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Prise en charge
des enfants atteints
d’une maladie
de l’hémostase
+ 11 FICHES
PRATIQUES
Sommaire
CIRCONSTANCES DE DIAGNOSTIC D’UNE MALADIE HEMORRAGIQUE 4
CHEZ L’ENFANT
2
QUELLES EXPLORATIONS BIOLOGIQUES PEUT-ON PROPOSER DEVANT 6
DES MANIFESTATIONS HEMORRAGIQUES CHEZ L’ENFANT ?
EN PRATIQUE 17
FICHES PRATIQUES 18
Édito
Ce livret est destiné aux médecins pédiatres, généralistes ou spécialistes qui suspectent ou ont
un patient atteint d’un trouble de l’hémostase. Nous avons voulu vous donner quelques clés 3
afin de savoir quand se poser la question d’un tel diagnostic et comment prendre en charge ces
patients au quotidien.
Sans minimiser l’importance du diagnostic d’un déficit héréditaire en protéine de la coagulation
(DHPC) comme l’hémophilie ou la maladie de Willebrand, ni occulter l’incidence médicale,
sociale, familiale et psychologique que cela peut avoir, il nous semble important de vous dire
que nous connaissons dans nos centres spécialisés (CTH/CRTH1) et à l’Association française
des hémophiles (AFH) beaucoup de patients qui ont une vie heureuse et épanouie, qui vont à
l’école, font des études, travaillent, ont une famille et pratiquent une multitude d’activités dont
le sport.
Nous sommes convaincus que l’on peut bien vivre malgré un DHPC, à condition de mettre
en œuvre quelques recommandations élémentaires et d’avoir un suivi médical régulier et un
accompagnement associatif adapté.
Nous parlerons ici des DHPC qui comprennent les hémophilies (déficit en FVIII ou
hémophilie A ; déficit en FIX ou hémophilie B), les déficits en facteur de Willebrand (type 1, 2
ou 3), thrombopénie (déficit en plaquettes), les déficits des autres protéines de la coagulation :
fibrinogène (afibrinogénémie ou hypofibrinogénémie), FII, FV, FVII, FX, FXI, FXIII.
Ces pathologies sont des maladies rares et restent pour beaucoup peu connues. Ces patients ont
en commun d’être déficitaires en une protéine de la coagulation mais le risque de saignement
n’est pas équivalent selon le déficit. Certains déficits sévères comme l’hémophilie, la maladie de
Willebrand type 3, le déficit en FVII, le déficit en FXIII ou l’afibrinogénémie justifient actuellement
d’un traitement dit « prophylactique2 ».
Dans les autres cas, le traitement dépend souvent des manifestations que présentent le patient
et ces dernières sont souvent post-traumatiques ou post-chirurgicales.
En revanche, pour tous, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) dans ces maladies rares
est un outil déterminant pour l’acquisition de compétences et pour un partage d’expérience.
L’ETP apportera une certaine maîtrise des gestes simples au quotidien qui permettent de limiter
l’apparition d’accident plus grave et/ou de complication. Les patients et les proches apprennent
grâce à l’éducation thérapeutique à « vivre avec » et les soignants avec l’AFH doivent les y aider.
Une collaboration étroite entre le patient et/ou ses proches, le CRTH ou CTH et les médecins
pédiatres, généralistes ou spécialistes est essentielle pour un suivi optimum.
CIRCONSTANCES
DE DIAGNOSTIC D’UNE MALADIE
HEMORRAGIQUE CHEZ L’ENFANT
TROUBLE TROUBLE
DE L’HEMOSTASE PRIMAIRE DE LA COAGULATION
PURPURA
❶ Plutôt
4
❷ Taille,
ECCHYMOSE 5 traumatique, localisation,
localisation fréquence, complication…
❸ Fréquence,
EPISTAXIS
❷ HÉMATOME
6
❸ Circonstance,
HÉMARTHROSE 9
❺ Score de Higham
MÉNO-MÉTRORRAGIES8 complication
10- Les valeurs normales sont à interpréter avec les valeurs normales pour l’âge et peuvent varier selon le laboratoire.
SCHÉMA SIMPLIFIÉ
DE LA COAGULATION POUR SON EXPLORATION
UN DÉFICIT EN FVIII,
FIX OU UNE AUTRE ANOMALIE ISOLÉE
DES FACTEURS DE COAGULATION
NÉCÉSSITE D’ADRESSER L’ENFANT AU CENTRE DE
TRAITEMENT SPÉCIALISÉ (CTH/CRTH).
QUELS DIAGNOSTICS
EVOQUER DEVANT DES ANOMALIES
DES TESTS DE COAGULATION ?
