaume.

 Reconnaissance de l’écrit électronique par la loi 53-05

La loi relative à l’échange électronique de données juridiques répond


parfaitement à ce besoin puisqu’elle prend le soin de modifier la
formulation de l’article 417 al. 2, en disposant, qu’outre les éléments
déjà énoncés par ledit article, la preuve littérale peut également résulter
« de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification
intelligible quels que soient leur support et leur modalités de
transmission ».

On retiendra de cette définition de la preuve littérale qu’elle est


rédigée d’une manière suffisamment large pour couvrir aussi bien l’écrit
traditionnel sur papier que les documents électroniques10.

L’approche fonctionnelle de l’écrit y est retenue en affirmant la place


essentielle accordée à l’information, à sa signification et à l’intelligibilité
du contenu sémantique des signes utilisées pour formaliser cette
information, plus qu’aux modalités d’expression de cette dernière11.

8 E.-A.CAPRIOLI, le juge et la preuve électronique, Actes du Colloques de


Strasbourg, « le commerce électronique : vers un nouveau droit », 8-9 Oct. 1999

9 M.REULOS, Problèmes juridiques et microfilms, Rev. Du Comité National de


l’Organisation Française, Nov. 1950, p.17, cité par I.DAURIAC, thèse préc.,p.75

10 cf. en ce sens S.AZZABI, art. précit.

11 (F.MAS, La conclusion des contrats du commerce électronique, LGDJ, 2005,


p.233)
9
Cet article met fin à la confusion qui avait fini par se créer avec les
ages entre l’écrit et le papier. La seule condition posée réside dans le fait
que le message doit être intelligible, c’est à dire qu’il s’agisse d’une
information destinée à être communiquée et comprise12.

Un autre apport no moins négligeable de cette loi consiste dans


l’article 417-1 qu’elle a inséré au sein du D.O.C. et qui dispose
que « l’écrit sur support électronique a la même force probante
que l’écrit sur support papier :

« L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au


même titre que sur support papier, sous réserve que puisse
dument être identifiée la personne dont il émane et qu’il soit
établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir
l’intégrité ».

Cet article affirme donc explicitement, lorsqu’il s’agit de déterminer


le degré de l’admissibilité, à titre de preuve, de l’écrit sous forme
électronique, sa parfaite équivalence avec l’écrit sur support papier, sous
réserve toutefois de satisfaire aux deux conditions susvisées, à savoir la
garantie de l’intégrité de l’écrit et l’identification de son auteur.

Outre l’écrit, dans sa forme électronique, servant de preuve des


actes juridiques, le législateur marocain reconnaît davantage, d’après la loi
53-05, l’utilité et l’indispensabilité de la signature électronique qui vient de
consolider la sécurité juridique en matière du commerce électronique.

- 2/ La signature de l’acte sous seing privé électronique

La signature, complément indispensable de l’écrit, servant de preuve


préconstituée des actes juridiques, devait nécessairement obtenir, de la
part des rédacteurs de la loi 53-05, sa reconnaissance dans sa forme
électronique afin de donner sa pleine dimension à l’écrit électronique 13.

 Reconnaissance juridique de la signature électronique

12 (D. TOUMLILT, Le commerce électronique au Maroc, aspects juridiques, P445,


cité par M.TREZEGUET, op.cit., p.27)

13 D. TOUMLILT, Le commerce électronique au Maroc, aspects juridiques, P446,


cité par F.MAS, op.cit.,p.236
10
Il est vrai que le D.O.C. ne comporte aucune interdiction spécifique à
la signature électronique, et pour cause : elle n’existait pas lors de la
promulgation de ce Dahir en 1913, mais il faut également relever que
l’absence de définition légale peut avoir un effet inhibiteur sur les juges et
renforcer par là même leur défaillance à la signature électronique 14.

Quant à la doctrine classique, elle définit la signature, comme


étant « une marque distinctive, propre à son auteur, et sous laquelle la
personne se fait habituellement connaître ».

Ainsi, de manière classique, la signature est manuscrite et le


document signé est un écrit sur papier15.

La signature est un élément remplissant une double fonction :


l’identification de l’auteur de l’acte auquel il s’attache et son adhésion au
contenu de ce dernier ou, en d’autres termes, comme cela a été décrit par
un illustre auteur, elle est l’instrument mis à la disposition de
l’homme « pour imprimer sa responsabilité et sa volonté à un écrit et pour
faire de cet écrit matériel un acte juridique ».

De même, Il s’agit d’un moyen technique qui permet d’identifier et


d’authentifier l’auteur d’un document sur le réseau. Elle permet donc de
résoudre le problème de l’écrit signé, ayant vocation à être fiable et
infalsifiable. L’usage de la signature numérique est de nature à favoriser
les contrats négociés à distance puisqu’elle garantit l’identité des parties
au contrat et l’origine des messages et protège contre les intrusions
indues16.

Entendu de façon extensive, la signature peut être non seulement


manuscrite, revêtir la forme d’un sceau, d’un cachet mais aussi d’une
matricule ou d’un code d’identification. La signature électronique est l’un
des codes ; d’où la recevabilité de la signature électronique.

Ainsi, pour lever des obstacles à un développement harmonieux de


la communication électronique, il faut faciliter l’utilisation des signatures
électronique en assurant tout d’abord leur reconnaissance juridique.

14 Ibid., p.447

15 Art. La signature électronique au Maroc, JURISnet, Conseil Juridique, expertise et


formation en télécom et NTIC, 11-29-2004

16J.CARBONNIER, Droit civil, personnalité, incapacités, personnes morales, P.U.F., coll.


Thémis, 1995, n°35, p.60

11
La promotion de la reconnaissance des signatures électroniques est
nécessaire car le développement du commerce électronique est
subordonné à l’existence de garanties sur la sécurité des transmissions de
données et de paiements en lignes.

Le législateur marocain a vite compris qu’il était devenu nécessaire


et important de veiller à ce que la législation rende possible les contrats
par voie électronique et que leur régime juridique ne conduise pas à priver
d’effet et de validité juridique de tels contrats pour motif qu’ils sont passés
par voie électronique.

C’est ainsi que la loi 53-05 relatif à l’échange électronique de


données juridique a introduit une présomption de crédibilité au profit des
signatures électroniques et a établi une équivalence entre signature
manuscrite et signature électronique.

En effet, dans la loi 53-05 relatifs aux messages de données, le


législateur reconnaît juridiquement la signature électronique qui satisfait à
l’exigence par la législation et/ou la réglementation de la signature de
documents.

Il va de même jusqu’à assimiler la signature légalisée ou


authentifiée à la signature électronique certifiée par une autorité de
certification. Sauf preuve contraire, la signature électronique certifiée,
présumée être celle du signataire, présume que ledit message n’a pas été
modifié depuis sa transmission par son signataire.

Quant aux modalités et conditions de certification de la signature,


elles ne sont pas précisées dans la loi qui prévoit qu’un texte
règlementaire les fixera ultérieurement. Cette loi contribuera à réaliser un
juste équilibre entre l’exigence d’adaptation de notre droit aux
technologies de l’information et les impératifs de sécurité juridique 17.

