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⇨ L’admin occuperait une place bien partic. Dans le syst constit. En F, c’est depuis les années 50
que l’admin est définie en fonction de la place que la Constitution lui attribue
= Dans un article très célèbre « Les bases constitutionnelles du droit administratif », le doyen G.
Vedel, en 1954, → a le premier défini l’admin en partant du principe de la séparation des pouvoirs.
Pour rappel, la théorie de la séparation des pouvoirs dirigée contre les monarchies absolues et la
concentration des pouvoirs au sein d’une même personne, est apparue en Europe aux 17 ème et 18ème
siècle (cette technique constitutionnelle est destinée à éviter le despotisme, à garantir la liberté des
individus mais pas forcément celle du peuple). C’est donc une théorie libérale mais pas forcément
démocratique, les pouvoirs pouvant être séparés au profit de quelques privilégiés.
Après T. Hobbes et J.Locke, Montesquieu distingue 3 fonctions décrites par leur objet :
- Le pouvoir de faire les lois
- Le pouvoir de les exécuter
- Le pouvoir de juger les différends au pouvoir juridictionnel
Ces trois fonctions doivent être séparées afin d’assurer la liberté car selon une formule devenue
célèbre : « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir
arrête le pouvoir ».
Selon les philosophes des Lumières, il revient au législatif de faire la loi, à l’exécutif de l’appliquer, au
judiciaire ou juridictionnel de veiller à ce que leur application soit régulière. Voire, il peut combler les
lacunes du droit écrit, selon le mot de Portalis dans son discours préliminaire au Code civil.
On retrouve ce principe à l’art 16 de la DDHC de 1789 : « toute société dans laquelle la garantie des
droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. »
Cette théorie n’implique par une séparation étanche entre les organes et les fonctions qui conduirait
à ce que chaque fonction soit attribuée à un seul organe. Mais un même organe ne doit toutefois pas
maîtriser toutes les fonctions (système de poids et contrepoids ou d’enchainement mutuel des forces
afin d’empêcher l’omnipotence). Certes, il ne peut y avoir de séparation parfaite : aucun régime
politique n’a entièrement respecté la séparation des pouvoirs et la pratique en a fait apparaître les
limites de cette théorie.
En France, cette séparation s’est colorée d’une défiance à l’égard de l’exécutif. Ceci explique, sous
les IIIème et IVème Républiques, son affaiblissement qui se traduit par une toute puissance des
assemblées parlementaires. En réaction, la Constitution de 1958 a renforcé l’Exécutif.
Le rôle du Parlement s’est ainsi transformé. Il décide moins qu’il ne contrôle, et le pouvoir exécutif
peut édicter des règles de portée générale. De plus, le développement du phénomène partisan fait
que le législatif et l’exécutif parfois ne sont plus séparés mais solidaires. La séparation des pouvoirs
est alors une fiction. Mais ce n’est peut-être pas être infidèle à Montesquieu que d’avancer que
l’existence même d’une séparation des pouvoirs importe d’avantage que leur nature ou leur nombre.
A côté de ces trois fonctions majeures, légiférer, exécuter les lois, juger, une 4ème fonction a pu être
définie : fonction administrative.
- Il semble admissible qu’administrer, ce n’est pas gouverner.=> les deux activités sont ainsi souvent
dissociées de la façon suivante :
- Gouverner = déterminer les grandes orientations politiques de la Nation
- Administrer = activité instrumentale, consistant à permettre concrètement leur mise en
œuvre par une activité de gestion. Qu’il s’agisse de préparer, concevoir et d’exécuter au quotidien et
dans des situations particulières les politiques choisies par les autorités politiques.
Ce ne sont pas les mêmes services, ni les mêmes moyens. Alors que le Gvt est amené à être changé
en fonction d’élections politiques régulières, les services chargés de mettre en œuvre les politiques
de la Nation (agents qui administrent), eux, demeurent pour l’essentiel. = permanence
Une telle distinction entre activité de gouvernement et d’administration n’est pas sans limite, quand
il s’agit d’apprécier dans un cas particulier si un acte relève de l’une ou de l’autre activité. Tel est
spécialement le cas pour les autorités que sont le PR et le PM, dont les actes se situent à la frontière
de l’activité gouv et de la tâche admin.
Frontière avec l’exécutif + tenue par rapport à celle avec le législatif et le judiciaire. L’idée qu’il y
aurait d’un côté une sphère administrative et de l’autre une sphère politique dissociable =
présupposé réducteur, mais clé utile pour comprendre l’administration.
- 3ème angle d’appréhension = notion d’intérêt général
Le doyen Maurice Hauriou la définit comme ayant « pour objet de gérer les affaires courantes du
public en ce qui concerne l’exécution des lois du droit public (DP) et la satisfaction des intérêts
généraux ».
Notion d’intérêt général = notion centrale dans la démocratie contemporaine. Mais importantes
interrogations.
⇨ Quelles activités méritent cette reconnaissance ?
⇨ Quels besoins sont d’intérêt général ?
Ex : Arrêt ASTRUC 7 avril 1916 : le CE a refusé la qualité de service public au Théâtre des Champs
Elysées.
⇨ Débat idéologique : quel rôle de l’Etat, quel type d’admin s’impose ? Pour certains, intérêt
général = notion purement idéologique qui pourrait être instrumentalisée à des fins malheureuses.
Toujours pour mieux cerner la conception fonctionnelle de l’admin. , un ultime enjeu à prendre en
compte, lié encore à l’intérêt général => constat implacable. Des personnes publiques, et en premier
lieu l’Etat ont eu recours de façon croissante aux services de personnes privées pour accomplir des
tâches relevant de l’intérêt général, du fait de leurs compétences.
⇨ Contrat : ex = concession pour réseau de chemin de fer
Conclusion : voilà pour l’approche matérielle = perspective utile même si elle fait surgir bon nombre
de questionnements complexes. En tout état de cause, elle n’est pas la seule.
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Lorsque le mot et ainsi employé dans ce sens organique, on utilise souvent A majuscule, ce qui
permet de limiter le risque d'ambiguïté.
Pour être plus précis, l’Admin peut être saisie à ce niveau de deux façons :
La seconde approche est la plus fréquente. Lorsque l'on vise l'Administration, on désigne le plus
souvent implicitement ou explicitement l'administration publique dans son ensemble, ou bien une
administration publique à l’exclusion des personnes privées.
Mais en réalité, même quand on privilégie cette approche organique, il est assez évident que l'on
saisit un tout profondément hétérogène.
- On saisit d'abord des personnes publiques, des organes dotés d'une personnalité morale propre, ça
veut dire qu'ils sont considérés comme des sujets de droit et d'obligation : l'Etat, les collectivités
territoriales, les ét. Publics.
- Mais on pense aussi à des institutions qui ne dispose pas de la personnalité juridique (préfet,
maire).
Toutes ces institutions sont unies, tous ces acteurs sont unis dans leur action par des liens de
complémentarité et de contrôle, et en charge d'une mission d'intérêt général en vertu de la
Constitution.
Au demeurant, on ne pense pas seulement à des institutions physiques qui agissent pour leur
compte, on saisit aussi des services, des individus. Autant dire que l'on cible une réalité organique
composite, voire disparate.
C’est ce que dit le professeur Didier Truchet quand il relève « qu’aussi curieux que cela puisse
paraître, il n'existe pas de définition juridique précise de l'administration. Ce mot désigne une
réalité politique, sociologique, pratique, voire bureaucratique mais n’a guère de portée dans le
vocabulaire juridique. En disant d'une institution publique qu'elle est une administration, on n’en
définit ni la nature, ni le statut, ni le régime d’une manière qui soit opératoire en droit »
L'article 20 de la Constitution de 1958 joue alors un rôle déterminant « Le gouvernement détermine
et conduit la politique de la Nation, il dispose de l'administration et de la force armée ».
Le texte établit de cette façon un lien organique entre le gouvernement et l'administration, mais ce
lien étant relevé, l’article 20 suggère aussi, en toute logique, que l'administration n'est pas, ou du
moins pas tout à fait, le gouvernement ; puisque si le gouvernement dispose de l'administration
L'approche repose ainsi sur la dissociation d'un appareil politique et d'un appareil administratif, un
ensemble d’hommes et de moyens au service d'une structure bureaucratique qui soit mis à
disposition des autorités publiques qui gouvernent.
L'une des difficultés tient à ce que certains acteurs comme le président de la République, le Premier
ministre, les ministres sont des autorités à la fois gouvernementales et administratives. Ils exercent
des fonctions politiques et administratives. En revanche, la démarche négative conduit à souligner
avec plus de facilité que la notion d'administration n’englobe pas les services du Parlement, qui
adopte des mesures générales sans participer lui-même à leur mise en œuvre, n’incluent pas non
plus les institutions judiciaires.
Ainsi définie, l'administration n'est donc ni le Parlement, ni les juridictions. Mais en revanche elle
englobe tous les autres organes des personnes publiques relevant du pouvoir exécutif, chargées
d'assurer une fonction administrative qui consiste en la réalisation d'activités d'intérêt général. Pour
mieux assimiler ces différents enjeux, il convient d’établir une synthèse.
Paragraphe 3. Synthèse
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Au bilan, il n'est pas très fructueux aujourd'hui de chercher à défendre l'une de ces deux approches,
fonctionnelle ou organique, au détriment de l'autre. Elles se révèlent complémentaires, bien plus que
concurrentes.
Il faut donc pouvoir dissocier les deux définitions, et les mobiliser en fonction de notre propos. Il
vous reviendra en tant qu’étudiant, quand vous emploierez le terme, de préciser le sens que vous
attribuez à ce mot dans vos réflexions et analyses personnelles. Ces définitions en fin de compte sont
pour vous des instruments.
Un auteur Michel Fromont, propose dans son ouvrage Droit administratif des États européens, une
double définition de l'administration qui voudrait pour toute l'Europe. Elle reprend les différents
éléments que l'on vient de voir. Voici sa définition : « L'administration publique peut-être définie
dans son sens fonctionnel, comme une activité d'intérêt général exercée par des autorités publiques
ou des personnes privées, étroitement liée à celle-là, hors des fonctions législatives &
juridictionnelles. Entendue dans son sens organique, l'administration publique peut-être définie
comme l'ensemble des organes publics qui exercent une telle activité ».
L’on retrouve ainsi les éléments structurants qui ont été exposés :
- Pour l’approche fonctionnelle, les idées d'activités d'intérêt général,
- Le système constitutionnel, pour l’approche organique, la qualité d'organe public.
Il s'agit de la définition la plus précise que l’on puisse en donner à ce stade. Ainsi, vous pouvez
mesurer qu'une définition, en droit, renvoie à des enjeux complexes, d’où l'importance pour vous de
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De nos jours, la soumission de l'administration au droit est un principe de base dans notre société.
Mais cette soumission a été progressive, et peut même être vue comme un paradoxe. N'est-ce pas la
négation même de la puissance commandante en effet que de vouloir s'autolimiter de manière donc
volontaire.
Il existe des systèmes où l'État ou bien des puissances gouvernantes sont au-dessus du droit. Ils sont
déliés de tout obéissance aux règles juridiques. Dans notre histoire même en France, il en fut parfois
ainsi. Par exemple, sous l'Ancien Régime, avant que ne soit formulées les lois fondamentales du
Royaume auxquelles les monarques ont fini par se soumettre. Seul prévalait avant cela donc le bon
plaisir du roi.
L'Etat de droit, par rapport à l’Etat de police, se caractérise précisément par l'affirmation du principe
de légalité compte il convient de préciser la notion avant d'aborder l’étude de sa portée.
Un bref historique.
L'histoire du droit administratif est encore mal connue, en dépit des travaux de spécialistes tels que
Gabriel Le Bras, Pierre Legendre ou encore Jean-Louis Mestre par exemple.
Il est certain que le droit administratif a été façonné au cours des siècles contrairement à une vision
réductrice qui voudrait qu’il soit né en 1873 avec l'arrêt Blanco du Tribunal des conflits.
Peu à peu, l’idée apparait que certaines règles applicables dans cette sphère d'intervention sont
différentes de celles qui régissent les relations ordinaires entre particuliers.
A partir du XIIIe siècle, la redécouverte du droit romain, en particulier des discours de l'auteur latin et
avocat Cicéron, l’apport des droits savants, le droit des juristes dans l'entourage des rois de France,
tel que Philippe le Bel les travaux de saint Thomas d'Aquin, et l'influence du droit canon lui-même
issu du droit romain, enrichissent cette approche.
A cette époque, l’Eglise catholique est certainement la plus importante administration du royaume.
Elle est régie par un corpus de règles très précis dans lequel a pu écrire Gabriel Le Bras. Presque tous
les chapitres d'un traité du droit administratif sont esquissés. Un certain encadrement du pouvoir se
met en place, découlant du rôle que joue l'autorité pour la poursuite de l'utilité publique.
Les prérogatives sont liées au bien commun qui ont constitué à la fois le fondement et la limite, et la
poursuite du bien commun à ces exigences propres. Par exemple, l’édit de Moulins de 1566 affirme
le ppe de l’inaliénabilité du domaine de la Couronne, principe selon lequel le roi ne peut plus
disposer que de ses biens propres. La Révolution française de 1789 ne provoque pas une rupture
totale avec l'État de droit antérieur, comme l'a si bien montré par exemple Alexis-de-Tocqueville
dans son ouvrage « L'Ancien Régime et la Révolution ». Les fondements du droit administratif
contemporain y sont clairement exprimés. Cf. la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789.
Mais celui-ci ne se développe véritablement qu'à la fin du 19e siècle. Devant le caractère
fragmentaire du droit écrit, le Parlement d'intervenant que de manière parcimonieuse, les principes
de base de la matière sont alors dégagés par le juge admin au fur et à mesure des litiges qui lui sont
soumis. => Cette origine jurisprudentielle a donné au droit administratif des traits particuliers de
souplesse, mais l’a rendu longtemps difficile d'accès.
Cependant l’essor récent de ses sources écrites : Constitution, textes d'origine européenne, lois et
règlements, fait que l’on ne peut plus parler que d'un droit qui a eu ses fondements posés par la
jurisprudence. C'est-à-dire dont seuls les fondements du droit contemporain ont été posés par le
juge.
De nos jours, l'un des problèmes pratiques les plus importants de l'administration publique est la
codification de son droit. Et les codes se multiplient : le dernier en date étant le code de la
commande publique, entré en vigueur le 1er avril 2019. Il prend la suite du code des marchés publics
désormais abrogé.
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On sait que si la Magna Carta, la Grande Charte des libertés, qui limite l'arbitraire en Angleterre et
établit en droit le célèbre habeas corpus, a été élaborée au début du 13e siècle, ce n'est que bien
plus tard, au 19e siècle, que la doctrine juridique allemande a créé la notion, la formule d'État de
droit, qui a connu en France de nombreuses transpositions.
La plus célèbre est sans doute le fait de Raymond Carré de Malberg, grand juriste de la fin du 19 e-
début du 20ème, qui a contribué à l'introduction de ce concept dans la pensée juridique française. Il le
définit, par opposition à l'Etat de police, comme « un Etat qui dans ses rapports avec ses sujets, et
pour la garantie de leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de droit et cela en tant
qu'il enchaîne son action sur eux par des règles
- dont les unes déterminent les droits réservés aux citoyens,
- dont les autres fixent par avance les voies et moyens qui pourraient être employés en vue de
réaliser les buts étatiques
= soit 2 sortes de règles qui ont pour effet commun de limiter la puissance de l'État en la
subordonnant à l'ordre juridique qu’elle consacre ».
C’est la conception originale de l'État de droit, et c'est une conception formelle qui repose sur l'idée
de hiérarchie des normes. L'État de droit est un Etat pour lequel l'administration, et plus
généralement les pouvoirs publics, sont soumis au droit,
≠ par opposition à l'Etat de police, qui caractérise l'arbitraire des autorités
Dans ce cadre, le pouvoir est exercé dans la forme juridique, c’est-à-dire non pas au moyen de
commandement isolé, mais de règles créées et appliquées selon des procédures régulières et
relativement stables. Cette forme juridique limite donc la puissance de l'État en la subordonnant à
l'ordre juridique qu’elle consacre.
Cette base a pu être quelque peu brouillée par la suite. Aussi bien dans les travaux des juristes qui
utilisent cette notion d'Etat de droit pour décrire un mode d'organisation du pouvoir, que dans les
discours politiques où l'État de droit est un projet politique à réaliser. La notion est traversée par des
tensions conceptuelles.
Il est apparu qu'il faut tenir compte non pas seulement des procédures, mais également du contenu
du droit. Peut-on parler d’un l'État de droit, si les droits de l'homme, libertés publiques ou droits
fondamentaux ne sont pas reconnus et garantis ? Difficilement sans doute.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les constitutions ont intégré les droits fondamentaux qui
fixent des buts à l'activité de l'État, et prédétermine les contenus de la norme applicable.
En complément des droits fondamentaux vient par ailleurs l'exigence de sécurité juridique. Le droit
doit présenter un certain niveau de clarté et de cohérence. C’est l’exigence de sécurité juridique qui
Et tout état de cause, la réalisation de l'État de droit doit être envisagée non pas comme une réalité
statique, figée, mais bien plutôt comme une réalité dynamique, évolutive, comme un processus. La
conquête de l'État par le droit n’est aujourd’hui pas tout à fait achevée, en tout cas pour ce qui
concerne les mécanismes de garantie juridictionnelle, censés assurer l’effectivité du droit.
En effet, il reste des zones de l'action administrative, des actes, qui ne sont pas soumis à un contrôle
de la part du JA (juge admin).
- Ainsi des actes dont les effets sont réputés trop faibles pour porter préjudice aux individus
- actes considérés comme non normatifs, même si des évolutions importantes interviennent à ce
niveau.
A ce constat, il faut ajouter que le contrôle juridictionnel qui exerce le JA. peut être plus ou moins
approfondi. Le contrôle du JA s'avère donc in fine à géométrie variable, il varie en fonction de
différents facteurs.
Il faut bien comprendre que actuellement, l’enjeu n’est plus celui de l'affirmation de l'État de droit.
Personne ne conteste le principe de l'État de droit, notamment la nécessité de respecter les droits
fondamentaux, du moins publiquement en France. L'enjeu est de permettre sa réalisation la plus
complète possible, y compris par exemple, dans les cadres qui sont traditionnellement les plus
fermés au droit : les prisons, l'armée les écoles, et dans des circonstances particulières car très
sensibles, comme sous un régime d’EU, fondé sur la menace d'attaque terroriste ou d'une épidémie
sanitaire.
Il faut encadrer l'administration mais sans la paralyser, sans nuire à l’efficacité de l'action
administrative qui nécessite tout de même le plus souvent de disposer d’une certaine marge de
manœuvre, d'une latitude d’action. Il y a donc des équilibres à trouver, entre impératif de respect du
droit, et souplesse de l'action admin. Il s'agit là d'une problématique particulièrement actuelle.
La notion d'état de droit constitue de nos jours une référence incontournable pour approcher et
saisir les mutations que connaît le droit administratif, sous l'influence notamment du droit européen,
ou plutôt des droits européens, à savoir le droit du Conseil de l'Europe et celui de l'Union
européenne. Elle est centrale en droit administratif aussi bien qu’en droit constit. Et pour ce qui
concerne le droit administratif en particulier, il faut la maîtriser en ce qu'elle a pour conséquence
immédiate le principe de légalité.
Expression toujours communément employée, le pp de légalité a vu son sens évoluer d'une façon
telle, qu'il faut actuellement l'entendre comme le principe de la soumission de l’admin au droit.
Aussi, progressivement, tout au long du 19e et 20e siècle, les actes de l’administration vont-ils être
soumis au respect de plus en plus strict de la loi, interprétée et complétée par une importante
production du JA. Dans la logique de la souveraineté parlementaire et de la théorie de la séparation
des pouvoirs, la loi apparaît comme la source première.
Sont ainsi crées la notion d'État légal, et le principe de l'égalité. En ce sens, selon l'expression de
Georges Vedel, la légalité est la qualité de ce qui est conforme à la loi.
Mais rapidement, au bout d'un certain nombre d'années, on a compris que le principe de légalité
devait être entendu de façon lato senso. Depuis quelques années déjà, la notion de légalité subit un
véritable bouleversement.
Soumise au contrôle du juge constitutionnel, et au respect de normes qui lui sont supérieures, la loi
n'est plus la source exclusive, ni peut-être principale de la légalité. Le terme de légalité doit être
désormais entendu dans un sens large, plus large, lato senso. Il exprime la règle selon laquelle les
autorités administratives agissent uniquement dans la forme juridique, conformément au droit, et au
moyen du droit = c’est ce que l’on nomme l'Etat de droit.
Certains auteurs préfèrent dès lors utiliser l'expression de bloc de légalité, de principe de légalité lato
sensu, voire de principe de juridicité ou de principe de soumission de l’admin au droit. Toutes ces
expressions signifient que les autorités administratives doivent agir conformément aux différents
éléments de l'ordre juridique, leur violation étant constitutive d’une irrégularité, susceptible d'être
sanctionnée par le juge. Exprimant dès lors la conformité au droit, la légalité est synonyme de
régularité juridique.
III - La soumission de l’administration publique à un droit spécifique, le DA
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L'action publique est soumise pour une part à des règles de droit public et d'autre part à des règles
de droit privé. Ce sont les premières qui constituent le droit admin, mais cela ne veut pas dire que les
autorités administratives ne soient pas soumises dans certaines hypothèses au droit privé.
Ce droit autonome, distinct du droit applicable aux personnes privées, donne naissance à un
contentieux qui relève d'un ordre juridictionnel spécialisé au sein du pouvoir judiciaire, comme en
Allemagne, ou d'un pouvoir juridictionnel différent comme en France. Pour la majorité des auteurs,
c'est le juge administratif qui pour l'essentiel, a déterminé l'existence d'un régime admin. En ce sens,
le dualisme juridictionnel, l'existence de 2 ordres de juridictions, a créé un dualisme juridique, c'est-à-
dire l'existence de deux droits donnant ainsi naissance à un régime administratif dont l'acte de
naissance serait l'arrêt du Tribunal des Conflits du 8 février 1873 (Blanco).
La recherche d'un critère fondant dans toutes ces décisions de justice a alimenté d'abondantes
réflexions. Tour à tour, les notions de service public, puis de puissance publique ont été proposées.
Longtemps opposées, ces deux notions sont complémentaires.
- la première exprimant la doctrine des buts poursuivis par l'administration
- tandis que la seconde fonde la doctrine des moyens employés par celle-ci.
Pour d’autres auteurs, il est nécessaire au contraire de détacher totalement la notion de droit
administratif de celle de contentieux administratif. L’exercice d’un droit admin serait alors déterminé
par les caractéristiques de l'action administrative et des objectifs qui correspondent à sa mission.
Il n'existerait pas de régime administratif par nature, mais par l'adoption de techniques juridiques qui
lui seraient propres. Le principe explicatif de l'autonomie du droit administratif ne serait pas à
rechercher exclusivement du côté des décisions rendues par les JA, mais par une certaine conception
politique de l'État de droit.
Le droit administratif est un ensemble indivisible de prérogatives et de sujétions étroitement liées les
unes aux autres. Par exemple, le domaine pub. est à la fois imprescriptible/prérogatives, mais aussi
inaliénable/sujétion. En passant des contrats, l'autorité administrative peut imposer des obligations
de manière unilatérale et devra indemniser.
De prérogative dans l'arrêt Blanco, la responsabilité de l'administration est devenue souvent plus
grande que celle des particuliers.
Les prérogatives de l'administration peuvent être classées en deux grandes catégories : les autorités
administratives disposent de pouvoirs à l'égard des particuliers, mais également de protection
spéciale contre leurs actions.
=> autre exemple : le privilège du préalable et son corollaire, le privilège de l'action d'office.
L’introduction d’une instance contre un acte administratif ne suspend pas l'exécution des normes
qu’il édicte. Les actes administratifs sont présumés réguliers = le privilège du préalable, érigés en
règle fondamentale du droit public par le Conseil d'État en 1982 avec l'arrêt Huglo.
Ce privilège a pour corollaire celui de l'action d'office, également nommé privilège de l'exécution
prévisionnelle = même si un intéressé conteste la régularité d'un acte administratif, celui-ci continue
à s'appliquer tant qu'il n'a pas été annulé ou suspendu par le juge.
=> autre exemple : l'exécution d'office ou exécution forcée. La voie normale d’exécution des
décisions admin est le recours au juge. A côté de cette voie juridictionnelle d'exécution, il existe, mais
à titre subsidiaire, une voie administrative, l'exécution d'office, nommée aussi exécution forcée =>
En principe, cette exécution forcée est interdite à l'administration, sauf dans les 3 hypothèses
prévues par le commissaire du gouvernement Romieu dans ses conclusions rendu sur un arrêt du
Tribunal des conflits de 1902 Société immobilière de Saint-Just. :
- en l'absence de sanction pénale
- en cas d'urgence
- si un texte de loi l’a prévu.
Quand elle est possible, l'exécution forcée est alors soumise à 3 conditions :
- l’acte doit être régulier
- l'intéressé doit t'avoir refusé d'obtempérer, voire avoir fait preuve d'une mauvaise volonté
caractérisée
- et les mesures d'exécution forcée doivent tendre uniquement à la réalisation d'opérations
prescrites par la loi.
Quand elle est irrégulière, l'exécution forcée devient une voie de fait, notion étudiée au S4.
≠ dernier exemple, un droit de sujétion pour contrecarrer tout cela. En raison de sa mission, certaines
sujétions spécifiques s'imposent à l'autorité administrative. La finalité de l'action administrative n'est
pas libre. L’intérêt général est à la fois son fondement et sa limite. => Ainsi le recrutement des agents
publics, la passation d'un contrat, la tarification des services publics ne résultent pas de mesures
discrétionnaires, de seules nécessités commerciales, mais sont encadrés par des procédures
complexes et un réseau sans cesse accru de règles à respecter. Les autorités sont parfois tenues
d'agir, elles en ont l’obligation, sous peine de voir leur responsabilité engagée comme par exemple
en matière de police ou de continuité des services publics.
L'administration française actuelle est le résultat d'une longue évolution. C'est un produit du temps.
La solidarité historique de l'ensemble a fortement frappé tous ceux qui, à la suite de Auguste Comte
ou de Alexis de Tocqueville, s'efforcèrent d'apprécier la portée des transformations décidées par la
Révolution de 10 789.
Mais le temps n'est pas seulement le passé brut, le faisceau de traditions dont dépend le système
administratif. Il est au centre d'un grand débat objet d'une pensée administrative qui s'est
développée en France depuis le 18e siècle principalement.
- Dans une première acception, l'intérêt général est conçu comme le libre jeu des intérêts privés et
réduit le rôle de l'État à la protection des libertés.
- Tout au contraire, la tradition républicaine française, qui voit dans l'intérêt général le dépassement
des intérêts particuliers, confère à la loi, expression de la volonté générale la mission de définir cet
intérêt général. Ce dernier est mis en œuvre par l'administration sous le contrôle du juge.
Cette conception fait aujourd'hui l'objet de nombreuses contestations, aggravées par la crise de l'État
et par celle du système représentatif. La décentralisation a fait naître plusieurs niveaux de définition
de l'intérêt général.
Enfin, l'Europe a elle aussi disputé aux États membres le monopole du droit de déterminer l'intérêt
général.
Ces évolutions récentes font dire à Monsieur Jean-Bernard Auby, que notre droit administratif est
confronté à plusieurs facteurs de déstructuration :
- L'émergence d'autres détenteurs du pouvoir, que ce soit celui d'édicter les normes ou qu'il soit
économique, oblige l'État à se re-situer. Cela est le cas d'acteurs auxquels l'État délègue
- Mais l'État apparaît également contourné, subissant des développements de nouveaux pouvoirs sur
lesquels il a très peu de prise : les sphères financières, virtuelles ou numériques en sont des
exemples. L'État contraint et entravé, est également banalisé du fait de la modestie actuelle de ses
moyens d'action.
Le droit administratif est révélateur de ces évolutions, au point que son exorbitance même est remise
en question.
Un élément essentiel semble lentement décliner : la croyance à la transcendance de l'État sur les
personnes privées, de l'intérêt général sur les intérêts particuliers.
Le droit administratif s'est développé au 19e siècle sur la base de logique autoritaire, qu'il s'agisse de
conception bonapartiste ou du courant libéral majoritaire reposant sur l'effacement de l'individu au
profit de l'État. Traditionnellement, le droit administratif était centré sur les organes administratifs et
leur finalité, à savoir l'intérêt général.
L'individu, lui, était en retrait. C'était, on peut dire, un objet du droit administratif. De façon
révélatrice d'ailleurs, on parle de l'administration et de l'administré comme si les personnes ne
faisaient que subir le droit administratif. => En conséquence, le droit administratif est longtemps
resté un droit régissant les rapports inégalitaires entre les organes administratifs et les individus.
Au 20e siècle cependant, le droit administratif s'est épanoui avec le développement de l'État
providence, l'État social et de l'interventionnisme public provoqué par la grande crise économique de
1929, et la reconstruction de l'après 2nde Guerre mondiale après 1945.
Le droit s’est ainsi bâti, rebâtie sur des notions beaucoup plus collectives qu’individuelles.
≠ Les aspirations contemporaines sont inversées, privilégiant les individus et non plus la collectivité.
Les relations entre administration et administrés sont désormais conçues sur un mode beaucoup
moins inégalitaire, nombre de prérogatives de l'administration sont contestés et limitées.
Autrement dit, le droit administratif, tend à se rééquilibrer au profit des individus et de façon
significative d'ailleurs, dans le cadre français, on parle de moins en moins d'administrés, terme qui
évoque la pure et simple soumission à la puissance publique pour préférer utiliser le terme de
citoyens.
Pour prendre un peu de recul, on peut dire que le droit administratif évolue dans le sens d'une plus
grande prise en considération de la situation des individus et de ses intérêts.
On le considère moins comme un objet, que comme un sujet du droit administratif, et cela va se
traduire surtout par la reconnaissance de droit de droits subjectifs. La montée en puissance des
droits fondamentaux en témoigne en particulier, comme nous le verrons tout au long de ce cours.
La critique libérale du droit administratif comporte non seulement un volet politique, mais également
un volet économique, autrement dit, les sujétions exorbitantes sont perçues comme des freins et des
rigidités, des contraintes contraires à une saine logique managériale.
N'étant plus réputé transcendant, l'Etat voit la contestation de ses prérogatives se développer.
Étant considéré comme un entrepreneur comme un autre, il est réputé ne pouvoir gérer
efficacement qu'en appliquant les règles de droit privé.
L’exorbitance du droit administratif décline, tant ses prérogatives que ses sujétions. L'État est frappé
de désenchantement.
Or, ce constat est inquiétant car l'État, selon son origine latine et ce qui permet de se tenir debout.
Les enseignements de la construction historique et politique en France montrent que depuis les
Capétiens, la volonté des monarques, le lent travail des juristes, l'avènement de la République ont
fait de l'État le symbole d'unité d'un peuple au-delà des particularismes sociaux régionaux et de
continuité à l'épreuve du temps.
Les évolutions récentes amènent à repenser l'État, selon la formule de Jean-Marc Sauvé, ancien vice-
président du Conseil d'État. Incarnation de notre désir de vivre ensemble, il est nécessaire de lui
donner une nouvelle consistance.
Cette réflexion se trouvera derrière tous les thèmes abordés dans ce cours de droit administratif
général, première partie, semestre 3, dont le plan général s'articule autour de 3 axes :
Audio 11
Commençons par une rapide introduction générale sur les sources du droit administratif.
Les autorités administratives sont tenues de se conformer, dans les décisions qu'elles prennent, à un
ensemble de règles de droit, de rang et de contenu divers.
L'étude des sources du droit, qui a donné lieu à plusieurs recherches théoriques, n'est pas propre au
droit administratif.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la création d'une règle juridique : des considérations
historiques, des faits économiques, des données sociologiques ou d'ordre moral, éthique, et cetera.
= A ces sources, dites matérielles, variables et parfois incertaines, souvent propres à chaque règle,
≠ s'opposent des sources abstraites, dites cette fois formelles.
Les sources formelles se réfèrent au procédé de création du droit et aux actes dont le contenu a une
portée juridique ; telle que la Constitution ou la loi.
Ces sources n'ont pas toutes la même valeur juridique, elles sont classées au sein d'un ordre
juridique. L'existence de l'ensemble de ces actes juridiques implique d'en organiser l'articulation.
Tout le problème est de déterminer quels sont les critères qui vont être utilisés pour effectuer ce
classement.
- Ce classement peut reposer sur un critère organique, c'est à dire sur la place attribuée à l'organe qui
a adopté l'acte. Par exemple, le pouvoir constituant étant au sommet, la Constitution représente
l'acte supérieur, le Parlement situé au-dessous, => la loi est donc un acte de niveau inférieur.
- Le classement peut aussi s'effectuer non pas à partir de la qualité de la personne qui édicte la règle,
mais des règles elles-mêmes, de ce qu'elles prévoient. À partir d'une règle posée par hypothèse
comme norme fondamentale, chaque norme inférieure doit respecter la norme de production de
dispositions posée par la norme supérieure. La théorie de la hiérarchie des normes que l'on doit au
juriste autrichien Hans Kelsen dans son ouvrage « La théorie pure du droit » postule que tout
système de droit est constitué d'un ensemble de normes formant un tout structuré, hiérarchisé,
chaque norme devant nécessairement respecter celle qui lui est supérieure, et qui déterminent les
conditions de sa validité. C'est la théorie dite de la formation du droit par degré.
Cette théorie est aujourd'hui au fondement de la plupart des systèmes juridiques et décrit avec
efficacité celui mis en place par la Constitution du 4 octobre 1958.
Dans ce système,
- La Constitution se situe au sommet de la hiérarchie des normes,
- suivie des lois organiques qui sont des instruments juridiques pris pour son application.
- Vient ensuite la loi ordinaire votée par le Parlement,
- qui s'impose aux règlements administratifs, normes de portée générale dont l'adoption relève
notamment du pouvoir exécutif. Parmi ces règlements, les décrets en Conseil d'État > sur les décrets
simples, qui ont eux-mêmes > aux arrêtés.
- Enfin, les décisions administratives individuelles doivent être conformes à l'ensemble des textes de
portée générale qui leur sont supérieurs.
Le droit international, issu principalement des traités dans la France, est signataire et le droit de
l'Union, issu à l'origine du traité de Rome du 25 mars 1957, modifié à plusieurs reprises,
chamboulent cette hiérarchie. = Ils occupent une place un peu particulière dans cet ordonnancement
juridique et tendent à le remettre en cause.
Celles-ci peuvent être appréhendées sous plusieurs angles à partir de plusieurs niveaux de
distinction.
- Une distinction peut être faite entre les sources extérieures à l'administration : Constitution, droit
international, droit de l'Union, les lois, les règles posées par le juge et enfin, les règles édictées par
l'administration elle-même : règlements administratifs, décisions individuelles, le contrat
administratif.
À ce classement hiérarchique s'oppose un classement entre sources écrites : Constitution, traité, loi,
actes, contrats. / et les sources non écrites, c'est à dire le droit jurisprudentiel : avec les règles posées
par le juge, qu'il soit administratif, constitutionnel ou même international ou européen.
=> C'est ainsi que l'on parle actuellement de l'affaiblissement des sources jurisprudentielles, du droit
administratif > au profit du droit écrit essentiellement du droit constitutionnel et du droit de l'Union.
Les sources du droit administratif étant définies, il convient de s'attacher à l'application qui en est
faite par l'administration sous le contrôle du juge. C'est sans doute l'aspect le plus connu, le plus
étudié du principe de légalité, le mieux appliqué, le mieux sanctionné dans notre système juridique.
Ce principe de légalité comportait des obligations, les obligations de la légalité, mais aussi des limites.
Les autorités administratives ne peuvent prendre que des mesures régulières, c'est à dire conforme
au droit.
Ces obligations de conformité au droit la plus traditionnelle se transforment parfois en une simple
obligation de compatibilité. = dans cette hypothèse, la règle inférieure doit simplement ne pas être
contraire à la règle supérieure.
Ex : Un tel rapport de compatibilité, et non plus de conformité est par exemple demandé par le jeu
administratif lorsqu'il examine la régularité d'un texte de loi au regard d'une convention
internationale.
Absolue dans son principe, la soumission au principe de l'égalité connaît nécessairement une certaine
flexibilité dans son application.
La jurisprudence, afin de préciser l'étendue du contrôle opéré par le juge, a établi une distinction
capitale entre le pouvoir discrétionnaire et la compétence liée.
Le principe de l'égalité qui n'est ici qu’assoupli dans son application, peut connaître des limites et des
inflexions beaucoup plus sérieuses en période de circonstances exceptionnelles, où est tolérer une
légalité de crise, comme l'état d'urgence par exemple.
Audio 12
La question de la place des sources constitutionnelles parmi les sources du droit administratif, et par
conséquent de leur rôle dans l'encadrement de l'action administrative, est à la fois ancienne et très
actuelle.
Longtemps, les constitutions françaises ont été en retrait dans le fondement et l'encadrement de
l'action administrative. Elles n'apparaissaient pas comme des sources de premier plan dans la
détermination des règles du droit administratif. Ces textes, proclamatoires, ont été réputées édicter
des règles dotées d'une portée politique et/ou morale, symbolique, mais dénués d'une véritable
portée juridique.
Alors même que l'on s'est amplement interrogé sur la place de la Constitution, simple survivance de
la philosophie rationaliste = édifice élevé pour des êtres de raison, qui n'aurait plus cours à une
époque où les seules valeurs dotées d’un prestige social sont celles qui magnifie la vie dans ses
formes élémentaires spontanées, selon Georges Burdeau, il apparaît que la Constitution a bien au
contraire, vu son statut conforté.
« Source des sources », selon Louis Favoreu, symbole de la liaison de l'exercice du pouvoir par le
droit, la place de la Constitution au sommet de notre ordre juridique est réaffirmée.