10
Une consultation spécialisée doit être proposée dans ce cas pour que soient
poursuivis les tests complémentaires : dosage complet du F. Willebrand, exploration
des fonctions plaquettaires et dosage du facteur XIII (déficits non dépistés par les
tests standards).
11- En présence de différents agonistes : ces tests nécessitent une quantité suffisante de sang total pouvant limiter
leur réalisation chez le jeune enfant. Ces examens, dans tous les cas, doivent être réalisés au maximum 4h après
le prélèvement.
FOIRE AUX QUESTIONS
13
LES PATIENTS ATTEINTS D’UN DHPC NÉCESSITENT-ILS UN
❶ SUIVI PARTICULIER ?
Oui, ils doivent avoir un suivi dans un CTH/CRTH afin de décider du protocole de
traitement à mettre en place, de faire les recommandations spécifiques selon le
déficit et faire le plan de prise en charge de ces patients.
Mais n’oublions pas, un patient atteint d’un DHPC n’est pas « que » un patient avec
une pathologie de la coagulation, il doit avoir un pédiatre, un médecin généraliste,
un dentiste pour assurer les soins habituels et de prévention dont a besoin le
patient comme toute autre personne.
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■■ Ne pas surprotéger l’enfant qui doit acquérir et suivre son développement
normalement. Laisser l’enfant jouer, bouger, courir... Il se musclera naturellement
et préviendra ainsi les risques de saignement ;
■■ Orienter les familles vers l’Association française des hémophiles (AFH) pour se
procurer le livret « Bébé atteint d’hémophilie, bien l’accompagner jusqu’à ses
premiers pas » édité par l’AFH est téléchargeable sur www.afh.asso.fr ;
■■ Pour les formes sévères (hémophile ou Willebrand), les enfants ont un risque
d’hématomes musculaires ou d’hémarthroses : suggérez de rembourrer les
vêtements au niveau des genoux ou des coudes, faites doubler les couches lors
de l’apprentissage de la marche : ceci limite les épisodes d’hématome de la fesse ;
■■ Il faut être vigilant au changement de comportement de l’enfant, surtout quand
celui-ci ne parle pas encore afin de dépister un éventuel saignement ;
■■ Recommander la mise en place de protections comme les casques, les coudières,
genouillères, etc., lors de la pratique d’activité à risque.
PRINCIPAUX GESTES RECOMMANDÉS
ET INDISPENSABLES
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TRAUMA À LA TÊTE
Toujours administrer du facteur avant
SAIGNEMENTS
les examens radiologiques.
ARTICULAIRES
Facteur et RICE : Rest
(repos), Ice (glace),
Compression, Elevation
+ surveillance (mesure)
+ injection précoce de
facteur.
DOULEURS
ABDOMINALES
SPONTANÉES
OU POST-TRAUMATIQUES
Attention au risque de
saignement, faire une injection
de facteur et une imagerie
(penser à l’hématome du psoas).
HÉMATOME MUSCULAIRE
RICE : Rest (repos), Ice (glace),
Compression, Elevation +
surveillance (mesure) + injection
précoce de facteur.
EN PRATIQUE
Sur les pages suivantes, nous vous proposons quelques conduites à tenir pour
les accidents du quotidien. Vous ne trouverez peut-être pas les réponses à toutes 17
vos questions mais sachez que les équipes des CTH/CRTH et autres pathologies
hémorragiques rares peuvent vous aider dans la prise en charge des patients. Vous
ne devez pas hésiter à les contacter.
CONSEILS
■■ Conseiller une compression immédiate pendant 10 min à l’endroit du choc ;
■■ Faire appliquer une poche de glace (en évitant le contact direct sur la peau) 20 min au minimum
(et si possible) à renouveler plusieurs fois dans la journée ;
■■ Utilisation de produit à base d’Arnica (gel, granules….) ;
■■ Ne pas oublier les antalgiques si besoin ;
■■ Pour surveiller l’évolution : prendre une photo et/ou mesurer à l’aide d’un mètre-ruban le tour du
bras, de la cuisse… (le membre où est localisé l’hématome) ainsi que sa superficie (longueur et
largeur maxi) ;
■■ En cas de doute, d’une augmentation rapide de l’hématome ou d’une douleur grandissante : si les
traitements de première intention ne suffisent pas, il faut envisager une perfusion de facteur en
accord avec le CTH/CRTH.