 Conditions de validité de signature électronique

Les conditions que la signature électronique doit remplir pour obtenir


la qualification de « sécurisée » et pouvoir prétendre à une présomption
de fiabilité ont été prévues par l’article 6 de la loi précitée qui dispose :

« La signature électronique sécurisée, prévue par les dispositions de


l’article 417-3 du Dahir formant code des obligations et contrats, doit
satisfaire aux conditions suivantes :

17 V. Annexe Art. La signature électronique au Maroc


12
o être propre au signataire ;

o être créer par des moyens que le signataire puisse garder sous son
contrôle exclusif ;

o garantir avec l’acte qu’elle s’attache un lien tel que toute


modification ultérieure dudit acte soit détectable ;

o elle doit être produite par un dispositif de création de signature


électronique, attesté par un certificat de conformité ;

o les données de vérification de la signature électronique sécurisée


doivent être mentionnées dans le certificat électronique sécurisé
prévu à l’article 10 de la présente loi ».

Dans cet angle, le professeur Mohamed Diyaa TOUMLILT, l’auteur de


l’ouvrage : Le commerce électronique au Maroc ( aspects juridique), salue
la position adoptée par loi 53-05 relative à l’échange électronique de
données juridiques, notamment le fait de conférer à la signature
électronique, qui satisfait à un certain nombre d’exigences techniques,
une présomption de fiabilité et il range donc à l’avis de certains auteurs
qui soulignent que « le recours à la présomption est séduisant : il est
facteur de sécurité car il dispense d’apporter concrètement dans chaque
cas la preuve de fiabilité ; il ne sacrifie pas la justice puisqu’il admet la
preuve contraire »18.

Il nous semble important de préciser, après avoir étudier la preuve de


l’acte sous seing privé électronique, que les rédacteurs du D.O.C. non pas
reconnu l’acte authentique électronique dans la nouvelle loi 53-05. La
question qui se pose est évidemment la suivante : les rédacteurs de la loi
marocaine ont-ils été avisés de ne pas suivre le législateur français dans
cette voie ? Où, en d’autres termes, n’est-il effectivement pas encore le
moment de consacrer légalement la notion d’acte électronique
authentique ?

 Le défaut de reconnaissance de l’acte authentique


électronique par la loi 53-05

« Tout droit de la preuve reconnaît une hiérarchie entre les moyens de


preuve, et la meilleur preuve des pays de droit écrit est et restera l’acte
authentique »19

18A.LUCAS, J.DEVEZE et J.FRAYSSINET, op.cit.,p :612

19 B.REYNIS, art. Précit., p.1494


13
Cette affirmation est confirmée par les articles 418, 419 et 420 du
D.O.C. qui traitent des conditions que l’acte doit remplir pour acquérir le
caractère authentique et de la force probante accordée aux actes qui
satisfont à ces exigences.

L’article 418 dispose en effet que « L’acte authentique est celui


qui a été reçu avec les solennités requises par des officiers
publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu ou l’acte a été
rédigé.

« Sont également authentiques :

« 1° Les actes reçus officiellement par les cadis en leur


tribunal ;

« 2° Les jugements rendus par les tribunaux marocains et


étrangers, en ce sens que ces derniers peuvent faire foi des faits
qu’ils constatent, même avant d’avoir été rendus exécutoire ».

Aux termes de l’article 419, « l’acte authentique fait pleine foi,


même à l’égard des tiers et jusqu’à inscription de faux, des faits
et des conventions attestés par l’officier publique qui l’a rédigé
comme passé en sa présence ».

Quant à l’article 420 il dispose « l’acte authentique fait foi des


conventions et des clauses intervenues entre les parties, des
causes qui ont été énoncées et des autres faits ayant un rapport
direct avec la substance de l’acte, ainsi que des constatations
faites par l’officier public, lorsqu’il énonce comment il est parvenu
à connaître ces faits. Toutes autres énonciations n’ont aucuns
effet ».

Il convient à cet égard de préciser que la loi relative à l’échange


électronique de données juridiques n’a fait aucune allusion à l’acte
authentique électronique et c’est là l’une des rares différences qui existent
entre ladite loi marocaine n° 53-05 et la loi française du 13 mars 2000
portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information
et relative à la signature électronique20.

En vertu de l’article 2 de cette loi, l’article 1317 du code civil


français a reçu, dans un alinéa 2, ce complément important :

20 M.D. TOUMLILT, Le commerce électronique au Maroc, aspects juridiques,


Edition Maghrébines 2008, P. 453,454
14
« Il, l’acte authentique, peut être dressé sur support
électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées
par décret en Conseil d’Etat ».

A signaler que la même réflexion a été menée par la doctrine


française après l’adoption de la loi du 13 mars 2000. il parait donc utile de
s’inspirer ce débat doctrinal pour apprécier s’il serait judicieux que le
Maroc s’engage dans le même voie.

Le premier courant s’oppose à ce que l’acte authentique soit dressé


sur support électronique et invoque les raisons suivantes :

 Il avance que la force probante absolue de l’acte authentique


repose essentiellement sur sa réception réelle par l’officier
public, notamment le notaire.
Ainsi, il va de soi que l’acte dressé sur support électronique ne
peut être considéré comme authentique puisqu’il est établi en
dehors de la présence physique du notaire et des parties à
l’acte21 une autre raison invoquée par ces partisans réside dans
le fait que la reconnaissance de l’acte électronique dressé sur
support électronique se base sur « l’idée fausse qu’entre l’acte
sous seing privé et l’acte authentique, il n’y a qu’une différence
de degré dans la force probante et non une opposition de nature
dans la manière dont il est crée »22

 enfin les auteurs qui représentent ce courant estiment qu’il est


encore tôt pour une réforme de cette ampleur : « c’est une
chose que de vouloir offrir un cadre juridique à des opérations
qui sont dorénavant rentrées dans les mœurs, c’en est une
autre que de conférer l’authenticité à des actes crées sur un
support connu depuis relativement peu de temps et pour lequel
le recul semble insuffisant pour qu’on puisse en garantir la
fiabilité que suppose l’authenticité »23
La réponse à ces diverses critiques formulées à l’encontre de la loi du
13 mars 2000 émane principalement des juristes directement impliqués
par la reconnaissance de l’acte authentique sur support électronique, en
l’occurrence les notaires.

Certains d’autres eux soutiennent ainsi que l’acte authentique, étant


la preuve par excellence, ne pouvait être tenu à l’écart d’une réforme du
droit de la preuve et que, contrairement aux opposants à la notion
21 L.GRYNBAUM, Loi du 13 mars 2000 : la consécration de l’écrit et la preuve
électroniques au prix de la chute de l’acte authentique, art. Précit. p.14

22 A.HOLLANDE et X .LINANT de BELLEFONDS, op.cit., p.308.

23 D. TOUMLILT, Le commerce électronique au Maroc, aspects juridiques, P446, cité par


M.BOURDEAU, art. Précit., p.1
15
d’authenticité électronique, cette dernière est à même d’apporter aux
échanges électroniques la sécurité qui leur manque24.