L'examen des sources constitutionnelles illustre bien la transformation des sources du droit
administratif. Ces normes constituent la source première du droit administratif dont elles encadrent
largement le mode de production et le contenu. Leur respect s'impose à tous les organes de l'État et
notamment à l'autorité administrative.
≠ Si le respect de la Constitution par les actes administratifs est largement admis, la question des
relations entre Constitution et droit international ou droit de l'Union a soulevé des problèmes
délicats.
I. Le texte constitutionnel.
Sous l'impulsion du Conseil constitutionnel, depuis la célèbre décision 71-44 DC du 16 juillet 1971
Liberté d'association reproduit dans le document de travail, le contenu et le nombre des normes à
valeur constitutionnelle ont tellement évolué que la question de l'unité de ce que l'on appelle
communément le bloc de constitutionnalité a pu se poser.
Ce que l'on nomme Constitution comprend le corps de la Constitution, = les dispositions notées
actuellement de 1 à 89 + son préambule. Dans le corps même de la Constitution, les dispositions
relatives à l'organisation et au rapport des pouvoirs publics n’appellent pas d'observations
particulières.
Court, le préambule de la Constitution est en fait très substantiel puisqu'il renvoie à 3 types de
normes :
Le préambule de 1946 faisant également référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République, ce que l'on nomme bloc de constitutionnalité comprend en fait 4
composantes, en sus du corps, numéroté en articles de la Constitution.
Constitutio
n
Bloc de
Art. 1 à 89 Préambule constitutionnalité
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DDCH Préambule Ch. Envir.
C 1946
Celle-ci intéresse le droit administratif à de nombreux titres depuis que le Conseil constitutionnel on
a fait un texte de droit positif.
Ces principes insistent sur la nécessité de combattre les inégalités, de fait par des actions
correspondantes de véritables créances sur la société. La nation devra assurer à tous les conditions
nécessaires à leur développement = et on entend par la santé, repos, loisirs, instruction, formation
professionnelle, culture.
=> Cette base juridique a par exemple servi de fondement à la reconnaissance du droit de grève dans
les services publics par une décision du Conseil constitutionnel de 1979, loi relative à la continuité du
service public à la radio et à la télévision, ou encore du droit d'asile en 1993, avec la décision dite
Maîtrise de l'immigration.
+ Mais aussi de sauvegarder la dignité de la personne humaine. En 1995, loi relative à la diversité de
l'habitat.
- les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, plus communément appelés =
PFRLR
Par la formule « considérant qu’au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République est solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution, il y a lieu de ranger le
principe de la liberté d'association », le Conseil crée une nouvelle catégorie de normes
constitutionnelles, principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et cette catégorie
contient désormais au moins un principe (en 1971) = celui de la liberté d'association.
Par la suite, le Conseil constitutionnel a alors été amené à préciser quels étaient les textes qui, tout
en étant de forme législatives, pouvait cependant avoir un contenu de nature constitutionnelle.
=> Si ces 3 conditions sont satisfaites, ils attribuent valeur constitutionnelle a des principes déjà
connus, le droit positif.
Parmi les lois répondant à ces 3 critères, le Conseil constitutionnel a reconnu ainsi valeur
constitutionnelle à une dizaine de principes :
- il en est par exemple ainsi pour les normes intéressant le droit administratif de l'indépendance des
juridictions administratives. Dans sa décision de 1980 validation d'actes administratifs.
Ces principes fondamentaux sont dégagés par le Conseil constitutionnel mais aussi le cas échéant,
par le Conseil d'État. Depuis l'arrêt Koné de 1996. = En l'espèce, les stipulations de l'accord de
coopération Franco malien en matière de justice doivent être interprétées conformément au principe
fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel l'État doit refuser l'extradition d'un
étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique. C'est la seule fois ou le Conseil d'État
reconnu l'existence d'un PFRLR, ce cas est donc demeuré unique jusqu'à aujourd'hui.
D'un point de vue purement formel, la loi constitutionnelle du 1 mars 2005 relative à la charte de
l'environnement se présente sous la forme de 3 articles.
- L'article 2 énonce le contenu de cette Charte, elle-même constitué de 2 parties : Un exposé des
motifs + dispositif de 10 articles.
- Enfin, l'article 3 modifie l'article 34 de la Constitution en incluant une disposition selon laquelle la loi
détermine les principes fondamentaux relatifs à la préservation de l'environnement.
Du point de vue du fond, à présent, l'essentiel des droits, principes et devoirs énoncés par la Charte
sont d'ores et déjà reconnus et appliqués, tant par le droit interne que par le droit international ou
celui de l'Union européenne.
Par exemple, le droit à l'information reconnu à l'article 7 de la Charte, résulte déjà de directives de
l'Union et de la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998.
Même si l'on a pu s'interroger sur le choix du vocabulaire, pourquoi une charte et non pas une
déclaration de droit, la charte de l'environnement fait incontestablement partie du bloc de
constitutionnalité. Elle est insérée dans le préambule de 1958, à côté de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen 1789 et du préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil constitutionnel puis le Conseil d'État ont en effet jugé dans les mêmes termes, que
« l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement ont valeur
constitutionnelle, qu'elle s'impose aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs
domaines de compétence respectifs. »
Pour le Conseil constitutionnel, il s'agit de la décision du 19 juin 2008, loi relative aux OGM, par
laquelle il a censuré une loi sur le fondement de la Charte.
Pour le Conseil d'État, il s'agit de la décision d'Assemblée du 3 octobre 2008, Commune d’Annecy,
reproduit dans le document de travail, par laquelle la juridiction a annulé le décret relatif au lac de
montagne pour incompétence du pouvoir réglementaire.
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Audio 13
On s'est longtemps posé la question de savoir si toutes ces normes avait une même portée juridique,
peuvent-elles tout être évoquées, invoquées directement par un requérant à l'appui d'un recours
dirigé contre un acte administratif ?
Historiquement, le Conseil d'État a conféré aux déclarations de droit une portée différente que celle
qu’assuré à ces textes le Conseil constitutionnel.
En effet, le Conseil d'État a longtemps considéré que les dispositions des déclarations de droits qui
présente un caractère général et abstrait ne peuvent être l'objet d'une application direct par le juge
administratif.
Droits et libertés en cause ne pouvaient trouver application que dans le cadre des lois et règlements
les mettant en œuvre. L'intervention du législateur pour préciser le texte constitutionnel était donc
indispensable.
D'un côté, le Conseil d'État a progressivement admis d'appliquer les énoncés des déclarations de
droit réputés suffisamment précis. => Ainsi a-t-il appliqué l'alinéa 7 du préambule de 1946
reconnaissant le droit de grève, Conseil d'État, Assemblée 1950 Dehaene, de même que l'article 8 de
la DDHC posant le principe de légalité de nécessité des peines, Conseil d'État section 1960, société
Eky.
En revanche, le Conseil d'État a refusé d'appliquer les énoncés réputées trop imprécis, c'est à dire en
pratique, ceux du préambule de la Constitution de 1946 qui reconnaissaient des droits sociaux dit
créance.= c'est à dire les prétentions dont la réalisation appelle des actions des autorités pour
délivrer une prestation publique matérielle donnée (droit au travail, droit à la santé, droit à
l'éducation), / par opposition aux droits libertés = les prétentions qui exigent une abstention d'agir de
la part des autorités, liberté d'expression, droit de propriété, par exemple.
Pour le Conseil constitutionnel, qui contrôle la constitutionnalité des lois a priori, et depuis la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008 a posteriori, grâce à la question prioritaire de constitutionnalité,
le contrôle de constitutionnalité s'effectue à l'égard de toutes les normes constitutionnelles, même
des dispositions très larges, très générales et abstraites.
Par exemple, le Conseil a contrôlé la conformité de loi d'indemnisation des Français ayant dû quitté
les Nouvelles-Hébrides, alinéa 12 du préambule de 1946, selon lequel « la nation proclame la
solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales »,
dans une décision du 30 décembre 1987.
Le Conseil constitutionnel a affirmé que toutes ces dispositions avaient une même valeur juridique.
Dans le sillage d'une jurisprudence constitutionnelle en pleine essor, le Conseil d'État a fait évoluer sa
position.
Il a en effet admis de faire application des énoncés réputés les plus imprécis, tout le moins dans le
cadre de contentieux dits objectifs, c'est à dire portant sur la légalité d'actes réglementaires et qui ne
mettent pas en jeu des droits subjectifs des individus.
La charte de l'environnement avait en effet réactivé les controverses doctrinales traditionnelles sur la
portée des énoncés imprécis devant les juridictions.
En particulier, certains énoncés de ces textes pouvaient apparaître purement proclamatoire, sans
réelle portée juridique.
=> Ainsi de l'article 8, l'éducation et la formation à l'environnement doivent contribuer à l'exercice
des droits et devoirs définis par la présente Charte
=> de l'article 9, la recherche et l'innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la
mise en valeur de l'environnement
=> article 10, la présente Charte inspirent l'action européenne et internationale de la France.
Par exemple,
- Article 3 : toute personne doit, dans des conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle
est susceptible de porter l'environnement et en limiter les conséquences.
- Article 4, toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à
l'environnement dans les conditions définies par la loi.
- Article 7, toute personne a le droit dans les conditions définies par la loi, d'accéder aux informations
relatives aux informations détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des
décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Enfin, quelques énoncés pouvaient sembler plus précis et donc plus opératoires devant les juges.
- article 5, lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances
scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités
publiques veillent par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à
la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et
proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
Dans le cadre de ses conclusions, le commissaire du gouvernement, Yann Aguila, a en effet soutenu
que ni le caractère imprécis d'une disposition constitutionnelle, ni le fait qu'elle renvoie à une loi ne
constituent un obstacle à son invocation à l'encontre d'un acte administratif.
⇨ Toutefois, il posait une question décisive : La portée concrète d'un principe peut-elle varier selon son
degré de précision, selon son objet ou selon la nature du contentieux. => À cette question, il
répondait par la positive.
Il admettait en effet que l'imprécision d'un principe puisse empêcher le juge de créer directement un
droit subjectif au profit des particuliers. Ainsi, la Charte ne permet sans doute pas un particulier, un
individu, d'être associé à l'élaboration d'une décision publique sans qu'un texte ait été pris au
préalable pour organiser les modalités de leur consultation.
≠ En revanche, la Charte pourrait toujours être invoqué dans le cadre d'un contentieux objectif, c'est
à dire dans un recours contre un règlement administratif.
Dans son arrêt Commune d'Annecy, alors que l'affaire qui lui était soumise n'impliquait pas de se
prononcer sur la portée de l'ensemble des énoncés de la Charte, mais seulement sur celle de son
article 7, le Conseil d'État a affirmé que les dispositions de l'article 7 de la Charte, « Comme
l'ensemble des droits et devoirs définis dans la charte de l'environnement, et à l'instar de toutes
celles qui procèdent du préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle, qu'elles
En apportant une précision que ne nécessitait pas l'affaire, la Haute juridiction témoigne d'un souci
d'entériner les progrès de la JP administrative et de dissiper les incertitudes autour de la portée de
ces instruments.
=> Désormais, une nouvelle distinction guide les raisonnements du juge administratif, guide la
jurisprudence.
- D'une part, certains énoncés sont suffisamment précis pour fonder un droit subjectif, prérogatives
individuelles, et peuvent être invoqués dans le cadre aussi bien d'un contentieux objectif = pour
contester la légalité d'un règlement administratif / que d'un contentieux subjectif, pour contester la
légalité d'un acte administratif individuel ou obtenir une indemnisation par le biais du recours en
responsabilité.
- D'autre part, les autres énoncés réputés insuffisamment précis pour fonder un droit subjectif,
peuvent être invoqués seulement dans le cadre d'un contentieux objectif donc pour la contestation
d'un acte administratif réglementaire, un règlement administratif.
Par un arrêt d'assemblée du 12 avril 2013, association coordination interrégionale stop THT, le
Conseil d'État a déterminé les modalités de son contrôle concernant le principe de précaution dans
les litiges relatifs aux actes déclaratifs d'utilité publique. À cette occasion, il confirme explicitement et
sans ambiguïté l'invocabilité direct de ce principe contre un acte administratif. Cette décision,
reproduite dans le document de travail précise même très clairement sa place au sein de l'action
administrative en indiquant la marche à suivre.
L'affaire a soulevé, le problème d'un possible lien de cause à effet entre l'exposition à des champs
électromagnétiques de très basse fréquence et un risque accru de survenance de leucémies chez
l'enfant.
Pour que le principe de précaution s'applique, il convient que le risque invoqué se soit vu attribué
quelques crédits par des études scientifiques, même si elles ne font pas l'unanimité. Même si on n'est
pas en présence d'un risque avéré, il doit être regardé comme une hypothèse suffisamment plausible
en l'état des connaissances pour justifier l'application d'un principe de précaution.
Le Conseil d'État n'enjoint pas l'Etat de renoncer à son projet, mais de l'entourer de toutes les
précautions nécessaires pour éviter la réalisation du risque en question.
Jusqu'à la 5e République, le droit administratif contemporain s'est en effet développé à partir des
arrêts du juge administratif et de quelques textes de loi.
Pour être peu nombreuses, les dispositions constitutionnelles n'en sont pas moins fondamentales, et
peuvent être regroupés en 3 domaines :
Parmi ces règles de fond, citons par exemple le principe d'égalité devant la loi (article 1er), celui de la
supériorité des traités internationaux sur la loi (article 55), celui de la libre administration des
collectivités territoriales, (article 34 puis 72 à 75).
Les articles 34, 37 avec l'article 21 délimitent, en principe, le domaine respectif de la loi et du
règlement, c'est à dire la répartition des compétences entre le Parlement et le pouvoir exécutif.
2 séries de dispositions sont relatives au travail gouvernemental. Les unes établissent le bicéphalisme
administratif, (articles 13 et 21 relatifs au partage de compétences entre le président de la
Est également indiqué le rôle des conseils et organes consultatifs, leur intervention au plus haut
degré de l'activité administrative est prévue par la Constitution. Il s'agit de la consultation obligatoire
du Conseil d'État, (article 38, alinéa 2 et 37, alinéa 2) ou de l'intervention du Conseil économique,
social et environnemental. (Article 69 à 71).
Par ailleurs, l'article 66, en faisant de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle, est
une des sources de la répartition des compétences entre les 2 ordres de juridiction.
D'autres articles concernent les établissements publics, article 34 ou encore, la libre administration
des collectivités territoriales infra étatiques. (Articles 72 à 75).
Une relation étroite s'établit entre les droits constitutionnels et administratives, sans doute plus
fortement que d'autres branches du droit.
On peut dire au sens large, que le droit constitutionnel est bien la base du droit administratif, l'assise
à partir de laquelle il se construit. => Et l'on peut dire ainsi avec le professeur Olivier Jouanjan, qu'il
existe un cadre constitutionnel du droit administratif, comme indiqué dans son traité de droit
administratif, tome un.
Le droit constitutionnel délimite les contours du droit administratif. Mais il laisse une variété de
solutions possibles quant au contenu. Celui-ci est nourri par les des sources diverses, Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme avec l'interprétation de la Cour, droit de l'Union
européenne avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union et cetera.
On peut même dire à la suite du professeur Sabino Cassese, dans son ouvrage, La construction du
droit administratif : France et Royaume-Uni, « que chaque système constitutionnel européen
constitue le cadre, à l'intérieur duquel s’insère chaque droit administratif national. Il le structure et le
délimite, tout en lui laissant la possibilité de se développer avec des solutions qui lui sont propres. »
La Constitution est-elle toujours la norme suprême de la République ? Quelle est son autorité ?
L'examen des sources constitutionnelles illustrent bien la transformation des sources du droit
administratif. Longtemps source très formelle, la Constitution est devenue la norme de référence par
excellence. Et la jurisprudence du Conseil constitutionnel a sans nul doute contribué à renforcer cette
autorité au travers le contrôle de constitutionnalité des lois qu'il a su développer.
Longtemps en suspens, le problème des rapports entre droit constitutionnel et droit administratif ne
se pose plus.
=> Dès lors, tout acte administratif, quelle que soit sa portée (acte réglementaire/acte individuel),
doit être conforme à la Constitution sous le contrôle du juge administratif. Si un juge considère qu'un
acte méconnaît une norme constitutionnelle, l'acte est annulé. Il disparaît de l'ordre juridique avec
effet rétroactif. Il est réputé n'avoir jamais existé.
≠ La seule difficulté réside quand un acte administratif est tout à la fois, en contrariété avec la
Constitution, mais en conformité avec la loi qui lui sert de fondement, celle-ci étant par là même
contraire à la Constitution. = Insusceptible d'être jugée par les juridictions ordinaires, tant
administratives que judiciaires en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la loi faisait alors
dit-on écran entre l'acte administratif et la Constitution, si celle-ci posait des règles de fond.
= En effet, dans une telle hypothèse, contrôler la constitutionnalité de l'acte administratif conforme à
une loi revient en réalité à contrôler la constitutionnalité de la loi qui sert de fondement à l'acte
attaqué. Or, le Conseil d'État estime le moyen tiré de la violation de la Constitution comme inopérant.
=> La loi fait écran au contrôle de constitutionnalité de l'acte administratif.
Cette solution dégagée en 1936 par le Conseil d'État avec l'arrêt sur Arrighi, et toujours valable sous
l'empire de la Constitution de 1958.
Originellement, cette solution a été réputée reposer sur un souci de ménager le principe selon lequel
la loi est l'expression de la volonté générale. En 1936, en effet, la loi n'est pas contrôlée. De même
que le principe de séparation des pouvoirs, le juge ne peut pas empiéter sur le travail du Parlement.
Par l'arrêt de 2005 Deprez et Baillard, le Conseil d'État a adapté la justification de l'écran législatif
« Considérant que l'article 61 de la Constitution du 4 octobre 1958 a confié au Conseil constitutionnel
le soin d'apprécier la conformité d'une loi à la Constitution, que ce contrôle est susceptible de
s'exercer après le vote de la loi et avant sa promulgation, qu'il ressort des débats tant du comité
consultatif constitutionnel que du Conseil d'État lors de l'élaboration de la Constitution, que les
modalités ainsi adoptées excluent un contrôle de constitutionnalité de la loi au stade de son
application ».
Cependant, même si les juges appliquaient les normes législatives contraires, ils ne le faisaient
qu’après un effort de conciliation, comme on le voit par exemple dans la décision de section rendu
par le Conseil d'État le 22 décembre 1989, ministre du Budget contre cercle militaire de la caserne
mortier.
Il ressort en effet de l'arrêt Quintin de 1991, que la simple présence d'une loi ne suffit pas à faire
écran au contrôle de constitutionnalité des actes administratifs. Il convient d'analyser le contenu de
la loi pour voir si elle contient de la matière faisant véritablement écran. Si la loi en cause est une loi
d'habilitation, elle ne fait donc que habiliter le gouvernement à prendre des actes administratifs sans
en fixer le contenu précis. L'écran législatif devient transparent et le contrôle de constitutionnalité
est possible.
- La 2nde limite est le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité, QPC, prévue à l'article
66-1 de la Constitution il convient donc de nous y attarder.
- L'article 61-1 est ainsi rédigé. « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il
est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution
garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de
la Cour de cassation, qui se prononce dans un délai déterminé »
- Ces dispositions sont complétées par celles de l'article 62 alinéa 2, selon lequel « une disposition
déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogé, à compter de la publication
de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.
Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la
disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. »
Ces 2 articles sont reproduits dans le document de travail.
Cette nouvelle procédure dite de la question prioritaire de constitutionnalité QPC est entrée en
application le 1 mars 2010.
Il s'agit d'un nouveau droit pour les justiciables et d'une véritable novation pour les professions tant
juridiques que juridictionnelles.
Alors la procédure
La QPC est le droit reconnu à toute personne partie à un procès ou à une instance d'invoquer la
constitutionnalité d'une disposition législative qui fonde la régularité, de la décision administrative
qu'il conteste.
La juridiction saisie de l'instance procède sans délai à un premier examen et apprécie si la question
irrecevable. Si tel est le cas, la juridiction transmet la QPC au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.
Cette juridiction dispose alors d'un délai de 3 mois pour saisir ou pas le Conseil Constitutionnel. => ce
dernier dispose à nouveau d'un délai de 3 mois. S'il déclare la disposition constitutionnelle, elle est
alors abrogée sur le fondement de l'article 62, alinéa 2.
Sursis à
statuer C. cass ou
CE
Rejet
Examen
3 mois 3 conditions
3 mois CC
- Premièrement, il doit s'agir d'une disposition législative, c'est à dire toute disposition de forme
législative votée par le Parlement et promulguée par le président de la République, mais aussi des
lois adoptées avant 1958, loi organique, ordonnance ratifiée par le législateur, loi de pays de la
Nouvelle-Calédonie.
=> ≠ Ce qui exclut certains actes votés par le Parlement : règlements des assemblées, les résolutions
mentionnées aux articles 34-1 et 88-4 de la Constitution, avis prévus à l'article 88-6C, ou bien encore,
les actes réglementaires du gouvernement, dont les décrets, lois antérieurs à l'entrée en vigueur de
la Constitution de 1958, non ratifiés ou simplement repris ou visés dans une loi.
- Deuxièmement, il faut qu'il y ait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit . Les
normes invocables correspondent à l'ensemble des droits et libertés en vertu desquels le Conseil
constitutionnel assure le contrôle de constitutionnalité a priori des lois, le bloc de constitutionnalité.
Pour être renvoyée au Conseil constitutionnel, la QPC doit passer un double filtre. D'abord l'examen
de la QPC par les juges du fond, puis le filtrage par les juridictions souveraines ou suprêmes : Conseil
d'État et Cour de cassation.
Première étape.
La juridiction devant laquelle une QPC est soulevée statue sans délai et par une décision motivée sur
sa transmission au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Précisément, elle vérifie que 3 conditions
sont remplies :
- Secundo, cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution ou dans les motifs
ou dans les dispositifs d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des
circonstances.
Si la juridiction du fond estime que ces conditions sont remplies, elle transmet la QPC à la juridiction
souveraine et doit en principe surseoir à statuer sur le litige principal. ≠ Si, au contraire, les conditions
ne sont pas satisfaites, la juridiction du fond tranche le litige sans transmettre la QPC.
La décision de ne pas transmettre la QPC peut être contestée par le justiciable à l'occasion de l'appel
ou du pourvoi en cassation exercées contre la décision rendue par le juge du fond sur le litige
principal.
Le Conseil d'État comme la Cour de cassation dispose d'un délai de 3 mois pour se prononcer sur le
renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel. À défaut, au-delà des 3 mois donc, ce dernier est
automatiquement saisi de la question.
- Que la disposition législative dans la constitutionnalité est contestée, est applicable au litige, à la
procédure ou constitue le fondement des poursuites, et cette condition est interprétée de manière
assez libérale.
- 2e condition. Il est vérifié que la disposition législative n'a pas déjà été déclarée conforme à la
Constitution dans les motifs, les dispositifs d'une décision du Conseil, sauf changement de
circonstances.
- 3e condition. La question doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux.
-
=> Alors là, il y a une différence d'intensité dans le contrôle qu'exercent les juges du fond et les
juridictions souveraines.
= Le Conseil d'État considère notamment que la question soulevée est nouvelle, conditions qui n'est
pas examinée par le juge du fond, lorsque la norme constitutionnelle invoquée n'a fait l'objet
d'aucune application par le Conseil constitutionnel. Tel était le cas par exemple de l'article 66-1 de la
Constitution qui prévoit que nul ne peut être condamné à la peine de mort et qui était invoqué à
l'encontre d'une disposition du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le
CESEDA.
Le Conseil d'État a également admis à ce titre qu'une partie se prévale d'un principe qu'elle qualifie
de principe fondamental reconnu par loi de la République, mais dont le Conseil constitutionnel n'a
jamais eu l'occasion de reconnaître l'existence.
= L'examen du caractère sérieux de la question, critère plus strict que celui applicable devant les
juges du fond, tenant à ce que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux, conduit le juge
a écarté les questions manifestement infondées ou ne laissant aucun doute sur le fait que le Conseil
constitutionnel serait conduit à ne pas censurer la disposition législative sur le fondement des griefs
invoqués.
Le pouvoir d'appréciation laissée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation pour transmettre ou non
une QPC au Conseil constitutionnel n'est pas contraire à la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme, selon l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 17
septembre 2015.
Les rapports entre le droit international et la Constitution sont au cœur de débats, tant politiques que
juridiques.
Les traités ne font en principe pas partie du bloc de constitutionnalité, comme le souligne très
clairement le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 janvier 1975, interruption volontaire de
grossesse « il n'appartient pas au Conseil constitutionnel lorsqu'il est saisi en application de l'article
61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord
international ».
Cette position a été réaffirmée dans la décision du 12 mai 2010, loi relative à l'ouverture à la
concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. « Si les dispositions
de l'article 55C confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent une autorité supérieure
à celle des lois, elles ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe, doive être assuré
dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution » (Ce texte est reproduit dans
votre document de travail).
Par ailleurs, la Constitution comprend une disposition importante pour l'articulation des normes
constitutionnelles et du droit international. = Il s'agit de l'article 54 qui indique « si le Conseil
constitutionnel, saisi par le président de la République, par le Premier ministre, par le président de
l'une ou l'autre assemblée, ou par 60 députés ou 60 sénateurs, a déclaré qu'un engagement
international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou
d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la
Constitution ».
Le Traité ne s'impose donc pas à la Constitution qui demeure la norme suprême . => Si l'on tient à
intégrer le Traité, il faut réviser la Constitution, par exemple le processus de l'intégration européenne
a donné lieu à de nombreuses révisions constitutionnelles, (comme en 1992 avec le traité de
Maastricht.) ≠ Si l'on ne veut pas toucher, pour ainsi dire au texte constitutionnel, le traité n'est pas
intégré (comme lors du rejet par référendum du traité signé à Rome en octobre 2004, le fameux
traité établissant une Constitution pour l'Europe).
Si le Conseil d'État ou la Cour de cassation acceptent, sur le fondement de l'article 55, c'est de faire
prévaloir un engagement international sur une loi, ils estiment, « que la suprématie ainsi conférée
aux engagements internationaux ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de valeur
constitutionnelle. » C'est un arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 30 octobre 1998. Sarran et
Levacher. Puis une décision rendue par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 2 juin 2000,
Mademoiselle Fraysse.
De même, la violation par un traité d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République
permet d'écarter l'application du traité. C'est l'arrêt d'Assemblée du Conseil d'État du 3 juillet 1996,
déjà cité, Kone. Cette dernière décision pouvait être interprétée comme un indice du positionnement
du Conseil d'État quant à l'articulation de la Constitution et des traités. À cette occasion, il a eu
recours à ce que l'on appelle une interprétation neutralisante. = il a exclu une interprétation
potentielle d'un texte international en estimant que celui-ci devait être lu conformément à une
norme constitutionnelle.
Cette prise de position des juridictions souveraines françaises s'appuie sur une lecture logique
- de l’article 54, selon lequel l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international
comportant une clause contraire à la Constitution ne peut intervenir qu’après une révision de la
Constitution, peut donc refuser de réviser la C.
- article 55 de la Constitution, aux termes duquel donc, les traités intégrés dans l'ordre interne ont
une autorité supérieure à celle des lois.
Par cet arrêt fondateur, l'arrêt Costa contre Enel de 1964, la Cour de justice des Communautés
européennes, puisque tel était son nom à l'époque, pose le principe de la primauté absolue du droit
de l'Union, y compris sur les normes constitutionnelles, comme l'indique à nouveau l'arrêt de cette
même Cour du 11 janvier 2000 Tanja Kreil.
=> Ce principe de primauté implique que les actes et les règles du droit national ne peuvent
contredire les règles du droit européen. En cas de conflit, les règles nationales cèdent devant les
normes européennes qui doivent être respectées.
=> L'application de ce principe peut ainsi conduire à écarter une norme nationale au profit d'une
norme du droit de l'Union européenne. Le caractère souverain des constitutions nationales se
trouverait cantonné aux questions ne relevant pas du champ d'application du droit de l'Union.
La primauté absolue des traités, le droit primaire, mais également de l'ensemble du droit dérivé sur
tous les textes internes, y compris de nature constitutionnelle, était clairement posée par l'article 1-6
du traité établissant une Constitution pour l'Europe « La Constitution et le droit adoptés par les
institutions de l'Union dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, prime le droit
des États membres. »
Cette stipulation, objet parmi d'autres de crispation, notamment du Royaume-Uni, ne figure pas dans
le texte proprement dit du traité de Lisbonne signé en 2009 dans une pièce annexée, la déclaration
17, complétée par un avis du service juridique du 22 juin 2007 qui reprend le principe de primauté tel
que posé par l'arrêt Costa.
Le texte de la déclaration numéro 17 est peu équivoque, « La Conférence rappelle que, selon une
jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne non plus donc CJCE depuis le
traité de Lisbonne, les Traités, le droit adopté par l'Union sur la base des Traités priment le droit des
États membres. »
Certes, la Constitution française consacre une place à part au droit de l'Union européenne. Depuis
1992, son article 88-1 affirme que « La République participe à l'Union européenne constituée d'Etats
qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur
l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du
traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 », c'est à dire dans les conditions fixées par les Traités
constitutifs de Rome et de Maastricht.
La décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour
l'Europe, reproduit dans votre document de travail, a précisé la position des juges français. Comme la
Cour de justice, le Conseil constitutionnel pose le principe de l'existence d'un ordre juridique
communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international.
=> Ainsi, le principe de primauté posé par l'article 1-6, devenue la déclaration 17 est neutralisé par
l'article 1-5 selon lequel l'Union respecte l'identité nationale des États membres, inhérente à leurs
structures fondamentales, politiques et constitutionnelles.
Enfin, pour le Conseil, étudiant, le texte de nouveau traité, au-delà des apparences du titre, donner la
dénomination de traité établissant une Constitution pour l'Europe est sans incidence sur l'existence
de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne. Sa nature reste
purement conventionnelle. Le texte conserve le caractère d'un traité international souscrit par les
États signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne.
⇨ Il doit donc être intégré en droit interne, comme tous les traités internationaux.
Il en résulte que l'article 1-6 ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui
était antérieurement la sienne. Le nouveau traité ne modifie ni la nature de l'Union européenne, ni la
portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte, ainsi que l'a jugé le Conseil
constitutionnel par ses décisions susvisées, de l'article 88-1 de la Constitution.
Le Conseil constitutionnel rejoint ainsi le Conseil d'État pour qui le principe de primauté ne saurait
conduire dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution, selon un arrêt du
3 décembre 2001 syndicat national de l'industrie pharmaceutique, reproduit dans le document de
travail.
Enfin, le Conseil constitutionnel définit lui-même ce qu'il entend par l'identité nationale de la France,
notion que la construction communautaire ne peut remettre en cause. Décision du 30 mars 2006, loi
pour l'égalité des chances.
Les juges de la Cour de justice de l'Union européenne CJUE reconnaissent la légitimité de cette prise
de position. Cf. article d'un conseiller référendaire à la Cour de justice, De l'utilité du principe de
Généralement, les normes structurelles qui organisent les institutions n'entrent pas en conflit.
Cependant, les droits fondamentaux se trouvent actuellement garantis au rang le plus élevé de
chaque système juridique, par des textes différents : la Constitution, la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme, le droit de l'Union.
Les protections accordées sont dans l'ensemble comparables et ne soulèvent que de simples
problèmes de répartition des compétences. Mais certains litiges mettent ces textes en situation de
concurrence, alors que les différentes normes édictées ne s’ordonnent pas d'une façon hiérarchique.
La sécurité juridique en souffre, mais il faut désormais tenir compte de ce pluralisme juridique et
développer des mécanismes de convergence.
Dans cette dernière hypothèse, c'est à dire celle où est soulevée devant le juge ordinaire, à la fois une
question de constitutionnalité et une question de conventionnalité, le Conseil constitutionnel devra
être saisi pour se prononcer en premier sur la question de constitutionnalité.
⇨ Le juge ordinaire se prononcera ensuite sur la question de conventionnalité.
Cette procédure a été posée par le Conseil constitutionnel dans la décision du 12 mai 2010, Loi
relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en
ligne, reproduite dans votre document de travail.
Contrairement à la première lecture faite par la Cour de cassation le 16 avril 2010 dans l'affaire Melki
et Abdeli, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il n'exerce que le contrôle de constitutionnalité, le
contrôle de conventionnalité revenant au juge judiciaire et administratif.
Ainsi, après avoir rappelé qu'en application de l'article 55 de la Constitution, les traités, sous réserve
de respecter les conditions posées, ont une autorité supérieure à celle des lois, il souligne que ces
Il précise ensuite les pouvoirs dont continuent de disposer le juge qui a transmis la QPC. Dans le délai
très court imparti au Conseil constitutionnel pour se prononcer, il peut :
- prendre des mesures provisoires ou conservatoires nécessaires
- suspendre tout effet de la loi contestée,
- saisir la Cour de justice de l'Union européenne d’une question préjudicielle, le tout permettant
l'application immédiate du droit de l'Union en cas de besoin.
Enfin, l'obligation de transposition des directives ne peut être invoquée dans le cadre de la QPC.
Finalement, cette position du Conseil constitutionnel était reprise non seulement par les juges
administratifs avec l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 14 mai 2010, RuJovic, mais également par la
Cour de justice avec la décision du 22 juin 2010, Melki.
Alors que la déclaration d’inconventionnalité conduit le juge a simplement écarter l'application de la
loi au litige dont il s'agit, une déclaration d'inconstitutionnalité prononcée par le Conseil
constitutionnel entraîne l'abrogation de la loi, comme nous l'avons vu.
Le justiciable obtiendra satisfaction dans un délai d'environ un an en première instance, sans que la
question de la validité de la disposition législative puisse faire l'objet d'un nouveau débat, que ce soit
en appel ou en cassation, voire même devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Sur un plan strictement procédural, il est logique que les moyens aux effets potentiellement les plus
radicaux soient privilégiés. Si tel n'avait pas été le cas, les juges plus familiers des questions
conventionnelles que constitutionnelles, et invoquant une identité parfois apparente entre les 2
types de normes auraient sans doute eu tendance à privilégier la voie de la conventionnalité, faisant
ainsi échouer la réforme.
Dès lors, les droits et libertés seront d'abord défendus dans l'ordre interne et ce n'est que dans
l'hypothèse où cette protection s’avèrerait insuffisante au regard des normes conventionnelles que la
question serait à nouveau posée dans ce cadre, sous réserve toutefois des dispositions inhérentes à
l'identité constitutionnelle de la France.
La priorité procédurale aménagée pour la question de constitutionnalité, confère tout son sens à
l'expression question prioritaire de constitutionnalité.
Mais cette répartition des compétences entre les différents ordres juridictionnels internes et
internationaux n'englobe pas la totalité des situations.
Et c'est pour cela qu'il convient d'aborder dans un 2nd point : la notion d'équivalence des
protections.
Un conflit se présentera également devant le juge national lors d'un contrôle d'un acte national, loi
ou décret transposant des dispositions claires et inconditionnelles d'une directive de l'Union.
En réalité, derrière l'apparence d'un contrôle d'un texte interne, c'est un contrôle de la directive elle-
même qui est exercé. Or, ne serait-ce que pour juger de sa compétence, le juge doit préciser quel
contrôle il exercera.
Par exemple, lorsqu'un demandeur invoque l'absence de conformité d'une directive au droit
constitutionnel au droit primaire de l'Union, le juge va-t-il procéder à un contrôle de
constitutionnalité de la directive ou un contrôle de conformité de la directive au droit de l'Union ?
=> Il faut donc choisir entre les différentes normes fondamentales, celle que le juge utilisera comme
norme de référence.
Fruit d'un dialogue entre les juges européens et les cours suprêmes des autres États membres,
particulièrement allemandes et italiennes, les juges français ont façonné une voie d'harmonisation.
Cette résolution repose sur quelques grandes tendances dans le contexte européen.
Définir une méthode à suivre et les objectifs au lieu d'une hiérarchie entre les normes
fondamentales, admettre l'équivalence de protection entre les différents niveaux, et au nom de cette
équivalence, accepter de faire des transferts de contrôle d'une règle de référence à une autre.
Ainsi, le juge ne fait pas primer une norme sur une autre, mais oriente la norme objet de contrôle
vers la norme de référence adéquate.
• Premier temps : pour sortir de l'opposition frontale, le Conseil constitutionnel, à compter de 2004,
va forger un statut constitutionnel du droit dérivé.
Il va d'abord trouver un fondement autonome au droit de l'Union. Alors que le droit international
relève de l'article 55 de la Constitution, le droit de l'Union va-t'en être extirpé pour être rangé sous
l'article 88-1C, non sans une certaine audace puisque cet article avait été interprété jusque-là comme
dépourvu de toute portée normative. L'article 88-1 va désormais servir de fondement à l'obligation
constitutionnelle de transposition des directives à compter de la décision du 10 juin 2004, loi pour la
confiance dans l'économie numérique que nous retrouverons à la leçon 3.
La méthode employée par le Conseil d'État consiste à distribuer les situations entre celles qui seront
contrôlées au regard du droit primaire de l'Union et celles qui seront soumises au seul droit
constitutionnel le clivage se faisant autour de la notion d'équivalence de protection.
Concrètement, le juge compare la protection accordée par le principe constitutionnel atteint par la
directive et la protection accordée par le principe européen équivalent.
+ Le droit de l'Union est également préservé. Quand 2 normes de référence sont en concurrence
mais équivalentes, le droit de l'Union bénéficie d'une priorité d'application.
• 3e temps. La Cour de justice de l'Union a entrepris de pallier le silence des textes institutionnels de
l'Union qui n'assuraient aucune protection aux droits fondamentaux.
Les droits fondamentaux reconnus par l'Union ont donc une double origine :
- Les droits résultant des traditions constitutionnelles des États membres et
- la Convention, les principes généraux du droit communautaire servant de passage des droits de la
Convention européenne des droits de l'homme vers l'ordre de l'Union.