CONSEILS
■■ Nettoyer la plaie avec de l’eau et du savon ;
■■ Désinfecter avec un antiseptique sans alcool ;
■■ Comprimer avec une compresse stérile pendant 10 min ;
■■ Appliquer dessus pour accélérer hémostase :
●● Coton ou compresse hémostatique type Stop-hemo®, Bloxang®
●● Acide tranexamique sur une compresse
Diverses origines : plaie de la langue, de la lèvre, des joues, des gencives, etc., ces saignements
sont toujours impressionnants pour les familles et difficiles car ils persistent (surtout chez les
plus jeunes à cause des tétines, de la succion...).
CONSEILS 19
■■ Faire rincer la bouche à l’eau froide/glacée ou pour les plus jeunes : faire boire de l’eau glacée ou
sucer des glaces/glaçons ;
Pour les plus grands :
■■ Bain de bouche d’Acide Tranexamique : « casser l’ampoule, la verser dans un verre et faire prendre
à l’enfant une gorgée qu’il doit garder dans le bouche pendant 5 min au minimum et si possible
renouveler une seconde fois. Le produit peut être avalé sans risque ou recracher doucement » ;
Pour les plus petits ou si difficile de faire prendre l’Acide Tranexamique :
■■ Faire comprimer la plaie avec une compresse imbibée d’Acide Tranexamique 5 à 10 min minimum
puis faire avaler une demi-ampoule d’Acide Tranexamique (environ 20 à 30 mg/kg/j) ;
■■ Ensuite, conseiller une alimentation semi-liquide tiède ou froide pendant 48h pour éviter une
vasodilatation et la reprise du saignement ;
■■ Interdire (si possible ! ) les tétines et tout objet de succion, qui sont les responsables des récidives,
pendant 48h.
FICHE 4 EPISTAXIS
Souvent plus impressionnantes que grave, les épistaxis ont un impact très important sur la qualité
de vie. Il faut avant tout rassurer l’enfant (et ses parents) et appliquer des gestes simples mais utiles.
CONSEILS
■■ Pour les plus petits : Nettoyer la ou les narines avec une compresse imbibées de sérum
physiologique (ou à l’eau) ;
■■ Pour les plus grands : Faire moucher pour évacuer les caillots de sang de mauvaise qualité qui ont
pu se former dans la ou les narines et qui empêcheront une bonne coagulation, puis faire rincer au
sérum physiologique ou à l’eau ;
■■ Quand la ou les narines sont bien nettoyée(s), faire comprimer pendant 10 min ;
■■ Ensuite seulement, mécher avec du Coalgan®, Bloxang®, Stop-hemo® (avant d’enlever la mèche, ne
pas oublier de l’humidifier) ;
■■ Contacter le CTH/CRTH en cas de doute.
« LE PETIT TRUC »
Pour aider les enfants à accepter la compression, vous pouvez utiliser :
■■ Soit les pinces nez utilisés par les sportifs en natation ;
■■ Soit utiliser une pince à linge (avec une bonne compresse sous la pince pour
ne pas blesser l’enfant).
FICHE 5 LA VACCINATION
L’enfant atteint d’une maladie hémorragique peut et doit bénéficier de toutes les vaccinations
médicales inscrites au calendrier vaccinal.
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Les vaccinations concernant les hépatites sont fortement recommandées en raison du risque
d’exposition aux produits sanguins labiles.
A SAVOIR :
Une injection de facteur n’est pas nécessaire
avant une vaccination.
La chute des dents de lait est un phénomène physiologique. Les saignements sont en
général peu abondants et s’arrêtent spontanément.
Ce sont les lésions de la gencive (dûes à une mobilité prolongée ou une pousse anormale) qui
vont contribuer à aggraver le saignement.
Les localisations dangereuses nécessitent toujours une injection de facteur de coagulation (dans les
déficits sévères et ou modérés) et sont : le cou, face antérieure de l’avant-bras, l’abdomen (muscle = le
psoas), les fessiers, les cuisses (quadriceps), les mollets, etc. Voir schéma ci-dessous.
HÉMATOME
HÉMARTHROSE
CRÂNE
PSOAS
COUDE
FESSE
compression COU
nerveuse (CN)
TÊTE
CUISSE
quadriceps GENOU
CREUX
POPLITÉ
CV, CN OEIL
CHEVILLE
MOLLET
CN PHARYNX,
CREUX PAUME COU,
AXILLAIRE PLANCHER
compression DE LA
vasculaire (CV) BOUCHE
PLI (asphyxie)
INGUINAL ABDOMEN
CV, CN AVANT-BRAS ÉPAULE
POIGNET
HANCHE
FICHE 8 LES HEMARTHROSES
Il s’agit d’une collection de sang pouvant survenir spontanément dans une articulation entrainant
une douleur, une gêne, un gonflement et une chaleur de l’articulation.
C’est très fréquent chez les hémophiles sévères sans traitement prophylactique, et parfois chez les
22 hémophiles modérés, les déficits sévères en FVII et les maladies de Willebrand de type 3.
