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Droit des procédures collectives

N. Gharbi
Section 4- Les solutions de la procédure
À l’issue de la période d’observation, et à la lumière du rapport présentant le
projet de plan de redressement. Le tribunal a le choix entre :
- l’adoption d’un plan de redressement qui assure le maintien de l’entreprise,
quand il existe une possibilité sérieuse de la sauver.
- la déclaration de la faillite (art. 454 cc), ce qui a pour effet la disparition de
l’entreprise car comme le précise l’article 539 cc « la mise en faillite entraine la
liquidation des biens du débiteur sous contrôle de la justice ».
Rappelons que « le tribunal peut décider à tout moment la mise en faillite de
l’entreprise si ses conditions sont réunies » (art. 433 cc), le tribunal peut donc
constater au cours de la période d’observation que la faillite est inévitable et
qu’elle doit être prononcée immédiatement.

§1 – Les plan de redressement

La solution judiciaire des difficultés d’une entreprise prend la forme d’un plan
de redressement.
Le plan fait l’objet d’une préparation négociée, bien organisée et garantissant
la prise en considération de tous intérêts collectifs contradictoires qui
s’expriment au cours de la procédure collective.
Le plan de redressement est marqué aussi par l’intensité de l’intervention
judiciaire, qui se manifeste par l’importance des pouvoirs du tribunal (453 cc),
le plan de redressement apparait comme « le produit d’une négociation
venant se couler dans le moule d’une décision judiciaire ».
Le plan est perçu comme la technique qui assure la meilleure efficacité des
solutions retenues pour sauver l’entreprise. En effet la notion du plan de
redressement a un régime juridique qui repose sur deux points essentiels :
-la décision adoptant le plan est une décision juridictionnelle .Elle
absorbe tous les éléments de nature contractuelle apparus lors de la
préparation du plan. Le plan a par conséquent un caractère judiciaire

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-le caractère obligatoire du plan .Le plan acte judiciaire, est
opposable aux tiers, c’est la raison pour laquelle la loi a organisé une large
publicité de la décision de justice (art.455 cc).cependant le jugement adoptant
le plan de redressement peut faire l’objet de recours (art.564 cc)

* L’élaboration du plan
En suivant pendant la période d’observation la situation financière de
l’entreprise, l’administrateur judiciaire va pouvoir avec l’aide du débiteur,
élaborer un plan de redressement après avoir consulté les représentants des
créanciers.
Il doit tenir compte de l’avis des créanciers pour la remise de leurs dettes .Il
peut aussi demander l’avis de la CSEE. Et au cas où le plan comporte des cas de
licenciement ou de réduction de salaires et avantages, il informe l’inspection
du travail
L’administrateur judiciaire soumet obligatoirement le plan de redressement au
juge commissaire avant la fin de la période d’observation (art.452cc 439cc).
Le juge commissaire élabore un rapport sur l’efficacité du plan de
redressement, qu’il communique au tribunal dans un délai de 15 jours .Il peut
même demander l’ouverture d’une procédure de faillite.

* L’adoption du plan
Le tribunal adopte le plan de redressement, après consultation des différents
acteurs de la procédure qui sont « le débiteur, les représentants des
créanciers, des cautions, garants, et codébiteurs solidaires » (art.453 al 1).
Le plan de redressement peut être :
-un plan de continuation
-un plan de location gérance, de location, ou de location de l’entreprise
précédant sa cession
-un plan de cession.

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Le jugement adoptant le plan de redressement désigne un ou plusieurs
contrôleurs de l’exécution .Il est chargé de veiller à l’exécution stricte du plan
(art.453 al.2, 3,4 cc).

Paragraphe 1er- Le plan de continuation

1) Contenu du plan
Comme le précise l’art 452 cc « l’administrateur judiciaire examine le plan de
redressement proposé par le débiteur et le modifie le cas échéant  .Le plan de
redressement comporte les moyens à mettre en œuvre pour la relance de
l’entreprise ».

Lorsque le tribunal adopte un plan de continuation le débiteur reste à la tète


de son entreprise.
Le tribunal ne peut homologuer le programme de poursuite de l’activité
qu’avec l’accord des créanciers dont le montant des créances représente au
minimum la moitié du montant global des dettes .Et après avoir vérifié que le
plan mentionné prend en compte les intérêts de tous les créanciers (456 al.1 er).
Le plan a pour objectif de mettre un terme à la cessation des paiements qui est
la cause de l’ouverture de la procédure. Par conséquent le plan de continuation
peut contenir plusieurs mesures de nature à permettre à l’entreprise de sortir
de ses difficultés (452 cc al1er).