Pour consolider cette cohabitation entre les 2 Europe des droits fondamentaux, l'Union peut adhérer
à la Convention. Les discussions sont toujours en cours à l'automne 2021.
P21_Introduction
Longtemps, les traités n'ont représenté qu'une légalité internationale indépendante de la légalité
nationale. S'imposant dans les rapports entre États, ils étaient exclus de ceux que ces derniers
pouvaient entretenir avec leurs ressortissants.
Par exemple, les normes édictées par les conventions internationales : traités, accords, intervenus
entre la France et les États étrangers avaient force obligatoire, à l'égard notamment de l'État français.
La méconnaissance par l'administration ou le législateur des stipulations était considérée comme
n'intéressant que les relations diplomatiques de l'État français, auquel les autres parties pouvaient
adresser des réclamations et demander réparation.
C'était une affaire entre gouvernements et une question de responsabilité internationale de l'État.
Un administré un citoyen, n'était pas admis à demander au juge l'annulation d'un acte administratif
contraire à un engagement international.
Dans l'ordre interne tout d'abord, la souveraineté renvoie à la maîtrise par l'État de ses compétences.
Le juriste médiéval Jean Bodin, qui recourt à cette notion pour définir celle de République l'exprime
en ces termes : « la res publica est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est
commun avec puissance souveraine, la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une
République. »
La République est donc une communauté qui transcende ses composantes, car seule, elle dispose
d'un pouvoir de contrainte et de sanction suprême qui exprime la notion de puissance souveraine. La
souveraineté est ainsi la qualité d'un être qui n'a pas de supérieur, selon la formule du professeur
Michel Troper.
La traduction juridique de cette conception de la souveraineté est la maîtrise par l'État de ses propres
compétences et l'indivisibilité du pouvoir normatif. Nul autre entité ne saurait, de façon générale et
permanente, exercer un tel pouvoir sur le territoire national. La souveraineté ne se partage pas. Elle
s'exprime par l'exercice du pouvoir constituant plupart, puis par celui du pouvoir normatif de droit
commun exercé par le peuple, directement ou par l'intermédiaire de ses représentants.
Dans l'ordre international ensuite, la souveraineté de l'État exprime l'idée selon laquelle il ne saurait
être lié sans son consentement. La souveraineté est ici l'indépendance.
Certes, l'article 23 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 oblige les États à respecter les traités
qui les lient, notamment à les faire appliquer par les pouvoirs internes. Selon le vieil adage pacta sunt
servanda. Sa méconnaissance peut être sanctionnée par l'engagement de la responsabilité
internationale de l'État.
Mais le droit international ne règle pas les relations entre droit interne et international, car il revient
à chaque État de déterminer les modalités d'introduction du droit international en droit interne.
Les modalités et le degré de pénétration du droit international en droit interne relève des seuls États,
et 2 conceptions existent :
- Le dualisme, qui établit une stricte séparation entre les 2 ordres juridiques juxtaposés donc.
Dans le système dualiste, le droit international ne produit des effets en droit interne qu’à partir du
moment où il est nationalisé, c'est à dire réceptionné en droit interne, les normes nationales
reprenant le contenu des normes internationales.
Cette importante querelle juridique renvoie à une querelle politique qui opposent les partisans de
l'indépendance nationale et de la souveraineté de l'État / à ceux qui défendent la thèse de la
supranationalité.
Dans le système moniste, il existe une continuité entre le droit interne et le droit international qui
produit ses effets directement.
On distingue :
- Le monisme à primauté du droit international dans lequel les 2 ordres ne font qu'un, les traités,
l'emportant toujours sur les règles internes
- et le monisme à primauté de droit interne qui établit une procédure particulière de réception du
droit international en droit interne, ce dernier primant, en principe.
Si cette question prête encore à débat, la France peut être envisagée comme un pays moniste à
primauté de droit interne. En présence de 2 normes, une interne à une internationale, la 2nde
l'emporte quand elle a été régulièrement réceptionnée dans l'ordre juridique interne. C'est ce
qu’indique clairement l'article 55 de la Constitution reproduit dans le document de travail : « Les
traités ou accords régulièrement ratifiés où approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité de son application par l'autre
partie. »
Cette formulation de l'article 55C remplace celle du préambule de la Constitution de 1946, dont
l'alinéa 1 affirmait « La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit
public international » et l'alinéa 15, « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations
de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix. »
Elle remplace également les dispositions des articles 26 à 28 de la Constitution de 1946 qui donnaient
force de loi aux traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés, réservant le cas de certains
traités qui devaient, eux, avoir été au préalable expressément ratifiés par une loi.
Il est devenu usuel que les juridictions administratives ou judiciaires se prononcent sur la base de
normes de droit international et il n'y a rien d'insolite que des actes administratifs soient annulés
depuis l'arrêt Kirkwood du Conseil d'État en Assemblée 30 mai 1952 rendu donc sous l'empire de la
Constitution de 1946.
Le changement provoqué par les Constitutions de 1946 et 1958 a été d'autant plus important que les
conventions internationales se sont multipliées.
Certains traités déterminent directement le comportement des États envers leurs ressortissants, et
même plus largement envers toute personne se trouvant sur leur territoire.
D'autres traités, créent des institutions investies du pouvoir de contrôler leur application par les
États, voire même du pouvoir de créer des normes directement applicables.
Même s'il est composé de règles hétérogènes, dont la portée juridique est soumise à controverse, il
irrigue actuellement l'ensemble des branches du droit et sa place déterminante parmi les sources du
droit administratif, implique de connaître avec précision les normes applicables, leur mode
d'intégration dans le droit interne ainsi que les modalités de ce nouveau contrôle de
conventionnalité, ce qui explique les 3 premières sections de ce chapitre.
Une dernière et 4e section sera consacrée, enfin, au cas particulier du droit dérivé de l'Union
européenne.
La nature des normes internationales qui s'imposent au pouvoir administratif n'a cessé de se
diversifier. Multilatérales, bilatérales, ce sont des conventions initiales, comme par exemple le traité
instituant la Communauté européenne Rome 1957 ou l'Union européenne Maastricht, 1992 ou des
actes de droit dérivé, c'est-à-dire des actes pris par des organismes internationaux sur la base des
pouvoirs conférés par les textes constitutifs. Par exemple, bien sûr, les directives du droit de l'Union
européenne.
Ces actes peuvent ne contenir que des recommandations sans grande portée contraignante et ne
posséder que peu d'effet direct ou au contraire, avoir un effet normatif.
Le droit international comprend également des règles d'origine non écrites, non conventionnelles.
Du fait, tant de la codification entreprise sous l'égide de la Cour internationale de justice, que du
développement des conventions internationales, la coutume occupe en droit international une place
Ainsi, l'invocation de la coutume en droit français est-elle peu fréquente toutefois au fil du temps,
elle a acquis un statut juridique en droit interne.
Si en droit international, la coutume a la même autorité que les traités, il en va différemment en droit
interne.
Depuis la décision Aquarone rendue par le Conseil d'État en Assemblée le 6 juin 1997, le Conseil
d'État juge que “ni l'article 55 de la Constitution de 1958 ni aucune autre disposition constitutionnelle
ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi
en cas de conflit entre ces 2 normes.”
Aussi, pour appliquer une règle coutumière, le juge vérifie-t-il en premier lieu si celle-ci n'est écartée
par aucune disposition législative, par exemple dans l'arrêt du Conseil d'État rendu le 14 octobre
2011. Madame Sallé, à propos de la règle coutumière d'immunité d'exécution des États.
Devant le juge administratif, la coutume internationale s'impose aux actes administratifs, mais ne
prévaut pas sur la loi.
Pour sa part, le Conseil constitutionnel a pris une position légèrement différente en se référant
plusieurs fois à une règle coutumière. Il l'a fait en particulier pour la règle pacta sunt servanda
- décision du 9 avril et du 2 septembre 1992 relative au traité de Maastricht,
- décision du 20 avril 93 relative au code de la nationalité,
- du 22 juillet 99 sur le statut de la Cour pénale internationale,
- du 2 août 2012 relative au traité sur la stabilité au sein de l'Union économique et monétaire
- ou encore pour la règle coutumière du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes avec la décision
du 30 décembre 1975 relative à la loi sur les conséquences de l’auto-détermination des îles des
Comores.
Pour conclure, on peut dire que le droit coutumier international produit des effets en droit interne,
même si sa place dans la hiérarchie des normes n'est pas parfaitement claire.
Le droit de l'Union européenne, que l'on appelait auparavant droit communautaire, regroupe un
ensemble de normes qui n'ont pas toutes la même valeur juridique et qui sont ainsi hiérarchisées
entre elles.
A. Le Droit Primaire
Il s'agit du droit des traités : traité de Paris, traité de Rome de l'Acte unique européen de Maastricht,
d'Amsterdam, de Nice et de Lisbonne, et les actes assimilés, protocoles et conventions, annexés aux
traités.
Ce droit initial doit respecter toutes les conditions de réception prévues par la Constitution, telles
qu'elles seront examinées dans la section II, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa
décision 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe,
reproduite dans votre document de travail. Font également partie de ce droit primaire les traités
d’adhésion.
Tous ces instruments, tous ces traités, sont au sommet de la hiérarchie des normes de l'Union
européenne.
Les traités étant muets sur ce point, c'est en grande partie la jurisprudence de la Cour de justice de
l'Union européenne (ou CJUE) qui a remplacé la CJCE (Cour de justice des Communautés
européennes) qui s'est chargée d'assurer la protection des droits fondamentaux et des principes
La Cour a ainsi élevé un certain nombre de droits et de libertés au rang de droits fondamentaux de
l'Union européenne. Par exemple : le droit de propriété, la liberté d'exercer une activité
professionnelle, l'inviolabilité du domicile, la liberté d'opinion, protection de la famille, protection de
la vie privée, liberté de religion et de croyance, égalité de traitement, pour ne citer que ces exemples.
Parmi les principes généraux du droit de l'Union : on trouve notamment l'État de droit, le principe de
sécurité juridique, le principe de non-discrimination, droit à un procès équitable, l'interdiction de la
double sanction, non-rétroactivité des dispositions pénales, principe de solidarité entre les États
membres.
La Cour de justice leur reconnaît une valeur supérieure au droit européen dérivé et ils s'imposent lors
de la rédaction des textes du droit de l'Union.
Je vous renvoie pour cela, la décision du Conseil d'État du 10 avril 2008 Conseil national des barreaux,
reproduite dans le document de travail.
Plus récemment, le Conseil d'État a même jugé que ce que ces principes s'imposaient au législateur:
leur violation pouvant engager la responsabilité de l'État législateur cela par une décision du 23 juillet
2014. Société d'édition et de protection Route ou SEPR.
Enfin, proclamée une première fois à Nice, le 7 décembre 2000, puis officiellement adoptée dans sa
version définitive par les présidents de la Commission européenne, du Parlement européen, et du
Conseil de l'Union le 12 décembre 2017, la Charte des droits fondamentaux a acquis une valeur
juridique contraignante avec le traité de Lisbonne. L'article 6 du traité sur l'Union européenne TUE
prévoit en effet en son premier paragraphe que cette Charte a la même valeur juridique que les
traités, sans pour autant intégrer son texte au sein même des traités.
Le Conseil d'État a admis la supériorité des principes généraux du droit de l'Union sur la loi nationale,
et ce, depuis l'arrêt du 3 décembre 2001. Syndicat national de l'industrie pharmaceutique reproduit
dans votre document de travail.
C. Le droit dérivé
Le droit dérivé est essentiellement constitué par les actes juridiques pris par les institutions
européennes, en application des traités, tout particulièrement par la Commission et le Conseil des
ministres, dans les domaines de compétence de l'Union européenne.
La diversité de ses actes est très grande et leur portée juridique peut être variée.
Les actes contraignants créent une obligation juridique pour tous les destinataires. Ce sont les
règlements, les décisions et les directives de l'Union.
- Le règlement européen : obligatoire dans tous ses éléments est directement applicable dans les
États membres, sans mesure de réception, mise en œuvre de modalités d'exécution.
Il produit des effets immédiats et accorde aux particuliers des droits que les juridictions nationales
ont l'obligation de protéger.
Visant à assurer l'application uniforme du droit de l'Union dans tous les États membres, il a pour
conséquence de rendre inapplicables les réglementations nationales incompatibles avec les clauses
matérielles qu'il contient. Les dispositions législatives et administratives en vigueur dans les États
membres ne sont licites que si le règlement le prévoit ou que son application efficace l'exige.
Le règlement fixe un objectif et les moyens pour l'atteindre. Par exemple, dans le domaine de la
politique agricole commune, la PAC.
- La décision européenne : permet de réglementer les situations particulières. Elle n'oblige que les
destinataires qu'elle désigne expressément, États membres, entreprises ou particuliers.
Ces mesures individuelles s'imposent directement en droit interne, comme les directives. Les
décisions peuvent comporter l'obligation pour un État membre de faire bénéficier les citoyens d'une
position juridique plus favorable. Dans ce cas, le particulier ne peut faire valoir ses droits que si l'État
membre en cause a pris un acte de transposition.
Mais les décisions peuvent être directement applicables dans les mêmes conditions que les
dispositions d'une directive, par exemple en matière de concurrence, la Commission européenne
peut autoriser ou interdire une opération de concentration entre des entreprises d'un ou de
plusieurs États membres.
- La directive européenne : En fait, les directives sont des actes hybrides. Obligatoire dans leur but,
elles lient tout État membre, quant au résultat à atteindre. Elle laisse le plus souvent, pas toujours les
autorités nationales, seules, compétentes pour décider de la forme à donner à cette exécution et
pour fixer elles-mêmes les moyens propres à leur faire produire des effets en droit interne, en tenant
compte des spécificités nationales.
Pour produire des effets en droit interne, la directive doit être transposée par un acte national de
transposition dans le respect d'un délai dont elle fixe la date butoir.
La directive est utilisée pour harmoniser les législations nationales, notamment pour la réalisation du
marché unique, par exemple : les normes relatives à la sécurité des produits.
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Cette catégorie d'actes a suscité un important contentieux devant le juge administratif que nous
étudierons dans la section 4, car il faut bien comprendre que toutes les directives ne sont pas
forcément obligatoires uniquement dans leur but. Elles peuvent contenir des décisions précises et
inconditionnelles.
Les actes non contraignants ne créent pas d'obligation juridique. Ces résolutions, déclarations,
accords, recommandations, déclarations, conclusions, codes de bonne conduite, actions ou positions
communes ont essentiellement une valeur politique.
Ils sont appelés actes préparatoires puisque adoptés en amont du processus de décision.
Le Parlement européen adopte des rapports sur des points d'actualité ainsi que des résolutions et
avis qui expriment son point de vue. Le Comité économique et social et le Comité des régions
adoptent des avis consultatifs, tantôt obligatoires, tantôt facultatifs.
Pour produire des effets dans l'ordre interne, les normes internationales sont soumises à certaines
conditions, elles doivent être intégrées.
Pourtant, même dans ce domaine, on assiste à un recul de la notion d'acte de gouvernement par le
biais d'une analyse très fine des actes par le juge administratif.
Je vous renvoie par exemple à la décision d'Assemblée rendue par le Conseil d'État le 21 décembre
1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques, reproduites dans le document
de travail.
Et le juge interprète également les normes ainsi intégrées.
L'article 55C pose clairement les trois conditions nécessaires pour qu'un traité ou une convention soit
considéré comme intégré en droit interne :
A) La ratification
Pour exister en droit interne, les traités et accords internationaux doivent avoir été ratifiés par le
Président de la République, article 52C et le cas échéant, approuvé par arrêté du Ministre des Affaires
étrangères.
Le décret de publication introduisant le traité dans l'ordre interne est une décision administrative
dont le juge peut examiner la régularité constitutionnelle.
Par exemple, décision d'Assemblée du 18 décembre 1998 SARL du Parc d'activités de Blotzheim ,
reproduite dans votre document de travail.
Ce contrôle peut également s'exercer à l'occasion d'un litige mettant en cause l'application d'un traité
par l'administration, c'est à dire par voie d'exception, à nouveau décision d'Assemblée, mais là, du 5
mars 2003, Monsieur Aggoun. (Un recours par voie d'exception est un recours défensif, au cours
d'une procédure, par lequel l'une des parties conteste la constitutionnalité, la conventionnalité, la
légalité ou la validité d'une loi, d'un règlement ou d'un contrat dont elle souhaite écarter les
conséquences juridiques à son égard)
Alors je cite cet article 53C, également reproduit dans le document de travail :
“les traités de paix, traités de commerce, traités ou accords relatifs à l'Organisation internationale,
ceux qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative,
ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange où adjonction de
territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Ils ne prennent effet qu’après
avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable
sans le consentement des populations intéressées”.
Deuxième condition après la ratification, la publication.
B) La publication.
Un traité non publié n'est pas susceptible de produire des effets de droit en France. Et la date de
publication est celle de son entrée en vigueur en droit interne.
Pour être régulière, la publication doit être faite au Journal officiel de la République française, voire à
celui des Communautés européennes.
C) La réciprocité.
Longtemps, le ministre des Affaires étrangères était seul compétent pour apprécier les conditions
dans lequel le traité était appliqué par un autre État.
Par un arrêt du 13 février 2003, Madame Chevrol c/ France, la Cour européenne des droits de
l'homme, tout en reconnaissant que le recours au ministre des Affaires étrangères était légitime, a
estimé que le juge ne pouvait s'estimer lié par l'avis ministériel.
Le requérant doit pouvoir répondre aux observations du ministre et le juge doit trancher, seule
attitude compatible avec la notion de droit à un procès équitable posé par l'article 6-1 de la
Convention européenne.
Ainsi, le juge soumet au débat contradictoire les observations ministérielles, et tranche in fine, la
question de l'application du traité par l'autre État. Je vous renvoie à la décision d'Assemblée du 9
juillet 2010, Madame Cheriet-Benseghir, elle aussi reproduite dans le document de travail.
La réserve de réciprocité n'a toutefois pas lieu de s'appliquer pour les conventions à caractère
humanitaire et pour toutes celles qui sont destinées à protéger les droits fondamentaux appartenant
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à toute personne humaine, selon la formule utilisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision
numéro 98-408 DC du 22 janvier 1999, traité portant statut de la Cour pénale internationale.
Il en est de même pour les conventions conclues sous l'égide de l'Organisation internationale du
travail OIT.
Depuis un arrêt GISTI rendu en Assemblée le 29 juin 1990, le juge administratif s'estime compétent
pour le faire.
L'interprétation du ministère des Affaires étrangères n'est plus qu'un simple élément soumis à la
discussion contradictoire des parties et ne lie pas le juge, tout comme le contrôle de la réciprocité.
L'interprétation du droit primaire de l'Union relève de la Cour de justice de l'Union, selon l'article 267
du TFUE qui en assure ainsi une application unitaire sur l'ensemble du territoire de l'Union.
Dans une instance en cours devant un juge national, celui-ci sursoit à statuer, et saisit la Cour d'une
question préjudicielle s'il se trouve devant un réel problème d'interprétation, difficulté sérieuse,
comme par exemple dans l'affaire Arcelor que nous allons examiner un peu plus tard.
Dans le cas inverse, le juge national interprétera lui-même le texte. Il en est de même pour le droit
dérivé.
L'évolution de l'État de droit est telle, on estime à plus de 60% la production normative française
soumise au droit de l'Union, que les juges nationaux sont devenus les juges de droit commun du droit
de l'Union.
Toutefois, le juge national ne peut jamais prononcer l'invalidité d'une norme de l'Union, alors même
que les irrégularités seraient évidentes, manifeste. L'interprétation ou l'appréciation de validité du
droit de l'Union retenue par la Cour s'impose aux juridictions nationales. Il appartient au juge qui a
interrogé la Cour de résoudre ensuite le cas d'espèce qui lui était soumis aux vus des interprétations
données par la Cour.
Les conséquences du droit international sur l'action des autorités administratives et son rôle comme
source du droit sont très importants.
Je cite là un passage du manuel “Droit administratif” de Pierre-Laurent Frier et Jacques Petit : “Les
innombrables conventions bilatérales ou multilatérales, les deux blocs constitués d'une part par les
traités relatifs à l'Union européenne depuis le traité de Lisbonne, 1 décembre 2009, traité sur l'Union
européenne TUE et traité sur le fonctionnement de l'Union européenne TFUE, et d'autre part, la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée
dans le cadre du Conseil de l'Europe en 1950, renforcé par l'existence de mécanismes de sanctions
juridictionnelles, les deux Cours, les milliers d'actes du droit dérivé constituent un maillage d'une
densité exceptionnelle. Aucun des secteurs de l'action administrative n'y échappe”.
Une fois le traité régulièrement intégré, le juge examine la régularité des normes internes par
rapport aux textes internationaux, en vérifiant leur compatibilité, c'est à dire leur non-contrariété, si
la norme contrôlée est une loi / ou leur conformité s'il s'agit d'un acte administratif. Ce contrôle,
cependant, ne s'effectue que si le juge estime que le texte international crée des droits et des
obligations à l'égard des particuliers, c'est à dire si celui-ci a un effet direct.
D'où les 2 paragraphes, paragraphe premier : la notion d'effet direct ; paragraphe 2, la sanction de la
violation des normes.
Les conventions internationales ou les actes de droit dérivé peuvent ne contenir que des
recommandations, par exemple, les actes non contraignants pris par les institutions de l'Union
européenne, évoqué un peu plus tôt. Elles n'ont alors pas d'effet juridique ni en droit international, ni
en droit interne, car elles ne s'avèrent pas suffisamment précises pour être applicables.
Dans la plupart des cas, au contraire, les traités engendrent des droits et des obligations pour les
États signataires, mais leur portée contraignante ne concerne que les relations interétatiques.
Ce contrôle s'effectue si le texte dispose d'une portée contraignante et s'il a créé des droits et des
obligations l'égard des particuliers. Le juge examine alors si la stipulation invoquée par le requérant
présente un effet direct.
Les stipulations d'un traité ou d'une convention ne présentent pas tous la même force contraignante.
Il peut même arriver que pour un même texte, une position différente soit adoptée article par article,
comme par exemple pour la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de
l'enfant.
Après avoir sous-tendu la jurisprudence administrative depuis au moins le milieu du 20e siècle, cette
notion d'effet direct a été enfin consacrée, et précisée dans une décision d'assemblée du Conseil
d'État en date du 11 avril 2012 GISTI et FAPIL, reproduite dans le document de travail. D'après cet
arrêt, pour se voir reconnaître un effet direct, la partie du texte examinée doit présenter deux
conditions cumulatives :
- Première condition : le texte ne doit pas avoir pour effet exclusif de régir les relations entre États.
- Seconde condition : il ne doit requérir l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire
des effets à l'égard des particuliers.
En sus de ces critères, l'effet direct se décide eu égard à l'intention exprimée des parties et à
l'économie générale du Traité invoqué ainsi qu'à son contenu et à ces termes, ce qui signifie que la
manière dont la stipulation a été rédigée indique la commune intention des parties. C'est une
référence explicite à la nature essentiellement contractuelle des engagements internationaux.
- La première : la notion d'effet direct n'est pertinente que dans les États monistes puisque dans les
systèmes dualistes, un traité ne peut jamais produire par lui-même sans acte national de
transposition d'effet de droit dans l'ordre interne.
- Deuxième remarque : Les particuliers ne peuvent jamais se prévaloir d'une stipulation dépourvue
d’effet direct alors même que les États parties peuvent invoquer pour leur part devant le juge ces
mêmes stipulations.
Ce contrôle ne peut être un contrôle de constitutionnalité mettant en jeu l'article 54C et relevant de
la seule compétence du Conseil constitutionnel, comme le souligne la décision du 12 mai 2010, Loi
relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en
ligne, que nous avons déjà vu dans la leçon 2.
C'est un contrôle de conventionalité pris en charge par les juridictions administratives ou judiciaires à
l'encontre des décisions administratives et depuis les décisions Jacques Vabre et Nicolo, des lois.
Ce contrôle bien établi peut rencontrer des difficultés inédites quand une norme interne n'est
incompatible avec un engagement international que parce qu'elle a fait application d'un autre
engagement contraire au premier.
=> Il appartient alors au juge, faute de hiérarchie entre traité, de tenter de concilier les normes
internationales opposées. Ainsi, saisi d'un recours contre une décision administrative appliquant les
stipulations inconditionnelles et précises d'un traité que le requérant estime incompatible avec celles
d'un autre accord international, le juge, après avoir vérifié qu'elles sont bien entrées en vigueur dans
l'ordre interne et qu'elles sont invocables devant lui, tente de les concilier. Si cette entreprise
échoue, le juge doit appliquer la norme internationale dans le champ de laquelle la décision
administrative contestée a entendu se placer. Je vous renvoie sur ce point technique dans votre
document de travail, à l'arrêt du Conseil d'État rendu en Assemblée le 23 décembre 2011, Monsieur
Eduardo José Kandyrine.
Nous allons maintenant examiner plus précisément les rapports entre traités et actes administratifs,
puis traités et lois en deux sous paragraphes.
Très vite, le juge a imposé aux autorités administratives de respecter les traités internationaux. Nous
avons déjà évoqué l'arrêt Dame Kirkwood du 30 mai 1952, rendu par le Conseil d'État.
Il lui appartient d'annuler les actes administratifs non conformes au droit conventionnel mais aussi
d’ordonner aux autorités administratives de prendre, dans un délai raisonnable, les mesures
nécessaires au respect des obligations conventionnelles.
Il en découle également que, si une disposition réglementaire prise sous la forme législative est
contraire à une convention internationale, le Premier ministre doit, dans un délai raisonnable,
engager la procédure de déclassement prévu à l'article 37 alinéa 2 de la Constitution. Je vous renvoie
un arrêt du 3 décembre 1999 du Conseil d'État Association ornithologique et Mammalogique de
Saône-et-Loire et rassemblement des opposants à la chasse.
De nos jours, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales induit de nombreuses modifications, par exemple dans le contentieux des étrangers,
De façon cursive et en apparence anodine, l'arrêt Nicolo marque une étape décisive dans la
résolution d'une question difficile qui s'est posée dans de nombreux pays et a reçu des réponses
variées. Je fais ici référence à l'arrêt Nicolo rendu en Assemblée par le Conseil d'État le 20 octobre
1989 et reproduit dans votre document de travail.
En revanche, quand celles-ci étaient postérieure au traité, il estimait devoir respecter la décision du
Parlement. C'est la fameuse jurisprudence Syndicat général des fabricants de semoules de France
rendu par le Conseil d'État le 1 mars 1968.
Cette position avait été fragilisée assez rapidement par les solutions retenues par les autres acteurs
français.
- Le Conseil constitutionnel, par sa décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975, loi relative à l'interruption
volontaire de grossesse, a en effet refusé d'englober, sauf cas exceptionnel, les traités dans les
normes de référence du contrôle de constitutionnalité des lois. Il a plus exactement posé à cette
occasion qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel lorsqu'il est saisi en application de l'article
61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord
international.
Par la suite, il a précisé par une décision du 3 septembre 1986 : “qu'il appartient aux divers organes
de l'État de veiller à l'application des conventions internationales dans le cadre de leurs compétences
respectives”.
Enfin, il s'est reconnu compétent exceptionnellement pour contrôler la conventionalité des lois en
matière électorale. Et ce, par une décision du 21 octobre 1988, Élections législatives du Val-d'Oise.
Il y avait dans ce contexte, selon les mots du commissaire du gouvernement Friedman dans ses
conclusions sur l'arrêt Nicolo, “quelques paradoxes, à voir de simples tribunaux d'instance,
s'affranchir du respect dû à l'autorité législative et contrôler chaque jour la validité des lois qu'ils
auraient dû normalement appliquer alors que le Conseil d'État refusait d'entrer dans une telle
logique par humilité face au législateur”.
En acceptant de faire prévaloir le traité sur la loi postérieure, le Conseil d'État a été conduit à
assumer à son tour des responsabilités nouvelles.
Le statut des traités dans l'ordre interne a été réexaminé et le juge a commencé à contrôler la
régularité de la procédure de leur introduction dans l'ordre interne.
Il s'est demandé si les stipulations conventionnelles étaient bien susceptibles d'être invoquées
devant lui par les particuliers, toute évolution que nous avons déjà examinée supra.
La jurisprudence Nicolo a enfin une portée considérable qu'elle a donné naissance à un contrôle de
conventionalité de la loi.
Celui-ci amène le juge administratif à rechercher plus la simple compatibilité des deux normes entre
elles que la conformité de la loi à la règle internationale. Il interprète la loi interne en évitant à la fois
toute mesure radicalement incompatible avec le droit international et toute solution qui marquerait
une rupture avec le droit national.
Cette notion de contrôle de compatibilité a été reprise par le Conseil constitutionnel dans la décision
du 2 mai 2010, dite “jeux en ligne” où il est clairement question d’un “ moyen tiré du défaut de
compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la
France”.
Lorsque le juge examine la régularité d'un acte administratif conforme à la loi qu’il applique, il
regardera si celle-ci est compatible avec les textes du droit international invoqués par le requérant.
=> En cas de réponse positive, l'acte administratif est régulier, sinon il l'annulera.
Par exemple, dans l'affaire Confédération nationale des associations familiales catholiques de 1990,
saisi d'un recours contre l'arrêté ministériel du 28 décembre 1988, le juge examine en premier lieu
s'il est bien conforme aux articles L162-1 et suivants du code de la santé publique issu des lois du 17
janvier 1975 et du 31 décembre 1979 qu'il applique.
Lorsqu'il reconnaît par contre l'incompatibilité d'une loi avec une norme internationale, le juge
administratif écarte la loi. Cela signifie qu'il la prive de son effet en refusant son application au cas
d'espèce, il ne l'annule pas car il n'en a pas la compétence.
En dehors du litige ayant donné lieu à la saisine du juge administratif, la loi pourra donc continuer à
produire des effets dans l'ordre juridique interne.
=> C'est à dire qu'un particulier qui aurait subi son préjudice du fait de l'application de ces
dispositions, peut en obtenir réparation auprès de l'administration, en engageant la responsabilité
sans faute de l'État.
C'est l'important arrêt Gardedieu rendu en Assemblée le 8 février 2007 et sur lequel nous
reviendrons au semestre 4 dans la leçon sur la responsabilité.
Cette supériorité du traité sur la loi ne vaut pas pour les normes internationales non écrites, telles
que la coutume ou les principes généraux du droit international, comme nous l'avons vu dans la
section 1.
Le contrôle de conventionalité des lois a donc progressivement trouvé sa place en droit français, ce
qui a conduit la Cour de cassation, puis le Conseil d'État à franchir un nouveau pas majeur au cours
de la dernière décennie.
Quelques années après la haute juridiction judiciaire qui a opéré ce changement en 2013, le Conseil
d'État a approfondi les modalités de son contrôle de conventionalité de la loi.
Cette évolution, aux airs de révolution, est survenue avec l'arrêt rendu par le Conseil d'État en
Assemblée le 31 mai 2016 Gonzalez Gomez. On y lit :
“Toutefois, la compatibilité de la loi avec les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines
circonstances particulières, l'application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence
disproportionnée dans les droits garantis par cette Convention.
Il appartient par conséquent au juge d'apprécier concrètement si, au regard des finalités des
dispositions législatives en cause, l'atteinte aux droits et libertés protégés par la Convention qui
Autrement dit, le brevet de conventionalité délivré par le juge administratif à une loi lorsqu'il admet
que celle-ci n'est pas par elle-même incompatible avec le traité, dans le cadre d'un contrôle effectué
conformément à la jurisprudence Nicolo, ne fait pas obstacle à ce qu'il considère cependant que dans
un cas particulier, la loi produise des effets disproportionnés qui rendent son application concrète
incompatible avec les exigences du droit international.
Cette technique de contrôle inspirée des standards exigeants de la Cour européenne des droits de
l'homme, et qui est censée prémunir la France de nouvelles condamnations pour méconnaissance de
la Convention, traduit donc bien en principe un renforcement du contrôle de la loi.
Certes, sa mise en œuvre suscite depuis lors un certain scepticisme chez les observateurs les plus
critiques, qui soulignent qu’à l'inverse de la Cour de cassation, le Conseil d'État peine encore à
déployer un véritable contrôle de proportionnalité qui reposerait sur la prise en considération de
tous les éléments de la situation personnelle du requérant.
Autrement dit, le contrôle de conventionalité, censé être concret, demeurerait paradoxalement assez
abstrait. Le progrès serait ainsi relatif à l'échelle de la jurisprudence administrative, du fait de la
prudence que manifeste en pratique le Conseil d'État dans l'exercice du contrôle.
En tout état de cause, dans le cadre de ce contrôle concret de conventionalité des lois, si le juge
administratif conclut à des effets disproportionnés de l'application de la loi à une situation donnée, la
loi se trouve écartée comme tel est le cas pour le contrôle abstrait, simplement écartée dans le cas
d'espèce et non pas annulée, elle continuera de produire ses effets pour les autres personnes.
Nous en venons maintenant à la dernière section, la section 4, qui traite du cas particulier du droit
dérivé de l'Union européenne.
Le droit de l'Union présente une grande spécificité par rapport au droit international.
Bien que reposant sur la base de traités conclus sous la forme d'accords internationaux, sa primauté
sur l'ordre interne est fondée sur l'objectif des Traités constitutifs de créer une communauté
d'intérêts d'abord économique, puis de plus en plus politique, avec la création de l'Union
européenne.
Alors nous allons examiner dans un premier paragraphe les principes particuliers.
Avec les principes de primauté et d'effet direct, le droit de l'Union s'écarte des positions
traditionnelles du droit international.
Principe fondamental de l'ordre juridique de l'Union depuis l’arrêt Van Gend en Loos rendu par la
Cour de justice le 5 février 1963, l'effet direct permet à certains actes pris par les institutions de
l'Union de s'imposer directement aux citoyens européens sans qu'il soit nécessaire que les États
membres les reprennent dans leurs propres règles nationales.
Ce principe repose sur l'idée que le droit communautaire, devenu le droit de l'Union, engendre non
seulement des obligations pour les Etats, mais aussi des droits pour les particuliers; plus précisément
la nature même et les caractéristiques de ces règles particulières, critères de clarté, de précision, de
plénitude et d'inconditionnalité leur permettant d'avoir un effet direct dans les relations juridiques
entre les États membres et leurs justiciables, et parfois même dans les relations entre particuliers.
Cet effet direct est plus ou moins étendu selon les actes considérés, ainsi, les règlements et les
décisions adressés aux particuliers suffisamment précis sont directement applicables dans l'ordre
juridique interne dès leur parution au Journal officiel des Communautés.
Les directives rappelons-le ne fixent en principe que des objectifs aux États membres qu'ils doivent
atteindre en adoptant dans leur ordre juridique interne les normes nécessaires. Opération désignée
sous le nom de transposition et pour l'accomplissement de laquelle chaque directive fixe un délai.
Elle ne présente d’effets directs que de manière exceptionnelle et limitée, à défaut de mesures
d'application nationales prises dans les délais et si leurs dispositions sont inconditionnelles et
suffisamment claires et précises. C'est l’arrêt Van Duyn arrêt rendu par la Cour de justice le 4
décembre 1974.
Alors premier point, cette transposition est devenue une obligation constitutionnelle en droit interne.
La transposition de la directive ne peut s'effectuer que par le biais d'une loi ou d'un décret. Alors s'il
s'agit d'une loi, la question se pose du contrôle qu'exerce le Conseil constitutionnel.
Seul le Conseil constitutionnel est compétent pour examiner le contenu d'une loi de transposition dès
lors que celle-ci ne se borne pas à tirer les conséquences nécessaires des dispositions
inconditionnelles et précises d'une directive, et ce, depuis la décision donc, du 10 juin 2004, loi
relative à la confiance dans l'économie numérique.
Cette loi avait pour objet de transposer en droit interne la directive dite sur le commerce
électronique ; le Conseil constitutionnel avait été saisi sur la base de l'article 61, alinéa 2 de la
Constitution afin d'effectuer un contrôle de la loi avant sa promulgation.
Alors premièrement, de façon novatrice, en prenant pour fondement l'article 88-1C, alors que le droit
international général relève de l'article 55C, le Conseil constitutionnalise l'appartenance de la France
à l'Union et consacre l'existence d'un ordre juridique interne distinct de l'ordre communautaire de
l'Union.
Je cite, « considérant qu’aux termes de l'article 88-1 de la Constitution, la République participe aux
Communautés européennes et à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement, en
vertu des traités qui les ont institués, exercer en commun certaines de leurs compétences. »
Deuxièmement, sur ce fondement, la transposition des directives n'est plus seulement une obligation
européenne, mais devient également une exigence constitutionnelle, sauf si une disposition express
contraire de la Constitution y fait obstacle.
La portée de cette décision du Conseil constitutionnel de 2004 est beaucoup plus subtile qu'il n'y
paraît.
L'obligation de transposer se fait sous le contrôle du juge constitutionnel qui pose 3 conditions.
2e condition dans la mesure où il ne peut exercer son contrôle que si la loi ne se borne pas à tirer les
conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises, il va examiner au cas par cas,
si tel est le cas.
Cette décision de 2004 est une décision pivot, elle va être confirmée 3 fois le mois suivant, le premier
juillet, avec la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication
audiovisuelle le 9 juillet, avec la loi relative à la bioéthique et le 29 juillet avec la loi relative à la
protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.
Alors 2e point, si la transposition est opérée par décret, la question se pose du contrôle qu'exerce
cette fois le juge administratif.
Depuis 1984, le juge administratif contrôle la compatibilité des actes administratifs réglementaires
avec les objectifs des directives et annule les actes réglementaires qui seraient contraires.
Depuis donc l'arrêt du Conseil d'État du 7 décembre 1984 Fédération française des sociétés de
protection de la nature, il juge que le pouvoir réglementaire ne doit pas prendre les décrets
d'application d’une loi incompatible avec les objectifs d'une directive et doit laisser la loi inappliquée.
