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Sous la direction de

Mouhssine Bendahou, Khaled Saidi,


Sylvie Besch et Frédéric Khiami

Traumatisme de la cheville

Références en médecine d’urgence


Traumatisme de la cheville
Springer
Paris
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Heidelberg
New York
Hong Kong
Londres
Milan
Tokyo
Traumatisme de la cheville

Sous la direction de
Mouhssine Bendahou
Khaled Saidi
Sylvie Besch
Frédéric Khiami

Springer
Mouhssine BENDAHOU
Service d’accueil des urgences
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière
75013 Paris

Khaled SAIDI
Service d’accueil des urgences
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière
75013 Paris

Sylvie BESCH
Service de rééducation fonctionnelle et traumatologie du sport
Hôpitaux de Saint-Maurice
94410 Saint-Maurice

Frédéric KHIAMI
Service de chirurgie orthopédique
Hôpital de la Pitié-Salpêtrière
75013 Paris

ISBN 978-2-8178-0351-7 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, Paris, 2013

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traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie
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La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes
d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la
littérature existante.

Maquette de couverture : Jean-François Montmarché


Photo de couverture : © Fotolia
Montage photo : Bloc image
Mise en page : Desk
Les coordinateurs remercient les Professeurs Kamina et Scepi du laboratoire
d’anatomie du CHU de Poitiers pour leur contribution précieuse à l’ouvrage.
Préface

Pourquoi diable un livre sur la traumatologie de la cheville alors


que tout semble déjà avoir été dit ou écrit sur ce sujet ?
Pour une raison très simple : à l’ère de l’Internet, trop d’informations
tuent l’information et la formation.
Trouver en un seul ouvrage tout ce qui concerne la traumatologie de
la cheville, aigue ou chronique, présenté par ailleurs de façon claire
et pratique est chose difficile. C’est tout le mérite de ce livre, dont la
très grande qualité repose, pour moi, sur 2 concepts :
– La multidisciplinarité : ce n’est pas l’œuvre d’un mais de plu-
sieurs auteurs issus de spécialités différentes : médecins généralistes,
rhumatologues, traumatologues, urgentistes, rééducateurs, radio-
logues, chirurgiens orthopédistes, etc. Ce regard croisé est tout à
fait original et moderne, permettant d’aborder chaque lésion dans
sa globalité, avec un regard objectif.
– Un grand esprit de synthèse. Cette approche multidisciplinaire
pourrait entraîner une certaine cacophonie. Il n’en est rien, bien au
contraire. Chaque chapitre est présenté selon le même déroulé clair
et concis, permettant de proposer des arbres décisionnels logiques
et pratiques qu’il s’agisse du diagnostic, de la conduite à tenir, ou
des aspects pratiques du traitement. Les structures anatomiques, la
physiologie complexe, et le rôle fonctionnel majeur, en particulier
lors de l’appui monopodal, sont également abordés. La cheville est
une articulation aux multiples facettes traumatologiques qui ne se
résument pas à l’étude simpliste, de l’entorse du ligament externe,
des fractures bi-malléolaires ou de la rupture du tendon calcanéen.
– Traumatologie aiguë, micro-traumatologie, lésions chroniques
et séquelles sont parfaitement passées en revue et étudiées au cas
par cas de façon rigoureuse.
C’est pourquoi ce livre s’adresse à un public large et varié, confronté à
l’urgence et à la consultation de suivi : urgentistes, médecins de terrain,
orthopédistes,traumatologues, rééducateurs, kinésithérapeutes, etc.
Merci aux auteurs pour cet ouvrage à la fois complet et didactique, qui
est le premier d’une collection qui intéressera la traumatologie ostéo-
cartilagineuse, tendineuse et ligamentaire, des principales articulations.
Professeur Gérard Saillant
Président et membre fondateur de l’Institut du cerveau
et de la moelle épinière (ICM), directeur de l’UFR 965,
Université Pierre-et-Marie-Curie
Sommaire

Préface ....................................................................................... VII


G. Saillant

Partie I
Généralités
1. Anatomie clinique de la cheville et du pied
Comprendre pour bien traiter ........................................ 3
M. Scepi

2. Principes de la consolidation osseuse


et ligamentaire appliqués à la cheville traumatique
Prise en charge aux urgences ........................................... 17
M. Scepi

Partie II
Cheville aiguë fermée
3. Démarche diagnostique devant une cheville aiguë ...... 25
S. Besch, E. Rolland et M. Peyre

II-1
Lésions ligamentaires « entorses de la cheville »
4. Examens complémentaires
Pourquoi ? Lesquels ? Quand ?........................................ 39
D. Zeitoun Eiss

5. La classique entorse du ligament collatéral latéral :


Quel traitement choisir ? ................................................. 45
J. Rodineau

Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville


ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
X Traumatisme de la cheville

6. Autres entorses de la cheville ........................................... 57


P. Fieuzal

II-2
Lésions osseuses
7. Fracture de la malléole latérale ....................................... 69
C. Camelot

8. Fractures bimalléolaires ................................................... 87


E. Fourniols

9. Fractures du talus.............................................................. 97
E. Sariali

10. Fractures du calcanéus ..................................................... 109


H. Lelièvre

II-3
Le piège : lésions tendineuses

II-3A – Tendon calcanéen (Achille)


11. Rupture du tendon calcanéen ......................................... 125
J.-F. Kouvalchouk

12. Place du traitement conservateur dans les ruptures


récentes et anciennes du tendon calcanéen de l’adulte . 133
S. Besch, E. Rolland, J. Rodineau, F. Khiami

13. Place du traitement chirurgical


dans la rupture aiguë du tendon calcanéen ................... 145
F. Khiami, S. Besch, E. Rolland

II-3B – Luxation des tendons fibulaires


14. Luxation des tendons fibulaires ...................................... 157
F. Khiami, A. Meyer, E. Rolland et Y. Catonné

II-3C – Rupture du tendon tibial postérieur


15. Rupture du tendon tibial postérieur .............................. 169
F. Khiami, M. Nicolas, M.A. Ettori, H. De Labareyre et E. Rolland
Sommaire XI

II-3D – Autres tendons


16. Lésions du tendon tibial antérieur
et de l’extenseur commun des orteils ............................. 179
A. Frey

II-4
Fausses entorses de la cheville
17. Fausses entorses de cheville :
les fractures de la base du 5e métatarsien ....................... 187
F. Ledon et J.-B. Courroy

18. Entorses du médio-pied ou de Chopart......................... 195


J. de Lécluse

Partie III
Cheville chronique
19. Cheville douloureuse chronique :
démarche diagnostique et thérapeutique....................... 211
F. Khiami

20. Cheville œdématiée :


démarche diagnostique et thérapeutique....................... 223
A.A. Lopez et A. Goldcher

21. Cheville instable :


démarche diagnostique et thérapeutique....................... 241
J.-J. Banihachemi

Partie IV
Outils thérapeutiques
22. Rééducation de la cheville et du pied.
Pourquoi ? Comment ? Quand ? ..................................... 259
B. Tamalet

23. Outils thérapeutiques


Immobilisations et autres traitements adjuvants .......... 277
D.A. Ghazali
Partie
Généralités
I
Anatomie clinique de la cheville et du pied
Comprendre pour bien traiter 1
M. SCEPI

Points essentiels
t La « cheville traumatique » intéresse le plus souvent quatre articulations : la
tibio-fibulaire distale, la talo-crurale, la subtalaire et le groupe articulaire
tarso-métatarsien et médio-tarsien.
t Les points d’insertion du naviculaire et de la base du processus styloïde du
Ve métatarsien peuvent être le siège de fracture en raison des contraintes
mécaniques qui s’y appliquent en traumatologie (notamment dans les
mécanismes indirects).
t Les éléments anatomiques antérieurs de contention sont faibles, ce qui
explique les transmissions des contraintes sur les appareils ligamentaires
collatéraux et subtalaires.
t Les groupes articulaires fonctionnels et anatomiques sont étroitement
liés et doivent engager à toujours envisager des atteintes anatomiques
multiples (et ne pas se contenter d’évoquer une «  banale  » entorse du
complexe ligamentaire collatéral latéral).
t La proximité des éléments destinés à la vascularisation et à l’innervation
du pied doit conduire à un examen clinique soigneux de ces fonctions
devant une cheville traumatique (notamment en cas de luxations et/ou
de fractures).

Introduction
La connaissance de l’anatomie clinique de la cheville et du
pied est indispensable pour l’urgentiste qui aborde les pathologies
traumatiques et fonctionnelles de ces deux entités. Ce chapitre est
différent des classiques descriptions dans le sens où il se veut volon-
tairement pratique, « dynamique » (description des structures dans
le mouvement) et en relation directe avec la clinique aux urgences.
L’anatomie clinique de la cheville et du pied aux urgences se conçoit
comme un ensemble fonctionnel comprenant les articulations de la

M. Scepi ( ), Service Accueil Urgences – SAMU – SMUR, CHU Hôpital Jean Bernard,
86021 Poitiers Cedex. Laboratoire d’Anatomie. Faculté de Médecine. Université de Poitiers.
– e-mail : m.scepi@chu-poitiers.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
4 Traumatisme de la cheville

cheville (talo-crurale, tibio-fibulaire distale et subtalaire) et celles


1 du pied (articulation transverse du tarse ou tarso-métatarsienne en
particulier). Nous envisagerons donc ces différentes entités ana-
tomo-fonctionnelles et les points essentiels de l’anatomie afin de
comprendre les lésions et d’interpréter au mieux les différentes
imageries aux urgences.

Anatomie clinique appliquée des articulations de la cheville

Pour l’urgentiste, l’anatomie clinique concerne les articula-


tions talo-crurale, subtalienne et tibio-fibulaire distale. Les trau-
matismes sont soit directs et concernent les lésions des éléments
osseux, soit indirects et intéressent les éléments, capsulaires, liga-
mentaires et ostéo-chondraux. Ces derniers mécanismes étant
les plus fréquents, il est essentiel de connaître l’anatomie de ces
éléments et leurs aspects cliniques fonctionnels.

Anatomie clinique de l’articulation talo-crurale


C’est l’articulation, communément dénommée articulation de
la « cheville », qui unit le squelette jambier et le tarse : mortaise
tibio-fibulaire/talus. Elle est très intimement associée sur le plan
anatomique et fonctionnel à l’articulation tibio-fibulaire distale
(cf. infra). Les éléments ostéo-chondraux en présence sont : la face
inférieure du tibia, la surface articulaire de la malléole médiale, la
surface articulaire de la malléole latérale et la trochlée du talus.
Lors des traumatismes de la cheville, tous ces éléments peuvent
être atteints de façon isolée ou associée (fig. 1).

Fig. 1 – Vue postérieure des articulations talo-crurale


et subtalaire (pied en varus équin) (d’après P. Kamina).
1 : tibia ; 2 : fibula ; 3 : talus ; 4 : calcanéus ; 5 : ligament
collatéral médial (deltoïde) ; 6 : ligament collatéral latéral
(fibulaire)  : ligament talo-fibulaire postérieur et ligament
calcanéo-fibulaire ; 7 : ligament talo-calcanéen interosseux.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter 5

Anatomie de surface
Le bord antérieur de l’extrémité inférieure du tibia est palpable
en dedans de la saillie du tendon du muscle tibial antérieur lorsque
le pied est en flexion dorsale ; la palpation se continue sur le versant
médial pour atteindre très facilement la malléole médiale.
La malléole latérale est aisément palpable sur sa face antérieure,
latérale et postérieure. En arrière, de part et d’autre de la saillie
du tendon calcanéen, les deux gouttières rétro malléolaires sont
palpables et doivent apparaître libres de tout épanchement.
En avant et en dehors de la saillie du tendon du muscle tibial anté-
rieur, la saillie des tendons du muscle extenseur des orteils masque
la palpation de l’articulation tibio-fibulaire distale.

Anatomie des éléments capsulo-ligamentaires


La capsule articulaire est composée de deux tuniques  : l’une
fibreuse et l’autre synoviale. La capsule fibreuse est mince, lâche et
s’insère sur le pourtour des surfaces cartilagineuses, sauf en avant
où elle s’en éloigne sur la trochlée du talus. Les éléments ligamen-
taires de l’articulation talo-crurale ont bénéficié de nombreuses
descriptions anatomiques, parfois à l’origine de classifications
nosologiques.
Deux entités anatomo-fonctionnelles sont à connaître : le ligament
collatéral latéral (fibulaire) et le ligament collatéral médial (tibial).
Chacune de ces entités est formée de plusieurs ligaments.
Ligament collatéral latéral (fibulaire)
Il est constitué de trois faisceaux qui convergent vers la malléole
latérale :
– ligament talo-fibulaire antérieur  : souvent dénommé «  fais-
ceau antérieur » ; il est court, large et décrit un trajet antérieur
et médial qui va de la face antérieure de la malléole latérale
jusqu’au col du talus, en avant de la surface articulaire malléo-
laire latérale (fig. 2) ;
– ligament talo-fibulaire postérieur : souvent dénommé « fais-
ceau postérieur » ; il est épais et très résistant ; il décrit un trajet
horizontal et médial qui va de la face postérieure de la malléole
latérale jusqu’au tubercule latéral du talus (fig. 2) ;
– ligament calcanéo-fibulaire  : souvent dénommé «  faisceau
moyen  »  ; il est long et décrit un trajet oblique en bas et en
arrière, qui va de l’extrémité de la malléole latérale à la face laté-
rale du calcanéus (fig. 2) ;
Ligament collatéral médial (tibial)
Ce complexe ligamentaire résistant et épais est aussi appelé
ligament deltoïde à cause de sa forme en triangle à sommet
malléolaire.
6 Traumatisme de la cheville

Il est constitué de deux « couches » ligamentaires :


1 – une couche superficielle  : elle est elle-même constituée de
deux éléments ligamentaires : le ligament tibio-naviculaire et le
ligament tibio-calcanéen ;
– une couche profonde constituée également de deux éléments
ligamentaires distincts : le ligament tibio-talaire antérieur et le
ligament tibio-talaire postérieur (fig. 3).

Fig. 2 – Vue latérale de la cheville. Fig. 3 – Vue médiale de la cheville. 1 : liga-
1 : ligament collatéral latéral : ligament talo- ment collatéral médial : couche superficielle ;
fibulaire antérieur  ; 2  : ligament collatéral 2 : ligament collatéral médial : couche profonde.
latéral  : ligament talo-fibulaire postérieur  ;
3 : ligament collatéral latéral : ligament calca-
néo-fibulaire ; 4 : rétinaculum des extenseurs ;
5 : fibula ; 6 : calcanéus.

Éléments anatomiques de voisinage (rapports essentiels de l’articulation talo-crurale)


Ils sont d’ordre tendineux (passage des tendons des muscles destinés
au pied et aux orteils), vasculaire et nerveux.
– En avant  : l’articulation est en rapport avec les tendons des
muscles, long extenseur des orteils, long extenseur du gros
orteil, tibial antérieur. L’artère et les veines tibiales antérieures
accompagnées du nerf fibulaire profond passent en dehors de la
saillie du tendon du muscle tibial antérieur, en avant de l’articu-
lation (pouls pédieux). La veine grande saphène décrit son trajet
en avant de la malléole médiale.
– En arrière : en arrière et médialement, dans la gouttière rétro-
malléolaire médiale, les rapports se font avec : les tendons des
muscles long fléchisseur des orteils, long fléchisseur du gros
orteil, tibial postérieur. L’artère et les veines tibiales postérieures
accompagnées du nerf tibial cheminent dans cette gouttière. Le
tendon calcanéen et son espace rétrotibial délimitent les deux
gouttières rétromalléolaires (fig. 4).
– En arrière et latéralement, dans la gouttière rétromalléolaire
latérale, les rapports se font avec l’artère et les veines fibulaires.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter 7

En arrière de la malléole latérale, se trouvent les tendons des


muscles court et long fibulaires dans leur gaine synoviale et leur
coulisse fibreuse (fig. 5). La veine petite saphène passe en arrière
de la malléole latérale.

Fig. 4 – Coupe horizontale et rapports de l’articulation


talo-crurale (d’après P. Kamina). 1  : tibia  ; 2  : fibula  ;
3  : ligament tibio-fibulaire antérieur  ; 4  : ligament
tibio-fibulaire postérieur  ; 5  : ligament tibio-fibulaire
interosseux  ; 6  : tendon du muscle long extenseur des
orteils  ; 7  : tendon du muscle long extenseur du gros
orteil  ; 8  : tendon du muscle tibial antérieur  ; 9  : artère
et veines tibiales antérieures ; 10 : nerf fibulaire profond ;
11  : tendon du muscle long fléchisseur des orteils  ; 12  :
tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux ; 13 : tendon
du muscle tibial postérieur  ; 14  : artère et veines tibiales
postérieures  ; 15  : tendon calcanéen  ; 16  : tendons des
muscles long et court fibulaires.

Fig. 5 – Ligament collatéral laté-


ral. Vue latérale de la cheville.
1 : ligament talo-fibulaire posté-
rieur ; 2 : fibula ; 3 : tendon du
muscle court fibulaire ; 4 : tendon
du muscle long fibulaire ; 5 : pro-
cessus styloïde du Ve métatarsien.

Anatomie fonctionnelle
L’articulation talo-crurale va intervenir dans deux comparti-
ments fonctionnels, statiques et dynamiques. La statique de cette
articulation trouve son intérêt dans le maintien de la station érigée.
Cette fonction, propre à l’Homme, exige une stabilité parfaite du
talus en grande partie assurée par l’articulation talo-crurale et ses
éléments anatomiques.
La stabilité antéro-postérieure est assurée dans les déplacements
antérieurs par le bord antérieur de l’extrémité inférieure du tibia,
les ligaments antérieurs, le groupe des muscles extenseurs des
orteils et tibial antérieur ainsi que les muscles fibulaires. Dans le
sens postérieur, la stabilité est assurée par le bord postérieur de
l’extrémité inférieure du tibia, le rétrécissement postérieur de la
mortaise tibio-fibulaire et les ligaments postérieurs.
En ce qui concerne la dynamique de cette articulation, il n’existe
qu’un seul degré de liberté dans la talo-crurale, ce qui ne permet
8 Traumatisme de la cheville

que des mouvements de flexion/extension dans un plan sagittal.


1 La flexion est le mouvement qui rapproche le dos du pied de la
face antérieure de la jambe et son amplitude varie de 20 à 30°.
L’extension est le mouvement qui éloigne le dos du pied de la face
antérieure de la jambe et son amplitude varie de 30 à 60°.
Schématiquement, l’axe de mouvement, transversal, passe par la
trochlée du talus et est perpendiculaire à celle-ci.
Lors des mécanismes les plus fréquents de traumatismes de la che-
ville, le talon décolle de son appui au sol et, de ce fait, l’articulation
talo-crurale se trouve « suspendue », soumise aux contraintes trau-
matiques et à l’énergie cinétique du traumatisme qui s’appliquent sur
les structures de maintien mais également ostéo-chondrales (fig. 6).

Fig. 6 – Vue postérieure des éléments


anatomiques de maintien actif des
articulations talo-crurales et du tarse
(d’après P. Kamina). 1  : tendon du
muscle court fibulaire  ; 2  : tendon
du muscle long fibulaire ; 3 : tendon
du muscle fléchisseur des orteils ; 4 :
tendon du muscle long fléchisseur de
l’hallux ; 5 : tendon du muscle tibial
postérieur ; 6 : tendon calcanéen.

Repères anatomiques radiologiques essentiels


L’anatomie morphologique de cette articulation présente des
repères que l’on retrouve lors des examens de radiographies stan-
dard pratiqués aux urgences lorsque la clinique le demande.
Sur un cliché de face centré  : l’interligne talo-crural doit être
régulier et présenter un espace articulaire de même épaisseur, la
malléole latérale descend plus bas que la malléole médiale et les
images des corticales osseuses ne doivent pas présenter de solution
de continuité (fig. 7).
Sur le cliché de profil centré : les deux malléoles sont visibles mais
se superposent, la partie postérieure de l’extrémité inférieure du
tibia est plus basse que la partie antérieure, le calcanéus et le sinus
du tarse sont visibles avec un angle talo-crural de 80° et l’interligne
talo-crurale et la trochlée du talus (dôme) sont réguliers (fig. 8).
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter 9

Fig. 7 – Cliché standard de cheville de Fig. 8 – Cliché de profil de la cheville – repères


face – repères anatomiques. 1  : tibia  ; anatomiques. 1  : tibia  ; 2  : fibula  ; 3  : talus  ;
2  : fibula  ; 3  : interligne talo-crural  ; 4 : calcanéus ; 5 : interligne talo-crural ; 6 : espace
4 : interligne tibio-fibulaire distal ; 5 : rétrotibial ; 7 : naviculaire.
talus.

Anatomie clinique de l’articulation tibio-fibulaire distale


Il s’agit d’une syndesmose qui unit l’extrémité distale du tibia à
celle de la fibula. Fonctionnellement, cette articulation est intime-
ment liée à la précédente.
Anatomie de surface
La palpation de cette articulation est aisée à la face antérieure
et médiale de la malléole latérale. Lors des traumatismes de la che-
ville, cette palpation est douloureuse et l’anatomie de surface est
effacée par un épanchement traumatique fréquent à ce niveau.
Anatomie des éléments capsulo-ligamentaires
La surface articulaire fibulaire, convexe, s’articule médialement
avec son homologue tibiale, concave. La capsule articulaire est
ténue et renforcée par trois structures ligamentaires :
– ligament tibio-fibulaire antérieur : il naît de l’incisure anté-
rieure du tibia et se dirige vers le bord antérieur de la malléole
latérale sur lequel il se termine ;
– ligament tibio-fibulaire postérieur : structure très résistante,
ce ligament naît du bord postérieur de la malléole latérale et
s’étend en éventail à la face postérieure de l’articulation pour
se terminer à la face postérieure de l’incisure fibulaire du tibia ;
– ligament interosseux : il est constitué d’un ensemble de courts
faisceaux fibreux qui unissent les deux surfaces articulaires
(fig. 9).
10 Traumatisme de la cheville

Fig. 9 – Articulation tibio-fibulaire distale Fig. 10 – Repères radio-anatomiques de


– coupe frontale (d’après P. Kamina). 1  : l’articulation tibio-fibulaire distale – vue de
tibia  ; 2  : fibula  ; 3  : interligne articulaire face. Interligne articulaire < 6 mm, à 1 cm du
et ligament  interosseux  ; 4  : ligament tibio- plan de la surface articulaire du tibia.
fibulaire postérieur.

Anatomie fonctionnelle
En statique, cette articulation est presque immobile et contri-
bue à la stabilité de la cheville et du pied (station érigée, appui
monopodal statique).
En dynamique, lors des mouvements de flexion, la fibula est le
siège d’une légère ascension et sa surface articulaire se rapproche
de celle du tibia (rotation médiale associée). Lors des mouvements
d’extension, ces déplacements s’inversent.
Cette articulation est donc fonctionnellement associée de façon
intime aux amplitudes de la précédente et contribue ainsi à la sta-
bilité dans la marche.

Repères anatomiques radiologiques aux urgences


Sur un cliché de face centré, l’interligne tibio-fibulaire distale doit
être inférieure ou égale à 6 mm (sinon : diastasis) (fig. 10).

Anatomie clinique de l’articulation subtalaire


Articulation synoviale de type ellipsoïde, elle unit le talus et le
calcanéus. À ce titre, elle est considérée comme une articulation du
tarse. Cependant, étant donné son architecture et son importance
fonctionnelle, elle doit être envisagée comme faisant partie inté-
grante des articulations de la cheville au sens clinique du terme.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter 11

Anatomie de surface
Difficilement palpable, elle peut cependant être explorée dans
sa stabilité en bloquant le talus et en imprimant des mouvements
antéro-postérieurs et latéraux au calcanéus (qui doit rester solidaire
du talus).
Anatomie des éléments articulaires
Les surfaces articulaires, postérieures du talus et du calcanéus
sont exactement inversement conformes (très excavée pour le talus
et très convexe pour le calcanéus). La capsule fibreuse doublée de sa
membrane synoviale, est renforcée par trois ligaments : talo-calca-
néen médial, talo-calcanéen latéral, talo-calcanéen postérieur. Le
ligament talo-calcanéen interosseux est une lame fibreuse, courte
et résistante, tendue verticalement dans le sinus talo-calcanéen
(sinus du tarse) (fig. 11).

Fig. 11 – Ligaments talo-cal-


canéens et articulation subta-
laire. 1 : talus ; 2 : calcanéus ;
3  : ligament talo-calcanéen
interosseux ; 4 : ligament talo-
calcanéen médial ; 5 : ligament
talo-calcanéen postérieur.

Anatomie fonctionnelle
L’anatomie fonctionnelle de cette articulation doit être conçue
en étroite liaison avec celle des articulations talo-crurale et trans-
verse du tarse. Néanmoins, au niveau de l’articulation subtalaire,
trois axes de mouvements sont à envisager  : sagittal, transversal
et vertical. Selon l’axe vertical, les mouvements du calcanéus sont
de type abduction et adduction : on dit classiquement que le cal-
canéus «  vire  ». Selon l’axe transversal, le calcanéus présente des
mouvements de rotation antérieure et postérieure  : le calcanéus
« tangue ». Selon l’axe sagittal, les mouvements effectués sont des
rotations médiale et latérale : le calcanéus « roule ».
Tous ces mouvements combinés, associés à ceux permis, et démul-
tipliés par les autres articulations du tarse, vont aboutir à des mou-
vements complexes, « associés », mais cependant de la plus haute
importance fonctionnelle : les mouvements d’inversion (amenant
la plante du pied vers l’intérieur, vers l’axe du corps, et éversion,
amenant la plante du pied vers l’extérieur). Ces notions d’anatomie
fonctionnelle trouvent toute leur importance dans la compréhen-
sion de la genèse des lésions ligamentaires et ostéochondrales asso-
ciées dans la plupart des traumatismes de la cheville.
12 Traumatisme de la cheville

Repères anatomiques radiologiques


1
Sur le cliché de profil, le processus latéral du talus doit être à
l’aplomb du sinus talo-calcanéen. L’interligne talo-calcanéen est
normalement régulier (en l’absence d’arthrose).

Anatomie clinique appliquée des articulations du tarse


intéressées dans les traumatismes indirects de la cheville
Anatomie clinique de l’articulation transverse du tarse
Cette articulation unit le tarse antérieur et postérieur. Ce
complexe articulaire fonctionnel comprend l’articulation calca-
néo-cuboïdienne, d’une part, et l’articulation composée talo-
calcanéo-naviculaire d’autre part. Les mouvements de l’articulation
transverse du tarse sont étroitement liés à ceux de l’articulation
subtalaire.
La palpation de l’os naviculaire et du cuboïde est possible clini-
quement à la face dorsale du pied, mais les tests cliniques de ces
articulations sont impossibles dans leur individualité. Une explo-
ration clinique de l’articulation transverse du tarse peut se faire
en bloquant le calcanéus et en empoignant l’avant-pied tout en
imposant à ce dernier des mouvements de rotation selon l’axe sagit-
tal du pied (passant par le IIème métatarsien). En cas de douleurs
et d’absence de lésion osseuse à la radiographie, ce test clinique
permet de suspecter fortement une lésion.
La capsule articulaire est mince et renforcée par plusieurs ligaments
(calcanéo-cuboïdiens, calcanéo-naviculaires, talo-naviculaire). Un
ligament est commun aux articulations calcanéo-naviculaire et
calcanéo-cuboïdienne : le ligament bifurqué. Il prend son attache à
la face dorsale du calcanéus et se bifurque avant de se terminer sur
le naviculaire et sur le cuboïde. Son atteinte dans les traumatismes
indirects de la cheville avec forte énergie cinétique provoquerait
certaines fractures naviculaires non déplacées ou des fractures
parcellaires (« arrachements » osseux) (figs. 12 et 13).
D’un point de vue fonctionnel, les axes et les mouvements s’ac-
cordent avec ceux de l’articulation subtalaire pour permettre l’in-
version ou l’éversion du pied. Les muscles moteurs de l’inversion
sont les muscles tibiaux (antérieur et postérieur) et le long extenseur
du I. L’amplitude moyenne est de 30°. Elle est de 25° pour l’éver-
sion dont les muscles responsables sont le muscle court fibulaire et
le muscle long fibulaire.
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter 13

Fig. 12 – Articulation transverse du Fig. 13 – Cliché de profil de la cheville centré sur


tarse – vue supérieure de l’articulation le tarse révélant une fracture du naviculaire témoin
talo-calcanéo-naviculaire (d’après d’une lésion du ligament bifurqué.
P. Kamina). 1  : calcanéus  ; 2  :
naviculaire  ; 3  : face inférieure du
talus  ; 4  : ligament bifurqué  ; 5  :
ligament talo-calcanéen interosseux.

Anatomie clinique des articulations des os du tarse distal


entre eux
Ces articulations sont palpables cliniquement à la face dorsale
du cou-de-pied.
Cinq articulations unissent les os du tarse distal entre eux :
– l’articulation cunéo-naviculaire ;
– l’articulation cuboïdo-naviculaire ;
– les articulations inter-cunéiformes médiale et latérale ;
– l’articulation cunéo-cuboïdienne.
Articulation cunéo-naviculaire
Elle est de type condylaire et unit les trois cunéiformes à l’os
naviculaire.
La capsule articulaire est mince, en continuité pour les trois arti-
culations. Les ligaments sont au nombre de deux  : le ligament
cunéo-naviculaire dorsal, mince, fragile lors des traumatismes en
extension de la tibio-tarsienne et de l’avant-pied, et le ligament
cunéo-naviculaire plantaire, plus résistant mais souvent peu solli-
cité dans les traumatismes de cheville.
Cette anatomie explique aisément les « arrachements » osseux de
la face dorsale de l’os naviculaire (lésion radiologique fréquem-
ment associée aux lésions ligamentaires de la talo-crurale [fig. 13]).
D’un point de vue fonctionnel, les mouvements dans ces articula-
tions sont intimement liés à ceux de l’articulation subtalaire. Les
axes de mouvement sont transversal (flexion/extension) et sagittal
(rotations axiale, médiale et latérale).
14 Traumatisme de la cheville

Articulation cuboïdo-naviculaire
1 Elle est de type syndesmose et unit le naviculaire et le cuboïde.
Le ligament cuboïdo-naviculaire est épais.
Articulations intercunéiformes médiale et latérale et articulation cunéo-cuboïdienne
Les surfaces articulaires sont maintenues par des ligaments
plantaires et dorsaux et surtout par des ligaments interosseux, très
résistants, situés en arrière des surfaces articulaires et contribuant
efficacement au maintien de l’axe du pied. D’un point de vue fonc-
tionnel, ces trois groupes d’articulations constituent une « assise »
importante dans les appuis statiques et dynamiques et complètent
les fonctions des autres articulations du tarse pour assurer la sta-
bilité dans la station érigée. Ainsi, l’anatomie clinique, appliquée
à la biomécanique de la «  cheville  », intéresse plusieurs groupes
articulaires dans les aspects statiques et dynamiques (fig. 15). Ces
associations anatomiques expliquent facilement les associations
lésionnelles dans les pathologies traumatiques et la difficulté d’éta-
blir en urgence un diagnostic lésionnel précis, notamment dans la
pathologie traumatique ligamentaire.

Fig. 14 – Hypothèses biomécaniques : pied au Fig. 15 – Axes de mouvements pied au sol.


sol/talon au sol. L’articulation subtalaire est la Toutes les articulations concourent ensemble
première sollicitée (1), puis le ligament talo- à la réalisation de ces mouvements, tous
fibulaire antérieur et la capsule (2), le tendon nécessaires à la marche en station érigée.
du muscle court fibulaire, puis les ligaments
talo-fibulaire postérieur et calcanéo-fibulaire
avec le tendon du long fibulaire (3).

La maturité des structures suivant l’âge explique également les


lésions anatomiques qui peuvent en découler (exemple : fréquence
des traumatismes épiphysaires chez l’enfant).
Dans la physiopathologie des lésions des traumatismes indirects de
la cheville, il faut distinguer les traumatismes avec pied au sol/talon
en charge et ceux avec pied au sol/talon en décharge et avant-pied
en charge (réceptions de sauts ou impulsions). En effet, lorsque le
talon n’est pas en contact avec le sol, les contraintes vont se répartir
Anatomie clinique de la cheville et du pied. Comprendre pour bien traiter 15

dans l’avant-pied, puis dans la talo-crurale en fin de cinétique.


Dans le cas où le talon est au sol, les contraintes vont d’abord se
répartir via la subtalaire, puis le ligament talo-fibulaire antérieur
et la capsule, continuer par le ligament talo-fibulaire postérieur
et le tendon du muscle court fibulaire pour – en fin de cinétique
– atteindre le ligament calcanéo-fibulaire et le tendon du muscle
long fibulaire (fig. 14).
Quoi qu’il en soit, une parfaite connaissance des structures anato-
miques et de leurs fonctions facilitera l’examen clinique, l’interpré-
tation de l’imagerie et parfois même les indications thérapeutiques
devant un traumatisme de la cheville.

Bibliographie
1. Kamina P (2012) Atlas d’anatomie. Paris, Maloine
2. Kamina P (2008) Anatomie clinique. Tome 1. Paris, Maloine
3. Rodineau J (1978) La cheville. Paris, Laboratoire Besins-Iscovesco
4. Golan P, Vega J, de Leuw PAJ et al. (2010) Anatomy of the ankle ligaments: a
picturial essay. Knee Surg Traumatol Arthrosc 18 : 557-69
5. Kapandji IA (1974) Physiologie articulaire. Membre inférieur. Paris, Maloine
6. Olivier C (1970) Mécanique articulaire. Paris, Vigot
Principes de la consolidation osseuse et
ligamentaire appliqués à la cheville traumatique
Prise en charge aux urgences
2
M. SCEPI

Points essentiels
t Chez l’adulte, la phase initiale de cicatrisation ligamentaire dure jusqu’au
10e jour post-traumatique.
t La phase initiale de cicatrisation osseuse s’étend jusqu’au 15e jour post-
traumatique.
t La mobilisation précoce, protégée et adaptée, favorise la qualité de la
cicatrisation ligamentaire et en raccourcit les délais.
t Chez l’enfant, le ligament est plus solide que l’os et il faut donc toujours
rechercher les lésions métaphyso-épiphysaires.
t Il faut compter environ une année pour que le tissu originel (ligamentaire,
osseux) retrouve ses propriétés physiologiques et biomécaniques.

L’urgentiste, confronté au diagnostic lésionnel devant une che-


ville traumatique, se doit de connaître les éléments de base de la
physiologie de la consolidation des lésions, qu’elles soient ligamen-
taires ou ostéo-chondrales. Cette connaissance est un élément
fondamental pour guider les indications thérapeutiques et les
informations à donner au patient et à sa famille. Nous envisage-
rons les éléments de consolidation ligamentaire et ostéo-chondrale
de l’adulte, puis ceux de l’enfant.

Cicatrisation des éléments ligamentaires chez l’adulte


La cicatrisation ligamentaire mais également tendineuse, est
une cicatrisation conjonctive. Les délais pour l’obtenir et la qualité
de celle-ci vont dépendre du type de lésion (déchirure partielle,
élongation, rupture totale) et du traitement (orthopédique pur,
fonctionnel d’emblée, chirurgical).

M. Scepi ( ), Service Accueil Urgences – SAMU – SMUR, CHU Hôpital Jean Bernard,
86021 Poitiers Cedex. Laboratoire d’Anatomie. Faculté de Médecine. Université de Poitiers.
– e-mail : m.scepi@chu-poitiers.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
18 Traumatisme de la cheville

Les études chez l’animal, in vivo et in vitro, ont montré que le pro-
2 cessus de cicatrisation se faisait en trois phases consécutives dans le
temps : une phase initiale, que l’on peut qualifier d’inflammatoire,
une seconde phase de cicatrisation, dite de remodelage, puis une
troisième phase, tardive, de renforcement de la cicatrice.

Phase initiale
Immédiatement après la lésion, il y a formation d’un pont san-
guin qui unit les deux berges : le clou sanguin. Des fibroblastes
apparaissent dès le troisième jour avec ébauche d’une nouvelle
matrice (glycoprotéines, collagène, cellules mésenchymateuses,
etc.).

Phase de remodelage
Elle se réalise entre le 15e et le 28e jour post-traumatique. Elle
consiste en la formation, le développement et l’orientation dans le
sens de la traction de fibres de collagène.
De façon concomitante à ces deux phases, une prolifération
vasculaire extrinsèque et intrinsèque (berges de la lésion), se
développe. Cette phase « vasculaire », parallèle, dure environ 4 à
6 semaines.

Phase de renforcement
Elle correspond à une prolifération et à un renforcement des
fibres de collagène. L’organisation de ces fibres se poursuit et pro-
gressivement la récupération de leurs propriétés biomécaniques se
réalise. Cette phase peut durer jusqu’à la 40e semaine (expérimen-
tation animale) [1].
Les propriétés biomécaniques des tendons et des ligaments sont
différentes, cependant il semble que leur processus de cicatrisa-
tion soient les mêmes, ou suivent les mêmes voies sus-décrites. Les
délais de récupération sont sensiblement identiques, mais il faut
souligner l’influence de la localisation des lésions et des possibilités
de sollicitation sur les délais de récupération.
Lors du processus de cicatrisation, la résistance, mais aussi le
volume et la compliance du ligament, ou du tendon, évoluent
dans le temps. Cette notion est importante dans la construction
des programmes de réadaptation. Ainsi, l’analyse de la résistance
aux sollicitations en stress, avant rupture, montre une récupéra-
tion d’environ 50  % de la solidité initiale dans un délai de 8 à
16 semaines. Ce laps de temps est raccourci si l’on se rapporte à
une analyse par unité de surface [2].
Principes de la consolidation osseuse et ligamentaire appliqués à la cheville traumatique 19

Facteurs d’accélération des processus de cicatrisation


Plusieurs éléments pourraient influencer les délais et la qualité
de la récupération ; tous n’ont pas fait leur preuve scientifique. Il
reste cependant indéniable que la mobilisation précoce est un fac-
teur favorisant, tant sur la qualité que sur les délais de cicatrisation.
En effet, les expérimentations animales (lapin, rat) ont prouvé que :
– une immobilisation prolongée diminuait la résistance à la ten-
sion et à la déformation des ligaments et des tendons cicatriciels ;
– un réentraînement précoce et progressif permettait d’augmen-
ter la qualité de la vascularisation et raccourcissait les délais de
cicatrisation ;
– la tension appliquée aux deux extrémités d’une cicatrice ligamen-
taire ou tendineuse était un facteur essentiel de l’organisation et
de l’orientation des fibres de collagène dans le sens de la traction
et augmentait la résistance biomécanique du néo-tissu cicatriciel ;
– la mobilisation précoce évitait les adhérences articulaires ou
périarticulaires cicatricielles séquellaires.
En pratique, si une immobilisation est souvent nécessaire au début
(protection des sutures tendineuses, protection de la lésion à la
phase initiale de façon à ne pas l’aggraver par des tensions intem-
pestives), elle doit être rapidement adaptée et levée selon les lésions
(orthèses adaptées, articulées, appui progressif, mobilisation active
sans tension ou mobilisation passive) [3, 4].
D’autres éléments ont été proposés pour accélérer la cicatrisation :
la stimulation électrique (qui interviendrait sur le ratio des fibres
de collagène), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (qui auraient
un effet bénéfique sur la résistance du tissu cicatriciel)  ; quant
aux apports de vitamines A et E et des facteurs de croissance, leur
preuve d’efficacité reste à démontrer.

Cicatrisation des éléments osseux et ostéo-chondraux de l’adulte

Après une fracture, l’os consolide en formant un cal osseux ; il


s’agit d’un phénomène de l’ostéogenèse réparatrice. Cette dernière
évolue en trois phases chronologiquement consécutives  : phase
initiale, phase intermédiaire et phase terminale.

Phase initiale
L’hématome périfracturaire s’organise autour du foyer de fracture
et est le siège de phénomènes inflammatoires. Dès le 5e jour, des fibro-
cytes apparaissent à partir de la moelle osseuse en regard du foyer de
fracture. Cette phase se prolonge jusqu’au 15e jour post-traumatique.
20 Traumatisme de la cheville

2 Phase intermédiaire
Un cal fibreux s’organise et le périoste d’épaissit. Cette phase
s’étend du 15e au 21e jour.

Phase terminale
Dès le 20e jour, le cal fibreux est recouvert d’un tissu osseux
compact. Vers le 40è jour, des travées osseuses s’organisent et le
cal osseux se constitue. La reconstitution des ostéons et du canal
médullaire est effective 8 à 12 mois plus tard.
La cicatrisation osseuse est favorisée par : la stabilisation en posi-
tion anatomique du foyer de fracture, la compression de celui-ci,
la vascularisation du périoste et de l’os et par le type de traitement
et le terrain [2].
Dans le cas des lésions chondrales (tassement du dôme talien), il
faudra se méfier de la difficulté diagnostique en urgence, et dans le
cas de certitude lésionnelle, savoir prévenir le patient de la gravité
fonctionnelle potentielle de ces lésions (stabilité articulaire, inter-
vention avec greffe possible dans les suites, etc.). En effet, la cica-
trisation chondrale est moindre que celle du tissu osseux, du fait de
la vascularisation très pauvre du tissu cartilagineux.

Consolidation des lésions de l’enfant

L’enfant présente plusieurs particularités intéressantes à considérer


dans le cadre de la traumatologie :
– la croissance n’étant pas terminée, il existe des zones de
fragilité qui sont représentées par la plaque métaphyso-épi-
physaire (cartilage de croissance)  ; ce fait explique les lésions
métaphyso-épiphysaires décrites selon la classification de Salter
et Harris ;
– l’os de l’enfant est plus compliant (souple) mais moins résistant
que celui de l’adulte ; ce fait explique les fractures métaphysaires
distales (malléole médiale) par transmission de contraintes pour
un mécanisme lésionnel d’énergie cinétique en apparence peu
élevée ;
– le périoste de l’enfant est très épais, bien vascularisé et innervé
expliquant les délais de consolidation raccourcis chez l’en-
fant lors des fractures sous-périostées, extra-articulaires non
déplacées ;
– le ligament de l’enfant est plus solide que l’os, d’où une vigi-
lance particulière vis-à-vis des « entorses » de l’enfant (éliminer
d’abord une lésion épiphysaire).
Principes de la consolidation osseuse et ligamentaire appliqués à la cheville traumatique 21

Tous ces éléments conjugués doivent également amener à consi-


dérer les zones dites d’épiphyses fertiles « près du genou et loin du
coude ». La cheville est donc un site particulièrement vulnérable au
niveau duquel les déplacements des fractures ne seront pas corrigés
par la croissance. Cet élément est également fondamental dans la
classification des fractures épiphyso-métaphysaires de l’enfant et
dans leurs indications thérapeutiques.

En conclusion

Il faut souligner l’intérêt de la mobilisation précoce, protégée et


adaptée au traitement des lésions ligamentaires. Les particularités
anatomiques de l’enfant expliquent les délais de cicatrisation plus
courts mais doivent aussi inciter à être vigilant dans la détection
des lésions déplacées qui engendreront des séquelles fonctionnelles
importantes.
La qualité de la cicatrisation peut être influencée par le type de
prise en charge des lésions, mais la restauration complète ad inte-
grum des propriétés physiques et biomécaniques reste un phéno-
mène qui évolue sur le long terme (8 à 12 mois). Les problèmes de
laxité résiduelle que l’on peut parfois avoir après un traumatisme
ligamentaire seraient dus à une prise en charge thérapeutique mal
adaptée aux lésions en cause.

Bibliographie
1. Lui PP, Rui YF, Ni M, Chan KM (2011) Tenogenic différenciation of stem
cells for tendon repair: what is the current evidence? J Tissue Eng Regen Med
5:44-63
2. Kamina P (2006) Anatomie clinique. Tome 1. Paris, Maloine
3. Gusman DM, Dockery GL (1994) Adhesive lesions of the talocrural joint.
Clin Pediatr Med Surg 11: 385-94
4. Van Moppes FI, Van den Hoogenband CR, Greep JM (1979) Adhesive
capsulitis of the ankle (frozen ankle). Arch Orthop Trauma Surg 94: 313-5
Partie
Cheville aiguë fermée
II
Démarche diagnostique
devant une cheville aiguë 3
S. BESCH, E. ROLLAND ET M. PEYRE

Points essentiels
t La grande diversité des lésions nécessite de passer systématiquement en
revue les différentes structures anatomiques locorégionales.
t L’examen clinique d’une articulation suppose comme pré-requis
incontournable de connaître son anatomie fonctionnelle sous peine
d’effectuer des gestes stéréotypés dénués de sens clinique correct.
t Le bilan articulaire comporte différentes étapes, réalisées dans un ordre
chronologique standardisé : interrogatoire, inspection, mobilité (active et
passive), tests isométriques, palpation.
t Il convient toujours de réévaluer tous les patients au bout de quelques jours.
t L’imagerie «  à l’aveugle  », sans orientation clinique, est le plus souvent
inadaptée et donc inutile.

La cheville est une articulation vulnérable et fréquemment


atteinte par des traumatismes. Ses pathologies sont riches et variées ;
elles regroupent les lésions osseuses, ligamentaires, tendineuses et
cartilagineuses, simples ou complexes, isolées ou associées, à l’ori-
gine de diagnostics lésionnels nombreux et parfois imprécis. Il est
donc nécessaire d’avoir une démarche clinique cohérente, rigou-
reuse afin de ne pas ignorer certaines lésions, d’adapter les exa-
mens complémentaires utiles au diagnostic, d’orienter au mieux les
indications thérapeutiques.

Physiopathologie

La cheville est une zone charnière située au carrefour de


deux axes. Cette localisation «  en pivot  » l’expose à différentes

S. Besch1 ( ), E. Rolland2 et M. Peyre1 – 1. Service de rééducation fonctionnelle et


traumatologie du sport du Dr de Lécluse, Hôpitaux de Saint-Maurice, 94410 Saint-Maurice
– 2. Service de chirurgie orthopédique, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris –
e-mail : sylvie.besch@psl.aphp.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
26 Traumatisme de la cheville

contraintes, en compression pour répondre à sa fonction de main-


3 tien de la stabilité de l’arrière-pied, et en rotation imposées par le
médio et l’avant-pied. D’un point de vue anatomique, la cheville
comprend trois articulations  : la tibio-talienne, la subtalienne et
la tibio-fibulaire. La congruence osseuse est parfois importante,
notamment pour l’articulation tibio-talienne, et assure une grande
partie de la stabilité articulaire. Elle n’est cependant jamais suf-
fisante pour répondre à des mouvements rotatoires et/ou réalisés
dans des secteurs angulaires extrêmes. Les structures tendino-cap-
sulo-ligamentaires, par le jeu de mise en tension ou de contraction
musculaire, ont alors un rôle important, facilitant en perma-
nence une bonne coaptation et coordination entre les différentes
structures osseuses.
Au cours d’un traumatisme, le dépassement des amplitudes phy-
siologiques peut entraîner des lésions ligamentaires (frein primaire)
ou, selon l’intensité du mouvement, solliciter des freins secondaires
(butée osseuse, mise en tension brutale des tendons) pour arrêter
le mouvement, expliquant la fréquence de certaines pathologies,
survenant de manière isolée ou combinée.

Moyens du diagnostic

Le diagnostic lésionnel d’un traumatisme de la cheville repose sur :


– l’analyse du mécanisme et des signes fonctionnels immédiats ;
– un bilan clinique adapté à l’impotence fonctionnelle du
patient ;
– une imagerie orientée.
La grande diversité des lésions nécessite de passer systématique-
ment en revue les différentes structures anatomiques locorégio-
nales. On ne peut se contenter d’un diagnostic hâtif et imprécis.
Il est également nécessaire d’éviter l’abus d’examens coûteux ne
pouvant être justifiés. C’est dire l’importance de cette évaluation
clinique qui doit être menée de façon méthodique et précise.
L’examen clinique d’une articulation, quelle qu’elle soit, suppose
comme pré-requis incontournable de connaître son anatomie
fonctionnelle sous peine d’oublier de contrôler toutes les structures
locorégionales ou, pire encore, d’effectuer des gestes stéréotypés
dénués de sens clinique correct. Il convient également de toujours
réaliser un examen bilatéral et comparatif permettant d’affirmer le
caractère pathologique ou non des signes rencontrés.
Le bilan articulaire comporte différentes étapes, réalisées dans
un ordre chronologique standardisé  : interrogatoire, inspection,
mobilité (active et passive), tests isométriques, palpation.
Démarche diagnostique devant une cheville aiguë 27

Interrogatoire
C’est une étape fondamentale. Il doit être systématique et
correctement orienté. Il cherche à :
– évaluer le délai écoulé depuis l’accident  : plus les signes
locaux (gonflement, hématome…) apparaissent précocement,
plus la lésion est a priori grave ;
– détailler les circonstances exactes du traumatisme  permet-
tant d’établir les structures anatomiques impliquées dans le
mouvement et donc susceptibles d’avoir été lésées :
tsoit choc direct (coup de pied, tackle) provoquant une
compression des structures locales. Selon l’intensité, les
lésions peuvent être totalement bénignes (simple contusion des
plans superficiels évoluant favorablement en quelques jours) ou
plus sévères (fracture, luxation ou rupture tendineuse) sources
éventuelles de séquelles ;
tsoit choc indirect (torsion, pied bloqué), sollicitant l’articu-
lation dans ses amplitudes extrêmes. Les moyens passifs de
contention sont alors mis en tension voire distendus, rom-
pus partiellement ou dans leur totalité. En cas de rupture
complète, les butées que représentent les structures osseuses
deviennent les ultimes remparts avant que ne se produise
une luxation articulaire ;
– apprécier ce qui a été ressenti, voire entendu, au moment
précis de l’accident : la sensation de déchirure, l’impression de
déboîtement de la cheville, de craquement, l’apparition quasi
instantanée d’une tuméfaction sont des signes évoquant une
lésion osseuse ou ligamentaire grave. En revanche, la sensation
de claquement n’est pas spécifique ;
– quantifier la douleur bien que celle-ci, tout comme le degré
d’impotence fonctionnelle, ne soit pas des signes fiables per-
mettant de préjuger de l’importance des lésions ;
– faire préciser le siège de la douleur initiale ;
– noter l’évolution des symptômes dans les suites immédiates :
persistance, augmentation, disparition. Dans les lésions liga-
mentaires, la douleur évolue classiquement en trois temps
(douleur initiale intense, parfois syncopale, atténuation en
quelques minutes, puis accentuation quelques heures plus tard,
et nette recrudescence le lendemain matin au lever), mais reste
souvent plus intense durant les premiers jours pour une entorse
de gravité moyenne ou même une entorse bénigne que pour
une entorse grave (diminution des afférences nociceptives, après
rupture de tous les ligaments concernés) ;
– rechercher les antécédents traumatiques et les traitements
déjà effectués.
28 Traumatisme de la cheville

3 Examen physique
Inspection
On note d’emblée l’existence ou non d’une déformation globale
de la cheville et/ou de l’arrière-pied, faisant craindre en premier
lieu une fracture bimalléolaire et/ou une fracture-luxation.
S’il n’y a pas de déformation notable, il faut rechercher un héma-
tome (gonflement focalisé) dont la survenue quasi immédiate,
quelques minutes après le traumatisme, est le témoin d’un saigne-
ment local (ce qui élimine d’emblée le diagnostic d’entorse bénigne), et
dont la localisation initiale (figs. 1, 2, 3) peut guider le diagnostic
lésionnel (tableau I).
Tableau I – Hypothèses diagnostiques selon la localisation de l’hématome initial.

Topographie
Hypothèses lésionnelles
de l’hématome initiale
Plantaire Fracture (en particulier tarsienne ou médio-
tarsienne) jusqu’à preuve du contraire
Prémalléolaire externe  Entorse du ligament collatéral latéral
Rétromalléolaire externe  Luxation des tendons fibulaires, fracture de la fibula
Région malléolaire externe  Fracture de la fibula, de la joue talienne latérale,
entorse de l’articulation tibio-fibulaire
Bord externe du pied  Fracture du 5e métatarsien, entorse calcanéo-
cuboïdienne
Cou-de-pied  Fracture du talus, de l’os naviculaire, arrachement
capsulaire antérieur
Face interne du pied  Fracture de la malléole médiale, de l’os naviculaire,
du talus, fracture bimalléolaire, lésion du tendon
tibial postérieur
Région calcanéenne  Rupture du tendon calcanéen, fracture de la
margelle postérieure du tibia, du tubercule postéro-
externe du talus, du calcanéum

Remarque : lorsque l’hématome prédomine dans la région sous- et


rétromalléolaire interne, il faut rechercher à l’interrogatoire un trau-
matisme en éversion (la plante du pied regardait alors vers le dehors
et non plus vers le dedans), et craindre une rupture, une dilacération
ou une désinsertion du tendon du muscle tibial postérieur, en par-
ticulier en regard de l’insertion principale sur le tubercule interne
de l’os naviculaire, ou bien une entorse grave du ligament collatéral
médial qui peut être associée à une fracture de la fibula, soit malléo-
laire (pointe fibulaire), soit plus haut située, parfois au niveau du col
lui-même, entrant alors dans le cadre d’une fracture bimalléolaire.
Démarche diagnostique devant une cheville aiguë 29

Fig. 1 – Ecchymose plantaire. Fig. 2 – Ecchymose de la face Fig. 3 – Ecchymose de la


latérale de la cheville = lésion face médiale de la cheville
possible de la malléole = lésion possible de la
latérale, da le styloïde du 5e malléole médiale, du talus,
métatarsien, du cuboïde, de du calcanéum, du tendon du
la joue latérale du talus, du tibial postérieur, du ligament
ligament collatéral latéral. collatéral médial.

À distance du traumatisme, la diffusion de l’hématome et la surve-


nue d’un œdème rendent ces repères topographiques moins fiables.
L’apparition précoce d’une ecchymose est aussi un bon signe de
gravité (entorse grave, et/ou fracture) ; lorsqu’elle se situe au niveau
de la plante du pied, elle signe toujours l’existence d’une fracture
sous-jacente.
On appréciera également :
– la symétrie ou non des reliefs tendineux (en relation possible avec
une rupture, une luxation et/ou un œdème post-traumatique) ;
– la symétrie ou non des reliefs osseux (recherchant alors une
fracture ou luxation).
Examen clinique
Deux situations peuvent se rencontrer : soit la cheville est exa-
minable, soit elle ne l’est pas.
La cheville n’est pas examinable
(douleurs et gonflement importants, impotence fonctionnelle totale)
Il faut craindre a priori une lésion osseuse et demander d’emblée
un bilan radiographique initial. Parfois, l’examen clinique est inin-
terprétable et le bilan radiologique initial normal. Le risque est
alors de méconnaître une lésion anatomique et/ou de demander
une imagerie « à l’aveugle », souvent inadaptée et donc inutile. Il
est préférable dans ce cas de mettre au repos l’articulation pendant
3 à 5 jours, délai nécessaire pour améliorer les conditions locales
(protocole RICE : cf. encadré 1), autoriser un appui non doulou-
reux, puis réévaluer ensuite cette cheville pour poser un diagnostic
lésionnel correct.
30 Traumatisme de la cheville

3 Encadré 1 – Protocole « RICE » de Ryan.


Applicable quel que soit le degré de gravité initial de la lésion, il
comprend les étapes suivantes.
Le repos relatif (R) en limitant l’appui sur l’articulation lésée,
éventuellement sous couvert de cannes anglaises selon l’intensité
des douleurs, voire en préconisant une décharge totale tempo-
raire jusqu’à nouvelle évaluation clinique. Il est nécessaire dans
ce cas de prescrire un traitement anticoagulant jusqu’à la reprise
complète de l’appui.
L’application de glace (I) au niveau de la zone douloureuse,
15 minutes 5 à 6 fois par jour pendant plusieurs jours. La glace
ne doit jamais être posée à même la peau mais être mise dans un
linge propre ou une poche en plastique afin d’éviter les risques
de brulures. L’application de glace peut être remplacée par un
bain de pied d’eau froide ou sous forme de douchette pendant
une durée équivalente.
La compression (C) a pour but de limiter la taille de l’hématome
et faciliter le drainage de l’œdème. On utilise pour cela des bas
de contention ou un bandage souple.
L’élévation (E) : le pied doit être surélevé au repos et la nuit afin
de faciliter le drainage de l’œdème périarticulaire (pied légère-
ment au-dessus de l’ horizontale).

L’état local, le caractère tolérable des douleurs rendent la cheville examinable


L’appréciation de la mobilité, tant active que passive dans cha-
cune des articulations, l’étude des contractions isométriques, la
recherche de points douloureux à la palpation vont permettre d’éta-
blir un diagnostic et/ou d’orienter d’éventuels examens complé-
mentaires, en premier lieu des radiographies.
s Examen de la mobilité active
Il s’agit de l’examen des mouvements effectués par le patient. Ils
sont évalués dans différents axes :
– flexion-extension de la cheville, sollicitant principalement
l’articulation tibio-tarsienne ;
– varus-valgus (évalués de préférence le pied en légère flexion plan-
taire), mettant en jeu l’articulation tibio-tarsienne mais surtout
la sous-talienne ;
– abduction-adduction et prono-supination, mouvements
réalisés dans le médio-pied (Chopart et Lisfranc), arrière-
pied bloqué afin d’éviter les mouvements combinés faussant
l’interprétation.
s Examen de la mobilité passive
Elle est réalisée par l’examinateur.
Démarche diagnostique devant une cheville aiguë 31

Tous les mouvements actifs sont repris un à un et recherchent sans


jamais forcer :
– le déclenchement d’une douleur accompagnant un étirement
d’une structure ligamentaire, une impaction ou distraction
d’une lésion osseuse ;
– une limitation d’amplitude, témoin d’une perte des rapports
osseux (fracture, incarcération, corps étranger intra-articulaire) ;
– une augmentation d’amplitude, intéressant principalement la
flexion dorsale de la cheville et évoquant avant tout une rupture
du tendon calcanéen.
Toute limitation peut être due soit à des phénomènes douloureux
(simple contusion jusqu’ à des lésions plus graves, fracturaires ou liga-
mentaires), soit à une perte des rapports osseux (luxation), ou de la
commande active (lésion tendineuse ou neurologique).
s Contraction isométrique
Ces tests permettent d’évaluer l’intégrité de tous les éléments
constitutifs de la chaîne neuro-musculo-tendineuse. Ils doivent
être pratiqués systématiquement. Ils sont effectués contre résis-
tance manuelle modérée, la cheville et le pied étant préalablement
placés en position d’indolence. 
Les tendons « essentiels » de la cheville sont :
– les fibulaires (fig. 4), particulièrement exposés lors de l’entorse
externe, soit par leur contraction réflexe pour contrer la bascule
frontale, soit par leur mise en tension maximale contre le bord
postérieur de la malléole ;
– le tibial antérieur ;
– le tibial postérieur (fig. 5) ;
– le tendon calcanéen ;
– l’extenseur commun des orteils ;
– l’extenseur propre du gros orteil ;
– le fléchisseur commun des orteils ;
– le fléchisseur propre du gros orteil.

Fig. 4 – Examen des fibulaires, patient en Fig. 5 – Examen du tibial postérieur, patient
décubitus ventral  : éversion contrariée du en décubitus ventral  : adduction + flexion
pied. plantaire contrariée du pied.
32 Traumatisme de la cheville

Un tendon « sain » est capable d’effectuer le mouvement dont il est


3 moteur (= absence de rupture), ou maintenir sa position de fonction
malgré la main de l’examinateur qui cherche à contrer le mouve-
ment, sans que cela ne provoque de douleurs (= absence de tendi-
nopathie, de ténosynovite, de bursite), ou de changement de trajet
(= luxation tendineuse).
Les principaux tableaux cliniques tendineux pouvant être rencon-
trés en phase aiguë sont les suivants.
– Les lésions ressemblant ou accompagnant une entorse externe :
tLuxation des tendons fibulaires : l’éversion active est alors
impossible si les deux tendons sont encore luxés ; s’ils se sont
remis en place (situation rétromalléolaire), ils peuvent être
luxables en abduction active ou en circumduction, ou simple-
ment douloureux, en cas de subluxation avec souffrance du
rétinaculum supérieur.
tFracture-arrachement de l’insertion du court fibulaire sur
la base du cinquième métatarsien avec déclenchement d’une
douleur élective lors de la contraction isométrique.
tSouffrance du court fibulaire : une douleur sous la pointe
de la malléole externe provoquée par l’abduction active contre
résistance manuelle et accentuée par la palpation locale fait évo-
quer un syndrome fissuraire du court fibulaire, consécutif à
une entorse récente ou secondaire à une instabilité chronique.
– Les lésions ne relevant pas d’un mécanisme en inversion :
tLuxation, rupture ou dilacération du tendon tibial postérieur
(mécanisme d’éversion brutale) (cf. chapitre correspondant).
tRupture du tendon calcanéen (contraction excentrique du
triceps sural, cheville en flexion dorsale, genou en extension)
(cf. chapitre correspondant).
tLésions du tendon tibial antérieur ou des extenseurs des orteils,
plus rares, se rencontrant plutôt lors de traumatismes en fort
équin ou lors d’un choc direct ; elles peuvent être associées à une
rupture du premier faisceau du ligament collatéral latéral, et/ou
à une fracture du tubercule postéro-latéral du talus par impac-
tion postérieure, ou à d’autres lésions de l’avant-pied, parfois
sévères, si celui-ci est resté coincé, par exemple au cours d’une
impulsion de saut.
s Palpation
Elle termine l’examen lorsqu’on s’oriente plutôt vers une lésion
ligamentaire ou tendineuse, alors qu’elle constitue un temps essen-
tiel et précoce du bilan clinique si l’on suspecte une fracture et/ou
une luxation. 
Elle doit être complète, évitant de se limiter à une zone, au risque
de négliger une association lésionnelle.
Elle intéresse :
– les reliefs osseux (sans oublier, chez l’enfant, le cartilage de crois-
sance) : tibia, fibula, malléoles latérale et médiale, talus (dôme,
Démarche diagnostique devant une cheville aiguë 33

joue latérale et médiale, et surtout tête et col), scaphoïde, calca-


néum, cuboïde, Chopart, base du Ve métatarsien, sinus du tarse.
La palpation même succincte de l’avant-pied n’est pas un luxe ;
– les tendons : calcanéen bien sûr, mais aussi, en avant, le tibial
antérieur et les extenseurs des orteils, derrière et sous la malléole
externe les fibulaires. Derrière la malléole interne, le tibial posté-
rieur est plus difficile à percevoir, de même que les fléchisseurs
des orteils, de localisation plus profonde ;
– le trajet des différents ligaments : ligament collatéral latéral et
médial, sinus du tarse (ligament en haie), insertions proximales
et distales du ligament calcanéo-cuboïdien dorsal. Il ne faut pas
omettre le faisceau antérieur de l’articulation tibio-fibulaire dis-
tale ; en effet, cette articulation peut être atteinte soit isolément
dans un mécanisme brutal d’éversion avec valgus de l’arrière pied
et forte abduction du pied alors que le segment jambier était plu-
tôt en rotation interne, mais aussi au cours de certaines entorses
graves externes, si la bascule du talus est importante (fort varus).
La palpation concerne aussi les rétinaculums supérieur et inférieur
des fibulaires. Elle recherche également la présence d’un épanche-
ment articulaire avec le bombement en avant de chaque malléole,
juste sous le rebord du pilon tibial.
L’œdème, parfois important et sensible par la simple distension des
plans cutanés, peut gêner l’interprétation de la palpation.
Remarque : l’examen en décubitus ventral est aussi essentiel pour :
– s’assurer de l’absence d’ecchymose plantaire (fracture du tarse
ou du métatarse) ;
– vérifier l’intégrité du tendon calcanéen (cf. chapitre correspondant).
s Recherche de mouvements anormaux
Elle ne se justifie seulement qu’en cas de lésions ligamentaires,
après avoir éliminé formellement une lésion osseuse (l’application
rigoureuse des critères d’Ottawa (cf. annexe 1) permet fortement de
la suspecter) susceptible d’être déplacée lors de la réalisation de ces
manœuvres. Dans l’articulation tibio-talienne, les mouvements
anormaux s’évaluent dans deux plans :
– frontal (fig.  6), avec la recherche du bâillement tibio-talien
objectivant une augmentation du varus de l’arrière-pied par
rapport à l’autre côté et la perception d’un sillon fibulo-talien,
d’un choc talien obtenu en subluxant le talus en dehors puis
le ramenant à sa place. Il témoigne de la percussion du bord
supéro-externe du dôme contre la face interne de la malléole
latérale ;
– sagittal (fig. 7), effectué de façon comparative, avec recherche
d’un tiroir antérieur. Plusieurs techniques ont été décrites  :
genou fléchi à 60°, talon reposant sur un plan dur en repoussant
la jambe en arrière, ou genou fléchi à 60°, une main empaume
le talon et tire vers l’avant, tandis que l’autre main bloque le
segment jambier.
34 Traumatisme de la cheville

Fig. 6 – Appréciation de la bascule frontale en Fig. 7 – Recherche d’un tiroir antérieur.


varus en empaumant l’arrière-pied.