Quant à l’avis du professeur TOUMLILT, il rejoint cette solution


pratique proposée par certains notaires et qui lui parait de nature à
balayer les incertitudes et réticences qui prévalent au sein de la doctrine
française.

Cette solution consiste en effet à permettre à chaque notaire


d’administrer de façon autonome la délivrance et la révocation d’un
certificat de signature électronique à son client.

Le raisonnement se tient. Ainsi, le client pourra garce à ce certificat,


se connecter sur l’extranet de son notaire en s’identifiant, puis émettre et
recevoir des messages signés, cryptés, horodatés et transmis par voir
électronique. Cet extranet et le certificat qui permet d’y accéder seront
réservés aux échanges bilatéraux du notaire et de son client.

II)- L’exécution des actes de commerce.

On constate aujourd’hui un certain rapprochement entre l’exécution


d’une obligation civile et l’exécution d’une obligation commerciale.

Ainsi, la mise en demeure, qui est une injonction adresser à un


débiteur d’exécuter son obligation, peut se faire aujourd’hui par tout
moyen, notamment par lettre recommandée avec accusé de réception,
aussi bien qu’en matière civile que commerciale.

Toutefois, la spécificité du droit des affaires connaît encore diverses


manifestations notables lors de l’exécution des actes de commerce.

A) La solidarité dans l’exécution des actes de commerce :

24 D.FROGER, L’authencité électronique, disponible à l’adresse suivante : http:// droit-


internet-2001.univ-paris1.fr/Vf/page4_04.html

16
- 1/ Le principe de la solidarité :

La "solidarité" est le rapport juridique obligatoire qui lie entre deux


ou plusieurs créanciers (solidarité active) à deux ou plusieurs débiteurs
(solidarité passive) ayant pour effet, dans le premier cas, de donner à
chacun des créanciers le droit d'exiger le paiement entre ses mains et
sans la présence des autres, de la totalité de la créance et, dans le second
cas, de permettre à chacun des créanciers d'exiger de n'importe lequel
des débiteurs solidaires qu'il se libère de la totalité de la dette entre ses
mains.

La quittance délivrée par l'un quelconque des créanciers solidaires


libère le ou les débiteurs à l'égard des autres créanciers. Bien entendu
dans un même contrat on peut rencontrer à la fois des situations de
solidarité active et des situations de solidarité passive. De même, un
codébiteur solidaire peut invoquer la transaction intervenue entre le
créancier commun et l'un de ses coobligés, dès lors qu'il en résulte pour ce
dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier. Cependant, le
conjoint d'un commerçant s'il n'est pas lui-même commerçant, alors qu'il
s'est engagé solidairement avec celui-ci, peut aussi bénéficier de la
procédure de traitement de son surendettement25.

En matière civile l'absence de solidarité entre débiteurs est de


règle : on dit que la solidarité ne se présume pas. Elle ne peut résulter que
de la loi ou d'une stipulation contractuelle. (L’article 153 du D.O.C).

En revanche en matière commerciale, la solidarité est de droit,


(l’article 335 du D.OC), La solution ne concerne donc que la solidarité
passive du côté des débiteurs et non la solidarité active du côté des
créanciers. En droit commercial on considère que les codébiteurs traitant
par un même acte sont censés avoir un intérêt commun26.

Tel est le fondement de la règle qui laisse place à une solution


contrainte des parties : la présomption de solidarité n’est que supplétive.
Ainsi, par exemple, dans le contrat d’assurance les assureurs qui prennent
ensemble le même risque écartent la solidarité en s’engagent chacun pour
une somme ou un pourcentage du risque qu’ils fixent dans le contrat.

En l'absence de solidarité, la créance se divise entre les débiteurs,


ce qui signifie que chacun d'eux ne peut se voir réclamer que sa part.

25 Dictionnaire du droit privé de M. Serge Braudo

26H.CHERKAOUI, Droit Commercial, 2éme Edition, p.53


17
Précisons que la solidarité suppose nécessairement que l'on se
trouve en présence d'au moins deux personnes. Dire qu'une dette est
"conjointe et solidaire" constitue un pléonasme. Les personnes solidaires
pour le paiement d'une même dette sont nécessairement conjointes. Mais
l'inverse n'est pas vrai. Les héritiers d'un même "de cujus" sont conjoints,
mais non solidaires.

Ajoutons que, lorsque deux personnes qui sont contraintes, l'une ou


l'autre, à l'exécution d'une même obligation, comme par exemple, les
coauteurs d'un dommage ou encore, comme le propriétaire d'un véhicule
automobile et son assureur, elles ne sont pas liées solidairement, mais
elles sont tenues "in solidum".

- 2 / Solidarité des débiteurs :

En cette matière, ce sont des règles plus rigoureuses qu'en droit civil
qui s'applique. Accent mis sur la nécessaire sécurité et ponctualité des
opérations commerciales. Illustration s'agissant de la solidarité. Une même
obligation peut lier entre eux deux ou plusieurs sujets aussi bien du coté
actif que du coté passif. Quand il y a un créancier pour plusieurs débiteurs
de la même obligation, la règle est que l'obligation plurale sera conjointe
en ce sens que chaque débiteur ne sera redevable que d'une fraction de
l'obligation. Par conséquent, le créancier, s'il veut recouvrer l'intégralité de
son droit, diviser ses poursuites entre les débiteurs27.

Un créancier pourra bénéficier d'une modalité de l'obligation plus


favorable (solidarité). En cas d'obligations solidaire, le créancier va se
trouver conforté dans son droit en ce qu'il va pouvoir se retourner contre
un seul de ses débiteurs pour se faire verser l'intégralité des sommes
(protection du créancier contre l'insolvabilité de l'un des débiteurs).
Comme cette solidarité donne à l'obligation un poids supplémentaire, la loi
civile exige que la solidarité résulte que d'une stipulation contractuelle ou
d'une disposition de la loi. En droit civil, la non solidarité des parties se
présume. C'est là que le droit commercial s'éloigne du droit civil. En droit
commercial (solidarité) règle, la solidarité se présume. Les parties
peuvent cependant y déroger par une clause expresse l'écartant.
Présomption (règle d'origine coutumière proclamée par la jurisprudence).

27 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome I, Droit Commercial Général et Sociétés,
Edition 11
18
 La solidarité des codébiteurs :

En vertu d’un usage antérieur au code de commerce et constatant, la


solidarité est présumée en matière commerciale, Cet usage n’ayant
jamais été consacré par la loi, on se trouve en présence d’un assez rare
exemple de coutume contra legem admise par la jurisprudence. Cette
solidarité a été consacrée dans un nombre de lois relatives à des
institutions du droit commercial, comme certaines sociétés prévoyant la
solidarité des associés d’une société de participation commerciale, alors
que si cette société à un caractère civil, la solidarité est écartée. Elle a été
reconnue en jurisprudence dans des hypothèses telles que le
cautionnement commercial, ou encore la coexploitation d’un fonds de
commerce.

Après une période d’hésitation, il est aujourd’hui acquis que la


solidarité commerciale s’applique aux obligations de toute nature, en
particulier aux obligations quasi-contractuelles. Bien évidemment, il
demeure loisible aux commerçants de stipuler expressément dans un
contrat qu’ils ne s’engagent pas solidairement.