A- Les mesures de restructuration de l’entreprise :

a- Mesures modifiant le patrimoine de l’entreprise :


Aux termes de l’article 455 cc « la poursuite de l’activité de l’entreprise peut
être accompagnée de la vente ou de la cession de certains de ses biens, ou de
ses branches d’activité » :

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-la cession d’une branche d’activité. C’est à dire d’un ensemble susceptible
d’exploitation autonome, c’est une sorte de petite entreprise dans l’entreprise.
Cette continuation avec cession partielle est soumise aux dispositions des
articles 461 à464 cc qui gouvernent la cession de l’entreprise (quoique
intégrée dans le plan de continuation, elle sera évoquée dans le plan de
cession).
-Le plan de continuation peut prévoir aussi la cession isolée de certains
éléments de l’actif de l’entreprise .Le prix de vente est versé au débiteur ,sauf
lorsque l’actif vendu est grevé d’un privilège spécial, d’un gage d’un
nantissement ou d’une hypothèque .L’article 574cc précise dans ce sens « en
cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial ,d’un nantissement ,d’une
hypothèque ou d’un gage ,la partie du prix correspondant à la créance garantie
est versée au créancier après payement des créances prévues par les articles
541 cc( partie insaisissable du salaire) et de l’article 199 CDR (al.1,2,3,4,5) ».
1. -Il faut préciser qu’il est interdit au débiteur  pendant la période
d’exécution du plan ,de céder ou de nantir ( nantissement exemple
hypothèque) l’actif immobilisé sans autorisation du tribunal .Le tribunal
peut aussi décider d’interdire la cession et l’inscription d’hypothèque de
certains biens qu’il estime indispensables à la continuité de l’activité et
qui ne pourront être cédés sans son autorisation .
Cette interdiction fait l’objet d’une large publicité .Et toute cession faite en
violation de l’autorisation du tribunal est nulle. Mais, pour être prononcée, la
nullité doit être demandée, par tout intéressé dans le délai de 3 ans qui
suivent l’opération de cession ou la date d’inscription (art455cc)

b- la modification des statuts sociaux


Le plan peut mentionner des modifications des statuts nécessaires à la
réorganisation de l’entreprise (art.457 cc) .Exemple changement de la forme
juridique de la société, qui doit se faire conformément aux articles 433 à 438
CSC). (Mesures modifiant la structure de l’entreprise)

Ces modifications de statuts peuvent aussi consister en une augmentation du


montant du capital, ce qui va permettre à l ‘entreprise de renforcer ses fonds

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propres par l’entrée de nouveaux associés dans le capital de la société
(opération différente de la reconstitution du capital).Les nouvelles
souscriptions doivent être immédiatement et intégralement libérées. Le
commissaire à l’exécution se charge de l’accomplissement de la procédure
(art.457 cc).
L’augmentation du capital peut être réalisée aussi par les souscriptions de tout
ou partie des créances exigibles. En l’occurrence, les créanciers de l’entreprise,
acceptent la conversion de leurs créances en actions ou parts sociales
nouvelles. La conversion du montant global ou d’une partie des créances en
capital ne nécessite pas l’approbation des actionnaires ou associes. (457cc)
cette mesure permet de résorber les pertes de l’entreprise. Conditions de cette
opération :
-la créance doit être inscrite
-non litigieuse
-exigible, si la créance n’est pas échue, le créancier concerné ne peut
souscrire des actions ou des parts sociales nouvelles que s’il renonce à une
partie de la créance que le tribunal a déterminée.

B-L’apurement du passif de l’entreprise

L’un des objectifs du plan de continuation est d’organiser le paiement du passif


antérieur à l’ouverture de la procédure, déclaré et admis .rappelons que les
créances nées régulièrement pendant la période d’observation sont en principe
payées à leur échéance .
Le paiement du passif antérieur est fondé sur le principe de l’égalité entre
créanciers privilégiés et chirographaires.
Ce principe de l’égalité ne s’applique pas quand il s’agit de déterminer les
délais de paiement des créances, qui sont fixées en fonction de la situation des
créanciers concernés et de la solvabilité (capacité de paiement) de l’entreprise
(456 alinéa 1er cc).
Certaines créances échappent aussi à la loi de l’égalité et sont payés sans
délais selon l’article 456cc :

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-les créances garanties par le super privilège des salariés.
-les créances de l’article 199 alinéas 1, 2, 3,5 CDR.
-les créances les plus faibles dans la limite de 5% du global des dettes et
dont la valeur de chacune ne dépasse pas 0.5% du montant global des dettes.
(Remboursement total et immédiat).
Cette exception ne s’applique pas aux créances dont le montant dépasse 0.5 du
montant global des dettes ou celles ayant fait l’objet d’une subrogation ou
payées par un tiers.