En phase aiguë, la recherche de mouvements anormaux est souvent


douloureuse et/ou gênée par de mauvaises conditions locales. C’est
donc le plus souvent en consultation de suivie que l’évaluation de
la laxité sera faite.

Conclusion
Au terme de cet examen clinique, on aura :
– reconnu une lésion ostéo-articulaire grave et noté l’existence
de lésions vasculo-nerveuses associées, dirigeant rapidement le
patient en radiologie suivi de la mise en place en urgence d’un
traitement adapté ;
– pour les traumatismes ne s’accompagnant d’aucune déforma-
tion articulaire ou osseuse évidente, apprécié la nécessité d’un
bilan radiologique en s’appuyant sur les critères d’Ottawa ;
– reconnu certaines lésions des tissus mous : rupture du tendon
calcanéen, luxation des tendons fibulaires pouvant nécessiter
un geste chirurgical ;
– apprécié assez souvent la gravité des lésions ligamentaires ;
– mis en place la conduite à tenir ultérieure : traitement initial
d’attente puis planification du suivi.
Ainsi, en se référant à des notions anatomo-physiologiques et en
s’appuyant sur les données de l’examen clinique et du bilan d’ima-
gerie, on peut, devant un traumatisme récent de la cheville, réussir
à établir un diagnostic lésionnel fondé. Cependant, quelle qu’ait été
la conduite thérapeutique mise en place initialement, il conviendra
toujours de réévaluer tous les patients au bout de quelques jours,
temps nécessaire à l’amélioration des conditions locales et/ou à la
diminution des douleurs facilitant l’examen (éventuellement étayé
par d’autres examens complémentaires), afin de confirmer ou non le
diagnostic initial et le traitement.
Démarche diagnostique devant une cheville aiguë 35

Bibliographie
1. Biga N (2009) Examen clinique du pied et du cou de pied. Collecte des
données et constructions d’enchainements étiopathogéniques. Rev Chir
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7. Stiell IG, McKnight RD, Greenberg GH  (1994) Implementation of the
Ottawa ankle rules. JAMA 271: 827-32
36 Traumatisme de la cheville

3 Annexe 1 – Critères d’Ottawa


Ils permettent de définir la nécessité d’un examen radiogra-
ghique devant un traumatisme de la cheville (fig. 8).
Une radiographie de la cheville doit être demandée si :
– incapacité du patient à faire deux pas sur chaque pied sans
aide dans l’heure suivant le traumatisme ou au moment de
l’examen ;
– réveil d’une douleur à la palpation de la moitié postérieure
d’une des deux malléoles sur une hauteur d’environ 6 centi-
mètres en partant de la pointe.
Une radiographie du médio-pied doit être demandée si :
– incapacité du patient à faire deux pas sur chaque pied sans
aide dans l’heure suivant le traumatisme ou au moment de
l’examen ;
– réveil d’une douleur à la palpation de la styloïde du 5e méta-
tarsien ou du scaphoïde tarsien.

Fig. 8 – À gauche  : vue latérale  ; à droite  : vue médiale. Reproduit avec l’autorisation
des Editions Scientifiques L&C d’après Stiell IG, McKnight RD, Greenberg GH  :
Implementation of the Ottawa ankle rules. JAMA 1994 ; 271 : 827-832. Reproduction tirée
de « Grands Concepts & Méthodes qui ont marqué l’évolution de la traumatologie et de la
rhumatologie sportives ces quinze dernières années » sous la direction de Jacques Rodineau.
Éditions scientifiques L&C, 2007, Paris.
Lésions ligamentaires
« entorses de la cheville » II-1
Examens complémentaires
Pourquoi ? Lesquels ? Quand ? 4
D. ZEITOUN EISS

Points essentiels
• Des radiographies standard peuvent être réalisées au décours immédiat
d’une entorse en respectant les critères d’Ottawa.
• Il n’y a ni urgence absolue ni obligation à faire d’autres examens
d’imagerie. Ils seront prescrits en fonction de l’évolution clinique.
• Si besoin, l’échographie doit rester l’examen de première intention et doit
toujours être couplée à la radio standard ; on peut la réaliser dans les 3 à
10 jours suivant le traumatisme.
• La tomodensitométrie peut être indiquée en aigu pour éliminer de
façon formelle une lésion osseuse post-traumatique fortement suspectée
cliniquement et non visualisée sur les radios.
• L’IRM est plutôt indiquée à distance du traumatisme en cas de douleur
ou de laxité persistante au décours d’un traitement bien suivi.

Les entorses représentent un motif de consultation très fréquent


(1 cas par jour pour 10  000 habitants) et la pathologie sportive
représente une part importante. Le traitement est souvent stéréo-
typé. Il n’existe pas de vrai consensus concernant l’imagerie utile
au traitement. Les indications et le choix des examens complémen-
taires vont bien sûr être différents selon le stade, aigu ou chronique,
de l’entorse.

Phase aiguë
Une imagerie au décours immédiat d’une entorse n’est pas sys-
tématique. Les indications de radiographies standard sont bien
définies selon les critères d’Ottawa. Ces règles permettent surtout
d’éliminer ce qui n’est pas une atteinte ligamentaire et de faire le
diagnostic de fracture associée à une potentielle lésion ligamentaire.

D. Zeitoun Eiss (), Service de radiologie (Pr P.A. Grenier), Groupe hospitalier Pitié-
Salpêtrière, 75651 Paris Cedex 13 – e-mail : delphine.zeitoun@psl.ap-hop-paris.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
40 Traumatisme de la cheville

Ces règles sont les suivantes (voir le chapitre Démarche diagnos-


4 tique devant une cheville aiguë) :
– patient âgé de plus de 55 ans et moins de 18 ans ;
– être dans l’incapacité de prendre appui tout de suite après
l’accident et/ou de faire 4 pas lors de l’examen clinique lors de la
première consultation ;
– détecter une douleur à la palpation des zones suivantes :
tzone A : pointe de la malléole latérale et bord postérieur de
la fibula sur 6 cm de hauteur ;
tzone B : pointe de la malléole médiale et bord postérieur du
tibia sur 6 cm de hauteur ;
tzone C : base du 5e métatarsien ;
tzone D : os naviculaire.
Les incidences théoriques à réaliser sont les suivantes :
– face et face en rotation interne, afin de bien dégager les deux
malléoles et le dôme du talus ;
– profil ;
– oblique externe du pied afin de dégager la base du 5e métatarsien.
Il faut chercher les lésions suivantes [1]  : fractures malléolaires,
fractures ostéo-chondrales du dôme du talus, fracture du processus
latéral du talus, fracture du rostre du calcanéum (insertion liga-
ment du Chopart), fracture de la base du 5e métatarsien, autres…
En cas de discordance radio-clinique, la réalisation d’autres inci-
dences, voire d’une tomodensitométrie, peut être justifiée. Cette
dernière permet d’affiner les diagnostics posés sur une radiographie
standard, notamment en cas de doute sur l’existence d’une lésion
ostéo-chondrale (fig. 1) ou d’une fracture du processus latéral du
talus (fig. 2).

Fig. 1 – Fracture ostéo-chondrale du versant médial Fig. 2 – Fracture du processus latéral


du dôme du talus visualisée sur une reconstruction du talus non visualisée sur le cliché
coronale par une tomodensitométrie, mal évaluée standard.
sur un cliché standard. Il existe un trait de refend
articulaire et un petit enfoncement du fragment
ostéo-chondral.
Examens complémentaires - Pourquoi ? Lesquels ? Quand ? 41

La réalisation d’une échographie n’est pas systématique non plus.


Elle peut être indiquée dans le cas d’entorse grave clinique (ce qui
amènerait dans certains cas à changer l’attitude thérapeutique ou
la durée du traitement), et chez les patients pour qui le pronostic
fonctionnel est essentiel (sportif de haut niveau par exemple).
La prise en charge échographique ne se fait habituellement pas
en post-traumatique immédiat pour des raisons d’organisation.
Néanmoins, il est intéressant de faire cet examen dans les 3 à
5 jours suivant le traumatisme car l’œdème post-contusionnel,
hypoéchogène, soulignerait mieux les contours des ligaments qui
sont hyperéchogènes à l’état normal, améliorant donc le contraste.
L’échographie dans ce cas de figure permet :
– d’évaluer la gravité de l’entorse ;
– de définir l’articulation atteinte ;
– de préciser le siège et le nombre de structures lésées.
Cette technique est particulièrement intéressante en phase pré-
coce en cas de doute entre une atteinte de la syndesmose tibio-
fibulaire (fig. 3) et une atteinte du complexe ligamentaire latéral
(fig. 4). Elle permet de choisir la botte plâtrée dans le premier cas
de figure, évitant les mouvements de flexion extension possibles
dans une orthèse, néfaste dans ce genre d’entorse et à l’origine de
complications tardives.

A B

C D

Fig. 3 – Rupture du ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur. A. Diastasis entre malléole


médiale et talus faisant suspecter le diagnostic sur le cliché standard. B. Confirmation du
diagnostic en échographie par une coupe axiale montrant un trait de rupture hypoéchogène
au sein d’un ligament hyperéchogène et fibrillaire à l’état normal. C. Coupe coronale T2 FAT
SAT en IRM montrant une plage en hypersignal au lieu d’un ligament en hyposignal. On
retrouve également un diastasis significatif. À noter sur cette coupe une lésion du faisceau
profond du LCM. D. Coupe axiale T2 FAT SAT équivalente avec une plage en hypersignal
au lieu de la syndesmose.
42 Traumatisme de la cheville

Fig. 4 – Coupe échographique montrant une lésion récente du ligament talo-fibulaire antérieur.

Fig. 5 – Coupe axiale T2 Fig. 6 – Coupe coronale T2 Fig. 7 – Coupe sagittale T2


FAT SAT confirmant une FAT SAT en IRM montrant FAT SAT en IRM mettant
désinsertion talienne du une lésion grave du ligament en évidence une rupture du
LTFA. Le ligament restant est collatéral médial avec œdème faisceau calcanéo-naviculaire
hypertrophique, rétracté et en osseux en miroir de la malléole (à son insertion sur l’os) du
hypersignal. À noter un épan- médiale et du talus, dans les ligament bifurqué.
chement intra-articulaire suites d’une entorse en varus
significatif communiquant avec rupture du LTFA.
de manière physiologique
avec la gaine du tendon du
fléchisseur propre de l’hallux.

Hormis le cas de figure de l’entorse tibio-fibulaire inférieure,


l’échographie permet également de faire le diagnostic d’entorse
du Chopart en explorant de façon aisée le ligament bifurqué, le
ligament calcanéo-cuboïdien et le ligament talo-naviculaire.
L’arthro-scanner n’a pas d’indication en urgence ; il n’est de toutes
façons pas réalisable compte tenu du contexte clinique.
L’IRM (figs.  5, 6 et 7) dans l’entorse récente a quelques indica-
tions, en plus du bilan radiologique classique :
– en cas de doute sur la présence de lésions multiples : osseuses,
ligamentaires, et/ou tendineuses après un bilan échographique
et tomodensitométrique non contributif ;
– chez les sportifs professionnels ;
– elle est inutile en 1re intention.
Examens complémentaires - Pourquoi ? Lesquels ? Quand ? 43

Phase chronique

Au décours d’un traitement médical bien suivi, s’il persiste des


douleurs ou une instabilité, il paraît licite de compléter le bilan
d’imagerie.
L’échographie peut être un examen de première intention [2, 3].
En cas de douleur persistante, plusieurs hypothèses peuvent être
évoquées :
– l’erreur d’articulation : c’est la cause la plus fréquente de dou-
leur chronique. L’atteinte non diagnostiquée précocement de
l’articulation tibio-fibulaire antéro-inférieure est la cause la plus
classique ;
– l’absence de cicatrisation ligamentaire : elle résulte habituelle-
ment d’une sous-estimation de la gravité de l’entorse. En écho-
graphie, on retrouve une solution de continuité traversant le
plan capsulo-ligamentaire ;
– la fibrose  : là aussi, l’échographie permet le diagnostic,
montrant une infiltration du tissu sous-cutané, hétérogène et
hypervascularisé ;
– l’erreur diagnostique  : problème tendineux se surajoutant
ou isolé, ou problème ostéo-chondral. L’échographie (avec
manœuvre dynamique) et l’IRM sont alors les examens de
choix.
Une laxité anormale peut également apparaître à distance d’une
entorse. Il convient dans un premier temps de l’objectiver par des
radiographies dynamiques  : varus forcé, au mieux autovarus et
tiroir antérieur.
L’échographie [4] reste l’examen de choix en complément des
radiographies dynamiques car elle permet les manœuvres dyna-
miques mettant en tension les structures ligamentaires, permettant
ainsi d’évaluer l’aspect fonctionnel des ligaments. L’étude contro-
latérale est également intéressante pour comparer avec un ligament
présumé normal.
L’IRM [5] est préconisée si l’échographie est insuffisante pour
expliquer la gêne fonctionnelle du patient. Elle permettra de dia-
gnostiquer une pathologie osseuse en particulier ostéo-chondrale
du dôme du talus. L’étude des tendons et des ligaments fait bien
sûr partie intégrante de l’analyse des images et a un rôle de com-
plément de l’échographie.
En cas de lésion ostéo-chondrale, il faut alors compléter par un
arthro-scanner (fig. 8) afin de faire le bilan cartilagineux et surtout
d’évaluer le caractère stable ou non de la lésion. L’arthro-scanner per-
met accessoirement de diagnostiquer des lésions du complexe liga-
mentaire latéral ou médial, mais ce n’est pas son objectif principal.
L’arthro-IRM peut également avoir ce rôle mais a une moins bonne
définition spatiale que la tomodensitométrie.
44 Traumatisme de la cheville

Fig. 8 – Reconstruction coronale Fig. 9 – Arbre décisionnel de prise en charge de traumatisme


d’un arthro-scanner montrant de la cheville.
une lésion ostéo-chondrale du
versant médial du dôme du talus
avec clapet cartilagineux, poten-
tiellement instable.

Conclusion

Le diagnostic d’atteinte ligamentaire au décours d’un trau-


matisme doit être fait avec prudence, en ayant éliminé une lésion
osseuse post-traumatique, que ce soit avec des radiographies ou
une tomodensitométrie (fig.  9). L’échographie peut être réalisée
rapidement s’il existe un doute entre une atteinte talo-crurale ou
tibio-fibulaire inférieure ; cet examen permet, à toutes les phases,
une exploration ligamentaire et tendineuse satisfaisante. Une sus-
picion d’atteinte osseuse (œdème, lésion ostéo-chondrale) est une
bonne indication à l’IRM (à compléter éventuellement par un
arthro-scanner en cas de lésion ostéo-chondrale).

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La classique entorse du ligament collatéral
latéral : quel traitement choisir ? 5
J. RODINEAU

Points essentiels
• La fréquence des entorses de cheville au cours des activités sportives mais
aussi de la vie quotidienne mérite d’être soulignée.
• Peu de problèmes de traumatologie n’ont suscité autant d’opinions
divergentes que le traitement des entorses de la cheville.
• La notion de « traitement fonctionnel » paraît faire l’unanimité de nos
jours mais ce traitement, en l’absence d’une définition précise, connaît
une extraordinaire variété dans ses modalités et sa durée.
• Cette prise en charge «  fonctionnelle  » nécessite une démarche
diagnostique cohérente centrée sur une question initiale fondamentale :
celle du diagnostic différentiel. L’étape suivante est celle du diagnostic de
gravité des lésions afin de récuser tout traitement approximatif ou mal
codifié.
• Une fois franchies toutes les étapes du diagnostic lésionnel, il ne reste qu’à
adopter le traitement le plus approprié et l’adapter à la gravité établie des
lésions.

Introduction

Les entorses de l’articulation talo-crurale représentent une des


lésions les plus fréquemment rencontrées. Leur fréquence au cours
des activités sportives, mais aussi de la vie quotidienne, mérite
d’être soulignée. Selon Barrois et al. [1], ces lésions représentent
7 % des consultations aux urgences hospitalières, plus de 6 000 cas
par jour en France et, en moyenne, on note une entorse pour
10  000 habitants par jour. Elles atteignent, dans la plupart des
cas, des patients âgés de moins de 35 ans. Elles représentent 25 %
de tous les accidents sportifs et 45 % des blessures survenues au
basket-ball, 31 % au football américain et 25 % au volley-ball [1].

J. Rodineau (), 206, avenue de Versailles, 75016 Paris – e-mail : docjarod@yahoo.fr


Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
46 Traumatisme de la cheville

Le mécanisme est l’inversion et, à un degré moindre, le varus à


5 angle droit. Une entorse de l’articulation sous-talienne et/ou de
l’articulation médio-tarsienne peut lui être associée.
En pratique, deux tableaux peuvent être retrouvés sur le plan
clinique :
– un cou-de-pied très œdématié et ecchymotique et, dans ce cas,
la prudence impose de demander un bilan radiographique des-
tiné à éliminer une fracture avant d’entreprendre le traitement ;
– un cou-de-pied plus ou moins tuméfié et douloureux, mais
susceptible d’être examiné selon un bilan programmé compor-
tant systématiquement la recherche de points douloureux à la
palpation des trajets et des insertions ligamentaires, d’une dou-
leur à la mise en tension passive d’un ou de plusieurs faisceaux
ligamentaires dont il résulte souvent une limitation d’amplitude,
d’une douleur à la contraction résistée d’un des muscles moteurs
de la cheville et du pied, de mouvements anormaux susceptibles
de traduire une rupture ou un arrachement ligamentaire [2].
L’évaluation clinique et, à la moindre interrogation, l’évaluation
iconographique sont les bases incontournables de toute proposition
thérapeutique.

Mécanismes spécifiques

La lésion du ligament collatéral latéral (LCL) de l’articulation


talo-crurale se fait habituellement au cours d’un mouvement forcé
d’inversion qui associe dans le plan frontal : un varus, dans le plan
sagittal : un équin et dans le plan horizontal : une adduction. Elle
peut aussi se faire lors d’un mouvement de varus, le pied à angle droit.
Les conditions dans lesquelles peut survenir cette entorse sont
extrêmement variées : du simple faux pas en marchant à la récep-
tion au sol d’un saut. Il ne faut pas établir de parallélisme trop
rigoureux entre l’importance du traumatisme et la gravité présu-
mée de l’atteinte. Ce mouvement forcé peut faire porter ses effets
sur un, deux ou trois des ligaments constitutifs du LCL entraînant
des entorses de gravité croissante de l’avant vers l’arrière. Le liga-
ment talo-fibulaire antérieur est le premier atteint et il s’y associe
fréquemment une lésion de la capsule antérieure. La gravité de l’en-
torse est majorée par la rupture du ligament fibulo-calcanéen. La
rupture du ligament talo-fibulaire postérieur est plus rarement ren-
contrée et n’est possible qu’en association avec celle des ligaments
antérieur et moyen.
Le mécanisme d’inversion forcée peut également faire porter ses
effets sur le ligament interosseux de l’articulation sous-talienne et,
pour certains auteurs, ce ligament serait même le premier à être lésé
La classique entorse du ligament collatéral latéral : quel traitement choisir ? 47

dans ce mécanisme. Si le mouvement se poursuit, le ligament cal-


canéo-cuboïdien dorsal peut être étiré ou se déchirer ou s’arracher.
On aboutit aussi à des entorses talo-crurales combinées. Au total,
le mécanisme en inversion est susceptible de créer les lésions liga-
mentaires variées qui rendent compte de la complexité de certaines
entorses latérales.

Évaluation clinique
Bien qu’elles soient d’une extrême fréquence, les entorses laté-
rales de l’articulation talo-crurale présentent cependant des diffi-
cultés certaines quant à l’appréciation exacte de l’importance des
lésions. Or, celle-ci est la base de tout traitement.
Les données de l’interrogatoire constituent une source de rensei-
gnements d’intérêt primordial, fondée sur les éléments suivants :
– la perception d’un craquement et surtout d’une sensation de
déchirure est un bon signe de gravité lésionnelle ;
– les réactions douloureuses qui accompagnent et suivent l’ac-
cident sont d’intensité variable. Au cours du traumatisme, la
perception d’une douleur est un phénomène banal mais l’évolu-
tion de la douleur peut donner des renseignements intéressants.
Habituellement, à la douleur initiale fait place une certaine
indolence suivie, quelques heures après, de la réapparition d’une
tension douloureuse. Dans les ruptures ligamentaires, le mode
évolutif peut revêtir deux aspects  : d’une part, l’aggravation
progressive des douleurs et, d’autre part, l’indolence très nette
faisant suite à une douleur initiale brutale, non troublée par la
réapparition tardive de phénomènes douloureux ;
– la tuméfaction pré- et sous-malléolaire qui se forme en l’es-
pace de quelques minutes, en avant et au-dessous de la malléole
latérale, constitue un symptôme fidèle de gravité ;
– dans une entorse de gravité moyenne, l’ecchymose n’ap-
paraît guère avant la 24e heure et elle reste limitée. Dans les
formes graves, elle apparaît beaucoup plus précocement et va
rapidement diffuser ;
– survenant dans des délais variables après le traumatisme,
atteignant son développement maximum en 36 à 48 heures,
le gonflement péri-articulaire ne paraît pas être, du moins pris
séparément, un bon critère de gravité ;
– le degré d’impotence fonctionnelle peut varier parfois paral-
lèlement à la gravité des lésions mais il est loin d’y être toujours
proportionnel.
L’examen physique présente une importance considérable et sa
valeur ne saurait être sous-estimée ; sa difficulté non plus.
48 Traumatisme de la cheville

– L’inspection comporte la recherche d’une attitude anormale


5 du pied, d’un gonflement et d’une ecchymose.
– L’étude de la mobilité est effectuée en passif en notant pour
chaque mouvement s’il existe une limitation et des douleurs
provoquées.
– Les contractions résistées sont effectuées systématiquement.
Dans les entorses latérales, c’est la contraction résistée des
muscles fibulaires qui offre le plus d’intérêt car elle permet,
dans certains cas, de déclencher une douleur traduisant une
lésion de leur gaine et également de ne pas méconnaître une
luxation de ces tendons en avant de la malléole externe ou un
arrachement de la styloïde du 5e métatarsien.
– La recherche de mouvements anormaux est le temps capital
de l’examen clinique car leur constatation permet d’affirmer
la rupture ligamentaire. Ils doivent être recherchés dans deux
plans : frontal et sagittal. Dans le plan frontal, les anomalies à
détecter lors du mouvement de varus sont le bâillement tibio-
talien qu’objective l’augmentation du varus de l’arrière-pied, le
choc talien et la surélévation de la malléole latérale qui consti-
tuent le meilleur témoin de laxité dans le plan frontal. Dans le
plan sagittal, on cherche à mettre en évidence un tiroir anté-
rieur, le genou plus ou moins fléchi et le pied à angle droit ou
en flexion plantaire. Le but est de provoquer l’avancée du pied
sous le segment jambier ou d’obtenir un recul de la jambe par
rapport au pied.
– La recherche des points douloureux termine le bilan cli-
nique. Dans les entorses latérales, on palpe successivement les
insertions des trois faisceaux du LCL, la gaine des tendons des
muscles fibulaires, la capsule et les ligaments de l’articulation
médio-tarsienne latérale et la base du 5e métatarsien.

Bilan d’imagerie

Il doit être guidé par les données de l’examen clinique.


Dans le contexte d’une entorse latérale de l’articulation talo-cru-
rale, l’habitude est de pratiquer systématiquement un bilan radio-
graphique de première intention. Ce bilan est toujours plus ou
moins détaillé selon les habitudes de chaque praticien : radiogra-
phies standard de face et de profil de la cheville ou face et profil
standard, face en rotation interne de 20°, déroulé du pied. Pour
certains, il doit même comporter des clichés en position forcée.
De telles positions ne paraissent plus justifiées à l’heure actuelle.
L’application judicieuse des règles d’Ottawa devrait permettre une
La classique entorse du ligament collatéral latéral : quel traitement choisir ? 49

meilleure appréciation des prescriptions de clichés radiographiques


dans le cas d’une entorse latérale du cou-de-pied [3].
Les clichés standard n’apportent que rarement des éléments déter-
minants pour juger de la sévérité de l’atteinte ligamentaire : seul
l’arrachement d’une insertion est le témoin de la sévérité, d’ailleurs
parfois relative, de la lésion.
En revanche, ce bilan a une grande importance dans deux direc-
tions  : ne pas méconnaître des lésions associées, notamment
osseuses, et établir un diagnostic différentiel en mettant en évi-
dence différentes lésions potentiellement associées à l’entorse de
cheville  : une fracture ostéo-chondrale du dôme du talus, une
fracture d’une malléole, une fracture de la base du 5e métatarsien,
un arrachement osseux au niveau du rétinaculum des tendons
fibulaires.
L’échographie est plus informative. L’étude du LCL s’effectue
après mise en varus de l’arrière-pied, le plus souvent associée à une
flexion plantaire pour l’analyse du faisceau antérieur qui est le fais-
ceau le plus facile à étudier. L’étude du faisceau moyen qui se situe
en regard du plan profond des tendons fibulaires est également
performante. En revanche, l’étude du faisceau postérieur n’est pas
toujours aisée car son insertion proximale est située derrière la
malléole latérale.
À l’heure actuelle, l’échographie constitue un élément majeur du
bilan d’une entorse latérale de l’articulation talo-crurale. Elle per-
met d’évaluer de façon performante le degré de gravité et de mettre
en évidence certaines lésions associées [4].

Traitement

En 2012, comme dans le passé ancien ou plus récent et comme


le soulignaient déjà Vernet et Kouvalchouk en 1986 [5] à pro-
pos des méthodes thérapeutiques, de leurs indications et de leurs
résultats : « Il peut sembler paradoxal qu’une lésion aussi fréquente
et aussi banale en apparence qu’une entorse de cheville puisse susci-
ter tant de publications et de controverses… » . Ceci nous ramenait
quelques années en arrière, lorsque nous écrivions : « Peu de pro-
blèmes de traumatologie n’ont suscité autant d’opinions divergentes
que le traitement des entorses de la cheville. On peut dire, sans risque
d’exagération, que tout a déjà été proposé pour traiter ce type d’af-
fections…  ». Mais que «  quel que soit le sérieux de l’entreprise, on
se heurte toujours, dans le domaine des entorses à deux impératifs
contradictoires  : le désir de guérir vite et celui de ne pas laisser de
séquelles (en particulier, de retrouver une cheville solide et stable, non
douloureuse).
50 Traumatisme de la cheville

Il y a 30 ou 40 ans, le traitement chirurgical était encore de forte


5 actualité et de nombreuses séries faisaient état de ses très bons résul-
tats dans le traitement des entorses graves de la cheville : Ruth en
1961 [6], Niethard en 1974 [7], Duquennoy en 1975 [8] et d’autres
en faisaient une garantie idéale pour la reprise du sport. Pourtant,
dès 1965, Freeman, tout en affirmant que le traitement chirurgical
assurait un résultat de meilleure qualité, avait apporté la preuve que
la persistance de la gêne fonctionnelle et la lenteur de l’évolution
étaient plus importantes pour les opérés. Il suggérait que le traitement
de choix était peut-être le strapping qui, associé à la mobilisation
précoce, permettait d’obtenir un résultat fonctionnel, comparable
à celui de la chirurgie, mais dans des délais plus courts [9].
Au niveau des ligaments de la cheville comme de tout ligament,
toute torsion supramaximale entraîne des lésions anatomiques. La
cicatrisation ligamentaire se fait ensuite de façon progressive. Au
début, on note une augmentation de la teneur en eau et en glucosa-
minoglycans. Au 10e jour, un tissu de granulation fibro-vasculaire
cicatriciel apparaît ; les cellules augmentent en nombre et en taille
et leur teneur en ADN s’accroît. Entre les 3e et 10e semaines, la
production de collagène est maximale mais le turn-over du colla-
gène est de 14 semaines et ce n’est qu’à partir de ce moment que la
cicatrisation peut être considérée comme effective.
La mobilisation précoce améliore les qualités fonctionnelles du
ligament mais, pendant la phase aiguë algique, il est parfois néces-
saire d’immobiliser, de préférence relativement, les ligaments de la
cheville de façon à faciliter leur cicatrisation.
Le meilleur compromis thérapeutique est défini par une mobili-
sation active précoce dans un secteur non douloureux. Toutefois,
dans tous les cas, le traitement doit être fondé sur la gravité des
lésions mais aussi l’âge du sujet, sa personnalité, ses activités
sportives et/ou professionnelles, ses motivations.

Traitement fonctionnel « automatisé » :


les règles incontournables
La notion de « traitement fonctionnel » paraît faire l’unanimité
de nos jours mais que de différences et de fantaisies ce mot n’a-t-il
pas connu, avant d’aboutir avec Evans [10], puis avec Kannus et al.
[11], à la certitude que ce traitement fonctionnel devait constituer la
partie essentielle, pour ne pas dire unique, de leur prise en charge.
En revanche, comme toujours lorsqu’on veut imposer une pensée
unique, les indications et les règles de ce traitement ont toujours
manqué de précision et, à l’heure actuelle encore, ce traitement
fonctionnel connaît une extraordinaire variété dans ses modalités
et sa durée. Or, ce sont des conditions indispensables pour garantir
de très bons résultats.
La classique entorse du ligament collatéral latéral : quel traitement choisir ? 51

Le premier point à préciser est que cette prise en charge « fonction-


nelle » nécessite une démarche diagnostique cohérente centrée sur
une question initiale fondamentale : celle du diagnostic différen-
tiel. L’étape suivante est celle du diagnostic de gravité des lésions
afin de récuser tout traitement approximatif ou mal codifié.
Devant une cheville traumatique faisant évoquer par son méca-
nisme et son aspect le diagnostic d’entorse de cheville, le plus sou-
vent latéral, le traitement non opératoire ne peut se concevoir qu’à
la triple condition suivante :
– pouvoir affirmer que c’est une lésion ligamentaire de l’articu-
lation talo-crurale et éliminer tout ce qui n’est pas une entorse
de cheville ;
– préciser le degré de gravité de l’entorse dans les meilleurs
délais possibles ; c’est-à-dire le plus souvent après un traitement
d’attente de 48 à 72 heures comportant l’application systéma-
tique du protocole RICE ;
– rechercher des lésions associées en l’absence d’amélioration de
l’état de la cheville revue au maximum au 4e ou 5e jour suivant
l’accident.
Affirmer formellement que la lésion est purement ligamentaire
nécessite d’éliminer tout autre lésion :
– dans un premier temps, par une application «  rigide  » des
règles d’Ottawa [3]. En cas d’anomalie, il convient de recher-
cher une fracture ou un arrachement et demander un bilan
radiographique comportant au moins un cliché de face en rota-
tion interne de 20° et un cliché de profil afin d’éliminer un
certain nombre de fractures situées au niveau du pilon tibial,
de la malléole latérale, du talus (dôme et processus latéral) ;
– dans un deuxième temps, il convient de faire une analyse
dogmatique des structures tendineuses périarticulaires  : ten-
don calcanéen (rupture), tendons fibulaires (luxation ou même
rupture), tendond tibial postérieur (luxation ou rupture).
Préciser le type et la gravité de l’entorse nécessite que le cou-de-
pied soit examinable et impose la mise en route immédiate du
protocole RICE, quel que soit le degré de gravité de l’entorse.
Ce protocole comporte le repos de la cheville traumatisée  : ini-
tialement par l’utilisation de deux cannes anglaises et la mise en
décharge, l’utilisation d’un glaçage qui a fait la preuve de son
efficacité lorsqu’il est initié dans les 12 premières heures et mis
en place le plus longtemps et/ou le plus souvent possible dans la
journée, l’utilisation de techniques de compression et la position
déclive.
– Si l’on peut formellement affirmer qu’il s’agit d’une lésion
ligamentaire isolée ne concernant que les ligaments externes
de l’articulation talo-crurale, on peut alors, en toute sécurité,
utiliser, selon l’aspect clinique, un traitement fonctionnel pur
ou une immobilisation de plus ou moins courte durée.
52 Traumatisme de la cheville

– Si devant la persistance de douleurs et d’une gêne fonction-


5 nelle importante, d’un gonflement périarticulaire malgré le
traitement d’attente, on a un doute sur le caractère isolé de la
lésion ligamentaire, il faut alors rechercher des lésions associées
soit ligamentaires à d’autres niveaux, soit cartilagineuses intra-
articulaires, soit osseuses périarticulaires, voire tendineuses,
plus souvent partielles que complètes.
Dans ce cas, l’échographie est très utile car elle permet non seule-
ment de confirmer l’existence d’une rupture ligamentaire mais en
précise également le siège (en plein trajet ou au niveau d’une inser-
tion osseuse) et recherche des lésions ligamentaires associées : liga-
ment en haie, ligament collatéral médial et ligament tibio-fibulaire
inférieur.
Lorsque l’échographie n’est pas suffisamment contributive,
l’arthro-scanner est l’examen de choix chez le sportif de haut
niveau car il permet non seulement l’analyse du cartilage et la mise
en évidence de lésions chondrales ou de corps étrangers, mais il
offre l’intérêt de montrer les différentes structures osseuses mal
visibles sur le bilan radiographique ou échographique et permet
la recherche d’arrachements osseux ou de fractures parcellaires  :
malléole latérale ou médiale, apophyse latérale du talus.
Une fois toutes ces étapes franchies, il ne restera qu’à adopter le
traitement fonctionnel le plus approprié et nécessairement l’adapter
à la gravité des lésions.

Traitement en fonction de la gravité établie des lésions


Entorses bénignes
Elles représentent le terrain le plus pertinent du traitement
fonctionnel [2].
L’application de froid est une méthode très couramment utilisée.
Destinée à atténuer la douleur et le gonflement réactionnel, elle
s’avère régulièrement efficace. Elle peut se faire par différents
moyens  : l’application d’une vessie de glace ou d’un pansement
réfrigérant, l’immersion dans un bain de pied glacé.
Les massages peuvent être utilisés sous différentes formes : effleu-
rages et pressions glissées dès les premières heures et massages
transverses profonds au bout de 2 à 3 jours.
L’application d’une compression élastique permet la réduction du
gonflement périarticulaire et s’avère d’une grande efficacité.
Les traitements anti-inflammatoires locaux sont utiles et doivent
être prescrits tant que les phénomènes douloureux et le gonfle-
ment périarticulaire persistent car le but de leur application est
– en théorie tout au moins – d’assurer une résorption plus rapide
et plus importante de l’infiltration tissulaire et de l’hématome
sous-cutané.
La classique entorse du ligament collatéral latéral : quel traitement choisir ? 53

Les traitements physiothérapiques sont à discuter en fonction de leur


efficacité et de leur innocuité. Leur but est de lutter contre la dou-
leur et de tenter de résorber rapidement l’œdème post-traumatique.
L’ immobilisation complète ne se justifie jamais. Elle ne semble
favoriser en rien la régression de l’œdème et fait courir des risques
inutiles.
Au total, le traitement qui paraît le plus efficace comporte la réfri-
gération de l’articulation, l’application d’un bandage compressif et
la surélévation du pied. On obtient ainsi une régression rapide des
perturbations vaso-motrices et des phénomènes douloureux et une
récupération fonctionnelle dans des délais brefs.

Entorses de gravité moyenne


Ce sont les lésions les plus fréquemment observées en pratique
sportive. Leur traitement peut revêtir cinq modalités différentes
qu’il faut appliquer au cas par cas en se fondant sur le bilan clinique
et iconographique.
Le traitement fonctionnel revisité est fondé sur une absence d’im-
mobilisation et une reprise rapide des activités. Il peut être divisé
en deux phases :
– la phase initiale (24 à 72 heures) comporte un certain nombre
de mesures : application de froid, bandage compressif, suppres-
sion de l’appui, utilisation de cannes pour la déambulation,
surélévation du membre inférieur pendant le repos ;
– la phase de récupération est entreprise dès diminution des
douleurs par une mobilisation active de la cheville. Très rapi-
dement, l’appui est de nouveau autorisé, puis des exercices
analytiques contre résistance manuelle sont effectués. Enfin,
le traitement est orienté vers des exercices de réadaptation  :
pédaler sur une bicyclette de rééducation, sautiller sur place,
trottiner en terrain plat.
Le traitement par contention souple est fondé sur l’utilisation de dif-
férentes techniques, notamment sur la réalisation d’un strapping
ou d’un bandage cohésif de contention et maintien. Les bandes
que l’on peut utiliser peuvent être soit adhésives soit cohésives.
Les bandes adhésives présentent une efficacité indéniable  : elles
atténuent les douleurs, peuvent faire régresser l’œdème et faci-
litent le retour à une vie active normale, professionnelle et sportive.
Globalement, elles présentent aussi un certain nombre d’incon-
vénients : la perte d’efficacité dans le temps liée à leur élasticité et
des problèmes cutanés, en particulier sous la forme de réactions
allergiques. Les bandes cohésives assurent à la fois le maintien et
la compression de l’articulation traumatisée. Elles offrent l’avan-
tage de ne pas entraîner de problèmes cutanés. Leur principal
inconvénient est qu’elle nécessite une formation du praticien à leur
utilisation.
54 Traumatisme de la cheville

Le traitement par contention adhésive rigide est utilisé sous la forme


5 d’un taping mais son emploi est limité à certaines catégories de
sportifs dont l’équipe dispose d’un « soigneur ».
Le traitement orthopédique par résine constitue un moyen théra-
peutique classique. Il doit répondre à certains impératifs  : être
réalisé précocement, s’étendre de la racine des orteils jusqu’en des-
sous du genou, maintenir la cheville à angle droit, être laissé 3 ou
4 semaines. Dans certains cas, le temps d’immobilisation peut être
raccourci et la botte relayée par une orthèse de stabilisation.
Ce traitement peut être remplacé par l’utilisation d’une résine semi-
rigide qui autorise une certaine mobilité en flexion plantaire et en
flexion dorsale alors qu’elle interdit pratiquement toute mobilité
en varus-valgus. Il permet aux patients de mener une vie proche
de la normale, autorisant le chaussage, la marche, la montée et la
descente des escaliers [12].
Le traitement par orthèse est un excellent compromis entre le
traitement fonctionnel et l’immobilisation stricte. Il présente de
multiples avantages. Il assure une guérison presque certaine, sans
bâillement résiduel conséquent, ni raideur de la cheville. Une auto-
rééducation rapide avec mise en appui précoce, une limitation du
nombre de séances de rééducation ainsi qu’une diminution de la
durée du traitement préventif antithrombotique sont obtenues. Il
permet une réduction substantielle de la durée de l’arrêt de travail
ainsi qu’une reprise plus précoce des activités sportives et contribue
ainsi à la limitation des dépenses de santé.
Entorses graves
L’immobilisation prolongée dans une botte plâtrée de marche
en est restée longtemps le seul traitement. À l’heure actuelle, ces
formes sont de plus en plus rarement traitées chirurgicalement.
Trois traitements peuvent être envisagés : le traitement qualifié de
« fonctionnel » et qui connaît de nombreuses modalités fort dif-
férentes, le traitement orthopédique par immobilisation stricte, le
traitement chirurgical.
Traitement « fonctionnel » surveillé
Il recouvre des entités aussi différentes qu’une absence quasi complète
de tout soutien mécanique, un simple « strapping » ou des orthèses de
stabilisation portées 6 semaines, nuit et jour pendant les 3 premières
semaines. Le traitement ne doit être entrepris que sous la surveillance
stricte de médecins particulièrement expérimentés et conscients des
problèmes éventuellement liés à cette méthode « fonctionnelle ».
Traitement orthopédique
Il est fondé sur une immobilisation stricte dont la modalité la
plus commune est l’utilisation d’une botte rigide. Les buts d’im-
mobiliser la cheville sont variés dans ce cas : assurer la cicatrisation
par le maintien de l’articulation en bonne position, assurer une
La classique entorse du ligament collatéral latéral : quel traitement choisir ? 55

action antalgique et anti-inflammatoire. Ce traitement a pour lui


la simplicité, l’absence de risque, le pourcentage réduit de compli-
cations, la promesse d’une reprise rapide de la vie socio-profession-
nelle. Il est indiqué chez tous les blessés pour lesquels on proposait
volontiers auparavant un traitement chirurgical. Les avantages
sont clairs  : absence d’hospitalisation et d’intervention, sécurité
de l’immobilisation, faible coût direct du traitement. Les inconvé-
nients sont nombreux, notamment la lenteur de la récupération du
fait des troubles trophiques liés à l’immobilisation.
Traitement chirurgical
Il trouve sa justification dans l’étendue des lésions ligamentaires
constatées à l’intervention, mais surtout dans la présence de lésions
ostéo-chondrales dont il est fondamental de faire l’exérèse sous peine
de voir persister la gêne fonctionnelle ou se développer une instabilité
de la cheville. Toutefois, le très faible nombre d’instabilités chroniques
nécessitant une stabilisation chirurgicale secondaire ne plaide pas en
faveur de la chirurgie réparatrice des entorses récentes de cheville.
Après la réparation chirurgicale, la durée d’immobilisation dans
une botte plâtrée ou résinée varie selon les auteurs. Elle est souvent
relayée et parfois même remplacée d’emblée par l’utilisation d’une
orthèse de stabilisation. L’appui est autorisé au bout d’une quinzaine
de jours. À l’ablation de l’appareil, la rééducation est entreprise. Les
avantages sont nombreux : exactitude du bilan lésionnel, possibilité
de traitement de toutes les lésions intra-articulaires, facilité de la
suture ligamentaire, régularité des résultats excellents. Les inconvé-
nients ne sont pas moindres : outre la nécessaire hospitalisation et
l’anesthésie, on doit citer les complications liées au geste chirurgical
(dysesthésies, névromes, nécroses cutanées, infections superficielles)
toujours possibles, de même que le risque de complication thrombo-
embolique [13].

Conclusion
Le traitement des lésions ligamentaires collatérales latérales récentes
de la cheville est fondé sur la gravité des lésions mais aussi sur l’âge du
sujet, sa personnalité, ses activités sportives et/ou professionnelles, ses
motivations. La phase initiale de la majorité des traitements comporte
cinq mesures : application de froid, bandage compressif, suppression
de l’appui, utilisation de cannes anglaises pour la déambulation,
surélévation du membre inférieur pendant le repos.
Dans les entorses bénignes, ce protocole représente la totalité du
traitement. Il doit être poursuivi jusqu’à disparition de la sympto-
matologie clinique.
Dans les entorses de gravité moyenne, le traitement peut revêtir des
modalités différentes en se fondant sur le bilan clinique et le bilan
56 Traumatisme de la cheville

iconographique. Le traitement fonctionnel est fondé sur une absence


5 d’immobilisation et une reprise rapide des activités. Le traitement
par contention souple nécessite la réalisation d’un strapping ou d’un
bandage cohésif de contention et maintien. Le traitement par botte
en résine rigide constitue un moyen thérapeutique classique. Il peut
être remplacé par l’utilisation d’un bottillon en résine semi-rigide qui
autorise une certaine mobilité en flexion plantaire et en flexion dor-
sale alors qu’il interdit pratiquement toute mobilité en varus-valgus.
Le traitement par orthèse est également un excellent compromis
entre le traitement fonctionnel et l’immobilisation stricte.
Dans les entorses graves, trois traitements peuvent être envisagés :
le traitement qualifié de « fonctionnel » qui ne doit être entrepris
que sous surveillance stricte, le traitement orthopédique fondé sur
l’utilisation d’une botte rigide et le traitement chirurgical qui doit
demeurer l’exception. Dans certains cas, il trouve sa justification
dans l’étendue des lésions ligamentaires et surtout dans la présence de
lésions ostéo-chondrales dont il est fondamental d’en faire l’exérèse.

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Autres entorses de la cheville
6
P. FIEUZAL

Points essentiels
t L’entorse du ligament collatéral latéral peut masquer l’atteinte du ligament
talo-calcanéen interosseux (ligament en haie). Il faut toujours tester la
sous-talienne lors d’une entorse de la cheville.
t Un effondrement de l’arche médiale du pied en contexte post-traumatique
doit faire rechercher une lésion de l’articulation talo-naviculaire et de ses
deux ligaments.
t L’atteinte isolée du ligament collatéral médial est peu fréquente. Il
convient de rechercher systématiquement une fracture de la fibula et une
fracture de Maisonneuve (équivalent de fracture bimalléolaire).
t Le diagnostic d’entorse de l’articulation tibio-fibulaire inférieure est
exceptionnellement porté à la phase aiguë. Pourtant, les séquelles peuvent
être majeures.

Introduction

En dehors des classiques entorses latérales de l’articulation tibio-


talienne intéressant le ligament collatéral latéral et des atteintes
du médio-tarse, la cheville peut être le siège de nombreuses autres
lésions ligamentaires. Nous envisagerons successivement :
– les lésions de l’articulation sous-talienne ;
– les lésions du ligament talo-naviculaire et du «  spring liga-
ment » intéressant le complexe calcanéo-pédieux ;
– les entorses du plan ligamentaire médial fréquemment asso-
ciées à des lésions osseuses malléolaires ;
– les lésions de l’articulation tibio-fibulaire inférieure.

P. Fieuzal ( ), Service des Urgences – SAMU – SMUR, CHU de Poitiers, 86021 Poitiers
Cedex – e-mail : pfieuzal@yahoo.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
58 Traumatisme de la cheville

6 Entorse sous-talienne

Rappels anatomiques
Le talus est encastré en haut dans la pince bimalléoaire et s’arti-
cule en bas et en avant avec le bloc calcanéo-pédieux. La partie
inférieure entretient un contact postérieur avec le calcanéus (thala-
mus et sustentaculum tali), tandis que la face antérieure s’articule
avec la partie postérieure de l’os naviculaire. Entre les deux zones de
contact, se trouve une dépression, dite sinus du tarse, occupée par
le ligament talo-calcanéen interosseux ou ligament en haie. C’est le
pivot central de la stabilité articulaire sous-talienne. Les éléments
stabilisateurs secondaires comportent le faisceau moyen du ligament
collatéral latéral (calcanéo-fibulaire), le ligament collatéral médial
et le ligament talo-calcanéen postérieur (fig. 1). Il est intéressant de
rappeler qu’il n’existe aucune insertion musculaire sur le talus.

Fig. 1 – Ligament en haie et ligaments naviculaires. Dessin Dr Pierre Fieuzal.

Examen clinique
Il est difficile de porter le diagnostic clinique d’entorse de l’arti-
culation sous-talienne car l’atteinte isolée est rare et s’accompagne
en général d’une lésion concomitante du plan ligamentaire colla-
téral latéral, dont la symptomatologie peut masquer celle propre
du sinus du tarse [1]. En théorie, il serait intéressant de pouvoir
tester l’articulation sous-talienne à la recherche d’une augmenta-
tion anormale des amplitudes en varus/valgus du calcanéus, mais
en pratique, ce testing à la phase aiguë est extrêmement difficile
et probablement peu spécifique. Cependant, devant un tableau
douloureux de la région latérale de la cheville, l’examen doit être
minutieux et précis pour pouvoir évoquer une atteinte de l’arti-
culation sous-talienne. Seule la palpation du sinus du tarse per-
met de soupçonner la lésion. La douleur est plus distale que celle
retrouvée lors d’une rupture du ligament talo-fibulaire antérieur et
Autres entorses de la cheville 59

s’accompagne en général d’une tuméfaction en regard. Au moment


du traumatisme initial, l’examen clinique en reste souvent là mais
si les douleurs sont importantes avec une impotence fonctionnelle
majeure (application des critères d’Ottawa), un bilan d’imagerie
doit compléter l’examen.

Imagerie
Le bilan comporte une radiographie pied/cheville de face et de
profil stricts ainsi qu’un cliché de trois quarts déroulé qui expose
parfaitement le sinus du tarse et l’articulation calcanéo-cuboï-
dienne. Il faut veiller à analyser le processus latéral du talus qui
peut être lésé au moment de l’entorse. En l’absence du petit arra-
chement calcanéen antérieur ou d’une fracture du processus latéral
du talus, qui ne sont pas constants, l’échographie précisera la lésion.
Celle-ci peut être demandée dès la période aiguë en fonction de la
disponibilité du radiologue, ou bien être différée de quelques jours
surtout si la cheville est trop douloureuse. Enfin, si la radiographie
peut dépister une fracture associée, elle ne permet pas en revanche
de la décrire de manière suffisamment précise pour décider du
traitement définitif. Cette région anatomique difficile d’accès à la
radiographie est précisée au mieux par une tomodensitométrie.

Traitement
Il n’y a pas de consensus sur la prise en charge thérapeutique des
lésions isolées de l’articulation sous-talienne. Le traitement est le
plus souvent le même que celui appliqué pour l’entorse du ligament
collatéral latéral, volontiers fonctionnel, surtout grâce à la diffusion
des orthèses de marche. L’immobilisation stricte et rigide peut se
concevoir si l’imagerie dépiste un volumineux arrachement osseux
calcanéen et/ou une fracture non déplacée du processus latéral du
talus. Inversement, devant une fracture déplacée, un avis chirurgical
doit être demandé. En l’absence de fracture, il n’y a aucune place pour
un traitement chirurgical à la période aiguë. Le développement d’une
instabilité chronique secondaire invalidante, de diagnostic extrê-
mement difficile, pourra nécessiter également un avis chirurgical.

Entorse talo-naviculaire dorsale

Le complexe osseux calcanéo-pédieux entretient des relations


privilégiées avec le talus et il nous semble difficile de passer sous
silence la lésion du ligament talo-naviculaire dorsal, tendu entre
60 Traumatisme de la cheville

la tête du talus et la partie postéro-supérieure de l’os naviculaire,


6 et celle du ligament calcanéo-naviculaire plantaire (ou «  spring
ligament »), tendu entre la tête du calcanéus et la partie postéro-
inférieure de l’os naviculaire, bien que leur pathologie soit clas-
siquement rattachée aux entorses du médio-tarse et notamment
du ligament en Y de Chopart (cf. infra le chapitre Entorses de
Chopart) (fig. 1).
Mécaniquement, l’atteinte ligamentaire peut se produire dans
deux circonstances :
– mouvement de pronation forcée lors d’une réception sur sol
inégal après un saut par exemple ;
– mouvement d’abduction brutale par choc direct sur la face
interne du pied notamment dans les sports de contact ou lors
d’un « shoot » contré au football ou au rugby.
Nous mentionnerons simplement la symptomatologie très particu-
lière de cette entorse au cours de laquelle la victime décrit une sen-
sation d’affaissement de la voûte plantaire associée à une douleur
(rarement violente) du cou-de-pied. Cliniquement, on retrouve
une arche interne effondrée ; la palpation de l’interligne talo-navi-
culaire est sensible et la contraction résistée du muscle tibial posté-
rieur est douloureuse, s’accompagnant de la perception d’une laxité
articulaire en avant du talus. En appui monopodal, on constate
une hyperpronation par rapport au côté opposé.
Les radiographies standard (face, profil et déroulé du pied) per-
mettent de rechercher d’éventuelles lésions osseuses et parfois un
bâillement articulaire au niveau de l’interligne du Chopart interne.
Si l’on soupçonne une atteinte talo-naviculaire avec un bilan radio-
graphique normal, celui-ci devra obligatoirement inclure une écho-
graphie voire une IRM, différées de quelques jours (J3-J5). Ces
examens confirment l’atteinte et en précisent l’importance et la gra-
vité. Il n’y a pas d’urgence absolue, mais si l’arche médiale est effon-
drée l’attitude peut devenir rapidement résolument chirurgicale.
En l’absence d’effondrement clinique ou radiologique de l’arche
médiale en charge ou de laxité pathologique sur les clichés standard
qui nécessiteraient un avis chirurgical rapide, le traitement est le
plus souvent médical. Pour ce dernier, il n’y a pas de consensus sur
la réalisation mais l’idéal consiste à préserver la fonction et à éviter
l’immobilisation de la cheville. Dans des formes mineures et si le
patient est parfaitement observant, le traitement peut associer une
orthèse plantaire avec soutien de l’arche médiale, une décharge par-
tielle de l’appui à l’aide de béquilles jusqu’à disparition des douleurs
et une rééducation immédiate et rigoureuse centrée initialement sur
l’antalgie. Un renforcement musculaire des fléchisseurs commun et
propre de l’hallux et du tibial postérieur complète la prise en charge.
Si ce traitement contraignant ne peut être scrupuleusement suivi
(impératifs professionnels, négligence, banalisation…), l’alternative
consiste à immobiliser le pied et la cheville dans une botte rigide
Autres entorses de la cheville 61

avec appui talonnier. Inversement, en présence d’un effondrement


de l’arche médial ou d’une laxité, la chirurgie de réparation liga-
mentaire doit être discutée rapidement, surtout chez le sujet jeune/
sportif ou le patient à haute demande fonctionnelle.

Entorse du plan médial

Rappels anatomiques
Elle intéresse principalement le ligament collatéral médial
(LCM). Il comprend deux plans  : l’un profond entre le sommet
malléolaire médial et la partie postérieure du corps du talus ; l’autre
superficiel, dit ligament deltoïde, nappe le plan médial en partant
du rebord antérieur de la malléole médiale pour se déployer en
éventail en formant un faisceau tibio-talien postérieur et un fais-
ceau tibio-calcanéen. Ce plan médial est complété en profondeur
par le ligament calcanéo-naviculaire plantaire (fig. 2).

Fig. 2 – Ligament collatéral médial. Dessin Dr Pierre Fieuzal.

Cette solide configuration anatomique verrouille efficacement


l’articulation tibio-talienne dans les contraintes en valgus, ce qui
peut expliquer la rareté de cette lésion. Ceci rend compte de la
nécessité d’éliminer toutes les autres atteintes de la face médiale de
la cheville avant de porter le diagnostic d’entorse médiale. Il fau-
dra donc rechercher systématiquement une fracture de la malléole
médiale, une atteinte talo-naviculaire ou une lésion du tendon
tibial postérieur par exemple.

Clinique
Le mécanisme habituel comprend un mouvement forcé en
hyper-valgus (parfois réactionnel à un accident d’instabilité en
varus corrigé par une contraction musculaire réflexe).
62 Traumatisme de la cheville

Cliniquement, l’inspection découvre une tuméfaction péri- et sous-


6 malléolaire médiale et la palpation sous-malléolaire déclenchent une
douleur. Le testing doux en valgus passif est lui aussi douloureux.
La palpation et la contraction du tendon tibial postérieur sont éga-
lement douloureuses, en rapport avec une lésion (rupture, incarcé-
ration, fissure…) ou une réaction douloureuse irritative au contact
d’une zone ligamentaire œdématiée et infiltrée par l’hématome [3].
Certaines lésions sont fréquemment associées à une atteinte du plan
ligamentaire médial. Il convient de rechercher systématiquement :
– une fracture malléolaire latérale (dans le cadre d’un équivalent
de fracture bimalléolaire), et une lésion de la diaphyse fibulaire
(fracture de Maisonneuve). Il est indispensable de tester le terri-
toire sensitif de la face antéro-latérale de la jambe et de recher-
cher un déficit des releveurs du pied afin de ne pas méconnaître
une lésion du nerf fibulaire commun ;
– une fracture de la malléole médiale ;
– une lésion de l’articulation tibio-fibulaire inférieure (dont le
mécanisme lésionnel associe un traumatisme en valgus et une
rotation latérale) ;
– une luxation sous-talienne spontanément réduite (anamnèse).

Examens complémentaires
Ils comportent des radiographies standard de la cheville (face, face
en rotation médiale de 20°, profil) recherchant :
– une fracture de la malléole latérale ;
– un arrachement osseux de la pointe malléolaire médiale ;
– une lésion de l’articulation tibio-fibulaire distale (diastasis) ;
– une incarcération du ligament collatéral médial se traduisant
par un diastasis tibio-talien ;
– une atteinte du dôme du talus.
Le bilan nécessite également une radiographie de la jambe de face
et de profil à la recherche de la classique fracture de Maisonneuve.
La réévaluation clinique entre le 5e et le 8e jour permet d’affiner le
diagnostic. En cas d’évolution défavorable, une échographie peut
être utile pour compléter le bilan tendineux et ligamentaire. Le
reste des examens est affaire de spécialistes de l’appareil locomoteur
et se réalise le plus souvent en différé.
On portera une attention toute particulière aux radiographies de
l’enfant chez qui une lésion du ligament collatéral médial peut
s’accompagner d’un décollement épiphysaire de l’extrémité infé-
rieure de la fibula. Chez ces jeunes patients, il est indispensable
d’effectuer des clichés comparatifs.

Traitement
Le traitement est le plus souvent fonctionnel, tel qu’il a été décrit
dans le chapitre des entorses latérales de la cheville, selon les
Autres entorses de la cheville 63

mêmes modalités. En cas d’impotence totale et de douleurs impor-


tantes, l’immobilisation dans une botte en résine peut être discutée
pour 8 jours puis réévaluation clinique aidée d’une échographie.
Les indications chirurgicales sont rares, essentiellement en raison
de lésions associées qui font toute la gravité des entorses du plan
médial :
– laxité tibio-talienne ;
– fracture malléolaire déplacée ;
– rupture du tendon du tibial postérieur ;
– diastasis tibio-fibulaire inférieur ou tibio-talien médial.

Entorse tibio-fibulaire inférieure

Rappels anatomiques
L’articulation tibio-fibulaire inférieure (TFI) est une arthrodie
dépourvue de capsule articulaire permettant des mouvements
extrêmement limités. Sa cohésion est essentielle pour assurer la
stabilité de la mortaise talo-crurale. Elle possède trois structures
ligamentaires :
– le ligament tibio-fibulaire distal interosseux ;
– le ligament tibio-fibulaire distal antérieur ;
– le ligament tibio-fibulaire distal postérieur.
Le ligament interosseux est dans le prolongement de la membrane
interosseuse, tendue tout le long de la diaphyse des deux os de la
jambe (fig. 3).

Fig. 3 – Tibio-fibulaire inférieure. Dessin Dr Pierre Fieuzal.


64 Traumatisme de la cheville

6 Clinique
Dans l’entorse de la TFI, le verrouillage en flexion plantaire
active disparaît et le « ballottement » du talus persiste, signant la
lésion des faisceaux ligamentaires inférieurs.
Signalons que ces lésions, isolées, sont rares lors des traumatismes
de la cheville. Les circonstances de survenue sont représentées par
des traumatismes associant une flexion dorsale et une rotation laté-
rale forcée du pied. La douleur siège de manière élective au niveau
de l’articulation TFI, c’est-à-dire plus haut que le lieu habituel de
la classique entorse latérale de cheville.
Outre l’instabilité décrite plus haute, la douleur est reproduite par
le mécanisme causal, c’est-à-dire une rotation latérale passive et
douce du pied, genou fléchi à 90°. Il est important de pratiquer
ce testing après avoir éliminé une fracture associée. La flexion
plantaire avec mouvement d’inversion forcée du pied retrouve
parfois une tuméfaction ovalaire douloureuse à la palpation située
en regard de l’articulation tibio-fibulaire inférieure [6]. La flexion
dorsale passive du pied reproduit la douleur de l’interligne tibio-
fibulaire. À noter qu’en l’absence de lésion du ligament collatéral
latéral, on ne retrouve pas de tiroir tibio-talien ni de douleurs en
varus.
Chez l’enfant et l’adolescent, les lésions ligamentaires sont volon-
tiers des arrachements des insertions osseuses tels que décrits par
Tillaux où le ligament tibio-fibulaire antérieur arrache l’inser-
tion tibiale épiphysaire, réalisant une fracture Salter III ou plus
rarement un arrachement de l’insertion fibulaire (fig. 4).

Fig. 4 – Fracture de Tillaux chez l’enfant. Dessin Dr Pierre Fieuzal.


Autres entorses de la cheville 65

Examens complémentaires
Le bilan radiologique comprend des clichés en charge si pos-
sible de face stricte et de profil, ainsi qu’un cliché de face à 20° de
rotation médiale afin de dégager l’intégralité de la mortaise. Le
cliché de jambe incluant la tête fibulaire éliminera une fracture
de la fibula. Il est important de dépister le diastasis TFI au mieux
par des clichés comparatifs. Dans tous les cas, en cas d’atteinte
atypique en dehors de la zone habituelle des entorses latérales plus
classiques, une échographie peut être utile quelques jours après le
traumatisme pour affiner le diagnostic. Si celui-ci se confirme,
l’appréciation de la gravité nécessitera le plus souvent le recours à
une IRM afin de faire le bilan lésionnel ligamentaire précis.

Traitement
En l’absence de lésions associées, le traitement est le plus sou-
vent orthopédique par une botte fermée sans appui pour une
durée de 6  semaines en général. Cette immobilisation est impé-
rative afin d’assurer une bonne cicatrisation de la membrane inte-
rosseuse et du ligament tibio-fibulaire inférieur. L’emploi d’une
orthèse ne peut convenir du fait de l’immobilisation relative
qu’elle procure, entraînant une ouverture de la pince tibio-fibu-
laire à chaque mouvement de la cheville. La chirurgie est indi-
quée en cas de lésions associées telles qu’une fracture malléolaire
médiale ou latérale, un diastasis tibio-talien médial. En cas de
diastasis tibio-fibulaire distal, le vissage percutané fibulo-tibial est
la technique de choix, mais nécessite une ablation de la vis à la
6e semaine postopératoire.

Conclusion
De diagnostic difficile, les entorses décrites dans ce chapitre
nécessitent donc un examen clinique soigneux en marge de l’explo-
ration classique du ligament collatéral latéral. Ces lésions mécon-
nues pourraient être responsables de séquelles fonctionnelles ou de
douleurs chroniques invalidantes. On s’appuiera sur des explora-
tions radiologiques et échographiques simples, parfois à distance en
cas de persistance d’instabilité clinique ou de douleurs chroniques.

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66 Traumatisme de la cheville

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Lésions osseuses II-2
Fracture de la malléole latérale
7
C. CAMELOT

Points essentiels
t C’est la plus fréquente des fractures du membre inférieur.
t Il ne faut pas occulter une lésion ligamentaire associée, aboutissant à une
rupture de l’anneau de stabilité ostéo-ligamentaire talo-crural.
t Le traitement de ces fractures est plutôt orthopédique s’il respecte un bon
centrage du talus (valeur des critères radiologiques de Skinner).
t Le traitement chirurgical ne s’inscrit que pour un complet respect de
l’anatomie, toute malposition fibulaire pouvant aboutir à un décentrage
talien potentiellement arthrogène.
t Le délai de consolidation moyen d’une fracture malléolaire isolée est de
45 jours.

Introduction

La fracture de la malléole latérale est le troisième site fracturaire


en termes de fréquence après celui du poignet et du col du fémur.
Ce chapitre traitera des lésions isolées de la malléole latérale ou
associées à des éléments ostéo-ligamentaires représentant 20 % des
fractures de la cheville. Elles sont très souvent associées aux frac-
tures de la malléole médiale (80 %) et/ou du pilon tibial entrant
ainsi dans le cadre nosologique des fractures bimalléolaires traitées
dans un autre chapitre.
Ces lésions ont pour conséquences essentielles une perturbation
de la mortaise tibio-fibulaire et de son jeu subtile d’adaptation aux
mouvements du talus [1]. Toute malposition d’une fracture de la
malléole tend à créer une rotation du talus qui se décentre ainsi de
son axe mobile. C’est alors un facteur certain d’arthrose dans le
temps [1].

C. Camelot ( ), Clinique Arago, 93-95, boulevard Arago, 75014 Paris –


e-mail : drcamelot @free.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
70 Traumatisme de la cheville

Le dogme de la chirurgie systématique qui colle aux fractures


7 bimalléolaires est à nuancer pour une fracture de la malléole laté-
rale isolée, un léger cal vicieux lors d’un traitement orthopédique
permettant de maintenir une fonction satisfaisante de l’articula-
tion talo-crurale avec peu de risque arthrogène [1,  2]. Le traite-
ment orthopédique voire fonctionnel de ces lésions garde donc une
indication large sur ces fractures malléolaires isolées. L’indication
thérapeutique dépend également du terrain, du type de fracture
ainsi que de son association à des lésions ostéo-ligamentaires.
Les notions anatomiques permettent de comprendre l’atteinte de
ces différents éléments ligamentaires pouvant grever le pronos-
tic anatomique et fonctionnel après la consolidation osseuse [2].
Deux notions de biomécanique sont également fondamentales afin
d’interpréter la physiologie de ces fractures : la grande flexibilité
de la cheville qui s’avère bloquée lors des situations traumatiques
et le principe de stabilité de la cheville, schématisé en un anneau
théorique ostéo-ligamentaire talo-crural.