B) Le paiement dans l’exécution des actes de commerce :

Le paiement, c’est le versement d'une somme d'argent en échange


d'un bien ou d'un service, ou pour acquitter une obligation28.

Les règles de paiement commercial étaient traditionnellement


marquées par la rigueur de l’échéance, et par le mode rigoureux
d’imputation des paiements et de computation des intérêts. De ces points
de vue, la spécificité du droit commercial tend incontestablement à
disparaître29.

- 1 / la rigueur de l’échéance

28 Dictionnaire du droit privé de M. Serge Braudo

29 Droit commercial ; collection Domat droit prive ; Françoise Dekeuwer-


Defossez Edith Blary- clément. 9ème édition. Montchrestien.
19
Un commerçant doit pouvoir compter sur les paiements de ses
débiteurs pour payer ses propres créanciers : il n’est pas rare que la
défaillance entraîne la « faillite » de son créancier. C’est ce qui explique
une série de règles sévères :

o La première est l’impossibilité d’obtenir des délais de grâce pour


le paiement des effets de commerce : lettres de change, billets à
ordre et chèques.
o La seconde est l’existence de procédures collectives d’apurement
du passif en ces de cessation des paiements.

Aujourd’hui, la rigueur s’est atténuée : le seul fait der ne pas payer à


l’échéance est insuffisant à provoquer l’ouverture d’une procédure.
L’entreprise qui connaît des difficultés de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation ou à la conduire à un état de cessation de
paiement peut demander au tribunal la mise en place d’une procédure de
conciliation ou de sauvegarde. Une procédure de redressement pourra être
ouverte lorsque le débiteur sera dans l’impossibilité de faire face au passif
exigible avec son actif disponible ; il est alors en état de cessation de
paiement. On remarque aussi que la préoccupation de paiement des
créanciers a été supplantée par celle du sauvetage des entreprises. Et ces
atténuations expliquent l’extension des procédures collectives, non
seulement à toutes les personnes morales de droit privé mais aussi aux
artisans et récemment aux agriculteurs.

En matière de baux commerciaux, la faculté d’obtenir un délai de


grâce est même d’ordre public et ne peut être contractuellement écartée.
Tout au plus peut-on noter que les juges font preuve, en matière
commerciale, d’une plus grande sévérité qu’en matière civile et que les
tribunaux l’écartent en présence de certains crédits bancaires.

En revanche, il arrive très souvent que les échéances soient


conventionnellement reportées. Les créanciers ont, en effet, parfois intérêt
à attendre le rétablissement de la situation de leur débiteur, plutôt que de
provoquer son redressement judiciaire par une demande de paiement
immédiate.

Ces moratoires conventionnels peuvent être pris dans le cadre de la


procédure de conciliation prévue par le code de commerce : les principaux
créanciers accordent au débiteur des délais de paiement, ou même des
remises sous l’autorité d’un conciliateur nommé par le président du
tribunal de commerce. L’accord est homologué par le tribunal ; l’accord
homologué suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en
justice ou toute poursuite individuelle.

20
- 2 / Imputation des paiements :

Lorsqu'un débiteur a plusieurs dettes envers le même créancier et qu'il


verse un acompte ou qu'il paye l'une d'elle, il a le droit de déclarer à
laquelle de ses dettes il entend affecter son paiement. Il peut, en effet,
trouver un avantage à s'acquitter d'abord de certaines de ces dettes
(intérêts élevés, dette garantie par une caution ou par un nantissement ou
par une hypothèque, ou dette proche de la prescription etc...). Cette
faculté donnée au débiteur, se nomme : " l'imputation des payements30.

- 3 / Le calcul des intérêts :

Les intérêts peuvent être capitalisés en matière de compte courant


commercial : les intérêts échus du capital produisent donc eux-mêmes des
intérêts. L’anatocisme (capitalisation des intérêts) est de rigueur dés lors
qu’un compte courant existe entre les parties, mais la période minimum
est de six mois en vertu des articles 872 : « Les intérêts des sommes
portées en compte courant sont dus de plein droit par celle des parties au
débit de laquelle elles figurent, à partir du jour des avances constatées. »
et l’article 873 : « Les intérêts ne peuvent être calculés que sur la taxe
d'une année entière.

En matière commerciale, les intérêts peuvent être calculés au mois,


mais ne peuvent être capitalisés, même en matière de compte courant, si
ce n'est à la fin de chaque semestre. ».

En matière civile, le D.O.C prohibe l’anatocisme ; l’article


874 : « Est nulle, entre toutes parties, la stipulation que les intérêts non
payés seront, à la fin de chaque année, capitalisés avec la somme
principale, et seront productifs eux-mêmes d'intérêts. »31.

III)- CONTENTIEUX DES ACTES DE COMMERCE

30 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome I, Droit Commercial Général et Sociétés,
Edition 11

31 M.D.ALAMI MACHICHI, Droit Commercial Fondamental au Maroc, Rabat,2006


21
Le contentieux des actes de commerce suit des règles spécifiques et
l’on rappellera ici les deux principales.

La première tient à la compétence du Tribunal de commerce,


juge naturel des actes de commerce et la seconde est relative à la licéité
de la clause compromissoire qui est la convention par laquelle les
parties à un contrat s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui
pourraient naître relativement à ce contrat. Ainsi le droit commercial est
ici l’œuvre des justices commerciales : justice des tribunaux de commerce
et justice arbitrale. Les tribunaux de commerce spécialement habilités à
trancher les litiges commerciaux, rendent une justice publique
contrairement à l’arbitrage qui est une justice privée.

Ce sont encore les besoins du commerce qui modèlent cette voie de


résolution des conflits. Mais le recours à l’un de ces deux modes de
traitement du contentieux pose une question préalable qui est celle du
délai pour agir à savoir : la prescription.

A) La prescription :

- 1/ Principe

La prescription est un mode d’extinction des obligations qui prive le


créancier d’agir contre le débiteur. Cette privation est due à l’inaction du
créancier qui a laissé courir le délai de prescription : délai de quinze ans
en matière civile (article 387 du DOC) et de cinq ans en matière
commerciale (article 5 du Code de commerce). Ainsi s’affirme la
spécificité du droit commercial. Les nécessités pratiques (rythme de la vie
des affaires…) imposent cette abréviation du délai de prescription. Mais la
prescription prévue par le code de commerce n’est pas celle de la
conservation des livres de commerce pour lesquels le Dahir du 25
décembre 1992 fixe ce délai à dix ans (art 22 de la convention). Ce
dernier délai de dix ans semble avoir été maintenu dans l’intérêt des tiers,
notamment ceux visés par l’article 24 du code de commerce (en cas de
successions, partage, redressement judiciaire…).

Mais le délai de cinq ans reste la règle qui englobe sous son
application les relations concernant les simples particuliers32.

