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Introduction

On appelle raisonnement clinique « les processus de pensée et de prise de décision qui permettent
au clinicien* de proposer une prise en charge dans un contexte spécifique de résolution de
problème de santé ».1 Dans un premier temps, le médecin va récolter les informations rapportées
par le patient (anamnèse) et l’examiner (status) afin de rechercher des signes cliniques. De façon
intuitive, il va synthétiser toutes ces informations, puis les intégrer grâce à ses connaissances et son
expérience (sens clinique) afin de construire une hypothèse diagnostique et proposer une prise en
charge. Le plus souvent inconsciemment, il va estimer la probabilité que son patient ait l’un ou
l’autre des diagnostics suspectés. C’est un processus complexe qui intègre à la fois des notions
d’épidémiologie (prévalence) et de présentation clinique (signes et symptômes). En fonction, il
organisera des examens complémentaires, initiera d’emblée un traitement ou prévoira un suivi
clinique, voire même pas de suivi. Ces étapes sont cependant empreintes d’une certaine subjectivité
et les attitudes peuvent différer selon les praticiens. Dans tous les cas cependant, un raisonnement
clinique bien mené devrait permettre d’arriver à un diagnostic de probabilité le plus correct possible
(penser aux diagnostics alternatifs, écarter les improbables) tout en évitant des investigations
inutiles (souvent coûteuses et non dénuées d’effets secondaires) ou des prescriptions non justifiées.

Différents types de raisonnement clinique

Le principe de raisonnement clinique se base sur un modèle comprenant deux différents types de
processus : l’un « non analytique » et l’autre « analytique ».2,3 Ils sont complémentaires et peuvent
être utilisés dans la même situation clinique, même si l’un ou l’autre s’avère parfois plus utile selon
les situations.

Le premier est un raisonnement intuitif, rapide et presque automatique. Font partie de ce processus
les pattern recognition qui permettent au clinicien de poser un diagnostic suite à la reconnaissance
d’une configuration caractéristique de signes et symptômes. Par exemple, en présence de vésicules
localisées sur un dermatome, il pensera directement à un zona. Les cas concrets sont également des
processus non analytiques où le clinicien va se rappeler d’un cas similaire précédemment rencontré
qu’il garde en mémoire. Cela va lui permettre de penser rapidement à ce même diagnostic.

De l’autre côté, on trouve les processus analytiques, dont le plus couramment enseigné est le
raisonnement hypothético-déductif qui repose sur une génération d’hypothèses. Nous vous
proposons de vous référer à l’article dans ce même numéro intitulé « Comment enseigner le
raisonnement clinique : un fascinant travail de détective… » illustré par une situation clinique.

Facteurs modifiant le raisonnement clinique


Certains facteurs peuvent intervenir dans le raisonnement clinique et la démarche diagnostique. Par
exemple, selon une étude, « les médecins de famille acceptent, en moyenne, une plus grande
incertitude diagnostique que les internistes, avec pour corollaire des dépenses moins élevées par
prise en charge de patient ».4 Le contexte (cabinet de médecine de famille vs hôpital) joue
également un rôle car il modifie fortement les valeurs prédictives d’avoir une maladie, en lien avec la
prévalence. En effet, nombre de maladies sont peu fréquentes en médecine générale, ce qui affecte
la valeur prédictive positive de tests à la baisse par rapport à des milieux spécialisés ou des centres
universitaires.5 Le tableau 16–8 résume les principaux facteurs pouvant influencer le raisonnement
clinique et les décisions.

Tableau 1

Facteurs pouvant influencer le raisonnement clinique et la démarche diagnostique 6-8

Médecine basée sur les preuves et scores cliniques

Au début des années 90, s’est développé le paradigme d’une médecine basée sur les preuves (« EBM
», evidence-based medicine) défini comme suit : « La pratique fondée sur les données probantes
diminue l’emphase donnée à l’intuition, à l’expérience clinique non systématique et à
l’argumentation physiopathologique comme bases suffisantes à la prise de décision clinique et
insiste sur l’examen des données issues de la recherche clinique ».9 Le but est d’optimiser le
raisonnement clinique par une approche probabiliste. L’expérience du médecin est dès lors
renforcée par des données qui répondent aux critères de l’épidémiologie clinique. On s’écarte d’une
approche basée uniquement sur le sens clinique, nécessairement subjectif et comportant des biais
qui sont résumés dans le tableau 2.10,11 Suivant cette évolution, de plus en plus de scores cliniques
(SC) ont été développés. Leur utilisation s’est généralisée et apparaît de plus en plus en pratique
clinique chez les jeunes générations de médecins, notamment pour leur formation. Une étude
française datant de 2010 a mis en évidence que 75 % des médecins généralistes interrogés les
utilisaient dans leur pratique quotidienne.

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