Nosologie, anatomie et fonction de la malléole latérale

Anatomie
La fibula est un os long, pair et asymétrique de forme très grêle.
Elle constitue avec le tibia le squelette de la jambe. Elle n’inter-
vient pas dans la transmission des pressions mais c’est un élément
essentiel de l’articulation de la cheville avec son rôle de mortaise
tibio-fibulaire élastique.
La malléole latérale, dont le nom a été emprunté au xvie siècle au
latin malleolus, signifie littéralement « petit marteau ». Elle forme la
partie saillante et postéro-externe de la cheville, située à l’extrémité
tarsienne de la fibula.
Elle descend plus bas, plus en arrière et elle est d’apparence plus
volumineuse que la malléole médiale. Elle possède une forme lan-
céolée et allongée verticalement. Son extrémité est aplatie transver-
salement et pointe en dehors. Dans son ensemble, elle présente une
légère inclinaison externe de 7°, donnant un valgus physiologique
à son orientation.
Elle présente anatomiquement deux faces, deux bords et un
sommet (fig. 1) :
– La face latérale est sous-cutanée et palpable. Sa crête oblique
coupe la partie supérieure pour se continuer sur le bord posté-
rieure de la fibula. Elle aboutit ainsi à un os vrillé de dedans
en dehors avec un angle malléolaire de 30° par rapport à la
verticale de la fibula (fig. 2).
Fracture de la malléole latérale 71

– La face médiale est composée de deux parties :


tune partie supérieure qui est rugueuse et répond à la face
externe du tibia. Elle est reliée à celui-ci par l’articulation
tibio-fibulaire inférieure ; elle est appelée également syndes-
mose car elle est dépourvue de cartilage [2]. Elle se prolonge
au-dessus par la membrane interosseuse tibio-fibulaire et dont
la stabilité est complétée par le ligament interosseux tibio-
fibulaire (ITF) [3, 4] (fig. 3) ;
tune partie inférieure qui présente :
- une surface articulaire encroutée de cartilage et répondant
au talus : c’est le 3e côté de la mortaise tibio-fibulaire. De
forme triangulaire et convexe en dedans, la moitié inférieure
est fortement rejetée en dehors ;
- une fossette très profonde et située en arrière de la moitié
inférieure de l’articulation. Sur la partie antérieure, s’insère
le faisceau du ligament talo-fibulaire inférieur postérieur
horizontal (TFIP) très résistant, dont la lésion est plus rare.
Ce ligament s’insère également sur le tubercule tibial de
Volkmann (d’où la lésion éponyme en cas d’arrachement
osseux tibial) [5] (fig. 3).
– Un bord antérieur, tranchant, convexe en avant et formé de
deux parties (fig. 3) :
tune première partie oblique en bas et en avant où s’insère le
ligament tibio-fibulaire inférieur antérieur (TFIA). Il s’insère
sur une surface fibulaire qui porte le nom de tubercule fibu-
laire de Wagstaffe (d’où le nom éponyme pour les fractures
parcellaires verticales et antérieures) [5] ;
tune deuxième partie oblique en bas et en arrière, où s’insère
dans l’ordre de haut en bas :
- le faisceau talo-fibulaire antérieur (TFA) du ligament col-
latéral latéral, le plus sollicité lors de l’inversion et le premier
lésé lors des entorses de cheville (fig. 3) ;
- le faisceau calcanéo-fibulaire (CF) du ligament collatéral
latéral, stabilisateur de la sous-talienne. Son insertion reste
antérieure sans atteindre le sommet de la malléole.
– Un bord postérieur, échancré et déprimé en gouttière répon-
dant au passage des tendons fibulaires long et court. Elle est
limitée de part et d’autre par les lèvres externe et interne. La
lèvre externe est la terminaison de la crête externe et la lèvre
interne se continue avec le bord externe du corps de la fibula.
Sur ces deux lèvres, s’insère le ligament annulaire externe for-
mant la gaine ostéo-fibreuse de ces tendons fibulaires et pou-
vant s’arracher lors des luxations de ces derniers. Sur la lèvre
supéro-interne, s’insère le TFIP.
– Le sommet inférieur de la malléole, de forme arrondi et
mousse, est dirigé en bas et en arrière de l’axe de l’os. Il est libre
de toute insertion.
72 Traumatisme de la cheville

Face post. Face int.


7
Bord antérieur
Face post.
Bord externe

Face int. Bord int.


Bord antérieur
Crête oblique

Champ tibial
COUPE FRONTALE
Péroniers Ligt péronéo-tibial
latéraux inf. et ant. Ligt péronéo-tibial
inf. et post.
Surface articul.
Ligt péronéo-astr. ant. Ligt péronéo-astr. post.

Ligt P. calcan.
FACE EXTERNE FACE INTERNE

Fig. 1 – Anatomie de la malléole fibulaire (d’après Brizon/Castaing [3]). Dessin Michel Scepi.

Face ext.
Face post.

Bord int. Bord ant.

Crête de la face ext.

Bord ext.

Fig. 2 – Schéma de la torsion de la malléole Fig. 3 – Éléments ligamentaires de l’articu-


(d’après Brizon/Castaing [3]). Dessin Michel lation tibio-fibulaire inférieure et talo-crurale
Scepi. externe. Dessin Michel Scepi.

Biomécanique et anamnèse
Flexibilité de l’articulation talo-crurale
L’articulation de la cheville doit être flexible afin de faire face
aux énormes forces appliquées sur le talus à l’intérieur de la mor-
taise talo-crurale. La face interne de l’articulation est essentielle-
ment rigide, car la malléole médiale, à la différence de la malléole
Fracture de la malléole latérale 73

latérale, est en continuité avec le tibia et avec des ligaments collaté-


raux attenants très résistants. Sur la face latérale, se trouve un sup-
port plus souple et mobile constitué par les ligaments collatéraux :
la syndesmose et le ligament collatéral externe.
La fibula n’a pas de fonction portante, mais sert simplement de
support flexible latéral. Ce complexe latéral tolère un déplace-
ment du talus sur les mouvements latéraux et verticaux. Lors de
la marche, le talus aura tendance à s’excentrer vers l’avant, l’action
élastique de la fibula permettra ensuite de replacer le talus dans sa
position normale d’équilibre de façon passive [4].
Position de vulnérabilité de la cheville
Il y a deux positions du pied pour lesquelles la cheville souple
devient un système rigide et vulnérable  : la supination (supina-
tion associé à une adduction ou rotation externe) et la pronation
extrême  (pronation associée à une abduction ou une rotation
externe).
Dans ces deux positions, les forces qui s’appliquent sur le talus et la
mortaise peuvent entraîner des fractures de la malléole et/ou une
rupture des ligaments collatéraux ou tibio-fibulaires.
En décrivant ces mécanismes, on retrouve indirectement la clas-
sification qu’avait décrite Lauge-Hansen (tableau I) : dans 80 %
des cas, la cheville est contrainte en supination. Le traumatisme
commence du côté latéral, puisque c’est là que l’on retrouve une
tension maximale [4] :
– soit le mouvement s’associe plutôt à une adduction et on
aboutit à une fracture sous-tuberculaire ;
– soit le mouvement s’associe plutôt à une rotation externe et on
aboutit à une fracture inter-tuberculaire.

Tableau I – Classification synthétique et chronologique des fractures malléolaires


latérales [6].

Dupuytren Lauge- Weber Vives


Danis Duparc
[7] Hansen [11] [6]

Supination Sous- Type


A Adduction
Adduction ligamentaire I

Dupuytren Pronation Sus- Type


C Abduction
haute Abduction ligamentaire II

Dupuytren Pronation Rotation


Sus- Type
haute Rotation B externe
ligamentaire III
Maisonneuve externe Sus-tuberculaire

Supination Rotation
Dupuytren Inter- Type
Rotation B externe
basse ligamentaire IV
externe Intertuberculaire
74 Traumatisme de la cheville

Dans 20  % des cas, la cheville est contrainte en pronation. Le


7 traumatisme commence du côté médial avec soit une rupture des
ligaments collatéraux médiaux, soit une avulsion de la malléole
médiale [4] :
– soit le mouvement s’associe plutôt avec une abduction et on
aboutit à une fracture sus-tuberculaire comminutive ;
– soit le mouvement s’associe plutôt avec une rotation externe et
on aboutit à une fracture sus-tuberculaire spiroïde ou oblique.
Stabilité de l’anneau ostéo-ligamentaire talo-crural
La cheville peut être considérée comme une structure théo-
rique en anneau dans lequel les os et les ligaments jouent un rôle
identique dans le maintien de la stabilité de l’articulation (fig. 4).
Si l’anneau est rompu en un seul endroit, il reste stable. Quand
l’interruption se localise en deux endroits, l’anneau est instable et
peut se disloquer [4].
S’il est assez simple de détecter une instabilité potentielle dans les
fractures bimalléolaires, il est plus difficile de déterminer une ins-
tabilité en cas de fracture de la malléole latérale associée à une
rupture ligamentaire car celle-ci est non visible à la radiographie
(il peut s’agir des ligaments tibio-fibulaires antérieur ou postérieur,
du ligament médial, de la membrane interosseuse voire du liga-
ment latéral). Cette situation est parfaitement illustrée dans les
fractures de Maisonneuve qui associent une fracture haute de la
fibula avec une déchirure complète de la membrane interosseuse
et du ligament collatéral médial non visible sur les radiographies.
Ces constations imposent de rechercher systématiquement une lésion
ligamentaire lors d’un diagnostic de fracture de la malléole latérale
isolée afin de l’apprécier la stabilité potentielle de ces lésions [4].

Fig. 4 – Anneau de stabilité théorique talo-tibial dans le plan coronal. L’atteinte d’au moins
deux éléments rend l’ensemble possiblement instable (trois sites ligamentaires  : ligament
latéral, médial et péronéo-tibial inférieur). Source : Robin Smithuis Fracture mechanism
and Radiography by Robin Smithuis Fracture mechanism and Radiography. Site internet :
http://www.radiologyassistant.nl/en/p4b6d817d8fade/ankle-fracture-mechanism.html
Fracture de la malléole latérale 75

Diagnostic d’une fracture isolée de la malléole latérale

Anamnèse
Dans la majorité des cas, le mécanisme est indirect en supi-
nation, semblable à celui d’une entorse de cheville (80 %) [6]. Il
peut être au mieux précisé lors de l’anamnèse par la classification
de Duparc [6] en recherchant un mouvement en adduction, en
abduction ou en rotation externe. Un mécanisme par choc direct
est rare (5 %) [1, 6]. Il n’entre, dans ce cas de figure, dans aucune
classification particulière et engendre le plus souvent une fracture
comminutive avec une possible lésion cutanée associée.

Clinique
L’examen clinique retrouve une douleur exquise lors de la pal-
pation de la malléole latérale au niveau de la fracture. Il existe une
impotence fonctionnelle relative puisqu’un patient présentant une
fracture isolée et peu déplacée de la malléole latérale peut marcher
avec un appui complet. L’examen clinique permet en outre d’ap-
précier les critères d’Ottawa qui serviront à orienter l’indication
des clichés radiologiques.
Valeur des critères d’Ottawa (fig. 5) :
– chez un patient adulte ;
– douleur postérieure sur les 6 derniers centimètres de la fibula ;
– impossibilité d’effectuer 4 pas consécutifs, soit à l’arrivée soit
lors de l’examen clinique.

Fig. 5 – Critères d’Ottawa et fracture de la malléole externe : une douleur est retrouvée sur les
6 derniers centimètres postérieurs de la fibula. Dessin Michel Scepi.
76 Traumatisme de la cheville

Dans tous les cas, l’analyse de l’état cutané ou du terrain vasculaire


7 est fondamental et peut grever le pronostic ultérieur des fractures
malléolaires :
– les fractures ouvertes sont exceptionnelles sauf en cas de choc
direct ;
– en revanche, l’apparition de phlyctène dans un contexte
d’œdème est fréquent et surtout rapidement évolutif en cas
de fracture déplacée [6]. Cet état peut modifier et influencer
l’attitude thérapeutique ultérieure.

Radiologie
Les clichés de base consistent en trois incidences systématiques
pour optimiser l’analyse radiologique [1] : une incidence de face,
de profil strict et de face en rotation interne de 20° (le rayon passe
dans l’axe le 4e métatarsien).
Description des principales fractures (fig. 6)
L’analyse synthétique effectuée par Vives et al. [6] (tableau I)
permet de répartir ces fractures en quatre types principaux.
Les classifications anatomiques initiales étaient basées sur la situa-
tion du trait de fracture sur la fibula. D’abord rudimentaires par
Dupuytren [6] en fracture haute ou basse, les classifications se
sont ensuite appréciées par la situation du trait de fracture par
rapport aux ligaments tibio-fibulaires (Danis 13) ou par rapport
aux tubercules tibiaux externe (Duparc 13). Ces deux dernières
classifications restent anatomiquement proches.
Par la suite, le mécanisme traumatique a été également pris en
compte : initié par Lauge-Hansen [6] et repris ensuite par Duparc
[6] (mécanisme en adduction, en abduction, ou en rotation externe
sus- ou inter-tuberculaire).

A B C D

Fig. 6 – Différents types de fracture (d’après Vives et al. [6]). A : sous-tuberculaire ; B : sus-
tuberculaire comminutif ; C : sus-tuberculaire oblique ou spiroïde ; D : intertuberculaire.
Dessin Michel Scepi.
Fracture de la malléole latérale 77

On peut donc distinguer :


– Les fractures sous-tuberculaires (5 % des cas) par un méca-
nisme en adduction-supination : le trait de fracture sur la fibula
est transversal et souvent considéré comme un équivalent
d’entorse de la cheville, surtout si la fracture est peu déplacée.
– Les fractures sus-tuberculaires comminutives (20 % des cas)
par un mécanisme en abduction-pronation : le trait de fracture
sur la fibula est comminutif en dehors et de niveau variable.
Elles sont très souvent associées à une rupture des ligaments
tibio-fibulaires ou à un arrachement des tubercules latéraux
ainsi qu’à une déchirure de la membrane interosseuse.
– Les fractures sus-tuberculaires obliques ou spiroïdes (20  %
des cas) par un mécanisme en abduction-rotation externe : le
trait de fracture sur la fibula est oblique ou spiroïde. Le liga-
ment TFIA est toujours rompu et le TFIP parfois intact  ; la
membrane interosseuse est intacte.
– Les fractures intertuberculaires (50 % des cas) par un méca-
nisme en adduction-rotation externe  : le trait de fracture sur
la fibula est oblique ou spiroïde, traversant la syndesmose. Les
ligaments TFIA et TFIP sont le plus souvent intacts avec parfois
une lésion du TFIP [6].
Dans tous les cas, les facteurs de gravité sont [6] :
– la comminution de la fibula ;
– l’instabilité de la syndesmose ;
– les fractures associées du tibia (de la malléole médiale ou du
pilon tibial).
Critères radiologiques appréciant la stabilité de l’anneau ostéo-ligamentaire talo-crural
Le bon centrage de la mortaise ou du talus s’évalue par le test
radiologique de Skinner qui est fiable et simple à réaliser [6]. II
peut être perturbé par une rotation du talus qui sera alors visible
sur l’incidence de profil. Sur une incidence de cheville de face en
rotation interne à 20° (le rayon dans l’axe 4e métatarsien), l’axe
vertical du talus doit être superposable à l’axe vertical du tibia. Il se
détermine de la façon suivante (fig. 7) :
– la ligne horizontale talienne passe par une tangente à la pointe
de la malléole médiale ;
– le centre est déterminé par le milieu du segment entre le bord
latéral et le bord postéro-interne du talus (et non par le bord
antéro-interne) (fig. 7) ;
– la ligne perpendiculaire à ce centre doit passer par le centre de
l’axe tibial que l’on détermine par une ligne située au milieu des
segments articulaire et diaphysaire.
Le test de Skinner de profil [1] (fig. 8) :
– la ligne passant par le centre de la diaphyse tibiale et de la
mortaise converge vers le centre de l’astragale ;
– le centre de l’astragale est déterminé par le centre du cercle
formé par l’articulation talienne.
78 Traumatisme de la cheville

Fig. 7 – Test de Skinner de face. Fig. 9 – Superposition tibia/fibula.

Fig. 10 – Fracture sus-tuberculaire déplacée :


absence de superposition de la malléole avec
– le tubercule tibial postéro-externe ;
–  axe du talus excentré sur les repères de
Skinner ;
– augmentation des espaces tibio-fibulaire et
Fig. 8 – Test de Skinner de profil. talo-tibiale.
Cette fracture de la malléole latérale associe
donc une lésion de la syndesmose et du LLI
(l’anneau de stabilité talo-tibio-fibulaire est
rompu sur trois sites, rendant cette fracture
hautement instable).

La superposition de la fibula et du tubercule postéro-externe du tibia


est une position qui varie beaucoup en fonction des rotations de la
cheville et n’est donc pas toujours reproductible (fig. 9).
L’ étude de la largeur articulaire talo-fibulo-tibiale semble plus fiable
et facile à analyser [6] (fig. 9).
Fracture de la malléole latérale 79

Les trois espaces clairs articulaires – malléole médiale et talus, tibia


et dôme talien, tibia et fibula – sont constants et ne devraient pas
dépasser 4 mm. Ils sont habituellement égaux à la distance entre
le plafond tibial et le talus. L’élargissement de l’espace articulaire
médial jusqu’à 6 mm évoque une rupture du ligament collatéral
médial [7] (fig. 10).
Lors d’une forte suspicion clinique de fracture (les critères d’Ot-
tawa étant positifs), si les clichés standard ne mettent pas en évi-
dence de lésion osseuse, des clichés complémentaires (incidences
de trois quarts droit ou gauche) peuvent être réalisés et améliorent
la sensibilité diagnostique (fig. 11).
Les autres examens nécessaires pour compléter un diagnostic de
fracture de la malléole latérale ne seront demandés qu’après un avis
spécialisé orthopédique et souvent au décours de la consultation
aux urgences :
– une scintigraphie osseuse au technétium : cet examen permet
de voir les lésions osseuses infracliniques et infraradiologiques,
difficiles à diagnostiquer comme les fractures de fatigue ;
– l’IRM n’est pas un bon examen pour diagnostiquer une frac-
ture (aspect d’œdème diffus) ; il présente en revanche un intérêt
pour préciser des lésions ligamentaires ou ostéo-chondrales ;
– une tomodensitométrie ou un arthro-scanner est un examen
qui permet de diagnostiquer avec précision le trait de fracture,
le nombre des fragments osseux, leur déplacement ou de préci-
ser de lésions ostéochondrales du dôme talien ;
– l’échographie est un examen d’obtention plus aisée qu’une
IRM et permettra d’effectuer un bilan ligamentaire rapide et
précis, voire, d’évoquer des fractures infraradiologiques par
l’existence d’une hyperhémie du périoste [8].

Fig. 11 – Fracture isolée de la malléole fibulaire sur les incidences de face, de profil et de trois
quarts interne et externe.

Fractures particulières de la malléole latérale


Fractures parcellaires
Il s’agit le plus souvent d’un arrachement osseux de l’inser-
tion du ligament collatéral latéral (figs. 12 et 13). La rupture du
80 Traumatisme de la cheville

ligament entraîne une avulsion partielle du périoste visible sur les


7 radiographies (moins de 3 mm). Ces lésions concernent surtout les
faisceaux de la crête marginale antérieure de la malléole (insertion
des ligaments TFA, CF) et plus rarement le faisceau postérieur
(ligament TFP). Ces lésions ostéo-ligamentaires sont assimilées à
un équivalent d’entorse grave lors du traumatisme de la cheville et
doivent être traités comme telle. Dans le cadre d’une urgence, elles
sont à différencier d’un arrachement ancien ou l’existence d’un os
surnuméraire (fig. 12).
Un os surnuméraire de la malléole latérale ou os subfibulaire
(fig. 12) présente un contour régulier bien limité et corticalisé (mais
ces caractéristiques correspondent également à un arrachement
osseux ancien).

Fig. 12 – Le cliché de gauche montre un os surnuméraire de Fig. 13 – Fracture sous-tuber-


la fibula pouvant se rapprocher d’un arrachement ancien. culaire, dont l’aspect est proche
Le cliché de droite révèle un léger arrachement osseux sur d’une entorse grave.
la malléole fibulaire.

Ces ossifications subfibulaires sont variables et répertoriées sur


l’atlas de Keats qui fait référence (figs. 14 et 15) :
– la forme la plus fréquente est la non-union de l’apophyse
fibulaire antérieure ;
– une autre forme commune est l’os surnuméraire de la pointe
de la malléole ;
– une forme particulière est l’os subfibulaire postérieur. Il est
localisé sous la malléole latérale, plutôt postérieure, et occa-
sionne les mêmes difficultés diagnostiques que l’os subtibial.
Gruber [9] a décrit un os retinaculi sur la face latérale de la
malléole latérale. Il est extrêmement rare et peut être confondu
avec un stigmate de lésion rétinaculaire ;
– un arrachement osseux postérieur peut signer l’avulsion périos-
tée du rétinaculum postérieur des fibulaires [9] du ligament
annulaire externe lors d’une luxation des tendons fibulaires ;
– il faut enfin signaler la classique fracture verticale antérieure
de la malléole latérale (dite fracture de Le Fort-Wagsaffe). Il
s’agit d’une avulsion du tubercule fibulaire de Wagstaffe par
traction brutale du TFIA. Il s’agit d’une entorse grave du fais-
ceau antérieur (TFIA) qui arrache toute son insertion fibulaire
Fracture de la malléole latérale 81

par la fracture d’un grand pont osseux vertical [5, 6]. Ces lésions
nécessitent, par le risque d’instabilité de la mortaise, une réduc-
tion chirurgicale associée plus ou moins à un blocage transitoire
de la syndesmose.
Fig. 14 – D’après l’Atlas de
Keats, les quatre localisations
classiques des os surnuméraires
de la malléole latérale. Une
fracture est évoquée devant
l’aspect irrégulier, non cortica-
lisé des berges fracturaires. Plus
l’arrachement osseux est petit,
plus le diagnostic différentiel
est difficile. La confrontation
radio-clinique permet de lever
le doute. Dessin Michel Scepi.

Fig. 15 – Principales formes des os surnuméraires de la malléole latérale. Cohen M, Jacob D,


Lhoste-Trouilloud A (2008) Os surnuméraires et sésamoïde du pied. 5 SIMS monographie
10. Laroche. Avec l’aimable autorisation des éditions Sauramps.

Lésions osseuses parcellaires associées à une fracture de la malléole latérale


La lésion de Tillaux–Chaput : il s’agit d’une fracture avulsion de
la marge antérieure du tibia, là où s’incère le ligament TFIA. Cette
lésion est à rechercher dans les lésions sus-ligamentaires comminutives.
La lésion du triangle de Volkmann  : il s’agit d’une fracture avul-
sion d’une partie de la tubérosité postéro-latérale par traction du
ligament TFIP. Cette lésion est à rechercher dans les lésions sus-
ligamentaires comminutives.
La lésion du ligament médial avec arrachement osseux malléolaire
interne : il s’agit d’une entorse interne qui doit être traitée comme
telle (équivalent bimalléolaire). Attention cependant au risque d’in-
carcération du ligament dans l’espace tibio-talien interne se tra-
duisant par une réduction impossible de l’espace talo-malléolaire
interne et imposant un abord chirurgical direct.
Une lésion ostéo-chondrale du dôme talien de type ostéochondrite
est possible lors du traumatisme. La localisation est soit supéro-
interne en cas de mécanisme en supination, soit supéro-externe en
cas de mécanisme par pronation.
L’arrachement de la capsule articulaire antérieure et/ou postérieure
peut révéler des arrachements osseux minimes (moins de 3 mm).
Ils sont des équivalents d’entorses associées.
82 Traumatisme de la cheville

Fractures de fatigue de la malléole latérale


7 Les fractures de fatigue de la malléole latérale se retrouvent
plutôt sur des terrains sportifs avec un surmenage fonctionnel
important de la cheville (danse, marathon, etc.). L’examen clinique
retrouve une douleur exquise du périoste qui contraste, le plus sou-
vent, avec une radiographie normale [8]. Le diagnostic radiogra-
phique peut être évoqué sur l’existence d’une fissure incomplète
souvent difficile à distinguer de la trame osseuse normale. La frac-
ture sera le plus souvent de découverte tardive ou fortuite devant
un épaississement du périoste au niveau du cal osseux (fig.  16).
Il peut être discuté de compléter l’examen radiologique par une
scintigraphie au technétium ou une échographie (fig. 16). Le pro-
nostic est bon après un repos mécanique sportif et une chevillère
de marche (conservée au moins 6 semaines).

Fig. 16 – Fracture de fatigue à distance, les radiographies montrant un cal osseux limité.
L’échographie retrouve un petit remodelage cortical avec hyperhémie périphérique évoquant
un cal osseux [8]. Imagerie Ostéoarticulaire Clinique du Sport, Bordeaux-Mérignac.

Traitement et arbre décisionnel

Lésions stables
Une lésion osseuse isolée de la malléole latérale est considérée
comme stable. Elle présente même une certaine tolérance d’adapta-
tion fonctionnelle si le déplacement est minime, cette constatation
[6] donne ainsi une place très large au traitement orthopédique.
Vives [6] rappelle que sur une série de traitement orthopédique
76  % des défauts anatomiques conduisent à 57  % des chevilles
dont la fonction est strictement normale. Un bon centrage du talus
(vérifié au test de Skinner), même associé à un léger cal vicieux
malléolaire, aboutit presque toujours à un résultat fonctionnel
satisfaisant. On considère comme un bon résultat fonctionnel, la
récupération d’une flexion dorsale de la talo-crurale à au moins 10
à 15° [1, 6]. Les fractures entrant dans ce cadre étant :
– les fractures interligamentaires, non ou peu déplacées ;
– les fractures sous-ligamentaires, non ou peu déplacées.
Fracture de la malléole latérale 83

Principe du traitement orthopédique [1]


Pour ces fractures isolées et stables, une contention de type botte
pédieuse (en plâtre ou en résine) sera proposée. Elle s’effectue avec
comme principes :
– de vérifier l’absence de tout œdème important ou de lésion
cutanée. Dans ces cas, l’immobilisation sera retardée de 6 à
8  jours après drainage de l’extrémité du membre. La cheville
sera immobilisée provisoirement par une attelle postérieure en
résine ou en plâtre, la cheville étant placée à angle droit ;
– la botte doit être moulée sur la malléole médiale et au-dessous
de la malléole latérale ;
– une légère rotation externe sera imprimée en suspendant le
pied par le gros orteil lors de la confection de la contention
(fracture en pronation) [1] ;
– la cheville sera placée à 90° par rapport à l’axe tibial (soit à
angle droit) ;
– les conseils de surveillance de l’immobilisation plâtrée doivent
être expliqués au patient ;
– un traitement prophylactique des thromboses veineuses par
héparine de bas poids moléculaires (HBPM) durant 6 semaines
avec contrôle sanguin du taux de plaquettes.
Surveillance radio-clinique sur les mois suivants
Une surveillance radio-clinique rapprochée en consultation sera
programmée entre J8 et J10, pour une radiographie de contrôle
avec la contention.
La durée de l’immobilisation est de 6 semaines, dont 3 semaines
sans appui stricte avec béquillage.
Un appui peu être autorisé à 3 semaines par certains auteurs [1, 6]
selon bien entendu le terrain, la corpulence et l’adhésion du patient
au traitement.
Le déplâtrage à 6 semaines sera effectué avec une radiographie
de contrôle de la cheville hors contention (la fracture est souvent
encore visible mais peu ou pas douloureuse à l’examen clinique).
Une rééducation fonctionnelle avec appui progressif sera insti-
tuée. Cet appui, surtout s’il est douloureux, pourra être complété
par le port d’une orthèse amovible pneumatique ou mousse sur
2 semaines.
Une radiographie de contrôle de la cheville à J90 est souhaitable
afin de s’assurer de la bonne consolidation de la fracture.
Tendances thérapeutiques [10]
Actuellement, de plus en plus souvent après une période
d’immobilisation stricte antalgique voire immédiatement, une
orthèse semi-rigide pneumatique type Air-Cast® peut être pres-
crite. Un délai minimum de 6 semaines de port de l’orthèse est
conseillé [6, 10] avec les précautions d’usage en cas de douleur à
84 Traumatisme de la cheville

l’appui : l’utilisation de cannes anglaises est alors recommandée.


7 Ce traitement sera réalisé au mieux sur un terrain accommodant ;
il s’agit d’une alternative pratique pour les sujets âgées ou corpu-
lents chez lesquels l’immobilisation par une botte en résine est
moins bien supportée [10].
Le protocole [10] place l’orthèse le jour de l’accident. La marche est
autorisée immédiatement avec ou sans canne anglaise. Les anticoa-
gulants de même que la kinésithérapie ne sont pas indispensables.
Les auteurs [10] exposent leurs bons résultats anatomiques et fonc-
tionnels. Ils ne déplorent dans leur résultat que des cas d’algodys-
trophie mais aucune pseudarthrose.

Lésions instables
Les situations où les lésions osseuses de la malléole latérale isolées
sont déplacées ou considérées comme instables sont :
– les fractures de la malléole latérale déplacées ;
– les fractures de la malléole latérale sus-ligamentaire instables ;
– les fractures associées à un diastasis tibio-fibulaire ;
– les fractures associées à un diastasis médial visible sur le cliché
de face (équivalent d’une entorse grave interne).
Ces lésions doivent faire discuter un geste chirurgical de réduction
et/ou d’ostéosynthèse.
Sous couvert d’une immobilisation provisoire par une attelle talo-
jambière postérieure, un avis spécialisé est recommandé [2, 6].
Le traitement chirurgical pourra être décidé. Pour espérer un bon
résultat il faudra obligatoirement une reconstruction anatomique
parfaite [6]. Le moindre défaut n’est pas bien toléré, voire même
pour Vives [6], plus de 10 % des fractures qui ont été correctement
réduites chirurgicalement ont un potentiel de dégradation arthro-
gène inexpliqué. Les principes de cette chirurgie seront selon les
cas :
– une réduction orthopédique avec immobilisation plâtrée sous
contrôle radioscopique ;
– une ostéosynthèse de la fracture en question (plaque 1/3 de
tube, vissage direct, broche, haubanage voire fixateur externe
selon l’état cutané…) ;
– une ligamentorraphie ou désincarcération du ligament
médial ;
– une vis de syndesmose provisoire en cas de diastasis
tibio-fibulaire ;
– l’immobilisation systématique par botte pédieuse sur 45 jours
avec un traitement anticoagulant préventif des maladies
thrombo-emboliques ;
– elle sera suivie d’une rééducation fonctionnelle avec un appui
complet progressif immédiat.
Fracture de la malléole latérale 85

Variante :
– une rééducation précoce peut être conseillée en cas de mon-
tage stable au 15e jour en insistant sur la flexion dorsale et en
maintenant une attelle entre les séances. L’obtention d’une
flexion dorsale utile de 10° à 15 ° est le meilleur garant d’une
récupération fonctionnelle satisfaisante [1].

Complication – Évolution
L’évolution peut se faire sur un simple retard de consolidation.
Une fracture qui est stable est le plus souvent visible entre 2 et
3 mois sur les clichés radiologiques et ne doit pas faire retarder le
début d’appui. Seule une douleur persistante imposera l’utilisation
transitoire d’une orthèse pneumatique ou mousse de marche.
Une pseudarthrose sera évoquée devant la persistance du trait
de fracture au-delà de 6 mois de traitement. Elle impose un avis
orthopédique afin d’apprécier l’opportunité d’une intervention
chirurgicale (décortication, greffe et ostéosynthèse).
Un cal vicieux, un excentrage de la mortaise talo-crurale ou un
déplacement secondaire sur un traitement orthopédique de décou-
verte secondaire doivent faire discuter une réduction chirurgicale
avec ostéosynthèse, d’autant plus que la découverte est précoce. On
rappelle ici la relative bonne tolérance fonctionnelle par adaptation
dans ce genre de situation [6]. Une intervention de réduction san-
glante rapide sera à décider si la fracture n’est pas consolidée. En
revanche, les échecs de traitement orthopédique repris secondai-
rement par la chirurgie donnent les plus mauvais résultats [6]. Le
risque arthrogène est important si la réduction n’est pas parfaite.
Ces constatations imposent un avis spécialisé de principe.
Les autres complications ou risques classiques à toute fracture sont :
– la phlébite qui impose une anticoagulation systématique en
cas d’immobilisation plâtrée ; celle-ci n’est pas nécessaire lors
d’un traitement fonctionnel associé avec appui autorisé ;
– une neuro-algodystrophie sera évoquée devant des douleurs
persistantes au-delà de 2 mois du traumatisme. Le tableau
clinique associe à des degrés divers : une douleur diffuse à la
marche et spontanée au repos, un œdème, un accès cyanique,
une raideur, voire une hypersudation… Ce diagnostic impose
un traitement antalgique et fonctionnel approprié.

Conclusion

La fracture isolée de la malléole latérale est la plus fréquente des


fractures du membre inférieur. L’approche clinique et radiologique
86 Traumatisme de la cheville

permet un diagnostic précis. Un traitement orthopédique est ainsi


7 le plus souvent indiqué par une immobilisation de type botte
pédieuse, cheville à 90° et pendant 6 semaines. Le traitement par
orthèse de marche n’est pas dénué d’indication chez un patient
complaisant et ne présentant pas de facteurs de risque de désta-
bilisation de l’équilibre de la mortaise talienne. Il faut être vigi-
lant sur l’existence d’une lésion ligamentaire associée, perturbant
l’équilibre de l’anneau de stabilité talo-crurale. Ces lésions peuvent
faire discuter un traitement chirurgical. L’association fréquente à
une fracture de la malléole médiale ou du pilon tibial est plus à
orientation chirurgicale et sera traitée dans un autre chapitre.
On ne saurait insister sur l’importance d’un résultat radiologique
anatomique dont les légers déplacements peuvent être tolérés et sur-
tout on n’insistera jamais assez sur l’importance d’un parfait cen-
trage radiologique de la mortaise tibio-talienne (test de Skinner),
garant d’un bon résultat fonctionnel dans le temps [6].

Bibliographie
1. Barsotti J, Dujardin C (1990) Guide pratique de traumatologie. Paris, Masson,
2e éd
2. Biga N (1997) Fractures malléolaires de l’adulte et luxations du cou-de-pied.
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11. Weber BG (1966-1972) In: Huber H, ed. Die Verletzungendes oberen
Sprunggelenkes. Stuttgart, Verlag
Fractures bimalléolaires
8
E. FOURNIOLS

Points essentiels
t C’est une urgence.
t Faire une radiographie de face et de profil en légère rotation interne pour
le diagnostic et la classification de la fracture.
t La luxation associée doit être réduite en urgence.
t Le traitement est le plus souvent chirurgical.
t Risque évolutif : l’arthrose tibio-talienne.

Introduction

Les fractures bimalléolaires sont, par ordre de fréquence, la troi-


sième lésion fracturaire de l’adulte, après les fractures de l’extrémité
distale de l’avant-bras et celles du col du fémur. Elles surviennent
à tout âge ; le mécanisme le plus fréquent est une chute de sa hau-
teur avec défaut de préhension au sol (marche ou trottoir) chez le
sujet volontiers âgé et un défaut de réception à l’occasion d’un saut
chez le sportif. Exceptionnellement, il s’agit d’un choc direct. Cette
fracture va être responsable d’une instabilité de la pince bimalléo-
laire, qui agit comme une mortaise sur le dôme talien ou tenon
astragalien. Cette instabilité est liée soit à la rupture des mors de
la pince que sont les malléoles, soit aux éléments de cohésion de la
pince que sont les ligaments tibio-fibulaires inférieur, antérieur et
postérieur et la membrane interosseuse.

E. Fourniols ( ), Service de chirurgie orthopédique et traumatologie du sport, Groupe


Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris – e-mail : eric.fourniols@psl.aphp.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
88 Traumatisme de la cheville

8 Classification

Les classifications anatomopathologiques de ces fractures sont


multiples, décrivant pour l’essentiel trois à quatre types lésionnels
(tableau I).
Tableau I – Les principales classifications des fractures bimalléolaires.

Lauge-Hansen Danis Duparc Weber


Supination/adduction Sous-ligamentaire Adduction A
Pronation/abduction Sus-ligamentaire Abduction C
Rotation externe
Pronation/rotation externe Sus-ligamentaire B
sus-tubérositaire
Rotation externe
Supination/rotation externe Interligamentaire B
intertubérositaire

Les fractures par adduction (fig. 1) sont les plus rares, représentant
environ 5  %. Elles entraînent une fracture sous-ligamentaire de
la fibula (ou une entorse grave du ligament latéral externe) et une
fracture oblique en haut et en dedans de la malléole médiale. Une
lésion ostéo-cartilagineuse par impaction du bord interne du pilon
tibial est fréquemment associée.
Les fractures par abduction (fig.  2) représentent environ 15 à
20  % des fractures bimalléolaires. Elles entraînent une fracture
horizontale basse de la malléole médiale et une fracture haute de
la fibula, au-dessus des ligaments tibio-fibulaires. Une rupture de
la membrane intersosseuse est la règle, tout comme les ligaments
tibio-fibulaires. L’existence d’un diastasis tibio-fibulaire confir-
mera ces ruptures ligamentaires. Deux formes particulières sont
à connaître : la fracture très proximale de la fibula qui peut être
située parfois au col de celui-ci et correspondant à la «  fracture
de Maisonneuve ». La deuxième forme correspond à la « fracture
équivalent bimalléolaire  » liée à la rupture du ligament collaté-
ral médial (à la place d’une fracture malléolaire interne), qui peut
éventuellement s’incarcérer entre la joue interne du talus et la face
externe de la malléole médiale.
Les fractures en rotation (fig. 3) sont les plus fréquentes et concernent
près de 75 % des fractures. La fracture de la malléole latérale est
interligamentaire, oblique et la fracture de la malléole médiale est
volontiers horizontale. Une fracture équivallent bimalléolaire peut
aussi être retrouvée dans ces mécanismes en rotation. Il peut y avoir
en plus une fracture de la partie postérieure du pilon tibial ou frac-
ture de la malléole postérieure. Ces « fractures trimalléolaires » sont
volontiers instables et associées à une luxation postérieure (fig. 4).
Fractures bimalléolaires 89

Fig. 1 – Fracture en adduction. Fig. 2 – Fracture en abduction.

Fig. 3 – Fracture en rotation. Fig. 4 – Fracture trimalléolaire.

Conduite à tenir
L’examen clinique, lors d’une fracture bimalléolaire, est aisé.
Il doit être systématique et rapide afin de ne pas retarder le bilan
radiographique. Le patient, suite au traumatisme, a une impotence
90 Traumatisme de la cheville

fonctionnelle importante, rendant la marche quasi impossible. La


8 cheville est toujours œdématiée, voire ecchymotique si vue tardi-
vement. Après quelques heures, il n’est pas rare de retrouver des
phlyctènes plus ou moins étendues (fig.  5). L’ouverture est rare,
moins de 5 % des cas [1], située en général en regard de la malléole
médiale. La déformation de la cheville est fréquente, fonction du
type de la fracture, pouvant être importante en cas de luxation
associée. La palpation douce permet de retrouver des points exquis
douloureux sur les deux malléoles, plus rarement sur une seule.
Il faut toujours rechercher une douleur externe plus haut située
(fracture de Maisonneuve). Enfin, on vérifiera systématiquement
la présence du pouls pédieux et l’absence de déficit nerveux distal.
Le bilan radiographique comprend une incidence de face de la
cheville en légère rotation interne et un profil. Le cliché de face
permet de retrouver les traits de fracture d’une ou des deux mal-
léoles et de classer la lésion. On recherchera des lésions associées
telles que des images d’impaction ostéo-cartilagineuse du bord
antéro-interne du pilon tibial et du talus, plus fréquentes dans les
fractures en adduction. Une incongruence articulaire avec l’appa-
rition d’un diastasis tibio-fibulaire est à rechercher systématique-
ment. Ce diastasis se cherche en mesurant l’espace entre le bord
interne de la fibula et le bord externe du tubercule tibial postérieur.
Celui-ci doit être inférieur à 4 mm [2, 3]. En cas de fracture équi-
valente à une fracture bimalléolaire, on mesure l’écart entre la joue
interne du talus et le bord externe de la malléole médiale.

Fig. 5 – Phlyctènes cutanées sur la face externe de cheville.

Sur le profil, on recherche l’existence d’un refend articulaire pos-


térieur du tibia. Celui-ci ne doit, par définition, pas dépasser le
tiers du pilon tibial. Il permet aussi de rechercher une luxation ou
Fractures bimalléolaires 91

subluxation postérieure tibio-talienne. La présence d’une luxation


sur ces clichés impose une réduction en urgence par la manœuvre
du « tire-botte » afin de limiter les conséquences vasculaires et sur-
tout cutanées de cette lésion. Les radiographies permettent enfin
d’éliminer les diagnostics différentiels  : fracture du pilon tibial,
fracture du talus et, plus rarement, une entorse grave du ligament
collatéral latéral.

Traitement

Le traitement des fractures bimalléolaires peut être orthopé-


dique ou chirurgical plus fréquemment. Quel que soit le type de
traitement, il doit être conduit sans retard afin de stabiliser au
plus vite la fracture et limiter l’œdème et les risques de phlyctènes
cutanées.
Les fractures ouvertes nécessitent aux urgences un lavage abondant
de la plaie au sérum, puis un nettoyage antiseptique local et un
pansement protecteur en attendant une chirurgie en urgence. Une
antibiothérapie doit être débutée le plus rapidement possible [1].
Les fractures fermées à grand déplacement ou luxées doivent être
impérativement réduites en urgence «  a minima  » et stabilisées
dans une attelle postérieure afin de limiter les risques de souffrance
cutanée.

Traitement orthopédique
Seules les fractures non déplacées et sans signes de souffrance
cutanée seront traitées par une immobilisation plâtrée de type
botte aux urgences. Un cliché de contrôle juste après l’immobili-
sation est obligatoire, ainsi qu’un contrôle radio-clinique à 8 jours,
21 jours et 45 jours. L’appui est en règle repris progressivement
après 60 jours.
En dehors de ces cas rares, le traitement orthopédique est conduit
au bloc opératoire. Les indications de ce traitement sont discutées
[2, 4, 5]. Les indications les plus courantes sont les fractures sur os
porotiques et chez le sujet très âgé ayant une fracture peu déplacée
et/ou stable. Les fractures par abduction et les fractures en rotation,
à condition qu’il n’y ait pas de refend dans la malléole postérieure,
peuvent, sur le principe, bénéficier d’un traitement orthopédique.
Ce traitement est fait sous anesthésie générale ou locorégionale,
avec un contrôle scopique peropératoire. Une réduction parfaite
doit être obtenue. Le type d’immobilisation est discuté, cruro-
pédieux [4-6] les 45 premiers jours ou uniquement avec une botte
[2,  7] pour toute la durée de la contention, soit 60 à 90 jours.
92 Traumatisme de la cheville

Le point le plus important pour décider du type d’immobilisa-


8 tion concerne l’instabilité de la fracture. Tout échec de réduction
impose une chirurgie.
La complication la plus fréquente de ce traitement est le déplace-
ment secondaire. Une surveillance régulière est donc indispensable
avec des radiographies à J1, J8, J21, J45, J60 et J90.
Si le traitement orthopédique bien conduit semble donner les
mêmes résultats fonctionnels que le traitement chirurgical, il
impose cette rigueur car toute incongruence articulaire ou toute
instabilité persistante entraînera un mauvais résultat fonctionnel et
un risque majoré d’arthrose tibio-talienne ultérieure [3, 6]. Le trai-
tement chirurgical secondaire semble de moins bon pronostic [8].
Enfin, la présence de phlyctènes, surtout si elles sont étendues,
nécessite un traitement associant soins locaux, surélévation du
membre et immobilisation temporaire. La chirurgie est souvent
différée [2, 4] de 6 à 10 jours afin de permettre une cicatrisation
cutanée auparavant.

Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical est le traitement de principe des frac-
tures avec déplacement. Il faut réduire parfaitement les deux mal-
léoles en commençant classiquement par la fibula. La réduction
sera maintenue par une plaque sur la fibula, plus rarement des
broches associées à un cerclage et par un vissage de la malléole
médiale. La plupart du temps, la réduction de la fibula permet la
réduction du diastasis tibio-fibulaire (fig. 6). En cas de persistance
de ce diastasis, un vissage temporaire tibio-fibulaire est absolu-
ment nécessaire (fig. 7). Cette vis de syndesmodèse sera à retirer à
la 6e semaine lors d’une courte intervention réalisée idéalement en
ambulatoire.

Fig. 6 – Ostéosynthèse classique. Fig. 7 – Ostéosynthèse avec vis de syndesmodèse.


Fractures bimalléolaires 93

La fracture de la malléole postérieure sera synthésée (fig.  8) en


l’absence de réduction après traitement des deux malléoles latérale
et médiale.
Le traitement des fractures ouvertes, à l’exception des grands déla-
brements des parties molles, utilisera le même type d’ostéosynthèse.
Après l’intervention chirurgicale, la cheville sera immobilisée dans
une botte sans appui pour 45 jours.
Les complications précoces les plus fréquentes du traitement
chirurgical, estimées entre 0 et 14 % [3, 6, 9-11], sont l’infection et
les complications cutanées de type nécrose et désunion de cicatrice,
elles-mêmes sources d’infection secondaire (fig. 9).

Fig. 8 – Ostéosynthèse sur fracture trimalléolaire. Fig. 9 – Patient de 94 ans  : désunion


cutanée avec infection.

Évolution

Après traitement bien conduit, orthopédique ou chirurgical, la


consolidation de la fracture est la règle. La pseudarthrose est rare
et doit faire évoquer une complication septique associée (fig. 10).
Après consolidation, il faut prévoir un temps de rééducation de
l’ordre de 6 à 12 semaines avant d’obtenir un résultat fonctionnel
satisfaisant. Un bon résultat clinique est prévisible dans 70 à 90 %
des cas [3, 8, 11, 12]. Toutefois, près de 10 à 20 % des patients ver-
ront apparaître une arthrose radiographique modérée à sévère avant
5 ans et même 36 % à 10 ans pour Day et al. [13]. Les facteurs de
risque principaux de l’arthrose sont les réductions imparfaites et a
fortiori les cals vicieux (fig. 11), le caractère instable de la fracture
et la fracture de la malléole postérieure [8,  13]. Les cals vicieux
nécessitent une chirurgie de correction précoce [4] si possible, afin
d’éviter une évolution arthrosique souvent rapide. Le traitement
orthopédique est plus fréquemment source d’arthrose radiologique
du fait d’une réduction souvent moins parfaite qu’après traitement
94 Traumatisme de la cheville

chirurgical [3, 6, 8]. Heureusement, cette arthrose faible à modé-


8 rée est le plus souvent longtemps bien tolérée et calmée par les
antalgiques usuels. En cas d’échec des traitements médicaux, une
arthrodèse tibio-talienne peut être proposée (fig. 12). Elle entraîne
un blocage de l’articulation mais permet de retrouver une indo-
lence. Le retentissement fonctionnel est modéré pourvu, que les
articulations sus- et sous-jacentes soient souples. Chez les sujets
jeunes avec une cheville encore souple, une prothèse de cheville
peut être proposée. L’avenir de ces prothèses à moyen ou long
termes reste incertain.

Fig. 10 – Pseudarthrose mal- Fig. 11 – Cal vicieux articulaire. Fig. 12 – Arthrodèse tibio-
léolaire médiale. talienne.

Conclusion

Les fractures bimalléolaires sont des fractures fréquentes, néces-


sitant une prise en charge précoce afin de limiter les risques cuta-
nés. Une analyse rigoureuse de la fracture est nécessaire afin de
choisir le bon traitement. Celui-ci est le plus souvent chirurgical
car toute incongruence articulaire ou toute instabilité résiduelle de
la pince bimalléolaire retentira sur la fonction et l’avenir de la che-
ville avec l’apparition d’une arthrose tibio-talienne précoce, source
de boiterie et de douleurs.

Bibliographie
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Fractures bimalléolaires 95

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Fractures du talus
9
E. SARIALI

Points essentiels
t Mécanisme en hyperflexion: traumatisme sportif et accident de la voie
publique.
t Les fractures parcellaires sont souvent non diagnostiquées en particulier
les fractures de l’apophyse latérale.
t Un scanner doit systématiquement être réalisé.
t 2 complications majeures ; l’arthrose et l’ostéonécrose.
t Toute fracture déplacée doit être traitée chirurgicalement.

Introduction

Les fractures du talus sont rares, représentant moins de 2 % de


l’ensemble des fractures [1]. Elles sont retrouvées essentiellement
chez les sujets jeunes victimes d’accident de la voie publique ou
chez les sportifs. Le résultat fonctionnel peut être mauvais, avec
deux complications majeures redoutées  : l’ostéonécrose et l’arth-
rose post-traumatique. En effet, d’une part le talus est le maillon
de transmission de toutes les contraintes entre la cheville et le
pied et, d’autre part, sa vascularisation est précaire, assurée par les
insertions capsulo-ligamentaires.
On distingue les fractures totales, parcellaires (processus posté-
rieurs et latéraux) et les lésions ostéo-chondrales qui ne seront pas
traitées dans ce chapitre. Ces deux dernières sont souvent non dia-
gnostiquées en urgence, ce qui péjore le résultat final [2]. Les frac-
tures totales peuvent toucher le corps, le col ou la tête du talus. La
luxation sous-talienne ou talo-crurale aggrave le risque de nécrose.

E. Sariali ( ), Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, Groupe Pitié-


Salpêtrière, 75013 Paris – e-mail : elhadi.sariali@psl.aphp.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
98 Traumatisme de la cheville

9 Diagnostic

Clinique
Les fractures totales ont un tableau clinique très bruyant asso-
ciant douleur, œdème de la cheville et impotence fonctionnelle
totale. En cas de luxation associée, il existe une déformation avec
souvent une souffrance cutanée pouvant aller jusqu’à l’ouverture.
L’examen clinique doit comporter la palpation des reliefs osseux :
malléoles latérales et médiales, le calcanéum, le sustentaculum tali,
l’os naviculaire et la tête du talus. On recherchera une ouverture
cutanée retrouvée dans 22 % des cas [1] et une atteinte vasculo-
nerveuse qui demeure néanmoins très peu fréquente. En cas de
pouls non perçu, un Doppler peut être utile.
Les fractures parcellaires sont souvent non diagnostiquées et consi-
dérées comme entorse grave. Sariali et al. [2] ont montré que 68 %
de ces fractures passent inaperçues lors de l’examen en urgence,
avec un retard diagnostique moyen de 46 mois. Dans les fractures
de l’apophyse latérale du talus, une douleur élective est retrouvée à
la palpation 1 cm au-dessous de la malléole latérale.

Examens complémentaires
Radiographies
Les radiographies demeurent l’examen de première intention et
doivent comprendre au minimum une incidence antéro-posté-
rieure de cheville à 15° de rotation interne de hanche pour per-
mettre la visualisation de tout le dôme talien, et un profil strict de
cheville incluant le médio- et l’arrière-pied. En cas de doute, cer-
taines incidences obliques permettent de mieux visualiser le talus :
– les incidences obliques dorso-plantaires en flexion plantaire
de cheville permettant de dérouler le col ;
– un profil en rotation médiale pour explorer l’interligne talo-
calcanéen postérieur ;
– l’incidence de Canale [3] (pied en pronation de 15° et rayon
incliné de 45° caudalement pour explorer la déviation axiale du
col) ;
– l’incidence de Broden pour analyser le processus latéral du
talus (face avec le pied en rotation interne de 30° et flexion
plantaire de 20°).
Les radiographies sont indispensables pour le suivi, en particulier
pour rechercher le signe de Hawkins [4] de revascularisation du
talus. Il s’agit d’une ligne de clarté sous-chondrale apparaissant
vers le 2e mois et correspondant à une ostéopénie réactionnelle
dans un talus encore vascularisé.
Fractures du talus 99

Tomodensitométrie
La tomodensitométrie (TDM) est devenue actuellement quasi
systématique dans les fractures du talus. En effet, elle permet de
mieux préciser les caractéristiques du trait de fracture, le nombre
de fragments et les atteintes articulaires. Elle comporte des coupes
axiales, coronales et sagittales, ainsi que des reconstructions 3D
extrêmement utiles dans l’analyse des fractures parcellaires. Les
études publiées utilisant la TDM dans l’analyse des fractures du
talus rapportent davantage de fractures parcellaires et de fractures
comminutives que les travaux n’utilisant que des radiographies.
Imagerie par résonance magnétique
Cet examen n’est pas indiqué en urgence. Cependant, il peut
être utile dans certains cas : une contusion ostéo-chondrale et une
fracture de fatigue où un œdème osseux est retrouvé. Elle est éga-
lement recommandée pour le suivi d’une ostéonécrose du talus
secondaire à la fracture.

Fractures du col du talus

Ce sont les fractures les plus fréquentes (50 %) et les plus graves
[1], souvent associées à d’autres lésions [5-7], témoignant d’un trau-
matisme à haute énergie. On retrouve en effet une autre fracture du
talus dans 20 % des cas, une fracture de la malléole interne dans
20 à 30 % des cas, une lésion associée du pied ou de la cheville
homolatérale dans 44  % des cas et une atteinte du pied opposé
dans 25 % des cas.

Mécanisme
Décrite initialement chez les aviateurs de la Première Guerre
mondiale dont le pied posé sur le palonnier reculait brutalement,
elles sont actuellement essentiellement la conséquence des accidents
de la voie publique ou d’une chute d’un lieu élevé.
Le mécanisme lésionnel est une hyperflexion dorsale brutale de
l’avant-pied par rapport à un arrière-pied resté verrouillé sous la
tibio-talienne (exemple  : choc frontal en voiture avec le pied de
l’accélérateur restant bloqué sur la pédale). Ceci génère une rupture
des structures capsulo-ligamentaires postérieures du talus puis une
impaction du col du talus sur le rebord antérieur du tibia. Au stade
suivant, il se produit une rupture des ligaments talo-calcanéens
postérieurs puis interosseux aboutissant à une subluxation, voire
une luxation sous-talienne. Le stade ultime est l’énucléation du
corps du talus.
100 Traumatisme de la cheville

9 Classification
La plus utilisée est celle de Hawkins et al. [8] (fig. 1) qui fait réfé-
rence à celle de Butel et Witvöet, qui s’inspire de celle de Coltard :
– type I : fracture peu ou pas déplacée ;
– type II : subluxation ou luxation subtalaire postérieure. La tête
du talus conserve ses rapports avec le bloc calcanéo-pédieux,
le corps du talus demeure solidaire de la pince tibio-fibulaire
(fig. 2) ;
– type III : énucléation du corps du talus qui se place à la partie
rétromalléolaire médiale, menaçant ainsi la peau. Il existe une
luxation subtalaire et talo-crurale. Le corps présente une double
rotation avec un dôme talien qui regarde en bas et en dedans ;
– type IV  : en plus des lésions précédentes, la luxation talo-
naviculaire menace la vascularisation de la tête du talus.

Fig. 1 – Classification des fractures du col du talus. Fig. 2 – Fracture du col du


talus avec luxation subtalaire de
type II.

Évolution – Complication
Lésions cutanées (ouverture ou nécrose secondaire)
Retrouvées dans 3 à 28 % des cas [6, 7], elles siègent le plus sou-
vent au niveau de la région sous- et rétromalléolaire médiale (pour
toutes les fractures du talus). Elles sont plus fréquentes en cas de
fracture déplacée. L’ouverture peut se produire secondairement par
nécrose cutanée, surtout en cas de retard à la réduction.
Infection
Le taux d’infection rapporté varie de 0 à 5 % et augmente en
cas de fracture ouverte [6,  7]. C’est une complication grave qui
péjore le pronostic fonctionnel de la cheville.
Fractures du talus 101

Pseudarthrose
Les retards de consolidation sont assez fréquents, avec un trait
qui peut rester visible au 6e mois post-traumatique. En revanche,
les pseudarthroses sont rares, variant de 1 à 4 % dans la littéra-
ture [6,  7]. Elles sont favorisées par la comminution fracturaire
ainsi que par une ostéosynthèse insuffisante ne permettant pas de
contrôler les forces de cisaillement induites par les mouvements
d’éversion-inversion.
Cal vicieux
Complication fréquente retrouvée dans 20 à 30 % des séries [3],
le cal vicieux peut être dû à un défaut de réduction ou à une erreur
d’analyse initiale. En effet, certaines fractures de type II sont à tort
considérées comme des types I. Parfois, lors de la reprise de l’appui,
on note un allongement du cal qui engendre un varus de l’arrière-
pied. Ces cals vicieux sont le plus souvent en flexion dorsale/varus
et engendrent un défaut d’appui au sol avec instabilité à la marche,
enraidissement et augmentation des contraintes, ce qui aboutit
à une arthrose de l’arrière-pied. Ainsi, 17° de varus réduisent la
mobilité sous-talienne de 30 % [9].
Ostéonécrose
Elle touche la partie latérale et postérieure du talus (fig. 3). La
fréquence de l’ostéonécrose varie dans la littérature de 13 à 69 %
des cas [3, 6, 10]. Hawkins [8] a décrit un signe radiologique d’une
excellente sensibilité correspondant à une raréfaction de l’os sous-
chondral qui apparaît vers la 6e-8e semaine. Ce signe traduit des
phénomènes de revascularisation. L’IRM ne doit pas être réalisée
avant le 3e mois afin d’éviter les faux négatifs.

Fig. 3 – Ostéonécrose du talus à 2 ans de recul d’une fracture.


Il existe un effondrement avec une arthrose secondaire.
102 Traumatisme de la cheville

Arthrose post-traumatique
9 C’est la complication la plus fréquente des fractures du col du
talus avec une incidence variant de 47 % à 90 % [6, 7]. L’arthrose
peut être subtalaire (> 50 %) ou talo-crurale (18 à 48 %). Il existe
cependant une dissociation radio clinique avec parfois absence de
répercussion fonctionnelle.

Traitement
Traitement non chirurgical
Seules les fractures de type I sont traitées orthopédiquement
avec une immobilisation par botte plâtrée 45 jours et mise en
décharge pour une période de 45 à 90 jours jusqu’à consolidation
de la fracture. La remise en charge doit être progressive. Un trai-
tement par anticoagulant à dose prophylactique doit être instauré
pendant toute la durée de l’immobilisation.
Traitement chirurgical
Il s’adresse aux fractures déplacées, l’objectif étant d’obtenir
une réduction anatomique sans compromettre la vascularisation
du talus ou la vitalité des parties molles souvent mises à mal au
moment du traumatisme. L’exposition du talus est difficile et
peut nécessiter deux voies d’abord (médiale et latérale), voire une
ostéotomie de la malléole interne. Cependant, les abords exten-
sifs doivent être évités afin de ne pas compromettre la vitalité du
talus. L’abord est le plus souvent antéro-médial. L’ostéosynthèse est
essentiellement réalisée avec un vissage dans l’axe du col permet-
tant de comprimer le foyer de fracture (fig. 4). Cette synthèse peut
être contrôlée sous scopie pour limiter l’abord chirurgical. Certains
auteurs ont proposé une ostéosynthèse par plaque [11]. La synthèse
par broches est insuffisante et doit être proscrite. Dans les fractures
comminutives, d’autres ont proposé une arthrodèse talo-crurale
voire tibio-talo-calcanéenne, qui a l’avantage d’augmenter l’apport
vasculaire du talus. La talectomie d’emblée doit être évitée car elle
entraîne une perte de hauteur du pied.

Fractures du corps du talus

Cette fracture est articulaire touchant les articulations talo-cru-


rale et sous-talienne. Le trait part en arrière de l’apophyse latérale
du talus et se prolonge dans la sous-talienne. La fréquence de cette
fracture varie de 7 à 38 % [5, 7]. Le diagnostic peut être difficile
nécessitant parfois une TDM.
Fractures du talus 103

A B

Fig. 4 – Exemple de synthèse de fracture du col par vissage direct (A, B). La TDM
postopératoire (C) permet de contrôler la réduction et l’absence de corps étrangers intra-
articulaires.

Classification
Vallier et al. [4] distinguent quatre types :
– type I : trait de fracture situé latéralement dans le plan sagittal ;
– type II  : trait de fracture situé médialement dans le plan
sagittal ;
– type III : trait de fracture coronal (fig. 5) ;
– type IV : fractures comminutives.
A B C

Fig. 5 – Fracture du corps du talus type III (A). Synthèse par vissage direct en compression (B, C).
104 Traumatisme de la cheville

9 Évolution – Complication
Les complications sont identiques aux fractures du col du talus
mais plus fréquentes. Selon Vallier et al. [7], le taux d’arthrose est
de 65 % au niveau talocrurale et de 35 % au niveau subtalaire. Ces
auteurs avaient également rapporté un taux de nécrose de 38  %
avec un risque plus élevé en cas de fracture sagittale.

Traitement
Le traitement non chirurgical est réservé aux fractures non
déplacées. Les fractures sagittales simples sont abordées par voie
antéro-médiale ou antéro-latérale en fonction de la topographie. La
mise en flexion plantaire facilite l’exposition. Les fractures com-
plexes nécessitent parfois un double abord voire une ostéotomie de
la malléole médiale. L’ostéosynthèse est le plus souvent réalisée par
vissage direct (fig. 5) soit de dedans en dehors, soit de dehors en
dedans. Une plaque peut être utilisée en cas de fracture associée du
col ou de forte comminution.

Fractures de la tête du talus

Mécanisme
Elles constituent 5 à 10 % des fractures du talus [5, 12] et sont
le plus souvent en rapport avec un traumatisme sportif. Le tableau
clinique est celui d’une entorse du médio-pied avec une douleur
exquise à la mobilisation de l’articulation talo-naviculaire. Le dia-
gnostic est confirmé par une incidence radiologique de Canale [3].
La TDM est utile pour préciser la topographie de la fracture, les
lésions associées, le déplacement et la comminution. Le traitement
orthopédique est réservé aux fractures non déplacées et consiste
en une immobilisation par botte durant 1 mois. Le traitement
chirurgical est réservé aux fractures déplacées, en cas de fragment
dépassant 50 % de la surface articulaire de la tête du talus et/ou
d’instabilité médio-tarsienne. Cette instabilité peut être confirmée
par des clichés dynamiques. En cas d’évolution défavorable, une
arthrodèse talo-naviculaire peut être réalisée secondairement.

Fractures du processus postérieur


Le processus postérieur est formé de deux tubercules situés de
par et d’autre de la gouttière du fléchisseur de l’hallux. La fracture
Fractures du talus 105

peut toucher le tubercule postéro-latéral (fracture de Stieda), le


tubercule postéro-médial (fracture de Cedell), ou les deux (fracture
de Shepherd). Elle peut se produire soit en flexion plantaire forcée,
le processus est alors pris en tenaille entre le rebord postérieur du
tibia et le calcanéum, soit en flexion dorsale forcée, qui génère un
arrachement du processus. Le type de fracture dépend alors du
degré d’inversion/éversion au moment du traumatisme.
Le tableau clinique est peu évident, expliquant pourquoi cette
fracture est souvent non diagnostiquée en urgence. On retrouve
un œdème de la cheville et des douleurs postérieures. Le diagnos-
tic est posé sur la radiographie de cheville de profil strict pour le
tubercule médial et de profil à 45° de rotation externe du pied pour
le tubercule latéral. Une TDM permet d’affirmer le diagnostic
(fig. 6).
Le traitement orthopédique est indiqué en cas de fracture non
déplacée. En cas de déplacement, le traitement doit être chirur-
gical avec soit une résection du fragment si sa taille est inférieure
à 1 cm, soit une réduction synthèse par vissage direct dans le cas
contraire.

Fig. 6 – Fracture du processus postérieur du talus.