- 2 / Application du principe
32 M.D.ALAMI MACHICHI, Droit Commercial Fondamental au Maroc, Rabat,2006,
22
La prescription de cinq ans n’intéresse pas seulement les obligations
entre commerçants, nées à l’occasion de leur commerce, elle vaut aussi
pour les obligations entre commerçants et non commerçants. La
prescription des actes mixtes est ainsi alignée sur celle des actes de
commerce, cependant le texte prend soin de réserver l’effet de
« disposition spéciale contraire », mais cette formule ne semble pas
impliquer une distinction dans le cas des actes mixtes ; elle s’explique
seulement en raison de la fréquence des prescriptions spéciales. Des
exemples : les actions des négociants pour des marchandises qu’ils
vendent aux particuliers se prescrivent par deux ans (art 388-5° du
D.O.C) ; les dispositions en matières de lettre de change et de billet à
ordre (Article 228 du code de commerce) ou de chèque (art 295 du code
de commerce) établissent aussi un délai plus court.

Analysons maintenant les différents modes de traitement du


contentieux des actes de commerce.

B) Le recours aux tribunaux de commerce

La vie des affaires a sécrété sa propre juridiction : les tribunaux de


commerce, spécialement habilités à trancher les litiges commerciaux
pour le premier degré d’instance, ainsi que des cours d’appel spécialisées
pour les instances d’appel et une chambre commerciale au sein de la Cour
Suprême pour les instances de cassation. Le législateur marocain n’a pas
suivi l’exemple de son homologue français en confiant le premier degré
d’instance à des commerçants élus par leurs pairs. En effet le contentieux
commercial devient de plus en plus complexe et exige des connaissances
juridiques approfondies. D’ailleurs une reforme en France s’oriente vers
une solution consistant à introduire dans la juridiction commerciale le
système de l’échevinage, c'est-à-dire à faire présider le tribunal de
commerce par un juge d’Etat. Au Maroc le contentieux commercial, à tous
les échelons est confié à des juges d’Etat, c'est-à-dire des magistrats
professionnels.

Deux questions méritent l’attention : tout d’abord la compétence des


tribunaux, qui est dans certains cas source de difficulté en raison de
l’imprécision des textes, et la procédure devant ces tribunaux, dont la
rapidité marque son originalité par rapport à celle suivie devant les
tribunaux civils.

23
- 1/ Compétence :

Quant aux matières. – compétence ratione materiae- : la


compétence des tribunaux de commerce est fixée par la loi instituant ces
juridictions33. Il en résulte que la compétence qu’ils détiennent est
générale en matière commerciale. Cependant, quelques difficultés dans la
détermination de cette compétence peuvent se poser dans trois rubriques
visées par l’article 5 du Dahir du 12 Février 1997 (Loi N°53-95),
notamment celle mentionnées aux rubriques 2, 3 et 4 :

o Actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités


commerciales : cette rubrique recouvre la plus grande partie des
litiges découlant de la vie des affaires. Elles regroupent les activités
énumérées par les articles 6 et 7 du code de commerce dont on sait
qu’elles ne deviennent commerciales que si elles sont répétées,
renouvelées et coordonnées entre elles. Autrement dit, elles doivent
s’insérer dans une activité d’ensemble qui permet de conférer à
chacun des actes qui la composent, le caractère commercial et la
qualité de commerçant à ceux qui les accomplissent.

Ainsi, la compétence à raison de la matière constitue une des


difficultés qui peut se poser assez souvent devant le tribunal de commerce
et qu’il devra d’abord trancher par un jugement, lequel peut faire l’objet
d’un appel, avant qu’il soit statué définitivement sur la compétence.

Remarquons que cette difficulté ne se pose pas dans le cas où les


actes litigieux se produisent entre commerçant et non – commerçant: si
l’acte est civil pour le demandeur, il peut opter pour la compétence du
tribunal de commerce. Quand le demandeur est commerçant, il ne peut
33 L’Art 5 du dahir n1.97.65 du 12 février 1997 confie aux tribunaux de commerce « la
connaissance des litiges suivant :Les actions relatives aux contrats commerciaux ;
- Les actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités commerciales ;
- Les actions relatives aux effets de commerce ;
- Les différends entre associés d’une société commerciale ;
- Les différends à raison de fonds de commerce
Sont exclues de la compétence des tribunaux de commerce les affaires relatives aux
accidents de la circulation.

Le commerçant peut convenir avec le non – commerçant d’attribuer compétence au


tribunal de commerce pour connaître des litiges pouvant les opposer à l’occasion de
l’exercice de l’une des activités du commerçant ».

24
assigner le non commerçant que devant la juridiction civile (tribunal de
première instance), sauf si le non-commerçant (défendeur) renonce par
convention à se prévaloir de l’incompétence du tribunal de commerce. Ces
clauses sont valides en vertu de l’article 5 alinéas 3 du dahir du 12 Février
1997 (loi n°53-95) instituant les tribunaux de commerce au Maroc.

o Actions relatives aux effets de commerce : cette disposition


prête naturellement à confusion et peut nuire aux non-
commerçants. Les effets de commerce visent essentiellement la
« lettre de change » (ou traite) dont la signature, en qualité de
tireur, de tiré, d’avaliste ou d’endosseur emporte automatiquement
compétence des tribunaux de commerce, quelle que soit la
profession du signataire, civile ou commerciale. Mais les effets de
commerce visent aussi le « chèque » et le « billet à ordre ». Or le
chèque, s’il a la forme commerciale, est un acte de nature civile. Sa
signature n’entraîne compétence des tribunaux de commerce que si
l’engagement souscrit a lui-même un caractère commercial. Quant
au billet à ordre, il relève de la compétence commerciale toutes les
fois qu’il porte la signature d’un commerçant. Mais s’il est signé par
un non-commerçant, il ne peut être réputé acte de commerce que
s’il résulte d’une transaction commerciale (Art 9). A cet égard,
l’acceptation du billet à ordre en règlement d’une opération de
crédit est un acte civil pour le non-commerçant parce que la cause
de l’emprunt est civile.

Ces précisions permettent de faire application de la règle visée plus


haut concernant la latitude du non commerçant d’opter pour le tribunal de
commerce.

o Des différends entre associés d’une société commerciale :


cette rubrique peut également poser quelques difficultés pour la
détermination de la compétence des tribunaux de commerce, dans
la mesure où les associés d’une société commerciale ne sont pas
tous des commerçants. Il en est ainsi des administrateurs et
gérants et aussi associés des sociétés par action et à
responsabilité limitée. En outre la formule vise les associés de la
société, mais non la société elle-même personne morale.

En réalité cette difficulté ne se pose pas. En effet, une société


commerciale peut être associée d’une autre société. Quant à l’associé
personne physique, il accomplit, dès sa souscription au capital social de la
société par action, un acte de commerce. En effet par cet acte, il adhère à
une société commerciale. Cette analyse s’applique aussi au mineur dont la
souscription sera le fait de son représentant. Enfin, c’est parce que la
société, personne morale, est commerciale, que les différends entre
25
associés sont de la compétence des tribunaux de commerce. La formule
vise donc toutes les contestations qui ont leur origine dans la création,
le fonctionnement ou la liquidation de la société, à l’exclusion de
celle qui naissent des relations personnelles des associés. Ainsi les litiges
peuvent concerner la société elle-même, ses associés et les tiers34.