Le juge pourra ordonner aux autorités administratives de prendre, dans un délai raisonnable, les
mesures nécessaires permettant de respecter les obligations d'une directive. Pendant la période de
transposition, les autorités nationales doivent s'abstenir de prendre des mesures de nature à
compromettre sérieusement les chances d'atteindre l'objectif visé par la directive (Conseil d'État,
France Nature Environnement),
et à l'issue du délai de transposition, elles doivent abroger les dispositions contraires,(Conseil d'État,
Assemblée 3 février 1989 compagnie Alitalia.)
Cette obligation de compatibilité impose même au Premier ministre de déclasser, selon la procédure
de l'article 37, alinéa 2 de la Constitution, les dispositions réglementaires prises sous la forme
législative et qui s'avèrent contraires aux objectifs d'une directive. (Conseil d'État du 3 décembre 99
Ornithologique Mammalogique de Saône-et-Loire et rassemblement des opposants à la chasse).
Enfin, l'absence de transposition ou mauvaise transposition donne droit aux particuliers de demander
réparation aux États membres des dommages qu'ils ont pu subir, et ce, depuis un nouvel arrêt
d'Assemblée du 28 février 92, société Arizona Tobacco Products et SA Philip Morris France.
Depuis 1990, le juge administratif accepte d'écarter l'application d'une loi contraire à un règlement
européen aux objectifs d'une directive restés non transposés, une fois expiré son délai de
transposition; et là, c'est encore une décision d'assemblée du 28 février 92 SA Rottmann
international, France.
Pendant longtemps, le Conseil d'État a refusé d'examiner le moyen tiré de l'incompatibilité d'un acte
non réglementaire avec une directive. C'était la fameuse jurisprudence d'Assemblée du 22 décembre
78 ministre de l'Intérieur contre Cohn Bendit.
Cette solution de principe reposait sur la définition même de la directive, acte dont seuls les États
membres sont destinataires et dont les effets dans leurs ordres juridiques internes sont subordonnés
à une opération de transposition.
N'ayant aucun effet direct, elle n'est ni invocable par l'État pour l'appliquer directement aux
intéressés, faute de mesures de transposition, ni par un requérant pour obtenir l'annulation de la
décision prise à son encontre.
Cette jurisprudence n'avait que peu de conséquences sur l'application concrète du droit de l'Union.
En effet, la quasi-totalité des actes administratifs non règlementaires trouvent leur fondement dans
une règle de portée générale, lois, règlements ou même principe non écrit dont l'application peut
être écartée en cas d'incompatibilité avec une directive, ce qui prive ainsi ses actes de base légale et
conduit à leur annulation.
C'est ce qui ressort de l'arrêt d'Assemblée du 30 octobre 2009, madame Perreux reproduit dans votre
document de travail. Depuis lors, tout justiciable peut se prévaloir à l'appui d'un recours dirigé contre
un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive
lorsque l'État n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition
nécessaires.
En définitive, le cas des directives a suscité une riche jurisprudence administrative puis
constitutionnelle. Celles-ci traduisent par ailleurs un perfectionnement de la méthode de contrôle
qu'il importe à présent de mettre en lumière.
Le juge administratif français s'assume désormais comme le juge du droit commun, juge de droit
commun d'application du droit de l'Union, selon la formule qui l'a consacré lui-même dans l'arrêt
Madame Perreux et qui fait écho à la jurisprudence de la Cour de justice.
Quant aucune loi ne s'interpose entre la directive et le décret de transposition, et que les dispositions
de la directive sont précises et inconditionnelles, la marge dont dispose théoriquement les États
membres disparaît.
Il lui revient alors de s'assurer de la constitutionnalité des directives à l'occasion de leur transposition
direct par le pouvoir réglementaire. C’est ce qui a été posé par le Conseil d'État à l'occasion de l'arrêt
d'Assemblée du 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine reproduit ainsi que le
communiqué de presse du Conseil d'État dans le document de travail.
Alors, proposons une sorte de grande fiche de lecture sur cette décision fondamentale.
Les sociétés Arcelor et autres demandent alors l'abrogation de l'article premier du décret qui le
applicable aux installations du secteur sidérurgique. Les articles 4 et 5, à titre subsidiaire.
Puis elles présentent une requête tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet opposé à
cette demande d'abrogation.
Elles estiment qu'en rendant applicable ces quotas aux installations du secteur sidérurgique, ce
décret méconnaitrait différents principes à valeur constitutionnelle.
Le contrôle d'un acte réglementaire de transposition d'une directive est lié à la place qu'occupe le
droit dérivé de l'Union. Selon l'article 249 du TCE, les directives lient les États membres quant au
résultat à atteindre. Mais si les autorités nationales sont tenues d'adapter la réglementation, elles
restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à cette exécution et pour fixer les
moyens propres à leur faire produire effet en droit interne.
En l'espèce, le décret d'août 2004 transpose directement et presque mot pour mot la directive
relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, c'est à dire qu'aucune loi
ne s'interpose entre la directive et le décret de transposition. Et contrairement à l'article 249 du TCE,
ces dispositions sont précises et inconditionnelles.
La marge dont dispose théoriquement les États membres disparaît. Le débat contentieux porte sous
couvert de la contestation de la légalité de l'acte de droit interne sur la substance même de l'acte
européen.
Dans cette hypothèse, ne peut être invoquée que la méconnaissance de normes qui sont situées au-
dessus des directives : le droit européen originaire et les principes généraux, peut-être le droit dérivé
des traités, le bloc de constitutionnalité.
- 2e raison, contrairement à la constitutionnalité des traités et des lois, il n'existe pas, dans notre
ordre juridictionnel interne, de juge chargé de s'assurer de la constitutionnalité des directives à
l'occasion de leur transposition directe par le pouvoir réglementaire.
Revient donc au juge administratif d'assurer ce contrôle, comme le Conseil constitutionnel le fait
lorsque la transposition est assurée par le législateur.
S'inspirant de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, nous l'avons déjà cité, décision de
2004, loi relative à la confiance dans l'économie numérique, le Conseil d'État fixe une méthodologie
et indique qu'en pareille hypothèse, le juge doit trancher en 2 temps.
- Premier temps, il recherche, si les principes constitutionnels ont un équivalent dans l'ordre juridique
de l'Union, c'est à dire si le droit ou la liberté en cause est effectivement et efficacement protégé par
le droit primaire de l'Union, traités et principes généraux tels qu’interprétés par la Cour de justice.
Dans l'affirmative, soutenir que le décret est contraire à la Constitution revient à soutenir que la
directive, que le décret ne fait que transposer de manière automatique, est contraire au droit de
l'Union primaire. Le juge procède alors, comme à l'ordinaire en pareil cas. Si les critiques ne mettent
pas sérieusement en cause sa validité, le juge national peut les écarter, s'il existe une difficulté
sérieuse, il doit renvoyer la question à la Cour de justice, qui détient le monopole de l'appréciation de
validité du droit de l'Union. Si la Cour déclare la directive contraire au droit européen primaire, le
juge national en tirer les conséquences en annulant le décret transposant cette directive régulière.
- 2nd temps si le juge national n'identifie pas dans l'ordre juridique de l'Union un principe équivalent
aux principes constitutionnels invoqués par le requérant, parce que ce principe est en réalité
spécifique à la Constitution française, il lui appartient alors d'examiner comme il le fait à l'ordinaire, si
le décret est conforme à ce principe et dans la négative, d'annuler le décret pour inconstitutionnalité.
En l'espèce, le Conseil d'État estime que le principe constitutionnel d'égalité trouve un équivalent
dans le droit de l'Union. Comme la conformité de la directive au principe européen d'égalité posait
une difficulté sérieuse. Il renvoie cette question à la Cour de justice.
Le Conseil d'État a donc, interrogé par la Cour de justice à titre préjudiciel dans les conditions prévues
à l'article 234 du traité, sur la validité, au regard du principe européen, des qualités de la directive
Il estime être devant une difficulté sérieuse. Les industries du plastique et de l'aluminium, dont les
produits partiellement substituables à ceux de la sidérurgie sont placés en concurrence, ne sont pas
assujettis à ce système alors même qu'elles émettent des gaz à effet de serre dont la directive a
entendu limiter l'émission.
Cette différence de traitement même compte tenu de la nécessité d'assurer la mise en place
progressive d'un dispositif d'ensemble, lui semble injustifié.
Le Conseil d'État estime qu'une confiance réciproque doit présider aux relations entre systèmes
nationaux et européens. Quand une méconnaissance des droits et libertés consacrés par la
Constitution française trouve son origine dans un acte de droit de l'Union, et que ces droits sont
également protégés par les Traités et les principes généraux du droit de l'Union, le juge national
laisse le juge de l'Union d’assurer leur respect au niveau européen.
Quand sont en cause des droits libertés spécifiques à la Constitution française, le juge national en
assure lui-même le respect.
L'annulation d'un acte de transposition au regard de ces droits et libertés nationale est un signal fort
adressé aux pouvoirs publics pour engager une procédure de révision de la Constitution ou au
contraire une renégociation de l'acte de droit dérivé.
Le Conseil d'État substitue donc au contrôle de constitutionnalité d'un décret transposant une
directive, un contrôle de conformité de la directive au droit de l'Union par renvoi préjudiciel à la Cour
de justice, à la condition que la règle constitutionnelle invoquée bénéficie d'une protection
équivalente dans le droit de l'Union.
Miroir inversé des décisions 2004-496 DC et 2006-535, 540 et 543 DC du Conseil constitutionnel,
l'arrêt Arcelor tire les conséquences de l'article 88-1C, en procédant à une double translation.
On peut donc dire que cet arrêt insère clairement l'office du juge dans la primauté de l'ordre
juridique de l'Union, sans pour autant sacrifier la position hiérarchique et fondamentale de la
Constitution. Il ne bouleverse pas la hiérarchie des normes, mais répartit les compétences par un
transfert de contrôle de constitutionnalité, selon les termes du commissaire du gouvernement
Mattias Guyomard.
Indiquons, pour terminer ce passage que la Cour de justice, dans une décision du 16 décembre 2008,
société Arcelor Atlantique Lorraine a jugé qu'il n'y avait pas eu violation du principe d'égalité dans
l'affaire portée au contentieux par la société Arcelor relative à la transposition de la directive sur le
système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
P33_Le contrôle du juge administratif entre droit de l’UE et droit européen des droits de l’homme.
L'absence de garanties de protection des droits fondamentaux dans l'ordre de l'Union européenne a
conduit la Cour de justice à affirmer que le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des
principes généraux, dont la Cour de justice assure le respect, et ce depuis 1970, dans une décision
Internationale Handelsgesellschaft. Elle a également précisé les sources des droits garantis, les ordres
nationaux par la consécration des traditions constitutionnelles, et la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le traité de Lisbonne donne la possibilité à l'Union d'adhérer à la Convention européenne des droits
de l'homme, négociation toujours en cours, assez laborieusement, à l'automne 2021.
La qualification des droits de la Convention européenne des droits de l'homme a été reprise par les
juges nationaux, sans qu'ils aient besoin de prendre parti pour l'application d'un droit européen
plutôt que l'autre.
Le Conseil d'État, en revanche, s'est trouvé dans cette position. Et il a étendu en 2008, par son arrêt
de 2008 Conseil national des barreaux, déjà évoqué et reproduit dans le document de travail, le
raisonnement adopté dans l'arrêt Arcelor.
Quand dans un recours mettant en cause un texte national d'application, une disposition du droit
dérivé est contestée au regard de la CEDH, la Convention européenne et non de la Constitution, le
Conseil d'État vérifie si les droits fondamentaux garantis par cette Convention sont protégés, en tant
que principes généraux du droit de l'Union.
Alors comment pourrait-on présenter les problèmes qui se posaient aux juges ?
Juge de droit commun des 2 ordres européens, le Conseil d'État est tenu de veiller au respect des 2,
sans qu'aucun ne soit dans une position privilégiée. Saisi de l'irrégularité de certaines dispositions
réglementaires, le juge administratif peut-il se prononcer sur la conventionnalité de la loi en
application de laquelle a été pris le décret contesté, mais aussi de la directive dont cette même loi
assure la transposition en droit interne. En d'autres termes, le juge administratif peut-il se prononcer
sur la conformité d'une directive à la Convention européenne des droits de l'homme ?
Constatant que les droits garantis par la Convention européenne sont protégés en tant que principes
généraux du droit de l'Union, le Conseil d'État va transformer un conflit entre 2 ordres juridiques
européens, en un conflit interne à l'ordre de l'Union. Le contrôle directive-convention devient un
contrôle directive-droit primaire de l'Union.
- 2e étape, l'articulation directive-Convention européenne des droits de l'homme. « Il résulte tant de
l'article 6, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, que de la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes, notamment de son arrêt du 15 octobre 2002, que, dans
l'ordre juridique communautaire, les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne
sont protégés en tant que principes généraux du droit communautaire ». Il s'impose donc à ce titre
au droit dérivé.
- 3e étape, le juge administratif ne soulève pas de question préjudicielle et ne renvoie pas à la Cour
de justice. Au contraire, il estime qu'il appartient en conséquence au juge administratif, saisi d'un
moyen tiré de la méconnaissance par une directive des stipulations de la Convention européenne, de
rechercher si la directive est compatible avec les droits fondamentaux garantis par ces stipulations. Il
lui revient, en l'absence des difficultés sérieuses d'écarter le moyen invoqué ou, dans le cas contraire,
de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l'article 234
du traité instituant la Communauté européenne.
- 4e étape. « Lorsqu'il est invoqué devant le juge administratif, un moyen tiré de ce qu'une loi
transposant une directive serait elle-même incompatible avec un droit fondamental garanti par la
Convention européenne et protégé en tant que principe général du droit communautaire, il
appartient au juge administratif de s'assurer d'abord que la loi procède à une exacte transposition
Par un nouvel arrêt du 6 décembre 2012 société Air Algérie, le Conseil d'État a précisé comment il
entend contrôler la constitutionnalité et la conventionnalité des actes réglementaires d'application
d'une loi assurant la transposition d'une directive.
Dans la mesure où, en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1C, c'est à dire la QPC, le juge
administratif ne peut examiner la conformité de dispositions législatives à des principes ou à des
dispositions de valeur constitutionnelle, il ne peut pas examiner la constitutionnalité de dispositions
réglementaires se bornant à réitérer des dispositions législatives transposant une directive.
En revanche, il lui appartient de vérifier que les mesures prises pour l'application de la loi de
transposition n’ont pas méconnu des dispositions constitutionnelles. Dans l'hypothèse où une
directive méconnaîtrait un accord international conclu par l'Union, il lui appartient de rechercher si la
directive est compatible avec ses stipulations. Et en l'absence de difficultés sérieuses, il apprécie si
elles sont d'effet direct. S'il estime qu'un doute sérieux affecte la validité de la directive, le juge
administratif évidemment saisit la Cour de justice.
Mais le juge écarte également une loi votée pour contrariété avec le droit dérivé de l'Union, c'est à
dire des actes adoptés par les exécutifs nationaux réunis au sein du Conseil des ministres, voire les
membres nommés de la Commission, le Parlement européen, machines lourdes n’intervenant que de
manière complexe.
Les pouvoirs du Parlement français sont très limités, comme le montre la célèbre affaire des dates
d'ouverture de chasse. Alors que le législateur avait voté en 1994 et à nouveau en 1998, les
dispositions élargissant les périodes de chasse, pour s'affranchir de la directive Oiseaux de 1979, le
Conseil d'État a considéré ces 2 lois incompatibles avec la directive, obligeant le Premier ministre à
utiliser la procédure de l'article 37 alinéa 2, pour, après délégalisation de ces dispositions de nature
réglementaire, les abroger, et contraindre le ministre de l'Environnement à fixer des dates de chasse,
sans tenir compte des lois votées.
Cette soumission du Parlement à des actes de l'exécutif de l'Union pose donc la question du déficit
démocratique de l'Union, ou plus simplement du respect des règles de la démocratie.
La seule réponse pour l'instant apportée à cette question cruciale est l'article 88-4C qui permet
d'informer le Parlement sur les travaux en cours au sein de l'Union. La résolution qu'il adopte ne
bénéficie d'aucune force juridique, elle ne lie ni le gouvernement français, ni a fortiori les instances
européennes.
Or, le fonctionnement des instances européennes est contesté en ce qu'il ne répondrait guère aux
exigences démocratiques. La séparation des pouvoirs par exemple, est mise à mal, le Conseil des
ministres cumulant des fonctions législatives, exécutives et gouvernementales.
Certes, la séparation des pouvoirs n'implique pas une séparation étanche entre les organes et les
fonctions, qui conduirait à ce que chaque fonction soit attribuée à un seul organe. Simplement, un
même organe ne doit pas maîtriser totalement deux fonctions. C'est un système de poids et de
contrepoids, ou d'enchaînement mutuelle des forces, afin d'empêcher l'omnipotence.
À première vue, il existe une division traditionnelle des pouvoirs entre une Assemblée, (le
Parlement), un exécutif, (Conseil des ministres ou Conseil de l'Union) et une Cour de justice, et la
Commission peut voir sa responsabilité engagée devant le Parlement. Mais il faut peut-être se méfier
des apparences, et l'organisation européenne garde une forte originalité. Alors certes, le pouvoir
juridictionnel est bien individualisé. Mais ce n'est que très récemment que le développement
Certains organes peuvent cumuler des fonctions différentes. Le Conseil exerce à la fois les pouvoirs
exécutif et législatif. La Commission cumule l'exclusivité de l'initiative des lois et une fonction
exécutive. Par contre, certaines fonctions, comme le pouvoir législatif, sont partagées entre plusieurs
organes, le Parlement et le Conseil.
À l'évidence, il n'existe pas dans l'Union de séparation tranchée des pouvoirs, mais aucun pouvoir ne
maîtrise totalement deux fonctions. La prééminence du Conseil, qui cumule les fonctions législatives,
exécutives et gouvernementales, montre bien le caractère hybride de cette organisation.
Si les évolutions du droit international et européen ont pu amener certains juristes à s'interroger sur
la pertinence de la pyramide des normes, telle qu'elle a été posée par Hans Kelsen dans son ouvrage
La théorie pure du droit, celle-ci reste toutefois très opérante en droit interne.
La loi garde sa place au sommet sous la Constitution, et les règlements administratifs constituent une
source subordonnée, qu'il s'agisse des règlements dit d'application de la loi ou des règlements dits
autonomes.
Longtemps, le Parlement est peu intervenu en matière administrative. Il n'apparaissait pas utile de
rédiger un code administratif à l'instar du code civil.
En l'absence de texte précisant principes et notions, le rôle du juge a été déterminant et en ce sens,
l'on peut dire, selon la formule de René Chapus, que d'un point de vue historique, le droit
administratif a été fondamentalement jurisprudentiel, parce que les fondements du droit
administratif contemporain ont été largement posés par la jurisprudence du Conseil d'État.
La loi n'était pas contrôlée, et son domaine était sans borne, comme celui de la volonté générale. En
dépit des évolutions constatées depuis 1958, même si son domaine est désormais limité en principe,
la loi reste la principale source de droit écrit.
Encore convient-il de prendre de la mesure, de la richesse de cette source, de ces sources législatives
et des enjeux qui l'entourent.
Les projets de loi sont, au choix du gouvernement, déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale,
cas le plus fréquent, ou sur celui du Sénat obligatoirement pour tout ce qui concerne les collectivités
territoriales.
La procédure législative repose sur le principe de la navette, puisque selon l'article 45C, tout projet
ou proposition de loi est examiné successivement dans les 2 assemblées du Parlement, en vue de
l'adoption d'un texte identique.
Après l'examen en commission, le projet de texte est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée, puis
soumis à la discussion publique. Le texte initial peut alors être modifié par des amendements
introduits sur le champ, par les parlementaires, la Commission ou le gouvernement. Puis le texte est
transmis à l'autre assemblée qui délibère dans les mêmes conditions.
Après 2 lectures pour chaque Assemblée, ou une seule lecture, si le gouvernement a demandé
l'urgence, le Premier ministre, ou pour une proposition de loi, les présidents des 2 assemblées
agissant conjointement, peut accélérer le dénouement en provoquant la réunion d'une commission
mixte paritaire. C'est l'article 45, alinéa 2 de la Constitution.
Une fois votée, la loi doit être promulguée par le président de la République. Mais entre le vote et la
promulgation, le Conseil constitutionnel peut être saisi pour vérifier la conformité de la loi à la
Constitution en application de l'article 61C.
Mais il existe également des textes qui, bien que non votés par le Parlement, ont force de loi. Ce sont
des actes qui, pris par le pouvoir exécutif, ont ou acquièrent une valeur législative.
Ont ainsi force de loi les actes dit lois du gouvernement de Vichy, dont une partie a été maintenue en
vigueur lors du rétablissement de la légalité républicaine, de même que les ordonnances prises par le
gouvernement provisoire de la République, entre 1944 et 1946.
Le gouvernement avait largement profité de cette possibilité en publiant plus de 300 ordonnances
réformant des pans entiers du droit administratif, mais dont le Conseil d'État avait jugé qu'elle ne
pouvait pas être soumises à son contrôle.
Je vous renvoie à l’arrêt du 12 février 1960 société Eky « Considérant que l'ordonnance susvisée a été
prise par le gouvernement en vertu de l'article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958 dans
l'exercice d'un pouvoir législatif, que dans ces conditions, elle ne constitue pas un acte de nature à
être déféré au Conseil d'État par la voie du recours pour excès de pouvoir ».
De même, dans le cadre des décisions prises en application de l'article 16C, le chef de l'État exerce le
pouvoir législatif lorsqu'il prend des mesures relevant du domaine de la loi.
Je vous indique ici une rapide fiche de lecture sur l'arrêt Rubin de Servens, rendu par l'Assemblée du
contentieux du Conseil d'État, le 2 mars 1962. Il s'agit d'un arrêt important sur le plan historique à
plusieurs égards.
L'une d'elles, en date du 3 mai, porte création d'un tribunal militaire spécial, chargé de juger les
auteurs et complices de crimes et délits contre la sûreté de l'État et contre la discipline des armées.
Saisie par voie d'exception la Cour de cassation refusa d'apprécier la légalité interne de la décision
attaquée. Saisi également, le Conseil d'État opéra une distinction capitale entre, d'une part, la
décision initiale de recourir à l'article 16C, et d'autre part, les décisions prises en vertu de l'article 16C
au cours de sa période d'application.
Alors, venons-en maintenant à l'exposé des principaux motifs que l'on retrouve donc dans le texte de
la décision du 2 mars 62.
La fin de cette phrase indique bien qu'il faut dissocier les actes relevant de l'article 37 et ceux
relevant de l'article 34. Les actes relevant de l'article 37C sont seuls soumis au contrôle du juge
administratif.
Je lis la suite : « Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, "la loi fixe les règles
concernant ... la procédure pénale, ... la création de nouveaux ordres de juridiction" ; que la décision
attaquée en date du 3 mai 1961, intervenue après consultation du Conseil constitutionnel, tend d'une
part à instituer un tribunal militaire à compétence spéciale et à créer ainsi un ordre de juridiction au
sens de l'article 34 précité, et, d'autre part, à fixer les règles de procédure pénale à suivre devant ce
tribunal ; qu'il s'ensuit que ladite décision, qui porte sur des matières législatives et qui a été prise par
le Président de la République pendant la période d'application des pouvoirs exceptionnels, présente le
caractère d'un acte législatif dont il n'appartient pas au juge administratif de connaître »
De la catégorie des sources législatives relèvent aussi les ordonnances de l'article 38C. Du moins
certaines conditions.
Une fois la loi d'habilitation adoptée, l'ordonnance est prise en Conseil des ministres après avis au
Conseil d'État et signée par le président de la République, sauf refus de sa part, comme le fit le
président François Mitterrand en 1986.
« Elles entrent en vigueur dès leur publication, mais deviennent caduques si le projet de loi de
ratification n'est pas déposé avant la date fixée par la loi d'habilitation. »
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, elles ne peuvent être ratifiées que de manière
express.
Acte réglementaire tant que le Parlement ne les a pas ratifiées, elles acquièrent valeur législative dès
qu'une ratification est intervenu de manière express.
Une fois ratifiée, l'ordonnance acquiert valeur législative de façon rétroactive à compter de sa
signature.
Après l'expiration du délai d'habilitation, l'autorité réglementaire est privée de la compétence qui lui
avait été temporairement reconnue et ne peut plus abroger les dispositions d'une ordonnance non
ratifiée, donc de formes réglementaires intervenues dans le champ de la loi.
C'est ce qui ressort d'une décision d'Assemblée du Conseil d'État en date du 11 décembre 2006.
Conseil national de l'ordre des médecins, je cite : « considérant que si une ordonnance prise sur le
fondement de l'article 38 de la Constitution conserve aussi longtemps que le Parlement ne l'a pas
ratifiée expressément ou de manière implicite (la décision est donc devenue obsolète puisque la
ratification implicite est désormais interdite comme je l'ai relevé) le caractère d'un acte administratif,
celle de ses dispositions, qui relèvent du domaine de la loi, ne peuvent plus, après l'expiration du délai
d’habilitation conférée au gouvernement, être modifié ou abrogé, que par le législateur ou sur le
fondement d'une nouvelle habilitation qui serait donnée au gouvernement. Que l'expiration du délai
fixé par la loi d'habilitation fait ainsi obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire
L'état du droit s'est en effet brouillé quand par 2 décisions du 28 mai et 3 juillet 2020, le Conseil
constitutionnel a reconnu aux ordonnances du gouvernement non ratifiées par le Parlement, passé le
délai d'habilitation une valeur législative au sens de l'article 61-1 de la Constitution.
Appelé à intervenir alors pour clarifier le régime contentieux des ordonnances de l'article 38C et
précisant si et, le cas échéant dans quelle mesure cette prise de position du Conseil constitutionnel
remet en cause la jurisprudence administrative traditionnelle, le Conseil d'État a réaffirmé sa
compétence pour contrôler la légalité des ordonnances de l'article 38C avant leur ratification par le
Parlement.
Dans une décision d'Assemblée du 16 décembre 2020, il a délimité l'étendue et les frontières de son
contrôle. Il juge que les ordonnances pourront toujours être contestées devant lui, au regard
notamment des engagements internationaux de la France, de la loi d'habilitation ou des principes
généraux du droit.
Leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution pourra quant à elle, être mise en
cause devant le Conseil constitutionnel par le biais d'une QPC.
Depuis la fin du siècle dernier, le gouvernement recourt de manière massive aux ordonnances de
l'article 38C. Cette voie pour avantage pour lui d'éviter certaines rigidités de la procédure législative
ordinaire pour mener d'importantes réformes telles que la refonte du code du travail au cours de
l'année 2017.
Selon les observateurs les plus critiques, le recours aux ordonnances serait devenu un
véritable mode de gouvernement, destiné à court-circuiter les mécanismes démocratiques avec pour
conséquence inévitable l'affaiblissement du Parlement, qui cesse d'être un véritable acteur de la
production de la loi par les délibérations approfondies et publique qu’il permet pour devenir un
simple auxiliaire en quelque sorte du gouvernement.
Il convient de mentionner les ordonnances sur habilitation référendaire de l'article 11C prises par le
général De Gaulle en 1962 qui ont été assimilées par le Conseil d'État aux ordonnances non ratifiées
de l'article 38C, ce qui fait ainsi d'elles des actes réglementaires susceptibles d'annulation. C'est le
fameux arrêt canal, rendu en Assemblée par le Conseil d'État le 19 octobre 1962.
Signés le 19 mars 1962, les accords d’Evian comportent un accord de cessez-le-feu et des
déclarations gouvernementales qui organisent les relations entre la France et le futur État algérien.
Un projet de loi soumis au peuple français par la voie d'un référendum de l'article 11C, prévoit que le
président de la République peut conclure tous les accords conformément aux déclarations
gouvernementales du 19 mars. Ce projet fut adopté et devint la loi du 13 avril 1962.
Mais 1962, c'est aussi l'année des actions de l’OAS, de l'attentat du petit-Clamart du 22 août, dont le
chef de l'État échappe de peu, de la révision constitutionnelle permettant au président de la
République d'être désormais élu au suffrage universel direct, ou encore du vote d'une motion de
censure contre le gouvernement Pompidou, provoquant la dissolution de l'Assemblée.
C'est de ce contexte riche et sensible que l'on pourrait qualifier d’agité que le Conseil d'État est saisi
par Messieurs Canal, Robin et Godot, d'un recours en annulation contre l'ordonnance du 1 juin 1962,
instituant et organisant une Cour militaire de justice, juridiction d'exception chargée de juger les
infractions commises en relation avec la guerre d'Algérie en remplacement du haut tribunal militaire
créé par une décision prise en application de l'article 16.
La procédure suivie devant cette Cour était tout à fait exceptionnelle, en particulier toute voie de
recours contre ces décisions étaient exclues, c'est à dire notamment le pourvoi en cassation.
Mrs Canal, Robin et Godot avaient été condamnés à mort par cette Cour militaire de justice.
Il a estimé premièrement que l'ordonnance n'est pas une mesure ayant force de loi, de sorte qu'elle
est susceptible de recours.
Deuxièmement, qu'elle viole gravement les principes généraux du droit pénal, or cette violation
n'était pas nécessaire dans les circonstances de l'époque pour assurer l'application des accords
d’Evian et excéder ainsi la délégation consentie par l'article 2 de la loi du 13 avril 1962.
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard à l'importance et à la gravité des
atteintes que l'ordonnance attaquée porte aux principes généraux du droit pénal, en ce qui concerne
notamment la procédure qui est prévue et l'exclusion de toute voie de recours, la création d'une telle
juridiction d'exception fut nécessitée par l'application des déclarations gouvernementales du 19 mars
1962
=> que les requérants sont dès lors fondés à soutenir que ladite ordonnance qui excède les limites de
la délégation consentie par Article 2 de la loi du 13 mars 62 est entachée d'illégalité. Il y a lieu par
suite, d’en prononcer l'annulation. »
Elle entraîna une réponse politique forte de la part du général De Gaulle, peu satisfait de l'audace du
Conseil d'État qui adopta une loi pour dépasser cette décision.
L'article 50 de la loi du 15 janvier 1963 créant la Cour de sûreté de l'État donna la force législative aux
ordonnances prises en application de la loi du 13 avril 1962, dont l'ordonnance créant la Cour
militaire de justice, qui va donc pouvoir recommencer à juger.
Le 30 juillet 1963, des décrets réforment l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'État, ainsi
que le statut de ses membres mais cette réforme, très éloignée des propositions initiales, eu des
effets bénéfiques.
Par ailleurs, pour poursuivre avec les différents types d'ordonnances, la loi constitutionnelle n° 2003-
276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République introduit une nouvelle
catégorie d'ordonnance dans l'article 74-1C, article modifié en juillet 2008.
Dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, le gouvernement peut, dans les matières
qui demeure de la compétence de l'État, étendre ou adapter par ordonnance les dispositions de
nature législative en vigueur en métropole.
Ces ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avoir recueilli l'avis des assemblées
délibérantes concernés du Conseil d'État. Elles deviennent caduques si le Parlement ne les a pas
ratifiées 18 mois après leur publication.
Après avoir brièvement passé en revue ces différents types de source législative, examinons
maintenant le domaine de la loi.
L'affirmation de domaine réservé à la loi et au règlement par les articles 34 et 37C était apparue
comme l'une des innovations juridiques majeures de la Constitution de 1958.
Pourtant, selon l'expression connue de Jean Rivero, la révolution n'a pas eu lieu. Au vu de
l'interprétation concordante des textes effectué par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, il
est plus juste de parler plutôt aujourd'hui, d'évolution, de simples évolutions.
La répartition des pouvoirs avait perdu de sa belle simplicité depuis la Constitution de 1791, au vue
de laquelle seule la loi exprimant la volonté du peuple souverain pouvait poser des normes à portée
générale.
Rapidement, l'exécutif se vit reconnaître le pouvoir de faire des règlements nécessaires pour
l'exécution des lois, même s'il posait des règles de portée générale, le règlement restait totalement
subordonné à la loi.
Par la suite, fut admise l'existence d'un certain pouvoir autonome qui permettait à l'exécutif, en
dehors de toute application d'une loi antérieure, de prendre les mesures nécessaires au
fonctionnement interne des services publics ; Conseil d'État 7 février 1936, Jamart ou à la protection
de l'ordre public Conseil d'État 8 août 1919 Labonne.
Mais le domaine de la loi restant illimité et sa supériorité sur le règlement absolu, les matières régies
par un règlement, n'était pas à l'abri d'une intervention législative. La loi répondait à un critère
exclusivement organique, un auteur, le Parlement et formel, la procédure d’édiction, sans référence
à son contenu.
Si la loi reste l'acte votée par le Parlement selon certaines procédures, elle a désormais un champ
d'intervention limité par l'article 34C.
Au critère organique et formelle s'ajoute désormais un critère matériel, la loi n'a plus qu'une
incompétence d'attribution, dit-on.
Le texte constitutionnel consacre une définition matérielle de la loi. Certaines matières sont en effet,
réservées à la loi. Selon l'expression du professeur Bertrand Mathieu, cette limitation verticale entre
domaine interdit et ouvert au législateur se double d'une limitation horizontale.
À l'intérieur de l'article 34, le texte introduit une distinction entre les règles et les principes
fondamentaux.
Par exemple, la loi fixe les règles concernant, notamment, les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l'exercice des libertés publiques - les décisions de principe de l'organisation
économique et sociale - la détermination des crimes et délits. Mais la loi n'intervient que pour
déterminer les principes fondamentaux, par exemple, de la libre administration des collectivités
territoriales, de l'enseignement encore du droit du travail.
La distinction entre règles et principes semble conférer au législateur une compétence très étendue
pour fixer les règles, mais bien plus limité pour les principes fondamentaux dont il ne devrait tracer
que les grandes lignes. La compétence normative de principe semble appartenir au pouvoir
réglementaire puisque selon l'article 37C alinéa 1, les matières autres que celles du domaine de la loi
ont un caractère réglementaire.
Des mécanismes de sanction sont également prévus pour faire respecter cette nouvelle répartition
des compétences. Au cours de la procédure législative, d'abord, le gouvernement ou le président de
l'Assemblée saisie peut s'opposer à l'adoption d'une proposition de loi ou d'amendements qui
empiéterait sur le domaine réglementaire, sous le contrôle éventuel du Conseil constitutionnel,
Article 41C.
Entre le vote de la loi et sa promulgation ensuite, le Conseil peut être saisi pour vérifier la conformité
de la loi avec la Constitution, article 61C.
Enfin, après promulgation, l'article 37 alinéa 2C organisent une procédure de déclassement des
textes de forme législative intervenus dans une matière réglementaire. Ils peuvent être modifiés par
décret pris après avis conforme du Conseil d'État sous la réserve, pour les textes postérieurs à 1958,
de la constatation de leur caractère réglementaire par le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une
procédure dite de délégalisation.
Premièrement d'emblée, la distinction entre règles, les principes fondamentaux a été privée de
portée pratique. Très vite, dès le début des années 1960, le Conseil constitutionnel a donné de
l'article 34C une interprétation unitaire.
En pratique, la distinction entre les règles réservées à des matières plus importantes et les principes
où les intérêts en cause serait moins vitaux, plus technique, est tellement floue qu'elle n'a jamais été
respectée.
S'il existe bien un partage de compétences entre Parlement et pouvoir exécutif, autour d'une
opposition mise en cause/mise en œuvre, elle ne joue pas l'intérieur du pouvoir législatif. Au
législateur de poser les grandes lignes ou les règles fondamentales d'une matière, les détails étant du
domaine du règlement d'application.
Deuxièmement, le domaine de la loi s'est ensuite révélé beaucoup plus étendu que celui envisagé de
prime abord. La combinaison de l'article 34C avec d'autres articles de la Constitution, mais aussi du
préambule, notamment de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a permis de découvrir
d'autres champs de compétences législatives.
Par exemple, seule la loi peut déterminer les bornes de la liberté. Article 4 de la DDHC les bornes à la
liberté ne peuvent être déterminées que par la loi.
Seule la loi peut porter atteinte, par ailleurs, à la sûreté et à la liberté individuelle. Article 7 de la
DDHC : « nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi »
Ou article 66C « nul ne peut être arbitrairement détenu, l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté
individuelle assure le respect de ces principes dans les conditions prévues par la loi ».
Seule la loi peut garantir l'égalité entre l'homme et la femme : article 3 du préambule de 46. La loi
garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes.
Ou article 1er alinéa 2 de la Constitution : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Troisièmement, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont adopté une conception extensive du
domaine de la loi.
Par exemple, pour le principe de libre administration des collectivités territoriales, posé pour l'article
72C détermination des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, conditions d'exercice
des mandats, sujétions nouvelles à imposer à une collectivité, ou encore pour les règles de
procédures administratives, contentieuses ou non contentieuses, dans la mesure où celles-ci peuvent
avoir des incidences sur des droits constitutionnellement garantis (droit au recours, droit de la
défense, sanction)
On constate, au contraire, une absence de séparation verticale entre les pouvoirs parlementaires et
réglementaires. Le gouvernement lui-même n'hésite pas à recourir à la voie législative en déposant
sur le bureau des assemblées parlementaires, des projets de loi incluant des matières qui
relèveraient de sa seule compétence, et le Conseil constitutionnel n'a pas jugé une telle pratique
inconstitutionnelle. C'est l'importante décision n°82-143 DC du 30 juillet 1982, Blocage des prix et des
revenus où le Conseil constitutionnel considère qu'une loi qui empiète sur le domaine du règlement
« n'en est pas pour autant inconstitutionnelle ».
Le domaine réservé à la loi autour du noyau dur de l'article 34C ne disparaît pas, mais il n'y a plus de
domaine interdit au législateur. Le critère matériel a perdu de sa pertinence, et la loi retrouve sa
définition organique et formelle d’acte voté par le Parlement selon la procédure législative.
La loi n'est plus souveraine, son domaine est limité, son élaboration laisse une place d'importantes
prérogatives du pouvoir exécutif.