Fractures du processus latéral

Les fractures de l’apophyse latérale du talus sont réputées rares


puisque d’après Butel et Witvoet [1], elles ne représentent que
moins de 2  % des fractures du talus. Leur fréquence est certai-
nement sous-estimée car elles passent souvent inaperçues comme
l’ont rapporté Judd et Kim [13]. Selon Baumhauer et Alvarez [14],
leur fréquence atteindrait 24 % des fractures du talus et 30 % selon
Hawkins [15]. Il existe très fréquemment des lésions associées,
jusqu’à 44 % selon Sariali et al. [2].
106 Traumatisme de la cheville

9 Mécanisme
Réputées pour être la fracture du snowboarder, les causes les
plus fréquentes selon Sariali et al. [2] et Hawkins et al. [15] sont
les chutes d’un lieu élevé et les accidents de la voie publique où le
pied reste bloqué sur une pédale. Concernant le mécanisme, les
données de la littérature sont discordantes. Pour Hawkins [15] et
Fjeldborg [16], la fracture est secondaire à une dorsiflexion asso-
ciée à une inversion. Selon Sariali et al. [2], le mécanisme le plus
fréquent est une hyperflexion dorsale associée à une pronation. Il
est probable que la fracture se produise alors par un effet casse-
noisette, avec une apophyse latérale qui est prise en tenaille entre la
malléole latérale et la surface thalamique latérale.

Diagnostic
Le diagnostic est fait secondairement dans 68 % des cas avec un
retard de 46 mois [2]. Le tableau clinique est celui d’une entorse de
la cheville avec évolution défavorable, persistance des douleurs et
limitation du périmètre de marche. L’examen clinique retrouve une
douleur vive prémalléolaire. La radiographie de face à 30° de rota-
tion interne permet de voir la fracture. Cependant, la tomodensito-
métrie demeure l’examen de choix (fig. 7) car elle permet de mieux
analyser le trait, la comminution, la taille du fragment, et la pré-
sence de possibles corps étrangers intra-articulaires. Les reconstruc-
tions 3D sont extrêmement utiles pour guider la chirurgie (fig. 7).

A B C

Fig. 7 – Fracture du processus latéral du talus type II-b (A). Les reconstructions 3D sont
utiles à la compréhension du trait (B). Synthèse par vissage direct (C).

Classification
La classification la plus utilisée est celle de Hawkins [15] :
– type I  : simple arrachement avec petit fragment inférieur à
0,5 cm. La fracture est bi-articulaire allant de la talo-crurale à
la sous-talienne ;
Fractures du talus 107

– type II : grand fragment supérieur à 0,5 cm :


tII-a si le déplacement est inférieur à 2 mm ;
tet II-b au-delà ;
– type III : fracture comminutive.

Évolution – Complication
L’évolution est souvent défavorable avec un taux élevé d’arthrose
subtalaire et de pseudarthrose. Sariali et al. [2] ont rapporté une
fréquence de 53 % pour chacune de ces complications. L’évolution
peut également se faire vers un cal vicieux souvent mal toléré. En
cas de forte comminution, il peut se produire un comblement du
sinus du tarse responsable de douleurs chroniques. Le résultat est
meilleur en cas de diagnostic précoce.

Traitement
Les fractures non déplacées doivent être traitées orthopédi-
quement avec une immobilisation stricte par botte en résine, sans
appui durant 45 jours.
Le traitement chirurgical doit être réservé aux fractures déplacées.
Une exérèse doit être réalisée pour les fragments de moins d’un
centimètre. Les gros fragments (>  1 cm) doivent être réduits et
synthésés par vissage direct (fig. 7).

Bibliographie
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la 42e réunion de la SOFCOT. Rev Chir Orthop 53: 493-624
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l’apophyse latérale du talus. Rev Chir Orthop 94: 1-7
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108 Traumatisme de la cheville

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dorsal flexion fracture. Acta Orthop Scand 39: 407-12
Fractures du calcanéus
10
H. LELIÈVRE

Points essentiels
• Les fractures transthalamiques sont de pronostic extrêmement péjoratif
en cas de traitement inadapté.
• Les fractures transthalamiques nécessitent un traitement chirurgical
dans les premiers jours, par une équipe ultraspécialisée.
• La lutte contre l’œdème est primordiale pour le pronostic : une contention
veineuse doit être appliquée le plus vite possible.
• Le bilan radiologique comprend des clichés standard du calcanéum
de profil et des incidences rétromalléolaires. On peut y adjoindre une
tomodensotimétrie pour mieux analyser les lésions.

Introduction
Les fractures transthalamiques du calcanéus sont de traitement
difficile et ont souvent des conséquences fonctionnelles graves
[1], alors que la plupart des autres fractures ont un bon pronostic.
L’objet de ce chapitre est de donner les clefs au lecteur pour savoir
dépister puis orienter les fractures de mauvais pronostic vers une
équipe chirurgicale spécialisée dans le traitement de ces lésions.

Classification des lésions

Mécanisme lésionnel
Les fractures du calcanéus sont le plus souvent dues à une chute
d’une hauteur plus ou moins élevée avec réception sur le pied. Il y
a deux articulations sous-taliennes, l’une antérieure au niveau du

H. Lelièvre (), Service d’orthopédie traumatologie, Centre hospitalier sud francilien,


91103 Corbeilles-Essonnes – e-mail : henri.lelievre@ch-sud-francilien.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
110 Traumatisme de la cheville

sustentaculum tali et l’autre postérieure au niveau du thalamus. Le


10 cisaillement entraîne la formation d’un trait de fracture fondamen-
tal sagittal transthalamique (fig. 1). Les fragments s’écartent sous
l’effet de la tubérosité postérieure qui est ascensionnée et avancée.
Le sustentaculum tali bouge peu, mais du fait de l’ascension de
la tubérosité postérieure il est horizontalisé par rapport à cette
dernière. Le fragment thalamique externe bascule en avant et se
verticalise. Des refends accessoires peuvent exister : d’autres traits
sagittaux, un refend horizontal dans la tubérosité postérieure en
bec de canard sous l’effet de la traction du tendon calcanéen, un
refend articulaire dans la calcanéo-cuboïdienne…

Fig. 1 – L’effet de cisaillement entre les contraintes exercées sur la surface thalamique
antérieure et postérieure donne naissance à un trait de fracture fondamental sagittal. La
tubérosité postérieure (1) monte et s’immisce entre les fragments thalamique interne (2) et
externe (3). Le fragment externe (3) bascule vers l’avant et verticalise sa partie de l’articulation
talaire postérieure. © H. Lelièvre.

Classification des fractures transthalamiques selon Utheza [2]


Les classifications de Duparc ou de Sanders sont plus anciennes
et datent d’avant l’utilisation de la tomodensitométrie en clinique
courante qui a permis à Utheza de mieux préciser les lésions. Elles
se basent sur le nombre de fragments et permettent d’établir un
pronostic. Elles ne seront pas détaillées ici (il faut en retenir que
les stades V et VI sont particulièrement péjoratifs et doivent faire
poser la question de l’arthrodèse sous-talienne d’emblée).
La classification d’Utheza est la classification utilisée par les équipes
spécialisées car elle correspond au mécanisme lésionnel et guide la
réduction de la fracture. Elle se base sur la position du trait fonda-
mental sagittal et sur ses conséquences sur le bilan radiologique. En
effet, plus le trait fondamental est latéral, plus le fragment interne
Fractures du calcanéus 111

horizontalisé (par rapport à la tubérosité postérieure) est visible et


moins le fragment externe verticalisé l’est.
– Dans le cas d’un trait fondamental très médial, le fragment
interne est peu épais et très peu visible ; on voit essentiellement
le fragment latéral et l’articulation thalamique qui semblent
verticalisés : ce type de fracture est dite « verticale ». Lorsque le
fragment verticalisé est limite à la surface thalamique, la frac-
ture est dite inscrite. Le fragment peut être propagé à la tubé-
rosité postérieure qui est alors ouverte en bec de canard sous
l’influence de la traction du tendon calcanéen. La fracture est
dite propagée (fig. 2).

Fig. 2 – Classification d’Utheza : fractures verticales variantes inscrite et propagée.


© H. Lelièvre.

– Dans le cas d’un trait fondamental très latéral, le fragment


externe est peu épais et très peu visible  ; on voit essentielle-
ment le fragment médial qui semble horizontalisé du fait de
l’ascension de la tubérosité postérieure ; ce type de fracture est
dite « horizontale ». Un deuxième trait parallèle au trait fonda-
mental sagittal peut traverser le fragment interne. Les fractures
horizontales à deux traits sont de moins bon pronostic (fig. 3).
112 Traumatisme de la cheville

10

Fig. 3 – Classification d’Utheza : fractures horizontales à un et deux traits. L’ascension


de la tubérosité postérieure donne l’impression que l’articulation talaire postérieure est
horizontalisée. © H. Lelièvre.

– Dans le cas d’un trait passant au milieu de la surface thala-


mique, les fragments internes et externes sont également visibles
et il y a un signe du croisement sur la radiographie de profil : la
fracture est dite « mixte ». Elles cumulent les traits accessoires
décrits pour les deux types précédents ; il peut y avoir des frac-
tures mixtes inscrites ou propagées à un ou deux traits (fig. 4).

Traits de fracture accessoires


Des traits de fractures sagittaux, parallèles au trait fondamen-
tal, peuvent être présents. Ils sont très péjoratifs pour le devenir de
l’articulation.
Un refend plantaire, fréquent, peut générer une saillie osseuse
extrêmement gênante si elle n’est pas corrigée.
Des refends articulaires dans la calcanéo-cuboïdienne peuvent
exister. Ils doivent être traités en même temps que la fracture
thalamique.
Fractures du calcanéus 113

Fig. 4 – Classification d’Utheza : fractures mixtes inscrites et propagées à un ou deux traits.


On a sur la radiographie de profil une image en double contour de l’articulation talaire
postérieure car les fragments internes et externes sont également visibles. © H. Lelièvre.

Autres fractures

De nombreuses fractures parcellaires touchant en général la


tubérosité postérieure peuvent exister (fig. 5). Elles sont en règle
bénignes et peuvent être traitées orthopédiquement. Il faut tou-
tefois se méfier des fractures entrainant des esquilles sur une zone
d’appui : il est préférable de les réduire ou de retirer l’esquille.
De la même manière, une fracture du tubercule des fibulaires peut
entraîner une lésion tendineuse ; il est préférable de retirer le frag-
ment osseux si la tomodensitométrie montre qu’il est agressif.
Très rarement, on peut remarquer un arrachement osseux dans le
sinus du tarse. Il s’agit d’un arrachement du ligament en haie (talo-
calcanéen interosseux) pouvant provoquer une instabilité de la
cheville et de l’arthrose sous-talienne [3]. Il faut refixer ce fragment
s’il est déplacé.
Enfin, en cas de fracture post-thalamique déplacée, il faut veiller à
ce que l’angle de Bölher ne soit pas inférieur à 20° afin d’éviter une
perte de hauteur du pied synonyme de difficultés de chaussage.
114 Traumatisme de la cheville

10

Fig. 5 – Fractures parcellaires extra-articulaires du calcanéus. 1  : fracture préthalamique  ;


2 : fracture du rostre calcanéen ; 3 : arrachement du ligament talo-calcanéen interosseux ;
4 : fracture du tubercule des péroniers ; 5 : fracture post-thalamique ; 6 : arrachement de
l’insertion d’Achille ; 7 : fractures des tubercules postéro-médial ou postéro-latéral. © H. Lelièvre.

Bilan radiologique
Les fractures du calcanéum survenant le plus souvent au cours
d’une chute d’un lieu élevé, il faut vérifier l’absence de lésions éta-
gées et/ou de fractures du rachis ou du bassin associées. Sinon, le
bilan radiologique comprend un calcanéum de profil et un cliché
rétromalléolaire.
Le cliché de profil (fig. 6) permet d’estimer le déplacement de la
tubérosité postérieure par le calcul de l’angle de Böhler, qui peut
alors être proche de 0 voire négatif (il doit normalement être supé-
rieur à 20°). L’angle de Gisane (normalement compris entre 130 et
140°) permet d’estimer la verticalisation et l’enfoncement du frag-
ment thalamique externe. L’examen attentif du profil articulaire de
la surface talaire postérieure permet d’évaluer la fracture selon la
classification d’Utheza. Si cette articulation semble horizontalisée,
c’est que le trait fondamental sagittal est très latéral rendant le frag-
ment thalamique externe peu visible ; la fracture est donc dite hori-
zontale. À l’inverse, si l’articulation semble verticalisée, c’est que
le trait fondamental sagittal est très médial, rendant le fragment
thalamique interne peu visible ; la fracture est donc dite verticale.
Dans ce cas de figure, la partie antérieure de cette articulation
n’est plus en face du bord supérieur de l’apophyse antérieure : on
constate qu’elle est enfoncée. Enfin, quand les deux aspects précé-
dents sont présents, c’est que le trait fondamental sagittal passe au
milieu de l’articulation : les deux fragments thalamiques sont éga-
lement visibles. Il y a alors un signe du croisement entre les deux
profils articulaires. La fracture est dite mixte.
Le cliché rétromalléolaire (fig. 7) permet de visualiser le trait fon-
damental sagittal, de préciser sa position et de dépister des trais de
fractures accessoires. En outre, on peut vérifier qu’il n’y a pas de
saillie osseuse dans le canal tarsien pouvant entraîner une com-
pression du nerf tibial postérieur (cliniquement le patient aurait des
paresthésies, voire une anesthésie plantaire). D’autre part, on peut
voir une éventuelle fracture du tubercule des fibulaires, bien que
celle-ci ne soit souvent vue qu’en tomodensitométrie.
Fractures du calcanéus 115

Celle-ci apporte une aide pour le bilan préopératoire de la frac-


ture (fig. 8). Elle permet de mieux visualiser les différents traits de
fractures mais également de dépister des refends articulaires dans
l’articulation calcanéo-cuboïdienne qui peuvent passer inaperçus
sur le bilan radiologique standard.
La scintigraphie osseuse ou l’IRM n’ont que peu d’indications
dans cette pathologie. Ces examens peuvent cependant appor-
ter une aide pour dépister de simples talonnades ou fissures non
déplacées qui fixeront les radio-isotopes ou se signaleront par un
œdème osseux visible en hypersignal sur l’IRM.

Fig. 6 – Construction des angles


de Bölher et de Gisane sur un
profil de fracture mixte du calca-
néus. En rouge, l’angle de Böl-
her nécessite le repérage de trois
points : A point culminant de la
grande apophyse, B point pos-
térieur du thalamus, et C point
culminant du bord postérieur de
la tubérosité. L’angle de Böhler est
l’angle AB-BC ; il est positif si le
point B est au-dessus de la droite
AC, négatif s’il est en dessous. Il
est normalement supérieur à 20°.
Pour construire l’angle de Gisane,
il faut repérer le point D : le plus
postérieur de l’apophyse anté-
rieure (juste en avant de l’articu-
lation talaire postérieure). L’angle
de Gisane est l’angle AD-DB. Il
est normalement compris entre
130 et 140°. © H. Lelièvre.

Fig. 7 – Cliché rétromalléolaire d’une fracture Fig. 8 – Tomodensitométrie : coupe frontale


horizontale. © H. Lelièvre. d’une fracture transthalamique mixte inscrite
à deux traits. © H. Lelièvre.
116 Traumatisme de la cheville

10 Conditionnement
Le conditionnement est primordial pour le pronostic [4].
Comme dans toutes les fractures du pied et de la cheville, le risque
cutané est majeur et doit être impérativement contrôlé dès le début
de la prise en charge. L’œdème survient très rapidement et peut en
quelques heures rendre impossible une intervention à ciel ouvert
avant plusieurs semaines, ce qui rend ensuite extrêmement difficile
l’obtention d’une réduction correcte de la fracture. Idéalement, la
fracture doit être opérée dans les premiers jours et à horaire ouvrable
(ces fractures de traitement complexe ne doivent pas être opérées
par des équipes non entraînées au milieu de la nuit). C’est pourquoi,
le membre doit être surélevé et une contention appliquée au plus
vite. Nous utilisons pour cela du matériel disponible dans tous les
services d’urgences : le pied est emballé sous plusieurs épaisseurs
de bandes de ouate de manière à bien repartir la pression réalisée
par une bande contentive (ou à défaut une bande adhésive élastique
mise en place en spirale à la manière d’une bande de contention).
Il est inutile de serrer fort ; la simple élasticité de la bande a un
fort effet sur l’œdème (fig. 9). Une fois cette contention réalisée, la
cheville est immobilisée dans une attelle postérieure. Les anticoa-
gulants sont prescrits en fonction du délai opératoire : si celui-ci est
inférieur à 24 heures, les anticoagulants seront débutés seulement
en postopératoire. Des antalgiques sont prescrits immédiatement.

Traitement

Fractures transthalamiques
Le traitement des fractures transthalamiques est, en règle,
chirurgical [5]. Seules les formes sans aucun déplacement peuvent
être traitées orthopédiquement. On sait que la mobilisation pré-
coce de l’articulation sous-talienne permet un remodelage articu-
laire, diminue grandement le risque arthrogène et augmente les
mobilités articulaires. Cependant, le traitement fonctionnel risque
de majorer les conflits sous-malléolaires, une perte de la hauteur
et des difficultés de chaussage. Il faut donc préférer le traitement
chirurgical réalisé par une équipe spécialisée. Passé la première
semaine, la réduction devient plus difficile et elle est pratiquement
impossible au-delà de 3 semaines. Actuellement, des techniques
percutanées ou mini-invasives permettent d’obtenir des réductions
satisfaisantes malgré la présence d’œdème et donc avec un risque
cutané minime [6–8] (fig. 10). Il n’est actuellement plus de mise
d’attendre plusieurs semaines pour opérer un pied sans œdème : les
Fractures du calcanéus 117

Fig. 9 – Confection d’une botte antiœdème avec


une bande de ouate et une bande d’élastoplaste mise
en légère tension. © H. Lelièvre.

patients doivent être adressés à l’équipe chirurgicale pour une prise


en charge dans les jours qui suivent le traumatisme.
En règle, le chirurgien essaye d’obtenir une bonne réduction arti-
culaire et de la tubérosité postérieure de manière à éviter les diffi-
cultés de chaussage, les conflits antérieurs ou sous-malléolaires.
Dans la mesure du possible, il faut que de la rééducation de la
sous-talienne soit débutée précocement pour obtenir une meilleure
mobilité et réduire le risque arthrogène. En cas de fractures articu-
laires très comminutives dont le pronostic articulaire est d’emblée
très sombre, on peut opter pour une arthrodèse sous-talienne d’em-
blée. Si ce geste est rendu difficile par l’état cutané, on peut réduire
la tubérosité postérieure et fixer la correction par un fixateur externe.

Fig. 10 – Fracture transthalamique verticale propagée chez sportif professionnel 23 ans


(cirque). 1 : cliché initial de profil. 2 : réduction percutanée. 3 : cliché postopératoire de
profil. 4 : scanner de contrôle montrant la bonne réduction articulaire. © H. Lelièvre.
118 Traumatisme de la cheville

10 Arrachement de l’insertion du tendon calcanéen


Il s’agit d’une fracture horizontale de la tubérosité postérieure
qui s’ouvre sous l’effet de la traction du tendon calcanéen, provo-
quant une verticalisation de la surface thalamique s’il s’agit d’une
fracture prolongée, mais la fracture peut être complètement extra-
articulaire. Ce type de fracture peut être réduit de manière per-
cutanée et fixé par une ou deux vis verticales pontant le foyer,
elles aussi mises en place en percutané. L’appui ne sera pas autorisé
avant 45 jours. On peut dans ce cas recourir à une botte amovible
qui permet les soins locaux et la rééducation. Si la fracture n’est pas
déplacée, elle peut être traitée par une botte en résine sans appui
durant 45 jours.
Ce type de fracture doit faire rechercher une polynévrite (le plus
souvent alcoolique ou diabétique), car elle peut se voir dans le cas
d’une neuroarthropathie (pied de Charcot).

Autres fractures parcellaires


La plupart d’entre elles sont bénignes et traitées par une botte
en résine pendant 45 jours. Nous ne détaillerons ici que celles
qui peuvent poser problème et doivent faire l’objet d’un geste
chirurgical.
Les fractures du tubercule des fibulaires peuvent être agressives pour
les tendons, en particulier le long fibulaire qui passe en dessous. Il
faut réaliser une tomodensitométrie et si le fragment est agressif,
risquant d’entraîner des lésions tendineuses, ou s’il est déplacé, pou-
vant se pseudarthroser, il est préférable de le réséquer rapidement.
Les fractures-arrachements du ligament talo-calcanéen interosseux
sont rares. Elles peuvent être visibles au niveau du sinus du tarse
sur les clichés de profil. Une tomodensitométrie peut être utile au
diagnostic. Si le fragment est déplacé, il faut le refixer chirurgicale-
ment pour éviter l’apparition d’une instabilité puis d’une arthrose
sous-talienne. S’il n’est pas déplacé, une botte en résine sans appui
sera mise en place pour 45 jours.
Les fractures de la partie inférieure de la tubérosité postérieure
peuvent entraîner l’apparition d’esquilles talonnières doulou-
reuses à l’appui. Il est préférable de les refixer ou de les régulariser
d’emblée.

Séquelles des fractures transthalamiques

Une fracture transthalamique peut avoir des conséquences


catastrophiques.
Fractures du calcanéus 119

D’une part, ce sont des fractures très arthrogènes et les mauvaises


réductions articulaires entraînent la survenue rapide d’arthrose très
invalidante, d’autant que ces douleurs peuvent se compliquer d’al-
godystrophie. Même si une bonne réduction articulaire n’empêche
pas toujours cette évolution, on obtient, avec une rééducation pré-
coce et douce de la pronosupination, un remodelage articulaire qui
améliore considérablement le pronostic en termes de mobilité et de
douleur.
D’autre part, le déplacement en avant et en haut de la tubérosité
postérieure a de nombreuses conséquences fonctionnelles (fig. 11).
Cette tubérosité écarte le fragment thalamique externe du frag-
ment interne, ce qui peut entraîner un conflit sous-malléolaire
externe et un élargissement du pied. Il peut y avoir un écrasement
des tendons fibulaires entre le fragment thalamique externe et
la pointe de la malléole, mais le plus souvent le rétinaculum des
fibulaires est distendu du fait du raccourcissement de la tubéro-
sité postérieure, ce qui entraîne une luxation des tendons. Ceux-ci
sont alors pris dans une néo-gouttière fibreuse. La perte de hauteur
associée à l’élargissement du pied entraîne des difficultés de chaus-
sage [1]. Ces déformations sont de traitement difficile au stade de
cal vicieux, c’est pourquoi il faut s’attacher à réduire le mieux pos-
sible le déplacement de la tubérosité postérieure.
Enfin, une saillie plantaire peut être très gênante lors de la reprise
d’appui  ; il vaut toujours mieux une bonne réduction initiale,
même si leur traitement est facile (il suffit de la réséquer).

Fig. 11 – Séquelles de fractures du calcanéum. L’arthrose sous-talienne n’est pas la seule


complication des fractures transthalamiques du calcanéus, les déformations anatomiques
entraînent des douleurs et difficultés de chaussage. © H. Lelièvre.
120 Traumatisme de la cheville

10 Conclusion

Le traitement des fractures transthalamiques est en règle chirur-


gical et doit être confié à une équipe aguerrie, car le pronostic peut
être sombre en cas de mauvaise réduction avec un pied secondaire-
ment douloureux et difficilement chaussable.
Il faut conditionner la cheville du patient pour une prise en charge
chirurgicale dans les premiers jours en luttant contre l’œdème et le
positionnement spontané en équin. La mise en place d’une conten-
tion est cruciale pour la suite de la prise en charge.
Seules les fractures sans déplacement et les fractures parcellaires
peuvent être traitées orthopédiquement sans risque.

Bibliographie
1. Kassab M, Lelievre H, Lelievre JF, Rolland E, Saillant G (2005) Chirurgie
des sequelles des fractures du calcaneum. Rev Chir Orthop Réparatrice Appar
Mot 91: 248-56
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calcanéum : description anatomo-pathologique. Apport de la tomodensitomé-
trie. Rev Chir Orthop Réparatrice Appar Mot 79: 49-57
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current evidence base. Int Orthop 36: 1615-22
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calcaneal fractures: a systematic review. Int Orthop 35: 697-703
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percutanés des fractures thalamiques du calcanéus sous contrôle arthroscopique
et fluoroscopique. Rev Chir Orthop Réparatrice Appar Mot 90: 256-64
Le piège :
lésions tendineuses II-3
Tendon calcanéen
(Achille) II-3A
Rupture du tendon calcanéen
11
J.F. KOUVALCHOUK

Points essentiels
t Le diagnostic de rupture du tendon calcanéen est uniquement clinique.
t Il repose sur des signes cliniques pathognomoniques  : perte de l’équin
physiologique, manœuvre de Thompson positive, impossibilité d’appui
monopodal sur pointe.
t Les examens complémentaires ne sont jamais utiles au diagnostic.
t Les ruptures traumatiques sont toujours totales.
t Dès le diagnostic établi, dans l’attente du traitement définitif, des mesures
doivent être immédiatement mises en œuvre : immobilisation en équin,
interdiction d’appui, anticoagulants.

Connue dès l’Antiquité, la rupture du tendon calcanéen était


déjà diagnostiquée en utilisant seulement ses oreilles pour écouter
le patient, ses yeux pour observer et ses mains pour palper. Depuis,
bien des siècles se sont écoulés et, pourtant, rien n’a changé et les
mêmes moyens sont toujours suffisants pour l’authentifier sans
qu’il soit besoin de faire des examens complémentaires, tant les
signes en sont pathognomoniques. On pourrait même écrire qu’au
contraire ces examens complémentaires peuvent être nuisibles
parce que quelquefois trompeurs et, en tous les cas, risque de retard
à la prise en charge thérapeutique. Le diagnostic de rupture du ten-
don calcanéen est donc, et doit être, exclusivement clinique.
Avant d’en décrire les signes, il convient de rappeler certaines don-
nées épidémiologiques qui peuvent être des éléments intéressants
d’orientation lorsque l’on s’enquiert du contexte propre au patient.
Sans insister sur le fait que le nombre des ruptures est en nette
augmentation depuis ces dernières décennies (en rapport avec la
diffusion des activités sportives), pour atteindre une incidence de
7 pour 100 000, on peut rappeler que 65 % d’entre elles sont des
accidents de sport survenant à un âge moyen de 37 ans [1]. Il existe
un second pic de fréquence chez le sujet plus âgé (autour de la

J.-F. Kouvalchouk ( ), Ancien chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologie


du sport, Hôpital Foch, 92150 Suresnes – e-mail : jfkouvalchouk@orange.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
126 Traumatisme de la cheville

soixantaine). Ces faits mettent en relief la notion de «  vieillisse-


11 ment » du tendon lié soit simplement à l’âge soit, chez le sportif,
à l’hyperutilisation, avec dans les deux cas la perte des propriétés
physiques du tendon, notamment son élasticité. La prédominance
masculine est très nette (autour de 80 %) et la bilatéralité dans le
temps n’est pas exceptionnelle.

Signes cliniques

C’est le plus souvent dans les heures qui suivent un trauma-


tisme indirect que le patient consulte pour des douleurs de la face
postérieure de la cheville et des difficultés à la marche.

Interrogatoire
La description des circonstances de l’accident en est le premier
temps. Le traumatisme, toujours indirect, peut être de deux types :
soit une mise en tension excessive (chute avant au ski, pointe du
pied qui glisse sur une marche d’escalier), soit une contraction
explosive et non maîtrisée (démarrage brutal, détente brusque).
Une douleur postérieure très vive l’a accompagné, véritable coup
de fouet ou impression de choc direct faisant se retourner le patient
à la recherche de son agresseur. Dans le même temps, il perçoit
une sensation de craquement, parfois même audible par les voi-
sins. Dans les minutes qui suivent, la douleur diminue quelque
peu et le patient peut se relever et faire lentement quelques pas.
Sur ces seuls éléments d’interrogatoire, le diagnostic doit déjà
être évoqué. Il reste à s’enquérir du contexte propre au patient  :
âge, profession, sports pratiqués et le niveau, antécédents et tout
particulièrement celui d’infiltration locale de corticoïdes à l’occa-
sion de douleurs tendineuses préexistantes ou de traitement par
fluoroquinolones.

Inspection
D’emblée, on peut remarquer que la marche se fait pied tota-
lement à plat, sans décoller le talon. Les douleurs étant posté-
rieures, c’est en décubitus ventral que l’examen se déroule. Toute
la région postérieure de la cheville est tuméfiée et parfois ecchy-
motique, mais les régions malléolaires et sous malléolaires sont
parfaitement intactes. De profil, si le patient est vu tôt, on note
que le bord postérieur de la partie inférieure de la jambe n’est
pas régulier, mais présente un véritable coup de hache (fig.  1)
Rupture du tendon calcanéen 127

qui disparaît plus tard, noyé dans la tuméfaction locale. Il suf-


fit ensuite de faire dépasser le pied du rebord de la table pour
constater un élément qui existe toujours et constitue même un
signe pathognomonique : c’est la disparition de l’équin physiolo-
gique du côté blessé, le pied tombant à angle droit, alors que du
côté sain il existe une flexion plantaire physiologique. C’est le
signe de Brunet-Guedj (fig. 2). Le Matles test [2] qui se recherche
également en décubitus ventral, mais genou fléchi à 90°, permet
la même constatation.

Fig. 1 – Coup de hache postérieur.

Fig. 2 – Signe de Brunet-Guedj du côté gauche.


128 Traumatisme de la cheville

11 Palpation
Précocement, on peut palper une encoche située à 4 à 5 cm au-
dessus de l’angle postéro-supérieur du calcanéus. Plus tard, elle est
comblée par l’hématome local, mais on retrouve à ce niveau une
douleur exquise très précise (fig. 3).

Fig. 3 – Palpation de l’encoche et douleur localisée.

Fig. 4 – Manœuvre de Thompson négative à droite.

Fig. 5 – Manœuvre de Thompson positive à gauche.


Rupture du tendon calcanéen 129

Toujours en décubitus ventral et les pieds dépassant de la table,


la manœuvre de Thompson [3], elle aussi pathognomonique,
achève  d’affirmer le diagnostic. La pression des masses muscu-
laires du mollet du côté sain entraîne une flexion plantaire auto-
matique, alors que du côté blessé la même pression n’entraîne
aucune réponse au niveau du pied : on dit alors que la manœuvre
est positive (figs. 4 et 5).
Pour être complet, on peut ajouter le test décrit par Copeland [4] :
un tensiomètre est placé autour de la partie moyenne du mollet et
gonflé à 100 mmHg, le pied étant placé en flexion plantaire passive
par l’examinateur. Celui-ci place ensuite le pied en flexion dorsale.
Si le tendon est intact, la pression augmente de 35 à 60 mmHg, si
le tendon est rompu la pression n’augmente pas. Il faut noter que
ce test est douloureux, qu’il n’apporte rien de plus au diagnostic et
présente peu d’intérêt.
Il est très important enfin d’insister sur les signes négatifs  : il
n’existe aucune douleur périmalléolaire, ni médiale, ni latérale, et
les gouttières rétromalléolaires sont indemnes. Il n’existe pas non
plus de signe au niveau des masses musculaires du mollet.
Le diagnostic est donc fait, il suffit de faire se lever la patient pour
en faire l’ultime preuve : on lui demande de se mettre sur la pointe
des pieds. Il y parvient sans trop de difficulté. En revanche, si on
lui demande de se hisser sur la pointe du seul pied côté blessé, cela
lui est rigoureusement impossible, non pas seulement à cause de la
douleur, mais parce que, mécaniquement, il ne peut le faire (figs. 6
et 7).

Fig. 7 – Appui monopodal sur pointe


Fig. 6 – Appui bipodal sur pointe possible.
impossible du côté gauche.
130 Traumatisme de la cheville

Ainsi, un examen clinique simplement de quelques minutes ne


11 peut passer à côté du diagnostic, tant les signes décrits sont clairs,
nets et précis. Par exemple, d’après une étude de Maffuli [5], tant
la sensibilité que la spécificité de la manœuvre de Thompson et
du Matles test (ou son équivalent le signe de Brunet-Guedj) sont
proches de 100 %.
Pourtant, dans toutes les séries, on relève que dans 20 à 30 % des
cas le diagnostic n’est pas fait d’emblée mais souvent avec quelques
jours, voire quelques semaines de retard, le blessé continuant de
consulter devant l’absence d’amélioration de son état.

Pourquoi un tel retard ?


Il provient toujours d’une mauvaise interprétation des signes
cliniques.
Le premier d’entre eux est la conservation d’une flexion plantaire
active en décharge (fig. 8). Or, celle-ci n’est due qu’à l’action des flé-
chisseurs des orteils et du tibial postérieur, en l’absence de l’action
du triceps. La preuve en est qu’elle s’accompagne toujours d’une
flexion des orteils, sans laquelle la flexion plantaire deviendrait
impossible. Mais cette conservation n’est présente qu’en décubitus
et sans résistance manuelle et, de toutes façons, très inférieure à
celle du côté sain.
C’est aussi, répétons-le, que la station bipodale sur la pointe est
possible et que l’examinateur n’a pas songé à tenter de la faire
exécuter du seul côté blessé.
Ces mauvaises interprétations de la clinique entraînent soit une
absence de diagnostic, soit celui de rupture seulement partielle, ce
qui n’existe jamais dans le cadre d’une rupture traumatique. Il faut
bien savoir que les ruptures partielles ne surviennent que pour des
tendinopathies anciennes et très évoluées et dans des circonstances
qui n’ont rien de comparable.
Pire encore, ce sont parfois des diagnostics totalement erronés qui
sont portés et, notamment, le plus fréquent d’entre eux, celui d’en-
torse de la cheville ! Pourtant, tout les sépare, depuis le mécanisme
jusqu’aux signes cliniques parfaitement localisés.
Tel est le tableau le plus habituel de rupture du tendon calcanéen
située à 5 cm environ de son insertion basse, partie la moins large
du tendon, la moins bien vascularisée et, partant, la plus sujette aux
phénomènes de vieillissement évoqués plus haut. Cette localisation
représente 80 à 90 % de toutes les ruptures.
Beaucoup plus rares sont les ruptures survenant à d’autres niveaux :
la jonction myo-tendineuse et la désinsertion calcanéenne.
Pour la rupture haute, le niveau de la douleur pourrait être cause
d’erreur avec la désinsertion du jumeau médial. En fait, le tableau
en est totalement différent  : le patient peut marcher mais sur la
pointe du pied pour relâcher le muscle et non pas talon à plat,
Rupture du tendon calcanéen 131

douleurs et tuméfaction sont bien localisées sur le jumeau, donc


plus haut et plus médial que la rupture du tendon calcanéen à
la jonction myo-tendineuse. Par ailleurs, les signes pathognomo-
niques de rupture déjà décrits ne sont pas retrouvés.
Quant à la désinsertion basse, tous les signes de rupture sont pré-
sents, mais la localisation basse de tous les signes locaux et la dou-
leur provoquée à l’angle postéro-supérieur du calcanéus suffisent à
préciser le niveau de la lésion.

Fig. 8 – Conservation de la flexion plantaire active en décubitus.

Place des examens complémentaires

Mis à part la radiographie standard dans le cadre des désinser-


tions calcanéennes, elle est nulle, complètement nulle, pour ce qui
concerne le diagnostic, qu’il s’agisse d’IRM ou d’échographie. Ils
peuvent même être nocifs car trompeurs. En effet, le plus souvent,
la rupture est une dilacération complète des fibres tendineuses sans
véritable solution de continuité. De telle façon qu’il n’existe pas
un « vide » entre deux extrémités saines, mais une zone emplie de
fibres entremêlées et non parallèles qu’un opérateur non entraîné
et n’utilisant pas les possibilités dynamiques de l’échographie peut
interpréter comme une tendinopathie ou une rupture partielle. Il
faut redire que cette dernière n’existe pas dans le cadre d’une rup-
ture traumatique. De plus, la demande de ces examens ne peut
qu’entraîner un retard à la prise en charge thérapeutique du fait des
délais de rendez-vous.
Le seul intérêt de l’échographie se trouve dans le cadre d’un éven-
tuel traitement orthopédique. Si le thérapeute qui prendra en
132 Traumatisme de la cheville

charge le blessé envisage ce type de traitement, il peut appuyer son


11 indication sur les données de l’échographie en mettant en évidence
que la mise en équin du pied rapproche de façon satisfaisante les
parties saines du tendon effaçant la zone dilacérée pathologique.
De plus, toujours dans le cadre de ce traitement, l’échographie
constitue un très bon élément de surveillance.

Conduite à tenir en urgence

Le diagnostic a donc été affirmé de façon indiscutable dès le


premier examen clinique.
Quatre impératifs dès lors sont à respecter :
– immobiliser le pied en équin ;
– interdire l’appui ;
– instituer un traitement anticoagulant par héparine de bas
poids moléculaire (HBPM) ;
– diriger le blessé vers le thérapeute qui prendra la responsabilité
du traitement.
Ainsi qu’il sera dit plus loin, le traitement peut actuellement s’en-
visager sous trois formes. Il peut être orthopédique par immo-
bilisation plâtrée de 8 semaines, chirurgical par une technique
percutanée ou, enfin, chirurgical à ciel ouvert.
Le problème est que pour les deux premières techniques (ortho-
pédique et percutanée), la mise en route du traitement doit être
immédiate sinon, dès les tout premiers jours, et surtout si le blessé
a continué de marcher, un hématome va s’organiser et empêcher
le rapprochement des extrémités tendineuses saines. À partir de ce
moment, le choix du moyen thérapeutique n’existera plus : seul le
traitement chirurgical à ciel ouvert pourra être la solution.
C’est la raison pour laquelle, afin que l’éventail thérapeutique reste
ouvert, les mesures décrites plus haut sont indispensables et l’on
n’insistera jamais assez sur la nécessité absolue d’un diagnostic
immédiat et d’une prise en charge d’emblée irréprochable.

Bibliographie
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4. Copeland SA (1990) Rupture of the Achilles tendon: a new clinical test. Ann
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5. Maffuli N (1998) The clinical diagnosis of subcutaneous tear of the Achilles
tendon. A prospective study in 174 patients. Am J Sports Med 26: 266-70
Place du traitement conservateur
dans les ruptures récentes et anciennes
du tendon calcanéen de l’adulte
12
S. BESCH, E. ROLLAND, J. RODINEAU, F. KHIAMI

Points essentiels
t La cicatrisation tendineuse varie en fonction de la topographie, du type
et du délai de l’ancienneté de la lésion.
t Le traitement conservateur comprend deux méthodes au choix  : soit
orthopédique par botte (plâtre ou résine), soit fonctionnelle par système
amovible.
t Le traitement orthopédique doit respecter certains principes :
– de durée d’immobilisation prolongée (d’au moins 10 semaines) ;
– de rééducation progressive de la mobilité et de la force musculaire ;
– de protection de la flexion dorsale brutale de la cheville dans les 2 mois
qui suivent la levée de l’immobilisation.
t La pratique d’une échographie initiale permet de juger clairement de
la persistance ou non d’un diastasis entre les deux moignons tendineux
en flexion plantaire, facteur pronostique majeur pour le traitement
conservateur.
t L’arbre décisionnel thérapeutique repose sur  : le type de rupture, le
patient (âge, niveau d’activités sportives et contraintes professionnelles),
l’expérience et l’habitude du praticien.

La rupture du tendon calcanéen est connue depuis l’antiquité


mais sa description princeps revient à Ambroise Paré qui, en 1575,
traita le roi Charles IX. Son incidence a longtemps été considérée
comme rare (70 cas mondiaux décrits en 1929), mais le dévelop-
pement marqué des activités sportives de loisir l’a vue considéra-
blement augmenter : 18 à 37 cas pour 100 000 personnes par an
actuellement, selon les enquêtes épidémiologiques, avec une prédo-
minance masculine entre 30 et 50 ans. Pour autant, le traitement

S. Besch ( ), Service de rééducation fonctionnelle et traumatologie du sport du


Dr de Lécluse, Hôpitaux de Saint-Maurice, 94410 Saint-Maurice – e-mail : sylvie.besch@
psl.aphp.fr
E. Rolland, F. Khiami, Service de chirurgie orthopédique du Pr Catonné, Hôpital de la
Pitié-Salpêtrière , 75013 Paris
J. Rodineau, Service de rééducation fonctionnelle du Pr Pradat, Hôpital de la Pitié-
Salpêtrière, 75013 Paris
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
134 Traumatisme de la cheville

de cette lésion n’a toujours pas trouvé de consensus  : faut-il les


12 opérer ? Faut-il les immobiliser ? Il est bien difficile aujourd’hui
d’apporter une réponse claire malgré l’abondante littérature sur le
sujet. En effet, dans toutes les séries comparant les deux méthodes,
l’évaluation des résultats à long terme ne fait apparaître aucune
supériorité d’un traitement par rapport à l’autre. Qu’en est-il
du traitement conservateur (orthopédique ou fonctionnelle)  : a-t-
il toujours sa place  ? Quelles en sont les modalités  ? Les risques
sont-ils toujours les mêmes que ceux énoncés dans les premières
publications ?

Modalités du traitement conservateur

Traitements orthopédiques
Historique
La première description d’une ébauche de traitement orthopé-
dique peut être attribuée à Petit en 1772 qui utilisa un bandage
élastique destiné à limiter la tension des jumeaux ( flexion plantaire
maximale du pied associée à une flexion du genou) et la déambula-
tion sans appui. Ce bandage fut suivi du port d’une genouillère en
légère flexion et chaussage maintenant le pied en équin.
Dès 1841, de Lavacherie énonce les grands principes du trai-
tement orthopédique, toujours en vigueur de nos jours  : «  un
simple appareil  empêchant la mobilité des bouts tendineux suffira
toujours pour seconder le travail de cicatrisation en permettant la
déambulation ».
Des techniques et protocoles aussi variés que mal systématisés, en
particulier sur la durée d’immobilisation, vont ensuite être propo-
sés, favorisant les ruptures itératives, complication redoutable attri-
buée dès lors au traitement orthopédique en général, et suscitant
la réflexion des chirurgiens pour développer un traitement plus
radical.
Il a fallu attendre une époque relativement récente pour que Lea
et Smith en 1968 [1] réactualisent le traitement orthopédique. En
se basant sur des études expérimentales démontrant les capacités
de cicatrisation spontanée du tendon calcanéen, ils proposent un
protocole thérapeutique en deux parties : 8 semaines d’immobi-
lisation par botte en équin de gravité, l’appui étant protégé par
deux cannes anglaises, suivies par un chaussage avec talonnette de
25 mm pendant 4 semaines.
En 1975, Rodineau, en France, rappelle l’intérêt du traitement
orthopédique. Son protocole est le suivant  : botte en équin de
Place du traitement conservateur dans les ruptures récentes et anciennes du tendon calcanéen 135

gravité durant 4 semaines, avec appui autorisé dès la 48e heure sous
couvert d’une sandale à talon surélevé. Un second plâtre est confec-
tionné pour 4 semaines avec diminution de l’équin en l’absence
d’augmentation de la flexion dorsale. À l’ablation du plâtre, une
talonnette de 2 à 3 cm est mise en place, la hauteur étant diminuée
progressivement au cours des semaines suivantes. La rééducation
est alors débutée : les exercices proposés sont destinés à mettre en
charge et organiser le cal par un travail actif du triceps en course
interne puis moyenne contre résistance progressive (fig. 1).
Les différentes publications ultérieures vont alors non seulement
confirmer les bons résultats du traitement orthopédique, mais
aussi identifier ses risques et inconvénients :
– risque de rupture itérative (8 à 30 % selon les séries) ;
– risque d’allongement avec augmentation de la flexion dorsale ;
– amyotrophie et diminution de la force tricipitale ;
– délai d’immobilisation et de récupération plus longs qu’après
un traitement chirurgical.

A B
Fig. 1 – Bottes de marche du commerce (A) ou de confection artisanale (B).

Évolution
De nombreux auteurs vont proposer des changements au pro-
tocole initial afin de diminuer le risque de rupture itérative et les
séquelles fonctionnelles. Trois principaux paramètres vont faire
l’objet de discussions : la technique d’immobilisation (genouillère
ou botte), la durée d’immobilisation (stricte ou relative) et l’appui
autorisé ou non.
136 Traumatisme de la cheville

Technique d’immobilisation
12 Les jumeaux étant des muscles bi-articulaires, l’immobilisation
du genou a été proposée par certains pour diminuer les tractions et
limiter le risque de diastasis des deux moignons du tendon rompu.
La comparaison des résultats avec les séries laissant libre le genou
ne révèle cependant aucun bénéfice à ce type d’immobilisation
quant au risque de rupture itérative. En revanche, la gêne fonc-
tionnelle engendrée par le blocage du genou ne fait qu’accroître
les effets secondaires du traitement orthopédique (raideur, amyo-
trophie, indisponibilité professionnelle plus longue).
Durée d’immobilisation
Elle varie selon les séries. Elle comporte une période d’équin de
gravité de 1 à 6 semaines permettant d’obtenir un cal tendineux
par affrontement des extrémités, suivie d’une période avec réduc-
tion progressive de l’équin sur 4 à 6 semaines supplémentaires
afin de favoriser une mise en tension progressive du cal fibreux
primaire. Dans la plupart des cas, cette immobilisation stricte est
relayée par une talonnette limitant la flexion dorsale en appui pen-
dant la phase de rééducation. L’analyse de la littérature ne permet
pas de conclure sur une durée idéale d’immobilisation.
Des complications ont été retrouvées dans chacune des trois phases
du traitement :
– un enraidissement en cas d’immobilisation prolongée ;
– des allongements séquellaires tendineux avec augmentation de
la flexion dorsale en cas de réduction trop précoce de l’équin ;
– des ruptures itératives notées dans toutes les séries, pouvant
survenir jusqu’au 2e mois après l’ablation de l’immobilisation.
Malgré toutes les variantes proposées, quelques principes semblent
acquis :
– l’immobilisation en équin de gravité ou forcée ne doit pas
dépasser 6 semaines pour limiter le risque de raideur articulaire ;
– la réduction progressive de l’équin doit se faire par des plâtres
successifs, changés toutes les semaines, pour diminuer le risque
d’allongement tendineux, mais, si lors du changement de plâtre,
on constate une tendance à la persistance d’une flexion dorsale
augmentée, il ne faut pas hésiter à revenir à l’étape antérieure ;
– pour diminuer le risque de rupture itérative, l’immobilisation
doit être suffisamment longue (au moins 10 semaines) ;
– à la levée de l’immobilisation, le port d’une talonnette de 2 cm
est recommandé afin de diminuer le risque de mise en tension
brutale du tendon par flexion dorsale incontrôlée, tout en per-
mettant une « mécanisation » de celui-ci par la marche. Sa hau-
teur sera diminuée très progressivement en quelques semaines.
Autorisation d’appui
Certains auteurs ont adopté d’emblée la botte de marche en
équin de gravité, avec adjonction d’une sandale à talon surélevé
Place du traitement conservateur dans les ruptures récentes et anciennes du tendon calcanéen 137

ou d’un étrier permettant une marche stable en appui complet.


L’analyse des résultats des séries [2] utilisant cette méthode n’a pas
mis en évidence de différence significative du taux de rupture ité-
rative avec celles interdisant l’appui. En revanche, le confort du
patient pour la déambulation et son autonomie ont permis non
seulement de lui faire accepter une immobilisation prolongée, mais
également de reprendre des activités professionnelles plus rapide-
ment. L’absence d’appui n’est donc pas une condition indispen-
sable à la cicatrisation tendineuse, sous réserve de contrôler l’équin
par une technique d’immobilisation adaptée à la marche.
Résultats des traitements orthopédiques
Fort des précautions déjà citées, l’efficacité du traitement ortho-
pédique sur la cicatrisation tendineuse des ruptures récentes n’est
plus à démontrer.
La cicatrisation apparaît toutefois variable en fonction de la topo-
graphie, du type et du délai de la lésion. Il est acquis que les ruptures
hautes (jonction musculo-tendineuse) cicatrisent mieux que les
ruptures basses (insertion calcanéenne) et, probablement, les dila-
cérations tendineuses mieux que les ruptures franches. De même,
la précocité de la mise en route du traitement orthopédique est un
facteur de meilleur pronostic : un délai supérieur à 8 jours (organi-
sation de l’hématome lésionnel) peut empêcher l’affrontement des
extrémités tendineuses et altérer la qualité de la cicatrisation.
En pratique, pour abaisser le risque inévitable de rupture itérative
en dessous des 10 %, voire des 5 %, il faut éviter de proposer un
traitement orthopédique dans ces cas défavorables, mais surtout
respecter certains principes :
– de durée d’immobilisation prolongée (d’au moins 10 semaines) ;
– de rééducation progressive de la mobilité et de la force musculaire ;
– de protection de la flexion dorsale brutale de la cheville dans
les 2 mois qui suivent la levée de l’immobilisation.
En cas de rupture itérative après traitement orthopédique, la ten-
dance est de s’orienter vers une reprise chirurgicale, autant pour des
raisons de potentiel de cicatrisation secondaire que psychologiques
pour le patient, du fait de l’échec de la méthode conservatrice et de
ses contraintes socioprofessionnelles et sportives.
Compte tenu des délais d’immobilisation et de protection du
tendon (4 à 5 mois), la récupération fonctionnelle se fait en 9 à
12 mois, délai relativement long comparé aux autres méthodes.

Traitement fonctionnel
Historique
Des auteurs suisses et surtout allemands [3, 4] ont proposé un
traitement véritablement fonctionnel à partir de 1990. Le principe
138 Traumatisme de la cheville

est simple  : utiliser un moyen d’immobilisation empêchant la


12 flexion dorsale passive tout en autorisant la flexion plantaire active,
l’appui n’étant pas interdit.
Pour atteindre cet objectif, ils ont d’abord utilisé des moyens arti-
sanaux comme la simple adjonction d’une talonnette sous la chaus-
sure avec ou sans le port surajouté d’une orthèse empêchant la
flexion dorsale. Les travaux ultérieurs [2] ont eu davantage recours
à des chaussures déjà aménagées par le fabricant (Variostabil ®,
Vacoped ®, Donjoy®, Aircast®…) offrant l’avantage d’une utilisation
simple, d’un confort certain, (l’appui étant autorisé) et la possibi-
lité d’une mise en tension progressive du tendon puisque l’équin
est réglable.
L’évaluation de ce type de traitement a bénéficié de l’apport de
l’échographie pour analyser la réductibilité du diastasis des extré-
mités tendineuses par la mise en équin du pied et le suivi de la
cicatrisation.
Protocole actuel
Il comprend une courte immobilisation (1 à 3 jours) par attelle
plâtrée en équin, sans appui pour diminuer l’œdème initial et favo-
riser le contact tendineux (contrôlé par échographie). L’orthèse est
mise en place en maintenant le pied en équin. Elle comporte géné-
ralement une coque postérieure et une coque antérieure réunies
par des sangles et un système de cale amovible pour surélever le
talon et régler l’angle de flexion plantaire.
Ainsi, la cheville est non seulement immobilisée avec un équin
modulable dans une orthèse rigide et confortable, mais la possi-
bilité d’enlever la coque antérieure permet un déchaussage sans
risque pour les soins d’hygiène et les examens clinique et échogra-
phique de contrôle, tout en maintenant le pied en flexion plantaire.
Après la mise en place de l’orthèse, le patient peut reprendre l’appui
total et débuter des exercices de contractions musculaires isomé-
triques pour lutter contre l’amyotrophie.
L’orthèse doit être maintenue jour et nuit pendant 6 semaines, puis
seulement le jour pendant les semaines suivantes. La surélévation
initiale préconisée du talon est de 3 à 4 cm. À partir de la 6e semaine,
la hauteur du système de cale peut être réduite par tranches suc-
cessives de 1 cm en fonction du bilan clinique et échographique.
Résultats du traitement fonctionnel [1-4]
L’analyse des premières séries montre que les résultats sur la
cicatrisation sont aussi bons qu’avec un traitement orthopédique.
Le taux de rupture itérative est fortement abaissé (entre 0 et 5 %
selon les études). Il est clairement lié à la persistance d’un diasta-
sis en flexion plantaire lors de l’échographie initiale et à la com-
pliance du patient aux contraintes du traitement. C’est la raison
pour laquelle les auteurs ne recommandent celui-ci qu’en cas de
Place du traitement conservateur dans les ruptures récentes et anciennes du tendon calcanéen 139

diastasis tendineux inférieur à 5  mm et insistent pour que des


informations claires et précises soient données au patient afin que
celui-ci ne soit pas tenté de porter l’orthèse selon sa convenance
ou d’écourter la durée du traitement. Outre l’avantage majeur que
représente la liberté de déambuler avec une indisponibilité profes-
sionnelle moins longue, la méthode fonctionnelle entraîne moins
d’amyotrophie avec des tests de force musculaire type Cybex® ou
Biodex® très satisfaisants.
Par ailleurs, la possibilité de contrôles clinique et échographique
pendant le traitement permet d’adapter la diminution progressive
de l’équin et la durée du port de l’orthèse. Toutefois, il convient
d’attendre d’autres publications multicentriques confirmant les
bons résultats des premiers travaux allemands et suisses avant d’af-
firmer définitivement sa supériorité sur le traitement orthopédique
classique.

La rééducation post-immobilisation est-elle utile ?


Les différentes études publiées [2] ne sont pas unanimes quant
au délai de mise en route et à la qualité des exercices à proposer
(autorééducation, kinésithérapeutes) s’expliquant en partie par une
adaptation du traitement à la population intéressée (sportif, séden-
taire, sujet plus ou moins âgé…). Bien qu’il n’existe pas actuelle-
ment de séries soulignant l’influence ou non de la rééducation sur
le taux de rupture itérative, l’expérience démontre que la récupé-
ration du schéma de marche, perturbé du fait de l’immobilisation
prolongée, est facilitée par l’intervention d’un kinésithérapeute.
L’intervention de ce professionnel permettra également de conseil-
ler le patient sur les exercices autorisés afin de respecter une méca-
nisation progressive du tendon.

Traitement conservateur et indisponibilité professionnelle


Le traitement conservateur, tel qu’il était pratiqué par beaucoup
d’auteurs jusque dans les années 1994-1995, imposait une immo-
bilisation d’au moins 8 à 10 semaines dont la moitié sans appui, ce
qui, compte tenu de la gêne occasionnée par rapport à la déambu-
lation, obligeait un grand nombre de patients à un arrêt de travail
couvrant au moins la période de décharge totale. Avec les nou-
veaux protocoles [2], la mise en appui quasi immédiate a évincé cet
inconvénient, ce qui a élargi ses indications aux sujets pour lesquels
l’indisponibilité professionnelle était l’argument majeur pour choi-
sir un traitement chirurgical.
Par ailleurs, la durée de l’arrêt de travail étant diminuée, le coût
économique du traitement s’en trouve réduit.
140 Traumatisme de la cheville

12 Traitement conservateur et reprise sportive


Une reprise sportive plus tardive a longtemps été une autre des
principales critiques faites au traitement conservateur utilisant
l’immobilisation plâtrée, en raison d’une amyotrophie et surtout
d’une raideur articulaire longues à récupérer. Sauf pour les sportifs
professionnels, on constate que d’autres paramètres vont influen-
cer la reprise ou non des activités, notamment l’appréhension et
la motivation, souvent affectées par l’accident, quel que soit le
traitement institué initialement.

Indications thérapeutiques
dans la rupture récente du tendon calcanéen

À la classique controverse entre traitement chirurgical et ortho-


pédique [5], l’apparition et le développement des techniques percu-
tanées [6, 7] et fonctionnelles [3, 4] n’ont cependant toujours pas
permis de conclure à la supériorité d’un traitement par rapport à
un autre. En effet, les résultats sont comparables à un an, en l’ab-
sence de complications (même si les critères d’évaluation objectifs
et subjectifs n’ont pas toujours été identiques).
Compte tenu de l’impossibilité d’envisager des études prospectives
et randomisées des quatre grands axes thérapeutiques, seules l’ana-
lyse des résultats et des complications avec l’évaluation du rap-
port bénéfice/risque pour chaque technique peuvent permettre de
préciser les indications de chacun de ces traitements.
Ainsi, les méthodes orthopédiques et fonctionnelles ne nécessitent
pas d’hospitalisation ni d’anesthésie, ne présentent aucun risque
de complications cutanées ou infectieuses, mais le traitement
orthopédique impose une immobilisation prolongée de la cheville
(supérieure ou égale à 10 semaines) avec des délais de récupération
longs. Quant au traitement fonctionnel, il nécessite de contrôler
le contact tendineux après mise en équin par une échographie. Il
faut également une bonne coopération du patient vis-à-vis du port
de l’orthèse si l’on veut éviter l’allongement tendineux séquellaire
conduisant à un mauvais résultat final.
Les traitements chirurgicaux par suture à ciel ouvert sont plus sûrs
d’obtenir un contact tendineux favorable à une cicatrisation solide
respectant la longueur du tendon, mais imposent une hospitalisa-
tion et des difficultés de suture ou de laçage pouvant entraîner des
complications cutanées et parfois infectieuses graves.
Un bilan clinique et échographique préopératoire peut toute-
fois autoriser des voies d’abord moins invasives pour réaliser le
laçage, l’utilisation d’une orthèse de traitement fonctionnel et
Place du traitement conservateur dans les ruptures récentes et anciennes du tendon calcanéen 141

une rééducation plus précoce, favorable à la qualité de la cicatrice


tendineuse et à la trophicité du triceps.
Le traitement percutané peut apparaître comme le compromis idéal
entre traitement chirurgical et conservateur, avec des résultats aux
tests d’évaluation de la force musculaire plus performants, ce qui
en fait, en théorie, la technique de choix pour les sujets sportifs et
motivés. Les problèmes de tolérance du matériel et les contraintes
pour le patient et le chirurgien dans le suivi du protocole de réédu-
cation ne sont toujours pas adaptés aux patients sédentaires dont la
demande fonctionnelle est moins importante.
En pratique, il est possible de proposer un arbre décisionnel théra-
peutique en fonction :
– du type de rupture  : niveau, ancienneté, mais également
importance de la dilacération et son aspect après mise en équin
du pied évaluée par la clinique mais surtout par l’échographie ;
– du patient  : âge, niveau d’activités sportives et contraintes
professionnelles ;
– de l’expérience et de l’habitude du praticien.

En fonction du type de la rupture


Les ruptures hautes sont surtout « orthopédiques » et les rup-
tures basses, a fortiori avec désinsertion, sont toujours « chirurgi-
cales  ». Les ruptures en plein corps, les plus fréquentes, peuvent
bénéficier de tous les traitements en urgence, mais si l’ancienneté
de la lésion dépasse les 8 jours, les techniques chirurgicales à ciel
ouvert doivent être privilégiées.
En cas de dilacération avec un aspect de pseudo-continuité à l’écho-
graphie pratiquée sur le pied en équin, le traitement conservateur
est plus indiqué que le traitement chirurgical  ; à l’opposé, une
rupture nette avec persistance d’un diastasis entre les extrémités
tendineuses justifie d’une technique chirurgicale.

En fonction du patient
Un sujet sportif, a fortiori compétiteur, bénéficiera plus facile-
ment d’une technique chirurgicale, au mieux percutanée, avec des
suites utilisant le concept du traitement fonctionnel. En revanche,
un sujet âgé ou présentant des contre-indications locales ou géné-
rales à un geste chirurgical, voire à une immobilisation prolongée,
représente le profil idéal pour le recours à un traitement fonctionnel.
En fait, l’indication est surtout difficile pour le patient actif ayant
des activités sportives de loisirs et qui présente une rupture franche
en plein corps du tendon calcanéen.
Dans l’absolu, c’est la balance entre son désir de retour à son niveau
sportif antérieur et ses contraintes socioprofessionnelles, parfois
142 Traumatisme de la cheville

incompatibles avec une hospitalisation ou un protocole postopé-


12 ratoire contraignant, qui doit guider le choix thérapeutique. Mais
c’est encore trop souvent les habitudes du thérapeute : traitement
chirurgical pour les chirurgiens et traitement conservateur pour
les médecins, qui influencent le choix thérapeutique et exposent le
patient aux complications surtout de la chirurgie, à des contraintes
mal respectées ou des résultats fonctionnels insuffisants expli-
quant la persistance de rupture ancienne du tendon calcanéen vue
secondairement.

En fonction de l’ancienneté de la lésion


On a longtemps retenu le délai d’une semaine comme étant
la date limite au-delà de laquelle le traitement orthopédique ne
pouvait être appliqué sous peine d’augmenter le risque de cicatri-
sation avec allongement du tendon, le diastasis entre les deux moi-
gnons ayant suffisamment perduré pour ne plus être réductible
par immobilisation en équin, le comblement s’étant fait par un cal
fibreux.
Cependant, la localisation de la rupture doit être un argument
décisif dans la réflexion sur le choix thérapeutique, de même que
l’aspect lésionnel : rétraction des moignons ? Présence d’un tissu
d’interposition ? Réduction du diastasis en équin ? Le recours quasi
systématique à l’imagerie, notamment l’IRM, permet d’obtenir les
réponses indispensables à la prise de décision pour ses ruptures
vues tardivement.

Conclusion

Victime d’une pléthore de modalités, dont certaines respon-


sables d’un taux élevé de complications en raison d’un concept ou
d’une application peu rigoureux, le traitement conservateur des
ruptures du tendon calcanéen a longtemps été décrié dans la lit-
térature. La tendance récente des méthodes à délaisser de plus en
plus l’immobilisation stricte sans appui pour une prise en charge
plus fonctionnelle avec orthèse amovible et appui immédiat tout
en diminuant le risque de rupture itérative obligent à reconsidérer
les notions qui définissent ce moyen thérapeutique.
Les résultats fonctionnels n’ayant jusqu’à présent montré quasi-
ment aucune différence entre les différentes méthodes thérapeu-
tiques, il ne s’agit pas de vouloir essayer d’abandonner à tout prix
le traitement conservateur au profit de la chirurgie ou vice-versa
mais, au contraire, d’apprécier l’alternance thérapeutique offerte
comme une possibilité de répondre avec plus de souplesse à la
Place du traitement conservateur dans les ruptures récentes et anciennes du tendon calcanéen 143

grande diversité des lésions observées tant par leur topographie que
leur ancienneté et les populations intéressées.

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Achilles tendon. A new technique. Clin Orthop 128: 247-55
Place du traitement chirurgical
dans la rupture aiguë du tendon calcanéen 13
F. KHIAMI, S. BESCH, E. ROLLAND

Points essentiels
t La rupture du tendon calcanéen à la jonction myotendineuse est traitée
orthopédiquement ou fonctionnellement, et est exceptionnellement
chirurgicale.
t La rupture à l’insertion basse est toujours chirurgicale.
t La rupture en plein corps peut être traitée fonctionnellement,
orthopédiquement ou chirurgicalement.
t Les techniques percutanées semblent donner de bons résultats mais les
suites opératoires sont exigeantes.
t Le taux de rupture itérative après chirurgie est inférieur à 5 %.

Introduction

L’incidence de la rupture du tendon calcanéen est en augmen-


tation notable depuis le développement considérable des activités
sportives de loisir et depuis l’amélioration des techniques d’ima-
gerie. Elle serait de 18 à 37 cas pour 100 000 personnes par an en
fonction des enquêtes épidémiologiques, avec une prédominance
masculine entre 30 et 50 ans [1]. Il s’agit donc d’un motif fréquent
de consultation dans les services d’urgence ou dans les cabinets
spécialisés, notamment de médecine sportive, qui nécessite une
prise en charge adaptée pour ne pas laisser s’installer les séquelles.
Si la physiopathologie n’est probablement pas univoque pour expli-
quer des ruptures survenant pour un traumatisme minime ou à un
âge inhabituel, l’anatomopathologie et surtout la topographie de la

F. Khiami ( ), Service de chirurgie orthopédique et traumatologie du sport, Hôpital de la


Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris – e-mail : frederic.khiami@psl.aphp.fr
S. Besch, Service de rééducation fonctionnelle et traumatologie du sport du Dr de Lécluse,
Hôpitaux de Saint-Maurice, 94410 Saint-Maurice
E. Rolland, Service de chirurgie orthopédique, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
146 Traumatisme de la cheville

lésion tendineuse peuvent être également variables pour des raisons


13 anatomiques, ce qui conduit à distinguer trois niveaux de rupture :
– les ruptures en zone moyenne hypovascularisée, les plus
fréquentes ;
– les ruptures hautes de la jonction musculo-tendineuse ;
– les ruptures basses avec désinsertion tendineuse du calcanéum.
Concernant le type de lésion, la rupture peut survenir :
– au même niveau des différents faisceaux de collagène = sec-
tion franche ;
– à des niveaux différents, réalisant une dilacération tendineuse
= rupture «  spaghetti  » et pseudo-continuité tendineuse. Ceci
peut expliquer pourquoi certaines échographies peuvent dia-
gnostiquer une rupture partielle ou ne pas faire le diagnostic
d’une rupture pourtant totale.
La gaine aponévrotique, toujours respectée lors de la rupture (avec
le tendon du plantaire grêle), préserve dans l’hématome lésionnel
les facteurs cellulaires responsables de la régénération tendineuse.
Ainsi, la compréhension de l’anatomopathologie permet d’expli-
quer non seulement les erreurs diagnostiques et les pièges de l’ima-
gerie en cas de pseudo continuité, mais également le potentiel de
cicatrisation important et les possibilités thérapeutiques en fonc-
tion de la topographie et du type lésionnel de la rupture.
Si le traitement orthopédique a longtemps été un « gold standard »
thérapeutique, le taux de rupture itérative et la longueur des suites
ont incité au développement de la chirurgie pour « sécuriser » la
guérison et accélérer la récupération, surtout dans des populations à
haute demande fonctionnelle. Cependant, la chirurgie a ses limites
avec, d’une part, certaines lésions anatomiques peu accessibles
à la suture et, d’autre part, des complications spécifiques d’une
intervention chirurgicale (infection, nécrose cutanée, lésions du
nerf sural…), notamment lorsque des facteurs de risque locaux ou
généraux compliquent la rupture (corticothérapie, âge, tabac…).