En application de ces principes, relèvent notamment des tribunaux


de commerce l’action en complément d’apport ou en restitution de
dividendes contre les associés, l’action en nullité de la société, l’action en
responsabilité contre les dirigeants sociaux pour des fautes contractuelles
ou quasi délictuelles.

En revanche, les actions relatives aux cessions d’actions ou de parts


sociales sont en principe de la compétence civile, sauf dans le cas ou cette
cession se rattache au fonctionnement de la société ou à sa liquidation ou
lorsqu’elle entraîne un transfert de contrôle35.

Quant à la compétence territoriale du tribunal du commerce dite


compétence ratione loci- : il s’agit du tribunal dans le ressort duquel
demeure le défendeur (art 27 CPC).

En matière de société, c’est au tribunal du siège social ou de sa


succursale. Cette dernière précision permet de donner compétence aux
tribunaux marocains lorsque le siège social de la société est à l’étranger.

En matière contractuelle, le tribunal territorialement compétent est


celui du lieu de livraison de la chose ou celui de l’exécution de la
prestation, solution traditionnelle de la procédure civile (art 28 et 29
CPC). D’où il résulte deux difficultés :

La première apparaît en l’absence de tribunal de commerce, le


défendeur demeurant dans une ville dépourvue de cette juridiction ; c’est
alors au tribunal de commerce compétent en vertu du décret du 28
octobre 1997 qui détermine sa circonscription.

La seconde difficulté tient à la pratique des clauses attributives


de compétence qui désigne, dans un contrat, le tribunal de commerce
appelé à trancher les litiges entre les parties.

34 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome I, Droit Commercial Général et Sociétés,
Edition 11,

35 Il y a « cession de contrôle » même si le cédant n’a transmis qu’une


participation minoritaire et que l’acquéreur acquiert le contrôle de la société ; Voy
n° 738 p. 58, traité de droit commercial de G.RIPERT et R. ROBLOT T.1 16 ème ed° ;
Cass. Com 24 novembre 1992, Dr. Des soc.1993, n°11 qbs VIANDIER et
CAUSSAIN.
26
Elles conviennent, par exemple, de porter leur litige devant le
tribunal de Casablanca. L’avantage est grand pour la société qui centralise
tout le contentieux relatif à son activité en un lieu unique, celui de son
siège social. L’autre partie devra, qu’il soit demandeur ou défendeur,
plaider sa cause devant un tribunal parfois éloigné de son lieu d’activité.
Ces clauses sont licites d’après l’article 12 du dahir instituant les
tribunaux de commerce. Cela ne fait aucun doute si la clause est contenue
dans une convention. Mais il en va différemment si la stipulation est
reproduite au dos d’un bon de commande, d’un devis, d’une facture, ou
d’un bon de livraison. C’est alors à celui qui invoque la clause de
démontrer, par tous moyens, que celle-ci a été acceptée par son
adversaire. Mais en raison de la qualité de professionnel des acteurs de la
vie des affaires, le silence devrait valoir acceptation de la clause. Le
désaccord de la part du commerçant devrait donc être exprimé dès
réception du document contenant la clause.

- 2/ Procédure

L’originalité de la matière commerciale marque de son empreinte


cette question, d’où certaines solutions propres aux tribunaux de
commerce. La plus notable intéresse le recouvrement des créances,
facilité par la procédure dite de l’injonction de payer. Cette procédure
est fondée sur les impératifs de rigueur et de ponctualité qui colorent le
droit des affaires. L’injonction de payer s’applique aux créances
exigibles (l’échéance de paiement est survenue) et liquides (le montant
de la créance est déterminé).

Le titulaire d’une créance dotée de telles qualités à la faculté de


présenter au président du tribunal de commerce une requête demandant à
ce qu’il soit enjoint au débiteur d’honorer sa dette. Le président du
tribunal rejette la demande ou l’accepte. Sa décision prend la forme d’une
ordonnance, sans que le débiteur ait été appelé à faire connaitre ses
arguments ; c’est en cela que la procédure est expéditive. L’ordonnance
d’injonction est signifiée au débiteur, lequel a alors la possibilité de faire
appel, dans les huit jours à compter de la notification de l’ordonnance (en
vertu de l’article 161 du CPC). Selon l’article 22 Alinéas 2 du dahir
instituant les tribunaux de commerce, « Le délai d’appel et l’appel lui-
même ne suspendent pas l’exécution de l’ordonnance d’injonction
de payer rendue par le président du tribunal ».

27
Mais cette procédure, règlementée par le code de procédure civile
dans ses articles 155 à 165 auquel renvoie l’article 22 du dahir
instituant les tribunaux de commerce36, est applicable à certaines
conditions qui sont contradictoires d’un texte à un autre. En effet l’article
22 dispose que « le président du tribunal de commerce est
compétent pour connaître des requêtes aux fins d’injonction de
payer fondées sur des effets de commerce et des titres
authentiques » alors que les articles 158 et 155 du C.P.C disposent que
« le président du tribunal de première instance est seul
compétent pour connaître des requête aux fins d’injonction de
payer » (Art 158) « pour toute demande en paiement d’une
somme d’argent supérieure à mille Dirhams en vertu d’un titre ou
d’une promesse reconnue » (Art 155).

Dans les deux codes, les créances doivent être d’origine


contractuelle, mais dans le cas de créances commerciales, cette procédure
n’évacue pas les inconvénients attachés à la résistance des débiteurs
puisqu’elle ne vise que les effets de commerce et les titres authentiques.
Or il convient de rappeler à cet égard que pour les effets de commerce le
législateur a déjà prévu une procédure autrement plus radicale et bien
plus protectrice que celle de l’injonction de payer, laquelle présente moins
d’intérêt pour le créancier. Quant aux titres authentiques, ce ne sont pas
des actes habituels dans les transactions commerciales où la preuve est
libre en vertu de l’article 334 du code de commerce.

Il résulte que la procédure d’injonction de payer sera en pratique


inapplicable en droit commercial. En outre, par les limites qu’elle
comporte, cette procédure porte préjudice à un droit du commerçant, celui
provenant de la liberté des preuves qui est en principe consacré par
l’article 334 du code de commerce. Cette preuve en matière commerciale
existe sans besoin d’écrit. Elle peut être rapportée par tous les moyens. Le
principe posé par l’article 334 de notre code de commerce s’explique par
la nécessité de favoriser la conclusion rapide des actes de commerce. Il
est d’usage que de nombreux contrats soient conclus par téléphone ou par
fax, voire de façon tacite. Les exigences propres à la vie et au
développement des affaires nécessitent de simplifier les relations
commerciales sans les encombrer de formes trop lourdes.

C) Le recours à l’arbitrage :

36 Dahir instituant les tribunaux de commerce : il s’agit de la loi N° 53-95.


28
S’il s’agit de comparer l’arbitrage à la justice publique ou aux
tribunaux de commerce, il est usuel de mettre à son crédit la rapidité et la
souplesse de son organisation, la compétence des hommes qui le servent,
le secret qu’il préserve et la nature des litiges qui lui sont soumis.