C’est plus occasionnel chez les autres patients avec le plus souvent un traumatisme associé identifié.
La prise en charge nécessitera obligatoirement une perfusion de concentré de facteur, une
immobilisation et un contact avec le CTH/CRTH.
FICHE 9 HEMATURIE
C’est un événement « fréquent » et qui n’est pas toujours secondaire à un traumatisme. C’est
surtout le seul saignement pour lequel il ne faut pas se précipiter sur l’injection de facteur.
Le risque est de déclencher une colique néphrétique en créant un caillot dans les voies urinaires.
CONSEILS :
■■ Conseiller une hyperhydratation, environ 1 à 2 litres/m² sur une période de 24h, s’il n’y a pas de
douleurs abdominales associées ;
■■ Mettre le patient au repos ;
■■ Surveiller la coloration des urines ;
■■ Il faudra rechercher en systématique : une cause infectieuse (BU + ECBU), une lithiase ou
« malformation » (échographie rénale), une hypertension artérielle (PA) ;
■■ En cas de douleurs abdominales : stopper l’hyperhydratation et suspecter une colique néphrétique
avec obstruction > échographie en urgence ;
■■ En cas de persistance de l’hématurie plus de 48h faire une NFP afin de vérifier l’absence de
déglobulisation ;
■■ Contacter le CTH/CRTH pour décider d’une injection de facteur ;
■■ Attention pour les patients avec une maladie de Willebrand qui utilisent la desmopressine
(MINIRIN® ou OCTIM®), cette dernière est contre-indiquée dans ces situations.
Par habitude et méconnaissance, on entend souvent dire que les femmes ne sont pas concernées
par l’hémophilie. C’est faux ! Même si les cas d’hémophilie féminine sont rares, ils existent _ les autres
DHPC, eux, concernent les filles et les garçons à proportion égale.
La mise en place de la puberté est une période à risque hémorragique important pour ces jeunes filles.
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CONSEILS
■■ Se reporter au livret « Prise en charge gynécologique des femmes
atteintes d’une maladie de l’hémostase » édité par l’AFH disponible sur
le site www.afh.asso.fr ;
■■ La prise en charge doit se faire conjointement avec le médecin du
CTH/CRTH ;
■■ Il faut rassurer la patiente et la préparer en amont ;
■■ Lui apprendre à quantifier (score de Higham) ;
■■ Eviter l’utilisation AINS en cas de dysménorrhées associées.
L’âge des acquisitions entre 9 mois et 18 mois chez l’enfant est une période à haut risque de traumatisme
et une source permanente d’inquiétude pour les parents. Si après l’inquiétude diminue, le traumatisme,
surtout lorsqu’il touche la tête, reste une problématique chez le patient atteint d’un DHPC.
L’attitude dépend de plusieurs facteurs : la sévérité, le patient avec traitement préventif ou pas.
CONSEILS :
■■ Concernant les déficits sévères, en prophylaxie ou pas, dans ces circonstances il est toujours
préférable de faire une injection préventive au plus tôt après le traumatisme ;
■■ Pour les patients avec un déficit mineur, il est souhaitable qu’une évaluation médicale soit faite au
moindre doute selon le mécanisme de la chute et les symptômes ;
■■ Les recommandations habituelles de surveillance après un traumatisme sont identiques aux autres
patients : troubles de conscience, vomissements, troubles du comportement, troubles moteurs, etc. ;
■■ En cas de doute, il ne faut pas hésiter à contacter le CTH/CRTH qui vous donnera la conduite à tenir (selon
les éléments cliniques) ou vous demandera d’adresser le patient en urgence au centre hospitalier le plus
proche ayant la possibilité de faire une perfusion de concentré de facteur.
« LE PETIT TRUC »
■■ Au tout début des apprentissages et si la famille est très anxieuse, ne pas hésiter
à proposer aux familles de mettre en place lors des apprentissages un casque
de protection bébé (ex : baby shock ou non shock) spécialement conçu pour
l’apprentissage de la marche.
■■ Conseiller de « doubler » les couches lors des débuts de la marche et de renforcer
les zones de pantalon avec des épaulettes en mousse pour protéger les genoux.
■■ Diffuser la brochure « Bébé atteint d’hémophilie, bien l’accompagner jusqu’à ses
premiers pas » disponible sur le site de l’AFH www.afh.asso.fr.
Pour plus d’informations
CONTACTEZ
L’Association française des hémophiles
6, rue Alexandre Cabanel - 75739 PARIS cedex 15
Tél. : 01 45 67 77 67 - E-mail : info@afh.asso.fr