Traitement chirurgical conventionnel


Techniques chirurgicales conventionnelles
Tout comme les traitements orthopédiques, elles ont été parti-
culièrement nombreuses et variées en fonction de l’installation du
malade, la voie d’abord, la méthode de réparation tendineuse, les
moyens utilisés pour cette réparation (fils résorbables ou non) et
les protocoles postopératoires. Toutefois, il est possible de décrire
une technique de référence comme consensus de la revue de la
littérature.
Place du traitement chirurgical dans la rupture aiguë du tendon calcanéen 147

Sous anesthésie générale ou locorégionale, un garrot pneumatique


à la racine du membre, le patient est installé en décubitus ventral
avec le pied libre dépassant l’extrémité de la table pour favoriser la
mise en équin. La voie d’abord est plutôt para-achilléenne médiale
pour limiter les troubles neurologiques secondaires dans le terri-
toire des branches du nerf sural.
L’incision de la gaine aponévrotique doit se faire sans décollement
dans le plan de l’incision cutanée, ni traction excessive pour évi-
ter le risque de complications cutanées secondaires. Les extrémités
tendineuses sont alors régularisées après nettoyage de l’hématome
par excision a minima au niveau de la zone de rupture en respec-
tant le tendon du plantaire grêle.
Le bilan lésionnel peut alors préciser le type de rupture : franche
ou dilacération, moyenne ou basse, avec ou sans désinsertion, pour
adapter la technique de réparation (fig. 1) :
– en cas de rupture franche, une suture tendineuse directe peut
être réalisée et doit permettre un affrontement tendineux ana-
tomique et stable lors des manœuvres de mobilisation de la che-
ville et de la mise en tension du tendon ;
– en cas de dilacération, la réparation utilise un laçage qui prend
appui en zone saine (parfois très haut ou très bas) ;
– en cas de désinsertion du tendon sur le calcanéum, une réinser-
tion transosseuse doit être réalisée. Elle peut être effectuée dans
une tranchée osseuse par des points en U transosseux ou par un
cadrage type double U inversé, plus résistant.

Fig. 1 – Rupture-dilacération du tendon calcanéen sur toute la hauteur de l’incision. Il existe


une pseudo-continuité tendineuse. La pince montre la gaine péritendineuse qui est toujours
respectée lors de l’intervention.
148 Traumatisme de la cheville

La réparation tendineuse étant réalisée et sa résistance évaluée,


13 la gaine aponévrotique doit être systématiquement et soigneu-
sement refermée. Il est conseillé de vérifier l’hémostase après
lâchage du garrot avant la fermeture en trois plans, sur un drain
de Redon aspiratif, par des points séparés sur la peau.
La mise en place d’une attelle plâtrée en équin non forcé (pour
éviter un effet ischémiant sur la peau) permet la surveillance de la
cicatrice jusqu’à l’ablation du Redon et la confection d’une botte
plâtrée ou en résine, en équin physiologique. L’immobilisation
postopératoire est habituellement de 6 semaines, le plus souvent
sans appui, sous couvert de cannes anglaises avant de débuter
une rééducation. La marche en appui complet est débutée rapi-
dement, sous couvert d’une talonnette de 2  cm dont la hauteur
doit être diminuée progressivement. L’héparinothérapie pré-
ventive est débutée dès le soir de l’intervention, et poursuivie
après la levée de l’immobilisation lorsque la déambulation est
satisfaisante.

Résultats des séries chirurgicales

Résultats habituels
Les résultats du traitement chirurgical conventionnel dans les
différentes séries publiées [2-5] sont très satisfaisants en l’absence
de problème de cicatrisation cutanée. La cicatrisation tendineuse
est obtenue dans plus de 98  % des cas avec un tendon épaissi
sans augmentation de la flexion dorsale moyennant une raideur
minime en flexion plantaire. Le délai de reprise progressive des
activités sportives est de 3 à 4 mois, plus précoce et plus sûr
qu’après un traitement orthopédique.

Complications
Plus que le risque de rupture itérative (inférieur à 3  %), ce
sont surtout les problèmes de cicatrisation cutanée estimés entre
10 et 20  %, qui pénalisent les résultats du traitement chirurgi-
cal conventionnel. Ils peuvent être à l’origine de complications
infectieuses graves (2 à 3  %) avec désunion cutanée et nécrose
septique du tendon, imposant une excision chirurgicale. Le
plus souvent, les complications cicatricielles sont bénignes mais
très fréquentes (jusqu’à 20  % selon les séries), incluant adhé-
rences, cicatrice croûteuse instable et parfois névrome ou conflit
avec la chaussure. Elles génèrent des douleurs à la reprise de la
marche ou à la course, ainsi qu’une gêne fonctionnelle parfois
permanente sans solution thérapeutique vraiment efficace.
Place du traitement chirurgical dans la rupture aiguë du tendon calcanéen 149

Évolution des techniques chirurgicales : le mini-invasif

Justification
Du fait de ces complications, certaines modifications de la tech-
nique chirurgicale conventionnelle classique doivent être aban-
données (plastie tendineuse d’emblée), alors que d’autres méritent
d’être conservées (abord mini-invasif).
Le recours à une colle biologique, parfois utilisée seule par certains
[6], peut devenir une alternative simple et efficace à la suture ten-
dineuse si les résultats des premières séries sont confirmés.
Pour éviter plus sûrement les complications cutanées et infectieuses,
certains auteurs ont proposé à la suite d’une publication d’Aldam
[7] des techniques mini-invasives. Le principe est de réduire la voie
d’abord à la zone de rupture par une incision cutanée horizon-
tale limitée (2 à 3 cm), mais suffisante pour réaliser et vérifier le
contact des extrémités tendineuses. Certaines techniques décrivent
des méthodes de suture directe, mais d’autres nécessitent l’utili-
sation d’un appareillage spécial dont le plus connu est l’achillon
d’Assal [8]. L’analyse des séries chirurgicales [9, 10] semble montrer
de meilleurs résultats anatomiques et fonctionnels qu’avec les tech-
niques classiques. Il n’y a quasiment pas de complications locales,
mais un risque de rupture itérative persistant, expliqué par le type
de la lésion tendineuse dont la suture n’est pas toujours accessible
à une voie d’abord limitée ou par un protocole postopératoire non
respecté compte tenu de la simplicité des suites.
Malgré ces bons résultats, au début des années 1990, les difficultés
techniques ou la disponibilité d’un appareillage adapté ont plutôt
favorisé le développement des techniques percutanées.

Exemple de technique percutanée


La première technique de réparation percutanée de la rupture
du tendon calcanéen a été publiée en 1977 par Ma et Griffith [11],
avec passages successifs des fils de suture par allers-retours utilisant
les mêmes orifices cutanés et nœuds enfouis à la face latérale du
tendon. C’est surtout Delponte et al. [12] en France qui a repris le
concept de la ténorraphie percutanée, proposé un matériel adapté
à une technique simple et reproductible (le Tenolig®) et publié les
premiers résultats en 1992.
Le matériel comprend deux fils de Dacron d’une longueur de
33  cm et, pour chaque fil, un harpon de 5  mm de large, une
aiguille à bout triangulaire de 16  cm, une rondelle de silastic et
un plomb perforé. Une courte incision cutanée (inférieure à 1 cm)
avec dissection du tissu sous-cutané permet d’introduire l’aiguille
150 Traumatisme de la cheville

sous contrôle de la vue au niveau de la gaine du fragment proximal.


13 Un contrôle digital permet de suivre sa progression, en particulier
dans la zone de rupture et facilite son passage dans le fragment
distal. L’extrémité de l’aiguille est récupérée dans la fossette rétro-
malléolaire et le fil tiré jusqu’à ce que le harpon vienne se fixer
sur la gaine du tendon proximal. Un second fil est ensuite mis en
place de façon identique, en parallèle, avant de mettre le pied en
équin, contrôler à la palpation le contact tendineux et tendre les
deux fils qui seront bloqués par les plombs sur la rondelle de silas-
tic (convexité sur la peau). Le bout proximal des fils est laissé libre
pour l’ablation future, un pansement simple est réalisé et parfois
une attelle de protection mise en place.
Les suites opératoires sont très variables selon les opérateurs en ce
qui concerne le début de la rééducation active de la cheville (pour
lutter contre les adhérences et l’amyotrophie) et la reprise de l’ap-
pui avant l’ablation des fils de Tenolig® sous anesthésie locale au
45e jour. Le protocole de rééducation a donné lieu à de nombreuses
divergences et parfois à des résultats anatomiques et fonctionnels
décevants (allongement tendineux, rupture partielle secondaire,
kyste intratendineux), à l’origine de critiques sévères de la tech-
nique par les partisans du traitement orthopédique et chirurgical
conventionnel. Cependant, ce protocole de suites a été considé-
rablement amélioré, permettant de potentialiser le résultat, mais
restant toutefois exigeant dans son observance.

Des résultats encourageants mais des suites exigeantes


Une étude prospective incluant 421 ruptures a confirmé la fia-
bilité de la technique. L’analyse de la population sportive a montré
la qualité des résultats fonctionnels avec une reprise du sport au
même niveau pour 85 % des compétiteurs et des tests musculaires
à 90 % de récupération. Ces résultats comparés aux séries publiées
évaluant non seulement le résultat anatomique mais également le
résultat fonctionnel semblent promouvoir la technique percutanée
au rang de technique de choix pour la population sportive, sous
réserve de respecter un protocole postopératoire actif, progressif et
contrôlé.
Toutefois, les autres techniques chirurgicales voire orthopédiques
gardent leurs partisans a fortiori lorsque la demande sportive n’est
pas au premier plan, et ce, pour plusieurs raisons :
– la coopération et les contraintes du suivi (pouvant expliquer la
persistance de rupture itérative) ;
– la tolérance du matériel (lésions cutanées) chez les patients
plus âgés ;
– l’existence de douleurs (cutanées mais parfois neurologiques)
avec difficultés d’adaptation à l’orthèse de marche.
Place du traitement chirurgical dans la rupture aiguë du tendon calcanéen 151

En pratique, il est possible de proposer un arbre décisionnel théra-


peutique en fonction successivement :
– du type de la rupture, à la fois son niveau et son ancienneté,
mais également l’importance de la dilacération et son aspect
après mise en équin du pied évaluée par la clinique mais surtout
par l’échographie ;
– du patient  : âge, niveau, activités sportives et contraintes
professionnelles ;
– de l’expérience et de l’habitude du praticien.
En fonction du type de la rupture
Les ruptures hautes sont surtout orthopédiques et les ruptures basses
a fortiori avec désinsertion sont toujours chirurgicales. Les ruptures en
plein corps, les plus fréquentes, peuvent bénéficier de tous les traite-
ments en urgence, mais si l’ancienneté de la lésion dépasse les 8 jours,
les techniques chirurgicales à ciel ouvert doivent être privilégiées.
En cas de dilacération avec un aspect de pseudo-continuité à
l’échographie après mise en équin, le traitement conservateur est
plus indiqué que le traitement chirurgical ; à l’opposé, une rupture
nette avec persistance d’un diastasis entre les extrémités tendineuses
justifie d’une technique chirurgicale.
En fonction du patient
Nous avons vu qu’un patient sportif a fortiori compétiteur doit
bénéficier d’une technique chirurgicale au mieux percutanée avec
des suites de traitement fonctionnel. En revanche, un sujet âgé ou
présentant des contre-indications locales ou générales à un geste
chirurgical voire à une immobilisation prolongée représente le
profil idéal à un traitement fonctionnel.
En fait, l’indication est surtout difficile pour le patient actif avec
des activités sportives de loisirs qui présente une rupture franche en
plein corps du tendon calcanéen.
Dans l’absolu, c’est la balance entre son désir de retour à son niveau
sportif antérieur et ses contraintes socio-professionnelles, qui doit
guider le choix thérapeutique.
La chirurgie reste donc une indication de choix dans la rupture aiguë
du tendon calcanéen au même titre que d’autres alternatives plus
conservatrices. Toutes ces solutions ne s’opposent pas forcément,
hormis dans certaines situations précises dans lesquelles la chirurgie
s’impose, telle la désinsertion calcanéenne à titre d’exemple.

Conclusion

À la classique controverse entre traitement chirurgical et ortho-


pédique, avec de très nombreuses séries comparatives (méta-analyse
152 Traumatisme de la cheville

de Lynch [2]) mais dont seulement quatre ont été randomisées


13 [5, 9, 13, 14] (tableau I), l’apparition et le développement des tech-
niques percutanées [13, 15] et fonctionnelles [16, 17] n’a toujours
pas permis actuellement de conclure à la supériorité d’un traite-
ment par rapport à un autre. Les résultats sont comparables à un
an, en l’absence de complications (même si les critères d’évaluation
objectifs et subjectifs n’ont pas toujours été identiques).
Tableau I – Séries comparatives randomisées du traitement chirurgical vs
orthopédique.

Nistor Cetti Möller


Complications Conser- Conser- Conser-
Chirurgical Chirurgical Chirurgical
vateur vateur vateur
Majeures 45 60 56 55 59 53
Re-rupture 4,5 % 8 % 5,4 % 14,5 % 1,7 % 20,8 %
Allongement
- - 0 1,8 % - 1,9 %
tendineux
Infection
4,4 % - 3,6 % 0 - -
profonde
Fistule
4,4 % - - - - -
chronique
Total 13,3 % 8% 9% 16,3 % 1,7 % 22,7 %
Mineures
Infection
- - 0 0 1,7 % -
superficielle
Retard de
- - 1,8 % 0 0 -
cicatrisation
Adhérences 8,9 % - 10,7 % 3,6 % 13,6 % -
Déficit sensitif 20 % - 12,5 % 1,8 % 1,7 % -
Total 28,9 % 0 25,8 % 5,4 % 17 % 0

Compte tenu de l’impossibilité d’envisager des études prospec-


tives et randomisées des quatre propositions thérapeutiques, seules
l’analyse des résultats et des complications avec évaluation du rap-
port bénéfice risque de chaque technique peuvent permettre de
préciser les indications thérapeutiques.
Comparativement aux traitements orthopédiques et à la chirur-
gie percutanée, les traitements chirurgicaux par suture à ciel
ouvert sont plus sûrs d’obtenir un contact tendineux favorable à
une cicatrisation solide respectant la longueur du tendon, mais
imposent parfois une hospitalisation et des difficultés de suture ou
Place du traitement chirurgical dans la rupture aiguë du tendon calcanéen 153

de laçage pouvant entraîner des complications cutanées et parfois


infectieuses graves.
Un bilan clinique et échographique préopératoire peut toutefois
autoriser des voies d’abord moins invasives pour réaliser le laçage,
l’utilisation d’une orthèse de traitement fonctionnel et une réédu-
cation plus précoce, favorable à la qualité de la cicatrice tendineuse
et à la trophicité du triceps [18].
Le traitement percutané peut apparaître comme le compromis
idéal entre traitement chirurgical et conservateur, avec des résultats
de test d’évaluation de force musculaire les plus performants, qui
en fait la technique de choix pour les patients sportifs et motivés.
Les problèmes de tolérance du matériel et les contraintes pour le
patient et le chirurgien dans le suivi du protocole de rééducation ne
sont toujours pas adaptés aux patients sédentaires dont la demande
fonctionnelle est moins importante.

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Luxation
des tendons fibulaires II-3B
Luxation des tendons fibulaires
14
F. KHIAMI, A. MEYER, E. ROLLAND ET Y. CATONNÉ

Points essentiels
t Le diagnostic de luxation des fibulaires est rarement fait à la phase aiguë.
t Le diagnostic est clinique et facilité par l’échographie.
t Le test de Sobel peut reproduire la luxation et permettre un diagnostic
de certitude.
t La radiographie est indispensable et peut permettre le diagnostic dans le
stade 3.
t Le traitement de référence est chirurgical.

Introduction

La première luxation des tendons fibulaires a été décrite par


Monteggia [1] en 1803 chez une danseuse de ballet qui avait pré-
senté une entorse de cheville aux suites difficiles. Le diagnostic
de luxation des fibulaires, passée inaperçue, fut établi secondaire-
ment. La luxation des tendons fibulaires ne constitue que 0,5 %
à 1 % des traumatismes de la cheville. Cette rareté lésionnelle est
probablement proportionnelle à la difficulté du diagnostic initial,
souvent méconnu et confondu avec la classique entorse latérale de
cheville. Cette pathologie prédomine chez les hommes jeunes avec
un pic entre 20 et 25 ans. Le mécanisme classique de luxation
est la dorsi-flexion en éversion contrariée, contrairement au méca-
nisme classique en varus de l’entorse latérale. L’examen clinique est
souvent difficile dans un contexte traumatique aigu expliquant le
retard diagnostique.

F. Khiami1 ( ), A. Meyer2, E. Rolland3, Y. Catonné4 – 1. Service de chirurgie orthopédique


et traumatologie du sport, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris – e-mail  :
frederic.khiami@psl.aphp.fr – 2. Service d’orthopédie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
75013 Paris – 3.  Service de chirurgie orthopédique, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
75013 Paris – 4. Service d’orthopédie, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris.
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
158 Traumatisme de la cheville

De nombreuses anomalies peuvent expliquer pourquoi ces tendons


14 peuvent devenir instables. Ces éléments doivent être recherchés et
traités dans le même temps que la stabilisation des fibulaires pour
éviter la récidive.
Pour la majorité des auteurs, le traitement fonctionnel est grevé
d’un taux de récidive important et le traitement orthopédique reste
inférieur à la chirurgie. De nombreuses techniques chirurgicales
ont été décrites. La technique de réinsertion du rétinaculum reste
la référence par sa simplicité d’exécution et ses excellents résultats.

Anatomie

L’anatomie descriptive de la région malléolaire latérale inclut


les structures musculo-tendineuses constantes et inconstantes, les
structures osseuses et les éléments de stabilité des tendons fibulaires.
Le peroneus longus et le peroneus brevis sont les deux muscles
principaux du compartiment latéral de la jambe. Leurs variations
anatomiques sont nombreuses et l’on décrit principalement quatre
structures musculaires accessoires : les peroneus minimi, quartus,
brevis bifide et digiti quinti. Les études anatomiques d’Hecker [2]
ont rapporté une prédominance de 21 % pour le peroneus quartus
et de 27 % pour le peroneus digiti quinti [3]. Ces tendons surnu-
méraires, lorsqu’ils sont présents peuvent favoriser la luxation des
fibulaires.
Sur le plan ostéologique, la gouttière rétromalléolaire latérale partici-
perait à la stabilité des tendons fibulaires par sa forme classiquement
concave qui constitue un tunnel ostéofibreux, fermé en arrière par le
rétinaculum proximal des fibulaires. Pourtant, Edwards a décrit une
forme de gouttière plate [4] potentialisant l’instabilité tendineuse.
Eckert [5] et, plus récemment, Kumai [6] ont montré que l’aspect
concave est majoré par un renfort fibrocartilagineux de 4 centimètres
de long situé au bord postéro-latéral de la malléole, participant à
la stabilité des tendons fibulaires, et s’intégrant fonctionnellement
avec le rétinaculum supérieur. Celui-ci est l’élément fondamental
de la stabilité tendineuse. Il fait suite au périoste malléolaire et est
constamment lésé en cas de luxation des tendons fibulaires.

Clinique

Cette lésion affecte plus particulièrement le sujet jeune, sportif,


entre la deuxième et troisième décennie, avec une prédominance
masculine [7]. Le mécanisme est presque toujours en rapport avec
Luxation des tendons fibulaires 159

une violente contraction réflexe des muscles fibulaires, associée à


une dorsiflexion-éversion du pied. La force résultante plaque les
tendons contre la face postérieure de la fibula, déchire le rétinacu-
lum supérieur et expulse les tendons hors du tunnel lésé [7-9].
D’autres mécanismes [10] ont été décrits, aboutissant également à
la rupture de ce rétinaculum supérieur. L’inversion du pied tend le
ligament calcanéo-fibulaire (faisceau moyen du ligament collatéral
latéral de la cheville) et diminue le diamètre du tunnel ostéofibreux
rétromalléolaire latéral.
La luxation des tendons fibulaires est communément associée à la
laxité latérale de la cheville. Ceci est dû au fait que la rupture du
ligament collatéral latéral entraîne une augmentation importante
des contraintes appliquées sur le rétinaculum supérieur, surtout
dans les mécanismes en inversion lorsque l’arrière-pied est orienté
en varus [8]. Sorriaux et al. [11] ont mis en évidence l’association de
l’instabilité des fibulaires à une fracture du calcanéum.
Les variations anatomiques, musculaires ou osseuses, précédem-
ment décrites, peuvent participer à une luxation des tendons
fibulaires par plusieurs mécanismes. À la manière d’une loge à la
jambe, le tunnel ostéofibreux rétromalléolaire latéral est inexten-
sible (« contenant »), et seul le volume du contenu peut augmen-
ter. Nous pensons qu’une « asymétrie contenant/contenu » peut
suffire à expulser les tendons latéralement. Cette augmentation de
volume peut être le fait de plusieurs anomalies (corps musculaire
long et bas situé, jusque dans le tunnel rétromalléolaire, le pero-
neus quartus ou brevis bifidis… par exemple). Le dénominateur
commun provient de l’encombrement du tunnel rétromalléolaire
qui déchire le rétinaculum supérieur inextensible et expulse les
tendons fibulaires.
La lésion principale provient d’une rupture du rétinaculum supé-
rieur ou de ses attaches [12]. La classification la plus commune
est celle d’Eckert et Davis [5]. Elle comporte originellement trois
stades. Ferran et al. [13] ont proposé un stade 4 (0 à 5 %), tenant
compte de la désinsertion des attaches postérieures calcanéennes
du rétinaculum supérieur. Ce dernier est intact, tout comme ses
attaches antérieures.
En pratique courante, deux situations s’opposent.
– Dans la forme aiguë, une notion de traumatisme récent de la
cheville, de moins de 3 semaines oriente le début de l’histoire.
De la simple boiterie à l’impotence fonctionnelle totale, associée
à une « grosse cheville douloureuse », le tableau clinique peut
être trompeur, surtout en présence d’une fracture qui détourne
initialement du diagnostic. L’interrogatoire doit faire préciser
le mécanisme du traumatisme, qui est radicalement différent
de l’entorse banale de la cheville. Il faut rechercher des antécé-
dents d’instabilité chronique de la cheville qui doivent éveiller
les soupçons vers une cause d’instabilité autre que ligamentaire.
160 Traumatisme de la cheville

En dehors de l’examen habituel d’une cheville traumatique,


14 l’examen doit être rigoureux et rechercher une douleur rétro-
malléolaire, voire un claquement rétromalléolaire, un peu plus
spécifiques. Demander au patient de reproduire la luxation à
la phase aiguë s’avère difficile en raison des douleurs. La per-
ception d’une esquille osseuse mobile rétromalléolaire peut
orienter le diagnostic clinique, témoignant de l’arrachement de
l’attache ostéo-rétinaculaire antérieure, correspondant au stade
3 d’Eckert et Davis. Pour cette raison, la radiographie de che-
ville est indispensable car elle permet de porter le diagnostic
devant la découverte de cette esquille. Rarement, les tendons
fibulaires demeurent luxés à la face latérale de la malléole voire
en avant, permettant un diagnostic plus aisé.
– La forme chronique est la plus fréquemment rencontrée. Le
plus souvent, il s’agit d’un patient qui consulte pour un trauma-
tisme indirect de la cheville pour laquelle le diagnostic d’entorse
a été retenu. Le traitement de l’entorse est alors débuté mais
demeure inefficace à plus ou moins long terme. Parfois, le patient
consulte pour un tableau d’entorses récidivantes, sans que le
diagnostic n’ait été évoqué. L’inefficacité thérapeutique amène
le patient à une consultation spécialisée quelques semaines
voire quelques mois après permettant de corriger le diagnostic.
À la phase chronique, le patient peut parfois reproduire la
manœuvre luxante. Certains auteurs ont décrit une sensation
de ressaut rétromalléolaire (« popping ou snapping sensation »),
évoquant fortement le diagnostic devant une cheville doulou-
reuse et souvent instable. L’examinateur peut retrouver une
douleur, un empâtement, un crépitement voire des nodules
traduisant la souffrance tendineuse devenue chronique. La
manœuvre d’éversion contrariée associée à une pression rétro-
malléolaire majore l’instabilité tendineuse (test de Sobel) (fig. 1)
et peut reproduire la luxation.

Fig. 1 – Test de Sobel. La manœuvre consiste à réaliser une éversion contrariée qui peut
reproduire la luxation.
Luxation des tendons fibulaires 161

Examens complémentaires
Ils ne sont pas indispensables au stade initial lorsque le diagnos-
tic est évident. De la même manière, au stade de chronicité, dans
un contexte évocateur associé à un examen clinique sans équi-
voque, le bilan paraclinique peut se résumer au strict minimum.
Inversement, devant une évolution traînante malgré le traitement
institué, les examens complémentaires permettent souvent de cor-
riger un diagnostic erroné. Ces examens sont variés et d’apports
différents.
Au stade aigu, seules la radiographie et l’ échographie sont utiles.
La radiographie standard de cheville comporte deux clichés systé-
matiques de face et de profil, complétés au besoin d’une face en
rotation médiale de 20°, déroulant la mortaise tibio-talienne et
l’articulation tibio-fibulaire inférieure. Généralement, la radiogra-
phie standard est normale, ce qui doit être faussement rassurant.
Beaucoup plus rarement, le seul et très rare signe pathognomo-
nique de la luxation des fibulaires peut être mis en évidence, sous
la forme d’un fragment cortical postérieur de la malléole latérale
arraché en « coup d’ongle », définissant le stade 3 d’Eckert et Davis.
L’ échographie est le meilleur examen d’orientation et de dépistage
qui lève, à lui seul, entre des mains expérimentées, tout doute
diagnostique. L’échographie analyse la position des tendons, véri-
fie l’absence de « twist » tendineux, élimine une fissuration, une
rupture, détermine le contenu de la gaine et met en évidence une
anomalie du nombre de tendons. L’échographie permet en outre
d’analyser la cheville et le pied dans leur intégralité guidée par
l’examen clinique (plans ligamentaires, tendon calcanéen ou tibial
postérieur…). La rentabilité diagnostique, le faible coût, la disponi-
bilité associés aux caractères dynamique et comparatif de l’échogra-
phie en font un examen de référence dans la pathologie tendineuse,
en général, et de la cheville en particulier. Selon Grant [14], les
ultrasons peuvent être considérés comme l’examen de référence en
première intention pour établir un diagnostic de certitude.
Néanmoins, elle souffre des inconvénients classiques de l’échogra-
phie (opérateur-dépendant, courbe d’apprentissage longue, excel-
lence du matériel…), et de la difficulté de réaliser un examen de
contact sur une cheville douloureuse et œdématiée.
Au stade chronique, la radiographie reste utile, associée à l’IRM
ou à la tomodensitométrie (TDM). Cependant, ces examens ne
relèvent pas de l’urgence et sont utiles en consultations spécialisées.
L’imagerie par résonance magnétique [15] permet une excellente
analyse des parties molles, comme les anomalies myologiques
du peroneus quartus, les lésions fissuraires tendineuses, les sur-
nombres tendineux, les lésions des plans ligamentaires souvent
associées. L’IRM dynamique aura probablement sa place dans les
années à venir.
162 Traumatisme de la cheville

La tomodensitométrie [15, 16] a évolué ces dernières années, avec


14 notamment la possibilité de réaliser des images en trois dimen-
sions « 3D volumes rendus », de modifier la densité tissulaire après
les acquisitions en coupes fines (jusqu’à 1 mm) et afin d’analyser
successivement le tissu osseux, le tissu tendineux et leurs rapports.
Cet examen est très rentable dans le cadre d’un traumatisme aigu
de l’arrière pied sur lequel il dépiste et précise les fractures parcel-
laires du calcanéum, du talus ou de la malléole latérale associé à un
arrachement de l’attache postérieur du rétinaculum, initialement
passés inaperçus sur la radiographie standard. Couplée à une opa-
cification de la gaine des fibulaires, elle augmente la rentabilité de
l’examen. Enfin, elle permet, contrairement à l’IRM, une excel-
lente analyse et une cartographie des structures osseuses comme
la forme et la taille de la gouttière rétromalléolaire latérale, par
exemple.
La ténoscopie des tendons fibulaires : Van Djik [17] s’est attaché à
définir le rôle de la technique tendinoscopique dans la pathologie
des tendons fibulaires, mais cette prise en charge reste marginale.
La tendinoscopie permet de mettre en évidence des lésions pas-
sées inaperçues à l’imagerie même la plus évoluée ; c’est le cas des
muscles surnuméraires, d’un corps musculaire bas situé. On peut
mettre en évidence les lésions responsables des douleurs chro-
niques, mal visualisées par l’imagerie traditionnelle comme les
fissures tendineuses, la synovite ou encore des nodules.

Traitement

Le plus souvent, la prise en charge d’une luxation des tendons


fibulaires se fait en chronique, secondairement, et rares sont ceux
qui peuvent justifier de longues séries dont le début de la prise en
charge commence le jour de la luxation.
La chirurgie est le traitement de choix quelle que soit la durée
d’évolution (aiguë ou chronique). Cependant, si la luxation est
dépistée tôt, le traitement orthopédique présente quelques indi-
cations contrairement au traitement fonctionnel progressivement
abandonné.
Le traitement fonctionnel comprend la mise en place d’un strapping
et la mise en charge précoce guidée par la douleur. Néanmoins,
cette méthode thérapeutique a progressivement été abandonnée
par son taux de récidive important, jusqu’à 100 % des cas [18].
Le traitement orthopédique  est aussi abandonné par la plupart
des auteurs car la fréquence des récidives est importante, pou-
vant atteindre jusqu’à 50 % des cas selon les séries. Oden [12] ne
le conseille qu’en cas de lésions aiguës de grade 3 avec un gros
Luxation des tendons fibulaires 163

fragment osseux peu ou pas déplacé, chez des patients à faible


demande fonctionnelle ou ayant des contre-indications à la chirur-
gie. Il doit être institué le plus précocement possible, afin de poten-
tialiser les chances de cicatrisation du rétinaculum, ou d’obtenir
la consolidation d’un fragment osseux, en diminuant le risque de
récidive immédiate. Une botte plâtrée pour 6 semaines en position
d’équin modérée sans appui peut être proposée. Le patient doit
impérativement être revu dans les 10 jours pour une réfection du
plâtre afin de vérifier l’absence de récidive immédiate de la luxa-
tion. Malgré tout, le taux de récidive d’instabilité reste élevé.
Le traitement chirurgical : les techniques chirurgicales sont nom-
breuses, et parfois se complètent dans leur objectif. La majorité des
auteurs s’accordent à penser que la luxation des tendons fibulaires
demeure une pathologie chirurgicale avant tout.
Trois catégories de traitement ont été décrites :
– réparation de la gaine et du rétinaculum proximal des fibu-
laires par plastie des parties molles  : technique de Méary et
Toméno, réinsertion anatomique du rétinaculum (opéra-
tion de Singuapour [19], Beck [20], Karlsson [21]), plastie de
renforcement selon la technique de Lannelongue, recons-
truction du rétinaculum selon la technique de Jones [22].
D’autres transplants peuvent être utilisés tels que le plantaire
grêle, ou un muscle accessoire quand il est présent tel que le
peroneus quartus [23] ;
– modification de l’environnement osseux  : ces techniques plus
invasives s’attachent à augmenter la profondeur de la gouttière
rétrofibulaire. Elles sont très variées : technique de Kelly [24],
techniques de De Vries, Watson Jones, Micheli [25] (il s’agit de
butée osseuse vissée, postéro-inférieure, après ostéotomie fibu-
laire), techniques de Zoellner et Clancy [26] ;
– transposition des tendons fibulaires  : le premier à avoir décrit
cette technique est Platzgummer. Il a été repris par la suite par
Sarmiento, et plus récemment par Poll et Duijfies [27]. Il s’agit
de transposer les tendons fibulaires sous le ligament calcanéo-
fibulaire, après avoir confectionné une ostéotomie de l’attache
calcanéenne du ligament calcanéo-fibulaire.

Indications

Les attitudes thérapeutiques sont consensuelles, eu égard au


faible nombre de séries publiées. Il est difficile de prévoir en pré-
opératoire quelle technique sera la plus appropriée pendant l’in-
tervention, mais selon le contexte étiologique, certaines sont plus
adéquates à la situation anatomopathologique que d’autres.
164 Traumatisme de la cheville

– Stade 1 (le plus fréquent) : il correspond à une poche de décol-


14 lement de la gaine et du rétinaculum en continuité avec le périoste
malléolaire. La technique de Méary est la plus adaptée (fig. 2).
– Stades 2 et 3 :
tforme aiguë : il convient de réinsérer correctement les lésions
simples, avec possibilité de synthèse du fragment osseux si
celui-ci est suffisamment volumineux ;
tforme chronique : compte tenu de la mauvaise qualité du tissu
résiduel, il est possible d’y ajouter l’artifice de Lannelongue.
– Stade 4 : le rétinaculum est suturé avec le tissu environnant, et
la transposition d’un lambeau périosté malléolaire ou de tendon
calcanéen peut s’avérer indispensable afin de protéger et renfor-
cer la suture. Dans les fractures du calcanéum, la transposition
des tendons fibulaires sous le ligament calcanéo-fibulaire selon la
technique de Platzgummer trouve ici un intérêt tout particulier.
De manière plus générale, les gestes osseux, quels qu’ils soient, ont
une mauvaise réputation car ils sont invasifs, délabrants et diffi-
ciles à régler. Ils sont en outre responsables de douleurs impor-
tantes, et les suites sont souvent longues et difficiles (vis saillante
sous la peau, fracture iatrogène de la malléole). Nous ne les recom-
mandons pas.

Fig. 2 – Principe du traitement chirurgical de la luxation des tendons fibulaires.

Traitement des lésions associées


Le traitement des lésions associées consiste d’une part à traiter
les lésions de tendinopathie associée : suture des fissures (fig. 3),
exérèse des nodules, kystes, peignage, synovectomie.
D’autre part, dans l’optique de prévenir la récidive, il faut tenter
de rétablir l’harmonie entre le contenant et le contenu, c’est-à-dire
procéder à l’excision d’un corps charnu bas situé, par exemple, ou
à l’exérèse d’un muscle surnuméraire, qui peut par ailleurs être
utilisé comme plastie de renforcement.

Place de la ténoscopie : une technique d’avenir [17]


La tendinoscopie demeure encore limitée. Seules des synovec-
tomies, des exérèses de nodules et des peignages ont été décrits
Luxation des tendons fibulaires 165

à l’aide d’instruments spécifiques (couteau rétrograde). Les suites


décrites semblent plus simples (peu de douleurs, pas d’immobili-
sation postopératoire). À ce jour, aucune série n’a permis de valider
cette technique.

Fig. 3 – Fissuration du court fibulaire associée à la luxation.

Conclusion

La luxation des tendons fibulaires est une pathologie rare dont


le diagnostic est difficile. Celui-ci est le plus souvent fait secon-
dairement devant une cheville traumatisée qui ne guérit pas ou
devant des entorses récidivantes sans pathologie ligamentaire. Au
stade initial, la radiographie de cheville peut seulement dépister les
fractures du stade 3 et l’échographie demandée devant une cheville
traumatique de présentation «  inhabituelle  » peut établir le dia-
gnostic. Ceci nécessite une réévaluation de toutes les chevilles trau-
matiques au cours d’une consultation post-urgence afin de ne pas
méconnaître ce diagnostic. Le traitement est avant tout chirurgical
et procure d’excellents résultats.

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166 Traumatisme de la cheville

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Rupture du tendon
tibial postérieur II-3C
Rupture du tendon tibial postérieur
15
F. KHIAMI, M. NICOLAS, M.A. ETTORI, H. DE LABAREYRE ET E. ROLLAND

Points essentiels
t La rupture du tibial postérieur est une affection du compartiment médial
de la cheville et de l’arrière-pied.
t L’affaissement progressif de l’arche médiale du pied sous la forme d’un
pied plat valgus doit faire suspecter en premier lieu une lésion du tibial
postérieur.
t Deux tests cliniques orientent le diagnostic  : la perte de force du pied
lors d’une manœuvre d’inversion contrariée, et la perte de varisation de
l’arrière-pied lors d’une montée en demi pointe (examiné de dos).
t L’échographie est l’examen le plus utile au diagnostic à la phase aiguë,
l’IRM à la phase chronique.
t Le type de traitement est conditionné par l’importance du retentissement
fonctionnel, l’âge et la demande fonctionnelle du patient, la réductibilité
du pied plat valgus et l’importance de la déformation du pied.

La rupture du tendon tibial postérieur est une affection rare.


Elle peut se rencontrer sous différentes formes, aiguës lors d’un
traumatisme indirect en course maximale du tendon pouvant
occasionner une rupture franche, ou plus fréquemment, dans le
cadre de tendinopathies chroniques qui peuvent évoluer vers une
rupture au stade terminal [1].
Ce tendon peut par ailleurs se rompre dans le cadre de lésions
osseuses telles que les fractures bimalléolaires par exemple, notam-
ment en cas de fracture de la malléole médiale ou du pilon tibial.
Le tendon peut s’incarcérer dans la fracture ou être sectionné par
la tranche osseuse. Nous n’envisagerons que les ruptures isolées
tendineuses dans ce chapitre.

F. Khiami1 ( ), M. Nicolas2, M.A. Ettori2, H. De Labareyre2 et E. Rolland3 – 1. Service


de chirurgie orthopédique et traumatologie du sport, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
75013 Paris – e-mail : frederic.khiami@psl.aphp.fr – 2. Service d’orthopédie, Hôpital de la
Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris – 3. Service de chirurgie orthopédique, Hôpital de la Pitié-
Salpêtrière, 75013 Paris.
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
170 Traumatisme de la cheville

Le diagnostic clinique d’une rupture du tibial postérieur au stade


15 aigu est difficile [2], mais il doit être évoqué systématiquement
devant une douleur localisée au compartiment médial de la che-
ville. L’examen clinique doit établir un testing précis et permettra
d’orienter les examens complémentaires utiles au diagnostic. Au
stade chronique, la rupture tendineuse est le point d’orgue d’une
évolution dégénérative et microtraumatique très fréquente en
pathologie sportive ou rhumatismale. Le tableau est plutôt celui
d’une ténosynovite ou d’une douleur chronique rétromalléolaire
médiale qui peut aboutir à l’affaissement de l’arche interne du pied
en cas de rupture.
Dans ces deux situations, l’avis du spécialiste est indispensable afin
de ne pas laisser s’installer des séquelles fonctionnelles domma-
geables dans la vie quotidienne ou dans les activités sportives. La
rupture du tendon tibial postérieur doit être envisagée sous deux
formes : la forme aiguë et la forme chronique.

Rupture aiguë du tibial postérieur


Il s’agit d’une lésion rare, peu décrite dans la littérature qui ne
fait que rapporter des séries de très faible effectif, voire uniquement
des cas cliniques sur des observations isolées.

Mécanisme
Le mécanisme lésionnel correspond à une contraction brutale
du muscle tibial postérieur dans une position d’étirement extrême
du tendon, qui peut se rompre soit en plein corps, notamment
en sous-malléolaire, ou alors se désinsérer du tubercule médial du
scaphoïde constituant un arrachement osseux.
Ce tableau survient le plus souvent lors d’accidents sportifs.

Examen clinique
La présentation clinique est assez stéréotypée et associe une
impotence fonctionnelle partielle du pied et de la cheville, une boi-
terie et une douleur localisée dans la région médiale de la cheville
et de l’arrière-pied.
L’inspection permet de constater un empâtement ou une tuméfac-
tion périmalléolaire médiale. En fonction du siège de la rupture,
cet empâtement ou cette tuméfaction pourra siéger de manière
préférentielle en arrière de la malléole médiale ou au-dessous. La
palpation oriente vers une région précise électivement douloureuse.
Rupture du tendon tibial postérieur 171

Fig. 1 – Test en inversion contrariée. La corde tendineuse du tibial se tend.


En cas de rupture, cette corde disparaît et la force de résistance diminue.

Pour sensibiliser l’examen clinique, le test de contraction du tibial


postérieur doit être effectué. Ce test en inversion non contra-
riée réveille les douleurs et, si celles-ci le permettent, un test en
inversion  contrariée constatera l’absence de force du pied qui
signera l’atteinte. Lors de ce test contrarié, il est tout à fait pos-
sible de palper la corde tendineuse immédiatement au-dessous et
en avant de la malléole médiale (fig. 1), qui disparaîtra en cas de
rupture.
Il est essentiel de palper l’insertion du tibial postérieur sur le navi-
culaire à sa partie inférieure, siège de l’insertion tendineuse. Il est
important lors de toute cheville traumatique de tester ce tendon
et de ne pas banaliser le tableau sous la forme d’une entorse de
la cheville, diagnostic erroné qui risque d’être dommageable pour
l’avenir [3].
Ce testing et cet examen du compartiment médial s’inscrivent
dans  un examen global de la cheville et du pied traumatisé
pour  dépister au mieux et précocement l’ensemble des lésions
potentielles.

Examens complémentaires
Les examens complémentaires associent un bilan radiogra-
phique classique de face et de profil de la cheville ainsi qu’une
incidence du pied de face et de profil afin d’éliminer toutes les
causes osseuses de douleur du compartiment médial (fracture de la
malléole médiale, fracture du naviculaire…). Elles permettront par
ailleurs de dépister les arrachements osseux à l’insertion du tibial
postérieur.
Lorsque la radiographie est normale et que l’examen clinique
oriente vers une atteinte du compartiment médial, l’objectif initial
est de préparer la cheville à un examen programmé plus spécialisé.
Cette étape préliminaire nécessite un traitement anti-douleur et
anti-œdémateux, la mise en décharge, le glaçage et la contention
relative.
172 Traumatisme de la cheville

Une consultation spécialisée doit être demandée dans les 5 à


15 8 jours qui suivent le traumatisme pour préciser le diagnostic. Lors
de cette consultation, le même examen clinique est reproduit avec
plus d’aisance et moins de douleur.
L’examen de prédilection en pathologie traumatique aiguë est
l’échographie. Si celle-ci peut être demandée immédiatement ou
différée de quelques jours, elle permettra habituellement de faire le
diagnostic de la rupture, d’en préciser le niveau, ainsi que le degré
de rétraction des moignons.

Traitement curatif
Dans le cas d’une rupture aiguë dépistée tôt, le traitement de
référence est la chirurgie, dont le principe est la régularisation des
moignons tendineux, ainsi que la suture directe qui autorise une
cicatrisation de bonne qualité. Les suites comportent une immo-
bilisation de la cheville dans une botte en résine à angle droit pour
6 semaines sans appui. Puis, la botte est retirée et remplacée par
une semelle rehaussant l’arche médiale du pied pour protéger et
soulager le tendon. La rééducation débute à la levée de l’immobi-
lisation afin de récupérer les amplitudes articulaires. Le renforce-
ment débutera entre le 3e et le 4e mois postopératoire.

Rupture chronique

Cette forme posera plus le problème de l’attitude thérapeutique


à adopter plus que du diagnostic initial qui sera le plus souvent
assez évident.

Anatomopathologie
L’anatomopathologie des lésions permet de comprendre pour-
quoi la tendinopathie chronique évolue sous différentes formes. Il
peut être diversement constaté des pathologies de friction dans la
gaine associant des ruptures partielles, une fissuration longitudi-
nale ou une véritable rupture intratendineuse sans discontinuité
aboutissant à un allongement résiduel séquellaire.
La rupture peut aussi se faire avec une discontinuité des fragments
tendineux ou un arrachement au niveau du tubercule du navicu-
laire constituant le point de démarrage de la déformation de l’ar-
rière-pied et de l’affaissement de l’arche interne dès le moment où
il existe cet allongement tendineux.
Rupture du tendon tibial postérieur 173

Présentation clinique
Le patient, qui le plus souvent consulte en dehors du circuit des
urgences, localise plus précisément la zone douloureuse et fournit
de nombreux examens complémentaires déjà prescrits.
Le tableau est celui d’une tendinopathie chronique qui évolue
depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, avec parfois des
périodes de rémission complètes des douleurs, le plus souvent en
rapport avec une baisse de l’activité physique. Ce tableau moins
bruyant peut aboutir à une rupture chronique, progressive par
allongement dégénératif du tendon, un affaissement de l’arche
interne du pied (fig. 2) et une dislocation progressive de l’arrière-
pied qui devient plat et valgus avec une modification progressive
des appuis de l’arrière-pied [4].
Cliniquement, le patient décrit une douleur rétromalléolaire, sous-
malléolaire ou prémalléolaire médiale, avec un empâtement pro-
gressif qui peut diminuer au repos. Il peut au contraire se plaindre
de douleurs traçantes sur le trajet du tibial postérieur.
Le testing clinique consiste à analyser l’inversion du pied ainsi que
l’inversion contrariée de celui-ci. Ce test peut provoquer des dou-
leurs traçantes le long du trajet du tendon ou alors un déficit de la
force motrice.
Au stade chronique, il est important d’analyser le patient de dos
afin de vérifier l’absence de constitution d’un pied plat valgus et
de l’effondrement de l’arche interne. La montée en demi-pointe
permettra de constater l’absence de varisation de l’arrière-pied qui
signera la dysfonction du tibial postérieur.

Fig. 2 – Effondrement de l’arche médiale du pied gauche aboutissant à un pied plat valgus.
Il est possible de visualiser le 4e orteil gauche, alors qu’à droite, il n’apparaît pas
(photo du Pr Rodineau).

Examens complémentaires
Devant ce tableau plus chronique, les examens complémentaires
doivent privilégier les radiographies mais surtout l’échographie du
compartiment médial du pied et de la cheville.
174 Traumatisme de la cheville

L’échographie permettra de dépister un épanchement dans la


15 gaine, une fissuration, une rupture partielle ou un nodule, voire
des calcifications intratendineuses.
L’IRM permet d’objectiver les images, de préciser la rétraction ten-
dineuse et analyser la qualité du tissu tendineux par le dépistage
d’une fibrose cicatricielle par exemple.
Au terme du bilan clinique et des informations radiologiques, il est
possible de caractériser la lésion sous deux aspects possibles :
– la rupture franche rétractée dont les deux moignons proximal
et distal sont séparés par une fibrose cicatricielle ou pas ;
– la rupture «  fonctionnelle  », sans discontinuité tendineuse
mais avec un allongement cicatriciel sans fibrose cicatricielle.
Le tendon est cicatrisé… mais trop long.
Dans les deux cas, le principal problème provient de l’allonge-
ment tendineux qui risque de provoquer l’effondrement de l’arche
interne et la dislocation de l’arrière-pied. Il est important de pré-
ciser la rapidité d’installation des ces troubles lorsqu’ils existent,
ainsi que leur tolérance.

Attitude thérapeutique
Selon l’exigence fonctionnelle du patient, sa disponibilité et le
terrain, le choix thérapeutique pourra être influencé, de même que
l’invasivité de la solution à mettre en place.
Sur le plan thérapeutique [5], contrairement à une rupture aiguë,
la rupture chronique sur terrain de tendinopathie doit faire appel
à des mesures conservatrices surtout chez les patients à faible
demande fonctionnelle. Celles-ci insisteront sur la rééducation
fonctionnelle, la mise en place d’orthèses plantaires avec soutien
de l’arche interne pour soulager le tendon et l’utilisation d’anti-
inflammatoires pour calmer les phénomènes douloureux locaux.
En l’absence d’efficacité de ce traitement conservateur, surtout si
le tendon s’allonge ou est totalement rompu, si l’arrière se désaxe
avec une arche interne qui s’effondre rapidement, de même que
chez les patients sportifs à haute demande fonctionnelle, la chirur-
gie peut devenir indiquée. Celle-ci fera appel à des techniques de
suture directe en cas de rupture réparable sans tension, de plastie
tendineuse locale (fléchisseur des orteils ou tendon tibial anté-
rieur par exemple) voire à des autogreffes pour une reconstruction
tendineuse en cas de rupture non réparable chez des sujets jeunes.
La chirurgie peut en outre être très invasive, surtout lorsqu’il existe
une déformation de l’arrière-pied, et peut associer des arthrodèses
localisées, notamment sous-taliennes pour éviter ou corriger la
dislocation et le pied plat valgus [6].
Au total, la rupture du tendon tibial postérieur est une patholo-
gie qui doit être recherchée devant tout traumatisme aigu de la
cheville avec souffrance du compartiment médial, ou devant toute
Rupture du tendon tibial postérieur 175

cheville douloureuse chronique, notamment dans la population


sportive. Les diagnostics d’entorse ou de tendinopathie doivent
être portés par élimination car les séquelles fonctionnelles sur la
biomécanique du pied et de l’arrière-pied peuvent être importantes
et nécessiter des chirurgies ambitieuses et invasives dont le résultat
fonctionnel n’est pas toujours garanti.

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Autres
tendons II-3D
Lésions du tendon tibial antérieur
et de l’extenseur commun des orteils 16
A. FREY

Points essentiels
t Les lésions traumatiques des tendons des muscles extenseur commun
des orteils et/ou tibial antérieur sont souvent de diagnostic méconnu en
urgence.
t Deux grands types de mécanisme  sont à l’origine des lésions de ces
tendons  : le traumatisme direct provoquant une rupture tendineuse
(soit complète, soit incomplète) et les atteintes microtraumatiques
entraînant des tendinopathies, des ténosynovites pouvant se compliquer
secondairement, elles aussi, de rupture.
t Le diagnostic est facile à évoquer, à condition de réaliser un examen
clinique complet de la cheville et de l’avant-pied.
t Une imagerie simple, radiographie standard et échographie, suffit la
plupart du temps pour établir le diagnostic.
t Le traitement des ruptures est le plus souvent chirurgical.

Rappel anatomique
Le muscle tibial antérieur est un muscle profond situé dans la
loge antéro-latérale de la jambe. Son insertion proximale se situe
sur le versant latéral de la tubérosité tibiale, les deux tiers supé-
rieurs de la face latérale du tibia et sur la partie adjacente de la
membrane interosseuse et du fascia crural. Le corps musculaire se
prolonge par un tendon puissant qui descend verticalement avec
un point de réflexion au niveau du rétinaculum des extenseurs où
le tendon passe dans un dédoublement du feuillet anatomique  ;
c’est à cet endroit qu’il peut exister des conflits mécaniques à l’ori-
gine des tendinopathies corporéales. Son insertion distale se situe
sur le bord médial de l’os cunéiforme médial et sur la base du
1er métatarsien.

A. Frey ( ), INSEP, 11, avenue du Tremblay, 75012 Paris –


e-mail : Alain.FREY@insep.fr / afrey@chi-poissy-st-germain.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
180 Traumatisme de la cheville

C’est le plus puissant des fléchisseurs dorsaux du pied  ; il joue


16 également un rôle dans l’adduction, la supination et l’inversion
du pied, la suspension de la voûte plantaire, la limitation de la
pronation de l’arrière-pied lors de la course ou de la marche [1].
Le muscle long extenseur des orteils ou extenseur commun (exten-
sor digitorum longus) se situe dans la région latérale en dehors du
précédent. Ses insertions proximales se font sur le condyle latéral
du tibia, les deux tiers supérieurs de la face médiale de la fibula et
sur la membrane interosseuse, le fascia crural et le septum inter-
musculaire crural antérieur. Le muscle présente un trajet vertical
jusqu’au tiers inférieur de la jambe. Son tendon terminal se forme
au-dessus de la cheville, passe sous le rétinaculum antérieur en
dehors de l’extenseur de l’hallux puis se divise en quatre faisceaux
pour s’insérer sur les phalanges des quatre derniers orteils. Il per-
met l’extension des orteils.

Physiopathologie
Hormis les ruptures provoquées par un agent externe, les prin-
cipales lésions rencontrées au niveau du tendon du tibial antérieur
sont des tendinopathies voire des ténosynovites secondaires à des
phénomènes de friction lors de son passage dans le ligament annu-
laire antérieur [2]. Les ruptures par étirement tendineux brutal
(flexion plantaire non contrôlée) sont rares, survenant le plus sou-
vent sur un tendon fragilisé (sujet âgé, antécédents de tendino-
pathie chronique, infiltrations locales…). Les ruptures spontanées
doivent faire rechercher une pathologie inflammatoire chronique
(goutte) ou la prise de statines [3].
Les ruptures peuvent être totales ou partielles (fissure longitudinale) :
– les ruptures complètes peuvent se produire à deux endroits :
soit au niveau des poulies de réflexion, soit au niveau de l’inser-
tion distale avec parfois arrachement d’une pastille osseuse ;
– les fissures longitudinales, beaucoup plus rares, siègent le plus
souvent au niveau du passage sous le rétinaculum [4].

Examen clinique

Lésion du tendon tibial antérieur


Rupture brutale
L’interrogatoire retrouve un claquement suivi d’une douleur
vive, plus ou moins prolongée, au niveau de la face antérieure de
Lésions du tendon tibial antérieur et de l’extenseur commun des orteils 181

la cheville ou du bord médial du médio-pied. La marche a pu être


reprise au bout de plusieurs minutes mais avec un steppage (à ne
pas confondre avec une lésion neurologique du nerf fibulaire ou
une sciatalgie type L5).
Localement, l’inspection, toujours comparative, peut parfois
constater un discret œdème mais c’est surtout la disparition du
relief du tendon tibial antérieur qui frappe, sur le patient debout,
pieds joints, ou lors du testing isométrique.
Lors de l’évaluation des releveurs du pied, seuls les muscles de
l’extenseur propre de l’hallux et de l’extenseur commun des orteils
répondent au testing et leurs tendons respectifs palpés. Le muscle
tibial antérieur est nettement déficitaire au testing isométrique  :
soit aucune contraction active n’est réalisable et le tendon n’est
pas palpable = il s’agit d’une rupture totale  ; soit la contraction
est obtenue mais la résistance est impossible et le tendon doulou-
reux à la palpation = la rupture est incomplète. Pour sensibiliser la
manœuvre (neutralisation de l’extenseur commun des orteils), on
demande au patient de relever l’avant-pied avec les orteils fléchis.
En cas de rupture basse, la palpation peut parfois percevoir le
moignon du tendon sous le rétinaculum inférieur.
Microtraumatisme à répétition
On retrouve un tableau douloureux, chronique, mécanique,
situé au niveau du cou-de-pied avec, à l’examen, la présence d’une
inflammation des gaines (crépitation neigeuse en cas de ténosyno-
vite, simple gonflement diffus ou nodulaire en cas de tendinose),
une douleur provoquée à l’étirement passif du tendon (flexion
plantaire et éversion) et lors du testing isométrique en flexion
adduction contrariée.
Enthésopathie distale
La symptomatologie peut être confondue avec celle d’une arthro-
pathie cunéo-métatarsienne du premier rayon, du fait de la proxi-
mité de ces éléments anatomiques. Cependant, un examen clinique
soigneux permet de révéler la souffrance tendineuse (triade doulou-
reuse caractéristique lors de la contraction résistée, l’étirement passif,
la palpation), tandis que la mobilisation articulaire est indolore.

Lésions du tendon de l’extenseur commun des orteils


Elles sont moins fréquentes mais de diagnostic aisé en raison
de la situation superficielle du tendon. Il peut s’agir soit de lésions
aiguës (rupture) souvent provoquées par un objet tranchant, soit
de lésions chroniques (ténosynovite), beaucoup plus rares, avec à
l’examen la présence d’une crépitation et d’une douleur lors de
l’étirement et la palpation du tendon.
182 Traumatisme de la cheville

16 Quelle imagerie réaliser en urgence ?

Radiographie
Elle est réalisée de principe. Les incidences demandées sont :
– une cheville (face et profil strict) ;
– un avant-pied de face et de trois quarts dégageant bien l’inter-
ligne cunéo-métatarsienne.
Cette imagerie permet de rechercher des signes évocateurs de la
lésion tendineuse (arrachement osseux au niveau de la sone d’in-
sertion, présence d’ostéophytes taliens antérieurs [2] ou d’éliminer
d’autres diagnostics (fracture, tumeur, calcifications…).

Échographie
Elle permet d’étudier le tendon (rupture, fissure, nodule, épais-
sissement) et sa gaine (épanchement, gonflement) et de localiser
avec précision la lésion.
À distance, en consultation spécialisée, on peut parfois deman-
der une IRM pour analyser finement les lésions, notamment les
tendinopathies fissuraires.

Quels traitements ?

En cas de rupture du tendon tibial antérieur, la prise en charge est


le plus souvent chirurgicale pour toute lésion datant de moins de
trois mois après le traumatisme. L’immobilisation postopératoire
stricte est d’environ 6 semaines ; le footing peut être repris au bout
de 3 à 4 mois. L’abstention chirurgicale peut être discutée chez le
sujet âgé ayant une mobilité réduite ;  l’extension du pied est alors
seulement réalisée par les extenseurs des orteils, expliquant que le
patient conserve un discret steppage.
En cas de fissure longitudinale, le traitement chirurgical (excision
des tissus lésés puis suture tendineuse) se discute au cas par cas. En
cas de tendinopathie ou de ténosynovite, le traitement est toujours
conservateur en première intention avec mise au repos relative de la
cheville et du pied (arrêt de la pratique sportive), chaussage à talon
plat et si possible (selon les saisons) échancré au niveau du cou-
de-pied, rééducation, arrêt si possible des traitements iatrogènes
(quinolones, anticholestérolémiants…). Les infiltrations ne sont
jamais indiquées lors de la prise en charge initiale et sont l’affaire
du spécialiste.
Lésions du tendon tibial antérieur et de l’extenseur commun des orteils 183

Conclusion

Les lésions des tendons du tibial antérieur et de l’extenseur


commun des orteils (extensor digitorum longus) sont rares. Leur
diagnostic est cependant facile à établir à condition que l’examen
clinique de la cheville et de l’avant-pied soit rigoureux et systéma-
tique. Pour l’urgentiste, une fois le diagnostic établi, le patient doit
être dirigé vers un service de chirurgie orthopédique pour discuter
des suites de la prise en charge.

Bibliographie
1. Raguet M (2008) Les ruptures du tendon du muscle tibial antérieur. J
Traumatol Sport 25: 214-8
2. Fadel GE, Alipour F (2008) Rupture of the extensor hallucis longus tendon
caused by talar neck osteophyte. Foot Ankle Surg 14: 100-2
3. Jerome JT, Varghese M, Sankaran B, Thomas S, Thirumagal SK (2008)
Tibialis anterior tendon rupture in gout--case report and literature review.
Foot Ankle Surg 14: 166-9
4. Jellad A, Salah S, Bouaziz MA, Bouzaouache H, Ben Salah Z (2012) Unusual
clinical presentation of a partial tibialis anterior rupture. Ann Phys Rehabil
Med 55: 38-43
Fausses entorses
de la cheville II-4
Fausses entorses de cheville :
les fractures de la base du 5e métatarsien 17
F. LEDON ET J.B. COURROY

Points essentiels
t La clinique  : ne pas penser systématiquement devant un traumatisme
de la cheville et/ou du pied  : c’est une entorse de cheville  ; palper
systématiquement la base du 5e métatarsien et faire le test du CPL qui fait
partie du bilan du pied traumatique.
t La radiographie  : dans tout traumatisme des pied/cheville, faire un
3/4 déroulé du pied centré sur le médio-pied. Sur ces radiographies,
chercher le trait transversal partiel peu apparent des fractures métaphyso-
diaphysaires proximales.
t Le traitement est d’emblée chirurgical pour les fractures métaphyso-
diaphysaires proximales et les fractures articulaires déplacées chez les
actifs comme chez les sportifs.
t Le temps de consolidation de toutes les fractures de la base est très long :
8 à 10 semaines dont 4 sans appui.
t En attente de la confirmation de la lésion, mettre le pied en décharge
(canne anglaise ou chaussure).

Introduction

Le mécanisme traumatique des fractures de la base du 5e méta-


tarsien paraît souvent identique à celui de l’entorse du ligament
collatéral latéral. Il s’agit cependant non pas d’un traumatisme de
la cheville en varus mais d’un faux pas ayant entraîné une torsion
du pied en inversion, avec une douleur vive au niveau du bord
latéral du pied. La douleur peut irradier vers la jambe ou le pied
et entraîner la chute. L’appui est le plus souvent possible, ce qui
conforte le blessé dans sa présomption de lésion bénigne, mais
l’impulsion du pas et la course sont souvent douloureuses, voire

F. Ledon1 ( ) et J.-B. Courroy2 – 1. Institut de l’Appareil Locomoteur Nollet, 23, rue


Brochant, 75017 Paris – e-mail  : francoise.ledon@gmail.com – 2. Institut de l’Appareil
Locomoteur Nollet, 23, rue Brochant, 75017 Paris.
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
188 Traumatisme de la cheville

impossibles. En fonction de la douleur et de l’impotence fonction-


17 nelle, le blessé consulte soit en urgence, soit après quelques jours
ou quelques semaines où se succèdent des incidents douloureux lui
interdisant de reprendre une vie normale.
Le blessé consulte pour cette douleur invalidante secondaire à un
traumatisme récent ou ancien, disant : « Je me suis fait une entorse
de la cheville ».
La démarche diagnostique doit conduire à préciser la lésion au
niveau du pied et instaurer un traitement pour obtenir la conso-
lidation et la reprise indolore des activités physiques dans les
meilleurs délais.

Interrogatoire

Il doit faire préciser : l’ancienneté et le mécanisme du trauma-


tisme, l’importance de la douleur, sa localisation et son évolution,
le niveau d’impotence fonctionnelle immédiate. Les antécédents
traumatiques de la cheville et du pied doivent aussi être notés  :
le type de lésion et le traitement suivi ; mais aussi les éventuelles
séquelles constatées : douleurs sur certains appuis, ou mouvements
de pied, ou apparaissant après un certain temps de marche ou de
course et imposant l’arrêt.
Les mécanismes traumatiques : il peut s’agir d’une mauvaise récep-
tion d’un saut, d’un pied qui tourne en varus sur une irrégularité
du sol, d’une contraction brutale en éversion pour éviter une chute
ou encore d’un choc direct ou d’une torsion de la cheville avec
l’avant-pied fixé. Le traumatisme déclenche le plus souvent une
douleur vive avec sensation de craquement au bord latéral du pied
et peut conduire à la chute.
L’ impotence immédiate peut être modeste, avec possibilité de se rele-
ver, d’appuyer et de marcher ou, au contraire, imposer la consul-
tation d’urgence. Souvent, la douleur s’estompe, l’appui redevient
possible parfois seulement sur le talon et le blessé rentre chez lui. Il
constate alors l’apparition d’un gonflement de la partie moyenne
du bord latéral du pied, parfois d’une ecchymose.
La présentation du lendemain est variable :
– soit le patient peut appuyer sur le pied en totalité et se chaus-
ser tout en ayant une douleur et une sensibilité à l’appui mais il
peut reprendre ses activités quotidiennes. Ce n’est qu’après une
ou plusieurs semaines qu’il s’inquiétera de la persistance d’une
douleur, de la difficulté du chaussage et de son incapacité à
reprendre la course et la pratique sportive ;
– soit la gêne douloureuse, l’impossibilité de chaussage persistent
et l’amènent à consulter.
Fausses entorses de cheville : les fractures de la base du 5e métatarsien 189

Examen clinique

L’examen permet d’éliminer une lésion ligamentaire et d’orien-


ter vers une lésion de la base du 5e métatarsien  ; il comporte
plusieurs temps successifs.
La recherche comparative d’un œdème localisé non pas en péri- et
sous-malléolaire latéral mais plus en aval vers le métatarse, d’une
ecchymose discrète sur le bord latéral du pied ou, plus excep-
tionnelle mais plus évocatrice, située en plantaire sous la base du
5e métatarsien.
La palpation indolore des différentes structures indemnes : la par-
tie basse de la fibula, la pointe et la gouttière postérieure de la
malléole latérale, les trois faisceaux du ligament collatéral latéral,
les métatarsiens médians. Au bord latéral du pied, la palpation
prudente repère successivement d’arrière en avant la face latérale
du calcanéus, celle du cuboïde, puis la saillie latérale de la base et
la diaphyse du 5e métatarsien. La palpation de la saillie de la base
réveille une douleur parfois exquise qui peut être augmentée par
la contraction des fibulaires en faisant contre-appui sur le col du
5e métatarsien, ou lors de l’inversion passive.
À distance du traumatisme, la gêne est souvent minime mais c’est
la répétition des accidents douloureux qui amène à consulter. Il est
alors possible de pratiquer les tests dynamiques qui réveillent la dou-
leur parfois au simple appui unipodal sur la pointe du pied mais
surtout à la montée unipodale sur le bord latéral du pied et lors du
sautillement.
Au total, la douleur ponctuelle au bord latéral du métatarsien et
la normalité clinique de la cheville font aisément soupçonner une
fracture de la base du 5e métatarsien, imposant un bilan radiogra-
phique qui comporte des clichés comparatifs des pieds de face et
profil en charge, et surtout une incidence en 3/4 déroulé du pied.