L’arbitrage est une justice privée qui semble s’imposer comme le


mode de règlement des différends le plus approprié aux relations
commerciales. Pour assurer son succès au Maroc, il est nécessaire de le
faire connaître en mettant en évidence ce qui le distingue de la justice
publique.

L’arbitrage est fondé sur une convention passée entre les parties au
litige. Cette convention, appelée convention d’arbitrage, recouvre deux
types d’accord : « le compromis d’arbitrage » et « la clause
compromissoire ». Leur distinction correspond à une réalité pratique : le
compromis est conclu après la naissance du litige et en considération de
celui-ci. La clause compromissoire, qui est incluse dans un contrat
principal, est convenue avant tout litige. Dans l’éventualité où ce contrat
en serait l’occasion, les parties s’engagent à le soumettre, à ce moment à
l’arbitrage37.

Le Maroc a maintenant une institution, la Cour d’arbitrage de la


Chambre de commerce international du Maroc (CCI) qui a un
règlement convenable et qui est assez représentative des milieux
juridiques et judiciaires (barreau, université et praticiens). Les parties
peuvent opter pour cette institution ou mettre en place un arbitrage « ad
hoc ». Ce choix détermine la structure de la convention d’arbitrage.

En ce qui concerne les règles à observer par les arbitres, le


compromis ou acte de mission peut indiquer l’application au litige des
règles de droit, c'est-à-dire les règles de forme mais aussi de fond. Les
parties peuvent cependant demander à l’arbitre de statuer comme un
amiable compositeur jugeant en équité.

Les précisions qui s’imposent concernent notamment


l’organisation de cette procédure, les pouvoirs de l’arbitre et les
recours éventuels contre sa décision.

- 1/ Organisation de la procédure

37 Dictionnaire du droit privé de M. Serge Braudo


29
Il est essentiel que les parties, lors de la rédaction d’une convention
d’arbitrage, prévoit le mécanisme de désignation des arbitres pour
permettre la mise ne œuvre de l’arbitrage. Ce point est capital, car pour
pouvoir être saisi, le tribunal arbitral doit pouvoir être constitué.

Si les parties préfèrent s’en tenir à un arbitrage organisé


directement par elles, elles seront amenées à choisir le ou les arbitres et à
participer personnellement à l’organisation de la procédure. Ce type
d’arbitrage exige que la convention d’arbitrage prévoie, outre la manière
dont le ou les arbitres seront désignés, l’éventualité ou l’une des parties
refuse de coopérer pour cette désignation ou un désaccord entre les
parties ou entre arbitres déjà nommés et le choix des arbitres manquants.
L’efficacité de l’arbitrage ad hoc38 est subordonnée à la désignation d’un
tiers chargé de procéder aux nominations et au remplacement éventuel
des arbitres. Mais encore faut-il que ce tiers soit plus ou moins imprégné
des problèmes de l’arbitrage et sache trouver un arbitre compétent.

Lorsque les parties optent pour l’arbitrage institutionnel de la


cour d’arbitrage de la Chambre Commerciale Internationale du Maroc, la
rédaction de la convention s’en trouve facilitée : il suffit qu’elles désignent
l’institution. Cet organe met à leur disposition ses services et son
règlement de procédure, en les dispensant de prévoir les règles qui
présideront à l’arbitrage. Il intervient dans la désignation des arbitres de
telle sorte que tout blocage dû à refus ou à un désaccord sur cette
désignation est évité. Son intervention permet de faire face à toutes sortes
d’incident et de résistances et conduit à une grande efficacité dans le
déroulement de la procédure dès la demande d’arbitrage qui lui est
adressée. L’efficacité de cet organe s’explique par le contrôle étroit que la
cour d’arbitrage maintient sur la régularité des procédures qu’elle
organise. Elle veille notamment à ce que le règlement soit
scrupuleusement appliqué par l’arbitre, à ce que les délais d’arbitrages
soient dûment prorogés lorsqu’ils ne peuvent être respectés et procède à
un examen de projet de sentence établi par l’arbitre.

Quel que soit le type d’arbitrage choisi, les parties auront à prévoir
le nombre des arbitres. L’arbitrage avec un arbitre unique est plus simple,
moins onéreux et plus rapide évidemment. Ce choix est préférable lorsque
le litige n’est pas compliqué ou dans le cas d’un arbitrage multiparti, où
l’on trouve plus de deux parties ayant un intérêt distinct. Il est d’usage
que les parties puissent entrer en contact direct avec l’arbitre qu’elles ont

38 L’arbitrage ad hoc est le contraire de l’arbitrage institutionnel, c’est-à-


dire pris à l’initiative des contractantes et confié à un tiers et non une institutions
comme la CCI.
30
désigné. Elles peuvent en outre se faire assister par un avocat ou
communiquer les mémoires directement à l’arbitre.

Précisons, par ailleurs, que si une conciliation préalable à la


demande d’arbitrage leur semble opportune, il convient de distinguer
nettement les deux phases et de ne pas en confier la conduite aux mêmes
personnes. Il en ira de même si la nature du contrat rend nécessaire de
prévoir, en cas de difficulté, une expertise purement technique. Celle-ci
doit être exécutée par des techniciens, constatant les incidents et donnant
leur avis. Leur tâche, évidemment urgente, ne doit pas être confondue
avec celle qui sera éventuellement confiée, si un litige prend corps, à de
véritables arbitres, investis d’un pouvoir juridictionnel.

- 2/ Pouvoir des arbitres

Il convient toute d’abord de distinguer entre la loi gouvernant


l’arbitrage et celle applicable au fond du droit. La première porte sur la
procédure arbitrale qui, selon l’option des parties sera soumise aux règles
du Code de Procédure civile (C.P.C) ou au règlement d’arbitrage de la
Chambre de Commerce Internationale du Maroc. La seconde porte sur le
droit applicable au litige à savoir les règles de procédure et règles de fond.
Les pouvoirs de l’arbitre présente des spécificités compte tenu de la
nature privé de l’arbitrage. Quant au droit applicable, ses pouvoirs sont
limités, voire conditionnés par les stipulations de la convention
d’arbitrage.

Spécificité des pouvoirs de l’arbitre : l’arbitre exerce une fonction


juridictionnelle. Sa mission est de juger, c'est-à-dire de vérifier le bien
fondé des deux prétentions antagonistes portées devant lui. Pour cette
raison, la sentence39 qu’il rend est assimilée à un jugement. Comme un
jugement, elle jouit de l’autorité de la chose jugée, c'est-à-dire d’une force
obligatoire.

Mais n’étant pas investi par une autorité publique et tenant son
investiture d’une convention privée, l’arbitre ne statue pas au nom de
l’Etat. Ainsi la sentence qu’il rend n’est pas susceptible d’exécution forcée
et il ne dispose d’aucun pouvoir lui permettant de procéder lui-même à
cette exécution. Sa sentence est dépourvue de force exécutoire tant que
l’autorité publique ne l’a pas revêtue de la formule exécutoire.