Quelle que soit sa date de promulgation, elle doit respecter les traités internationaux (Conseil d'État,
Assemblée 1989 Nicolo) + les règlements et les directives de l'Union (Conseil d'État 92 SA Rotman
International France)
Cependant, la loi fonde et encadre toujours l'action administrative. Le gouvernement ne peut que
l'appliquer sans la modifier. Sa violation par un acte administratif entraîne son annulation par le juge
administratif. Ce dernier applique la loi l'interprète et refuse d'en contrôler la régularité, sauf
contrôle de conventionnalité.
Saisi d'une exception d'inconstitutionnalité, il ne pourra que renvoyer cette question au Conseil
constitutionnel, seul habilité à trancher.
Avant, comme après 1958, le principe de la souveraineté populaire, les principes de la démocratie
représentative sont respectés.
La loi votée par le Parlement, élu par le peuple fixe les principes essentiels de l'action administrative,
le règlement intervenant le plus souvent pour assurer son exécution.
La loi reste largement maîtresse de son domaine, même si le gouvernement, par le biais des articles
37, alinéa 2C, procédure de de légalisation et article 41C irrecevabilité, peut protéger son domaine en
théorie.
Par exemple, le code de justice administrative, le code général des collectivités territoriales et le code
de la commande publique récemment créé.
De ce point de vue, la loi est une source en plein renouveau et porteuses d'innovations, comme
l'indique l'article 37-1C qui permet aux lois et règlements de comporter pour un objet et une durée
limitée, des dispositions à caractère expérimental.
Une ombre toutefois plane sur le domaine réel de la loi qui a conduit de nombreux commentateurs
avisés et certains, au sein même du Conseil d'État, à se demander si la loi est-ce encore la loi, selon la
formule de Xavier Domino et Aurélie Bretonneau, maîtres des requêtes au Conseil d'État, et
responsables au centre de recherche et de diffusion juridiques.
La rédaction proprement dite des textes législatifs avait déjà suscité quelques interrogations.
De nombreux auteurs soulignent le détournement que l'on fait subir au texte de la loi elle-même,
proclamation d'ordre philosophique, déclaration de bonnes intentions, multiplication des lois
d'orientation, des lois bavardes, en quelque sorte. Tous ces phénomènes sont contraires à l'objectif
constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Pour le Conseil d'État, elles ne sont pas des règles dont le respect s'impose à l'administration et ne
pouvant être considérées comme applicables à un litige, elles ne peuvent faire l'objet d'une QPC.
Par un arrêt du 18 juillet 2011 Fédération nationale des chasseurs, la haute juridiction administrative
précise, de façon très explicite, que les dispositions d'une loi qui se borne à fixer des objectifs à
l'action de l'État sont dépourvues de portée normative et ne sauraient dès lors être regardées
comme applicable au litige.
Par exemple, un décret du 29 juin 2012 prévoyait que chaque liste électorale pour la désignation des
membres des chambres départementales d'agriculture devait comporter au moins un candidat de
chaque sexe par tranche de 3 candidats. Le Conseil d'État fut saisi d'un recours pour excès de pouvoir
contre ce décret.
Le problème analysé par l'Assemblée du Conseil d'État le 7 mai 2013 dans sa décision Fédération
CFTC de l'agriculture reproduit dans votre document de travail était le suivant :
Fallait-il conférer à l'expression « la loi » figurant au 2nd alinéa de l'article 1C, une signification
générique désignant toute norme indépendamment de son auteur ou une signification organique
habilitant le seul législateur, à l'exclusion du pouvoir réglementaire, à prendre des mesures
contraignantes destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions
professionnelles en cause ?
Plus simplement, quand la Constitution dit la « loi », s'agit-il de la loi au sens constitutionnel du
terme, notamment des articles 24C critère organique : le Parlement vote la loi / 34C , critère
matériel : la loi fixe la règle concernant et détermine les principes fondamentaux d’eux. Ou peut-il
s'agir de la loi au sens large englobant toutes les normes juridiques, voir les normes morales, sociales,
naturelles, divine ou autres encore.
Dans le contexte contemporain, ce qu'est la loi n'est pas évident, n'est plus évident.
Et les enjeux qui entourent ce terme si souvent employé, y compris au quotidien, sont peu souvent
défini avec rigueur, s'en trouvent profondément renouvelés.
L'exercice du pouvoir réglementaire sera examiné après avoir délimité son domaine
A. La définition du règlement
Le règlement, ou acte réglementaire, est un acte administratif qui édicte une règle générale et
impersonnelle destinée à un sujet de droit indéterminé.
Exemple = Un arrêté de police fixant les règles de circulation de stationnement dans une commune
ou un décret définissant le statut de préfet.
Contrairement aux actes individuels qui visent quant à eux une ou plusieurs personnes
nominativement désignées, comme tel est le cas, par exemple, d'un procès-verbal d'examen.
Certes, ces actes étaient administratifs et se trouvaient de fait sous le contrôle du juge, mais il fallait
rechercher quels outils pouvait permettre au juge de exercer un contrôle efficace.
Alors, le Conseil d'État vise dans cette décision : « les principes généraux du droit qui, résultant
notamment du préambule de la Constitution, s'imposent à toute autorité réglementaire, même en
l'absence de dispositions législatives. »
Autonome, en ce sens qu'il n'a pas besoin d'une loi d'habilitation pour intervenir, le règlement n'a
donc pas pour autant le même statut que la loi. Alors qu'on avait cru pouvoir le hisser au rang d'une
véritable loi, exempt du respect de toute autre norme, sauf la Constitution, il n'est qu'un acte du
pouvoir exécutif, un acte administratif, et soumis comme tel à l'ensemble des normes qui lui sont
supérieures.
Deuxième conséquence : En tant qu’acte normatif, le règlement est lui-même source de légalité pour
les particuliers et l'administration. En d'autres termes, les règlements sont hiérarchisés entre eux et
l'auteur d'un règlement doit le respecter tant qu'il ne l'a pas modifié ou abrogé.
Nous avons vu que la Constitution semblait établir une distinction majeure entre les règlements
d'exécution des lois de l'article 21C et les règlements autonomes de l'article 37 alinéa 1C.
Mais les interprétations concordantes du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État ont affaibli cette
distinction, le pouvoir réglementaire n'étant donc pas plus autonome par rapport à la loi qu'il n'est à
l'abri d'une excursion de celle-ci.
Il semble même que le Conseil d'État applique l'analyse du Conseil constitutionnel, qui depuis 1976,
considère que l'article 21C désigne le titulaire général du pouvoir réglementaire et l'article 37C, son
domaine de compétence, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre règlements d'exécution et
règlements autonomes.
Le règlement, même dit autonome, n'est ni affranchi du respect des lois, ni protégé des excursions du
législateur.
Enfin, par un raisonnement a contrario de ce qui a été exposé pour le domaine de la loi, les
règlements peuvent, à titre exceptionnel, prendre la forme des ordonnances de l'article 11C, des
ordonnances de l'article 38C ou de mesures prises en vertu de l'article 16C, si leur contenu n'est pas
intervenu dans le domaine réservé à la loi par l'article 34.
Ces règlements sont hiérarchisés entre eux en fonction des autorités dont ils émanent. Le règlement
d'une autorité supérieure l'emporte sur celui d'une autorité subordonnée.
Exemple : Les décisions du préfet doivent respecter celles prises par le ministre, mais ils sont aussi
hiérarchisés en fonction des procédures suivies pour leur édiction.
En effet, seul le président de la République et le Premier ministre prennent des décrets qui se situent
avec les ordonnances de l'article 38 non ratifiées au sommet de la hiérarchie des actes administratifs.
Parmi eux, il faut distinguer un décret pris en Conseil des ministres qui prime, sur un décret pris en
Conseil d'État, qui lui-même prime sur un décret simple.
Constituent des décrets en Conseil d'État, ceux qui sont revêtus de la mention « le Conseil d'État
entendu », et des décrets en Conseil des ministres ceux qui ont été délibéré en Conseil des ministres,
que cette délibération ait été juridiquement imposée ou qu'elle résulte de simples considérations
d'opportunité, comme cela ressort de l'arrêt Meyet, rendu par le Conseil d'État en Assemblée le 10
septembre 1992, sur lequel nous reviendrons.
Quoique contestées, ces définitions purement formelles ont le mérite d'être simple.
Les autres autorités administratives prennent des arrêtés et les assemblées territoriales des
délibérations. Il y a aussi une distinction au sein des actes réglementaires.
En dehors de l'exercice du pouvoir réglementaire général, une autorité supérieure ne peut agir au
lieu et place d'une autorité inférieure dotée de compétences propres.
Exemple : Le code général des collectivités territoriales donne compétence au maire seul d’exercer le
pouvoir de police sur le territoire communal, le préfet ne pourra se substituer à lui qu'en cas de
carence et dans les limites prévues par la loi.
L'acte individuel édicte des normes ayant pour destinataire une personne, comme la délivrance d'une
autorisation ou plusieurs personnes si toutes sont nominativement désignées.
Les règlements sont supérieurs aux décisions individuelles, y compris celles qui émanent de la même
autorité et sont soumis à un régime juridique différent.
Toutefois, cette supériorité ne s'exerce si les deux actes relèvent du même champ d'intervention. En
conséquence, pour l'illustrer, la délivrance d'un permis de construire n'a pas à respecter les règles
relatives à l'exploitation define.
Mais attention, ces deux classifications se croisent car l'une concerne l’organe, l'autorité
administrative qui a pris la décision au président de la République, Premier ministre ou toute autre
personne administrative, et l'autre, le contenu de la décision, règle générale et impersonnelle, ou
personne nommément désignée.
Ainsi, un décret acte pris seulement par le président de la République ou le Premier ministre peut
être de nature individuelle ou réglementaire. Il en est de même pour les arrêtés et les actes pris par
toutes les autres autorités administratives.
Exemple : Le président de la République nomme les hauts fonctionnaires par décrets individuels, et le
retrait d'un permis de conduire est un arrêté individuel
Un arrêté de police, fixant les règles de circulation dans une commune est en revanche un arrêté
réglementaire.
Seules deux autorités sont désignées par la Constitution comme titulaires du pouvoir réglementaire
s'appliquant sur toute l'étendue du territoire national et pouvant intervenir dans tous les domaines
autres que ceux de la loi. Ce sont le chef de l'État et le Premier ministre.
En vertu de l'article 21C, le Premier ministre est l'autorité de droit commun. Il assure l'exécution des
lois, sous réserve de dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux
emplois civils et militaires.
Article 13C : « le président de la République, signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil
des ministres. »
La Constitution reconnaît implicitement qu'il existe deux catégories de décrets, pris en Conseil des
ministres et les autres dont la signature appartient au Premier ministre, mais elle ne précise pas leurs
domaines respectifs.
Si quelques rares textes imposent que certains décrets soient pris en Conseil, article 36C pour la
proclamation de l'état de siège, quelque loi au règlement, aucun texte ne s'oppose à ce que d'autres
viennent devant lui, leur inscription à l'ordre du jour du Conseil des ministres résulte donc de la seule
approbation du chef de l'État.
Ainsi, en cas d'entente entre les deux chefs de l'exécutif, le domaine du pouvoir règlementaire du
chef de l'État peut grandement se développer. Il signe les textes qui doivent obligatoirement être pris
Par la suite, ces décrets ne pourront être modifiés qu'en suivant la même procédure, à moins que le
président n'y renonce expressément en déclassant un décret antérieur, ce qui risque de poser
quelques difficultés quand le président et Premier ministre ne s'entendent pas.
Enfin, il arrive que le président signe des décrets non délibérés en Conseil des ministres et, dans ce
cas, le Conseil d'État a estimé que le contreseing donné par le Premier ministre qui, lui est
compétent, couvre l'irrégularité que constitue la signature du président. Je vous renvoie à l'arrêt
Sicard rendu par le Conseil d'État le 27 avril 1962, également reproduit dans votre document de
travail.
Même si en définitive, 95% des décrets sont signés directement par le Premier ministre, on constate
que lorsque celui-ci s'entend avec le président, le domaine du pouvoir réglementaire présidentiel
peut se développer de façon considérable. Il peut contrôler toute l'action du gouvernement.
En période de cohabitation, les présidents Mitterrand et Chirac n'ont jamais usé de leur pouvoir pour
refuser de signer des décrets de portée générale, sauf en 1986 où le président Mitterrand a repoussé
trois ordonnances obligeant le Premier ministre à les transformer en projet de loi pour contourner
son veto.
La signature des textes délibérés en Conseil des ministres devient ainsi le premier critère qui permet
de distinguer les actes du président, de ceux du Premier ministre, le premier étant évidemment la
délibération en Conseil des ministres.
B. Le contreseing
Seul le chef de l'État et le Premier ministre signent des textes réglementaires, des règlements qui
sont ensuite contresignés. Mais permettant aux ministres de participer, même de manière indirecte,
à l'exercice du pouvoir réglementaire général, la règle du contreseing est également une garantie de
cohérence gouvernementale.
Sauf autorisation expresse, les ministres ne peuvent que contre signer les actes réglementaires
opposables aux administrés, même pour les affaires relevant de leur département.
Les actes du président de la République sont contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant,
par les ministres responsables, précise l'article 19C, c'est à dire par les ministres auxquels incombe à
titre principal la préparation et l'application des décrets dont il s'agit.
Certains actes du président de la République sont dispensés de tout contreseing, c'est ce que l'on
appelle les pouvoirs propres du président, véritable domaine réservé au chef de l'État par l'article
19C qui en donne une liste limitative : nomination du Premier ministre : article 8C, actes pris en
période de très exceptionnelle 16C, recours au référendum 11C pour ne citer que ces seuls exemples.
Les actes du Premier ministre, eux, sont contresignés le cas échéant par les ministres chargés de leur
exécution, selon l'article 22C, c'est à dire par ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner
les mesures réglementaires ou individuelles que comporte l'exécution du décret (arrêt Sicard de
1962).
La règle du contreseing est le second critère qui permet de distinguer les actes du président de la
République, de ceux du Premier ministre. Le premier critère étant, rappelons-le la délibération en
Conseil des ministres.
L'article 21C permet au Premier ministre de déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres et le
Conseil constitutionnel a admis que le législateur puisse confier à une autre autorité que le Premier
ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi à la condition que cette
habilitation ne concerne que des mesures à portée limitée, tant dans leur champ d'application que
par leur contenu. C'est une décision du Conseil constitutionnel 17 janvier 89 liberté de
communication.
De nombreux textes ont ainsi conféré par une habilitation expresse, indispensable à limiter à
certaines matières précises, un pouvoir réglementaire spécialisé, soit au niveau national, soit au
niveau local.
1. Niveau national
Les ministres ne détiennent pas un pouvoir réglementaire général. Cette position de principe posée
par le Conseil d'État dans son arrêt du 23 mai 1969 société Distillerie Brabant est toujours confirmé
par le juge administratif.
Cependant, comme d'autres autorités administratives, le préfet par exemple, ils ont la faculté
d’édicter dans les limites de leurs compétences et sur la base d'un texte de loi ou décret, des
règlements.
La loi peut, par ailleurs, dans les limites fixées par le Conseil constitutionnel, déléguer un pouvoir
réglementaire spécialisé à d'autres autorités, certaines autorités administratives indépendantes
comme le Conseil supérieur de l'audiovisuel CSA, à certains établissements publics, à des entreprises
publiques pour déterminer les règles d'organisation et de fonctionnement d'un service public
industriel et commercial, et exceptionnellement à des organismes de droit privé investis d'une
mission de service public, comme nous le verrons dans la leçon 7.
2. Niveau local
Comme le dispose désormais de manière express l'article 72C alinéa 1 à 4, reproduit dans votre
document de travail, reprenant en partie une jurisprudence antérieure, les collectivités territoriales
peuvent prendre dans les conditions prévues par la loi, dans le cadre de leur circonscription
territoriale, et pour l'exercice de leur compétence, des mesures réglementaires.
Celles-ci sont édictées par les autorités territoriales ou par les assemblées délibérantes. Ainsi, le
maire, par ces arrêtés municipaux, joue un rôle essentiel en matière de police. Contrairement à ce
qui a pu parfois être soutenu, le pouvoir réglementaire local a un caractère résiduel. Il ne peut
édicter des mesures réglementaires que pour mettre en œuvre des lois précisées par décret. Seule
une loi suffisamment détaillée pour n’avoir pas à être complétée peut lui permettre d'intervenir
directement sans que cela puisse interdire l'intervention éventuelle d'un décret en ce domaine.
Autre exception, la loi peut elle-même habiliter une collectivité à définir les modalités d'application
d'une loi au cas où il serait nécessaire d'adapter les dispositions réglementaires nationales aux
spécificités locales. Décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2002 loi relative à la Corse
réaffirmé par un avis du Conseil d'État du 15 novembre 2012.
En tant que chef de service, les autorités administratives, préfets, chefs de service déconcentrés,
directeurs d'établissements publics peuvent prendre toutes les mesures nécessaires au bon
fonctionnement de leur service, sous forme d’arrêté, de ligne directrice ou de circulaire.
C'est ce qui ressort de la célèbre jurisprudence Jamart du Conseil d'État du 7 février 1936 : « Même
dans les cas où les ministres ne tiennent d’aucune disposition législative, un pouvoir réglementaire, il
leur appartient, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon
fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité. »
Ne s'adressant qu’aux agents de l'administration, ce pouvoir n'a par principe, que des conséquences
internes. Ses pouvoirs sont limités et cessent dès lors qu'un texte de valeur supérieure intervient.
L'arrêt du Conseil d'État rendu en Assemblée le 30 juin 2000 associations choisir la vie, reproduit
aussi dans votre document de travail, illustre bien le fondement et limites de ce pouvoir. En l'espèce
le ministre a méconnu les dispositions législatives en confiant le pouvoir de prescrire et de délivrer du
Norlevo aux infirmières scolaires.
Les autorités administratives sont, de jurisprudence constante, tenues de prendre les textes
réglementaires nécessaires à la pleine application de la loi. Cette obligation est de plus en plus
largement entendue et sanctionnée. Elle existe, que la loi ait prévu elle-même l'intervention du
pouvoir réglementaire ou que le juge l'estime nécessaire.
Le pouvoir réglementaire dispose du choix des moyens pour appliquer les lois, mais il doit s'acquitter
de cette obligation dans un délai raisonnable. Le juge annule le refus implicite ou explicite d'agir, et
peut assortir cette annulation de l'injonction formelle d’édicter le règlement sous astreinte, voire
d'une condamnation à payer une indemnité. Les délais d'intervention et les obligations liées à la mort
de la décision seront étudiés dans la leçon 8.
Cette obligation d’exercer le pouvoir réglementaire s'étend aux directives de l'Union qu'il doit
transposer et appliquer (voir leçon 2 sur les sources européennes). Les autorités administratives
doivent assurer l'application du droit de l'Union, même s'il dispose d'un large pouvoir d'appréciation
en ce sens, ce qui ressort d'un arrêt du Conseil d'État du 3 décembre 1999, association
ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire et le Rassemblement des opposants à la chasse.
En cas de doute sérieux sur la compatibilité de la loi au droit de l'Union, l'autorité administrative doit,
par voie de circulaire, fixer une interprétation conforme au droit de l'Union. Elle a l'obligation de ne
pas prendre des mesures d'exécution d'une loi contraire aux objectifs définis par les directives.
Enfin, si la loi est véritablement incompatible avec le traité ou les objectifs d'une directive, elle doit
donner des instructions à ses services pour écarter l'application de la loi.
Les règlements pris en application d'une loi incompatible seront jugés illégaux ou devront être
abrogés. Ainsi, saisi d'une demande en ce sens, le pouvoir réglementaire ne peut se fonder sur une
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loi incompatible pour refuser d’exercer sa compétence, dans le respect des objectifs d'une directive
de l'Union.
Cette obligation d'agir connait une limite qui a trait à la répartition des compétences. Les ministres ne
peuvent trouver dans une telle incompatibilité un fondement juridique les habilitant à édicter des
dispositions de caractère réglementaire qui se substitueraient aux dispositions législatives.
Exemples
L'exercice du pouvoir réglementaire implique de pouvoir modifier à tout moment les normes qu'il
définit sans que puisse être invoqué un droit au maintien de la réglementation existante. Ces
nouvelles règles ont vocation à s'appliquer immédiatement, mais toutefois, en application du
principe de sécurité juridique posé par l'arrêt du Conseil d'État rendu en Assemblée le 24 mars 2006,
société KPMG : « il incombe à l'autorité administrative compétente d'édicter les mesures transitoires
qu'implique une réglementation nouvelle »
En l'absence d'un code unique de droit administratif qui, à l'instar du code civil, définirait les
principes et les notions de ce droit, le rôle du juge a été longtemps déterminant.
Longtemps en effet, selon les mots du doyen Georges Vedel, « la jurisprudence a fourni le droit
commun et la législation, le droit d'exception. »
Mais le droit administratif n'avait pas vocation à être indéfiniment jurisprudentiel, toujours selon
l'expression de Vedel, et le rôle de la jurisprudence est en relatif déclin comparé à l'essor des textes
législatifs, réglementaires ou à la place occupée désormais par la Constitution et le droit de l'Union,
sans parler de la campagne de codification en œuvre depuis quelques années déjà.
Le droit français ignore les arrêts de règlement qui auraient pour effet de poser une règle de droit
obligatoirement applicable à l'avenir. Je vous renvoie à l'article 5 du code civil. Il est défendu aux
juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont
soumises. Ainsi, le dispositif de l'arrêt ne contient aucune règle de droit.
Cependant, le juge peut poser des règles générales dans les motifs qui pourront ensuite servir de
base de raisonnement lors de décisions ultérieures.
Comme tout juge, le juge administratif interprète le droit écrit sur la base duquel il doit statuer, soit
en donnant le pas à l'esprit de la loi ou du règlement sur sa lettre, soit en optant pour une position
inverse dans un but de bonne administration de la justice. Se réfère parfois aux travaux
préparatoires, à la volonté implicite du législateur.
Ce pouvoir prend un relief tout particulier lorsque le droit écrit est peu développé ou imprécis.
Mais en l'absence de texte déterminant les notions fondamentales et les principes dominants du
droit administratif, il revient au juge de faire à proprement parler œuvre de jurislateur, la
jurisprudence suppléant la loi.
Ces règles élaborées par des artisans discrets, bien informés et habiles : les juges, permettent un
droit adaptable, créatif, proche de la demande sociale. Cette grande souplesse facilite les évolutions
puisque par un simple renversement simple, revirement de jurisprudence, il est aisé de modifier une
règle devenue inadaptée.
Mais c'est à contrario un droit secret qui est réellement connaissable que par les juristes ; la règle de
droit ne s'y lit directement nulle part.
C'est aussi un droit mouvant engendrant de l'insécurité et qui peut paraître difficile d'accès.
Selon une théorie largement reçue, la valeur de ces normes résulte du rang occupé par le juge dans la
hiérarchie des sources formelles du droit. Les décisions de justice s'imposent à l'administration,
qu'elles soient rendues par les juridictions administratives ou judiciaires. En revanche, le juge est
soumis à la loi dont il ne peut apprécier la validité en droit interne, en particulier par rapport à la
Constitution, donc il peut effectuer un contrôle de conventionnalité.
Parmi les normes créées par le jeu administratif, certaines occupent une place particulière, ce sont
les principes généraux du droit.
Il ne faut pas les confondre non plus avec les principes fondamentaux de l'article 34C, principes écrits
déterminant la compétence du législateur.
Les PGD sont des normes consacrées par le juge administratif en accord avec, dit-on, l'état général et
l'esprit de la législation.
Ne reposant pas sur une source matérielle précise, on dit que le juge ne les créée pas, mais les
découvre, les révèle à partir d'un faisceau concordant de dispositions textuelles, d’origine
constitutionnelle, internationale ou législative.
Mais il serait également sensible aux exigences de la conscience juridique du temps et à celle de
l'État de droit.
D'origine relativement récente donc, les PGD sont à l'origine d'une jurisprudence remarquable et très
féconde. Ils sont devenus une source fondamentale de la légalité.
Leur nombre élevé ne permet pas d'en donner une liste exhaustive qui par ailleurs ne saurait être
close. Une tentative de classification pourrait présenter les PGD actuellement existants en 3 groupes.
On relève aussi des libertés, liberté du commerce et de l'industrie, Conseil d'État, Assemblée 1950
Daudignac, liberté de réunion, Conseil d'État 1933, Benjamin ou droit de grève, Conseil d'État,
Assemblée 1952N.
- Un deuxième groupe réunit des principes plus techniques d'organisation de l'ordre juridique.
Ainsi de l'existence du pouvoir hiérarchique, Conseil d'État, section 1950, Queralt, existence du
recours en cassation contre toute décision rendue en dernier ressort, Conseil d'État, Assemblée 1947
d'Aillières, possibilité pour tout acte de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, Conseil
d'État, Assemblée 1950, Ministre de l'Agriculture contre dame Lamotte . Principes des droits de la
défense, Conseil d'État, Assemblée 1945 Aramu déjà mentionné, principe de la non-rétroactivité des
actes administratifs, Conseil d'État, Assemblée 1948, société du journal L'Aurore, Obligation
d'abroger un règlement illégal, Conseil d'État, Assemblée 1989, Compagnie Alitalia, ou encore
principes de sécurité juridique, également mentionné Conseil d'État, Assemblée, 2006, société
KPMG.
- Le troisième groupe consacre des principes d'équité économique et sociale, comme par exemple le
droit de mener une vie familiale normale accordée aux étrangers résidant régulièrement en France.
Conseil d'État, Assemblée 1978, G.I.S.T.I., les principes généraux du droit de l'extradition, Conseil
Le juge les met en œuvre sans faire de distinction entre eux et leur violation entraîne l'annulation des
actes administratifs, tant réglementaires qu’individuels, que ces actes appliquent la loi ou pas. Pour
rappel, Conseil d'État section, 1959, syndicat des ingénieurs conseils.
Cette solution date d'un arrêt célèbre dont nous avons parlé, l'arrêt rendu par le Conseil d'État en
Assemblée le 17 février 1950, ministre de l'Agriculture contre dame Lamotte, où il est écrit :
« Le recours pour excès de pouvoir recours, qui est ouvert même sans texte, contre tout acte
administratif, a pour effet d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la
légalité. »
Alors même que l'acte de concession attaqué avait été pris sur le fondement d'une loi qui disposait :
« L'octroi de la concession ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire. »
Les PGD coexistent avec les principes à valeur constitutionnelle. Le fait que certains d'entre eux aient
un même contenu, par exemple le principe d'égalité devant la loi ou devant les charges publiques, a
provoqué un dédoublement de notre ordre juridique, l'un fondé sur la Constitution, l'autre consacrée
par la jurisprudence administrative.
Cependant, dans une volonté de rapprochement des deux jurisprudences, le Conseil d'État, quand
cela est possible, fonde ses arrêts sur des textes constitutionnels en lieu et place des PGD réalisant
ainsi la réunification du droit public français. Je vous renvoie par exemple une décision du Conseil
d'État de 1990, Amicale des anciens élèves de l'ENS de Saint cloud ou plus récemment Conseil d'État,
Assemblée 1996 Koné, qui a consacré le premier principe fondamental reconnu par la loi de
République, premier dans la jurisprudence administrative et le seul d'ailleurs à ce jour, créé par le
juge administratif.
Cela n’affaiblit en rien l'importance des PGD dont beaucoup n'ont pas de double constitutionnel et
qui continue ainsi à déterminer largement les conditions de la légalité de l'action administrative.
La notion d'acteur, c'est à dire de personne qui prend une part active à la prise de décision, sera
préférée à celle d'autorité administrative, qui renvoie au droit d'imposer obéissance, avec des
connotations d'autoritarisme, de domination, voire d'arbitraire.
Elle correspond mieux à la pluralité des personnes, parfois privées, qui participent à la prise de
décision et aux évolutions récentes du droit administratif qui s'inspirent de plus en plus des
techniques utilisées en droit privé. Le recours au procédé contractuel, la gestion du domaine public,
l'évolution de la fonction publique, les modalités d'intervention au sein de l'économie sont autant de
points de convergence entre le droit privé et le droit administratif.
Les acteurs du droit administratif sont des personnes morales dont l'action contrôlée s'inscrit dans un
cadre territorial. Celui-ci correspond ou pas à l'ensemble du territoire national.
Ces différents acteurs seront présentés en 2 leçons, les leçons 5 et 6, après qu’une introduction ait
précisé les principes généraux.
Celle-ci est définie comme un ensemble de personnes organisées en vue d'un certain objectif qui
peut être sportif, politique, commercial, industriel, et cetera.
Elle a le droit d'agir que pour mettre en œuvre cet intérêt collectif, à l'exclusion de tout autre intérêt.
C'est le principe de spécialité.
B. La personnalité morale en DA
En droit public, la personnalité morale est à la fois le fondement et la mesure de l'autonomie d'une
institution par rapport à l'État.
Elle fonde par exemple la distinction entre deux modes d'organisation administrative : la
déconcentration et la décentralisation.
Les personnes physiques agissant au nom de l'administration ne sont que les représentants, c'est à
dire les organes des personnes morales, elles n’exercent leur compétence au nom de la collectivité à
laquelle elles appartiennent.
Les personnes morales de droit administratif constituent un ensemble formé par les collectivités
territoriales, État, départements, communes, région, Tom / et les institutions spécialisées,
établissements publics, groupement d'intérêt public, autonomie, autorité publique indépendante.
Enfin, aux frontières du droit public et du droit privé, les organismes privés chargés d'un service
public se rapprochent à certains égards des personnes morales de droit privé.
L'administration publique prise dans son ensemble n'est donc pas une personne morale.
Du point de vue organique, l'administration est constituée d'une série de personnes morales,
essentiellement de droit public, dotée de nombreux services internes.
Relativement stable depuis une vingtaine d'années, la trilogie des personnes publiques se présente
de la manière suivante :
1) L’Etat
L'État est une personne morale d'une nature particulière, dotée d'une personnalité morale d'un type
classique. Il a des biens, des agents passent des contrats, engage sa responsabilité, constitue un
ensemble unitaire, il possède, en plus des caractéristiques propres au nombre de deux :
- Première caractéristique, la souveraineté de l'État s'exprime dans l'ordre interne de deux manières
différentes.
Il est d'abord le seul à fixer lui-même ses pouvoirs ou ses attributions. Il détient, selon la formule
fameuse de Jellinek, la compétence de sa compétence. Et il est le seul ensuite à exercer un contrôle
sur toutes les autres personnes morales, contrôle de leur existence, de leur statut, de leur
fonctionnement. Il lui appartient de fixer les droits et obligations tant des personnes physiques que
morales.
L'État exerce ses activités sur l'ensemble du territoire national et intervient dans tous les domaines
administratifs.
Contrairement à une erreur répandue, les nombreux services de l'État, ministères, préfectures et
cetera ne sont pas dotées de la personnalité morale et leurs actions ne font qu’engager l'État.
Il ne faut pas oublier non plus que le Parlement et les juridictions ne sont pas des organes
administratifs.
Les collectivités territoriales infra étatiques sont également des personnes morales fondamentales
qui exercent des compétences administratives générales à l'encontre d'une population liée à un
territoire donné.
En tant que telles, elles disposent d'une autonomie relative dont les principes sont fixés par la
Constitution et par le législateur en application des articles 34 et 72 de la Constitution.
Mais ces compétences ne s'exercent qu’à l'intérieur d'une aire géographique qui ne couvre qu'une
partie du territoire national, la région, le département ou la commune par exemple.
Les institutions spécialisées se répartissent également entre 4 niveaux : État, région, département,
commune.
Désormais, à côté des établissements publics, longtemps seule catégorie de personnalité morale de
ce type, d'autres personnes morales existent, comme les groupements d'intérêt public ou les
autorités publiques indépendantes, que nous verrons à la fin de cette leçon.
L'État se situe au-dessus de toutes les autres puisqu'il lui appartient de fixer les droits et obligations
des personnes physiques et morales. L'ensemble peut être représenté selon le schéma proposé par
Monsieur Guy Braibant et Bernard Stirn dans Le droit administratif (voir DT)
Les personnes morales de droit public sont interdépendantes, elles peuvent coopérer, se contrôler,
entrer en conflit.
Il existe plusieurs formes de coopération entre les personnes morales de droit public. Une même
personne peut agir tantôt au nom d'une collectivité, tantôt au nom d'une autre. C'est ce que l'on
appelle le dédoublement fonctionnel. Par exemple, le maire, agent de la commune, agit au nom de
l'État quand il exerce ses fonctions d'officier d'état civil.
La coopération entre personne morale administrative peut s'exercer également par la constitution
d'un groupement de droit public (syndicat mixte) ou par le cofinancement d'un projet d'équipement :
une route financée à la fois par l'État, la région, le département, la chambre de commerce comme
nous le voyons souvent sur les grands panneaux installés au bord de route.
Les contrôles s'effectuent soit à l'intérieur d'une même personne morale, soit d'une personne morale
sur une autre. Il s'agit par exemple dans le premier cas de ce que l'on appelle le contrôle hiérarchique
à l'intérieur de l'État et dans le second du contrôle de tutelle.
Enfin des relations de conflits peuvent surgir entre personne morale administrative.
Elles ont alors recours à des procédures spéciales comme le déféré préfectoral ou utilisent les
procédures contentieuses de droit commun.
Longtemps, on a opposé les personnes administratives aux personnes juridiques de droit privé,
personne morale ou physique.
Chacune intervenait dans un secteur clairement délimité, les unes pour l'application, pour
l'accomplissement du service public, les autres dans le secteur de la vie civile ou commerciale. Cette
conception claire et simple de l'administration a volé en éclats à partir des années 1930, c'est à dire il
y a déjà près d'un siècle.
L'intervention des personnes morales de droit privé s'est faite dans un premier temps au sein de la
très ancienne technique dite de la concession. Un contrat confie à une personne privée agissant sous
le contrôle de l'administration, la construction d'un ouvrage public ou encore l'exploitation d'un
service public.
Tout au long du 19e siècle et au début du 20e, la gestion sous cette forme des services publics
économiques paraissait concilier les nécessités de l'intérêt général, les autorités administratives
définissant les obligations de service à respecter, et les principes du libéralisme économique. Dès sa
création par exemple, le service du chemin de fer a été délégué par l'État des sociétés commerciales.
Il ne s'agissait là que de confier à des personnes privées la gestion d'entreprise économique.
À côté de cette hypothèse où les rôles respectifs sont relativement clairs et précis, d'autres formes se
sont développées. L'arrêt du Conseil d'État du 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection » a
introduit dans le droit administratif la notion d'établissement privé chargé de l'exécution d'un service
public.
Déjà dans l'arrêt du 20 décembre 1935 Etablissements Vezia, le Conseil d'État avait amorcé cette
évolution. Il avait admis qu'une société privée de prévoyance, fonctionnant en Afrique, réalisait des
opérations présentant un caractère d'intérêt public lui permettant de recourir à la procédure de
l'expropriation.
- Conseil d'État, Assemblée 31 juillet 1942, Monpeurt, sur les comités d'organisation,
- Conseil d'État, Assemblée 2 avril 1943 Bouguen sur les ordres professionnels,
- Conseil d'État, Section 28, juin 1946 Morand, sur les organisations corporatives et enfin,
- Conseil d'État, 13 janvier 1961 Magnier, sur les groupements d'agriculteurs formé pour la
défense contre les ennemis des cultures.
Désormais d'innombrables personnes morales de droit privé peuvent, en dehors de tout contrat,
édicter, sous certaines conditions des décisions administratives unilatérales ou prendre en charge de
multiples services publics. Je vous renvoie aux leçons sur la décision unilatérale et le service public.
Il y a donc un mélange croissant entre administrations publiques et organismes de droit privé, même
si ces dernières se rattachent toujours de manière indirecte aux personnes publiques, car elles ne
sauraient intervenir que si celles-ci les ont habilitées à le faire.
Le risque de confusion est certain, car ces personnes de droit privé ne sont parfois que de simples
démembrements de l'administration.
Que penser du développement considérable, tant au plan national que local, des sociétés
d'économie mixte, société anonyme de droit privé dont le capital est en grande partie détenu par des
personnes morales de droit public ?
Or, le rattachement à une personne dite de droit public ou de droit privé emporte des conséquences
importantes, par exemple en domanialité publique, pour les contrats ou les voies d'exécution.
Il est essentiel de savoir si l'exécution d'un service public est le fait d'une personne publique ou d'un
organisme de droit privé dans la mesure ou les personnes publiques bénéficient de certaines
prérogatives aux sujétions dont les personnes privées sont en principe exclues.
En revanche, les personnes privées bénéficient d'une liberté de gestion, gestion de patrimoine,
comptabilité étrangère aux personnes publiques.
Dans un régime entièrement centralisé, centralisation parfaite ou concentration, toutes les décisions
administratives émanent directement des organes centraux de l'État.
Il n'existe qu'une seule personne morale de droit public et les agents de l'État, répartis sur l'ensemble
du territoire n’ont alors qu'un rôle de préparation et d'exécution des décisions prises.
Il y a déconcentration lorsqu'une partie du pouvoir de décision détenu par les services centraux de
l'État est transféré à des représentants locaux du pouvoir central, les services déconcentrés de l'État.
Ces derniers ne sont plus de simples organes de transmission et d'exécution, mais détiennent un
pouvoir de décision au plan local.
Le domaine de compétence de l'État reste inchangé, le système demeure centralisé dans la mesure
où ses agents sont subordonnés au pouvoir central.
La délocalisation, au contraire, suppose la simple répartition des services publics centraux de l'État
sur tout le territoire national.
La France est souvent présentée comme l'archétype de l'État centralisé, comme l'a montré en
particulier Alexis de Tocqueville dans son ouvrage important, « L'ancien régime et la révolution »,
paru au 18e siècle. Ce phénomène, qui remonte à l'ancien régime, a été conforté par l'œuvre du
directoire et surtout du premier Empire. Il est lié à notre conception séculaire d'un État central qui,
après avoir donné naissance à la Nation, c'était forcé de préserver les libertés locales face aux
menaces des divers féodalités.