Types de fractures

La classification propo-
sée par Stewart distingue
différents types fracturaires
en fonction de la localisa- Fig. 1 – Zones des fractures :
vert et bleu : épiphysaires proxi-
tion du trait de fracture  : males ; vert : styloïde ; bleu :
styloïdienne, épiphysaire articulaire ; jaune : métaphyso-
et métaphyso-diaphysaire diaphysaires proximales : frac-
tures de Jones et fractures de
proximales, ou diaphysaire fatigue. Collection F. Ledon,
(fig. 1). J.B. Courroy.
190 Traumatisme de la cheville

– Les fractures styloïdiennes sont extra-articulaires (fig.  2) et


17 résultent d’un arrachement du court fibulaire et/ou de l’expan-
sion latérale de l’aponévrose plantaire ; elles peuvent être dépla-
cées. Il faut les distinguer du noyau d’ossification apophysaire
(fig.  3), présent et parfois douloureux chez la fille entre 9 et
11 ans et le garçon entre 11 et 14 ans. Le noyau allongé est
latéral et parallèle à l’axe diaphysaire tandis que le trait de la
fracture styloïdienne est perpendiculaire à cet axe. Deux ossi-
cules peuvent aussi parfois prêter à confusion : l’os de Vésale,
rare mais volontiers bilatéral, n’est séparé de la tubérosité que
par une simple bande de tissus scléreux, alors que l’os péronier
(fig. 4) est situé dans le corps du tendon du long fibulaire, sous
le bord plantaire du cuboïde à distance de la styloïde.
– Les fractures épiphysaires proximales sont articulaires (fig.  5)
et peuvent être déplacées (fig.  6). Le trait de fracture atteint
l’interligne articulaire avec le cuboïde et s’arrête au niveau de
l’interligne entre les bases des 4e et 5e métatarsiens. Ces frac-
tures résultent soit d’un arrachement, soit d’un choc direct  ;
elles peuvent être comminutives.
– Les fractures métaphyso-diaphysaires proximales siègent en aval
de l’articulation entre les bases des 4e et 5e métatarsiens (fig. 7).
Elles regroupent les fractures traumatiques décrites par Jones
qui surviennent lors d’un traumatisme en inversion sur un pied
en équin ou par choc direct, et les fractures de fatigue qui sur-
viennent chez les sportifs et plus rarement chez les marcheurs
et les coureurs à pied. Les deux types de fractures ont le même
risque de retard de consolidation et de pseudarthrose qui s’ex-
plique par leur position située entre, d’un côté une partie méta-
physaire proximale solidement maintenue au cuboïde et au 4e
métatarsien par de puissants ligaments et par l’expansion latérale
de l’aponévrose plantaire, et de l’autre côté une diaphyse mal
vascularisée soumise à d’importantes sollicitations mécaniques.
Au stade précoce, il est facile de distinguer la fracture trauma-
tique, fin trait transversal touchant les deux corticales latérale
et médiale (fig. 8), de la fracture de fatigue qui prend l’aspect
d’un trait large millimétrique ne touchant que la corticale laté-
rale avec parfois une apposition périostée significative (fig. 9).
En l’absence, ou l’insuffisance, ou l’inefficacité, ou l’insuccès
de traitement, l’évolution radiographique tardive des deux frac-
tures est similaire. Il peut s’agir d’un retard de consolidation
(fig. 10) où la fracture de fatigue se complète progressivement
jusqu’à la corticale latérale, où bien la fracture traumatique
s’élargit avec, dans les deux cas, une apposition périostée avec
densification des corticales. En cas de pseudarthrose, l’aspect
est identique pour les deux types de fracture avec un gonfle-
ment cortical obturant le canal médullaire, et un élargissement
du trait de fracture aux limites denses et irrégulières (fig. 11).
Fausses entorses de cheville : les fractures de la base du 5e métatarsien 191

Fig. 2 – Fractures styloï- Fig. 3 – Absence de


diennes : fracture-arrachement fusion du noyau d’os-
de la styloïde. sification épiphysaire.

Fig. 4 – Os péronier Fig. 5 – Fracture épi- Fig. 6 – Fracture épi- Fig. 7 – Fracture épi-
situé à la face plantaire physaire proximale physaire proximale physaire proximale
du cuboïde. articulaire sans dépla- avec déplacement par avec déplacement,
cement  ; traitement arrachement néces- traitement chirurgi-
orthopédique mais sitant un traitement cal par hauban (ou
traitement chirurgical chirurgical chez les vissage).
chez le sportif de haut sportifs de haut niveau,
niveau par vissage. les jeunes sportifs.
Pour les autres, discus-
sion au cas par cas.

Fig. 8 – Fractures méta- Fig. 9 – Fracture de Fig. 10 – Fractures Fig. 11 – Fracture


physo-diaphysaires de fatigue ou retard de métaphyso-diaphy- métaphyso-diaphy-
Jones et fractures de consolidation d’une saires proximales de saire proximale de
fatigue dont le pronos- fracture de Jones ? Le Jones ou de fatigue : Jones ou de fatigue :
tic et le traitement sont traitement est chirur- évolution vers le retard évolution vers la pseu-
identiques. Ici fracture gical  : vissage intra- de consolidation. darthrose ; à ce stade,
de Jones : trait filiforme médullaire ou plaque la fracture doit être
touchant les deux corti- latérale. traitée par la chirur-
cales ; le traitement chi- gie  : décortication et
rurgical d’emblée permet fixation par plaque
d’obtenir la consolida- latérale ou vissage
tion en 8 semaines et la intramédullaire.
reprise progressive du
sport à 10 semaines.
Collection F. Ledon, J.B. Courroy.
192 Traumatisme de la cheville

Les fractures diaphysaires sont à distinguer des fractures de la


17 base par leur siège, le plus souvent d’origine traumatique avec le
trait qui peut être oblique, spiroïde ou comminutif. Le diagnos-
tic est plus difficile s’il s’agit d’une fracture de fatigue invisible
au début des douleurs.
En cas de suspicion clinique et de radiographies normales, la scin-
tigraphie permet de localiser une hyperfixation intense au niveau
de la base du 5e métatarsien, mais surtout l’IRM ou le TDM per-
mettent de mettre en évidence la contusion osseuse et le trait de
fracture.

Traitement

Fractures par arrachement de la styloïde


Si la fracture est non déplacée, tous les traitements amènent à
la consolidation mais il faut apprécier le contexte (type de travail,
de déplacements, d’activités sportives) et expliquer au patient que
la consolidation demande au moins 8 semaines et nécessite des
contrôles radiographiques réguliers aux 2e, 4e, 8e et 12e semaines.
On peut utiliser une botte en résine pour 4 à 6 semaines avec un
appui soit d’emblée, soit après 3 semaines.
Une attelle anti-varus, un strapping, un bandage de la cheville et
du médio-pied ou une botte amovible avec appui peuvent aussi
être proposés.
Si la fracture est déplacée, l’immobilisation par botte pour
6  semaines peut suffire chez le sédentaire, mais il est préférable
chez les sportifs d’opter pour une réduction et une fixation de la
fracture par vis ou hauban, puis botte en résine ou attelle amovible
sans appui pendant 3 semaines.

Fractures épiphysaires articulaires


Sans déplacement fracturaire : botte en résine pendant 6 à 8 semaines
sans appui pendant les 3 premières semaines.
Avec déplacement fracturaire  : réduction qui doit être parfaite et
fixation chirurgicale par vis ou hauban (fig. 7) puis botte en résine
pour 6 semaines sans appui pendant 3 semaines.

Fractures métaphyso-diaphysaires proximales


Vues précocement chez les sportifs de loisir ou chez les per-
sonnes sédentaires, ces fractures peuvent être traitées par une botte
Fausses entorses de cheville : les fractures de la base du 5e métatarsien 193

en résine portée 6 à 8 semaines, dont les 4 premières semaines


sans appui, mais le risque de non-consolidation reste élevé. Pour
cette raison, on peut proposer comme chez le sportif une fixation
chirurgicale par une vis axiale intramédullaire (fig.  12) ou par
une plaque latéro-plantaire (fig. 13) qui permettent d’obtenir une
consolidation dans la majorité des cas.
Les fractures vues au stade de retard de consolidation et a fortiori
au stade de pseudarthrose doivent être traitées chirurgicalement
par décortication du foyer de pseudarthrose, puis fixation par un
vissage axial intramédullaire ou une plaque à compression, suivi
d’une botte en résine sans appui pour 6 semaines. La consolidation
est obtenue en 6 à 9 semaines mais la solidité du montage permet
la reprise de l’appui et de la natation à 6 semaines puis la reprise
du sport à partir de la 10e semaine après contrôle radiographique
satisfaisant.
Les sportifs blessés présentant une suspicion de fracture et ayant des
radiographies normales doivent être mis en décharge par cannes
anglaises ou par chaussure à appui talonnier. Ils seront revus avec
les résultats de l’IRM ou de la TDM pour confirmer l’éventuelle
fracture sans subir de retard préjudiciable au traitement.

Fig. 12 – Fracture métaphyso-diaphysaire : vis- Fig. 13 – Fracture métaphyso-diaphysaire : plaque


sage. Collection F. Ledon, J.B. Courroy. latérale. Collection F. Ledon, J.B. Courroy.
194 Traumatisme de la cheville

Bibliographie
17
1. Besch S, Peyre M, Rodineau J, Riou B (2008) Fractures de la base du
5e  métatarsien  : quel(s) traitement(s)  ? In  : Rodineau J, Besch S, eds. La
cheville traumatique : des certitudes en traumatologie du sport. Paris, Masson.
p. 159-72
2. Stewart IM (1960) Jones’s fracture: fracture of base of fifth metatarsal. Clin
Orthop 16: 190-8
Entorses du médio-pied ou de Chopart
18
J. DE LÉCLUSE

Points essentiels
t Tout traumatisme en inversion du pied doit faire rechercher
systématiquement une lésion du médio-tarse.
t Une lésion du médio-tarse médial est rarement isolée.
t L’incidence radiographique du trois quarts déroulé du pied est nécessaire
pour le diagnostic lésionnel.
t Un traitement antalgique initial efficace conditionne les suites.
t Le traitement orthopédique est réservé aux entorses avec lésions osseuses.

Au niveau du pied, les entorses de l’articulation transverse du


tarse sont les atteintes les plus fréquentes. On estime que 20 à
25 % des entorses latérales de la cheville au sens large du terme
intéressent le médio-tarse [1, 2].
L’entorse latérale, calcanéo-cuboïdienne, est de loin la plus souvent
en cause. L’atteinte médiale, talo-naviculaire, est rarement isolée et
s’intègre habituellement dans les lésions complètes du médio-pied.

Rappel anatomique [3]

L’articulation transverse du tarse, encore appelée articulation de


Chopart, se compose de deux articulations distinctes juxtaposées :
l’une médiale, l’articulation talo-naviculaire, l’autre latérale, l’arti-
culation calcanéo-cuboïdienne. Vu de sa face dorsale, l’articulation
transverse du tarse prend l’aspect d’un « S » italique.

J. de Lécluse ( ), Service de médecine physique, rééducation orthopédique et


traumatologie du sport, Hôpitaux de Saint-Maurice, 94410 Saint-Maurice et IAL Nollet,
23, rue Brochant, 75017 Paris – e-mail : j.delecluse@hopitaux-st-maurice.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
196 Traumatisme de la cheville

18 Articulation talo-naviculaire
La tête convexe du talus vient s’emboîter sur la face postérieure
concave de l’os naviculaire, sur la facette antéro-médiale de la face
dorsale du calcanéus et sur le ligament calcanéo-naviculaire infé-
rieur. Trois ligaments stabilisent cette articulation (figs. 1 et 2).
– Le ligament calcanéo-naviculaire inférieur, ou spring ligament
des Anglo-Saxons [4]. Sa couche profonde reçoit la face infé-
rieure de la tête du talus. Sa couche superficielle, épaisse et
solide, est tendue du sustentaculum tali à la face inférieure et à
l’extrémité médiale de l’os naviculaire. Son rôle principal est de
maintenir la voûte plantaire.
– Le ligament talo-navicualire supérieur. Il est tendu de la face
dorsale du col du talus au versant postérieur du bord supérieur
de l’os naviculaire. Il reçoit des renforcements provenant des
faisceaux antérieurs du ligament deltoïde.
– Le ligament calcanéo-naviculaire latéral. C’est le faisceau
médial du ligament bifurqué (ou en « Y » de Chopart). De son
attache commune sur la face dorsale de la grande apophyse du
calcanéus, il s’élargit pour venir se fixer sur l’extrémité latérale
de l’os naviculaire, s’unissant par son bord inférieur avec le
ligament calcanéo-naviculaire inférieur.

Articulation calcanéo-cuboïdienne
La surface articulaire du calcanéus, orientée en avant et en dedans,
est convexe transversalement et concave dans le sens vertical. La sur-
face articulaire du cuboïde présente une double courbure qui s’oppose
à celle de la surface du calcanéus. Elle est concave transversalement
et  convexe dans le sens vertical, prenant une disposition dite en
« selle ». Trois ligaments stabilisent cette articulation (figs. 1 et 2).

Fig. 1 – Vue dorsale du médio-tarse. 1 : liga- Fig. 2 – Vue plantaire du médio-tarse. 1 : liga-
ment deltoïde, tibio-naviculaire ; 2 : ligament ment calcanéo-cuboïdien plantaire ; 2 : liga-
talo-naviculaire supérieur ; 3 : ligament bifur- ment deltoïde, tibio-naviculaire ; 3 : ligament
qué, calcanéo-naviculaire latéral ; 4 : ligament calcanéo-naviculaire inférieur ou plantaire.
bifurqué, calcanéo-cuboïdien médial ; 5 : liga-
ment calcanéo-cuboïdien dorsal.
Entorses du médio-pied ou de Chopart 197

– Le ligament calcanéo-cuboïdien médial, qui est le faisceau


latéral du ligament bifurqué (ou en « Y » de Chopart). De son
attache commune sur la face dorsale de la grande apophyse du
calcanéus, il se dispose horizontalement pour aller se fixer sur
la face dorsale du cuboïde près de son angle postéro-médial. Ce
ligament limite le déplacement latéral du cuboïde.
– Le ligament calcanéo-cuboïdien dorsal, qui est un renforcement
de la capsule ; il s’étend de la face dorsale de la grande apophyse
du calcanéus à la face dorsale du cuboïde.
– Le ligament calcanéo-cuboïdien inférieur. Épais, il est consti-
tué de deux couches fibreuses. La couche profonde est tendue
de la tubérosité antérieure du calcanéus à la face inférieure du
cuboïde, en avant de la gouttière du tendon du long fibulaire.
La couche superficielle est tendue de la face inférieure du cal-
canéus à la base des quatre derniers métatarsiens et sur la crête
inférieure du cuboïde, après être passée en « pont » au-dessus
de la gouttière du tendon du long fibulaire. Ce ligament, qui
est un des éléments essentiels de soutien de la voûte plantaire,
limite le déplacement du cuboïde vers le haut.

Rappel physiologique [5]

L’articulation transverse du tarse permet classiquement les mou-


vements de supination et de pronation du pied. Dans la réalité, les
mouvements sont plus complexes et conditionnés par la forme des
surfaces articulaires et la disposition des ligaments. Chaque dépla-
cement peut être assimilé à une rotation autour d’un axe, mais la
morphologie des surfaces articulaires fait que cet axe n’est jamais
strictement vertical, horizontal ou sagittal. Les mouvements sont
ainsi toujours combinés, associant à divers degrés : valgus ou varus
dans le plan frontal, abduction ou adduction dans le plan horizon-
tal et équin ou talus dans le plan sagittal.
La situation du médio-tarse en « clé de voûte » des arches interne et
externe du pied explique l’impotence spectaculaire que provoquent
certaines lésions à ce niveau.

Mécanismes lésionnels [6]

Les lésions ligamentaires de l’articulation transverse du tarse


sont induites soit par un mouvement traumatique simple, soit par
un mouvement complexe du pied.
198 Traumatisme de la cheville

18 Lésions latérales, calcanéo-cuboïdiennes


Le mouvement de supination forcé est le mécanisme lésionnel
le plus fréquent. Cette torsion du médio-pied se produit lors du
déroulement du pied sur un relief inégal au cours de la marche,
de la course à pied ou lors de la réception d’un saut. Mécanisme
lésionnel plus rare, l’adduction est provoquée par un choc violent
sur la partie externe de l’avant-pied, l’arrière pied restant fixé. Dans
ce type de mécanismes, les ligaments calcanéo-cuboïdien médial
et calcanéo-cuboïdien dorsal sont lésés.

Lésions médiales, talo-naviculaires


Le mouvement de pronation forcée survient dans des circons-
tances qui sont sensiblement les mêmes que pour les entorses laté-
rales : lors de la marche, de la course ou à la réception d’un saut
sur un relief inégal. L’abduction est provoquée par un choc sur la
partie interne de l’avant-pied.
Ces mécanismes vont léser les ligaments talo-naviculaire supérieur
et calcanéo-naviculaire latéral.
Selon l’importance du traumatisme, il peut se produire une avulsion
osseuse et des lésions ostéo-chondrales controlatérales par impaction
du talus et/ou de l’os naviculaire dans les entorses latérales, du bord
latéral du calcanéus et/ou du cuboïde dans les entorses médiales.

Lésions latérales et médiales : entorse globale


Le mouvement de flexion plantaire forcée peut provoquer des
lésions latérales et médiales. Ce mécanisme survient lors d’une
mauvaise réception d’un saut sur la pointe du pied, lors d’un shoot
contré, ou encore lors d’une chute ou le poids du corps accentue la
torsion du pied. Les ligaments bifurqué, calcanéo-cuboïdien dor-
sal et talo-naviculaire supérieur sont dans ce cas lésés. L’avulsion
osseuse des insertions de ces ligaments n’est pas exceptionnelle.
Un mouvement de flexion dorsale forcée isolée du médio-tarse
se rencontre plus particulièrement chez la femme qui porte des
chaussures à talons hauts. Selon la violence du traumatisme, il peut
se produire une fracture de l’apophyse du calcanéus ou une lésion
du ligament calcanéo-cuboïdien inférieur.
En pratique, les mécanismes lésionnels des entorses de l’articula-
tion transverse du tarse sont le plus souvent la combinaison de
mouvements associant à des degrés variables une flexion plantaire
ou dorsale, une supination ou une pronation et une adduction ou
une abduction du pied. Le mouvement d’inversion, qui associe
flexion plantaire, supination et adduction est le mécanisme lésion-
nel le plus fréquent. Sa survenue sur un pied nu ou chaussé de
chaussure souple est un facteur aggravant.
Entorses du médio-pied ou de Chopart 199

Clinique

Symptômes
Formes mineures
L’accident initial peut passer inaperçu. La poursuite des activi-
tés est possible sans gêne particulière. C’est au décours des activi-
tés physiques, voire le lendemain, que les symptômes douloureux
apparaissent. Le déroulement du pas est sensible et la montée sur
demi-pointe est inconfortable.
Dans d’autres cas, les douleurs initiales sont minimes, permettant
la poursuite des activités mais toute accélération du pas ainsi que
la marche sur un sol inégal réveillent les douleurs. Par la suite, les
douleurs présentes lors du pas postérieur imposent de marcher le
pied à plat sans dérouler le pas.

Formes graves
L’accident est net. Un craquement est souvent perçu. Le sujet a
eu une sensation que « son pied s’est tordu ». Les douleurs sont vives
et diffuses sur l’ensemble du pied. L’impotence est immédiate et
complète : l’appui au sol est très douloureux. Un œdème, volon-
tiers ecchymotique, apparaît rapidement sur la face dorsale et le
bord latéral du médio-pied pour ensuite s’étendre sur l’ensemble
du pied.

Examen clinique
Diagnostic positif
L’aspect du pied varie en fonction de la gravité de l’entorse et
de son étendue lésionnelle  : du simple empâtement localisé au
médio-pied (fig. 3), à l’impressionnant pied traumatique aigu avec
ecchymose et gonflement global du cou-de-pied.
Si la marche est possible, la phase d’impulsion est écourtée car
douloureuse. La montée et la tenue sur la demi-pointe exacerbent
les douleurs.
L’étude de la mobilité passive du médio-pied s’effectue en immo-
bilisant l’arrière-pied d’une main et en agissant sur les métatarsiens
de l’autre (fig. 4). L’abaissement du 1er rayon et l’élévation du 5e
évaluent la pronation ; la manœuvre inverse évalue la supination ;
en élevant puis en abaissant l’avant-pied, on apprécie la flexion dor-
sale et plantaire et en poussant l’avant-pied en dedans et en dehors,
on évalue respectivement l’adduction et l’abduction (fig. 5).
200 Traumatisme de la cheville

18

Fig. 3 – Entorse calcanéo-cuboïdienne avec gonflement en regard de l’articulation.

Fig. 4 – Mobilisation sélective du médio-tarse.

Fig. 5 – Mobilisation en adduction.

La palpation est le temps capital de l’examen clinique. Elle per-


met, par une approche digitale minutieuse, de retrouver les élé-
ments lésés qui sont particulièrement douloureux. La palpation des
interlignes articulaires talo-naviculaire et calcanéo-cuboïdien est
relativement aisée, alors que la distinction des différents ligaments
est plus difficile, hormis le ligament bifurqué qui se trouve à équi-
distance de la malléole latérale et de la styloïde du 5e métatarsien.
Entorses du médio-pied ou de Chopart 201

Diagnostic lésionnel
Dans l’entorse calcanéo-cuboïdienne, l’ensemble des signes cli-
niques se localise sur le bord latéral du médio-pied. Le gonfle-
ment initial puis l’ecchymose apparaissent d’emblée à distance de
la malléole latérale. L’appui se fait préférentiellement sur l’arche
interne du pied. L’adduction et la supination passives sont les mou-
vements les plus douloureux. La palpation de l’interligne calcanéo-
cuboïdien reproduit les douleurs.
Dans l’entorse talo-naviculaire, le gonflement localisé en regard
de l’interligne est discret et l’ecchymose peu fréquente. L’appui se
fait plutôt sur le bord latéral du pied afin d’éviter l’abaissement
de l’arche interne. Les mouvements d’abduction et de pronation
reproduisent les douleurs médiales, tout comme la palpation locale.
Dans l’entorse globale de l’articulation transverse du tarse, les
signes cliniques sont importants. Le gonflement s’étend sur tout le
pied. L’appui est douloureux et la marche s’effectue en mobilisant
en bloc le médio-pied. Toutes les manœuvres sollicitant ce dernier
sont douloureuses.
L’entorse latérale du pied, consécutive à un mouvement de supina-
tion force, correspond à des lésions ligamentaires de l’articulation
transverse du tarse mais aussi, à un moindre degré, aux articula-
tions adjacentes : talo-crurale, sous-talienne et tarso-métatarsienne
latérale. L’examen de ces dernières révèle des signes de lésions cap-
sulo-ligamentaires, mais l’ensemble des anomalies cliniques et les
douleurs prédominent sur l’articulation calcanéo-cuboïdienne.
Diagnostic différentiel
Entorse talo-crurale
Rarement le diagnostic d’entorse médio-tarsienne est porté
devant une entorse talo-crurale latérale  ; le plus souvent, c’est
l’inverse qui se produit. Les signes d’entorse talocrurale sont bien
connus et font l’objet d’un chapitre particulier.
Entorse sous-talienne
Parfois associée à une entorse tarso-métatarsienne, l’entorse
sous-talienne, dans ce cas, fait suite à un mouvement d’inversion.
La difficulté diagnostique résulte de la pauvreté et le peu de spéci-
ficité des signes cliniques de cette entorse. Ainsi, devant tout trau-
matisme en inversion du pied, il faut penser à une possible atteinte
de l’articulation sous-talienne isolée mais le plus souvent associée à
une entorse talo-crurale et/ou transverse du tarse.
Entorse tarso-métatarsienne
Les mécanismes lésionnels des entorses tarso-métatarsiennes
latérales sont similaires à ceux de l’entorse calcanéo-cuboïdienne.
Le diagnostic d’une atteinte tarso-métatarsienne se fonde sur la
présence initiale d’un gonflement localisé et sur la reproduction
202 Traumatisme de la cheville

des douleurs à la palpation de l’interligne et aux mouvements de


18 flexion-extension des derniers métatarsiens.
Fracture-arrachement de la styloïde ou de la base du 5e métatarsien
Elle survient lors d’un mouvement brusque en inversion du
pied, souvent associé à une contraction réflexe du court fibulaire.
L’empâtement et l’ecchymose, si présente, sont situés en regard de
la styloïde. Les douleurs sont reproduites à la contraction résistée
du court fibulaire, à la palpation de la base du métatarsien et à
l’inversion forcée du pied.
Fractures partielles du talus, du cuboïde, du calcanéus ou de l’os naviculaire
La présence d’une ecchymose plantaire et une douleur élective à
la palpation d’un relief osseux sont évocatrices d’une fracture. Les
radiographies confirmeront le diagnostic.

Examens complémentaires

Radiographies
Selon les règles d’Ottawa [7], devant un traumatisme récent du
pied, la prescription d’un bilan radiographique est justifiée lorsque
la palpation de l’os naviculaire et/ou de la styloïde du 5e métatar-
sien est douloureuse, chez un patient âgé de plus de 18 ans et de
moins de 55 ans, ou qu’il est dans l’incapacité de prendre appui
et de faire deux pas. Ces critères cliniques ont été validés pour
la recherche de fractures, mais pas précisément pour les avulsions
osseuses.
Le bilan radiologique de base comporte les incidences du pied de
face, de profil et un trois quarts déroulé du pied. On peut être
amené à demander un cliché supplémentaire de la cheville de face
en légère rotation interne en cas de doute sur l’intégrité des articu-
lations talo-crurale ou sous-talienne (entorse latérale du pied).
Ces incidences radiologiques permettent d’éliminer les fractures-
luxations [8] et de distinguer les fractures des avulsions osseuses
capsulo-ligamentaires (fig.  6). Ces dernières se situent habituel-
lement à la partie supérieure et latérale du calcanéus et du cuboïde,
et sur le versant dorsal et médial de l’os naviculaire et du talus
(fig. 7). L’incidence de face permet de voir les avulsions du liga-
ment calcanéo-naviculaire inférieur et, plus rarement, du ligament
calcanéo-cuboïdien inférieur. L’incidence de profil visualise les
avulsions du ligament talo-naviculaire supérieur. Les avulsions des
ligaments calcanéo-cuboïdien médial et dorsal, et les fractures-
arrachements de la longue apophyse du calcanéus, sont mises en
évidence sur l’incidence de trois quarts déroulé du pied.
Entorses du médio-pied ou de Chopart 203

Fig. 6 – Radiographie de profil : arrachement Fig. 7 – Radiographie de profil : avulsion du


du ligament calcanéo-cuboïdien plantaire. ligament talo-naviculaire supérieur.

Fig. 8 – Radiographies  : os naviculaire Fig. 9 – TDM  : arrachement du ligament


accessoire. calcanéo-cuboïdien dorsal.

Au niveau du pied, il existe souvent des os accessoires à bien dis-


tinguer des fragments avulsés. L’os naviculaire accessoire qui se
situe à la face médiale de l’os naviculaire est présent dans 4 à 10 %
(fig.  8), l’os calcanéen secondaire situé près du bec de la grande
apophyse est présent, dans près de 2 %, et l’os fibulaire, quand il
est présent, est inclus dans le tendon du long fibulaire en regard
du cuboïde. À la différence des fragments avulsés, les os accessoires
ont radiologiquement une densité homogène et un contour net.

Échographie
Cet examen n’apporte pas d’élément supplémentaire au diagnostic
clinique et radiologique, contrairement aux entorses talo-crurales [9].

Tomodensitométrie
Elle est parfois nécessaire pour confirmer l’existence d’une frac-
ture parcellaire par impaction d’un os du tarse suspectée sur le
bilan radiographique. Cet examen permet également d’évaluer
avec précision le déplacement fracturaire pouvant orienter le choix
thérapeutique (fig. 9).
204 Traumatisme de la cheville

18 Imagerie par résonance magnétique


Cet examen est indiqué dans le cadre de diagnostic différentiel.
Il donne un aperçu de l’ensemble des articulations du pied et de la
cheville et dévoile aisément les contusions osseuses.

Traitement

Le traitement initial ne diffère pas de la prise en charge habi-


tuelle de tout traumatisme articulaire, ayant pour but de soulager
et limiter l’extension des phénomènes inflammatoires et œdéma-
teux. L’appui est soulagé, voire supprimé, le pied est mis en posi-
tion déclive, il est glacé et une contention veineuse est portée. La
prescription d’un antalgique pendant quelques jours complète
les traitements locaux. Passée cette phase aigüe, deux modalités
thérapeutiques sont possibles.

Traitement orthopédique
Devant un pied hyperalgique, d’autant qu’il s’agit d’un patient
pusillanime, la confection d’une botte en résine confortable permet
de diminuer de façon spectaculaire les phénomènes douloureux.
La durée de cette immobilisation « protectrice » est courte, de 5
à 10 jours ; elle est ensuite relayée par un traitement fonctionnel.
Le traitement orthopédique reste indiqué dans les formes graves
avec fractures ou arrachements osseux. La botte résine est conser-
vée 4 à 6 semaines et est suivie de séances de rééducation. L’appui
est autorisé s’il est indolore.

Traitement fonctionnel
Le but est de remettre rapidement en fonction le pied en limitant
les mouvements du médio-pied par la pose d’un bandage circulaire
de type strapping (fig. 10). L’appui est repris rapidement avec des
chaussures basses, de préférence à semelles rigides. Un soutien tem-
poraire de l’arche plantaire médial dans les entorses talo-navicu-
laires, latéral dans les entorses calcanéo-cuboïdiennes, diminue les
contraintes ligamentaires et facilite ainsi la reprise d’une marche
indolore. Quelques séances de rééducation aident à la récupération
de la fonction dynamique du pied. Ce traitement, indiqué dans
les entorses bénignes et de gravité moyenne, donne d’excellents
résultats et permet une reprise des activités physiques en quelques
jours. Dans les entorses graves sans lésion radiologique, passée la
Entorses du médio-pied ou de Chopart 205

phase hyperalgique initiale, il est fréquent de constater en quelques


jours, avec ce traitement, une diminution nette des phénomènes
douloureux et une marche quasi normale.

Fig. 10 – Immobilisation par strapping.

Complications – Séquelles

Syndrome douloureux d’effort


Malgré un traitement adapté, il n’est pas rare que le patient
soit gêné, au-delà du temps de cicatrisation de 6 semaines, par des
douleurs en « éclair » survenant lors de la marche ou de la course
sur terrain inégal. L’origine de ces douleurs est difficile à préciser :
synovite réactionnelle, chondropathie contusive ou fibrose capsulo-
ligamentaire post-lésionnelle. L’aspect du pied est normal ; seule
la palpation précise de l’interligne transverse du tarse est sensible.
Si les douleurs ne disparaissent pas spontanément avec le temps,
le traitement repose sur des mobilisations manuelles analytiques
de la médio-tarsienne éventuellement complétées par une à trois
infiltrations péri- et intra-articulaires de corticoïdes.

Syndrome algodystrophique
La survenue de ce syndrome douloureux régional chronique
est largement favorisé par : un traitement initial inefficace contre
les phénomènes douloureux et de stase, une contention mal adap-
tée dans sa réalisation et/ou sa durée, une reprise prématurée des
activités physiques.
206 Traumatisme de la cheville

18 Instabilité
Elle est rare et est souvent associée à une instabilité talocrurale
et/ou sous-talienne. Il s’agit plus fréquemment d’une instabilité
fonctionnelle que clinique. Les clichés dynamiques comparatifs
peuvent mettre en évidence une laxité unilatérale mais leur inter-
prétation est délicate. Le traitement est avant tout conservateur :
rééducation proprioceptive de la cheville et du pied, avec parfois
réalisation d’un bandage ou le port de semelles orthopédiques lors
des activités physiques.

Raideur articulaire
À long terme, la répétition de microtraumatismes et les frac-
tures parcellaires de l’articulation transverse du tarse sont à l’ori-
gine d’une installation progressive d’une raideur articulaire par
phénomènes arthrosiques. Essentiellement calcanéo-talo-navicu-
laire, cette arthrose est relativement bien tolérée.

Conclusion

L’entorse transverse du tarse, surtout latérale, est une lésion fré-


quente du médio-pied. Son diagnostic nécessite un examen précis
permettant d’innocenter l’articulation talocrurale et d’éliminer
une lésion de voisinage. Les radiographies recherchent des arra-
chements ostéo-périostés, des fractures ou des luxations associées.
Dans le cas d’entorse grave, la confection d’une botte en résine est
indiquée en présence d’avulsions capsulo-ligamentaires. Dans les
autres cas, le traitement fonctionnel est suffisant.
Les séquelles douloureuses sont prévenues par des traitements
locaux et généraux précoces, appropriés, et une reprise progressive
des appuis, en s’aidant si besoin de séances de rééducation.

Bibliographie
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frequency and course of recovery. Foot Ankle Int 17: 196-9
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Le pied en rhumatologie. Paris, Springer-Verlag. p. 17-23
Entorses du médio-pied ou de Chopart 207

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entorses talocrurales). Encycl Méd Chir (Elsevier-Masson SAS) – Podologie:
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7. Stiell I, Wells G, Laupacis A et al. (1995) Multicentre trial to introduce the
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9. Koski JM (1993) Ultrasonography of the subtalar and midtarsal joints.
J Rheumatol 20: 1753-5
Partie
Cheville chronique
III
Cheville douloureuse chronique :
démarche diagnostique et thérapeutique 19
F. KHIAMI

Points essentiels
t Il faut faire la différence entre les chevilles post-traumatiques et celles qui
sont atraumatiques (« overuse »).
t Il faut savoir reprendre totalement l’interrogatoire et l’examen clinique
devant une cheville douloureuse chronique.
t Les entorses de cheville d’évolution lente sont un diagnostic de dernier
recours.
t Les radiographies et l’échographie relèvent du service des urgences, la
tomodensitométrie et l’IRM seront discutées en consultation de suivi.
t Le traitement va de la simple infiltration à l’arthrodèse de cheville,
justifiant une prise en charge précoce pour limiter les séquelles.

Les affections douloureuses chroniques de la cheville sont un


motif fréquent de consultations spécialisées. La variété lésionnelle
peut s’exprimer de diverses manières, de la simple gêne articulaire
ou du gonflement aux efforts à la véritable impotence douloureuse
avec limitation des amplitudes. Poser un diagnostic précis sur un
ensemble de symptômes parfois frustes peut ne pas être aisé. La
démarche diagnostique répond à un cahier des charges cliniques
rigoureux et assez stéréotypé qui permet d’orienter la demande
d’examens complémentaires judicieux.
L’examen clinique doit s’attacher à systématiser l’inventaire des struc-
tures anatomiques potentiellement incriminées, et les tester succes-
sivement en s’aidant du contexte de survenue, des antécédents du
patient et du mécanisme lésionnel lorsqu’il y en a un. Les structures
anatomiques comprennent la base osseuse, les ligaments, les tendons
périarticulaires, le cartilage, le tissu neurologique et la recherche de
conflits. Chaque structure peut répondre à une lésion spécifique ou
plus globale dont le traitement doit être adapté à la lésion elle-même,
sa tolérance fonctionnelle, la durée d’évolution, son potentiel évo-
lutif, le caractère invasif du traitement et les impératifs du patient.

F. Khiami ( ), Service de chirurgie orthopédique et traumatologie du sport, Hôpital de la


Pitié-Salpêtrière , 75013 Paris – e-mail : frederic.khiami@psl.aphp.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
212 Traumatisme de la cheville

19 Démarche diagnostique

Interrogatoire
Devant une plainte fonctionnelle, l’enquête clinique, quelle
que soit la spécialité, débute par l’interrogatoire. Celui-ci s’attache
à faire préciser le ou les symptômes dont la douleur est le plus
souvent au premier plan.
Préciser les symptômes
Il convient de préciser le mode d’apparition, la durée d’évolu-
tion, la localisation, l’intensité et le retentissement fonctionnel. Si
la douleur prédomine souvent, d’autres signes fonctionnels doivent
être recherchés tels que des blocages articulaires, des craquements
ou claquements, un gonflement global ou localisé, une instabi-
lité, une limitation des amplitudes articulaires, une boiterie, une
perte de force, des troubles neurologiques (paresthésies-hypoesthé-
sie-anesthésie)… entre autres. Chacun de ces différents éléments
concourt à établir une première appréciation diagnostique qui
peut sensibiliser et orienter l’examen physique. À titre d’exemple,
des phénomènes douloureux antérieurs associant des craquements
et un gonflement aux efforts évoquent fortement une pathologie
articulaire, contrairement à une douleur postérieure calcanéenne
irradiant au mollet qui oriente vers une pathologie tendineuse
calcanéenne.
Contexte micro- ou macrotraumatique
Un contexte sportif exigeant doit faire évoquer toutes les patho-
logies dites «  d’overuse  », telles que les fractures de fatigue, les
conflits articulaires ou les tendinopathies. À l’inverse de ces patho-
logies de surcharge, il est essentiel de reconnaître et de faire pré-
ciser la notion de traumatisme plus ou moins ancien qui orientera
vers toutes les affections post-traumatiques souvent méconnues au
stade initial pouvant décompenser à un stade plus avancé voire au
stade de complications.
Préciser le mécanisme lésionnel
La reconnaissance du mécanisme lésionnel peut apporter d’in-
nombrables informations utiles à la formulation d’un diagnostic.
Un traumatisme en varus de la cheville évoquera fortement des
séquelles d’une entorse banale mal soignée ou sur laquelle des
lésions associées sont passées inaperçues (fracture ostéo-chondrale,
fracture du processus latéral du talus, rupture tendineuse mécon-
nue…). Un traumatisme en flexion dorsale et rotation latérale fera
rechercher une lésion de l’articulation tibio-fibulaire inférieure.
Cheville douloureuse chronique : démarche diagnostique et thérapeutique 213

Une flexion plantaire forcée associée à des douleurs postérieures


pourra faire rechercher une fracture de la queue du talus. Une
douleur postérieure de cheville associée à un claquement brutal
et audible à la réception d’un saut ou après un démarrage brutal
évoquera en premier lieu une rupture du tendon calcanéen. Une
violente flexion plantaire contrariée avec composante d’éversion
(chute en avant avec pied bloqué dans une chaussure de ski) doit
faire penser à une luxation des tendons fibulaires.
Une enquête minutieuse
L’interrogatoire est donc une étape déterminante dans la pre-
mière approche diagnostique qui doit reconstituer l’histoire des
événements, car il n’est pas rare d’aborder des situations d’appa-
rence simple qui masquent en fait une succession d’événements
dont la mise en évidence est indispensable afin que la prise en
charge soit optimale. À titre d’exemple, il est classique de retrouver
dans les antécédents lointains une histoire d’entorse récidivante de
la cheville insuffisamment prise en charge devenue douloureuse
dans le temps et de découvrir une lésion avancée du dôme du talus
compliquant une instabilité chronique de la cheville d’origine liga-
mentaire. De la même façon, une douleur chronique rétromalléo-
laire latérale associée à une tuméfaction localisée exacerbée aux
efforts peut faire penser de prime abord à une tendinopathie des
fibulaires mais peut être le fait d’un traumatisme ancien de la che-
ville (parfois banalisé), mis sur le compte d’une simple entorse et
pourra révéler une instabilité chronique des tendons fibulaires…
l’enquête doit être minutieuse et approfondie pour éviter de se
laisser abuser par l’arbre qui cache la forêt.
Pratique sportive
Cette étape s’attache à définir un contexte favorisant ou aggra-
vant dont la pratique sportive prend une place particulière. Le
patient sportif doit détailler son expérience (sportif expérimenté
ou novice), le type de sport pratiqué (contact, ligne, porté ou
pas…), son intensité (fréquence d’entraînement, durée, vitesse…),
son niveau (loisir, compétiteur, haut niveau), son encadrement
(diététique, podologue, équipement…).
Bilan général
Enfin, l’interrogatoire ne doit pas omettre un bilan plus général,
surtout rhumatologique, même succinct, incluant les antécédents
familiaux de pathologie articulaire ou de diabète, la recherche de
douleur de rythme inflammatoire et la recherche d’autres localisa-
tions articulaires.
Au total, au terme de l’interrogatoire, il est souvent déjà possible de
faire la part entre les pathologies post-traumatiques et celles qui sont
la conséquence d’une surutilisation articulaire et périarticulaire.
214 Traumatisme de la cheville

À ce stade, on peut avoir une orientation diagnostique assez précise


19 de la lésion responsable des symptômes, mais cela n’est pas la règle.

Examen physique
Examen du patient debout
L’examen débute par l’analyse de la marche à la recherche
d’une boiterie (esquive douloureuse), d’un steppage (nerf fibulaire
commun ou rupture du tendon tibial antérieur) ou d’un fauchage/
talonnage (rupture du tendon calcanéen). L’analyse du patient se
fait de face puis de dos en statique à la recherche d’une déformation
du pied et de l’arrière pied (plat, creux, varus, valgus, axé…). La
stabilité monopodale et la montée unipodale sur demi-pointe ana-
lysent surtout la force de propulsion du triceps (rupture du tendon
calcanéen) et recherchent la perte de varisation du calcanéum à la
montée (qui oriente vers une lésion du tendon du tibial postérieur).
Examen couché
L’examen se poursuit en décubitus dorsal et note les mobili-
tés active et passive de la cheville à la recherche d’une asymétrie
(perte de la flexion dorsale lors d’un conflit antérieur tibio-talien,
enraidissement global d’une cheville arthrosique, augmentation de
la flexion dorsale au cours d’une rupture chronique ou d’une ten-
dinopathie du tendon calcanéen). Les laxités sont analysées par
la recherche des tiroirs antéro-postérieurs, latéraux/médiaux tibio-
taliens et sous-talien. La souplesse de l’articulation sous-talienne
est testée comparativement à la recherche d’un enraidissement ou
d’une laxité (arthrose, synostose, instabilité).
Recherche des points douloureux
Il convient de palper méthodiquement l’interligne tibio-talien
médial/central/latéral ainsi que les joues taliennes en flexion/
extension (à la recherche d’un point douloureux pouvant faire évo-
quer une lésion du dôme talien, une lésion capsulo-ligamentaire),
les reliefs osseux malléolaires médial et latéral et la marge anté-
rieure tibiale (pseudarthrose, fracture de fatigue, conflit osseux),
les zones d’insertion ligamentaires médiales et latérales (faisceaux
talo-fibulaires antérieur et postérieur, faisceau calcanéo-fibu-
laire, ligament deltoïdien, dans le cadre de séquelles ligamentaires
d’instabilité chronique de la cheville), l’articulation tibio-fibulaire
distale, le sinus du tarse (syndrome du sinus du tarse, instabilité
sous-talienne), la base du 5e métatarsien (pseudarthrose, fracture
de fatigue), l’os naviculaire (fracture de fatigue)…
Le testing dynamique de la cheville recherche un conflit antérieur
ou postérieur par la mise en flexion dorsale/plantaire forcée qui
réveille la douleur. La mise en rotation latérale forcée contrariée de
la cheville peut tester l’articulation tibio-fibulaire distale.
Cheville douloureuse chronique : démarche diagnostique et thérapeutique 215

Testing tendineux
Le testing évalue tous les tendons de la cheville et du pied. Il se fait
en trois étapes :
– la première consiste à palper chaque tendon le long de son
trajet anatomique à la recherche d’une douleur, nodule, crépi-
tation, empâtement, perte de substance, disparition du relief
tendineux ;
– la seconde isole le tendon étudié et en fait un bilan analytique
de contraction sans résistance ;
– la troisième étape consiste en un bilan analytique contre
résistance de l’examinateur. Il est classique de s’attarder sur le
tendon calcanéen, les tendons fibulaires et le tibial postérieur.
Le tendon calcanéen peut être le siège d’une tendinopathie ou
d’une rupture ancienne. L’examen sur le ventre recherche une
verticalisation du pied avec perte de l’équin physiologique, une
amyotrophie du triceps et un signe de Thompson, qui signent
la rupture ancienne. En cas de tendinopathie chronique, ces
éléments ne seront pas retrouvés, mais la douleur sera prépon-
dérante. Il conviendra de préciser exactement le siège de celle-ci
(corps tendineux ou insertion). Le bilan des tendons fibulaires
et du tibial postérieur a déjà été décrit dans les chapitres
spécifiques de cet ouvrage.
Enfin, l’examen neurologique est nécessaire afin de dépister une
pathologie locale (syndrome du tunnel tarsien, étirement du
nerf sural), régionale (compression du nerf fibulaire commun)
ou plus  générale (sciatalgie tronquée à la cheville, neuropathie
médicale).
Au terme de l’examen clinique, de nombreux diagnostics peuvent
facilement être retenus alors que d’autres, plus complexes, néces-
siteront des investigations complémentaires pour les mettre en
lumière.
Les diagnostics principaux à envisager [1-3] sont les suivants.
– Lésions osseuses :
tfractures passées inaperçues dépistées au stade de pseudarth-
rose  : pointe malléolaire latérale ou médiale (fig.  1), marge
antérieure ou postérieure du tibia, queue du talus (fig.  2),
processus latéral du talus (fig. 3), arrachement calcanéen au
niveau du sinus du tarse, base du 5e métatarsien…
tfracture de fatigue  : malléole médiale/latéral (fig.  4),
pilon tibial, naviculaire, base du 5e métatarsien, cuboïde,
calcanéum…
– Lésions ligamentaires :
tinstabilité chronique ;
tséquelles d’entorse du ligament collatéral latéral/médial ;
tlésion de l’articulation tibio-fibulaire inférieure ;
tinstabilité sous-talienne ;
tinstabilité talo-naviculaire.
216 Traumatisme de la cheville

– Lésions cartilagineuses ou articulaires :


19 tarthrose globale ou localisée tibio-talienne ou sous-talienne ;
tlésion ostéo-chondrale du dôme du talus ;
tostéochrondrite du talus ;
tsynostose sous-talienne ;
tcorps étrangers intra-articulaires.
– Lésions tendineuses (rupture/tendinopathie/instabilité) :
ttendon calcanéen (fig. 5) ;
ttendinopathie ou instabilité des fibulaires ;
ttibial antérieur/postérieur.
– Conflits articulaires :
tconflit antérieur (mou ou osseux) (fig. 6) ;
tconflit postérieur.
– Troubles neurologiques :
tle tunnel tarsien ;
tla sciatique tronquée ;
tle nerf fibulaire commun.

Examens complémentaires

La stratégie des examens complémentaires doit être adaptée au


cas par cas selon l’étiologie suspectée et surtout les données de
l’examen clinique. Certains examens sont demandés en service
d’urgence, d’autres en consultation spécialisée d’orthopédie ou de
rééducation.

Examens possibles aux urgences


Bilan radiographique standard
Il est systématique et doit se faire en charge et de manière com-
parative. Aux classiques clichés de débrouillage de la cheville de
face et de profil peuvent s’ajouter des incidences de face à 20° de
rotation médiale afin de dégager totalement la mortaise tibio-
talienne et pour effacer la malléole latérale. Si la lésion concerne
plus l’arrière-pied ou la jonction avec l’avant-pied, des clichés du
pied de face dorso-plantaire et de profil en charge sont impéra-
tifs, de même qu’une incidence de ¾ déroulé qui permet de mieux
visualiser la base du 5e métatarsien, le sinus du tarse et ses limites,
l’articulation calcanéo-cuboïdienne.
En consultation spécialisée, les radiographies dynamiques peuvent
être utiles telles que les tiroirs antérieurs, les varus/valgus forcés ou
les autovarus (fig. 7). Ils permettent de définir un critère objectif
de laxité utile dans le diagnostic d’instabilité chronique de cheville
d’origine ligamentaire.
Cheville douloureuse chronique : démarche diagnostique et thérapeutique 217

Fig. 1 – Patient consultant pour une instabilité chronique douloureuse de la cheville. Le


bilan met en évidence une fracture de la pointe malléolaire latérale passée inaperçue. L’arthro-
scanner confirme le diagnostic de pseudarthrose. La vue opératoire montre la mobilité du
fragment pseudarthrosé. Le traitement a consisté en un vissage de la pointe malléolaire.

Fig. 2 – Patient présentant des douleurs chroniques postérieures de la cheville après un traumatique
datant de plusieurs mois. Le bilan met en évidence une fracture du processus postérieur du talus.

Fig. 3 – Fracture marginale Fig. 4 – Fracture de fatigue de la malléole médiale chez un


latérale du talus au niveau sportif. Le diagnostic a été fait sur le scanner demandé devant
du sinus du tarse après une une douleur chronique. Le traitement a consisté en un vissage
entorse. Le diagnostic a été en compression.
porté sur la tomodensitomé-
trie demandée car le traite-
ment habituel de l’entorse
était inefficace.

Fig. 5 – Rupture Fig. 6 – Conflit antérieur de Fig. 7 – Clichés dynamiques en auto-


ancienne du tendon cheville. varus démasquant une laxité bilatérale.
calcanéen. Ces clichés sont pratiqués en consulta-
tion spécialisée et ne relève en aucun
cas d’une prise en charge en urgence.
218 Traumatisme de la cheville

Échographie
19 Elle demeure le prolongement de l’examen clinique par son carac-
tère dynamique, comparatif, disponible et peu onéreux. Cet examen
est devenu une référence dans toute la pathologie extra-articulaire
non osseuse entre des mains expérimentées et doit être demandé
précocement devant une cheville douloureuse chronique. La seule
faiblesse de cet examen provient de l’impossibilité d’analyse intra-
articulaire et de la difficulté d’analyse de l’organe osseux, quoique cer-
tains diagnostics de fracture de fatigue de la malléole médiale aient pu
être avancés en échographie. L’échographie peut être demandée aux
urgences si les symptômes le justifient (blocage articulaire, cheville
hyperalgique… par exemple) et le radiologue disponible. Dans tous
les autres cas, si la cheville douloureuse chronique ne présente aucun
caractère d’urgence, l’examen doit être demandé en consultation.

Examens de consultation spécialisée et de seconde intention


IRM et tomodensitométrie
Elles doivent être prescrites lorsque l’on souhaite préciser le
diagnostic. L’IRM est de plus en plus précise dans la définition
des images, et l’utilisation des séquences particulières garantit une
analyse lésionnelle adaptée. Ces deux examens programmés per-
mettent de localiser précisément la lésion, son retentissement (syno-
vite, épanchement, œdème intra-osseux, déplacement, marche
d’escalier articulaire) et offrent souvent la possibilité de dresser une
cartographie lésionnelle utile à la démarche thérapeutique.
Examens avec opacification intra-articulaire (arthro-scanner ou arthro-IRM)
Ils doivent être demandés dans le cadre d’un bilan préopéra-
toire, lorsque le diagnostic lésionnel est fait, mais lorsque le chirur-
gien souhaite encore préciser la lésion dans le but de définir une
voie d’abord, commander le matériel le plus adapté et choisir une
technique opératoire (fig. 8).

Fig. 8 – Scinti-scanner. L’examen montre la zone douloureuse à la scintigraphie et la précise avec


le scanner. Il s’agit d’un conflit osseux développé aux dépens de la marge antérieure du tibia.
Cheville douloureuse chronique : démarche diagnostique et thérapeutique 219

Principes thérapeutiques

Devant la multitude des possibilités étiologiques de cheville


chronique douloureuse, il est difficile de préconiser une atti-
tude thérapeutique prédéterminée sans évoquer le diagnostic
précis. Dans tous les cas, une attitude thérapeutique curative ne
peut se concevoir que lorsque le diagnostic de certitude a pu être
établi. Dans le cas contraire, le thérapeute ne pourra mettre en
place qu’un traitement symptomatique. Le plus important est
de reconnaître les lésions dont le traitement relève d’une chirur-
gie rapide ou dont le potentiel évolutif risque de compromettre
la fonction articulaire, afin de ne pas les laisser évoluer vers les
séquelles.
Dès lors que le diagnostic de certitude est posé, plusieurs mesures
simples et de bon sens nous semblent indiquées dans la prise en
charge thérapeutique d’une pathologie de cheville.

Bilan podologique
Il fait partie intégrante du circuit thérapeutique car il permet
l’évaluation et la correction des troubles morphostatiques du pied
et de l’arrière-pied pouvant retentir sur la cheville et constituer
des facteurs lésionnels aggravants. En marge de la dimension
préventive, le positionnement d’orthèses plantaires permet dans
certaines situations de favoriser les conditions de la guérison.
Chaque lésion devra subir une évaluation de la pertinence de la
prescription d’orthèses plantaires.

Rééducation fonctionnelle
Elle est incontournable dans toutes pathologies chroniques dès
lors qu’une indication opératoire n’a pas été posée. La rééduca-
tion comporte plusieurs aspects et ne se résume pas au simple
renforcement musculaire.

Traitement médical
Il associera diversement des antalgiques simples et/ou des
anti-inflammatoires. Les infiltrations extratendineuses, au mieux
radio- ou écho-guidées, relèvent du spécialiste lorsque le diagnostic
lésionnel précis est établi.
220 Traumatisme de la cheville

19 Palette technique chirurgicale


Elle est variée et s’adapte à la variété lésionnelle.
– En pathologie osseuse, les fragments libres sont excisés s’ils
sont de petite taille ou ostéosynthésés s’ils sont de grande taille
(fig.  9), les pseudarthroses et les fractures de fatigues sont
greffées et ostéosynthésées.
– En pathologie ligamentaire, tout dépend de la dégradation arti-
culaire. En présence d’une articulation dont le cartilage est nor-
mal, les techniques de ligamentoplasties ont fait la preuve de leur
efficacité. Elles peuvent pallier à l’insuffisance tibio-talienne
médiale ou latérale, ainsi qu’au niveau de l’articulation sous-
talienne. À l’inverse, devant une cheville sur laquelle l’arthrose
s’est installée, des programmes d’ostéotomie ou d’arthrodèse
doivent être envisagés.
– En pathologie cartilagineuse ou articulaire, il faut faire la distinc-
tion entre les lésions focales et les lésions cartilagineuses globales
arthrosiques. Dans le cadre d’une lésion focale non arthrosique,
il existe une palette technique permettant de remplacer la lésion
cartilagineuse et l’os sous-chondral (comblement greffe spon-
gieuse/curetage perforation/« mosaïque plastie »). Ces techniques
peuvent être réalisées sous arthroscopie ou à ciel ouvert plus clas-
siquement. L’indication technique dépend de la taille et de la pro-
fondeur lésionnelle. Les résultats sont bons en règle générale, si
l’intervention est réalisée tôt, limitant l’installation des lésions
arthrosiques et si l’on tient compte du traitement des lésions asso-
ciées (instabilité, troubles morphostatiques de l’arrière-pied). Les
corps étrangers peuvent facilement être retirés sous arthrosco-
pie. Lorsque le cartilage n’est plus fonctionnel dans un contexte
d’arthrose, la chirurgie devient plus invasive. Si l’arthrose demeure
localisée, les ostéotomies de réaxation peuvent suffire à soulager
le compartiment lésé, mais si l’atteinte est globale, seule l’arthro-
dèse (fig. 10) ou la prothèse peut être une solution efficace.
– En pathologie tendineuse, trois situations peuvent être rencon-
trées en situation chronique : la rupture ancienne, la tendino-
pathie et l’instabilité tendineuse. La rupture ancienne constitue
un petit défi thérapeutique car l’enjeu est de rétablir la longueur
tendineuse et de régénérer le tissu tendineux, fibreux et rétracté.
Les sutures directes peuvent être tentées si la lésion n’est pas
trop ancienne, mais en règle générale, cela nécessite des tech-
niques de greffes tendineuses ou de transfert palliatif. En cas de
tendinopathie, le traitement doit tenir compte de la physiopa-
thologie de la lésion. En cas d’atteinte de l’enveloppe synoviale,
une synovectomie est indiquée. Si un conflit osseux existe à
l’insertion, il doit être retiré, et la lésion tendineuse qui peut
prendre la forme d’un nodule est souvent traitée par la tech-
nique du peignage. Lorsqu’il existe une instabilité tendineuse,
Cheville douloureuse chronique : démarche diagnostique et thérapeutique 221

en principe au niveau des tendons fibulaires ou du tibial posté-


rieur, le traitement nécessite un simple resanglage avec recons-
truction des éléments stabilisateurs.
– Lorsqu’ il existe un conflit articulaire, osseux ou en rapport avec
un tissu mou, le traitement nécessite la résection de celui-ci.
L’ablation d’un ostéophyte tibial ou d’un épaississement capsu-
laire antérieur fibreux est idéalement pratiquée sous arthrosco-
pie. Les résultats sont excellents sur la douleur avec parfois une
récupération complète des amplitudes articulaires.

Fig. 9 – Fracture de la marge antéro-latérale du tibia de découverte tardive. Le diagnostic


radiographique est difficile. La tomodensitométrie confirme la fracture et précise le
déplacement. Il existe une lésion de l’articulation tibio-fibulaire inférieure. Le traitement
associe un vissage de la fracture et un vissage de syndesmodèse de l’articulation tibio-fibulaire
inférieure afin de stabiliser l’articulation.

Fig. 10 – Séquelles d’instabilité chronique de cheville deve-


nue douloureuse. Une arthrose s’est progressivement installée.
L’arthrodèse constitue une solution efficace.

Conclusion

La prise en charge d’une cheville douloureuse chronique asso-


cie un interrogatoire rigoureux à un examen clinique complet
222 Traumatisme de la cheville

permettant de mettre rapidement en lumière les diagnostics les


19 plus simples et d’entreprendre leur traitement adapté. Néanmoins,
de nombreux diagnostics nécessitent la prescription d’investiga-
tions complémentaires en fonction de la suspicion lésionnelle et du
contexte de survenue. Il est important de pouvoir caractériser la
lésion de manière précise, car le traitement doit lui être spécifique.

Bibliographie
1. Rodineau J (2011) Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs.
Paris, Elsevier-Masson
2. Rodineau J, Besch S (2008) La cheville traumatique : des certitudes en
traumatologie du sport: des certitudes en traumatologie du sport. Paris,
Elsevier Masson
3. Catonné Y, Khiami F, Rolland E, Saillant G (2012) Techniques chirurgicales
en traumatologie du sport. Montpellier, Sauramps Médical
Cheville œdématiée :
démarche diagnostique et thérapeutique 20
A.A. LOPEZ ET A. GOLDCHER

Points essentiels
t L’infiltration œdémateuse est mise en évidence par la « prise du godet » à
la pression tissulaire.
t L’objectivation et la surveillance des œdèmes nécessitent la pesée et la
mesure des périmètres de façon itérative.
t La présence d’œdèmes bilatéraux et symétriques impose un bilan général.
t L’affection la plus fréquente responsable d’œdèmes bilatéraux est
l’insuffisance cardiaque.
t L’insuffisance lymphatique se caractérise par sa persistance après repos en
position déclive prolongée.

Introduction

Les chevilles et les pieds, de par leur situation anatomique dis-


tale et leur position inférieure, sont les éléments du corps les plus
fréquemment atteints d’œdèmes mais la position statique érigée et
l’action de la pesanteur ne suffisent pas pour expliquer la diver-
sité des tableaux cliniques. Les œdèmes qui ne touchent jamais les
membres inférieurs ne seront pas évoqués ici.
Aux membres inférieurs, les œdèmes bilatéraux et symétriques sont
réputés être la conséquence de pathologies générales alors que ceux
plus circonscrits découlent de pathologies plus régionales. Certaines
classifications distinguent les œdèmes d’installation journalière
réputés mous et favorisés par la déclivité, des œdèmes chroniques
et rebelles indurés. D’autres classifications encore opposent les
œdèmes inflammatoires à ceux évoluant à bas bruit. Des distinc-
tions sont également faites entre les œdèmes d’apparition brutale

A.A. Lopez ( ) et A. Goldcher, Attachés de consultation, Service de rhumatologie du


Pr Fautrel , Hôpital de la Pitié-Salpêtrière – e-mail : drantoniolopez@hotmail.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
224 Traumatisme de la cheville

dits réactionnels et les œdèmes d’installation progressive et insi-


20 dieuse rattachés à des pathologies internes. Ces subtilités de classe-
ment ne sont pas toujours d’un grand apport pour l’identification
des étiopathologies, le plus souvent intriquées.
Pour bâtir une démarche pratique, la prise en compte du terrain
et des antécédents personnels est primordiale. L’évocation des
pathologies, même rares, est nécessaire au diagnostic différentiel.

Historique
« Nous disons qu’un œdème est fait du sang phlegmatique… aussi
le phlegme qui n’est autre chose que du sang imparfait peut être fait
par notre chaleur naturelle… le flegme ou pituite est de la nature
de l’eau froide et humide, de consistance fluxile, de couleur blanche
et de saveur douce ou plustôt fade car ainsi estimons-nous cette eau
bonne qui n’a aucun goûst… D’usage : elle nourrit le cerveau comme
aussi toute autre partie froide et humide, modère le sang et aide le
mouvement des articles » disait Ambroise Paré [1].

Définition
Étymologiquement du grec ancien oídêma, (RLGKPD = gon-
flement, tumeur), l’œdème est un syndrome résultant d’une
hyperhydratation extracellulaire par déséquilibre des pressions
hydroélectrolytiques entre les liquides circulants et les tissus
interstitiels.

Rappels physiopathologiques
L’infiltration séreuse anormale des tissus interstitiels sous-cutanés
des membres inférieurs (mais aussi d’autres organes) peut être le
fait de quatre mécanismes principaux :
– l’augmentation de la pression hydrostatique intravasculaire,
(insuffisance cardiaque, thrombose veineuse) ;
– la baisse de la pression oncotique plasmatique, (hypoprotéiné-
mie de malnutrition) ;
– l’augmentation de la perméabilité membranaire (médiateurs
pro-inflammatoires : cytokines, histamine, bradykinine…) ;
– la diminution anormale de la résorption (ou drainage) lym-
phatique (obstruction).
Ce trouble de l’homéostasie définie par Claude Bernard, [2] est
souvent multifactoriel.
Il se comprend pour ce qui est de la régulation des échanges capil-
laires et pour la filtration glomérulaire par les lois de Starling [3, 4].
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 225

Diagnostic clinique

Le diagnostic positif d’œdème des membres inférieurs est facile


et toujours clinique. Dans la majorité des cas, le patient en fait
lui-même le constat et en motive la consultation par l’aspect de
« l’enflure » ou par des signes fonctionnels inconstants tels que :
lourdeurs des jambes, douleurs segmentaires, acro-paresthésies.
L’ interrogatoire précise l’ancienneté des symptômes, le contexte
d’apparition des troubles, les antécédents, les habitudes alimen-
taires et nutritionnelles, et s’enquière des traitements en cours.
Même dans les cas les plus subtils, le diagnostic positif reste cli-
nique. Il est visuel, palpable et mesurable.
L’ inspection détecte l’augmentation de volume et son caractère uni
ou bilatéral.
La palpation permet d’apprécier son caractère douloureux et/ou
inflammatoire.
La pression maintenue confirme l’existence de l’infiltration œdé-
mateuse par la « prise du godet » ou par la mise en évidence de
tensions et d’indurations fibrotiques des tissus (fig. 1).
La mesure des périmètres objective l’importance de l’augmentation
volumique et la bilatéralité. Répétée, elle permet de dater dans la
journée le moment le plus intense.
La pesée systématique des malades aide à détecter les formes frustres.
Ces différents signes cliniques permettent de caractériser et de faire
une première classification « pseudo étiologique » en :
– œdèmes dits généralisés (secondaires à une maladie générale) ;
– œdèmes lymphatiques (lymphœdèmes) ;
– œdèmes veineux ;
– œdèmes traumatiques.
Cette approche nosographique est pratique pour la clarification et
la mémorisation des étiologies. Cependant, elle ne présente pas tou-
jours des caractéristiques suffisamment pertinentes et communes
dans chaque groupe pour permettre le diagnostic étiologique
précis.