39 La décision de l’arbitre est dite sentence arbitrale.


31
Juge privé, l’arbitre ne bénéficie pas non plus de la plénitude de
compétence. Ainsi, l’arbitrage présente une faiblesse par rapport au juge
étatique. Ce dernier ayant la possibilité d’accepter les interventions
volontaires ou les appels en garanties, a une facilité plus grande pour voir
l’ensemble du litige. Or la compétence de l’arbitre est liée à la convention
d’arbitrage qui fixe limitativement celle-ci. L’appel en garantie aurait pour
effet de rompre l’effet relatif des contrats. Cette situation se pose dans le
cas où le litige concerne plusieurs parties qui ont des liens contractuels
distincts. Mais il n’est pas sûr que l’arbitrage soit la meilleure formule dans
ce cas, à moins d’avoir une clause d’arbitrage coordonnée, dont la
rédaction soulève beaucoup de problèmes.

Aussi faut-il noter la dépendance des pouvoirs de l’arbitre. En effet,


si le juge étatique a des pouvoirs délimités par la loi, l’arbitre peut puiser
une liberté dans la volonté des parties d’écarter l’application normale de
certaines règles. Mais cette liberté n’est pas sans limite, car l’autonomie
de la volonté des parties n’est pas absolue. Certaines règles de droit
s’imposent à elles et nécessairement à l’arbitre.

En effet la mission de l’arbitre, dans sa structure, reste celle d’un


juge, et la volonté des parties ne peut altérer les éléments propres à l’acte
juridictionnel à peine de priver l’arbitrage de toute valeur juridique.

Ainsi la renonciation des plaideurs au droit de bénéficier de la loi, en


conférant aux arbitres les pouvoirs d’amiable compositeur, c'est-à-dire de
juger en équité, n’a pas un domaine illimité. Par cette clause, elles
renoncent seulement au droit d’exiger le respect de certains droits
subjectifs pour lesquels elles ont la libre disposition, ceux que les lois
supplétives leur accordent, et qu’elles peuvent modifier par convention.
Mais elles ne peuvent disposer des lois impératives, lesquelles sont
d’ordre public et opposable à tous.

L’amiable compositeur garde ainsi la faculté d’appliquer la loi


supplétive ou de l’évincer. Aussi, pourra t-il évincer un délai de
prescription, dès lors qu’il est acquis par les parties, dans l’optique
d’appliquer l’équité pour la solution du litige. Il pourra atténuer les règles
concernant la charge de la preuve. Il peut aussi aménager la
responsabilité des professionnels face à un non professionnel.

Lorsque, par ailleurs, la convention désigne à l’avance les règles


régissant l’instance arbitrale, les pouvoirs de l’arbitre sont en outre
conditionnées. La violation des stipulations procédurales sera sanctionnée
par la nullité de la sentence.

32
Quant aux règles de fond, les pouvoirs de l’arbitre seront moins
étendus que ceux du juge étatique dans l’interprétation et l’application de
la règle. Si le juge peut modifier la jurisprudence pour faire évoluer son
droit national, l’arbitre ne peut proposer d’autre interprétation que celle
fournie par la jurisprudence dominante de l’ordre juridique.

- 3/ Les recours

En vertu du code de procédure civile, les parties peuvent faire appel


du jugement qui accorde l’exécution de la sentence de l’arbitre, sauf si
elles y renoncent contractuellement. Dans le règlement de la chambre de
commerce international du Maroc, aucun recours judiciaire n’est permis, ni
contre la sentence, ni contre le jugement. Ces recours présentent en effet
de nombreux inconvénient parmi lesquels le risque d’appel purement
dilatoire, ce qui rend caduque la tâche des arbitres et détruit le caractère
rapide de l’arbitrage en ramenant les parties aux vraies lenteurs de la
justice que l’arbitrage voulait éviter.

Cela dit, la sentence n’est pas inattaquable. Il subsiste toujours le


recours en nullité contre la formule exécutoire, c'est-à-dire le jugement
accordant l’exécution de la sentence, recours qui peut être soulevé en
appel dès l’instant où la sentence viole les droits de la défense ou est
contraire à l’ordre public. Et ceci que la voie d’appel soit ouverte ou
fermée, car si les parties peuvent renoncer à l’appel du jugement qui
accorde l’exécution de la sentence, leur volonté est impuissante à priver
l’arbitre des garanties propres à toute procédure juridictionnelle. Ainsi
l’éviction des principes régissant les droits de la défense sera sanctionnée
par la nullité de la procédure. A cet égard, signalons qu’en interdisant les
recours et en obligeant la motivation de la sentence, le règlement de la
Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce international du Maroc
ouvre le contrôle par l’autorité judiciaire de la régularité de la motivation :
l’obligation de motiver se rattache au principe des droits de défense et son
contrôle consistera dans un réexamen du fond du litige à l’encontre de la
sentence.

Rappelons enfin que la hiérarchie des normes permet à un usage


d’aller contre une loi supplétive mais non contre une loi impérative.
L’arbitrage est un instrument d’application du droit40.

40 H.CHERKAOUI, Droit Commercial, 2éme Edition


33
CONCLUSION

En définitive, nous pouvons affirmer que l’étude relative au régime


juridique des actes de commerce a été d’un intérêt à la fois théorique et
pratique dans la mesure où cette étude nous a permis de concilier les
règles de droit régissant les opérations commerciales, que se soit entre
commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, et les
nécessités pratiques qui posent un certains nombres de problématiques
quant à l’application ou à l’association de ces règles à la vie des affaires.

Ainsi, le régime juridiques des actes de commerces ou de toute


opération commerciale, contrairement à d’autres régimes (juridiques),
trouve beaucoup plus son originalité dans sa souplesse compte tenue du
rythme qu’impose le monde des affaires, en accordant tant aux
commerçants qu’à ceux avec qui ils traitent dans le cadre de leur
commerce, certaines facilités surtout en matière de procédure judiciaire
telles que la facilité des moyens de preuve en cas de litige, la solidarité
entre codébiteurs dans le paiement de leur créance et l’impact décisif du
silence dans la conclusion d’un contrat d’ordre commercial.

Cet état de fait donc confère à ce régime particulier un champ de


réflexion juridique relativement aux perspectives d’adaptation des règles
du droit commercial aux opérations purement commerciales ainsi qu’à
celles ne mettant en relation que des actes mixtes, le monde des affaires
étant accéléré par la recherche du gain ou du profit et devront être
assujetti à une certaine éthique.

34
Bibliographie

35
 Droit commercial ; collection Domat droit prive ; Françoise Dekeuwer-
Defossez Edith Blary- clément. 9ème édition. Montchrestien.

 Dictionnaire du droit privé de M. Serge Braudo.

 E.-A.CAPRIOLI, le juge et la preuve électronique, Actes du Colloques de


Strasbourg, « le commerce électronique : vers un nouveau droit ».

 M.D.ALAMI MACHICHI, Droit Commercial Fondamental au Maroc, 2006.

 M.D. TOUMLILT, Le commerce électronique au Maroc, aspects juridiques,


Edition Maghrébines 2008.

 Vocabulaire juridique, Edition Delta, 1987.

 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome I, Droit Commercial Général et


Sociétés, Edition 11.

36

Vous aimerez peut-être aussi