Originalité française, la déconcentration a été inventée pour atténuer et aménager les effets de la
centralisation pure. La première grande opération de déconcentration remonte au début du Second
empire, en 1852. Ensuite avec les progrès de la décentralisation, l'État a éprouvé le besoin de
renforcer les pouvoirs de ses responsables locaux, par exemple par les décrets de 1964 ou ceux du 13
novembre 1970.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, le gouvernement procède un
recentrage de l'État sur certains objectifs prioritaires. Cette politique implique également la
réorganisation de ses services dans les départements et les régions.
B. La décentralisation
À la différence de la décentralisation, le fédéralisme fait coexister, dans le cadre de l'État fédéral, des
collectivités qui sont représentées en tant que tel et de manière égalitaire au niveau fédéral.
L'attribution de la personnalité morale, bien sûr, un domaine réservé de compétences, les affaires
locales, parfois présenté sous ce terme, l'indépendance personnelle des autorités, par exemple leur
élection. Enfin la disposition de moyens techniques et financiers suffisants et gérés librement.
Depuis 1831, de nombreuses lois ont décentralisé les compétences au niveau communal, c'est la loi
dite municipales du 5 avril 1884, reprises dans le code de l'administration communale de 1957,
devenu en 1977 le code des communes ou alors la loi départementale du 10 août 1871.
À la fin du 20e siècle, longuement préparée, la loi du 2 mars 1982, complétée par de nombreux
textes, a apporté d'importantes modifications à l'organisation territoriale. En particulier, elle a
remplacé la tutelle par un contrôle a posteriori, transformé la région en collectivité territoriale et
modifié la répartition des compétences entre les collectivités infra, étatiques et l'État.
Puis, en 2002, la loi relative à la démocratie de proximité renforce la démocratie locale participative,
droits des minorités, statut des élus locaux, nouveaux transferts de compétences. Avant qu'on
commence ce que l'on a nommé l'acte II de la décentralisation.
Ont été ainsi modifiées, par exemple, le régime des collectivités d'outremer et les transferts de
compétences.
L'ensemble de ces textes sont désormais codifiés dans le code général des collectivités territoriales
ou CGCT. Une réflexion générale sur l'évolution des structures territoriales et la décentralisation a été
à nouveau lancée en 2009 par le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales.
Reprenant quelques grands débats suscités par l'avenir de la décentralisation : comment simplifier
les structures ? Le fameux mille-feuille territorial, régions, départements, communes et leurs
groupements, Comment réduire le nombre d'échelons territoriaux et clarifier compétences et
financement ? Cette réflexion a abouti au vote de la loi du 16 décembre 2010, puis celle du 17 mai
2013 réformant le droit électoral local et enfin les lois de 2015.
Celle du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions aux élections régionales,
départementales et modifiant le calendrier électoral, puis celle du 7 août 2015 portant organisation
territoriale de la République dite loi NOTRe, loi sur lesquels nous reviendrons plus largement dans la
leçon numéro 6.
Toutes deux illustrent les façons d'être du même État républicain, le premier étant de l'ordre des
libertés locales, le second de l'ordre de l'unité nationale.
Il est essentiel d'éviter d'opposer la décentralisation à l'État, car il s'agit de la même démarche.
Dans le premier cas, les élus du suffrage universel sont les acteurs de la décentralisation. Dans le
second cas, ce sont des fonctionnaires nommés et mandatés par le gouvernement qui sont les agents
de la déconcentration.
Les uns et les autres administrent le territoire pour le compte des citoyens en vue d'un même
objectif, la démocratie administrative, c'est à dire la volonté de rapprocher le pouvoir et les citoyens.
Ces réflexions, évidemment, ne concernent pas la démocratie participative, puisque là, il s'agit
d'associer directement les citoyens.
Ces derniers, les contrôles administratifs peuvent être confiés à des organismes spécialisés.
Le contrôle financier des administrations d'État est effectué par des contrôleurs financiers au niveau
central et par le trésorier-payeur général au niveau départemental et régional, en plus des contrôles
effectués par des organismes juridictionnels comme la Cour des comptes ou la cour de discipline
budgétaire et financière.
Le contrôle financier des collectivités territoriales est décentralisé et confié aux chambres régionales
des comptes.
Au sein de presque tous les ministères et rattaché directement au ministre, une inspection générale
contrôle l'activité des services. Si certaines sont très anciennes, comme l'inspection générale de
l'administration, la plupart ont été créées depuis la Seconde Guerre mondiale. Relativement
nombreuses, elles sont très diverses par leur effectif, leur statut, leur mode de recrutement. Les plus
connues sont sans doute l'inspection générale des finances, conseil général des ponts et chaussées,
le contrôle général des armées, l'inspection de l'éducation nationale. Les corps d'inspection joignent
à leurs activités de contrôle, celle de conseil et d'assistance à la demande même des administrations.
Ces contrôles peuvent s'effectuer à l'intérieur d'une même personne morale, c'est le contrôle
hiérarchique ou entre deux personnes morales distinctes.
En effet, l'administration d'État exerce un pouvoir, véritable devoir de surveillance des autorités
décentralisées lié au principe d'unité d’indivisibilité de la République posé par la Constitution. Après
avoir longtemps pris la forme d'un contrôle de tutelle, il se présente désormais beaucoup plus
largement comme un contrôle administratif de légalité.
Ce pouvoir exercé au sein d'une même personne morale, confie à l'autorité supérieure le droit de
faire prévaloir sa volonté sur celle de l'agent subordonné. Détenu de plein droit depuis l'arrêt du
Conseil d'État Quéralt de 1950, insusceptible de recours juridictionnel, il peut s'exercer
spontanément, sans cause déterminée, pour des raisons d'opportunité ou de légalité, sur les
personnes, pouvoir de nommer, d'affecter, de muter, de révoquer ou de sanctions disciplinaires,
mais aussi sur les actes.
Dans ce dernier cas, le supérieur peut prendre trois sortes de mesures qui s'imposent au
subordonné.
- Il exerce le pouvoir d'instruction, c'est à dire donner des ordres généraux individuels.
- Le pouvoir d'annulation de réformation, c'est à dire remplacer la décision du subordonné par une
autre.
- Enfin, dans certains cas exceptionnels, le pouvoir hiérarchique permet à l'autorité supérieure de se
substituer à l'autorité inférieure normalement compétente, si celle-ci s'est abstenue d'agir, c'est le
pouvoir de substitution d'action.
2/À côté du pouvoir hiérarchique, il existe un contrôle de tutelle qui n'a pas disparu en 1982. Portant
essentiellement sur la légalité d'un acte, la tutelle permet d’exercer 4 pouvoirs différents.
- Un pouvoir d'annulation,
- d'autorisation,
La tutelle peut revêtir en outre les formes nouvelles du contrôle financier par le biais des subventions
ou du contrôle technique, respecter les normes techniques imposées par l'État.
S'exerçant entre deux personnes morales, l'exercice de la tutelle est limité par deux principes
essentiels.
- Premièrement, il n'y a pas de tutelle sans texte ni au-delà des textes. À la différence du pouvoir
hiérarchique, la tutelle ne peut s'exercer sans qu'un texte en ait, avec précision, tracé les limites.
- Second principe, son exercice est soumis au contrôle du juge administratif qui peut annuler les actes
de l'autorité de tutelle, par exemple., Conseil d'État, 18 avril 1902, commune de Néris-Les-Bains, ou
mettre en cause sa responsabilité pour faute, Conseil d'État 21 juin 2000, ministre de l'équipement
contre commune de Roquebrune-Cap-Martin.
Après avoir longtemps pris la forme d'un contrôle de tutelle, il se présente depuis la loi du 2 mars
1982 comme un contrôle administratif codifié aux articles L 21, 31-1 et suivants du CGCT reproduit
dans votre document de travail.
Désormais exécutoires de plein droit dès leur publication ou leur notification, les actes les plus
importants des collectivités territoriales énumérées par la loi sont obligatoirement transmis au préfet
avant d'être exécutés.
Ce dernier peut, dans les deux mois qui suivent la date de la transmission, saisir le juge administratif
des décisions qui lui semblent irrégulières. C'est le fameux déféré préfectoral. Son champ
d'application largement ouvert, concerne tous les actes des collectivités territoriales qu’ils soient
soumis à transmission ou pas, depuis l'arrêt du Conseil d'État du 4 novembre 1994, département de
la Sarthe, y compris d'ailleurs, les décisions implicites, les contrats et même à titre exceptionnel, les
actes préparatoires.
En sont cependant exclus les actes pris au nom de l'État et les actes de droit privé.
Après avoir examiné l'acte d'une collectivité territoriale, le préfet décide souverainement de saisir ou
pas le juge. C'est ce qui ressort très clairement de l'arrêt Conseil d'État, 25 janvier 1991, Brasseur
reproduit dans votre document de travail. Tel est le cas, même si une personne lésé le lui demande.
C'est ce que l'on appelle le déféré provoqué. Sa responsabilité pourra être engagée pour faute lourde
depuis un arrêt du Conseil d'État du 6 octobre 2000, ministre de l'Intérieur contre commune de Saint-
Florent.
La loi prescrit au préfet d'informer sans délai l'autorité décentralisée de l'exercice du recours et des
irrégularités dont l'acte lui paraît entaché afin qu'elle modifie l'acte en cause. Cette tentative de
conciliation en amont est une des forces de la procédure de déféré. Elle ouvre le plus souvent un
temps de discussion et de conciliation, comme le montre la faiblesse du nombre annuel des déférés,
moins de 1% des actes transmis en moyenne annuelle, de même que le fort pourcentage de
désistements sur les procédures engagées.
Si le préfet estime l’acte irrégulier, il dispose de deux mois pour saisir le tribunal administratif. Le
point de départ du délai est déterminé par la date à laquelle les actes soumis à transmission sont
parvenus au préfet.
Mais le déféré ne suspend pas le délai de recours contentieux que la personne lésée peut
directement former contre la décision locale.
Le régime juridique du déféré préfectoral est celui du recours pour excès de pouvoir désormais, sauf
pour les déférés, dirigés contre un contrat qui, eux, relèvent du plein contentieux. Conseil d'État 23
décembre 2011 ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de
l'immigration.
Le contrôle de légalité pâtit de son succès. En effet, l'accroissement du nombre d'actes transmis avec
un pic de 8000000 en 2004 contre 4000000 en 1988, la multiplicité des contentieux engagées à
l'initiative des tiers, la juridictionnalisation croissante de l'activité publique, rendent l'exercice du
contrôle de légalité de plus en plus lourd et difficile pour les préfectures.
Certains rapports récents de la Cour des comptes ont été particulièrement critiques, sévères à l'égard
du contrôle de légalité.
Des catégories entières d'actes ne seraient pas contrôlées, faute de temps, d'expertise suffisantes
des agents ou de procédure de transmission efficace entre préfecture et sous-préfectures. La
dématérialisation de la transmission de certains actes n'a pas apporté les bénéfices attendus. De
plus, le contrôle serait même variable, disparate selon les localités.
L'État ne donnerait donc pas à ses services déconcentrés la capacité d’exercer pleinement ses
missions, garante du respect du principe d'égalité de la loi. Le législateur a dû diminuer la liste des
actes obligatoirement transmis au préfet pour leur permettre de concentrer leur contrôle sur des
secteurs stratégiques comme l'urbanisme ou la commande publique mais l'efficacité de ce contrôle
demeure un enjeu prégnant encore actuellement.
Après cette longue introduction générale débutons à présent l'étude de l'administration d'État.
En trois paragraphes :
Président de la République et Premier ministre, exercent tous les deux une double fonction à la fois
politique et administrative.
Même sans lien direct avec les organes mêmes de l'administration, le président de la République
assume la direction générale de l'action administrative. Garant de l'indépendance nationale et du
respect des traités, article 5C, responsable de leur négociation et de la ratification, Article 52C, il
exerce des compétences en matière diplomatique. En tant que chef des armées, il préside les
conseils et comités supérieurs de défense, Article 15C, mais également divers conseils permanents
ou pas, constitués pour l'occasion.
Leur fréquence est un signe de l'intervention plus ou moins grande du président dans la marche des
affaires de l'État.
La direction générale de l'action administrative est également assumée par le Premier ministre, en
application de l'article 21C, selon lequel le Premier ministre dirige l'action du gouvernement. À ce
titre, il adresse aux membres du gouvernement ainsi qu'à leurs services des instructions par voie de
circulaires leur prescrivant d'agir dans un sens déterminé ou d'adopter telle interprétation du droit
en vigueur, selon les termes de l'arrêt du Conseil d'État du 26 décembre 2012, association « libérez
les Mademoiselles ».
En second lieu, le Premier ministre joue un rôle majeur de direction et de coordination de l'action du
gouvernement, et certains services concernant l'ensemble de l'activité de l'État lui sont rattachés,
comme le commissariat général à la stratégie et à la prospective.
Selon l'article 13C alinéa 2, le chef de l'État nomme aux emplois civils et militaires de l'État.
Cependant, cette compétence de principe ne s'exerce que pour certains d'entre eux énumérés par
l'alinéa 3 de cet article et une ordonnance portant loi organique et, le cas échéant après l'avis de la
commission compétente de chaque assemblée parlementaire.
Cette nomination intervient pour certains en Conseil des ministres, il s'agit des conseillers d'État,
Ambassadeurs, préfets, recteurs, directeurs d'administration centrale, pour d'autres par décrets,
simples : magistrats de l'ordre judiciaire, professeurs de l'enseignement supérieur par exemple, soit
environ 70 000 emplois.
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la nomination à certains emplois dont la liste
est dressée par une loi organique doit faire l'objet d'un avis public de la commission permanente
compétente de chaque Assemblée. Un avis négatif à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés fait
obstacle à la nomination.
Sous réserve de ces dispositions, le Premier ministre est également titulaire du pouvoir de
nomination aux emplois civils et militaires puisque l'article 21C précise bien, sous réserve des
Ces équilibres dépendent bien sûr de l'entente entre les deux chefs de l'exécutif.
Les services de l'Élysée sont assez légers. Quelques centaines de personnes, réparties entre l'Etat-
major militaire, le cabinet, qui organise la vie quotidienne du Président, les collaborateurs directs et
le secrétariat général, pièce maîtresse de l'organisation administrative élyséenne.
Ce dernier, avec les collaborateurs techniques, assurent la liaison permanente entre le président et le
Premier ministre, notamment pour déterminer l'ordre du jour du Conseil des ministres.
Matignon est une organisation bien plus complexe. En effet, dépendre du Premier ministre, outre ses
services propres correspondant un peu à sa maison, divers organismes qui lui sont rattachés. Au
total, plusieurs milliers de personnes relèvent de Matignon.
Ces services remplissent les 3 grandes fonctions de Matignon : le secrétariat du pouvoir exécutif,
l'administration générale, l'action de développement et d'études des grands problèmes économiques
et sociaux.
a. Le cabinet
Avec à sa tête un directeur de cabinet, il réunit une série de conseillers techniques couvrant les
différents domaines de l'action gouvernementale. Ils aident le Premier ministre dans sa tâche de
direction de l'administration et préparer les arbitrages interministériels.
Moins connu, il assume pourtant un rôle fondamental. Il assure la préparation des réunions, comités
et conseils ministériels, dont le Conseil des ministres. Il établit les procès-verbaux ou, à défaut, dresse
le relevé des décisions.
Véritable centrale de production des textes juridiques, selon l'heureuse formule de Monsieur Frier,
Petit, son service législatif veille à la régularité de l'élaboration des textes législatifs ou
réglementaires depuis leur préparation jusqu'à leur publication ou à la mise en œuvre de leurs
mesures d'application.
Enfin, greffier des différentes décisions prises ou en cours, il est, selon, une formule pertinente, la
mémoire du gouvernement.
Il prépare la position de la France dans les institutions européennes qui se doit d'être commune à
l'ensemble des services.
Enfin, coiffé par une direction des services administratifs et financiers, les services rattachés sont
aussi nombreux que divers. On citera par exemple la direction des journaux officiels ou la
documentation française.
D'autres services disposent d'une large autonomie, comme par exemple la délégation
interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) ou encore
l'administration de mission à vocation interministérielle.
C. La coordination gouvernementale
Ses arbitrages s'imposent et ne sont pas susceptibles d'être modifiés par les ministres compétents.
Ce rôle direction et de coordination administrative qu'il partage avec le président de la République,
s’exerce dans divers conseils. Le plus important d'entre eux, le Conseil des ministres, se réunit
généralement le mercredi matin au palais de l'Élysée sous la présidence du PR. À titre exceptionnel
en vertu d'une délégation express, et sur un ordre du jour déterminé, celui-ci peut être remplacé par
le Premier ministre, Article 21C alinéa 3.
Réunissant tous les ministres et parfois les secrétaires d'État, c'est une instance de délibération
collégiale qui engage, sur la base de la solidarité gouvernementale, tous ses membres.
Sont examinés tous les projets de lois et d'ordonnances, les mesures individuelles des nominations
des hauts fonctionnaires. Mais ces délibérations ne sont pas décisionnelles, seul un acte juridique
pris à leur suite, le plus souvent décret du président de la République, modifiera l'ordre juridique.
Pour étudier les dossiers les concernant, les ministres et secrétaires d'État se réunissent par ailleurs
sous la présidence du chef de l'État, Conseil Interministériel ou du Premier ministre, comité
interministériel.
Il en est ainsi du comité interministériel sur la laïcité créé en juin 2021 afin de s'assurer du respect et
de la promotion du principe de laïcité par l'ensemble des administrations publiques.
Enfin, les collaborateurs des ministres peuvent se réunir sous la présidence d'un membre du cabinet
du Premier ministre en réunion interministérielle. Très nombreuses, un millier par an, elles traduisent
la place tenue de fait par le Premier ministre, puisque c'est là que se décident toutes les mesures
techniques nécessitant un arbitrage de Matignon.
Après la dyarchie au sommet de l'État, voyons dans un paragraphe 2 les ministres et ministères.
En France, la Constitution de 1958 et la loi sont muettes sur le nombre des ministères, la répartition
de leurs attributions ou encore l'organisation des structures ministérielles, ce qui facilite leur
adaptation à l'évolution des facteurs politico administratifs.
Ce caractère discrétionnaire est confirmé par la diversité des qualificatifs attribués aux ministres :
ministre d'État, ministre délégué, secrétaire d'État.
Ils peuvent être créés ou supprimés, leurs services, peuvent être transférés d'un ministère à un
autre.
Actuellement, depuis juillet 2020, le gouvernement est composé, outre le Premier ministre, de 30
ministres et 12 secrétaires d'État, soit au total 42 personnes.
Le Ministre dispose également du pouvoir hiérarchique de droit commun sur tous les services de
l'État qui lui sont subordonnés. Il est compétent pour les organiser et dispose de pouvoirs sur le
recrutement et la carrière des agents.
Bien que ne disposant pas de pouvoir réglementaire général, je vous renvoie à la leçon sur l'exercice
des pouvoirs réglementaires, il dispose comme tout chef de service, des pouvoirs nécessaires à leur
bon fonctionnement.
Il peut édicter les règles générales nécessaires à cet effet en application de la jurisprudence, du
Conseil d'État du 7 février 1936 Jamart.
Aux termes de l'article premier du décret du 1 juillet 1992 portant charte de la déconcentration, dont
nous avons déjà parlé, sont confiées aux administrations centrales, les seules missions qui présentent
un caractère national ou dont l'exécution en vertu de la loi ne peut être déléguée à un échelon
territorial.
Certaines missions devront cependant toujours être accomplies au niveau national en raison de leur
importance ou de leur champ d'intervention. Certains services peuvent prendre en charge des
missions nationales de gestion, études techniques, production de biens et de services correspondant
aux attributions du ministre auprès duquel ils sont placés. Il n'y a pas, à nouveau, de loi générale
fixant la structure des administrations centrales de l'État.
Chaque ministère est organisé selon ses propres règles, qui peuvent varier selon la personnalité du
ministre, voir sous un même ministre.
Organisme restreint, constitué de collaborateurs, personnels librement choisis, le cabinet est dirigé
par un directeur, principal collaborateur du ministre, assisté de conseillers techniques, de chargés de
mission dont le nombre et l'importance sont très variables. Un chef de cabinet assure les missions
protocolaires et politiques, ainsi que l'organisation matérielle de cet organisme.
Le ministère est découpé en directions, dont la compétence est fixée par décret. Le plus souvent, il
existe une direction chargée de l'administration générale, (finances personnelles, affaires juridiques)
et des directions techniques par secteur d'activité par exemple, délégation aux usages de l'internet
au ministère de l'éducation nationale, direction des musées de France au ministère de la culture.
Certains organismes sont placés auprès du chef de l'État ou présidés par lui, d'autres relèvent du
Premier ministre ou sont rattachés à un ou plusieurs ministres.
Chaque ministère dispose, à côté des services, d'un ensemble varié de conseils dont on tente
régulièrement de rationaliser la création, la durée de vie et la pertinence de leur mission.
Associés au processus de la prise de décision, les organismes consultatifs émettent des avis qui
peuvent prendre 3 formes juridiques distinctes :
- L’avis facultatif où l'autorité qui prend la décision n'est tenu ni de le solliciter ni de le suivre.
- L'avis obligatoire où l'autorité est tenue de le solliciter, mais pas de le suivre.
- Et enfin, l'avis conforme où l'autorité doit en outre le suivre ou renoncer à sa décision.
Les organismes consultatifs les plus prestigieux sont le Conseil supérieur de la magistrature, article
65C, le Conseil économique et social et environnemental, Article 69 à 71C et le Conseil d'État seul
organe consultatif à vocation générale.
Nous nous limiterons ici à présenter le rôle consultatif du Conseil d'État, qui joue le rôle le plus
important.
À côté de ses fonctions de juge suprême de l'ordre juridictionnel administratif sur lesquels nous
reviendrons lors du semestre 4, le Conseil d'État a gardé de son histoire le rôle de conseiller du chef
de l'État pour la rédaction des lois et décrets, Article L 112-1 du code de justice administrative. Et
c'est par ailleurs sa fonction la plus ancienne et la seule directement citée par la Constitution dans
l'article 37C alinéa 2.
Créé par la Constitution du 22 Frimaire An 8, soit le 15 décembre 1799, à l'image du Conseil du roi,
supprimé par la révolution, le Conseil d'État joue depuis plus de 200 ans un rôle fondamental dans la
vie publique française.
Précisons rapidement sa composition, puis son organisation qui sera surtout exposé lors de l'étude
du rôle contentieux du Conseil d'État avant de voir ses fonctions consultatives.
Ses membres actuels, environ 230, dont s'ajoute 410 agents en 2021, sont pour les 2/3 recrutés par
concours, les autres provenant d'un tour extérieur. Ce sont des fonctionnaires appartenant aux
cadres supérieurs de l'administration active, des personnalités du secteur privé, des membres du
corps, des conseillers des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.
Ils se répartissent selon des grades correspondant à une carrière régie par un avancement à
l'ancienneté, garantie de leur indépendance.
- Les auditeurs de première et seconde classe sont recrutés parmi les élèves de l'école nationale
d'administration à leur sortie de l'école.
- Les maîtres des requêtes sont choisis pour les 3/4 parmi les auditeurs et pour 1/4 au tour extérieur.
- Les conseillers d'État ordinaire sont choisis pour 2/3 parmi les maîtres des requêtes et pour 1/3 au
tour extérieur.
Aux membres ordinaires du Conseil s'ajoutent quelques conseillers d'État en service extraordinaire,
nommés pour 4 ans, par décret en Conseil des ministres.
B. L’organisation du CE
Appartenant de droit depuis 1945 au Premier ministre, la présidence du Conseil d'État est exercée en
fait par le vice-président, nommé en Conseil des ministres au sein du corps des conseillers d'État.
Le Bureau est composé du vice-président et des présidents de section.
Le Conseil d'État est organisé en 7 sections, qui sont des formations de travail, 6 sections
administratives, administration intérieure, finances, travaux publics sociales, du rapport des études
et une section du contentieux.
Cette double appartenance ne remet pas en cause le principe d'impartialité auquel est soumis le
juge. En effet, une règle coutumière inscrite désormais dans le code de justice administrative, à
l'article R 122-21-1 du CJA a donc interdit au juge de participer au jugement de recours dirigé contre
les actes pris après avis du Conseil d'État, s'ils ont pris part à la délibération de cet avis.
C. La fonction consultative du CE
Cette fonction est nettement définie à l'article L 112-1 du CJA : « Le Conseil d'État participe à la
confection des lois et d'ordonnances, il est saisi par le Premier ministre des projets établis par le
gouvernement. »
Le Conseil d'État donne son avis sur les projets de décret et sur tout autre projet de texte pour
lesquels son intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou
réglementaires ou qui lui sont soumises par le gouvernement.
Saisi d'un projet de texte, le Conseil d'État donne son avis et propose les modifications qu'il juge
nécessaires. En outre, il prépare et rédige les textes qui lui sont demandés.
L'activité consultative du Conseil est donc intense. Dans son rapport pour 2020, le Conseil d'État
constate qu’annuellement, la section consultative ou plutôt les sections administratives, examinent
environ 1200 textes et la section du contentieux juge environ 10 000 affaires.
Cet article L112-1 du CJA doit être complété par certains articles de la Constitution et oppose ainsi la
consultation obligatoire à la consultation facultative.
1/ La consultation obligatoire
Les visas de ces décrets en Conseil d'État portent la mention « le Conseil d'État, section
administrative ou l'intérieur section X entendu le Conseil d'État », ils devront être modifiés suivant la
même procédure.
Si le gouvernement est obligé de requérir l'avis du Conseil, il n'est pas tenu pour autant de le suivre,
sauf cas très rare de décret pris sur avis conforme. Dans ce cas seulement, il peut maintenir son
projet initial malgré l'opposition ou les réserves du Conseil, adopter le texte tel qu'il a été remanié,
renoncer à son projet. En revanche, il ne saurait retenir une autre rédaction car celle-ci serait un
nouveau projet.
Si cette règle n'est pas respectée, ou si un avis pourtant obligatoire n'est pas demandé, la décision
pourrait être annulée lors d'un recours devant sa section contentieuse.
Le Conseil constitutionnel ne reprend pas totalement ce raisonnement. Pour lui, l'ensemble des
questions posées par le texte adopté par le Conseil des ministres doivent avoir été soumises au
Conseil d'État lors de sa consultation. C'est une décision du 3 avril 2003, loi relative à l'élection des
conseils régionaux et des représentants au Parlement européen.
Ainsi, le Conseil d'État doit seulement être mis en mesure d'examiner toutes les questions soulevées
par le projet, mais le Conseil constitutionnel n'interdit pas toute modification du texte après
consultation.
2/ La consultation facultative
Il peut aussi lui demander d'interpréter un texte ou de résoudre une difficulté juridique.
Par exemple, en 2010, sur l'interdiction du port du voile intégral, ou en 1996 sur les expulsions
d'étrangers au regard du droit d'asile.
Un millier d'avis sont en principe rendus chaque année, certains étant publiés dans le rapport public
annuel du Conseil d'État. Voir dans l'ouvrage les grands avis du Conseil d'État. Depuis 2015, une
réforme en effet prévu que ces avis soient publiés.
Dans une démarche très différente, le gouvernement peut demander à la section du rapport et des
études de lui fournir des études ou lui proposer des réformes. En 2018, par exemple, le Conseil d'État
a présenté une importante étude au Premier ministre, intitulé Révision de la loi de Bioéthique,
quelles options pour demain. Ce sujet très sensible et important et depuis lors, au cœur de plusieurs
évolutions législatives, comme à l'été 2021, sur l'élargissement de l'accès à la procréation
médicalement assistée, PMA, aux couples de femmes et aux femmes seules.
Enfin, la section peut, de sa propre initiative, faire des études ou des propositions qu'elle publiera
dans le rapport public, comme par exemple en 2008, le contrat mode d'action publique et de
production de normes, en 2013, le droit souple et cetera.
Désormais, tout ce qui ne relève pas d'une politique applicable à l'ensemble du territoire relève d'un
service déconcentré, à qui sont transférés compétences et moyens adéquats.
Subordonnés hiérarchiquement aux administrations centrales, les services déconcentrés sont chargés
d'appliquer la politique arrêtée au niveau national.
L'organisation générale est complexe, tous les grands ministères dits stables disposent de services
administratifs implantés dans le département, d'autres relèvent de l'autorité de plusieurs ministres,
suivant la composition du gouvernement et certains découpages hérités de l'histoire : le ressort des
cours d'appel, les académies configurateur, les régions militaires.
Enfin, les services déconcentrés sont sous la double autorité de leur ministère = déconcentration
verticale, et du préfet = déconcentration horizontale. Il en résulte certaines difficultés que traduisent
l'oscillation entre les textes, qui réaffirment la prééminence du préfet dans le département sur tous
les services de l'État et la pratique. Mais pour l'essentiel, les services déconcentrés sont organisés
selon les découpages existant entre collectivités territoriales, communes, départements et régions.
A. La commune
Dans le cadre d’un dédoublement fonctionnel, le maire est chargé, sous l’autorité hiérarchique du
préfet, d’attributions administratives : faire respecter les lois et règlements, exécuter les textes,
organiser recensements et élections, compétences en matière de police spéciale.
B. Le département
Circonscription de droit commun de la déconcentration depuis 1992, tous les grands ministères
disposaient traditionnellement de services administratifs implantés dans le département. C'était les
directions départementales. Par exemple, le DDE, de l'agriculture, de l'action sanitaire et sociale.
Après plusieurs tentatives de réforme, une nouvelle organisation des services déconcentrés a été
réalisée par le décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles.
- une direction de la protection des populations regroupant notamment les services vétérinaires,
DDPP
Lorsque les caractéristiques du département le justifient, une direction de la cohésion sociale DGCS
peut être créée. Permettant de mutualiser moyens et services, cette réforme a pour conséquence de
faire quasiment disparaître l'échelon départemental.
Elle débouche également sur une réorganisation de l'administration préfectorale, dont le rôle central
est cependant confirmé.
C. La région
Au niveau régional des services déconcentrés, déjà renforcé par la réforme de l'administration
territoriale de l'État de 2010, la REATE, l’a davantage été par celle du 7 août 2015, portant nouvelle
organisation territoriale de la République, plus connu sous son acronyme loi NOTRe.
A ces 3 niveaux de déconcentration, il faut ajouter le canton qui remplit essentiellement deux
fonctions,
- celle de structures d'accueil pour certains services publics de proximité, en principe une brigade de
gendarmerie et une perception.
La répartition des services de proximité sur le territoire fait actuellement l'objet de nombreux débats.
Elle concerne tout à la fois la poste, les écoles primaires, les collèges, les services hospitaliers comme
les maternités. Serait envisagée la création de maisons de service public par voie de convention ou
sous la forme de GIP où les agents des différents services viendraient à certaines dates accomplir des
fonctions relevant de l'État des collectivités territoriales ou d'organismes spécialisés. Prévoyantes,
certaines communes rachètent les locaux laissés vacants.
Enfin, le sous-préfet apparaît souvent comme le collaborateur officier des maires, les aidant à bien
s'acquitter de leur tâche en leur donnant en particulier des conseils en matière juridique.
Employés à la discrétion du gouvernement, ils peuvent être révoqués, mutés ou placés en position de
disponibilité à tout moment. Leurs obligations professionnelles sont plus strictes que celles des
autres fonctionnaires. Ils ne peuvent s'absenter de leur département sans l'autorisation du ministre.
Il ne dispose ni du droit de grève ni des droits syndicaux, mais peuvent former des associations de la
loi de 1900.
Le préfet a à sa disposition une administration. Ses collaborateurs directs sont le secrétaire général
de la préfecture et le directeur de cabinet, généralement des sous-préfets.
A. Le préfet de département
Pour mieux assurer l'unité des administrations étatiques, il est le seul à pouvoir exprimer le point de
vue de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales et à déterminer la direction générale des services
déconcentrés.
À l'origine essentiellement politique, ses attributions se sont au fil du temps largement diversifiées. Il
dispose aujourd'hui d'attribution politique, administrative, en matière économique et financière et
enfin juridique.
- Alors les attributions politiques tout d'abord : il informe le gouvernement de la situation dans le
département de l'évolution de l'opinion. Il favorise les relations entre les élus et les forces vives,
économiques et sociales. Ils assurent la surveillance des affaires électorales.
- Des attributions administratives ensuite. En tant que dépositaire de l'autorité de l'État, il a la charge
des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois, il dirige et organise les
services déconcentrés des administrations civiles de l'État, à l'exception de la justice, de l'éducation
et de l'armée.
En tant que représentant de l'État dans le département, il veille à l'exécution des règlements et des
décisions gouvernementales. Il est notamment qualifié pour conclure des contrats au nom de l'État
et pour le représenter en justice.
- Des attributions en matière économique et financière par ailleurs, le préfet est l'unique
ordonnateur secondaire des dépenses de l'État pour tous les services civils, à l'exclusion de certaines
activités comme l'éducation. Seul à recevoir délégation de compétence en bloc de la part des
ministres. Il décide directement de l'emploi des crédits d'investissement civil et peut mener ainsi une
politique en faisant des arbitrages au niveau local, en liaison avec les élus et les partenaires
économiques et sociaux.
Président de droit de toutes les commissions à compétence financière, il est consulté pour toute
demande d'aide instruite par l'État en vue de la création du développement d'une entreprise ou pour
toute mesure prise en faveur d'une entreprise en difficulté.
- Quatrième type de compétence sur le plan juridique. Sur le plan juridique, la prééminence du préfet
se traduit de plusieurs manières. Outre les contrôles administratifs et budgétaires effectués sur les
actes pris par les collectivités territoriales, leurs établissements publics, le préfet préside de droit
toutes les commissions administratives qui intéressent des services de l'État dans le département.
Il est le seul habilité à recevoir délégation de pouvoir de la part des ministres et à signer les contrats
engageant l'État. Il détient un pouvoir propre de décision lui permettant d’exercer le pouvoir
réglementaire, ce sont les arrêtés préfectoraux.
Il peut prendre des décisions dans toutes les matières relevant de la compétence des administrations
départementales civiles de l'État. Par le service du courrier, il est informé de toutes les
correspondances des services vers les ministères et réciproquement.
Enfin, troisième élément, le ministre a le pouvoir de noter les chefs de services départementaux.
Opérant une profonde restructuration des services déconcentrés, le décret du 16 février 2010 a
soumis le préfet de département à l'autorité du préfet de région, hors les questions relatives au
contrôle des collectivités territoriales, à la sécurité publique, à l'entrée au séjour des étrangers.
Toutefois, ses pouvoirs ont sans cesse été renforcés. Il reste, avec ses services, la base de
l'organisation territoriale de l'État.
B. Le préfet de région
Garant de la cohérence de l'action de l'État dans la région, il exerce vis-à-vis des chefs de service des
administrations d'État et des établissements publics les mêmes pouvoirs que le préfet de
département.
Il était également ordonnateur secondaire des crédits de l'État dans la région et représente l'État en
toutes circonstances. Il joue un rôle majeur en matière économique et sociale.
Ayant donc autorité sur les préfets de département depuis 2010, il peut évoquer tout ou partie de
leur compétence pour une durée limitée, c'est à dire s'en saisir. Autrement, ils animent, coordonnent
leur action, élaborant au sein du comité de l'administration régionale, les projets d'action stratégique
de l'État dans la région.
Il prépare le contrat de projet passé avec la région, ce qui correspond à des enjeux budgétaires et
financiers majeurs ensuite de leur exécution, il affecte les crédits d'investissement et arrête leur
répartition.
À l'été 2019, deux importantes circulaires ont été adoptées. La première du 5 juin 2019 est relative à
la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, la 2nde du 12
juin, porte sur l'administration territoriale de l'État.
Dans le premier de ces 2 textes, plusieurs objectifs sont clairement affichés, parmi lesquels renforcer
l'efficacité des administrations centrales, simplifier le paysage administratif par la réduction du
nombre d'instances et de commissions rattachées aux administrations centrales, mais aussi aller le
plus loin possible en matière de déconcentration.
La déconcentration doit ainsi être regardée non pas comme une conquête acquise mais comme un
processus vif appelé à se redéployer dans les années à venir dans le cadre de la fameuse réforme de
l'État en voie de approfondissement constant depuis les années 1990.
Dans cette section, deux démembrements de l'administration centrale seront étudiées en ce qu'elles
attestent la transformation du paysage institutionnel français et l'adaptation corrélative du droit
administratif.
Les autorités administratives indépendantes, paragraphe 1, et les autorités publiques indépendantes,
paragraphe 2.
Par exemple, aux États-Unis, les agences de régulation existent depuis le début du 20e siècle et
constituent, élément important de la régulation fédérale.
En France, la première A.A.I, la commission de contrôle des banques a été instaurée par le
gouvernement de Vichy en 1941. Puis il a fallu attendre très longtemps pour voir la naissance de la
commission des opérations de bourse en 1967.
Ce n'est toutefois qu’à partir des années 1970 que ce phénomène a pris toute son ampleur.
- 1973 le médiateur de la République
- 1977 la commission de la concurrence, devenue autorité de la concurrence en 2008
- 1978, la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, ainsi que la Commission
d'accès aux documents administratifs CADA.
- Dans les années 1980, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, CSA, la commission de contrôle des
assurances futures ACAM, puis ACP, le comité de la régulation bancaire.
Puis les années 1990 et 2000 voient se renforcer le phénomène avec, par exemple, la commission
nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
En 1990, la commission des régulation de l'énergie ou CRE.
En 2000, l'autorité des marchés financiers ou AMF en 2003, et cetera.
Ainsi la création d'une AAI constitutionnelle, le défenseur des droits par la révision constitutionnelle
du 23 juillet 2008, création devenue effective en 2011 et qui remplace en particulier le médiateur.
Par la loi numéro 2007/55 du 20 janvier 2017, le législateur a créé un statut général des AAI pour
dissiper la confusion et donc les incertitudes qui entouraient leur nombre et leurs caractéristiques
très diverses.