Fig. 1 – Signe du godet.


226 Traumatisme de la cheville

20 Diagnostics étiologiques

La démarche diagnostique étiologique est souvent difficile


et demande l’affinement des données de l’interrogatoire et de
l’examen clinique. Elle nécessite parfois le recours aux examens
complémentaires (prescrits en fonction des orientations cliniques).
En ce qui concerne les chevilles, la recherche étiologique se fera à
partir des constatations topographiques ; on opposera les œdèmes
généralisés qui dénotent de pathologies générales aux œdèmes loca-
lisés aux membres inférieurs. Ces derniers peuvent également avoir
une cause générale mais ils s’accompagnent de signes cliniques plus
évocateurs suivant leur caractère bilatéral (symétriques ou non) ou
unilatéral (inflammatoires ou froids).

Œdèmes bilatéraux
Les œdèmes bilatéraux, symétriques et étendus des membres
inférieurs doivent faire rechercher des épanchements dans d’autres
organes et en particulier les séreuses viscérales (plèvres, péricarde,
poumons…). S’ils sont retrouvés, ils constituent le syndrome
œdémateux généralisé ou anasarque.
Cet état s’accompagne de symptômes perçus par le patient comme :
prise de poids, asthénie et dyspnée. Il découle de quatre grandes
causes principales, qui sont, par ordre de fréquence :
– l’insuffisance cardiaque ;
– l’insuffisance rénale ;
– l’insuffisance hépatique ;
– la malnutrition.
L’ insuffisance cardiaque, dite globale, apparaît le plus souvent bru-
talement chez des cardiaques connus et traités. Elle peut survenir
de façon plus sournoise chez des patients ayant des antécédents
d’embolie pulmonaire. Elle touche les cœurs droits et gauches.
L’insuffisance cardiaque droite est plus volontiers associée aux
sujets atteints d’insuffisance respiratoire sévère.
Les insuffisances cardiaques peuvent s’accompagner de complica-
tions rénales fonctionnelles (par mauvaise perfusion) responsables
de la rétention œdémateuse. L’augmentation de sécrétion d’aldos-
térone, accompagnant généralement l’insuffisance cardiaque,
aggrave les épanchements.
L’ insuffisance rénale résulte de pathologies multiples  : infections
microbiennes, maladie auto-immune, diabète mal équilibré, arté-
rite, état de choc… Ces diagnostics médicaux plus difficiles néces-
sitent le recours aux examens complémentaires d’autant que les
dysfonctions rénales sont parfois réversibles.
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 227

La glomérulonéphrite aiguë peut survenir :


– chez la femme enceinte. Elle est confirmée par l’association
HTA et protéinurie qui signe la néphropathie ou «  toxémie
gravidique » ;
– plus rarement chez n’importe quel sujet dans les suites
post-angineuses.
Le syndrome néphrotique est plus péjoratif. Il associe protéinurie
et hypoprotidémie à l’origine de la baisse de la pression oncotique.
Il nécessite parfois la ponction-biopsie rénale exploratrice.
L’ insuffisance hépatique cirrhotique du fait de la sclérose consti-
tue une obstruction du foie au passage du sang veineux. Il ralentit
ce flux veineux autant au niveau du foie que du rein constituant
une insuffisance rénale fonctionnelle et des œdèmes de stagnation.
L’hyperaldostéronisme réactionnel aggrave la situation.
La notion d’éthylisme impose la recherche d’ascite et de cirrhose.
L’origine est plus évidente en présence de subictère, d’angiomes
stellaires, de circulation collatérale abdominale, de foie dur et
tranchant, ou d’antécédents de rupture de varices œsophagiennes.
Les origines post-hépatiques ou métaboliques (hémochromatose et
maladie de Wilson) de la cirrhose doivent toujours être envisagées.
Elles réalisent un tableau comparable à l’éthylisme.
Les œdèmes de malnutrition ou carentiels protéiques sont essentiel-
lement constatés chez les personnes âgées ou en phase terminale de
maladies graves (insuffisance hépatique stade ultime). Ce syndrome
se traduit cliniquement par une asthénie extrême avec polyurie et
œdèmes (dus à la diminution de la pression oncotique) secondaire
à une carence d’apport ou à une malabsorption digestive. La biolo-
gie confirme l’hypoprotidémie et l’hypoalbuminémie.
Un tableau clinique et biologique similaire a été décrit chez les
individus soumis à un travail pénible ou exposés au froid de façon
prolongée.
Dans les pays du tiers-monde, cette carence protéique atteint les
enfants de 6 mois à 3 ans brutalement sevrés de lait maternel. Elle
est appelée « kwashiorkor » (kwashi = enfant, orkor = rouge) appel-
lation issue de la langue des Ashanti du Ghana [5]. Cliniquement,
il s’agit d’un tableau dramatique avec diminution de la masse
musculaire, amaigrissement, hépatomégalie, diarrhées, vomis-
sements, anémie, apathie, fatigue, irritabilité, léthargie. Cet état
est réversible ou rapidement fatal en l’absence de correction.
D’autres carences peuvent plus rarement être incriminées dans la
survenue d’œdèmes mais elles se doivent d’être évoquées comme
potentielles pour être assurément reconnues.
– La carence vitaminique B1 (thiamine) dont les œdèmes sont
retrouvés dans la forme du « béribéri humide » [6, 7]. (Son nom
est l’expression cinghalaise = je ne peux pas, je ne peux pas).
Cette affection associe insuffisance cardiaque et poly neuropa-
thie symétrique ; elle est à soupçonner en zone endémique.
228 Traumatisme de la cheville

– La carence en vitamine C (décrite depuis 1600 av. J.-C. dans


20 le papyrus Ebers) ou les œdèmes apparaissent à la phase initiale
post asthénique du scorbut et précèdent la phase hémorragique
muqueuse gingivale et nasale, bien avant la phase caractéristique
de déchaussement des dents. Elle doit être soupçonnée précoce-
ment en présence de lésions purpuriques à tropisme pilaire. La
réapparition du scorbut chez un jeune adolescent, du fait de son
alimentation sélective, a été décrite en 2003 par Hermerck [8].
Les symptômes du scorbut apparaissent généralement après une
période d’un à trois mois d’insuffisance d’apport quotidien en vita-
mine C. L’apport correctif [9] recommandé varie de 75 à 90 mg
par jour, soit 125 à 250 mL de jus d’orange relayé par absorption
régulière de fruits et légumes.
D’autres œdèmes bilatéraux existent.
Œdèmes spécifiquement féminins
Les œdèmes de la grossesse normale sont à mettre au compte
d’une rétention hydrosodée quasi physiologique. Cette rétention
plus marquée aux membres inférieurs est mécaniquement expli-
quée par la compression utérine sur le système veineux intra-
abdominal. La prescription de régime désodé ou de diurétiques
est ici une erreur. Le décubitus latéral gauche privilégié améliore
significativement bien le drainage.
Les œdèmes cycliques idiopathiques, ou syndrome de Mach, sur-
viennent régulièrement en période prémenstruelle. Ils s’accom-
pagnent parfois d’une prise de poids importante et de céphalées
avec asthénie et oligurie ou parfois constipation chronique (chez les
utilisatrices de laxatifs). Ils seraient dus à une augmentation de la
perméabilité capillaire influencée par l’orthostatisme et une légère
altération du système rénine-angiotensine-aldostérone et aggravée
ou entretenue par l’éventuelle prise intermittente de diurétiques.
Œdèmes endocriniens
Des œdèmes sont observés au cours de nombreuses endocrinopa-
thies. C’est le cas de :
– l’hypothyroïdie, réalisant l’infiltration myxœdémateuse
chronique des membres inférieurs (myxœdème). L’œdème y est
blanchâtre, élastique, symétrique et généralement prétibial. Le
bilan biologique met en évidence une élévation de la TSH ;
– l’hyperthyroïdie ou maladie de Basedow peut également com-
porter des œdèmes prétibiaux bilatéraux symétriques. Ils sur-
viennent dans un contexte poly symptomatologique aisément
dénonciateur de la maladie ;
– l’hypercorticisme et son syndrome de Cushing avec hypertension
artérielle et signes de virilisation (hyperandrogénie). Le diagnos-
tic d’hypercortisolisme repose sur l’augmentation des 17 cétos-
téroïdes et 17 OH stéroïdes augmentés dans les urines de 24 h ;
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 229

– le diabète au stade de complications avancées où les œdèmes


seraient dus à la neuropathie et à une augmentation diffuse de
la perméabilité capillaire (vasoplégie) ;
– l’obésité rétentionnaire [10] d’eau et de sel (syndrome de
Parhon ou hyperhydropexique) est un dérèglement, proba-
blement hypophysaire, troublant la production de l’hormone
antidiurétique.
Les œdèmes y sont douloureux et dans un contexte d’accès dépres-
sifs, de céphalées et malaises.
Œdèmes à tendance inflammatoire
Les œdèmes bilatéraux (symétriques ou non) accompagnés d’as-
pects inflammatoires ont des causes multiples. Les plus fréquentes
sont :
– les rhumatismes inflammatoires tels que polyarthrite rhu-
matoïde (fig.  2), arthrites chroniques juvéniles, rhumatisme
psoriasique, spondylarthropathies, mais aussi plus à distance
de l’infection aiguë (intestinale ou autre) les réactions arthri-
tiques du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. Ces œdèmes
d’accompagnement sont aisément reconnaissables quand le
tableau arthritique prédomine mais nécessitent des identifica-
tions étiologiques biologiques ;
– la dermatomyosite et la polymyosite sont parfois classées dans
ce groupe malgré la rareté de l’atteinte des chevilles. Le contexte
général de faiblesse musculaire et la coloration rose ou rouge de
la peau (parfois violacée) dénonce la maladie.

Fig. 2 – Polyarthrite rhumatoïde, atteinte bilatérale des chevilles.

Iatrogénie médicamenteuse
Les médicaments pouvant provoquer des œdèmes des membres
inférieurs sont nombreux (tableau  I). Les mécanismes d’épan-
chement extracellulaire sont, soit une rétention hydrosodée
(primitive ou secondaire) par modification volumique comparti-
mentale (vasodilatateurs, corticoïdes…), soit par modification de la
230 Traumatisme de la cheville

perméabilité capillaire (dihydropyridines). Le diagnostic doit être


20 évoqué dès l’anamnèse. L’arrêt des médicaments en cause permet
la réversibilité de la symptomatologie.
Tableau I – Médicaments et produits susceptibles de provoquer des œdèmes.

– Inhibiteurs calciques :
• dihydropyridines (nifédipine, amlodipine, félodipine),
• plus rarement : vérapamil, diltiazem
Antihypertenseurs – Vasodilatateurs directs: minoxidil
– Bêtabloquants
– Antihypertenseurs centraux : clonidine, alphaméthyldopa
– Sympatholytiques : réserpine, guanéthidine
– Corticostéroïdes
– Minéralocorticoïdes
Hormones
– Estrogènes-progestérone
– Testostérone
– Non sélectifs
AINS
– Phénylbutazone
Antidépresseurs
IMAO
Antirhumatismaux – Interleukine 2
majeurs D-pénicillamine, sels d’or (syndrome néphrotique)
Réglisse
(glycyrrhizine)
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens. IMAO : inhibiteur de la monoamine oxydase.

Angio-œdèmes
Ils comprennent plusieurs entités [11,  12]. Ceux associés à
une urticaire sont majoritairement des réactions anaphylactoïdes
d’origine allergique. La libération histaminique est responsable de
l’augmentation de perméabilité des capillaires artériels et veineux.
Ces formes répondent aux antihistaminiques. L’origine médica-
menteuse (AINS) est la plus incriminée.
Des formes non allergiques, sans réaction urticarienne héréditaire
ou acquise sont liées à des déficits en C1 inhibiteur ou liées à une
hypersécrétion bradykinique ou encore idiopathique. Les antihis-
taminiques et même l’adrénaline y sont inefficaces. C’est le cas de
l’œdème angioneurotique familial, maladie héréditaire autosomique
dominante due à une carence du système d’activation du complé-
ment (C1 Inh). Elle se manifeste dans les suites de rhinopharyngites,
de troubles affectifs, de chocs nerveux ou psychologiques. D’autres
formes pharmacodépendantes des œstrogènes ou des inhibiteurs de
l’enzyme de conversion sont acquises. Le traitement actuellement
proposé est l’acide tranexanique ou le danazol.
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 231

Maladies rares
La dermatose neutrophilique ou syndrome de Sweet [10] associe
une éruption aiguë fébrile papulonodulaire (papule discoïde ferme)
à un important infiltrat œdémateux dermique à polynucléaires
neutrophiles. Elle affecte la femme de 30 à 50 ans, semble secon-
daire (réactionnel à un agent infectieux) et justifie la recherche
d’autres étiologies sous-jacentes. Le traitement repose sur la prise
de corticostéroïdes par voie orale pendant 1 à 3 mois. L’évolution
est généralement favorable avec des récidives possibles, dépendantes
de l’affection mère incriminée. Une surveillance sanguine prolon-
gée se justifie pour dépister la survenue, possible, de phénomènes
myéloprolifératifs.
L’œdème hyperéosinophilique ou syndrome de Gleich [14] associe la
fièvre, l’urticaire et une prise de poids rapide à l’épanchement der-
mique. Son évolution est le plus souvent bénigne. Le test à l’injec-
tion d’albumine marquée au technétium (épreuve de Landis) est
positif ; on retrouve une augmentation significative des IgM. La
corticothérapie y est efficace.
Le syndrome des ongles jaunes [15-17] (xanthonychie ou syndrome
de Samman et White) associe trois critères essentiels : anomalies
unguéales, lymphœdème et troubles respiratoires. L’œdème siège
aux membres inférieurs et parfois aux mains. La coloration jaune
des ongles s’accompagne d’un arrêt de leur croissance et d’une
modification de leur forme qui tend à s’incurver dans les sens lon-
gitudinal et transversal. L’atteinte pulmonaire, par dilatation des
bronches, s’accompagne d’épanchement pleural et d’infections des
sinus. Sa cause, inconnue, semble immunitaire. Le syndrome est
impliqué dans d’autres affections comme les néoplasies du sein,
des poumons, de l’utérus, la maladie de Hodgkin, le mélanome,
les dysfonctions thyroïdiennes, les connectivites…

Œdèmes unilatéraux
Ils ne le sont parfois qu’en début d’évolution (la bilatéralisation
secondaire est fréquente et renvoie au chapitre précédent).

Œdèmes extensifs à toute la jambe


Ils regroupent principalement l’insuffisance veineuse, l’insuffi-
sance lymphatique, les malformations vasculaires, les réactions
inflammatoires et les réactions traumatiques.
– L’insuffisance veineuse est majoritairement fonctionnelle,
survenant sur un terrain variqueux avec parfois des épisodes
phlébitiques surajoutés. On distingue les phlébites profondes
potentiellement susceptibles de complications graves des phlé-
bites superficielles traitées à l’identique sur les terrains à risque.
232 Traumatisme de la cheville

– La thrombose ou phlébite profonde est évoquée au premier


20 chef lors d’alitement ou d’immobilisation prolongés, par la sur-
venue d’une douleur spontanée au mollet (sensibilisée par le signe
de Homans) avec fébricule possible. L’écho-Doppler veineux
confirme le diagnostic. La présence de thrombose profonde fait
rechercher et redouter son extension à la veine cave inférieure et
la survenue d’embolie pulmonaire. La suspicion d’embolie pul-
monaire impose une scintigraphie ou, mieux, un angioscanner.
La phlébite peut être bilatérale avec décalage dans le temps des
symptômes. Elle peut également être ancienne (maladie post-
phlébitique), avec œdème chronique, dermite ocre, varices,
sans exclure la récidive aiguë. Les insuffisances veineuses fonc-
tionnelles prolongées sur des décennies se transforment (par
saturation œdémateuse) en insuffisance lymphatique.
– L’insuffisance lymphatique ou lymphœdème résulte du blo-
cage (primitif ou secondaire) du réseau lymphatique superficiel
ou profond. L’œdème est uni ou bilatéral en fonction du siège
de l’obstacle et de diagnostic clinique aisé. Il se différencie des
autres œdèmes locorégionaux par sa persistance après repos en
position déclive prolongée. Il s’étend aux orteils, siège inhabi-
tuel dans les autres étiologies. Malgré qu’il puisse prendre le
signe du godet au début, l’infiltration dermique devient rapide-
ment fibreuse. Le tissu cutané prend alors un aspect cartonneux
induré susceptible d’être colonisé par des formations papulaires,
des éléments mycosiques ou des surinfections.
Les étiologies secondaires des lymphœdèmes sont principalement :
– la saturation de l’insuffisance veineuse fonctionnelle (déjà
citée) ;
– les malformations congénitales du système lymphatique ;
– les compressions néoplasiques ;
– les lésions traumatiques lymphatiques (iatrogènes ou acciden-
telles) ;
– les mécanismes inflammatoires ou infectieux (lymphangite)
itératifs ;
– les parasitoses lymphatiques (filariose, trichinose…).
Les parasitoses sont évoquées en cas de séjour prolongé en milieu
tropical. La filariose de Bancroft succède aux lymphangites
rétrogrades passagères et répétées dues aux microfilaires (surtout
Wuchereria bancrofti) (fig.  3) transmises par les moustiques des
zones endémiques. Le diagnostic repose sur l’existence dans les
prélèvements sanguins nocturnes d’une hyperéosinophilie et de
la présence d’anticorps antifilariens. Le traitement est avant tout
prophylactique par associations albendazole-ivermectine ou alben-
dazole-diéthylcarbamazine à prendre une fois par an pendant au
moins 6 ans pour les résidents en zones d’endémie. L’apparition
éléphantiasique ne peut pas être enrayée une fois démarrée.
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 233

Fig. 3 – Éléphantiasis de la filariose.

Les lymphœdèmes primitifs sont multiples et souvent sporadiques


[17] ; trois méritent d’être cités :
– le lymphœdème primitif du dos du pied de la jeune fille. Il
est fréquent. Il intéresse le cou-de-pied avec comblement grais-
seux rétromalléolaire et épaississement fibreux de la face dorsale
du pied. Il apparaît en période post-pubertaire, s’accompagne
d’une infiltration dorsale des orteils (signe de Stemmer-Kaposi
du deuxième orteil) et d’un approfondissement des sillons trans-
versaux. L’évolution est capricieuse, susceptible de s’étendre et
de se bilatéraliser ;
– dans la maladie de Nonne et Milroy [19,  20], l’enfant nait
avec un lymphœdème congénital parfois bilatéral ne prenant
pas le godet. L’affection touche souvent plusieurs enfants de la
même fratrie ;
– dans la maladie de Meige, le lymphœdème apparaît dans la
prime enfance vers un an. L’évolution est, en règle, ascendante
à partir du pied.
Syndromes compressifs vasculaires
Les syndromes compressifs de la veine iliaque sont des ano-
malies positionnelles de la veine iliaque gauche comprimée entre
l’artère iliaque droite et la cinquième vertèbre lombaire.
Ils comprennent deux formes parfois confondues :
– le syndrome de May-Thurner [19,  20] qui atteint essentielle-
ment les femmes jeunes (de 20 à 40 ans). L’œdème se situe au
niveau du membre inférieur gauche et se manifeste par  : des
douleurs, la présence de varicosités (voire d’ulcères) et une
thrombose ilio-fémorale aiguë totale ou partielle ;
234 Traumatisme de la cheville

– le syndrome de Cockett [22, 23] se caractérise par un état chro-


20 nique œdémateux du membre inférieur gauche, permanent ou
intermittent, souvent associé à des troubles trophiques distaux.
Il se manifeste quelques heures après un effort et régresse lente-
ment, dans les heures suivant l’arrêt d’activité. Il se distingue du
précédent par l’absence de thrombose constituée.
Ces syndromes sont à différencier de l’endofibrose iliaque externe
[24-26] surtout retrouvée chez les cyclistes à l’occasion de faiblesse
et engourdissement de la jambe, à l’effort, lors du maintien de
la position aérodynamique. L’œdème y est très discret et n’existe
que dans les formes anciennes et peu symptomatologiques. Le
traitement est chirurgical.
La bride poplitée est constituée par l’anneau d’insertion du soléaire.
Les vaisseaux piégés peuvent être veineux ou artériels. Les formes
veineuses sont les plus œdémathogènes. Le syndrome, unilatéral,
se manifeste par une jambe lourde, aggravée lors d’efforts soutenus
tels que la marche sur terrain accidenté et décrit comme une clau-
dication veineuse. Parfois, le tableau fait craindre une thrombose
veineuse surale ou sous-poplitée, différenciée par l’écho-Doppler
dynamique nécessaire pour dépister une éventuelle atteinte
controlatérale. Le traitement est chirurgical et conditionné par
l’exploration en IRM.
De nombreuses autres variétés de compressions vasculaires plus
ou moins œdémathogènes ont été décrites : veine fémorale com-
mune comprimée par un kyste adventitiel ou même une hernie
crurale ; veine poplitée atteinte de kyste adventitiel. En fait, toute
veine peut-être comprimée par un anévrysme artériel adjacent.
Cette affection se rencontre aussi associée à de multiples malfor-
mations (fente labiale et/ou palatine, anomalies des organes géni-
taux externes, syndactylie des doigts et des orteils et anomalies des
ongles…) dans les maladies en rapport avec les mutations du gène
IRF6. Un repli cutané recouvrant l’ongle du gros orteil est patho-
gnomonique de la maladie [27].
La malformation vasculaire congénitale ou angiodysplasie ostéohyper-
trophique de Klippel-Trenaunay [28] est typiquement reconnais-
sable. Elle apparaît au cours de l’enfance et associe l’hypertrophie
du membre (gigantisme mono-mélique) à des angiomes et une dys-
plasie vasculaire. Les communications artério-veineuses avec débit
plus ou moins important entraînent une augmentation de dévelop-
pement des autres tissus, musculaires, interstitiels et osseux. On ne
lui connaît pas de traitement curatif.

Œdèmes segmentaires ou localisés


Les œdèmes post-traumatiques et postopératoires sont durs et
douloureux et ne posent aucun problème diagnostique ni étio-
logique. Ils apparaissent rapidement après l’agression tissulaire.
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 235

Le mécanisme constitutif implique la perturbation des réflexes


sympathiques dus à l’inflammation réactionnelle au sein du tissu
conjonctif. Ces œdèmes aggravent les difficultés de mobilisation
articulaire et peuvent s’accompagner d’une élévation de la tempé-
rature locale et d’une amyotrophie rapide. Ils ne présentent pas
de caractère péjoratif mais doivent être surveillés pour prévenir
le masquage possible de complications post-traumatiques redou-
tées, chronologiquement : syndrome de loge, phlébite et algodys-
trophie. Leur prévention et traitement immédiat (tel le protocole
« G.R.E.C » Glace, Repos, Élévation, Compression) [29] sont expo-
sés dans les chapitres traitant des différentes affections aiguës. La
chronicisation localisée de ces œdèmes amène à évoquer le risque
des complications potentielles citées.
Les syndromes de loge surviennent dans les suites immédiates des
traumatismes. Ils résultent de l’ischémie musculaire due à l’aug-
mentation anormale de pression au sein d’une loge anatomique.
Au membre inférieur, la loge la plus fréquemment atteinte est la
loge antérolatérale mais la méfiance s’impose pour détecter l’at-
teinte de la loge profonde postérieure. Ces syndromes s’observent
indifféremment chez l’enfant comme chez l’adulte après trau-
matisme même léger. Les circonstances favorisantes principales
restent les fractures fermées enclouées à ciel fermé, les fractures
ouvertes refermées sous tension, les compressions prolongées au
décours d’un coma (overdose) ou de « crush syndrome des ense-
velis  ». Les œdèmes post-ischémiques après réparation vasculaire
sont dits syndrome de revascularisation. Chez les sportifs, l’hyper-
sollicitation musculaire peut engendrer deux formes particulières
de syndrome de loge  : aiguë et chronique. Seule la forme aiguë
s’accompagne d’œdème cliniquement appréciable. Elle impose la
fasciotomie immédiate. La forme chronique est de diagnostic plus
difficile [30]. L’examen clinique y est le plus souvent normal. Ce
diagnostic doit être évoqué dans le cadre de l’anamnèse d’un syn-
drome d’effort chez un jeune sportif décrivant « l’équivalent d’une
claudication intermittente  » avec nécessité d’interrompre l’effort
[31]. Le diagnostic peut être confirmé par la prise des pressions de
loge après effort soutenu. Certains cas peuvent évoluer vers une
forme d’allure aiguë.
La phlébite profonde a précédemment été décrite. Sa prévention fait
l’objet de surveillance étroite, port de bas de contention et traite-
ment par héparine de bas poids moléculaire.
L’algodystrophie ou syndrome douloureux régional complexe, par dys-
trophie sympathique réflexe se caractérise par des douleurs et des
problèmes de vasomotricité portant à la fois sur les structures sous-
cutanées, articulaires, périarticulaires et osseuses d’un segment de
membre inférieur [32]. Elle apparaît secondairement au trauma-
tisme. Le terrain, classiquement décrit comme psychologique ou
psychoaffectif fragile, est de plus en plus contesté. Son  traitement
236 Traumatisme de la cheville

[33] repose sur l’analgésie avec : antalgiques majeurs, physiothérapie


20 (balnéothérapie, cryothérapie, Tens…) et, si besoin, anxiolytiques.
Les réactions inflammatoires localisées sont le fait d’atteintes
infectieuses, rhumatismales et plus rarement allergiques :
– L’érysipèle ou dermite infectieuse survient dans un contexte
d’état général légèrement altéré avec fièvre possible jusqu’à
39° C et frissons nocturnes. L’infection est le plus souvent due
au streptocoque A. Son diagnostic impose la recherche d’une
porte d’entrée (plaie cutanée, piqûre d’insecte infectée, inter-
trigo, ongles incarnés…). Son traitement est univoque par anti-
biothérapie basée sur la pénicilline G ou M à forte posologie,
l’héparinothérapie sur les sujets aux antécédents de phlébite.
Les anti-inflammatoires doivent être évités.
– La fasciite nécrosante (ou dermohypodermite nécrosante) [34]
plus rare, est une infection qui se propage le long des fascias.
Elle est également majoritairement provoquée par le strepto-
coque du groupe A. Les nécroses tissulaires sont dues aux
toxines bactériennes productrices de radicaux libres. L’infection
débute sur une zone traumatique  ; l’œdème y est rapidement
progressif et intensément douloureux, touchant généralement
le mollet. À la palpation, des crépitations sous-cutanées sont
aisément perçues. Le traitement est toujours mixte, associant
antibiothérapie adaptée (habituellement antistreptococcique)
et excision des nécroses. L’utilisation des caissons hyperbares,
quand c’est possible, est une adjonction très utile [35].
Les piqûres d’hyménoptères et autres insectes sont susceptibles de
provoquer des œdèmes locaux inflammatoires parfois très spec-
taculaires. La piqûre généralement apparente signe l’étiologie. Il
convient toutefois de penser à la maladie de Lyme [36] ou neu-
roborréliose ou syndrome de Garin-Bujadoux-Bannwarth en cas
d’œdème très inflammatoire et persistant. La notion de morsure
de tique impose la recherche sérologique d’anticorps de sérotype
IgM ;
Les affections rhumatismales inflammatoires ont des œdèmes
généralement circonscrits aux pourtours des articulations et ten-
dons (fig.  4). Leur survenue hors du cadre d’affections connues
impose un bilan biologique poussé jusqu’à identification.
Face à un œdème touchant la cheville et le pied, il faut alors penser
à l’arthrite talo-crurale (fig. 5), aux tendinopathies rhumatismales
ou de surmenage et aux fractures de surmenage (dites de stress ou
de fatigue) des éléments immédiatement sous-jacents. Les tendino-
pathies sont détectées par la douleur retrouvée à la palpation, à la
mise en tension et à la contraction isométrique des muscles corres-
pondants. La fracture de fatigue est suspectée devant la notion de
surmenage inhabituel et de douleurs persistantes dans le temps ou
augmentées par l’activité.
Cheville œdématiée : démarche diagnostique et thérapeutique 237

Fig. 4 – Tendinopathie du tibial postérieur Fig. 5 – Mono-arthrite talo-crurale.


avec œdème circonscrit.

Le diagnostic de ces deux dernières affections est affirmé précoce-


ment par l’échographie. Leur caractéristique clinique et traitement
sont abordés dans les autres chapitres de l’ouvrage.
Les œdèmes des eczémas de contact et des réactions photo-aller-
giques sont accompagnés d’un environnement qui ne maintient
pas d’équivoque, dès l’interrogatoire.
Quelques œdèmes restent idiopathiques, y compris après examens
complémentaires. Il faut en surveiller l’évolution et renouveler les
investigations cliniques et complémentaires.
Le syndrome de Münchhausen [37] ou œdème bleu de Charcot
est une entité à part. Il doit être évoqué en présence d’une limite
supérieure de l’œdème trop bien marquée (pose de garrot) et tou-
jours unilatérale. Cet œdème dur, de coloration violacée, s’accom-
pagne d’un refroidissement local et s’observe spécifiquement chez
les «  hystériques  ». Il peut être isolé ou accompagné de contrac-
tures caractéristiques voire de paralysie du membre. Le diagnostic
doit être évoqué en présence d’un patient (ou patiente) générale-
ment jeune avec un psychisme particulier et œdème unilatéral à
évolution capricieuse (figs. 6, 7 et 8).

Fig. 6 et 7 – Attitude de marche adoptée dans le cadre Fig. 8 – Attitude


d’un syndrome de Münchhausen. maintenue
en décharge
dans ce syndrome
de Münchhausen.

Le traitement des œdèmes ne saurait être unique et stéréotypé.


Il est subordonné à celui de l’étiologie primitive ; nous en avons
donné les principales lignes générales quand elles existent. Il est
238 Traumatisme de la cheville

parfois nécessaire et utile de recourir, primitivement en attendant


20 l’identification exacte, ou secondairement en tant qu’adjuvant au
traitement dit symptomatique, soit :
– pour les œdèmes généralisés : restriction hydrosodée et diu-
rétique (furosémide) ; hémodialyse en cas d’insuffisance rénale
aiguë ou d’insuffisance rénale chronique décompensée ;
– pour les œdèmes unilatéraux  : cryothérapie, pressothérapie,
surélévation, drainage lymphatique [38-40], port d’orthèses de
compression.

Conclusion

Les œdèmes des membres inférieurs sont des symptômes géné-


ralement bénins. Exception faite de la pathologie thrombo-embo-
lique et de la fasciite nécrosante, ils ne mettent pas en jeu, par
eux-mêmes, le pronostic vital. Habituellement, ils s’intègrent dans
les éléments pronostiques de leur affection causale ; leur traitement
en découle.

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J.J. BANIHACHEMI

Points essentiels
t La cheville instable, qui se présente souvent sous la forme d’une entorse
récidivante aux urgences, peut en cas de négligence thérapeutique évoluer
vers une arthrose excentrée.
t L’étiologie principale est l’insuffisance ligamentaire de l’articulation talo-
crurale parfois associée à celle de l’articulation subtalienne.
t Cependant, il n’existe pas une mais des instabilités chroniques de la
cheville.
t La démarche diagnostique repose sur un examen clinique précis et
comparatif associé aux radiographies dynamiques.
t Le traitement débute toujours par une rééducation neuromusculaire et le
traitement chirurgical est justifié lorsque la laxité est évidente ou lorsque
l’instabilité est invalidante.

Introduction

L’entorse de la cheville constitue le motif de consultation le


plus fréquent en traumatologie de l’appareil locomoteur aux
urgences [1, 2]. L’incidence des entorses de la cheville est évaluée
à 1/1 000 cas par jour en France, soit environ 6 000 patients par
jour. Elle représente de 4 à 8 % des admissions d’un service d’ac-
cueil des urgences. Les lésions ligamentaires du plan latéral repré-
sentent la majeure partie des entorses de cheville [2], le mécanisme
lésionnel étant le plus souvent la torsion de la cheville en inversion
(varus équin). Environ 15 % de ces entorses sont graves ; une mau-
vaise appréciation de la gravité peut amener à une prise en charge
inappropriée ou insuffisante, préjudiciable à l’avenir fonctionnel
de l’articulation [3]. Jusqu’à 40 % des entorses de cheville peuvent

J.-J. Banihachemi ( ), Clinique universitaire de chirurgie orthopédique et de traumatologie


du sport, urgences, Hôpital Sud – CHU de Grenoble, 38434 Echirolles Cedex –
e-mail : jjbanihachemi@chu-grenoble.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
242 Traumatisme de la cheville

évoluer vers une instabilité chronique (cheville douloureuse, œdé-


21 matiée, instable) [4, 5]. La problématique principale d’une cheville
instable est l’arthrose secondaire, qui peut survenir après 20 à 30
ans d’évolution [6] et évoluer par la suite vers l’arthrose excentrée
(fig. 1), très invalidante [7].
Nous allons dans ce chapitre nous centrer sur la démarche diagnos-
tique et thérapeutique de la cheville instable, les problématiques de la
cheville chronique douloureuse et de la cheville œdématiée ayant été
abordées précédemment. Après un bref rappel de la définition, nous
aborderons le motif de consultation de ces patients aux urgences.
Nous décrirons ensuite les éléments importants à rechercher dans
l’interrogatoire et dans l’examen clinique, puis les examens complé-
mentaires nécessaires à notre démarche diagnostique. Nous énumé-
rerons les différentes thérapeutiques possibles. Nous proposerons, en
conclusion, un organigramme diagnostique et thérapeutique.

Fig. 1 – Arthrose excentrée.

Définition de la cheville instable

Il est important de bien distinguer les notions de cheville instable


(ou instabilité chronique de la cheville) et de cheville laxe. Une che-
ville instable est une cheville qui se dérobe. C’est un symptôme. Une
cheville laxe est une cheville qui a une anomalie anatomique. On
peut avoir une cheville laxe sans instabilité et inversement une che-
ville instable sans laxité évidente. Cependant, la principale étiologie
de la cheville instable est l’insuffisance ligamentaire talo-crurale,
impliquant nécessairement le complexe capsulo-ligamentaire du
compartiment latéral. Celui-ci est composé des ligaments talo-fibu-
laire antérieur (LTFA), calcanéo-fibulaire (LCF) et talo-fibulaire
postérieur (LTFP). Elle est souvent associée à une insuffisance liga-
mentaire du compartiment subtalien (avec le ligament interosseux
talo-calcanéen, appelé encore ligament en haie).
Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 243

L’instabilité chronique de la cheville recouvre un ensemble plus


large d’entités sémiologiques  : cheville douloureuse, œdématiée,
laxe. Ce champ nosologique est donc élargi à d’autres lésions liga-
mentaires comme celles du compartiment antéro-latéral de l’articu-
lation transverse du Tarse (appelée encore articulation de Chopard,
et composée des ligaments talo-naviculaire dorsal, « bifurqué » et
calcanéo-cuboïdien latéral), du compartiment médial (composé du
ligament collatéral médial (LCM) avec ses deux feuillets superficiel
et profond, du « Spring Ligament » (calcanéo-naviculaire plantaire)
et enfin de la syndesmose tibio-fibulaire (composé des ligaments
tibio-fibulaire antéro-inférieur (LTFAI), tibio-fibulaire interosseux
et tibio-fibulaire postéro-inférieur (LTFPI)). L’instabilité chronique
de la cheville doit aussi faire rechercher non seulement les lésions
par insuffisance ligamentaire mais également des facteurs favori-
sants comme le morphotype de l’arrière-pied (varus) et de l’avant-
pied (hallux valgus). Il est important de considérer également la
recherche de lésions associées comme la subluxation des tendons
fibulaires, la synostose talo-calcanéenne, les lésions ostéochon-
drales du dôme astragalien, le syndrome du sinus du tarse, les frac-
tures passées inaperçues, le syndrome de Ferkel et même l’arthrose
débutante. Ces définitions sont résumées dans le tableau I.
Tableau I – Instabilité Chronique de la cheville (extrait de la thèse de médecine de
Karim Zenati [8])

Complications Pathogénie et clinique


Complique 10 à 20 % des entorses graves.
Elle se traduit cliniquement par une instabilité
LAXITÉ
(signe subjectif ) avec insécurité à la marche et
TALO-CRURALE
entorses à répétition. Objectivement : laxité talo-
crurale clinique et radiologique.
Associée à une instabilité talo-crurale dans 1/3
des cas mais parfois isolée en cas de traumatisme
LAXITÉ
en varus pur avec atteinte élective du LCF et du
SUBTALIENNE
ligament interosseux talo-calcanéen.
Instabilité en terrain irrégulier au premier plan.
Douleurs sous- et prémalléolaires latérales avec
instabilité et insécurité sans laxité clinique.
SYNDROME Antécédents traumatiques en inversion retrouvés
DU SINUS DU TARSE dans 70 % des cas.
Atteinte partielle du ligament talo-calcanéen
interosseux en cause.
Ou « impingement syndrome », séquelles
douloureuses antéro-latérales.
CONFLIT
Comblement de la gouttière talo-fibulaire
ANTÉRO-LATÉRAL
antéro-latérale par cicatrisation inflammatoire
hypertrophique du LTFA.
LCF : ligament calcanéo-fibulaire. LTFA : ligament talo-fibulaire antérieur.
244 Traumatisme de la cheville

21 Complications Pathogénie et clinique

Évolution possible vers un mode chronique


FRACTURES lorsqu’elles ne sont pas dépistées lors du bilan
OSTÉO-CHONDRALES initial.
DE LA TROCHLÉE Douleurs ou non, blocages, craquements, sensation
DU TALUS de corps étranger intra articulaire ou gonflement à
l’effort.

PSEUDARTHROSE Complication rare. Douleur malléolaire latérale


MALLÉOLAIRE et instabilité par laxité en raison de la non-
LATÉRALE consolidation.

FISSURATION
LUXATION
et
RÉCIDIVANTE
TÉNOSYNOVITE
PATHOLOGIES
FIBULAIRES
Rare. Tableau de ressaut Douleurs chroniques
douloureux récidivant rétromalléolaires
avec ou sans instabilité latérales.

Rupture du ligament LTFAI.


DIASTASIS
Diastasis secondaire avec douleurs antérieures
TIBIO-FIBULAIRE
et sensations d’instabilité.

SYNDROME
DOULOUREUX Douleurs chroniques sous-malléolaires médiales par
DU COMPARTIMENT atteinte du LCM
MÉDIAL
LTFAI : ligament talo-fibulaire antéro-interne. LCM : ligament collatéral médial.

Motif de la consultation aux urgences

Aux urgences, la principale difficulté, inhérente à notre métier,


est de ne pas passer à côté des signes de gravité d’une pathologie
bien déterminée.
Aux urgences, l’instabilité de la cheville peut se manifester sous
deux aspects.

Entorse à répétition,
appelée encore entorse récidivante de la cheville
ou instabilité mécanique de la cheville
C’est de loin le motif le plus fréquent de consultation aux urgences
pour une cheville instable. Il s’agit de patients se présentant pour une
Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 245

entorse de cheville et ayant dans leurs antécédents récents (moins de


cinq ans1), au moins une entorse de cheville, ayant bénéficié d’un
traitement. Il sera important après un examen clinique et paracli-
nique, d’orienter le patient dans la bonne filière, qu’elle soit chirur-
gicale avec les orthopédistes ou médicale avec la médecine du sport.

Instabilité fonctionnelle de la cheville


Le patient ne vient pas pour un traumatisme récent mais pour
une cheville douloureuse, qui lui apparait moins fonctionnelle ou
plus faible depuis un traumatisme ancien de la cheville. Ce cas,
peu fréquent aux urgences, justifie d’entreprendre un bilan des
séquelles douloureuses si la douleur est au premier plan (cf. cha-
pitre Cheville douloureuse chronique), ou de laxité si la douleur
est au deuxième plan. En 2006, une équipe australienne a mis au
point et validé un score fonctionnel spécifiquement dédié à l’ins-
tabilité chronique de la cheville [9]. Ce score, Cumberland Ankle
Instability Tool (CAIT), permet, à distance du traumatisme ini-
tial, d’évaluer la stabilité de la cheville par un questionnaire qui
sera rempli par le patient lui-même et qui sera (sans que le patient
ne voie les résultats) chiffré sur 30 points (voir Annexe 1). Un score
inférieur ou égal à 27 doit conduire à proposer un bilan d’instabi-
lité et orienter le patient vers un spécialiste.

Interrogatoire

C’est le premier temps de la prise en charge. Il est capital car il


permet d’identifier les patients présentant un risque de complica-
tion arthrosique. Il doit d’abord établir l’anamnèse de la première
entorse de la cheville avec la date, le bilan réalisé et les traitements
mis en place. Il est important de connaître l’historique des activités
sportives du patient avec son niveau, ainsi que celui des activités
professionnelles et sa gêne dans ces activités. Il faut repérer les che-
villes instables : sensation d’insécurité, appréhension à la marche,
entorse à répétition en terrain plat ou accidenté. Enfin, il est
important de noter le calendrier et les symptômes (comme le blo-
cage ou l’accrochage de l’articulation de la cheville) accompagnant
les douleurs éventuelles de la cheville. Cela nous fera évoquer les
lésions osseuses ou articulaires associées.

1.  La notion de temps pour qualifier la récidive peut varier de 2 à 5 années pour les
antécédents d’entorses documentées de la cheville. Nous prenons ici la définition proposée
par le Professeur Saragaglia de l’Hôpital Sud du CHU de Grenoble.
246 Traumatisme de la cheville

21 Examen clinique

Il doit être comparatif. Il permet d’orienter vers une laxité talo-


crurale, de mettre en avant les facteurs favorisant cette instabilité
ainsi que d’alerter sur les diagnostics associés. Cet examen clinique
est réalisé en deux temps.

Un temps couché
La mobilité de la cheville doit être testée en flexion dorsale (ten-
don calcanéen court ou rétraction des gastronémiens : la mobilité
de la flexion dorsale de la cheville genou fléchi est normale mais
limitée genou en extension), flexion plantaire, en inversion et éver-
sion (idéalement en décubitus ventral) ; la mesure chiffrée peut être
effectuée à l’aide d’un goniomètre plaqué sur la face latérale de la
fibula et du calcanéum en exerçant manuellement les contraintes.
La recherche des points douloureux sur les trajets ligamentaires,
des interlignes articulaires et des tendons fibulaires permet d’orien-
ter le diagnostic.
La recherche des laxités ligamentaires est très importante mais en
pratique difficile à exercer dans le cadre d’un examen aux urgences
car elle peut être limitée par la douleur. Elle doit être compara-
tive pour éliminer les laxités constitutionnelles. La laxité en varus,
recherchée de préférence en décubitus ventral permet de mettre
en évidence une atteinte du ligament calcanéo-fibulaire et du
ligament talo-fibulaire antérieur [10]. Pour un clinicien exercé,
cette manœuvre en fonction de la position de la main au niveau
du talon peut permettre d’évaluer la laxité talo-crurale et la laxité
subtalaire. On peut par ailleurs visualiser une dépression ou avale-
ment de la peau en varus équin. La laxité antérieure est recherchée
idéalement en position assise et permet de tester le ligament talo-
fibulaire antérieur. En position couchée, le choc talien est recher-
ché en appliquant une translation tibiale postérieure, l’autre main
soulevant et bloquant le talon contre la table d’examen.
L’examen de l’avant-pied avec la recherche d’hallux valgus ou
d’hallux rigidus fait partie de la recherche de facteurs favorisant
cette instabilité de cheville.

Un temps debout
À la marche, le varus dynamique de l’arrière-pied (fig. 2) doit
être recherché car il favorise l’instabilité de cheville (même sans
insuffisance ligamentaire) [11].
Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 247

Enfin, l’examen clinique sur podoscope, malheureusement pas


toujours disponible aux urgences, permet de rechercher les pieds
creux et le varus de l’arrière-pied.

Fig. 2 – Varus de l’arrière-pied droit. Fig. 3 – Place des examens complémentaires


dans le bilan d’une cheville instable.

Examens paracliniques
L’examen clinique demande une compétence spécifique et n’est
pas toujours facilement reproductible. Il permet d’orienter vers un
diagnostic d’instabilité mais sa négativité ne peut pas nous faire
éliminer ce diagnostic. C’est pourquoi les examens paracliniques
sont fondamentaux et peuvent permettre un bilan lésionnel et
fonctionnel précis (fig. 3). Dans le cadre des urgences, seuls deux
examens peuvent avoir un intérêt  : la radiographie simple de la
cheville et les radiographies dynamiques pour mettre en évidence
une laxité et découvrir les lésions associées éventuelles. Les autres
examens paracliniques sont à connaître mais ne sont plus l’affaire
de l’urgentiste. L’arthro-scanner et l’IRM permettent d’identifier
les lésions anatomiques. L’échographie, tout en étant un examen
abordable par l’urgentiste, semble beaucoup plus utile dans le bilan
d’une entorse fraiche de la cheville que dans le bilan d’une cheville
instable. Le bilan initial doit permettre d’orienter le patient dans la
bonne filière médicale pour avoir le meilleur choix thérapeutique.
La chirurgie des lésions ligamentaires n’est proposée que s’il existe
une atteinte fonctionnelle importante pour le patient. Le but pour
nous urgentistes est de ne pas passer à côté d’une lésion dont la
sanction pourrait être chirurgicale et dont la négligence amènerait
à l’arthrose excentrée tant redoutée. Dans le cadre de l’urgence
nous avons donc besoin d’outils permettant d’éliminer les diagnos-
tics lésionnels associés, rôle des radiographies standard, et de quan-
tifier l’instabilité dite fonctionnelle, rôle des clichés dynamiques
encore appelés clichés en stress.
248 Traumatisme de la cheville

Radiographie simple en charge de la cheville : face et profil


21
Elle est importante à réaliser pour diagnostiquer les lésions
associées pouvant avoir un impact important dans l’instabilité de
la cheville, telles que les lésions ostéochondrales du dôme astra-
galien (LOCDA), les diastasis tibio-fibulaire par atteinte de la
syndesmose, la synostose du tarse, les arrachements osseux témoins
d’une atteinte ligamentaire ancienne, les fractures de l’apophyse
latérale du tarse, les pseudarthroses de la styloïde du cinquième
métatarsien et, enfin, les signes éventuels d’arthrose débutante.

Radiographies dynamiques
Elles peuvent être réalisées dans le cadre de l’urgence2 ou, plus
souvent, être prescrites pour la consultation post-urgence (figs. 4 et
5). Elles permettent d’avoir un outil décisionnel pour l’orientation
du patient. En effet, elles sont fondamentales [12] pour mettre en
évidence la laxité talo-crurale et permettent de déduire la topo-
graphie des lésions. La force émise pour provoquer la laxité peut
être induite manuellement, en auto-varus ou à l’aide d’un appa-
reil de Télos® avec une force de 150 Newton. Il existe une laxité
anormale en varus lorsque le bâillement est strictement supérieur
à douze degrés (ou le différentiel avec l’articulation controlatérale
saine dépasse strictement les 5 degrés) (fig. 6). Il existe une laxité
en tiroir antérieur pour une valeur strictement supérieure à 8 milli-
mètres (ou le différentiel avec l’articulation controlatérale saine est
supérieur à 3 millimètres) (fig. 7) [13].
Il est important de noter que ces clichés dynamiques quantifiés ont
une grande valeur diagnostique en cas de positivité, signant alors
une instabilité de la cheville par lésion ligamentaire. En revanche,
la négativité de cet examen ne permet pas de conclure sur la sta-
bilité de la cheville. Il existe en effet de nombreux faux négatifs,
dus à la douleur ou à la contraction réflexe des fibulaires.
Les autres examens complémentaires ne sont pas réalisés dans le
cadre des urgences.

2. C’est le cas aux urgences de l’Hôpital Sud du CHU de Grenoble.


Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 249

Fig. 4 – Télos face en varus équin : étude du Fig. 5 – Télos de profil  : étude du ligament
ligament calcanéo-fibulaire. tibio-fibulaire antérieur.

Fig. 6 – Laxité en varus. Fig. 7 – Laxité antérieure.

Radiographies de face
en charge et comparatifs
de la cheville cerclée
de Méary (fig. 8)
Elles permettent de déter-
miner le morphotype de l’ar-
rière-pied afin de visualiser
et de quantifier des facteurs
favorisants comme le varus de
l’arrière-pied. Fig. 8 – Clichés de chevilles cerclées de Méary.
250 Traumatisme de la cheville

L’arthroscanner peut être très utile dans le bilan d’instabilité pour


21 rechercher les lésions associées telles que les lésions ostéochondrales
ou les lésions d’arthrose débutante.
L’IRM est un excellent outil pour le bilan lésionnel ligamentaire
et pour la recherche de lésions associées telles que celles des ten-
dons fibulaires. Cependant, il s’agit d’un outil uniquement mor-
phologique qui ne peut prédire l’atteinte fonctionnelle objective.
L’ échographie possède un fort potentiel dans le bilan de l’entorse
latérale fraiche de la cheville car il s’agit d’un outil morphologique
qui permet un bilan lésionnel ligamentaire précis, et qui comporte
une dimension fonctionnelle, par la réalisation de manœuvres
dynamiques. Son intérêt est plus limité dans l’instabilité chronique
de la cheville, car ne permettant pas de quantifier la laxité. L’analyse
échographique d’une lésion ligamentaire itérative est aussi plus dif-
ficile que celle d’une lésion inaugurale, trouvant généralement un
ligament distendu, plus ou moins hyperhémique, mais non discon-
tinu. Il s’agit néanmoins d’un bon examen d’orientation lorsque le
tableau clinique est équivoque ou que l’on se pose la question de
lésions tendino-rétinaculaires.

Choix thérapeutiques

Traitement médical
Le traitement de la cheville instable sera dans un premier temps
conservateur. Il devra corriger les éventuels troubles statiques de la
cheville avec des moyens simples en évitant le port de talon pour le
patient, en prescrivant des semelles à coin calcanéen pronateur et
en conseillant le port de chevillère en cas de reprise d’une activité
sportive. Idéalement, à la sortie des urgences, une orthèse de che-
ville et des chausettes de contention de classe 2 seront prescrites.
L’action de ces deux moyens sur la stabilité de la cheville a été
démontrée [14, 15]. L’orthèse de cheville peut, par son effet stabi-
lisateur, avoir une action antalgique ; la chaussette de contention
de classe 2 a, en plus de son effet stabilisateur, une action sur le
drainage de l’oedéme. La rééducation proprioceptive sera elle aussi
toujours prescrite. Elle aura comme objectif la reprogrammation
neuromusculaire [16]. Le suivi sera fait par un médecin rééduca-
teur ou un médecin du sport. Il sera conseillé au patient, dans tous
les cas, de consulter à 3 mois du traumatisme un spécialiste pour
compléter le bilan de l’instabilité de la cheville afin de ne pas pas-
ser à côté d’une lésion dont la sanction pourrait être chirurgicale.
Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 251

Traitement chirurgical
Il sera toujours conseillé dans le cas d’une instabilité de che-
ville de consulter un chirurgien orthopédiste pour discuter d’un
éventuel traitement chirurgical. La consultation devrait avoir lieu
environ 2 à 3 mois après le traumatisme ayant fait évoquer le dia-
gnostic de cheville instable et après une rééducation fonctionnelle
bien conduite. Une lésion chronique anatomique ligamentaire a
très peu de chances de guérir malgré un traitement fonctionnel
bien conduit [12].
Les objectifs de la chirurgie sont tout d’abord de corriger un éven-
tuel trouble statique de la cheville suceptible de provoquer cette
instabilité de la cheville. La correction d’un hallux valgus ou la
correction d’un varus calcanéun par l’ostéotomie de Dwyer (fig. 9)
peuvent être proposées en premier lieu. Il est conseillé de réaliser
ce geste chirurgical avant le geste de réparation ligamentaire. En
effet, le risque de nécrose cutanée est important si les deux gestes
sont faits dans le même temps. Une correction du trouble statique
peut parfois éviter la réparation ligamentaire.
Le deuxième objectif de la chirurgie est de restaurer la stabilité talo-
crurale et sous-talienne par la réparation ligamentaire. De très nom-
breuses techniques chirurgicales existent, avec un grand nombre de
variantes. Quatre classes techniques ont été individualisées suite à la
série multicentrique française présentée à la SOFCOT 2008 [17]. Il
s’agit des classes C1 (retente capsuloligamentaire isolée), C2 (retente
associée à un renfort) (fig. 10), C3 (plastie utilisant partiellement un
tendon stabilisateur-éverseur comme le court fibulaire) et C4 (plas-
tie utilisant la totalité d’un tendon stabilisateur-éverseur). L’analyse
de l’étude multicentrique a permis de mettre en évidence 87 % de
bons et très bons résultats sur la stabilité, avec 20 % de complica-
tions (surtout nerveuses). Ces résultats ont permis de mettre en
évidence l’intérêt de la chirurgie dans le traitement de l’instabilité
et la protection face à l’arthrose secondaire.

Fig. 9 – Ostéotomie de Dwyer. Fig. 10 – Remise en tension capsulo-ligamen-


taire externe doublée par une plastie au liga-
ment frondiforme. Illustration Dr Christophe
Chaussard.
252 Traumatisme de la cheville

21 Organigramme de la prise en charge


d’une cheville instable [12]

Fig. 11 – Organigramme de la prise en charge d’une instabilité de cheville.


Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 253

Conclusion

L’instabilité de la cheville par insuffisance ligamentaire doit être


reconnue dans le cadre des urgences pour éviter un défaut de prise
en charge et l’évolution vers l’arthrose invalidante. La démarche
clinique, basée sur un examen comparatif et minutieux de la che-
ville, associé à la démarche paraclinique représentée surtout par
les radiographies dynamiques, permet de faire un bilan lésionnel
et fonctionnel précis. Nous avons vu qu’il n’existe pas une mais
des instabilités chroniques de cheville. Il faut se méfier des insta-
bilités sans laxité talo-crurale mais avec atteinte ligamentaire de
l’articulation subtalienne, ainsi que des troubles statiques associés.
Définir l’orientation diagnostique et thérapeutique nécessite alors
le recours à d’autres examens complémentaires comme les clichés
de la cheville cerclée de face de Méary (pour dépister les troubles
statiques), l’arthro-scanner (pour dépister les lésions ostéo-chon-
drales, les atteintes du LTFA et du LCF) et plus occasionnellement
l’échographie ou l’IRM (pour dépister l’atteinte des ligaments de
l’articulation talo-crurale, de l’articulation sous-talienne, des fibu-
laires, ainsi que des synovites chroniques). Le traitement premier est
basé sur la restauration de la proprioception. Cependant, lorsque
la laxité est évidente, et surtout lorsque l’instabilité est invalidante,
le traitement chirurgical est justifié pour éviter l’évolution vers
l’arthrose.

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Cheville instable : démarche diagnostique et thérapeutique 255

Annexe 1 – Score CAIT (traduit en Français)


Veuillez cocher pour chaque question LA CASE décrivant le
mieux vos chevilles.
NB : Le score ne doit pas être visible pour le patient remplissant le
questionnaire
Une seule case doit être cochée par questions (soit au
Gauche Droite Score
total, 9 cases cochées)
1. J’ai des douleurs à la CHEVILLE :
Jamais 5
Quand je fais du sport 4
Quand je cours sur des surfaces irrégulières 3
Quand je cours sur des surfaces planes 2
Quand je marche sur des surfaces irrégulières 1
Quand je marche sur des surfaces planes 0
2. J’ai la sensation que mes chevilles sont INSTABLES :
Jamais 4
Parfois pendant le sport (pas à chaque fois) 3
Fréquemment durant le sport (tout le temps) 2
Parfois pendant mes activités quotidiennes 1
Fréquemment pendant mes activités quotidiennes 0
3. Quand je fais des virages serrés, j’ai l’impression que mes chevilles sont
INSTABLES :
Jamais 3
Parfois quand je cours 2
Souvent quand je cours 1
Quand je marche 0
4. Quand je descends les escaliers, j’ai la sensation que mes chevilles sont
INSTABLES :
Jamais 3
Si je descends vite 2
Occasionnellement 1
Toujours 0
256 Traumatisme de la cheville

21 5. J’ai l’impression que mes chevilles sont INSTABLES quand je me tiens sur
UNE jambe :
Jamais 2
Sur la pointe des pieds 1
Avec le pied à plat 0
6. J’ai la sensation que mes chevilles sont INSTABLES quand :
Jamais 3
Je fais des sauts d’un pied sur l’autre 2
Je fais des sauts à pieds joints sur place 1
Je sautille 0
7. J’ai la sensation que mes chevilles sont INSTABLES quand :
Jamais 4
Quand je cours sur des surfaces irrégulières 3
Je trottine sur des surfaces irrégulières 2
Je marche sur des surfaces irrégulières 1
Je marche sur des surfaces planes 0
8. Généralement, quand je commence à me tordre la cheville, je peux me
rétablir :
Immédiatement 3
Souvent 2
Parfois 1
Jamais 0
Je ne me suis jamais tordu la cheville 3
9. Après m’être tordue la cheville, celle-ci revient à la « normale »
Presque immédiatement 3
En moins d’un jour 2
En 1 à 2 jours 1
En plus de 2 jours 0
Je ne me suis jamais tordu la cheville 3
Partie
Outils thérapeutiques
IV
Rééducation de la cheville et du pied.
Pourquoi ? Comment ? Quand ? 22
B. TAMALET

Points essentiels
t La prescription de rééducation dépend du diagnostic lésionnel mais aussi
de l’état fonctionnel à un moment donné.
t Elle doit prendre en compte les éléments suivants  : douleurs, troubles
trophiques, mobilité (amplitudes), stabilité, demande fonctionnelle du
patient.
t Le rôle du médecin est essentiel, posant le diagnostic, les indications et
contre-indications possibles sur lesquels le kinésithérapeute va établir ses
principes de la rééducation.
t La cicatrisation ligamentaire et tendineuse ou la consolidation osseuse
peuvent être favorisées par une remise en fonction partielle, protégée,
dirigée en rééducation.
t La récupération d’une flexion dorsale de cheville suffisante est prioritaire
sur la flexion plantaire.

Introduction

La rééducation au sens kinésithérapie concourt largement à la


guérison d’un traumatisme ostéo-articulaire, ligamentaire ou ten-
dineux, tant dans la qualité que la rapidité de récupération phy-
sique. Ceci s’observera d’abord dans la reprise de l’autonomie pour
les actes de la vie quotidienne puis les activités professionnelles et
sportives. En fonction des cas, elle peut intervenir très rapidement
dans les traitements fonctionnels ou plus tardivement après une
période d’immobilisation en cas de traitement orthopédique ou
dans les suites d’une chirurgie. Elle peut également être prescrite
à distance d’un traumatisme en vue de préparer le patient à une
chirurgie programmée afin d’en augmenter les chances de succès.

B. Tamalet ( ), Service de médecine physique réadaptation et traumatologie du sport,


Hôpitaux de Saint-Maurice, 94415 Saint-Maurice Cedex – e-mail : bertrand.tamalet@free.fr
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
260 Traumatisme de la cheville

Il y a quelques dizaines d’années, il était souvent préconisé d’at-


22 tendre la consolidation totale (osseuse, ligamentaire ou tendineuse)
avant de débuter la rééducation. Ceci avait pour conséquence des
raideurs majeures et parfois des catastrophes fonctionnelles pour
des lésions anatomiquement guéries ! Il est clair désormais que la
cicatrisation et la consolidation sont, dans bien des cas, favorisées
par une remise en fonction partielle, dirigée, protégée, bien avant
la cicatrisation ou consolidation complète. Le traumatologue devra
donc évaluer les possibilités optimales d’exploitation fonctionnelle
motrice (avec l’aide du kinésithérapeute) tout au long du processus
de consolidation afin d’adapter au mieux le traitement [1].
La rééducation doit comprendre désormais une part d’éducation
thérapeutique du patient. Cet aspect fondamental doit être débuté
par le médecin dont le rôle est de donner une information claire au
patient et au kinésithérapeute sur la pathologie et les objectifs du
traitement. Ensuite, le kinésithérapeute, grâce à la répétition des
séances de travail autour du membre blessé, circonstances privilé-
giées pour faire passer des messages, va améliorer les connaissances
du patient concernant sa pathologie. Cette démarche responsabi-
lise le malade dans sa prise en charge, améliore son investissement
personnel, favorise les processus de guérison et contribue à la pré-
vention des récidives (lésions tendineuses ou ligamentaires surtout).
Une autre part importante du traitement est l’apprentissage d’exer-
cices d’autorééducation, soit par le kinésithérapeute, soit par le
médecin dès la première consultation si l’on juge que le début de la
kinésithérapie doit être différée (exemple d’exercice en période d’ im-
mobilisation). Il est intéressant d’accompagner ces consignes orales
et gestuelles d’un support écrit (fiches, mémo, carnet, etc.).

Principes de rééducation communs à toutes les pathologies


orthopédiques (traumatologie récente
et pathologie microtraumatique chronique)

Une prescription de kinésithérapie adaptée nécessite de prendre en


compte plusieurs facteurs conjuguant :
– la pathologie en cause ;
– le stade théorique ou iconographique de cicatrisation (muscle,
tendon, ligament) ou de consolidation (os, cartilage) auquel elle
se trouve ;
– les résultats de l’examen clinique qui, au-delà du diagnostic,
établit le bilan fonctionnel :
tdouleurs ;
ttroubles trophiques (œdème, ecchymose, épanchement, lésions
cutanées, cicatrices) ;
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 261

tmobilité (amplitudes) ;
tstabilité fonctionnelle (à distance du traumatisme) sous la
dépendance de :
- la proprioception ;
- la force musculaire (hors lésion neurologique) ;
– la demande fonctionnelle du patient  : sujet âgé avec risque
de perte d’autonomie, sportif, travailleur sédentaire ou exigeant
physiquement.
Le médecin traumatologue devra toujours garder ce plan à l’es-
prit permettant de hiérarchiser les priorités de traitements au sein
desquels la kinésithérapie prend sa place et de définir les axes de
rééducation.
En effet, la prescription ne remplace pas la démarche du kinésithé-
rapeute. Le médecin a la responsabilité d’établir un diagnostic pré-
cis et, à partir de celui-ci et des éléments de son bilan fonctionnel
contextualisé, de définir :
– la nécessité ou non de la rééducation ;
– ses indications/contre-indications ainsi que ses objectifs ;
– la date de sa mise en route.
Des objectifs finaux et/ou intermédiaires doivent être énoncés
et appliqués sur un plan qualitatif et quantitatif [1]. À partir de
là, le médecin peut, s’il le souhaite, préciser sa prescription, qui
s’impose alors au masseur-kinésithérapeute (nombre de séances,
fréquence), bien que cela ne soit plus obligatoire selon les der-
nières recommandations en vigueur [2]. Lorsque le prescripteur ne
fait pas mention du nombre de séances, le kinésithérapeute peut
le faire lui-même. Il est tenu pour cela d’adresser un bilan dia-
gnostic kinésithérapique initial (BDK) à la sécurité sociale et au
prescripteur.
Après une première série, la prolongation de cette rééducation sera
décidée lors d’une consultation ultérieure comportant la réévalua-
tion des différents paramètres.
Les recommandations de l’ANAES sur les entorses de cheville
en janvier 2000 comportent une synthèse des éléments du bilan
comme suit [3] :
– déficiences  : douleur, troubles trophiques, diminution de la
mobilité, faiblesse musculaire ;
– incapacités : représentées par l’altération de la stabilité fonc-
tionnelle, souvent elle-même conséquences des déficiences sus-
citées auxquelles s’ajoutent les déficits proprioceptifs difficiles à
évaluer cliniquement indépendamment des déficiences ;
– handicap : de ses déficiences et incapacités résultent un cer-
tain niveau de handicap caractérisé par les perturbations des
activités de la vie quotidienne
En réalité, au-delà de la cheville, ces principes d’évaluation
s’appliquent à toutes les pathologies orthopédiques.
262 Traumatisme de la cheville

22 Mode d’action de la kinésithérapie sur les douleurs

La priorité en traumatologie est la prise en charge de la douleur


(et si possible de sa cause) par tous les moyens (médicamenteux ou
non) afin de faciliter la rééducation et une récupération plus aisée
au cours des activités de la vie quotidienne du patient. De quels
moyens dispose le kinésithérapeute ?
– Les massages : ils ont une action sédative propre sur les articu-
lations, muscles, tendons, ligaments. Leur action sur les troubles
trophiques (cf. plus bas) entraîne également une diminution des
douleurs. Les massages permettent de lever des adhérences et
diminuent les douleurs liées à celles-ci.
– Le travail proprioceptif (rééducation kinesthésique)  : il peut
être débuté très précocement y compris en décharge. En effet,
en plus de l’objectif de reprogrammation, il semble qu’il ait un
effet antalgique par saturation des centres supramédullaires
d’informations sensitives profondes shuntant les afférences
douloureuses.
– Les techniques de physiothérapie à visée antalgiques (ultrasons,
ionisations, courant de basses fréquences, chaleur) : elles sont peu
ou pas efficaces et leur niveau de preuve aujourd’hui est insuffi-
sant pour justifier leur prescription [3]. Le froid est efficace, ne
nécessitant pas forcément sa prescription mais les règles de son
application doivent être rigoureusement expliquées pour éviter
les effets adverses (brûlures cutanées, douleurs neuropathiques).