Modes d’apurement du passif :


*Remises de dettes
Le plan de poursuite de l’activité ne peut remettre une créance en principal
qu’avec le consentement des créanciers concernés. Lorsqu’il s’agit d’une
créance de l’Etat et contrairement à l’article 25 du code de la comptabilité
publique qui prévoit que « l’abandon d’une créance de l’Etat ne peut
s’effectuer que par une loi ». L’art.474 cc autorise le ministère des finances à
consentir une remise des créances de l’Etat lorsque cette mesure est décidée
dans le cadre d’un règlement judiciaire.
*Le rééchelonnement des dettes (les délais de paiement)Le plan peut
comporter comme mesure de redressement le report des délais de paiement
des dettes.
Les délais de paiement s’imposent en principe à tous les créanciers .Leur durée
ne peut être supérieure à 7 ans, sauf accord du ou des créanciers .Les délais
de paiement sont fixés en fonction des situations des créanciers et de la
solvabilité de l’entreprise (art.456cc).
C -La réduction du nombre des employés ou de leurs salaires.
Cette mesure est prévue par l’art.452cc. Ce moyen est parfois inévitable pour
sauver l’entreprise. Le législateur cherchant à améliorer la situation des salariés
a prévu dans l’article 453cc que les licenciements prévus par le plan de
redressement doivent être considérés comme des licenciements pour cause
économique et technique. C’est une catégorie de licenciement plus favorable
aux travailleurs que les simples licenciements non justifiés.

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2) Les effets du plan
A – La situation du debiteur
L’adoption d’un plan de continuation met un terme aux restrictions apportées
au pouvoir de gestion du débiteur à compter de la décision d’ouverture.
Toutefois le débiteur reste soumis à certaines contraintes. Il lui est interdit de
céder certains bien sans l’autorisation préalable du tribunal (455 al.4).il doit
respecter les délais de paiement des créanciers tel que déterminés dans le
plan.
Le tribunal nomme un contrôleur à l’exécution (même plusieurs), qui pourrait
être soit l’administrateur judiciaire soit le représentant des créanciers ou toute
autre personne, il est chargé de veiller à l’exécution du plan (arts453) .

B- Sanction du non-respect des engagements pris dans le plan de


continuation
*Paiement forcé des créances aux échéances :
Dès l’adoption du plan par le tribunal ,chaque créancier dont le titre a été
vérifié et admis a droit d’obtenir le paiement des dividendes (créances ) aux
échéances prévues .Si ces derniers ne sont pas respectés ,le créancier a la
possibilité (après avoir obtenu un titre exécutoire ),de saisir les biens de
l’entreprise afin d’obtenir le paiement de ce qui lui est dû .le créancier ne
pourrait saisir les biens qui ont fait l’objet d’une inaliénabilité
temporaire( interdiction temporaire de cession) .il ne peut aussi demander
l’annulation du contrat à l’origine de la créance (art. 458 cc) .
* La modification du plan
Le plan de continuation peut être modifié en cours d’exécution .l’article 459
stipule « s’il s’avère que la situation économique générale est caractérisée par
de sérieux bouleversements se répercutant.. sur la capacité de l’entreprise à
mettre à exécution le plan de redressement ».
Le tribunal est le seul compétant pour modifier le plan après l’accord des
créanciers représentant au moins la moitié de la dette globale.
Cette modification ne peut être demandée que par :

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- le débiteur
-le ministère public
-les créanciers dont la créance représente 15% de la dette globale.
*La résolution du plan
La résolution du plan peut être prononcée, en cas d’inexécution par le débiteur
de son engagement dans les délais déterminés.
Selon l’article 458 cc la résolution peut être demandée par :
-le procureur de la république
-le commissaire à l’exécution
-le ou les créanciers dont la dette atteint 15% de la dette globale
Lorsqu’elle est prononcée :
-la résolution entraine l’anéantissement du plan et la déchéance des délais
accordés au débiteur
-.les paiements et les actes effectués par le débiteur avant la résolution ne
sont pas remis en cause.
-le tribunal peut décider la cession de l’entreprise à un tiers s’il ya possibilité
de redressement, ou la faillite si ses conditions sont réunies (art.458 dernier
alinéa cc)

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