- Il s'agit, premièrement, d'autorité car le plus souvent, elles disposent de pouvoirs importants leur permettant
de prendre des décisions destinées à modifier l'ordonnancement juridique, par exemple le pouvoir de prendre
des actes réglementaires en particulier celle chargée de la régulation d'un secteur économique comme la CRE
ou l’AMF, de procéder à des contrôles ou à des investigations comme l'autorité de la concurrence et de
sanctionner des comportements irréguliers, voire de prendre des décisions disciplinaires comme l'autorité de la
concurrence.
Lorsqu'elles disposent d'un pouvoir réglementaire, celui-ci leur est confié par la loi à la double condition que
l’habilitation soit expresse et qu'elle ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ
d'application que par leur contenu. C'est la décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989 CSA.
Certaines AAI participent à l'activité régalienne de l'État, d'autres ne détiennent aucun pouvoir de décision.
Ne pouvant formuler que des propositions ou des recommandations, elles ne disposent que d'une magistrature
d'influence, par exemple la CADA ou le défenseur des droits. Mais comme le soulignait en 2001 le rapport
public du Conseil d'État, ce pouvoir d'influence et de persuasion ne doit pas être négligé.
- Deuxièmement, ces autorités sont administratives. Cela revient à dire qu'elles ne relèvent ni du pouvoir
judiciaire ni du pouvoir législatif, mais du pouvoir exécutif. Dépourvues de personnalité morale, elles sont
intégrées à l'État dont elles ne se distinguent pas juridiquement. Leurs décisions sont contrôlées par le juge
administratif depuis l'arrêt Retail rendu par le Conseil d'État le 10 juillet 1981.
À l'occasion de l'important arrêt du 13 décembre 1999 Didier, le Conseil d'État a admis, en principe
l'applicabilité du principe d'impartialité rappelé par l'article 6 paragraphe un de la Convention européenne des
droits de l'homme à ses organes.
Si la détention du pouvoir de sanction et parfois de règlement de différends ne s'oppose donc pas leur
qualification d'autorité administrative plutôt que celle de juge, elle implique l'application de certaines garanties
attachées au droit à un procès équitable. En l’affirmant, le juge administratif français sous l'influence de la Cour
européenne des droits de l'homme a témoigné d'un certain pragmatisme pour encadrer le fonctionnement des
AAI dans l'exercice de leur pouvoir de sanction, en particulier
Le Conseil d'État a franchi un nouveau pas décisif dans le contrôle de l'action des autorités de régulation en
acceptant d'ouvrir le recours pour excès de pouvoir à la contestation des actes de droit souple qu'elles
produisent, recommandations, avis, prises de position, communiqués, et cetera.
Par deux arrêts d'Assemblée du 21 mars 2016, société Fairvesta international et société Numéricable , il a en
effet admis, par principe de se prononcer sur des actes « qui sont de nature à produire des effets notables ou
qui ont pour effet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il
s'adresse ».
Il a depuis lors étendu cette approche aux actes de droit souple que produisent de façon générale des AAI.
- Troisièmement, ces autorités sont indépendantes car elles ne sont soumises à aucune instruction ni à aucun
contrôle du gouvernement. Elles ne sont pas soumises au pouvoir hiérarchique ou au pouvoir de tutelle d'un
ministre, elles sont placées en dehors de la hiérarchie administrative classique.
La Cour de justice de l'Union européenne veille également à leur indépendance et dans un arrêt du 9 mars 2010
Commission contre Allemagne, elle les présente comme situées en dehors de l'administration hiérarchique
Leur indépendance est par ailleurs assurée par le statut de ses membres, irrévocable.
B. Les AAI ont trouvé leur place dans le paysage administratif français
En effet, si leur multiplication soulève le problème de la responsabilité du pouvoir politique, auquel échappe la
régulation de pans entiers de la vie économique administrative, les avantages procurés sont reconnus et
l'emportent sans doute sur leurs inconvénients.
L'existence même des AAI est fondée sur la volonté de mettre des domaines jugés sensibles à l'abri des
influences politiques, économiques ou professionnelles, l'administration classique étant jugé insuffisamment
neutre, trop proche du pouvoir politique. La création d’une AAI permet de constituer des contre-pouvoirs.
Il s'agit également de mieux associer les professionnels à la régulation de secteur dans lequel l'adhésion des
acteurs repose sur la crédibilité du régulateur. Cela est particulièrement vrai en matière économique et
explique la multiplication des AAI dans ce secteur.
Les avantages sont doubles, indépendance à l'égard du gouvernement et meilleure expertise permise par la
spécialisation de l'autorité dans la matière considérée.
Ensuite, il ne faut pas non plus sous-estimer l'efficacité accrue de l'action de l'État permise par les AAI. Elles
décident plus vite, elles ne sont soumises à aucun cabinet, leur circuit de décision est plus court que dans un
service administratif classique.
Quatrièmement, les AAI autorisent la diversification des moyens de régulation à la logique des décisions
individuelles et des sanctions. Succès d'une logique plus souple faite de recommandations, d’avis, conseils, de
rapports et cetera.
Le succès de la formule particulière que constituent les AAI depuis 50 ans étant définitive, indéniable et a
même essaimé, donnant naissance à une nouvelle catégorie de personne morale de droit public : les autorités
publiques indépendantes auquel nous allons consacrer le paragraphe deux.
La loi du 1 août 2003 de sécurité financière a doté l'autorité des marchés financiers de la personnalité morale
et de ressources propres, créant ainsi la première autorité publique indépendante ou API, dont la qualification
juridique au regard des catégories existant en droit public, pouvait laisser perplexe.
Depuis, plusieurs autres API ont vu le jour, la haute autorité de santé, ou HAS créée par la loi du 13 août 2004,
l'Agence française de lutte contre le dopage ou AFLD, créée par la loi du 5 avril 2006 ou bien encore, pour nous
limiter à quelques exemples, la fameuse haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits
sur Internet, Hadopi, créée par la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur
Internet.
Les API représentent une catégorie juridique à part, à côté des autres personnes morales de droit public, État,
collectivités territoriales, établissements publics et groupement d'intérêt public.
Si leur existence et leur statut est désormais mieux établi, ce type d'acteurs suscite cependant toujours des
interrogations quant à leur différence par rapport aux AAI et finalement aux motifs qui conduisent à privilégier
cette formule plutôt que celle de l'AAI.
On ne constate pas en effet de différence de pouvoir importante entre les AAI et les API.
Si l’AMF a des pouvoirs de régulation et de sanctions comme certaines AAI, la Haute autorité de santé ne peut
effectuer que des missions d'expertise et d'évaluation.
De plus, les API comme les AAI demeurent soumises au Parlement, s'agissant de leur dotation budgétaire et de
leur existence.
En adoptant ce statut juridique, le législateur a certainement voulu leur donner une plus grande souplesse de
gestion, notamment en matière financière de gestion de personnel.
On peut aussi souligner une meilleure visibilité à l'égard des acteurs, notamment internationaux.
L'attribution d'une personnalité morale propre, en outre, a pour conséquence qu'en cas de préjudice causé à
autrui en raison d'une faute dans l'exercice de leur fonction, les API engagent leur responsabilité propre et non
celle de l'État.
On peut dire qu'au regard de la pérennité de l'institution, les API, autorités publiques indépendantes, ne se
distingue pas radicalement des AAI traditionnelles.
Aussi est-il difficile de percevoir les motifs qui déterminent le choix du législateur de créer une AAI au lieu d'une
API ? Sans doute la volonté d'afficher d'indépendance plus importantes à l'égard du pouvoir politique préside-t-
elle en grande partie à ce choix.
Mais il y a là, nous avons vu plus une question d'affichage que de fond.
On sait cependant qu'en matière de régulation, les apparences ont leur importance, ce qui amène à dire que la
formule de l'autorité publique indépendante a sans doute devant elle un bel avenir.
Ce processus se concrétise plus précisément par la mise en place à la fois d'une décentralisation
territoriale qui s'applique aux collectivités territoriales, et d'une décentralisation technique ou
fonctionnelle, concernant en particulier les établissements publics.
La dernière section de ce chapitre sera consacrée aux établissements publics. Avant cela, plusieurs
autres le seront aux collectivités territoriales.
Celles-ci occupent une place importante dans le paysage institutionnel, administratif et économique
français.
Ancrées dans l'histoire, elles ont connu au cours des 40 dernières années des évolutions
substantielles et les débats de fond sont toujours ouverts, comme le montre à l'automne 2021 les
discussions autour du projet de loi dit 4D pour déconcentration, décentralisation, différenciation,
décomplexification, texte censé accroître encore les responsabilités conférées aux collectivités
territoriales.
Aussi, après une brève introduction historique, l'exposé de leur statut constitutionnel actuel
précisera les différentes catégories de collectivités territoriales qui, malgré le maintien apparent du
modèle uniforme hérité de la Révolution française, a su faire largement la place à
Première étape, l'autorité constituante fixe les cadres territoriaux encore en place aujourd'hui. Elle
érige les communautés d'habitants en communes avec la loi du 14 décembre 1789 et crée le
département avec la loi du 22 décembre 1789. Cette loi consacre également un principe d'uniformité
exigeant que tous les Français soient soumis à une administration identique sur l'ensemble du
territoire.
Les administrations locales des communes, districts, départements doivent donc être régis par des
règles similaires, au nom du principe d'égalité devant la loi défini par la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789 et de la fin des privilèges votés par la loi du 4 août 1789.
Mais il ne s'agit pas d'une réelle décentralisation. L'administration locale gère des affaires de l'État,
les communes ont la charge de la répartition des contributions directes, les départements ont
vocation à gérer toutes les matières administratives, mais au nom du roi, par des organes néanmoins
élus.
Seule la commune est conçue comme s'occupant à la fois des affaires locales et de celle nationales.
Les difficultés rencontrées par la Révolution à partir de la Convention, c'est à dire 1792, ont conduit
l'État à recentraliser l'administration locale. Il s'agissait de lutter contre les tendances fédéralistes ou
girondines qui marquaient en réalité la volonté d'échapper au pouvoir révolutionnaire parisien.
Ce mouvement de recentralisation est consacré par Napoléon Bonaparte avec la loi du 28 Pluviôse
An 8, ou 17 février 1800, elle organise l'administration totalement hiérarchisée, depuis les préfets,
qu'elle crée jusqu'au maire. Toutes ces autorités locales sont nommées par le pouvoir central.
Après la révolution de juillet 1830, des lois sur l'organisation locale avait été votée et certains projets
avaient été élaborés à la fin du second Empire, entre 1852 et 1870. Mais c'est le changement de
régime politique en 1870 qui amorce de réelles évolutions administratives.
Cette longue période de 70 ans, 1870-1940, est surtout marquée par le vote de deux lois qui vont
s'appliquer durant plusieurs décennies.
La loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux, est adoptée au lendemain de la commune de Paris.
Le Conseil général devient l'entité chargée de gérer les affaires du département. Il était en cela par
une commission départementale élue en son sein et dont les réunions étaient plus fréquentes que
celles du Conseil général.
C'est la crainte de confier trop de pouvoir à un élu départemental qui conduit à la mise en place de ce
régime de semi-décentralisation qui va perdurer jusqu'en 1982.
Les lois de décentralisation des années 1980 ne concerneront qu'assez peu la commune, en dehors
de la question des compétences.
La consécration modeste des collectivités locales par la Constitution apparaît avec l'article 85 de la
Constitution de 1946 qui affirme, la République française reconnaît l'existence des collectivités
territoriales, puis l'article 87 ajoute qu'elle s’administre librement. Aucune loi n'a suivi ce texte. La 5e
République va accomplir ce que la 4e n'a pas pu faire.
3e étape. Adoptées à partir de 1982, les lois Deferre, du nom du ministre de l'Intérieur et de la
décentralisation de l'époque correspondent à la volonté politique de la gauche arrivée au pouvoir en
1981 d'accroître la décentralisation de l'administration française.
Ces lois constituent ce que l'on appellera par la suite l’Acte 1 de la décentralisation.
La première loi est celle du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions. Elle remplace la tutelle pesant sur les collectivités territoriales par un
contrôle a posteriori confié au juge administratif.
Suivent de très nombreux textes, ils sont relatifs d'abord à certaines collectivités particulières, Corse,
région, outre-mer, certains TOM comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, relatifs
ensuite au transfert des compétences de l'État vers des collectivités territoriales dans de nombreux
domaines, par bloc, par les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983, urbanisme, action sociale, formation
professionnelle, gestion des collèges et lycées, etc., et relatif, enfin, la fonction publique territoriale
créée par la loi du 26 janvier 1984.
Les alternances politiques qui ont suivi n'ont pas remis en cause les principes posés par ces lois et
n'ont procédé qu’à des modifications mineures ou des approfondissements.
Loi du 03 février 1992, premiers éléments d'un statut des élus locaux, loi du 6 février 1992, premières
formes de démocratie locale, consultation des électeurs locaux. Et c'est une loi de relance de la
politique de coopération intercommunale avec la création des communautés de communes
approfondi par la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale.
4e étape, une nouvelle période dans la politique de décentralisation s'ouvre avec la nomination de
Monsieur Raffarin comme Premier ministre en mai 2002. Ses initiateurs ont baptisé cette période
Acte II pour montrer à la fois qu'elle se situe à la suite de ce qui est alors qualifiée d'Acte I et qu'elle
se démarquait de celui-ci.
Cette révision introduit aussi plusieurs dispositions novatrices relatives notamment aux finances
locales pour permettre des évolutions statutaires pour les collectivités situées outre-mer. Elle
consacre enfin le principe selon lequel l'organisation de la République française est décentralisée
dans l'article 1 de la Constitution.
L'acte II devait être aussi l'occasion d'une vaste redistribution des compétences entre l'État et les
différents niveaux territoriaux. Cette ambition s'est traduite par la loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales. Le contenu de la loi, qui certes, attribue de nouvelles compétences
aux collectivités, ne répond toutefois pas totalement à l'objectif initial.
La réforme entreprise à partir de 2010 a mis fin, de manière anticipée à l'Acte 2, donc toutes les
potentialités n'avaient pas été épuisées. Cette réforme a été présentée par certains comme l’Acte I
de la recentralisation, mais par d'autres comme l'acte III de la décentralisation.
La loi du 16 décembre 2010 dite de réforme des collectivités territoriales devait être suivie par
d'autres textes qui n'ont jamais été discuté au Parlement. Elle avait pour objectif de réduire le mille-
feuille territorial, de rationaliser les rapports entre les départements et les régions en créant un élu
commun le conseiller territorial, enfin, de limiter les compétences des départements et des régions à
celles que la loi devait leur attribuer avec la suppression partielle de la clause générale de
compétence.
2e réforme, celle du droit électoral local, appliquée dès les élections du printemps 2014 avec
l'élection des conseillers départementaux au scrutin binominal paritaire dans le cadre de canton
élargi et des conseillers communautaires, c'est-à-dire des établissements publics de coopération
intercommunale en même temps que les conseillers municipaux.
3e étape, en raison du profond attachement des Français à l'échelon communal, reflétant la richesse
et la diversité de l'espace national, il n'a pas été possible de supprimer les petites communes. Après
l'échec de plusieurs tentatives, 1992, 1999, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités
territoriales marque une évolution importante en rendant obligatoire l'adhésion à une structure
intercommunale. Elle met également en place un cadre pour encourager la suppression ou la fusion
des multiples syndicats intercommunaux. Elle crée enfin les métropoles pour les territoires les plus
urbanisés.
Cette rationalisation de la carte des territoires est couronnée par la loi des 16 janvier 2015 relative à
la délimitation des régions aux élections régionales, départementales et modifiant le calendrier
électoral.
Enfin, la loi du 7 août 2015 portant organisation territoriale de la République dite loi NOTRe renforce
le niveau régional et modifie les compétences.
Avec la création de ces grandes régions, le choix des législateurs est clairement d’encourager la
dynamique du binôme-région métropole estimé être devenu un levier essentiel de la croissance des
territoires et qui a vocation à gérer à terme l'essentiel des compétences économiques. Les mutations
profondes sont loin d'être achevées.
Depuis, seule cette dernière expression de collectivité territoriale figure dans la Constitution,
l'expression collectivités locales n'est donc plus juridiquement fondée.
Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public distinctes de l'État et
bénéficiant à ce titre d'une autonomie juridique et patrimoniale.
Leur gestion est assurée par des conseils ou assemblées élues au suffrage universel et par des
organes exécutifs.
Le titre XII de la Constitution consacré aux collectivités territoriales, 72 à 75, est profondément
remanié tout en maintenant les 4 principes de bases posés par article 72,
- la libre administration,
Cette section sera consacrée à l'existence des collectivités territoriales. La section II au principe de
libre administration, la 3e à la démocratie locale, la 4e aux compétences exercées et la 5e à
l'intercommunalité.
Il existe 5 catégories de collectivités territoriales régies par l'article 72 : communes, départements,
régions, collectivités à statut particulier et collectivité d'Outre-Mer.
La création de toute autre collectivité territoriale relève de la compétence du législateur, d'où la loi
de 1975 pour la ville de Paris, de 1982 pour les régions et de 1991 pour la région Corse.
Depuis la loi municipale de 1884, elles sont gérées par une Assemblée délibérante, le Conseil
municipal, élu pour 6 ans au suffrage universel direct, et par le maire élu par et parmi le Conseil
municipal.
Organe exécutif de la commune collectivité décentralisée, le maire est par ailleurs le représentant de
l'État dans la commune, circonscription déconcentré.
Au titre de la 2nde Fonction, il gère l'état civil, organise les élections et à la qualité d'officier de police
judiciaire. On dit qu'il connaît un dédoublement fonctionnel.
Créé par la Révolution française pour rapprocher les administrés de l'administration, le découpage
départemental a été fait de telle sorte qu'il soit possible de se rendre au chef-lieu en une journée de
cheval. Objet de tentatives régulières de suppression, le département s'impose cependant comme un
cadre essentiel de l'administration de l'État grâce aux préfets de département et comme niveau
décentralisé adapté aux politiques de solidarité.
Depuis la loi de 1871, le département est géré par une Assemblée délibérante, le Conseil
départemental, élus pour 6 ans au suffrage universel direct et par son président élu par et parmi ce
dernier.
Le département est divisé en cantons qui servent chacun l'élection d'un conseiller départemental et
ainsi assurer la représentation de la diversité des territoires sur le département.
Collectivité territoriale à part entière depuis la loi du 2 mars 1982, la région à présent est à la fois la
plus grande collectivité territoriale de droit commun et la plus récente, elle est administrée par une
Assemblée délibérante élue au suffrage indirect dans le cadre du canton, le Conseil régional, un
président du Conseil régional, élu par et en son sein et d'un Conseil économique, social et
environnemental régional, organe non élu aux attributions consultatives.
Ces 3 villes soumises aux règles du droit commun, sous réserve de dispositions particulières,
disposent d'une Assemblée délibérante élue pour 6 ans, le Conseil municipal, qui élit en son sein le
maire et ses adjoints.
Cependant, l'effectif des conseillers municipaux est supérieur au maximum prévu par le droit
commun et les villes sont découpées en arrondissements, 20 pour Paris, 16 pour Marseille et 9 pour
Lyon.
Comme tous les autres maires, le maire d'arrondissement exerce des attributions diverses en tant
qu'agent de l'État et attribuent les logements sociaux.
Depuis une loi de 1982, le territoire de la ville de Paris recouvre deux collectivités distinctes, un
département & une commune ayant chacune son budget, ses bien, ses services, ses personnels. Le
Conseil de Paris est l'organe délibérant de la commune et du département.
Le Président du Conseil de Paris est également le maire de la capitale, il possède cependant des
attributions limitées en matière de police administrative, le maintien de l'ordre et la police de la
circulation étant du ressort du préfet de police.
Projet d'aménagement à l'échelle de l'agglomération parisienne, la loi du 3 juin 2010 créé le Grand
Paris, projet porté à la fois par le gouvernement et les collectivités territoriales. Nous y reviendrons
un peu plus tard.
L'organe délibérant, l'Assemblée de Corse élit organe exécutif, le Conseil exécutif responsable devant
elle. À ces deux institutions s'ajoute le Conseil économique, social et culturel.
L'Assemblée de Corse doit être consultée sur les lois ou les décrets comportant des dispositions
spécifiques à la Corse.
Lors du référendum du 6 juillet 2003, les électeurs de Corse ont rejeté un nouveau statut de l'île qui
aurait fait de cette collectivité un hybride des régions du droit commun, des régions d'outremer et
des différents territoires à statut particulier.
Dans le régime dit de l'identité législative de l'article 73, les lois et règlements sont applicables de
plein droit, mais pour tenir compte de leurs spécificités, des adaptations sont néanmoins possibles.
Celles-ci peuvent être demandées par le Parlement et le gouvernement ou par les collectivités si elles
y ont été autorisées par la loi ou le règlement. Les collectivités peuvent aussi élaborer des règlements
portant sur certaines questions relevant du domaine de la loi. Ce régime est celui de DOM ROM.
Créé en 1946, les DOM étaient au nombre de 4 : Guadeloupe, Guyane, Martinique, la Réunion. La
régionalisation initiée en 1982 a créé les ROM qui se superposent exactement aux DOM.
Pour mettre fin à cette complexité, l'article 13 alinéa 7c prévoit que les domaines ROM peuvent
évoluer vers le statut de collectivité unique destinés à se substituer au département et à la région en
suivant la procédure de l'article 72-4C.
Elles sont destinées à remplacer les anciens TOM, même si la liste des COM (collectivité d'Outremer)
ne s'est pas substituée à celle des DOM TOM.
Ces collectivités d'outremer sont actuellement 5, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna,
la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin.
En application du régime dit de la spécialité législative et d'autonomie de l'article 74C qui leur est
applicable, elles sont dotées d'un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au
sein de la République.
Leur statut juridique les éloigne du droit commun. Mais les raisons et les modalités de ce statut sont
différentes d'une COM à l'autre, ce qui rend difficile de les considérer comme une catégorie
homogène. Ce statut ainsi défini après avis de leur Assemblée délibérante par une loi organique.
Les assemblées locales peuvent élaborer des règlements relevant du domaine de la loi, à l'exclusion
des matières régaliennes. Aucun changement de régime ne peut avoir lieu sans le consentement de
leurs électeurs.
Quoique collectivités d'Outremer, Wallis et Futuna disposent d'un statut proche de l'administration
direct.
Entérinant l'accord de Nouméa, elle dispose d'un statut constitutionnel particulier orienté vers
l'indépendance.
Il programme l'évolution de ce territoire vers la pleine souveraineté sur laquelle la population est
invitée à se prononcer.
2 référendums en 2018 puis en 2020, ont abouti à des résultats majoritairement défavorables à
l'indépendance. Un 3e référendum est prévu le 12 décembre 2021.
À l'opposé, les terres australes et antarctiques françaises (les TAAF) qui n'accueillent que les
scientifiques, les îles éparses, situées dans l'océan Indien, et l'îlot de Clipperton, 100 habitant, sont
gérés de manière quasi directe.
Notion abstraite qui ne permet pas d'emblée de déterminer ce que peuvent faire les collectivités
territoriales ; l’article 37 alinéa 13 précise qu'il revient à la loi d'en préciser le contenu ou tout au
moins la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités
territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources.
Pour le Conseil constitutionnel, la libre administration fait partie des droits et libertés invocables dans
le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité depuis une décision QPC du 2 juillet 2010,
Commune de Dunkerque et pour le Conseil d'État, cette libre administration est l'une des libertés
fondamentales protégées par la procédure du référé liberté depuis l'ordonnance du 18 janvier 2001,
commune de Venelles.
Les collectivités territoriales sont placées sur un pied d'égalité face à l'État, qu'elles soient de même
niveau territorial ou situés à des niveaux différents.
L'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre n'empêche cependant pas la loi de
reconnaître des compétences particulières d'aide d'une collectivité au profit d'une autre. C'est ainsi
que le département est compétent pour apporter aux communes qui lui demande son soutien
l'exercice de leur compétence, Articles 32, 33-1 CGCT.
De même, le Conseil d'État ne considère pas comme une tutelle la subvention limitée versée aux
communes et différenciée selon que le service est géré en régie ou déléguée, Conseil d'État 12
décembre 2003 département des Landes.
Cependant, l'alinéa 5 de l'article 72C permet au législateur de désigner une collectivité dite chef de
file pour gérer de manière commune une compétence nécessitant le concours de plusieurs
collectivités territoriales. Nous reviendrons sur ce point au paragraphe 2 de la section 4.
Néanmoins, ce contrôle doit respecter le principe de libre administration des collectivités, posé à
l'article 72 alinéa 3 qui a évidemment lui aussi valeur constitutionnelle. Il ne doit donc pas revêtir les
mêmes caractéristiques que le contrôle hiérarchique, exercé par des autorités supérieures de l'État
sur des autorités subordonnées.
Cet équilibre entre liberté et contrôle a été rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision
relative à la loi du 2 mars 1982.
Depuis les lois du 2 mars et du 16 juillet 1982, le contrôle est un contrôle de légalité, ce qui en
indique les limites. Il s'exerce sur les actes et dans certaines conditions sur les organes délibérants
des collectivités qui peuvent être dissous par décret. C'est un contrôle a posteriori.
Il est exercé après l'entrée en vigueur des actes et n'est pas une condition de cette dernière comme
avant 1982, quand le contrôle était dit a priori.
C'est un contrôle juridictionnel, les juridictions administratives sont désormais seules compétentes
pour annuler les actes contraires.
Ce contrôle a été étudié dans la partie d'introduction générale consacrée aux principes généraux.
L'article 72 n'exige pas qu'il soit direct et s'il ne précise pas qu'il est universel, cette condition découle
de l'article 3 de la Constitution selon lequel le suffrage est toujours universel.
À ces éléments fondateurs de démocratie représentative se sont ajoutés récemment des éléments
de démocratie participative, d’où les deux paragraphes de cette section.
Les membres du Conseil municipal sont élus pour 6 ans au suffrage universel direct.
Le mode de scrutin diffère selon la taille de la commune. Dans celles de moins de 1000 habitants, les
conseillers sont élus au scrutin de liste majoritaire à deux tours. Pour les autres, un régime complexe
mélange les systèmes majoritaire et proportionnel.
Le nombre de conseillers municipaux varie selon la taille de la commune, de 7 pour les communes de
moins de 100 habitants à 69 pour les communes de 300000 habitants et plus depuis 2013, toutes les
communes de plus de 1000 habitants doivent respecter le principe de parité.
Le maire et ses adjoints sont élus par le Conseil municipal en son sein. Depuis les élections de mars
2014, les citoyens élisent en même temps leurs conseillers municipaux et leurs conseillers
communautaires, c'est à dire les conseillers qui feront partie de l'organe délibérant de
l'intercommunalité.
Les candidats positionnés en tête de liste ont en effet vocation qui sont élus à représenter la
commune au Conseil de l’EPCI, établissement public de coopération intercommunale.
Il a lieu en même temps que le scrutin municipal et la liste des candidats à l'Assemblée
communautaire doit figurer de manière distincte sur le même bulletin que la liste des candidats au
Conseil municipal dont elle est issue.
Dans les communes de moins de 1000 habitants, les conseillers communautaires sont les membres
des conseil municipal désignés dans l'ordre du tableau.
En 2015, lors des élections départementales ex-cantonales, deux conseillers départementaux, ont été
élus dans chaque canton, scrutin binominal de tour, les candidats se sont présentés en binôme,
composé d'une femme et d'un homme élus pour 6 ans. Les conseillers départementaux sont
désormais renouvelés dans leur intégralité.
Depuis 2003, les membres du Conseil régional sont élus dans le cadre d'un scrutin de liste à deux
tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Les membres du Conseil régional sont élus pour 6 ans au suffrage universel direct avec
renouvellement intégral, exception faite des élections de 2010 où les conseillers régionaux l'ont été
pour un mandat exceptionnel de 4 ans.
Le Président du Conseil régional, élu par le Conseil régional en son sein est depuis 1982, l'exécutif de
la région.
Chaque collectivité territoriale est dotée d'un organe délibérant et d'un organe exécutif.
L'organe délibérant élu, au suffrage universel direct, dispose de la compétence de principe, ce qui lui
permet de décider surtout d’affaires d'intérêt local.
L'organe exécutif, a pour rôle de préparer et d'exécuter les délibérations. Il occupe en réalité une
place centrale car il est le chef de l'administration locale et dispose à ce titre d'un pouvoir
hiérarchique sur ses subordonnés.
À côté de cette démocratie représentative, récemment, on a mis en place ce que l'on a nommé la
démocratie représentative, objet du paragraphe 2.
A. Le référendum local
Prévue par l'article 72 alinéa 2C, le référendum local permet aux électeurs, sous certaines conditions,
de décider la réalisation d'un projet local, par exemple l'implantation d'éoliennes, la création d'une
police municipale, le choix du nom des habitants.
Les articles LO.1112-1 et suivants du CGCT encadrent son exercice. L'exécutif local est seul compétent
pour proposer à l'Assemblée délibérante d'organiser un référendum portant sur un acte relevant de
sa compétence.
Le projet est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin, et s'il réunit la
majorité des suffrages exprimés.
Le référendum voit leur décision et la collectivité locale organisatrice doit juridiquement suivre. Dans
le cas contraire, le référendum n'a que la portée d'un avis consultatif.
Par ailleurs, des conseils de quartier peuvent être créés dans les communes de 20000 habitants et
plus et sont obligatoires dans les villes de plus de 80000 habitants, en application de l'article L 21, 43-
1 et suivants du CGCT, le Conseil municipal en déterminent l'organisation, le périmètre et cetera.
Ces conseils donnent des avis et formulent des propositions sur toutes les questions, intéressant le
quartier ou la ville, l’amélioration du cadre de vie, mise en place de nouveaux équipements publics
par exemple.
En outre, de façon à associer les citoyens à la gestion des services publics locaux, eau potable, gestion
des déchets, transports urbains, l'article L1413-1 du CGCT oblige les collectivités territoriales
importantes, c'est à dire de plus de 10 000 habitants, à créer une commission consultative des
services publics locaux (CCSPL) pour l'ensemble des services gérés par délégation de service public ou
exploités en régie, dotée de l'autonomie financière.
B. Les consultations
Selon l'article L 1112-15, les électeurs d'une collectivité territoriale peuvent être consultés sur les
décisions que les autorités de cette collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant
de la compétence de celle-ci.
Les électeurs eux-mêmes peuvent être à l'initiative d'une demande de consultation, ce qui n'est pas
le cas pour le référendum local. La décision de l'organiser revenant toutefois à l'Assemblée
délibérante. Article 1112-16.
Les articles L52 11-49 et suivants prévoient les consultations intercommunale sur un modèle
identique accentuant le rapprochement entre communes et intercommunalités.
Cette consultation n'est qu'une demande d'avis et après avoir pris connaissance du résultat, l'autorité
compétente de la collectivité territoriale arrête sa décision sur l'affaire qui en fait l'objet.
L'article 72-alinéa 3 de la Constitution prévoit une autre consultation qui a valeur d'avis. Lorsqu'il est
envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son
organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités
intéressées.
La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation
des électeurs dans les conditions prévues par la loi.
Mais c'est sur le fondement de l'article L 31 14-1 CGCT, introduit par la loi du 16 décembre 2010, que
les électeurs atteint étaient appelés à se prononcer le 7 avril 2013, à l'initiative des 3 collectivités
concernées, sur le projet de création d'un Conseil de Alsace, collectivité unique qui devait remplacer
les 2 départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et la région de Alsace. Les électeurs ont refusé cette
réforme.
C. Le droit de pétition
Le droit de pétition à l'initiative des électeurs, cette fois-ci instituée par révision constitutionnelle du
28 mars 2003, Article 72-1C complètent ce dispositif.
Alors que cet article peut être interprété comme posant un principe de subsidiarité, le CGCT inscrit
clairement dans sa partie législative une clause générale de compétence qui permettait à chaque
niveau municipal, départemental, régional, de prendre en charge tout affaire d'intérêt local.
Je dis permettait, puisque nous savons qu’après beaucoup d'évolutions sur lesquelles nous
reviendrons, la loi de 2015, la loi NOTRe 2015 a supprimé largement cette clause générale de
compétence.
Cette section 4 sera divisée en 7 paragraphes : 1, la clause générale de compétence 2, les principes
de la répartition des compétences 3, la notion d'intérêt public local 4, les compétences exercées par
les communes 5, les départements 6, la région. Un dernier paragraphe 7 sur la compétence
normative des collectivités territoriales clora cette section.
Reposant sur la notion d'intérêt public local, elle a été posée par la loi municipale de 1884, puis
étendue en 1982 aux départements et aux régions. Cette clause a pour objet de donner à l'organe
délibérant une compétence de principe et de protéger la collectivité concernée contre les
empiètements des autres collectivités.
En outre, elle oppose les collectivités territoriales aux établissements publics, régis par le principe de
spécialité.
La clause générale de compétence n'est plus inscrite qu’à l'article L.2121-29 du CGCT pour les
communes, où il est écrit le Conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune.
L'abrogation d'un principe général de clause générale de compétence a été longue à s'imposer
puisque avant 2015, toutes les collectivités territoriales communes, départements, régions, disposait
en tout cas de cette clause de compétence. La loi du 16 décembre 2010 prévoyait de conserver la
clause générale de compétence uniquement pour les communes.
Pour les conseils généraux aux régionales, les articles L 3211-1 et L 4221-1 modifiés précisaient que, à
compter du 1 janvier 2015, il devait régler les affaires de leurs collectivités respectives « dans les
domaines de compétences, que la loi leur attribue » et qu'ils pourraient « se saisir de tout objet
d'intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n'a donné compétence à aucune autre
personne publique ».
Finalement, cette clause générale a été supprimée par la loi NOTRe du 7 août 2015.
- Le premier, dans la mesure du possible, les compétences de l'État qui sont transférées aux
collectivités territoriales le sont en bloc pour éviter tout doublon au chevauchement.
- Le 2e, ces transferts ne doivent pas provoquer d'ingérence d'une collectivité dans les affaires d'une
autre.
- Le 3e, les transferts de compétences doivent être accompagnés de transfert des moyens
nécessaires à leur mise en œuvre, ressources, services, biens.
En effet, si la tutelle d'une collectivité sur une autre reste interdite lorsque « l'exercice d'une
compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une
d'entre elles ou l'un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ».
Enfin, un principe de subsidiarité posé par l'article 72, alinéa 2C invite le législateur à transférer des
blocs homogènes de compétences au niveau des collectivités les plus aptes à les assumer et les plus
proches des citoyens.
Devant les difficultés rencontrées par la mise en application de ces principes, la réforme de 2010
avait posé quelques règles : exclusivité en principe de l'exercice des compétences, possibilité de
délégation de compétence à une collectivité d'une autre catégorie, élaboration d'un schéma
d'organisation des compétences et de mutualisation des services entre une région et les
départements, limitation des financements croisés.
Ainsi, la région voit son rôle du chef de file se confirmer ou se renforcer en matière notamment de
développement économique, d'aide aux entreprises, de transport, de biodiversité, de transition
énergétique.
La définition de l'intérêt local est complexe car celui-ci évolue dans le temps, l'espace et la taille de la
collectivité.
Les collectivités doivent tout d'abord respecter l'initiative privée au nom de la liberté du commerce
et de l'industrie. Celle-ci interdit ainsi aux communes de créer, en dehors des cas prévus par la loi,
des services publics industriels et commerciaux, sauf si l'initiative privée est inexistante ou défaillante
et que des circonstances locales particulières justifient cette intervention au nom d'un intérêt public
local.
C'est ainsi que la jurisprudence a validé la création d'un cabinet dentaire municipal dans une
commune où les services proposés par les dentistes libéraux était trop onéreux pour la population
locale.
Les collectivités ne peuvent pas empiéter sur les compétences attribuées par la loi à un autre niveau
d'administration et l'appréciation de cette limite est facilité lorsque la compétence est attribuée de
manière exclusive. Évidemment, elle ne l'est pas dans le cas de compétences concurrentes ou
partagées.
Les collectivités ne peuvent pas intervenir dans un domaine qui n'est pas local. Ainsi, une collectivité
ne peut pas s'engager pour une cause politique internationale comme le soutien à un peuple en lutte
ou national, comme par exemple appeler à voter non à un référendum national.
Les communes bénéficient d'une compétence générale pour gérer toutes affaires d'intérêt
communal.
À ces compétences s'ajoutent les fonctions traditionnelles des communes, état civil, enregistrement
des naissances, mariages et décès, fonctions électorales, organisation des élections, entretien de la
voirie communale, protection de l'ordre public local par le biais des pouvoirs de police du maire.
Alors j'ai reproduit cet article dans le document de travail, mais que dit- il ? « Le Conseil
départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de
compétences que la loi lui attribue », c'est pour cela que l'on ne parle plus de clause générale de
compétence.
« Le département est compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention
ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes
enfants et à l'autonomie des personnes ».
« Il est également compétent pour faciliter l'accès au droit et au service des publics dont il a la charge
».
On voit donc que la loi a limité la compétence à certaines compétences emblématiques telles que
l'action sociale, la gestion de l'aide sociale et celle des routes départementales.
Mais la loi de 2015 dans le domaine des transports, transfert de nombreuses compétences qui
appartenait au département à la région.
Depuis 2017, les transports routiers et non urbains des personnes, réguliers ou à la demande des
transports scolaires, la desserte des îles, de la construction aménagement, exploitation des gares
publiques routières de voyageurs relevant du département, exception faite pour la région Île-de-
France et Auvergne Rhône-Alpes. Seuls les services de transport spécial des élèves handicapés vers
les établissements scolaires demeurent dans le domaine du transfert à la charge du département.
La compétence culturelle, elle est clairement qualifiée par la loi NOTR, comme une compétence
partagée entre les communes, départements, régions et collectivités à statut particulier, de même
que les compétences en matière de sport, tourisme, promotion des langues régionales et éducation
populaire.