Action sur les troubles trophiques

Cette stase œdémateuse plus ou moins hémorragique au sein


des tissus et espaces de glissement, lorsqu’elle n’est pas correcte-
ment résorbée, s’organise et fait le lit des adhérences capsulaires,
articulaires et des gaines tendineuses, sources de raideur et d’in-
suffisance fonctionnelle. Les cicatrices en particulier deviennent
parfois adhérentes et, dans certaines localisations (au voisinage des
tendons ou de la capsule articulaire), ont des conséquences fonction-
nelles sur la souplesse mais également sur le travail actif en limitant
la course d’un tendon sur ses plans de glissement (synoviaux ou
non).
Quels sont les moyens permettant de lutter contre :
– les massages, associés aux mesures prophylactiques habituelles
des protocoles type « Glaçage Repos Élévation Compression » ;
– le travail actif précoce sur tous les segments où il est auto-
risé. En effet, les contractions musculaires favorisent le retour
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 263

veineux. Exemple  : contraction régulière des fléchisseurs des


orteils sous plâtre lors d’une fracture bimalléolaire ;
– l’appui : facteur majeur des troubles trophiques, l’absence d’ap-
pui sera au minimum remplacé par le pas simulé et si possible
l’appui contact (inférieur à 10 % de poids du corps).

Gain d’amplitude

L’utilisation de techniques adéquates de gain d’amplitude sous


entend obligatoirement de connaître la ou les causes de raideurs
et les contre-indications éventuelles du gain d’amplitude dans tel
ou tel secteur en fonction de la pathologie d’origine. Le rôle du
médecin est ici fondamental afin de guider au mieux le kinésithé-
rapeute pour la sécurité et l’efficacité du traitement en précisant les
indications et contre indications (fonction de l’aspect radiologique
de la fracture par exemple). Leur méconnaissance peut rendre la
rééducation au mieux inefficace, au pire dangereuse. En aval de
ces décisions, le kinésithérapeute pourra grâce à son bilan (BDK)
analyser les causes de ces restrictions  : adhérences capsulo-liga-
mentaires, cicatricielles ou péritendineuses, rétraction musculaire,
épanchement articulaire, douleur.
Par exemple, au décours d’une fracture bimalléolaire après immo-
bilisation, la perte de flexion dorsale, particulièrement gênante
pour descendre les escaliers ou s’accroupir, le sera d’autant plus que
la limite d’amplitude est douloureuse et que l’amplitude controla-
térale est importante (notion de demande fonctionnelle). Si la dou-
leur ressentie en fin d’amplitude est sur la marge tibiale antérieure
ou sur la fibula, il serait inutile voire dangereux de chercher le gain
d’amplitude articulaire dans ce cas. Inversement, si la douleur est
ressentie dans le tendon calcanéen ou les gastrocnémiens, plus net-
tement genou tendu que fléchi, cette limitation est certainement
due à la raideur musculaire, conséquence de l’immobilisation
plus que de la fracture elle-même. Dans ce cas, le travail de gain
d’amplitude par étirement du triceps sera surement fructueux.
Les techniques de gain d’amplitude se divisent essentiellement en
techniques articulaires et musculaires :
– les techniques articulaires consistent à mobiliser de façon pré-
cise et isolée un seul segment articulaire en combinant les mobi-
lités principales (exemple pour la talo-crurale : flexion dorsale et
plantaire) à celles accessoires (glissement antéro-postérieur de type
tiroir) et à la décoaptation articulaire (écartement des surfaces) ;
– les techniques musculaires sont représentées par les étirements
passifs, le contracté-relâché, le travail excentrique lent.
264 Traumatisme de la cheville

22 Renforcement musculaire
Le déficit musculaire est rarement individualisable dans les trau-
matismes de la cheville non compliqués de luxation ou de rupture
tendineuse.
Il est pourtant constant après immobilisation stricte et/ou mise en
décharge dépassant quelques jours.
Il est difficilement quantifiable sauf pour le triceps sural. Dans
les fractures, son évaluation est faussée par la présence de dou-
leur compte-tenu des rapports étroits des tendons avec les foyers
de fractures (par exemple tibial postérieur ou fibulaire dans les frac-
tures bimalléolaires). De plus, il est imprudent de vouloir tester un
muscle contre résistance maximale lorsque son trajet ponte le foyer
de fracture.
Le renforcement dit analytique (muscle travaillé individuellement)
doit tenir compte de la solidité relative en évitant les contre résistances
distales qui pourraient mettre en porte-à-faux le foyer de fracture
(exemple : renforcement des fibulaires et fracture de la malléole latérale).
Le travail des muscles latéraux ( fibulaires et tibial postérieur), qui
sont avant tout stabilisateurs (fonction de contrôle des mouvements),
passe probablement plus par une approche de reprogrammation sen-
sitivo-motrice que par la recherche d’un niveau de force. Le travail
des muscles antéro-postérieurs comme le triceps, connu pour son
rôle de propulsion, nécessite quant à lui un véritable renforcement
pour retrouver puissance et endurance.

Rééducation proprioceptive
Encore appelée reprogrammation neuro-motrice (RNM), cette
partie incontournable de la rééducation en traumatologie vise à
provoquer des réponses motrices à partir de stimulations sen-
sitives et sensorielles [4]. Grâce à des techniques spécifiques, ces
sensations vont être utilisées de manière à faciliter le mouvement
dans son efficacité sur différents paramètres  : vitesse, puissance,
ajustement, anticipation.
La notion de rééducation proprioceptive est née des travaux de
Freeman [5] sur les entorses de cheville. En effet, cette patholo-
gie semble bien être un modèle de recrutement de nos facultés de
régulation neuro-motrice dans un but de protection articulaire,
notamment dans la prévention secondaire des entorses du plan
latéral. Quelques précisions à ce sujet trouvent donc particulière-
ment leur place dans cet ouvrage car ce qui a été montré pour la
cheville peut être extrapolé aux autres lésions ligamentaires, tendi-
neuses ou articulaires, surtout lorsqu’elles participent à la fonction
d’équilibration (mais pas uniquement).
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 265

L’idée initiale était de compenser le déficit des récepteurs articu-


laires, rendus déficients au cours des lésions ligamentaires, par le
recrutement des fuseaux neuromusculaires (capteurs sensitifs situés
dans les muscles). Par la suite, les travaux de Thonnard [6] ont
montré que le laps de temps nécessaire à la survenue d’une lésion
ligamentaire était très inférieur au délai de réaction musculaire
capable d’empêcher le traumatisme. Ceci débouchait donc sur le
développement de techniques visant à produire des réponses anti-
cipées, préprogrammées, automatisées (non consciente), accessibles
par un apprentissage. La contraction musculaire devait alors jouer
un rôle protecteur préventif de la situation traumatisante et non
plus une tentative de rattrapage de celle-ci. Cette reprogramma-
tion sensori-motrice est possible par la répétition de mises en situa-
tion du patient induisant des réponses spécifiques. Ceci aboutit
effectivement à des transformations de programmes moteurs mais
l’on note que cet effet peut s’épuiser dans le temps en cas de non-
utilisation et pourrait nécessiter un entretien.
La reprogrammation neuro-motrice n’est pas dissociée du reste
de la rééducation car les techniques visant à améliorer les autres
aspects (douleur, trouble trophique, mobilité, force musculaire) ont
un impact direct sur la proprioception. Par exemple, le massage à
visée trophique stimule les afférences sensitives cutanées, la mobili-
sation articulaire recrute les corpuscules de Ruffini, les étirements
musculaires stimulent les organes tendineux de Golgi et les fuseaux
neuro-musculaires.
Pour que l’apprentissage soit efficace, il est nécessaire de respecter une
progressivité dans son déroulement en suivant certaines règles [7] :
– partir d’exercices analytiques (une articulation, un mouve-
ment) pour progresser vers un travail plus global (l’ensemble du
corps, une tache complexe) ;
– de la décharge vers la mise en charge partielle puis complète
et du bipodal vers l’unipodal (fig. 1) ;
– du statique au dynamique ;
– des vitesses lentes vers des vitesses rapides ;
– d’un plan stable vers un plan instable unidirectionnel puis
multidirectionnel ;
– d’une situation protégée vers une situation à risque.
Toutes ces composantes pouvant être évidemment combinées de
manière variable en fonction des acquis en cours de rééducation
et poussées vers la demande spécifique personnelle, sportive ou
professionnelle du patient.
Ces séances vont nécessiter des outils que possèdent généralement
tous les kinésithérapeutes : tapis mous, plateaux instables (fig. 2)
à divers degrés de liberté (uni-, bi- ou multidirectionnel), ballons
(fig.  3), skate-board, trampoline. Certains, plus perfectionnés
comme des plateaux proprioceptifs informatisés, sont des outils
complémentaires nullement indispensables.
266 Traumatisme de la cheville

22

Fig. 1 – Utilisation d’un plateau instable Fig. 2 – Utilisation d’un plateau instable
unidirectionnel dans le plan sagittal en appui unidirectionnel dans le plan frontal en
unipodal. décharge.

Fig. 3 – Utilisation d’un ballon de Klein


pour un exercice de reprogrammation
neuromusculaire multidirectionnel en
décharge.

En revanche, cet aspect de la rééducation requiert la présence


attentive du kinésithérapeute, garant de la progression juste et de
la qualité du contrôle moteur (éviter les compensations « trop facile »
par exemple visuelle ou vestibulaire). Il permet une rééducation inte-
ractive, mettant le patient dans des situations déstabilisantes et
ludiques à la fois.
Pour le médecin prescripteur, il est particulièrement difficile de
pouvoir apprécier, en interrogeant le patient lors des consultations
de suivi, si les étapes successives de la progression ont été respectées.

Application des principes généraux de la rééducation


aux cas précis – Spécificités suivant la lésion traitée

Afin d’éviter d’être redondant avec ce qui a été dit plus haut ou
avec ce que les auteurs des autres chapitres de l’ouvrage ont déjà
développé, nous ne reprendrons ici que les points essentiels pour
aider le lecteur à la prescription et le suivi de la kinésithérapie en
consultation de traumatologie.
Avant de rédiger son ordonnance, il faut, en kinésithérapie comme
en médecine en général, se demander quel est l’objectif de ce
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 267

traitement (se rappeler les axes fondamentaux décrits plus haut) et


par quels moyens y arriver, préciser toujours s’il existe des contre-
indications (notamment concernant l’appui et le gain d’amplitude).

Points communs de la rééducation de toutes les articulations


durant la période d’immobilisation
Il s’agit en général de conseils donnés par le médecin, accom-
pagnés de quelques gestes et, idéalement, d’une fiche «  mémo  »
donnée au  patient en plus des précautions habituelles lors du
port d’une  immobilisation inamovible (surveillance des risques
circulatoires) :
– déclivité ;
– apprentissage du béquillage avec la quantité d’appui préci-
sée : sans appui (très rare), pas simulé (remplace en général le sans
appui), appui contact (moins de 10 % du point corporel). Dans
les deux derniers cas, le port d’une chaussure à plâtre est vive-
ment recommandé ;
– contractions isométriques sous plâtre. Il s’agit de contractions
statiques de tous les groupes musculaires. Précautions supplé-
mentaires, en cas de fracture, pour éviter le port à faux ; il est
intéressant de réaliser des cocontractions de muscles antago-
nistes entre eux. Par exemple : fléchisseurs des orteils + tibial anté-
rieur ou inversement extenseurs des orteils + triceps sural [8]. On
préférera donner des consignes précises, qu’importe la quantité,
car elles seront toujours mieux mémorisées et observées. Par
exemple, « 30 contractions toutes les heures » ou « 100 contractions
matin midi soir » ;
– entretien de la mobilité des articulations sus- et sous-jacentes,
particulièrement les orteils compte tenu du rôle circulatoire
éminent des muscles plantaires sur la chasse veineuse ;
– entretien du tonus musculaire des fessiers et du quadriceps.

Points communs aux fractures ostéosynthésées


Les troubles trophiques : le traitement kinésithérapique de ceux-ci est
un des premiers points d’attention car ils sont souvent importants.
Les cicatrices et leurs éventuelles conséquences fonctionnelles spé-
cifiques à chaque localisation doivent être examinées.
La raideur  : elle est toujours plus importante en cas de fracture
articulaire.
La douleur : principal frein de progression dans la reprise de l’appui
et donc au gain fonctionnel. Elle traduit souvent une consolidation
non encore acquise sur laquelle la kinésithérapie n’a pas de possibi-
lité d’action directe.
268 Traumatisme de la cheville

22 Fractures de la malléole externe, fractures bimalléolaires


Ces deux types de fractures suivent les mêmes principes réédu-
catifs :
– Précautions spécifiques : la flexion dorsale au-delà de 10° (0°
étant l’angle droit pied/tibia) entraîne une mobilisation de la
fibula, notamment en écartement de la mortaise ; le gain au-delà
de ce secteur devra rester prudent avant consolidation [8] même
si le but à terme est de récupérer celle-ci intégralement car sa
limitation est un facteur entravant de manière majeure la marche.
– La reprise progressive d’appui est en général débutée en même
temps que la rééducation, après 6 semaines d’immobilisation.
– Comme dans toutes fractures de la cheville et du pied en
cours de consolidation, il n’est pas réaliste de parler de « renfor-
cement musculaire » avant la date de consolidation, c’est-à-dire
l’autorisation voire la capacité à reprendre l’appui complet car
le renforcement se faisant contre résistance importante, il com-
porte un risque de porte à faux du foyer de fracture. Avant cette
date on parlera plus d’« éveil musculaire » qui correspond ini-
tialement à une levée des phénomènes de sidération pour obte-
nir une contraction musculaire analytique de qualité qui sera
intégrée aux autres dans la reprogrammation neuromusculaire.
– Suivi de rééducation  : en cas de difficulté de récupération
des amplitudes, il faudra différencier les phénomènes globaux
algodystrophiques, très fréquents dans ce type de fractures, des
limitations isolées de la tibio-talienne. Dans ce dernier cas, il est
important de différencier les limitations dans tous les secteurs
(flexion dorsale et plantaire) d’origine articulaire, d’une limi-
tation isolée, en général la flexion dorsale, pouvant témoigner
d’un certain degré de rétraction du triceps sural. Dans ce cas, la
limitation de flexion dorsale diminue genou fléchi, du fait de la
détente des gastrocnémiens. Devant une limitation de la flexion
dorsale en général douloureuse en regard de l’interligne anté-
rieur en fin d’amplitude, il ne sert à rien de tenter de gagner en
forçant. Le kinésithérapeute devra utiliser des techniques dites
« articulaires » (cf. plus haut). Inversement, la rétraction du tri-
ceps sural est évidemment l’indication d’étirements spécifiques
et auto-étirements.
L’évolution des fractures bimalléolaires est nécessairement pro-
longée, notamment lorsqu’elles sont articulaires et ou opérées.
La raideur et les douleurs peuvent persister 5 à 6 mois, même en
l’absence de toute complication, nécessitant la poursuite de la réé-
ducation jusqu’à cette date pour parvenir à récupérer la totalité des
fonctions supérieures de la marche : marcher rapidement, accélérer,
sauter, courir. Néanmoins, il peut être nécessaire de proposer une
fenêtre sans kinésithérapie de quelques semaines si le patient tra-
verse une période de douleurs persistantes et de stagnation sur le
plan fonctionnel.
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 269

Fractures du talus
La prescription de rééducation dans ce cas ne diffère pas de
celle des fractures articulaires de la cheville  ; les grandes lignes
seront habituelles : reprise d’appui progressive (et ses conséquences
dans le choix des exercices par le kinésithérapeute), traitement des
troubles trophiques, gain d’amplitude (avec restriction possible sur
la flexion dorsale si celle-ci comporte un risque pour la consolidation),
reprogrammation sensori-motrice, tonification musculaire puis
renforcement musculaire des muscles périarticulaires une fois la
consolidation acquise. La raideur articulaire et les douleurs seront
longtemps préoccupantes dans les fractures du dôme talien plus
que dans celles du col.

Fractures du calcanéum
Principes de précaution communs aux fractures du calcanéum  :
avant consolidation, il conviendra d’éviter les étirements forcés du
triceps et sa contraction contre résistance. Le gain en flexion dor-
sale, s’il est nécessaire, se fera donc genou fléchi (cf. plus haut).
Une fois la reprise d’appui autorisée sans immobilisation, les deux
phases (étirement puis contraction) sont indispensables au cours
de la marche rapide ou les escaliers  ; des exercices devront donc
préparer le calcanéum à cette étape.
– Fractures articulaires : les séquelles douloureuses sont très fré-
quentes alors que la raideur est fonctionnellement bien tolérée.
Les douleurs sont souvent dues à une arthropathie sous-talienne
secondaire à la perte relative de congruence. De ce fait, la réé-
ducation ne cherchera pas à récupérer la mobilité sous-talienne,
mais plutôt à laisser s’installer la raideur voire l’ankylose de
celle-ci pour favoriser l’indolence. En revanche, la récupération
de la mobilité des articulations de voisinage et notamment du
médio-pied sera importante pour favoriser les mécanismes de
compensation des appuis. La reprogrammation neuro-motrice
dans ce contexte sera particulièrement importante.
– Fractures non articulaires de la grosse tubérosité non déplacées,
traitées fonctionnellement ou orthopédiquement  : la rééduca-
tion sera assez légère, guidant la reprise progressive de l’appui
uniquement en fonction des douleurs et des activités physiques
qui se feront assez naturellement à la disparition des douleurs
d’appui. La récupération de la fonction complète passera par un
réentraînement musculaire du triceps sural avec beaucoup d’au-
torééducation (montée sur demi-pointe bipodale puis unipodale).
– Fractures déplacées de la grosse tubérosité : la gêne principale, en
dehors des douleurs initiales d’appui, est due à terme à la perte
d’efficacité du triceps sural. En effet, l’aplatissement de l’arrière
pied entraîne une détente relative de l’appareil suro-achilléen.
270 Traumatisme de la cheville

La rééducation puis l’autorééducation insisteront avant tout


22 sur le renforcement du triceps pour un résultat le plus souvent
incomplet en terme de capacité de propulsion (marche rapide,
montées, course, saut).

Entorse du ligament collatéral latéral


de l’articulation talo-crurale
La lutte contre les troubles trophiques est la première priorité
du kinésithérapeute lorsqu’il prend en charge le patient (pas avant
J10 le plus souvent)  : techniques kinésithérapiques associées à la
poursuite du port de la chaussette de contention.
La mobilité : elle pose rarement de vrais problèmes dans les entorses
isolées non compliquées (en l’absence d’algodystrophie). Le gain
d’amplitude sera rapidement recherché en flexion dorsale car un
minimum de 10 à 15° est indispensable pour récupérer un schéma
de marche harmonieux et permettre l’utilisation des escaliers. En
revanche, le gain en flexion plantaire, secteur de mouvement met-
tant en tension le faisceau talo-fibulaire antérieur, ne sera recherché
qu’après 6 à 8 semaines. De plus, la flexion plantaire maximale est
fonctionnellement peu utilisée dans les actes de la vie quotidienne.
Elle devient parfois indispensable dans certains gestes sportifs ou
postures spécifiques (à genou, talon-fesse ou montée sur demi-pointe).
La stabilité : c’est le point d’attention particulière. En effet, l’in-
quiétude du thérapeute au-delà de la récupération de la fonction
complète suite à la blessure, est la prévention des récidives dra-
matiquement fréquentes. La rééducation neuromusculaire est le
point le plus important, constituant la clé de voute de la préven-
tion secondaire. C’est là une difficulté des consultations de suivi
d’entorse car quel que soit le degré de laxité, évaluer objectivement
et de façon fiable lors d’une consultation la stabilité de la cheville
du patient et le travail neuromusculaire effectué est une gageure.
Le kinésithérapeute par les mises en situations variées d’exercices
de proprioception est mieux armé pour mettre en évidence les
carences dans ce domaine.
Le renforcement musculaire  : même si cliniquement le traumato-
logue ne retrouvera pas de manque de force dans les entorses sans
lésions tendineuses associées, le renforcement musculaire, notam-
ment du tibial antérieur et des fibulaires, a montré son efficacité
dans la prévention des récidives [9].

Entorse sous-talienne
Cette atteinte est exceptionnellement isolée, en général associée
aux entorses talo-crurales. La rééducation sera souvent comprise
comme un tout. Une attention particulière sera portée à la
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 271

récupération d’une mobilité sous-talienne normale en cas de raideur


de celle-ci. A contrario, une laxité persistante devra faire redoubler
d’attention dans la qualité de la reprogrammation neuro-motrice.

Entorse du plan interne


La rééducation est basée sur les principes généraux de l’entorse
latérale.
Point d’attention particulière : le muscle tibial postérieur. Il est le
principal frein actif de l’instabilité en valgus. Retrouver sa force et
sa vigilance devra être au premier plan.

Entorse tibio-fibulaire inférieure


La rééducation est basée sur les principes généraux de l’entorse
latérale en sachant qu’il n’existe pas de risque d’instabilité en varus.
Il n’y a pas de particularités de rééducation dans ces atteintes. La
logique est de tourner l’aspect neuro-musculaire vers la prévention
des mouvements habituellement traumatisants, c’est-à-dire la rota-
tion externe en flexion dorsale.

Entorses du médio-pied (Chopart) [10]


Bien qu’elles soient fréquemment associées aux entorses tibio-
taliennes, la rééducation en est assez distincte compte tenu des
différences fonctionnelles entre ces complexes articulaires et liga-
mentaires. La particularité de la rééducation dans ces entorses est,
d’une part la récupération du rôle de propulsion du médio et de
l’avant-pied et ses capacités de rebond et, d’autre part, l’adaptabi-
lité du pied aux reliefs du terrain. Ceci va être rendu possible par
la normalisation de la mobilité apparemment mineure de chacune
des interfaces articulaires de l’ensemble Chopart-Lisfranc dont
la somme permet la fonction globale du médio-pied. Les tech-
niques de mobilisation articulaire analytique permettent ce gain
de mobilité spécifique (fig. 4). La difficulté réside dans le fait que
ce système d’adaptation-propulsion n’est efficace que lorsqu’il est
indolore.
– Spécificités sur le plan musculaire : renforcement des muscles
tibial postérieur et fibulaires, stabilisateurs actifs du médio-pied.
– Spécificités sur le plan proprioceptif : contrairement à la tibio-
talienne, le médio-pied ne souffre pas d’authentique instabilité
chronique ou d’entorse à répétition. Néanmoins, la repro-
grammation neuro-motrice est au premier plan, utilisant des
techniques similaires à la cheville instable avec en plus des tech-
niques de dissociation médio-pied–arrière-pied (fig. 5) et plus
de travail sur demi-pointe.
272 Traumatisme de la cheville

22

Fig. 5 – Utilisation de mini plateaux de


Freeman visant à rééduquer le contrôle
neuro-moteur des mobilités dissociées entre
arrière et avant-pied.

Fig. 4 – Mobilisation analytique de l’arti-


culation talo-naviculaire (Chopart médial).

Fig. 6 – Massages à visée trophique des


gouttières para-achilléennes.

Rupture du tendon calcanéen


Le souci perpétuel sera de garantir une sécurité parfaite, évitant
la cicatrisation en allongement ou la récidive de rupture, tout en
étant efficace en termes de gain fonctionnel, c’est-à-dire retrou-
ver en fin de traitement à la fois une force de propulsion et une
flexion dorsale normales. Les ruptures itératives surviennent plutôt
en phase tardive de rééducation vers le 4e mois. Le rôle du kiné-
sithérapeute dans l’éducation du patient est ici plus qu’ailleurs fon-
damental : respect du calendrier de reprise d’appui énoncé par le
médecin, les interdictions de marcher pieds nus, d’attaquer une
marche d’escalier par la pointe du pied en montée comme en
descente.
Points communs de la rééducation quel que soit le mode de traite-
ment (orthopédique, chirurgie à ciel ouvert, Ténolig®) :
– mécanisation progressive du tendon calcanéen dès la levée
de l’immobilisation par une mobilisation en décharge, active
et passive, au départ en position de raccourcissement tendino-
musculaire (appelée la course interne) puis progressant vers la
position 0° de flexion dorsale [8] ;
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 273

– lutter contre les adhérences péritendineuses par les massages


(fig. 6), phénomène incontournable ici, en particulier dans les
traitements chirurgicaux ;
– renforcement musculaire du triceps initialement en décharge
contre résistance très progressive. Le travail musculaire va du
plus facile au plus difficile : mode concentrique (les deux inser-
tions se rapprochent pour un mouvement de flexion plantaire),
statique (ou isométrique = contraction sans mouvement), excen-
trique (les deux insertions s’ écartent malgré la contraction visant
à freiner le mouvement de flexion dorsale) ; tout ceci pouvant se
faire contre résistance manuelle ou à l’aide d’un élastique par
exemple ;
– la récupération d’une flexion dorsale passive complète, si elle
pose problème, ne sera envisagée qu’en fin de rééducation car
l’écueil principal à éviter est la cicatrisation en allongement.
Cette situation entraînerait une perte de force de propulsion
du triceps [11], difficilement rattrapable. Le gain d’amplitude
n’est donc finalement pas une priorité lors des premiers mois de
kinésithérapie ;
– reprogrammation neuromusculaire en décharge dès la levée de
l’immobilisation, puis en charge deux mois plus tard environ ;
– en fin de rééducation (entre 4 et 6 mois selon les modalités
thérapeutiques), reprise des activités comportant impulsions-
réceptions sous la surveillance du kinésithérapeute avant reprise
du sport.

Autres lésions tendineuses :


tendons fibulaires, tibial postérieur, tibial antérieur
La rééducation suit les principes communs aux lésions tendineuses
décrits pour le tendon calcanéen (cf. plus haut) avec quelques spéci-
ficités liées aux particularités fonctionnelles de chacun d’entre eux
dont le traumatologue doit avoir connaissance :
– mécanisation précoce pour favoriser la cicatrisation tendineuse
et lutter contre les adhérences péritendineuses. Mécanisation
prudente néanmoins, c’est-à-dire en décharge et en secteur
de raccourcissement (course interne) pendant les premières
semaines ;
– renforcement musculaire en décharge contre résistance très
progressive en mode concentrique, statique, excentrique (contre
résistance manuelle ou à l’aide d’un élastique) ;
– la récupération de la capacité d’étirement passif complet ne
sera envisagée qu’en fin de rééducation, « le pire étant toujours
un tendon trop long » ;
– la rééducation doit être exhaustive : accompagner le patient
jusqu’à la fin, c’est-à-dire retrouver sa capacité d’impulsion
réception.
274 Traumatisme de la cheville

Particularités pour les tendons fibulaires : principaux défenseurs de


22 la cheville contre le varus, les fibulaires, après traitement de leur
lésion, méritent une rééducation poussée. Il est important de garder
à l’esprit qu’ils sont mis en tension dans la phase d’appui en flexion
dorsale (surtout le long fibulaire). Ceci doit inciter à la prudence en
début de phase de cicatrisation en maintenant un équin par une
talonnette ou des chaussures à talon et à ne travailler cette phase
d’appui en charge totale pied à plat que lorsque la cicatrisation
est convenable et indolore. La reprogrammation neuro-motrice
doit intervenir le plus tôt possible initialement en décharge bien
sûr. La récupération d’une flexion dorsale passive complète ne sera
envisagée qu’en fin de rééducation.
Particularités pour le tendon tibial postérieur : son rôle est de lutter
contre le valgus de la cheville et la pronation du médio-pied ainsi
que l’effondrement de l’arche interne du pied (fig. 7). Il intervient
également dans la propulsion sur la pointe du pied. La rééducation
et la reprise d’appui se feront toujours sous couvert d’une semelle
de soutien de voute très marqué. Comme pour les fibulaires, du fait
de leur rôle de stabilisation latérale prédominant, la reprogramma-
tion neuro-motrice doit intervenir le plus tôt possible initialement
en décharge bien sûr.
Particularités pour le tendon tibial antérieur  : on pense toujours
à son action concentrique nous permettant de lever le pied face
à un obstacle, mais le plus difficile est la récupération des capa-
cités excentriques freinant le dérouler du pied après l’attaque du
talon. Ce travail doit être indolore et endurant, sa mise au repos
impossible en dehors de l’immobilisation sans appui. Concernant
la flexion plantaire passive, on se contentera fréquemment d’une
récupération incomplète en fin de traitement.

Fig. 7 – Décompensation à gauche d’un pied plat –


importance du travail actif du tibial postérieur.
Rééducation de la cheville et du pied. Pourquoi ? Comment ? Quand ? 275

Fractures de la base du 5e métatarse


La rééducation suivra les principes de celle des entorses tibio-
taliennes et/ou du médiotarse auxquelles elles sont fréquemment
associées mais sous la dépendance des impératifs de consolidation
osseuse pour les délais de remise en charge.

Conclusion
Une prescription de rééducation de qualité et la capacité à analy-
ser les éventuelles causes d’échec de celle-ci dans l’évolution d’une
lésion traumatique nécessitent d’une part une bonne connaissance
orthopédique diagnostique de la lésion observée chez le blessé et,
d’autre part, des notions approfondies de la fonction globale che-
ville-pied. Tout cela doit être remis dans le contexte de chaque
patient, notamment de sa demande fonctionnelle spécifique.
Il n’est pas nécessaire au médecin prescripteur de connaître l’infinie
variété des exercices de kinésithérapie dont le choix est laissé bien
évidemment au kinésithérapeute mais de comprendre l’indication
des moyens de rééducation rapportées aux déficiences observées
au-delà d’un diagnostic lésionnel.

Bibliographie
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Lamarre
2. Arrêté du 10 mai 2007 portant approbation de la convention nationale des
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kinésithérapeutes et les caisses d’assurance maladie. JO du 16 mai 2007 Texte
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has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/recosentors.pdf
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locomoteur Tome 1 : Membre inférieur 2e éd. Paris, Elsevier-Masson
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276 Traumatisme de la cheville

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Podologie, 27-100-A-60
11. Rodineau J, Simon L (1990) Rééducation des ruptures du tendon d’Achille
après traitement opératoire et non opératoire. In  : Rééducation des
traumatismes sportifs. Paris, Masson, p. 278
Outils thérapeutiques
Immobilisations et autres traitements adjuvants 23
D.A. GHAZALI

Points essentiels
t La gestion des immobilisations en traumatologie tient compte de la lésion,
des habitudes du thérapeute et du profil du patient à traiter.
t Le traitement tend à être conservateur en l’absence de lésion osseuse. En
cas de fracture non chirurgicale, il repose dans la majorité des cas sur une
immobilisation rigide.
t Le protocole RICE doit être appliqué en phase initiale si le diagnostic en
urgence est impossible.
t La prévention des maladies thrombo-emboliques est systématique si la
décharge est totale ou partielle.
t Le traitement adjuvant repose sur les antalgiques, les anti-inflammatoires,
les bas de contention et la kinésithérapie.

Introduction

Lors d’un traumatisme de la cheville, le diagnostic lésionnel est


capital afin d’adapter au mieux la thérapeutique [1]. Le traitement
repose sur la mise en repos de l’articulation en utilisant le protocole
RICE ou (GREC), associée à des traitements locaux et généraux [2].
Les méthodes d’immobilisation sont nombreuses et obéissent à des
indications assez bien codifiées qui vont de l’immobilisation provi-
soire, à visée antalgique, dans l’attente du traitement opératoire de
certaines lésions (notamment les fractures à sanction chirurgicale),
aux immobilisations plus « rigides » (traitement orthopédique pur)
en passant par les immobilisations permettant une reprise « guidée »
de la fonction locomotrice (traitement fonctionnel). Ce chapitre
traitera des moyens de contention de la cheville et des stratégies
thérapeutiques, ainsi que des traitements adjuvants.

D.A. Ghazali ( ), Urgences, SAMU86, CHU de Poitiers, Laboratoire de Simulation


SiMI – Université de Poitiers, 86021 Poitiers – e-mail : aiham@hotmail.com
Sous la direction de M. Bendahou, K. Saidi, S. Besch, F. Khiami, Traumatisme de la cheville
ISBN : 978-2-8178-0351-7, © Springer-Verlag Paris 2013
278 Traumatisme de la cheville

23 Stratégies thérapeutiques des traumatismes de cheville


en urgence

La gestion des immobilisations en traumatologie est un sujet


complexe tenant compte de la lésion, des habitudes du thérapeute
et du profil du patient à traiter.

Lésion
La rupture du tendon calcanéen en est un exemple. En fonction
de la localisation de la rupture la prise en charge pourra être ortho-
pédique ou chirurgicale.

Habitudes du thérapeute
Le chirurgien sera plus volontiers interventionniste contraire-
ment au traumatologue et au rééducateur fonctionnel qui seront
plus conservateurs.

Profil du patient
Le patient âgé ne sera pas traité de la même manière qu’un jeune
sportif. De même, la stratégie thérapeutique sera différente chez un
patient présentant un terrain morbide et fragile.
Ce chapitre ne reprendra pas les indications thérapeutiques préconi-
sées et précisées dans les autres chapitres. L’objectif est l’application
pratique des stratégies évoquées.

Traumatismes de cheville aux urgences

Le diagnostic positif n’est pas toujours aisé en urgence, surtout


en cas de traumatisme sans fracture, la douleur et l’œdème ren-
dant difficile l’examen clinique complet. Il est par exemple souvent
délicat de faire d’emblée le diagnostic de gravité d’une entorse. Il
faut alors appliquer le protocole RICE (Rest – Ice – Compression
– Élévation) [3] et revoir le patient avant le 8e jour pour faire le
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 279

diagnostic. Ce protocole s’applique à tous les traumatismes sans


fracture, indépendamment de la gravité. Il comprend :
– le repos relatif (Rest) : limitation des mouvements et des dépla-
cements. L’appui est autorisé en l’absence de fracture ; les cannes
seront utilisées en fonction de la douleur ;
– l’application précoce de froid (Ice) : utilisation d’une vessie de
glace ou de glaçons dans un sac plastique ou d’un pack de froid
conditionné sur la zone lésée et algique. Une protection cutanée
est obtenue en mettant un tissu entre la peau et la source de froid.
Il faudra réaliser 3 à 4 applications quotidiennes d’une durée de
20 à 30 minutes chacune. Avant toute application, rechercher
d’éventuelles contre-indications (allergie au froid, syndrome de
Reynaud, troubles de la sensibilité, cryoglobulinémie) ;
– la compression de la zone œdématiée (Compression) : en cas
d’entorse, port d’un bas ou mi-bas de contention ou d’une che-
villère élastique de contention ou d’une attelle avec comparti-
ments gonflables ;
– la surélévation de la cheville lésée (Élevation)  : lorsque le
patient est couché, la cheville doit être au-dessus du niveau du
cœur afin de favoriser le retour veineux et diminuer la pression
intravasculaire, réduisant ainsi l’œdème.

Moyens de contention et techniques de réalisation


Strapping ou taping
Jusqu’à l’avènement des orthèses amovibles dont l’efficacité est
prouvée [4,  5], le strapping ou le taping étaient le traitement de
référence en cas d’entorse. Devant les difficultés d’observance de
ce traitement, les lésions cutanées de cisaillement qu’il pouvait
occasionner et l’incertitude d’efficacité et du bénéfice thérapeu-
tique, il a progressivement été remplacé par les orthèses amovibles.
Cependant, il peut toujours être utile en traitement d’attente si les
orthèses ne sont pas immédiatement disponibles. Le strapping et
le taping sont fortement déconseillés voire contre indiqués en cas
de lésion cutanée en regard (dermatoses suintantes, eczéma, lésion
infectée, brûlure ou plaie), de peau fine (corticothérapie, personne
âgée) ou d’œdème des membres inférieurs qui fragilise le tissu sous-
cutané et le derme. Le strapping aurait moins de complications
cutanées locales que le taping [6].
Matériel
Le matériel nécessaire est :
– deux rouleaux d’Elastoplast de 6 cm de largeur ;
– un rouleau d’Elastoplast de 3 cm de largeur ;
– un rouleau d’Elastomousse ou sous bande.
280 Traumatisme de la cheville

Technique de mise en place (fig. 1)


23
– Mise en place de l’Elastomousse et de 2 compresses protégeant
le tendon du muscle tibial antérieur et le tendon calcanéen.
– Mise en place de 2 ancrages en Elastoplast de 6 cm de largeur :
tun ancrage supérieur, à l’union du tiers inférieur et du tiers
moyen de la jambe, sous la forme d’une circulaire appliquée
sans tension ;
tun ancrage inférieur, au niveau de l’avant pied, sous la forme
d’une circulaire appliquée sans tension.
– Mise en place de 2 étriers verticaux en Elastoplast de 6 cm de
largeur :
tLe premier étrier est appliqué à la face interne de la jambe,
depuis l’ancrage supérieur, passant en arrière de la malléole
médiale, puis à la face inférieure du talon et revenant sur la
face externe de la jambe, jusqu’à l’ancrage supérieur, en pas-
sant en arrière de la malléole latérale. C’est sur la face externe
que la tension mise dans la bande est importante.
tLe second étrier vertical est appliqué selon le même prin-
cipe, mais il doit passer en avant des 2 malléoles et chevauche
le premier en tuile, de moitié.

Fig. 1 – Strapping de cheville. 1 : 1re bande. 2 : 2e,3e et 4e bandes. 3 : 5e bande. 4 : 6e, 7e et
8e bandes.
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 281

– Fermeture avec de l’Elastoplast de 3 cm de largeur que l’on


découpe en plusieurs bandes de même longueur :
tFermeture inférieure  : on applique la première bande à la
face plantaire, au niveau de l’ancrage inférieur, en rabattant
les deux chefs latéraux sur le dessus du pied, sans tension.
On procède de la même manière avec les autres bandes en les
faisant chevaucher en tuile à demi, jusqu’à ce que l’on atteigne
le devant de la jambe.
tFermeture supérieure : on applique la première bande à la
face postérieure de la jambe, en rabattant les deux chefs laté-
raux sur le devant de la jambe, depuis l’ancrage supérieur,
jusqu’au niveau des malléoles. Les bandes successives doivent
se chevaucher en tuile et être posées sans tension.
Durée
En théorie, le strapping devrait être refait toutes les 48 heures,
idéalement par le kinésithérapeute.
Coût
Il est variable en fonction du fournisseur. Certaines bandes
sont inscrites sur la liste des produits et prestations remboursables
(LPPR) par l’Assurance Maladie. Il incombe à chaque prescripteur
de s’assurer du remboursement ou non des bandes et de prévenir
le patient.

Orthèses amovibles stabilisatrices préfabriquées


Les orthèses stabilisatrices préfabriquées paraissent à l’heure
actuelle le traitement le plus adapté de l’entorse de cheville y
compris pour les entorses sévères (fig. 2). Elles permettent de blo-
quer les mouvements de rotation et de varus valgus mais autorisent
la flexion-extension de la cheville [2]. Elles semblent plus efficaces

Fig. 2 – Orthèses amovibles.


282 Traumatisme de la cheville

que les autres moyens de contention pour une reprise des activités
23 sportives et professionnelles [6]. Il n’y a pas de supériorité d’un
modèle d’orthèse par rapport à un autre [7, 8].
Il faut prescrire un modèle que le thérapeute connaît en précisant
sur l’ordonnance que la taille doit être adaptée à la corpulence du
patient. Le patient recevra les conseils du fournisseur (pharmacien
ou autre) pour la mise en place correcte (cf. modèles d’ordonnances).
Dans l’arsenal thérapeutique des orthèses amovibles, les bottes
de marche tendent à se développer. Cependant, elles ne relèvent
pas d’une consultation d’urgence compte tenu de la fréquence des
traitements d’attente instaurés et de l’incertitude diagnostique. Le
coût élevé de ces dispositifs implique un diagnostic lésionnel précis
afin d’avoir un traitement adapté et une prescription faite à bon
escient. Le plus souvent, ce type d’orthèse sera donc prescrit à la
consultation de contrôle, en dehors du circuit d’urgence.

Syndactylie : doigt et orteil


Matériel
– Bande élastique auto-adhérente ou adhésive extensible de
5 cm coupée en deux longitudinalement.
Technique (fig. 3)
– Elle réalise une contention entre l’orteil lésé et l’orteil adja-
cent, s’il est sain. Il faut veiller à séparer les orteils immobilisés
par une compresse absorbante afin d’éviter les phénomènes de
macération et de mycose.
– Contrairement à la main, sur laquelle la syndactylie doit
immobiliser les phalanges tout en conservant la mobilité arti-
culaire, les orteils sont immobilisés en totalité compte tenu de
leur petite taille.

Fig. 3 – Syndactylie des orteils.


Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 283

Surveillance
– Elle consiste à surveiller l’absence d’effet «  garrot  » ou de
macération et mycose.
– Idéalement, la syndactylie est changée toutes les 48-72 heures.
Il convient d’informer et d’éduquer le patient et son entourage
dans la réfection de cette immobilisation simple.
– Le port de chaussures ouvertes est préconisé.

Attelle plâtrée postérieure


Ce type d’immobilisation ne se conçoit que dans une straté-
gie thérapeutique d’attente d’un diagnostic lésionnel précis qui
permettra un traitement définitif (fonctionnel, orthopédique ou
chirurgical) (fig. 4).

Fig. 4 – Attelle plâtrée postérieure. 1 : Position de la jambe. 2 : Mesures. 3 : Préparation.
4 : Mise en place. 5 : Protection des malléoles. 6 : Maintien de l’attelle.

Matériel
– Jersey tubulaire de taille adaptée à la morphologie du patient.
– Bandes plâtrées de taille adaptée à la corpulence du patient.
– Bandes de maintien de type Velpeau (en général 2 ou 3).
Technique
– Installer le patient pour obtenir une cheville positionnée à 90°.
tPatient placé en décubitus ventral (en l’absence de contre-
indication), genou fléchi à 90° permettant d’obtenir la dorsi-
flexion automatique de la cheville.
284 Traumatisme de la cheville

tPatient placé en décubitus dorsal, le membre inférieur sur


23 une barre à genou, permettant la flexion du genou et la détente
des muscles gastrochnémiens, facilitant ainsi la dorsiflexion
de la cheville.
– Mettre une triple couche de jersey ou une couche unique avec
du coton ouaté, protégeant surtout les malléoles et le calcanéum
(points de compression habituels).
– Après mesure sur le patient afin de connaître la longueur de
l’attelle souhaitée, la confectionner en réalisant avec la ou les
bandes des feuillets plâtrés. L’épaisseur de l’attelle nécessite
une quinzaine de feuillets plâtrés pour éviter la fragilisation de
l’attelle au niveau de la cheville.
– Tremper la bande dans de l’eau tiède entre 20 °C et 25 °C
durant 3 à 5 secondes et réaliser un essorage léger suivi d’un
lissage.
– Appliquer la bande plâtrée mouillée, adaptée à la taille du
patient, laissant les orteils libres et s’arrêtant au tiers proximal
de jambe.
– Il existe des dispositifs de bandes résinées prêtes à l’emploi,
qu’il suffit de découper à la taille souhaitée. Ces dispositifs très
pratiques, tendent à se généraliser par leur facilité d’utilisation.
– Il faut veiller à vérifier l’absence de compression malléolaire.
– Maintenir à l’aide de bandes non extensibles.

Botte plâtrée ou en résine (fig. 5)


Matériel
– Jersey tubulaire.
– Ouate.
– Bandes de plâtre ou résine. Nombre et taille en fonction de la
morphologie du patient.
Technique
– Le positionnement de la cheville répond à la méthodologie
adoptée pour la réalisation de l’attelle plâtrée, de sorte que la
cheville soit à 90°.
– Mettre une triple couche de jersey ou une couche unique avec
du coton ouaté, pour protéger les malléoles, le cou-de-pied et
le calcanéum (points de compression). Il faut veiller à ce que
le jersey soit parfaitement tendu sans aucun pli, source de
compression cutanée et de douleurs sous plâtre.
– Le rouleau de plâtre appliqué sur le patient est mouillé en
le plongeant dans une bassine d’eau tiède entre 20 et 25  °C
(suffisamment remplie pour tenir le rouleau à 45°, entièrement
plongé dans l’eau), durant 3 à 5 secondes. La bande est ensuite
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 285

légèrement essorée. La résine doit être posée directement et de


l’eau sera vaporisée secondairement.
– Dérouler la bande au contact du membre, modeler et lisser.
Le plâtre est moulé sur les reliefs osseux ; la résine doit éviter les
plis qui pourraient traumatiser la peau. Il est primordial de ne
pas serrer les bandes lors du positionnement, afin d’éviter l’effet
« garrot » ou le syndrome de loges. La technique nécessite de
poser les bandes successivement sans aucune traction ni tension.
– Une première bande permet de réaliser un haubanage de la
cheville. Pour cela, placer la bande au niveau de la partie exté-
rieure de la jambe et faire un tour complet avant de descendre
jusqu’au pied, en plaçant la lisière de la bande en avant de la
cheville. Effectuer un tour autour du pied, puis remonter latéra-
lement vers la jambe et faire de nouveau un tour complet.
– L’immobilisation est poursuivie en déroulant la bande autour
du membre, avec superposition des deux tiers de la bande déjà
posée afin de réaliser la botte.
– La botte doit impérativement s’arrêter au-dessous du col de
la fibula pour éviter la compression du nerf fibulaire commun,
et ne doit pas recouvrir la tubérosité tibiale antérieure. À la
partie distale, la botte doit laisser libre les orteils en dorsal. En
plantaire, la botte peut être faite au-delà des orteils afin de les
protéger.

Fig. 5 – Botte plâtrée ou en résine. 1 : Positionnement de la jambe et jersey. 2 : Mise de la
ouate. 3 : Confection de la botte. 4 : Liberté de la tête du 5e métatarse.
286 Traumatisme de la cheville

Une variante possible de la botte plâtrée est la botte de Graffin qui


23 trouve ses indications dans la fracture de calcanéum (fig. 6). Elle
est réalisée de la même manière qu’une botte classique :
– elle est similaire à la botte plâtrée dans sa globalité mais se dis-
tingue de cette dernière par la présence d’une fenêtre talonnière
afin d’éviter le contact avec le calcanéum ;
– l’appui se situant à l’avant, il faut un renforcement des faces
latérales qui transmettent les forces d’appui.

Fig. 6 – Botte de Graffin. 1 : Positionnement de la jambe. 2 : Ouate. 3 : Liberté du talon.
4 : Confection du plâtre. 5 : repli du jersey. 6 : Fenêtre talonnière. 7 : 2e bande de plâtre.
8 : Renforcement latéral. 9 : Finitions.

Cruro-pédieux
Il est de moins en moins utilisé dans le cadre des lésions de la
cheville. Quant au cruro-jambier, il n’a pas d’indication dans les
pathologies distales du membre inférieur (fig. 7).
Matériel
– Jersey tubulaire.
– Ouate.
– 2 bandes de plâtre de 10 ou 15 cm et 1 bande de 20 ou 30 cm
selon la morphologie du patient.
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 287

Fig. 7 – Cruro-pédieux. 1 : Position du genou à 20° et de la cheville à 90°. 2 : Mise en place
du jersey et de la ouate. 3 : Confection de la partie pédieuse du plâtre. 4 : Confection de la
partie crurale du plâtre.

Technique
– Positionner le genou en flexion de 10 à 20°, l’axe du 2e rayon
du pied parallèle à celui de la patella et la cheville à 90°. Pour
cela, le patient sera installé en décubitus dorsal, le membre infé-
rieur sur une barre à genou avec un coussin sous la fesse (côté
lésé) et un support sous le pied.
– Mettre le jersey et la ouate comme pour la botte plâtrée, en
veillant à remonter jusqu’au pli fessier et en évitant les plis.
– Faire une botte avec une bande de 10 ou 15 cm selon la tech-
nique décrite ci-dessus.
– Utiliser une bande de 20 ou 30 cm pour faire la partie crurale.
– Poser la 3e bande pour recouvrir les deux autres en prenant
soin de renforcer la zone de jonction.
– Outre les éléments anatomiques mentionnés pour la botte, il
faudra protéger le grand trochanter, le triangle fémoral (ancien-
nement triangle descarpa), les condyles fémoraux médial et
latéral, la patella, le creux poplité et la tubérosité tibiale.
– Les limites du cruro-pédieux sont pour sa partie proximale,
une ligne oblique passant sous le pli fessier en arrière, 2 tra-
vers de doigts sous le pli inguinal et sous le grand trochanter
en  latéral.  Pour sa partie distale, les limites sont celles de la
botte.
288 Traumatisme de la cheville

Conseils et surveillance des contentions en plâtre et en résine


23 L’immobilisation est une thérapeutique à part entière et justifie donc,
comme tout traitement, d’une surveillance clinique, voire paracli-
nique (biologique et radiologique). Les consignes claires et pratiques
seront données au patient (cf. modèles d’ordonnance). L’objectif est
d’assurer l’efficacité thérapeutique et de prévenir les complications.
– Le temps de séchage complet du plâtre se fait en 24 à 48 heures
en fonction des conditions climatiques et d’humidité. Il est gris,
mat et chaud lors de sa confection et devient blanc et brillant
lors de la consolidation. Le séchage doit se faire en air ambiant.
Il ne faut pas utiliser de source de chaleur pour le sécher sous
peine de complications à type de brûlures. L’immobilisation
plâtrée ne doit en aucun être en contact avec l’eau.
– La consolidation de la résine se fait en 30 minutes environ et
le temps de séchage définitif est de 4 heures. Elle est solide et
légère et l’appareillage résiste à l’eau (même si de principe il faut
éviter de le mouiller). Le port de gants est fortement conseillé
pour réaliser une botte en résine.
– Les complications possibles de telles contentions sont les
compressions cutanées, musculaires, vasculaires et nerveuses.
Un risque d’algodystrophie post-traumatique est également
possible. La surveillance a pour but de les dépister le plus pré-
cocement possible afin de les traiter. L’immobilisation par ces
contentions expose au risque de phlébite.

Autres moyens thérapeutiques locaux


Cryothérapie locale
Quel que soit le traumatisme, le traitement initial repose sur le
glaçage [3]. Il est prescrit à visée antalgique et anti-œdémateuse.
En effet, il diminue la conduction nerveuse au niveau des fibres
responsables de la sensibilité thermo-algique périphérique. Par
ailleurs, il est à l’origine d’une vasoconstriction périphérique et
d’une diminution du débit sanguin, limitant ainsi le phénomène
d’œdème. D’autres mécanismes physiopathologiques interviennent
dans l’inhibition de l’œdème. L’application de froid limite égale-
ment le processus inflammatoire par inhibition locale de la libé-
ration ou de la sécrétion de médiateurs. Il diminue également
l’importance de l’hématome. L’application de froid peut se faire
sous forme de (liste non exhaustive) :
– vessie de glace ou poche à glace ;
– pack de froid ;
– sprays cryogènes ;
– neurocryostimulation ;
– cryothérapie compressive.
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 289

Toute application de source de froid doit être réalisée sur une


peau protégée avec un tissu ou des compresses humides en raison
du risque de brûlures en cas de contact direct. Elle ne pourra se
faire sur des plaies, muqueuses et fractures ouvertes. En ce qui
concerne le pack de froid, Il suffit de le percuter avec le poing
pour obtenir instantanément le froid par réaction chimique  et
pour une durée d’environ 30 minutes. Il ne faut pas le percer. Les
sprays cryogènes sont à pulvériser sur la peau à une distance de
20  cm pendant 2 à 3 secondes. Enfin, d’autres sources de déli-
vrance de froid peuvent être adoptés en milieu médical (hospita-
lier ou à domicile), parmi lesquelles, la neurocryostimulation et
la cryothérapie compressive telle que la glacière cryo-cuff Aircast®.
La neurocryostimulation repose sur la pulvérisation gazeuse de
CO2 médical à basse température (-78°  C), projeté à haute pres-
sion sur la peau. Elle peut être employée en institution mais son
utilisation en traumatologie d’urgence serait très difficile à mettre
en œuvre. Le système cryo-cuff d’Aircast® associant cryothérapie
et compression locale, permet d’obtenir une source de froid pen-
dant plusieurs heures à partir d’une glacière. Le traitement par
contention compressive froide réduit la tuméfaction et diminue
la douleur, permettant une mobilité plus précoce. Peu aisé d’em-
ploi en traumatologie d’urgence, il serait plus volontiers utilisé en
postopératoire.

Topiques de type anti-inflammatoires non stéroïdiens


Il existe un effet antalgique réel des topiques de type anti-inflam-
matoires non stéroïdiens (AINS) et ils seraient aussi efficaces que
les AINS par voie générale [9]. Ils peuvent être envisagés en com-
plément du traitement antalgique par paracétamol. L’utilisation
est contre-indiquée en cas d’allergie connue aux AINS ou à un
des excipients, en cas de grossesse au-delà du 6e mois en raison
d’une fœtotoxicité, d’allaitement. Au niveau local, l’utilisation sera
proscrite en cas de lésion cutanée (dermatoses suintantes, eczéma,
lésion infectée, brûlure ou plaie).

Compression médicale par bas de contention et chevillères


L’utilisation de mi-bas, bas de contention ou chevillères dans
les traumatismes de cheville a pour but de diminuer l’œdème post-
traumatique et participe à la rééducation proprioceptive. Elle donne
les mêmes résultats que les bandes en termes de douleur, œdème
et boiterie [10]. Il faut prescrire des bas de contention de force II
si l’œdème est important, permettant d’obtenir une pression de 15
à 20 mmHg (20 à 27 hPa). En pratique, cette thérapeutique reste
290 Traumatisme de la cheville

difficile à mettre en œuvre à la phase aiguë. Les contre-indications


23 à la compression médicale sont [11] :
– Contre-indications absolues :
tl’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI)
avec indice de pression systolique (IPS) < 0,6 ;
tla microangiopathie diabétique évoluée (pour une compres-
sion > 30 mmHg) ;
tla thrombose.
– Contre-indications relatives :
tAOMI avec IPS entre 0,6 et 0,9 ;
tneuropathie périphérique évoluée ;
tdermatose suintante ou eczématisée ;
tintolérance aux fibres utilisées.

Infiltration-ponction de la cheville et du pied


En cas de pathologie inflammatoire de la cheville et du pied, une
ponction infiltration peut être envisagée [12]. Elle peut concerner
l’articulation, la bourse, la gaine synoviale ou en péritendineux
(mais jamais en intratendineux). Ces thérapeutiques ne relèvent
pas du cadre de l’urgence et doivent être mises en place au cours
de consultations programmées. Il est tout à fait possible de réa-
liser ces infiltrations sans guidage par l’imagerie, mais celui-ci
augmente la précision du geste. L’injection d’anti-inflammatoire
(type Cortivazol, Altim®) peut se faire au niveau des différents
sites :
– articulaire  : talo-crurale, sous-talienne, talo-naviculaire,
médio-tarsienne (Chopart), talo-métatarsienne (Lisfranc),
métarso-phalangienne, interphalangienne ;
– bourse : bursite pré- ou rétro-calcanéenne ;
– péritendineux  : calcanéenne, tibiales antérieure ou posté-
rieure, fibulaires ;
– aponévrose plantaire  : épine calcanéenne à l’origine d’une
talalgie ;
– autres pathologies de type névrome de Morton.
Ce geste doit être fait de manière stérile et après élimination des
contre-indications comme le traitement par anti-vitamines K,
l’infection du site et l’allergie. Il expose à des risques  (liste non
exhaustive) :
– arthrite septique et microcristalline ;
– rupture tendineuse en cas d’injection intratendineuse ;
– hématome, atrophie sous cutanée et autres complications
locales ;
– hypercorticisme en cas d’injections répétées.
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 291

Orthèses plantaires et chaussures orthopédiques


L’orthèse plantaire est une thérapeutique à part entière, interve-
nant dans la prise en charge des affections locales ou générales à
retentissement local du pied. Les orthèses plantaires sont des appa-
reillages amovibles, spécifiques à chaque patient et destinés à être
placées dans les chaussures habituelles du patient. Leur utilisation
est intéressante en cas de douleur en rapport avec une affection épi-
dermique du pied (comme le cor). La semelle réalise une décharge
de la zone douloureuse en reportant les contraintes d’appui sur les
surfaces adjacentes (épine calcanéenne). Il faut donc penser à orien-
ter ces patients vers un podologue.
Dans les traumatismes du pied, l’utilisation de chaussures ortho-
pédique sur mesure peut être nécessaire dans les cas de désorga-
nisation métatarso-phalagienne (hallux valgus, griffes d’orteils,
luxations) ou après amputation du pied ou d’orteils. De plus, ces
chaussures sont utiles pour traiter certaines pathologies de l’arrière
ou médio-pied en diminuant la charge sur les zones douloureuses
[13]. Ces thérapeutiques sont réservées aux spécialistes de l’appareil
orthopédique et aux appareilleurs.

Traitements généraux

Antalgiques
Le paracétamol reste le traitement de référence en première
intention, en l’absence de contre-indication. Il présente le meilleur
rapport bénéfice-risque seul ou en association [2]. S’il est insuffi-
sant, un traitement antalgique par palier II ou III pourra être utilisé.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens


L’utilisation des AINS pour une courte durée n’excédant
pas 3-5 jours, peut s’avérer nécessaire pour traiter la douleur et
l’œdème. La voie générale per os, n’a pas fait la preuve de sa supé-
riorité par rapport à la voie locale per cutanée [2]. L’utilisation des
AINS est fortement déconseillée en cas de prévention de la maladie
thrombo-embolique veineuse.

Prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse


La traumatologie de l’extrémité distale du membre inférieur avec
fracture est à risque modéré alors que sans fracture le risque est
faible [14]. De ce fait, la prophylaxie n’est pas systématique mais
292 Traumatisme de la cheville

adaptée à l’examen clinique et aux facteurs de risques du patient.


23 La prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV)
est nécessaire dans les traumatismes aigus de cheville lorsque l’appui
n’est pas possible ou en cas d’appui soulagé partiel chez un patient
présentant des facteurs de risques thrombo-emboliques [15] :
– âge > 75 ans ;
– antécédent thrombo-embolique veineux ;
– cancer ;
– syndrome myéloprolifératif ;
– traitement hormonal.
– insuffisance respiratoire ou cardiaque chronique
La prévention de la MTEV fait appel en première intention aux
héparines de bas poids moléculaire (HBPM). En cas de contre-
indication, une héparine non fractionnée (HNF) sera prescrite.
Les HBPM sont toutes équivalentes et il en est de même pour les
HNF. La prescription d’une molécule repose sur les habitudes du
thérapeute. L’utilisation des inhibiteurs spécifiques du facteur Xa
(type fondaparinux) dans la traumatologie du membre inférieur
n’est pas décrite. Ils sont indiqués dans la prévention de la MTEV
en chirurgie orthopédique majeure et chez les patients jugés à haut
risque de METV, en cas de chirurgie abdominale ou alitement
pour une affection médicale aiguë [16]. L’utilisation des autres
agents antithrombotiques n’est pas recommandée [14]. En cas de
prévention de la MTEV, le traitement par AINS par voie générale
ne doit pas être instauré.
Le traitement anticoagulant est prescrit jusqu’à ce que l’appui soit
possible et une surveillance plaquettaire est réalisée pour dépister
une thrombopénie induite par l’héparine (TIH). Cette surveillance
est systématique en contexte traumatologique [17] et repose sur le
dosage plaquettaire avant le traitement par HBPM ou au plus tard
24 heures après le début du traitement puis 2 fois par semaine pen-
dant 1 mois puis 1 fois par semaine jusqu’à l’arrêt du traitement,
en cas de traitement prolongé (cf. modèles d’ordonnances).

Modèles d’ordonnance pour aide à la prise en charge


des traumatismes de chevilles
Ordonnance pour une orthèse stabilisatrice de la cheville
En traumatologie, il n’y a pas de support spécifique de pres-
cription ni de nécessité d’accord préalable de la caisse d’assurance,
s’agissant d’orthèses courantes et non sur mesure. La prescription
est faite pour un achat (pas de location possible).
Outils thérapeutiques – Immobilisations et autres traitements adjuvants 293

Ordonnance de surveillance d’une immobilisation plâtrée


ou en résine

Nom du patient et date de naissance Date

Un plâtre ou une résine vient de vous être posé.


Des règles simples permettent d’éviter les complications inhérentes à ce type de
traitement.
Vous devez :
Respecter le temps de séchage :
– 24 à 48 heures pour un plâtre classique
– 4 heures pour une résine
Respecter les consignes données concernant l’appui
Surélever le membre concerné le plus souvent possible :
– Membre inférieur : assis : jambe horizontale sur un appui, en décubitus :
surélever le matelas ou les pieds du lit (10 cm )
Contracter régulièrement les muscles sous le plâtre
– Mobiliser les articulations adjacentes à celles immobilisées par le plâtre
(bouger les orteils)
Consulter rapidement votre médecin ou chirurgien en cas de :
– Douleur sous plâtre excessive anormale
– Coloration bleue ou blanche des extrémités (orteils)
– Gonflement, perte des mouvements des extrémités
– Fourmillement, ankylose ou refroidissement du membre immobilisé
– Odeur nauséabonde
– Signes généraux : fièvre ou frissons, douleur thoracique, essoufflement
Vous ne devez pas :
– Mouiller un plâtre traditionnel et éviter de mouiller une résine (sinon en
assurer un séchage parfait au sèche-cheveux à faible température ; en cas de
douche, envelopper le plâtre dans un sac plastique parfaitement étanche)
– Introduire un objet entre le plâtre et la peau, même en cas de démangeaisons
– Vernir, peindre ou recouvrir d’enduit le plâtre
– Conduire, nager ou pratiquer une activité physique violente
Si un traitement préventif de la phlébite par héparine de bas poids moléculaire
vous a été prescrit :
– Ce traitement doit être poursuivi pendant toute la durée de l’immobilisation,
à raison d’une injection sous-cutanée par jour
– Les injections sont généralement réalisées par une infirmière et toujours au
même moment de la journée
– Ce traitement, ne doit en aucun cas être interrompu, même pour un jour,
sans avis médical
– Des incompatibilités médicamenteuses peuvent exister avec ce traitement,
en particulier avec l’aspirine ou les anti-inflammatoires
– Demander conseil à votre médecin ou votre pharmacien
– Une surveillance biologique régulière est nécessaire (dosage des plaquettes
avant la première injection, puis deux fois par semaine, les trois premières
semaines). Les résultats doivent être vus par le médecin traitant.
Pour toute information n’hésitez pas à contacter le service

Identification et signature du prescripteur


294 Traumatisme de la cheville

23 Ordonnance pour la surveillance plaquettaire

Nom du patient et date de naissance Date

Numération plaquettaire à effectuer les jours suivants :


– Au cours de ces 24 h
– Deux fois par semaine pendant 1 mois
– Puis une fois par semaine jusqu’à l’arrêt du traitement
Résultats à transmettre au médecin traitant : Dr

Identification et signature du prescripteur

Conclusion

Les traumatismes de cheville sont fréquents et leur prise en


charge est de plus en plus codifiée. Elle tend à être conservatrice
en l’absence de fracture, favorisée entre autre par l’avènement des
orthèses. Toutefois, la gestion des immobilisations est complexe
tenant compte de la lésion, des habitudes du thérapeute et du profil
du patient à traiter. En cas d’incertitude diagnostique, un trai-
tement provisoire est possible, dans l’attente de revoir le patient
afin de proposer une prise en charge adéquate. L’immobilisation du
membre lésé est associée à l’instauration de traitements adjuvants
locaux et généraux. La stratégie thérapeutique inclus également les
procédures de surveillance clinique voire biologique et radiologique.

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