Alors, l'article L 4221 du CGCT modifié par la loi NOTRe et aussi reproduit dans le document de
travail, indique que « le Conseil régional règle par ses délibérations, les affaires de la région dans les
domaines de compétence que la loi lui attribue », donc ce passage indique à nouveau la disparition
de la clause de compétence.
Il peut engager des actions complémentaires de celles de l'État, des autres collectivités territoriales
et des établissements publics situés dans la région, dans le domaine et les conditions fixées par les
lois déterminant la répartition des compétences entre l'État, les communes, les départements et les
régions. »
Un conseil régional ou par délibération concordantes plusieurs conseils régionaux peuvent présenter
des propositions tendant à modifier ou adapter des dispositions législatives ou réglementaires en
vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement
d'une de plusieurs ou de l'ensemble des régions.
Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application du 4e alinéa du présent article
sont transmises par le président du Conseil régional au Premier ministre et au représentant de l'État
dans les régions concernées.
L’assemblée consultative représentant les forces vives de la région, le Conseil économique, social et
environnemental régional ou CESER remplit une mission de consultation auprès des instances
politiques de la région, chaque CESER est composé de 4 collèges représentant 4 catégories
socioprofessionnelles, les entreprises et les activités non-salariés, les organisations syndicales de
salariés, les organismes et associations participant à la vie collective de la région et enfin des
personnalités qualifiées participant au développement régional.
Le nombre des membres d'un CESER varie selon les régions, ses membres sont désignés, non élus,
pour 6 ans, renouvelable.
Cet organisme est obligatoirement saisi pour donner son avis avant leur examen par le Conseil
régional sur des documents relatifs à la préparation et à l'exécution dans la région du plan de la
nation, au projet de plan de la région et à son bilan annuel d'exécution, ainsi qu’ à tout document de
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planification et au schéma directeur aux différents documents budgétaires de la région, aux
orientations générales dans les domaines sur lesquels le Conseil régional est appelé à délibérer, aux
schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire.
Mais le président du Conseil régional peut le consulter également de sa propre initiative sur tout
projet économique, social, culturel ou environnemental intéressant la région, tout comme le CESER
peut de sa propre initiative, c'est à dire en auto-saisine, émettre des avis sur toute question relevant
des compétences de la région.
Introduite dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, encore elle, avec deux
dispositions nouvelles articles 37-1 et 72 alinéa 4C, l'expérimentation législative locale est
l'autorisation donnée par une loi, à une collectivité territoriale d'appliquer une politique publique ne
faisant pas partie de ses attributions légales pour une période donnée.
Très encadrée par le législateur organique, la loi autorisant une expérimentation doit en effet
préciser l'objet de l'expérimentation, sa durée, 5 ans maximum, les caractéristiques des collectivités
susceptibles d'expérimenter et les dispositions auxquels il pourra être dérogé.
Ensuite, les collectivités manifestent leur intention par l'adoption d'une délibération motivée. Le
gouvernement fixe par décret la liste des collectivités admises pour l'expérimentation. Avant la fin
prévue de l'expérimentation, le gouvernement transmet un rapport, notamment d'évaluation au
Parlement, qui détermine alors si l'expérimentation est soit prolongée ou modifiée pour 3 ans
maximum, soit maintenue et généralisée soit abandonnée
Cette faculté a été peu utilisée jusqu'à présent. Par exemple, la loi du 13 août 2004 avait autorisé, sur
le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, l'expérimentation en matière de gestion des Fonds
structurels européens, de lutte contre l'habitat insalubre, etc, Sur le fondement de l'article 72, alinéa
4 de la loi du 21 août 2007, a permis l'expérimentation du RSA revenu de solidarité active aujourd'hui
généralisée.
Le problème posé par la concentration communale est d'une autre nature. Il oppose de façon
antagonique deux tendances, le maintien d'un nombre élevé de communes, donc plus de 35000 le
plus fort de l'Union européenne, et leurs regroupement pour des raisons techniques.
D'un côté, les communes généralement dotées d'une forte identité locale existe depuis plusieurs
siècles, proche des administrés qui y sont attachés, elles sont la meilleure structure de participation à
la vie publique.
Mais les communes plus grandes seraient mieux à même d'accomplir leur tâche, surtout en matière
d'équipements publics, les différentes formes d'intercommunalité où coopération intercommunale,
ne revêtent que plus d'intérêt.
La coopération intercommunale est apparue voici plus de 130 ans avec la loi du 22 mars 1890, avec la
création d'un syndicat intercommunal à vocation unique. Les lois du 6 février 1992 et du 12 juillet
1999 l'ont renforcée puis simplifié, certaines dispositions de la loi du 13 août 2004 visent à améliorer
son fonctionnement. Enfin, la réforme territoriale du 16 décembre 2010 fixe l'objectif de simplifier et
d'achever la carte de l'intercommunalité en raison de l'émiettement communal et de la taille souvent
modeste des communes françaises, et en raison de l'échec des différentes lois tendant à la fusion des
communes.
A. Définitions
La loi affirme clairement le principe selon lequel, la coopération intercommunale ne peut être
imposée.
En effet, d'après l'article L 5210-1 du CGCT, celle-ci se fondent sur la libre volonté des communes
d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité.
1-D'une part, la forme souple dite sans fiscalité propre, financée par les contributions des communes
qui en sont membres dans la quote-part, est en principe fixée par les statuts de l'établissement.
Cette forme d'intercommunalité associative ou de gestion leur permet de gérer l'ensemble des
activités ou des services publics.
2-D'autre part, la forme dite à fiscalité propre, qui suppose l'existence de compétences obligatoires,
les établissements publics percevant des ressources fiscales directes, indépendantes des
contributions communales. Cette forme de coopération plus intégrée où fédérative est dite
également intercommunalité de projet.
Il s'agit
- des métropoles, loi du 16 décembre 2010 puis du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action
publique territoriale et d’affirmation des métropoles Maptam, avant des modifications en 2015.
Pour inciter les communes à se regrouper, le législateur a prévu un ensemble de dispositions fiscales
et financières incitatives.
A la date du transfert des compétences, l'établissement se substitue de plein droit aux communes qui
le créent dans toutes leurs délibérations et dans tous leurs actes.
Pour rationaliser l'intercommunalité, la loi de 2010 prévoit l'établissement dans chaque département
d'un schéma départemental de coopération intercommunale.
Dans les communes de 1000 habitants et plus, le scrutin est un scrutin de liste bloquée à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne selon un système dit de la double liste, liste
qui se doit d'être strictement paritaire.
Dans les communes de moins de 1000 habitants, les conseillers communautaires sont les membres
du Conseil municipal désignés dans L'ordre du tableau.
Il est aidé par un bureau, l'organe délibérant se réunit au moins une fois par trimestre, sur
convocation du président.
Une commune peut se retirer de l’EPCI, sauf s'il s'agit d'une communauté urbaine, avec le
consentement de l'organe délibérant de l'établissement, si moins d'un tiers des conseillers
municipaux des communes membres ne s'y opposent pas.
L’établissement public existant, peut se transformer en une autre catégorie d'établissement public
de coopération intercommunale, sous réserve qu'il remplisse bien sûr les conditions requises, et ce
par délibérations concordantes de l'organe délibérant et des conseils municipaux des communs
membres.
-La Communauté de communes : créée par la loi du 6 février 1992, regroupe plusieurs communes sur
un territoire d'un seul tenant et sans enclave, mais cette double condition n'est pas exigée pour les
communautés de communes nées avant la loi du 12 juillet 1999.
Elle associe des communes au sein d'un espace de solidarité en vue d'élaborer un projet commun de
développement et d'aménagement de l'espace.
Elle exerce au lieu et place des communes membres des compétences obligatoires et des
compétences optionnelles, ainsi que des compétences supplémentaires que les communes lui
transfèrent.
-La Communauté d'agglomération : créée par la loi du 12 juillet 1999 est un EPCI qui remplace la
Communauté de ville et qui regroupe plusieurs communes sur un territoire d'un seul tenant et sans
enclaves. Visant les zones urbaines moyennes, la communauté d'agglomération doit former, lors de
sa création, un ensemble de plus de 50.000 habitants autour d'une ou plusieurs communs centres de
15.000 habitants.
Ce seuil n'est toutefois pas exigé lorsque la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du
département ou la commune la plus importante du département.
Le Conseil de Communauté peut aussi définir des compétences qui sont d'intérêt communautaire
afin d'élargir le champ d'intervention de la Communauté.
Jusqu'à la création des métropoles, les communautés urbaines constituaient les EPCI à fiscalité
propre les plus intégrés, elles sont créées sans limitation de durée ni possibilité de retrait pour leurs
communes membres.
La Communauté urbaine exerce les compétences qui lui sont transférées au lieu et place des
communes membres. Six compétences sont obligatoires, développement et aménagement
économique social et culturel, équilibre social de l'habitat, politique de la ville, protection et mise en
valeur de l'environnement, politique du cadre de vie, gestion des services d'intérêt collectif.
D'autres compétences peuvent être transférées sur décision des conseils municipaux.
En plus des 4 communautés créées d'office par la loi en 1966, Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg,
huit autres l'avaient été par décret avant la loi de 1999, à l'initiative des communes à la majorité
qualifiée, et deux autres en 2001, celle de Marseille de Nantes, si bien qu'il existe 14 communautés
urbaines en 2021.
Nice, qui était auparavant une communauté urbaine et devenue le 1 janvier 2012 la première
métropole au sens de la loi de 1910.
Créé par la loi du 16 décembre 2010, une métropole regroupe plusieurs communes d'un seul tenant
et sans enclave, qui s'associent pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de
développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en
améliorer la compétitivité et la cohésion, selon les termes de l'article L. 5217-1 du CGCT.
Ce nouveau modèle d’EPCI à fiscalité propre a vocation à s'appliquer sur un grand périmètre, puisque
peuvent devenir des métropoles, les EPCI qui forment un ensemble de 500.000 habitants à la date de
création, ainsi que les communautés urbaines créées par la loi de 1966.
La métropole exerce de plein droit un certain nombre de compétences en lieu et place des
communes, comme le développement économique ou la politique locale de l'habitat, gestion des
services d'intérêt collectif comme l'eau et l'assainissement des cimetières, les abattoirs mais aussi du
département transport scolaire, voirie ou encore de la région.
Par convention avec le département ou la région, elle peut recevoir des compétences en matière
d'aide sociale du Collège des lycées, de développement économique.
L'État peut aussi lui attribuer la propriété et la gestion des grands équipements et infrastructures.
Donc, la première métropole créé en application de la loi du 16 décembre 2010 est la métropole «
Nice Côte d'Azur » par le décret du 17 octobre 2011. Elle réunit la communauté urbaine Nice Côte
d'Azur et les 3 Communautés de communes, Vésubie, de la Tinée et du Mercantour regroupant 6 46
communes.
Mais la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles, crée un nouveau statut pour les métropoles, pour les agglomérations de plus de 400.000
habitants.
Ce statut n'est pas uniforme puisque à côté de métropoles de droit commun, il prévoit des statuts
particuliers pour Paris, Lyon et Aix-Marseille-Provence.
La métropole du Grand Paris créé le 1 janvier 2016, regroupe la commune de Paris, l'ensemble des
communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et les
communes franciliennes appartenant à un EPCI comprenant au moins une commune de la petite
couronne. Des conseils de territoire prennent en charge les services de proximité.
Depuis la loi du 22 mars 1890, actuellement codifié à l'article 5212-1du CGCT, des communes, même
non limitrophes peuvent s'associer au sein d'un syndicat de communes qui peut revêtir deux formes,
soit un syndicat intercommunal à vocation unique, le « SIVU », soit un syndicat intercommunal à
vocation multiple le « SIVOM ».
La création et les décisions du « SIVU » interviennent à l'unanimité. Ce qui n'a pas empêché leur
prolifération.
Son fonctionnement est souple, aucune attribution n'étant imposée par la loi.
Les communes fixent librement la liste des compétences qu'elles délèguent, ces compétences
doivent seulement correspondre à des services d'intérêt communal, distribution d'eau, transports en
commun, traitement des ordures ménagères par exemple.
Le syndicat dispose d'un budget propre alimenté par les contributions obligatoires des communes et
les taxes perçues sur les usagers des services gérés par le syndicat.
Il s'agit d'un groupement ouvert, et les communes disposent du droit de se retirer ou d'en accueillir
de nouvelles. Il existe actuellement environ 6.000 syndicats.
Jusqu'en 2017, il existait aussi les syndicats d'agglomération nouvelle, organismes de coopération
intercommunale, qui regroupaient les communes comprises dans le périmètre des villes nouvelles,
dont les premières furent créées dans les années 1970.
Après la dissolution de ces syndicats en 2016, cette forme d'intercommunalité a cessé d'exister en
droit depuis le 1 janvier 2017, conformément à ce que prévoyait la loi NOTR.
Il existait auparavant une autre catégorie de structures, les communautés d'agglomération nouvelle
Cannes qui a été supprimée par la loi du 16 décembre 2010.
Les « EPCI » ont connu incontestablement un succès quantitatif. Il s'agit d'une formule appréciée, la
coopération intercommunale a fait ces dernières années toutefois, l'objet de critiques d'ordre
qualitatif.
Cette reconstruction du territoire soulève un certain nombre de difficultés, le coût pour les
contribuables et les risques de dérive financière ont été maintes fois soulignés, dans de nombreux
rapports publics, rapports de la Cour de comptes, mais aussi rapport de l'Observatoire de la
décentralisation du Sénat, ou encore par le comité pour la réforme des collectivités locales présidé
par « Edouard Balladur ».
Après les lois de 2015, le constat est patent, en dépit de ces lois, le chevauchement des compétences
demeure et reste un problème majeur qui compromet, transparence, responsabilité et efficacité, qui
étaient pourtant les objectifs clés de cette réforme.
Désormais, l'existence d'autres personnes publiques sont avérées, comme les autorités
publiques indépendantes et les groupement d'intérêt public ou GIP.
On le rencontre en effet dans les secteurs les plus divers, économique, social, culturel,
scientifique, établissements publics territoriaux, établissement de coopération culturelle,
créé par la loi du 4 janvier 2002 établissements publics locaux, office de tourisme ou Caisse
des écoles.
Une utilisation aussi large on pourrait même dire, hétéroclite, ne peut que entraîner une
définition et un régime juridique complexe.
Voyons d'abord la définition et les critères d'identification des établissements publics avant
d'envisager leur régime juridique.
L'établissement public est une personne morale de droit public spécialisée dans la gestion
d'un service public, distincte de l'État et des collectivités territoriales, mais rattachée à eux.
Il ne faut pas confondre les établissements publics avec les établissements d'utilité publique,
organisme de droit privé comme les associations ou les fondations auxquelles on a octroyé la
reconnaissance d'utilité publique.
Aucun texte ne base n’ayant posé les principes fondamentaux des établissements publics,
leur identification s'effectue à l'aide de plusieurs critères.
Premier critère, la personnalité morale. Premier lieu, les établissements publics sont dotés
de la personnalité morale et de l'autonomie financière. À ce titre, il dispose d'organes et de
biens propres, ainsi que d'un budget autonome, mais leurs statuts sont très divers car il
n'existe pas de règles uniformes d'organisation, comme pour les collectivités territoriales.
Leurs ressources financières sont également variables, ressources propres, mais également
subvention.
En matière financière, le contrôle est en général strict le budget devant être approuvé.
Parfois quotidien, pour les établissements publics administratifs, le contrôle financier, plus
souple pour les établissements publics industriels et commerciaux, car réalisé pour
l'essentiel à posteriori, par un contrôleur d'État.
Les autres actes ne sont, en principe exécutoires qu’après approbation explicite de la tutelle,
ou, le plus souvent, en l'absence d'opposition de sa part après transmission.
Par exemple, un syndicat de communes créé pour étudier un projet d'eau potable ne peut pas en
assurer le service de distribution.
Si l'établissement public ne peut pas sortir de sa spécialité plus ou moins étroitement définie, il a
cependant droit au respect de cette spécialité. Sa collectivité de rattachement ne peut pas, par
exemple, lui faire concurrence.
- 3e critère, 3e point. L'établissement public est rattaché à une collectivité territoriale, donc le 3e
critère est le rattachement.
Il existe des établissements publics nationaux rattachés à l'état comme l'ENA, la Bibliothèque
nationale de France, BNF, ou des établissements publics locaux rattachés à une région, les lycées à un
département, les collèges ou encore municipaux, rattachés à une commune comme les caisses des
écoles.
Enfin, la loi a créé des établissements publics territoriaux que nous venons de voir. Mais quelle que
soit la collectivité de rattachement, tous les établissements publics sont soumis à la tutelle de l'État.
Après avoir exposé la définition et les critères d'identification de l'établissement, voyons dans un
grand B, le régime juridique complexe des établissements publics.
Relèvent d'une même catégorie les établissements qui ont le même rattachement territorial, et une
spécialité analogue.
Le pouvoir réglementaire est à contrario compétent pour créer des établissements publics entrant
dans une catégorie préexistante, par exemple un nouvel hôpital ou un nouveau lycée.
Font par exemple partie des règles constitutives et relèvent à ce titre de la compétence du législateur
les règles déterminant le cadre de la mission de l'établissement, la structure des conseils
d'administration, le mode de désignation de ses membres.
- D'une part, il ne peut pas choisir librement le caractère de chaque établissement public, mais
doit au contraire respecter un lien logique entre le caractère de l'établissement public et ses
missions, ses modalités d'intervention et l'origine de ses ressources.
Depuis la distinction établie par l'arrêt du tribunal des conflits de 1921, société commerciale de
l'Ouest africain, affaire dite du Bac d’Eloka, un EPA a la charge d'un service public administratif et un
EPIC, celle d'un service public industriel et commercial.
Donc, les EPA sont presque entièrement soumis au droit administratif. Actes, contrat travaux public
agent public. Les usagers sont dans une situation réglementaire de droit public, ce tandis que les
EPIC, eux, sont soumis à un régime de droit privé, sauf exception.
Les contrats avec leurs fournisseurs peuvent être administratifs. Le directeur et l'agent comptable
supérieur, s'il a le statut du comptable public, sont dans une situation de droit public, et ce depuis un
arrêt du Conseil d'État de 1923 de Robert Lafrégeyre, et un autre de 1957 Jalenques de Labeau.
Mais les établissements publics sont souvent à double visage, exerçant à la fois des activités
administratives et commerciales, ce qui montre bien la souplesse de la formule.
La formule de l'EPIC est-elle, condamnée de nos jours ? On assiste à la disparition progressive des
EPIC les plus importants, transformé en société anonyme, France Télécom en 1996, EDF et GDF en
2004 et Aéroports de Paris en 2005, la poste en 2010.
Cette évolution n'est pas uniquement dûe aux contraintes issues du droit de l'Union européenne.
Faut rechercher également des causes plus intrinsèques. Les avantages attachés au statut des EPIC
ne sont plus regardés comme des contreparties suffisantes aux contraintes capitalistique et
organisationnelles qu'il rencontre.
Les établissements publics se sont diversifiés à l'extrême, EPA, EPIC, établissements publics
territoriaux, EPCC, conduisant parfois un démembrement de l'action publique et provoquant la crise
de la notion d'établissements publics, maintes fois soulignée dans les rapports officiels. Rapport de la
Cour des comptes, rapport du Conseil d'État.
Ils sont créés par convention et non par une décision unilatérale, comme pour les autres personnes
publiques, pour exercer des activités ou gérer des équipements communs à des personnes de droit
public ou privé.
Le contenu du contrat, intégralement réglementaire, est passé soit entre plusieurs personnes
morales de droit public, soit entre l'une ou plusieurs d'entre elles, et une ou plusieurs personnes
L'objet du groupement doit porter sur l'exercice d'activités d'intérêt général à but non lucratif et
donc pas explicitement faire référence au service public.
La durée du GIP peut être à durée déterminée ou pas, au choix de ses créateurs, de même que le
statut de son personnel.
Les GIP se caractérisent par une absence de soumission de plein droit aux lois et règlements régissant
les établissements publics, et ce depuis une décision du tribunal des conflits du 14 février 2000 GIP
habitat et intervention sociale pour les mal-logés, les sans-abris contre Verdier.
Ils se sont développés dans le secteur de la recherche, entre laboratoires publics et privés, de la
santé, L'agence régionale de l'hospitalisation, avant leur remplacement par les agences régionales de
santé qui sont des EPA, de l'aide sociale, Maison départementale des personnes handicapées ou de
l'accès au droit, maison de services publics.
Sauf si les statuts en disposent autrement, ils sont régis par des règles de la comptabilité privée. S'ils
sont parfois conçus dans une logique transitoire pour précéder la création d'un établissement public,
par exemple, l'Agence nationale de la recherche, GIP transformé en EPA en 2006, ils constituent aussi
parfois une alternative à ces établissements en raison de leur grande souplesse.
Le législateur a ainsi recherché à créer un statut équilibré entre unité du statut et souplesse de
l'instrument.
Permettant d'associer ont leur sein personnes publiques et privées, les GIP semblent à certains
égards plus en adéquation avec les enjeux auxquels doivent faire face les politiques publiques.
P66_Introduction
Pour remplir leur mission, les autorités administratives agissent à l'aide d'actes juridiques créés par
le droit pour le modifier et à condition d'avoir été habilitées à le faire. Ces actes peuvent relever tant
du droit administratif que du droit privé.
Tant pour une autorité, juge, administrations, institutions publiques ou privées, que pour un
particulier, prendre une décision, décider, c'est prendre un parti, trancher, choisir une solution plutôt
qu'une autre.
Il faut donc bien comprendre que les décisions prises par l'autorité administrative ne relèvent pas
toutes du droit administratif et du contrôle du juge administratif. Elles sont prises en principe pour
produire des effets de droit. Elles sont élaborées à la suite de procédures plus ou moins longues, et
pour connaître le régime juridique, le droit applicable, il faut en premier lieu bien cerner la notion et
en particulier préciser si l'ordre juridique est effectivement modifié et de quelle manière, avec ou
sans le consentement de ses destinataires.
Le mode d'entrée dans l'ordre juridique oppose ainsi, la décision unilatérale qui peut s'imposer sans
le consentement de ses destinataires au contrat, la décision, qui suppose au contraire l'échange de
consentement.
La distinction entre les 2 procédés n'est souvent pas simple alors qu'elle est très importante. Les
régimes juridiques et leur statut contentieux étant fort différents.
Le dernier axe du cours de droit administratif du semestre 3 sera consacré à l'étude de ces 2 notions
et de leur régime juridique.
Les leçons 7 et 8, dont celle-ci est la suivante, seront consacrées à la décision administrative, à l'acte
administratif unilatéral, tandis que le leçon 9 et 10 porteront sur le contrat.
Débutons ainsi avec la notion de décision administrative unilatérale. On peut partir d'une définition
simple en disant que l'acte administratif unilatéral modifie l'ordre juridique par la seule volonté de
son auteur, indépendamment de tout consentement de son destinataire assujetti ou bénéficiaire.
Ce pouvoir a des origines très lointaines. Les représentants de la monarchie, tout comme les
représentants des entités locales, ont traditionnellement disposé d'une telle capacité d'action
unilatérale.
La notion d'acte administratif telle qu'elle est conçue aujourd'hui ne se dégage progressivement au
19e siècle, en liaison avec son statut contentieux qui permet de l'identifier.
Le juge a précisé cette notion d'acte administratif unilatéral en classant les différents actes pris par
l'exécutif, encadrant ainsi l'exercice de la puissance publique par le droit.
Si l'acte unilatéral fait partie des moyens juridiques importants dont disposaient les autorités
administratives pour accomplir leur mission, sa définition est délicate.
Révélées par le contentieux, les principales caractéristiques de l'acte administratif unilatéral ont été
dégagés dans le cadre de la recevabilité des recours contentieux, spécialement du recours pour excès
de pouvoir, si bien que le champ d'application des actes de l'administration est plus large que celui
des actes administratifs unilatéraux.
Elle doit présenter un caractère unilatéral section un, comme tout acte juridique, elle doit présenter
un caractère normateur section 2 et se rattacher à la fonction administrative, section 3. Elle doit
également présenter des prérogatives de puissance publique, section 4. Enfin, une classification des
actes unilatéraux sera présentée en conclusion.
Sans doute un acte qui a un seul auteur ne peut être qu’unilatéral. Par exemple, les arrêtés
municipaux réglementant la circulation des véhicules sur le territoire communal ou les décisions
nommant des fonctionnaires. Mais un acte unilatéral peut avoir plusieurs auteurs, comme le sont les
arrêtés interministériels.
- Deuxièmement, la distinction ne repose pas non plus sur le rôle de la négociation dans l'élaboration
de la norme. Il est en effet fréquent que le contenu d'un acte unilatéral, un décret par exemple, ait
été négocié, discuté, concerté avec ceux ou les représentants de ceux organisations syndicales ou
patronales auquel il doit conférer des droits ou imposer des obligations. Mais seule l'élaboration de
l'acte a été négociée, concertée, et cet acte in fine aura la nature et les effets d'un acte unilatéral.
À l'inverse, dans le cadre des contrats dits d'adhésion, une des parties ne fait qu'accepter des
stipulations qu'elle ne peut négocier, toutefois le caractère contractuel de ces actes a été reconnu
par le juge parce que le contenu de l'acte est destiné à régir les rapports de ceux dont les volontés se
sont rencontrées.
- Troisièmement, il peut arriver qu'un acte soit pour partie réglementaire, donc unilatéral, et pour
partie contractuel, et mérite en conséquence la qualification d'acte mixte. Dans le même contenant,
ont été incluses des dispositions qui sont l'expression de la seule volonté de l'administration et
d'autres qui concrétisent l'existence d'un accord de volonté. C'est notamment le cas des contrats de
concession de service public ou de travaux publics.
Pour de tels contrats, l'autorité concédante confie ou délègue pour une durée déterminée à son
cocontractant la charge d'assurer l'exécution d'un service public ou l'exploitation d'un ouvrage
public.
Parmi les clauses du contrat de concession, certaines sont assurément contractuelles, comme celles
qui détermine la durée de la concession ou les avantages financiers consentis aux concessionnaires.
D'autres peuvent avoir un caractère réglementaire et fixent les conditions dans lesquelles le
concessionnaire doit s'acquitter de sa mission, notamment les modalités de ses rapports avec les
usagers.
- Enfin, 4e point, comme souvent en droit administratif, seul compte le contenu de l'acte. L'acte
unilatéral crée des droits et des devoirs qui s'imposent par la seule volonté de son auteur,
indépendamment du consentement de ses destinataires.
Ce caractère unilatéral l'oppose au contrat, qui règle les rapports mutuels de ses auteurs, ne peut
modifier l'ordre juridique qu'avec le consentement de ses destinataires.
L'acte administratif unilatéral doit comporter une décision qui modifie, affecte l'ordre juridique en
ajoutant des dispositions nouvelles, en les modifiant, voir les faisant disparaître ou en refusant
d'accéder à une demande. C'est un acte donc normateur, c'est à dire qu'il crée une norme. Cette
prérogative est aussi une obligation, les autorités administratives étant irrecevables à demander au
juge le prononcé de mesures qu'elles ont le pouvoir de prendre, et ce, depuis un arrêt du Conseil
d'État de 1913. Préfet de l'Eure.
On dit également que l'acte administratif est un acte qui fait grief, selon une expression qui renvoie à
la procédure contentieuse, à la qualité du requérant pour intenter un recours.
Classiquement, il est de règle que seuls les actes administratifs unilatéraux emportant décision
peuvent être déférées à la censure du juge administratif, notamment par la voie du recours pour
excès de pouvoir. Ne le sont pas les actes préparatoires, c'est à dire les vœux, recommandations et
propositions émises lors de l'élaboration de l'acte qui ne prennent aucune position définitive sur la
décision qui sera adoptée.
Mais sous cette règle simple, peuvent se dissimuler des difficultés d'application. Parfois des avis, des
recommandations ou encore un simple compte-rendu d'une réunion, de même qu'un communiqué,
comme dans l'affaire du transfert de l'ENA à Strasbourg, peuvent être en réalité de véritables
décisions. Le droit administratif n'étant pas formaliste, il faut soigneusement regarder le contenu et
la place de tous les actes dans le processus de décision.
Je vous renvoie à l'étude de l'arrêt du Conseil d'État rendu en Assemblée le 4 juin 1993. Association
des anciens élèves de l'école nationale d'administration reproduit dans le document de travail. Le
Dès lors qu'il y a vœux et non prise de position définitive, conseil et non ordre, incitation et non
prescription, interprétation de la règle ou rappel de la réglementation et non addition d'une nouvelle
condition, l'ordonnancement juridique n'est pas affecté. Mais il est souvent délicat de faire la part
des choses, de distinguer clairement ce qui relève de l'une ou l'autre catégorie.
Bien différent est le domaine des lignes directrices dont on verra qu'il se situe à mi-chemin du droit
dur et du droit souple dans un 3e paragraphe.
Enfin, un 4e paragraphe sera dédié précisément aux actes de droit souple, dont l'importance s'est
révélée croissants dans l'action administrative, ce qui a entraîné diverses adaptations de la part du
juge administratif pour permettre leur contrôle.
On compterait chaque année plus de 10 000 circulaires rédigées au sein de différents ministères,
pour le plus souvent présenter aux agents, un texte, lois, décrets qu'ils vont devoir appliquer.
Comme le soulignait le commissaire du gouvernement Tricot, la circulaire est un pavillon qui peut
recouvrir toute sorte de marchandises : ordres du jour, conseils, recommandations, directives
d'organisation et de fonctionnement, règles de droit.
Le juge a été ainsi amené à faire un tri entre les documents qui n'ont pas lieu d'être contestés et ceux
qui doivent pouvoir l'être.
Pendant longtemps, depuis l'arrêt du Conseil d'État, Assemblée 1954, institution Notre-Dame du
Kreisker, une distinction fondamentale opposait des circulaires interprétatives aux circulaires
réglementaires.
Les premières, les circulaires interprétatives commentent un texte, rappellent une solution. Elles sont
insusceptibles de recours contentieux car elles ne rajoutent rien à l'état du droit.
En revanche, les secondes, les circulaires réglementaires contenant en fait des dispositions
réglementaires qui modifient l'ordre juridique sont susceptibles de recours contentieux.
Claire dans son principe, cette distinction malaisée à mettre en œuvre a été par la suite abandonnée.
La distinction entre circulaires impératives et circulaires non impératives remplace celle qui opposait
les circulaires réglementaires circulaires interprétatives.
Alors je vous dis le motif principal de l'arrêt Madame Duvignières : « Considérant que l'interprétation
que, par voie notamment de circulaire ou d'instruction, l'autorité administrative donne des lois et
règlements qu'elle a pour mission de mettre en œuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge
pour excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait quel qu’en soit le
bien-fondé faire grief. Qu'en revanche les dispositions impératives à caractère général d'une
circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de
les abroger. Que le recours formé à leur rencontre doit être accueilli si ces dispositions fixent dans le
silence des textes une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été
compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Qu'il en
va de même, s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit
méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait
explicite, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ».
Ce qui est intéressant dans cette décision, c'est qu'elle livre à la fois une définition et un régime
juridique appliqué à la nouvelle catégorie juridique créée. Elle donne la définition de la notion des
circulaires impératives et leur régime juridique.
« L'interprétation, que par voie notamment de circulaire l'autorité administrative donne des lois et
règlements, étant dénué de caractère impératif ». Les simples conseils ou recommandations d'agir
dès lors que la marge de manœuvre des autorités compétentes pour prendre la décision n'est pas
atteinte ne sont pas des actes normateurs et sont insusceptibles de recours contentieux. C'est
semble-t-il le cas général.
Bien qu’obligatoirement publiées, ce type de circulaire non impérative ne produit aucun effet de
droit et ne peut être attaquée devant le juge administratif, et l'autorité administrative ne peut en
réclamer l'application ou contester celle qui en est faite, selon l'heureuse formule de René Chapus,
ces circulaires ne sont pas invocables par les administrés ni opposables par l'administration aux
administrés.
Cela veut dire que les administrés ne peuvent demander l'annulation d'une décision qui ne tiendrait
pas compte d'une circulaire non impérative, qu'en d'autres termes, les moyens tirés de la violation
d'une circulaire ne sont pas utilement invocables.
D'autre part, l'administration ne saurait utilement justifier ses décisions par les dispositions d'une
circulaire non impérative.
Mais alors que leur caractère impératif est certain, elles sont considérées comme normatrices et
attaquables devant le juge. Ayant déclaré le recours recevable, le juge va l'examiner au fond suivant
les règles posées par l'arrêt Madame Duvignières, qui distinguent 2 cas :
- Premier cas, les dispositions de la circulaire fixent par le silence des textes, une règle nouvelle , ces
dispositions sont alors réglementaires. Dans cette hypothèse, il faut vérifier si son auteur détenait le
pouvoir réglementaire, s'il était compétent pour prendre cette décision. Dans le cas contraire, la
circulaire sera annulée pour incompétence. Elle pourrait l'être également s'il est soutenu à bon droit
qu'elle est illégale pour d'autres motifs.
- 2nd cas : la circulaire ne fixe pas de règles nouvelles mais donne des textes qu'elle entend expliciter
une interprétation impérative. Le juge vérifie alors le contenu de cette interprétation. Dans une
première hypothèse, la circulaire sera annulée si l'interprétation impérative qu'elle donne méconnaît
le sens et la portée des textes qu'elle entend expliciter. Dans une 2nde hypothèse, l'interprétation
impérative sera également jugée irrégulière si elle reprend un texte lui-même irrégulier car contraire
à une norme supérieure, principe général du droit, loi inconventionnelle ou inconstitutionnelle, ce
qui suppose qu'une QPC ait été soulevée.
Je vous renvoie par exemple la lecture de l'arrêt du Conseil d'État rendu le 16 avril 2012, comité
Harkis et vérité, ou alors celui du 30 juillet 2003, avenir de la langue française, qui est reproduit dans
le document de travail.
En application de la loi du 17 juillet 1978, toutes les circulaires doivent être publiées et mises à la
disposition du public, en particulier sur un site relevant du Premier ministre, et ce, depuis un décret
du 6 septembre 2012 relatif à la publication des instructions et circulaires.
Nous reviendrons sur ce point le moment venu lorsque sera abordée la problématique du droit
souple dans le paragraphe 4.
Parfois, elles peuvent être de véritables décisions, mais le juge refuse de leur reconnaître un
caractère décisoire et d'y voir des actes susceptibles de recours. À cela 2 raisons sont avancées,
- en premier lieu, elles ne concernent que l'ordre interne des services, et comme dans toute
organisation, il faut laisser du champ au principe hiérarchique et à l'organisation d'un minimum de
discipline.
- En 2nd lieu portant sur des choses minimes, le contrôle juridictionnel n'apparait pas nécessaire
selon le vieil adage latin de minimis non curat praetor.
Longtemps, cette catégorie des mesures d'ordre intérieur destinée à régir la vie interne des services
échappait au contrôle du juge, que la mesure en cause emporte ou pas décision.
Les mesures d'ordre intérieur sont particulièrement nombreuses dans les décisions relatives aux
rapports entre l'administration et son personnel. Mais dès que sont mises en cause les droits
statutaires ou la carrière de l'agent, l'acte est considéré comme décisoire et comme tel, susceptible
de recours contentieux.
Les mesures d'ordre intérieur sont également nombreuses dans les secteurs particuliers où le
pouvoir disciplinaire vis-à-vis des administrés reste important, école, armée, prison.
Dans l'éducation nationale, la décision d'affecter un élève dans tel ou tel groupe de travail si la
mesure est sans incidence sur ses orientations est une mesure d'ordre intérieur. Est au contraire
susceptible de recours, le refus opposé à une demande de changement d'orientation car l'avenir
professionnel est en jeu.
Les règlements intérieurs des établissements sont également des décisions dans la mesure où leur
application peut donner lieu à sanction s'ils sont violés. Je vous renvoie à la lecture de l'arrêt du
Conseil d'État du 2 novembre 1992. Kherouaa, reproduit dans le document de travail.
Dans les armées ont été longtemps opposées les punitions prévues par le règlement de discipline
générale et les sanctions prises en application du statut des militaires qui elles, étaient susceptibles
de recours. Cette distinction était abandonnée par un arrêt du Conseil d'État rendu en Assemblée du
17 février 1995. Hardouin
Quels étaient les faits ? Dans la nuit du 8 novembre 1985, le maître timonier Philippe Hardouin, en
service sur le navire de guerre, le Vauclin, qui faisait escale aux Canaries, était en état d'ivresse et a
refusé de se soumettre à une épreuve d'alcool test. Il a été puni de 10 jours d'arrêt.
Quelle est l'appréciation portée par le Conseil d'État ? Alors le tribunal administratif de Rennes ayant
d'abord rejeté sa requête pour irrecevabilité, le militaire a saisi le Conseil d'État qui a considéré que
la punition frappant Monsieur Hardouin pouvait être attaquée par la voie du recours pour excès de
pouvoir pour la raison suivante. Pendant l'exécution de cette punition, le militaire ne peut prétendre
La recevabilité de cette requête contre la décision est donc fondée sur les conséquences de cette
punition. Liberté d'aller et venir limitée, incidence sur l'avancement ou le renouvellement des
contrats d'engagement signée par le militaire.
La requête ayant été déclarée recevable, le Conseil d'État examine au fond, il juge que la sanction
infligée au militaire est justifiée, légale, mais la portée de cet arrêt demeure toutefois importante sur
le plan de la recevabilité des recours.
Autre domaine dans le service public pénitentiaire, le placement d'un détenu en quartier de haute
sécurité, alors même qu'il avait des conséquences très importantes, isolement complet, était
considéré pendant très longtemps comme une simple mesure d'ordre intérieur. Et là, je vous renvoie
à l'arrêt du Conseil d'État rendu en Assemblée le 7 janvier 1984. Caillol.
Cette jurisprudence a été également remise en cause à partir de l'arrêt Marie rendu le même jour
que l'arrêt Hardouin, donc le 17 février 1995, à nouveau par le Conseil d'État en Assemblée.
Alors là encore, quels étaient les faits ? Monsieur Pascal Marie, détenu à la prison de Fleury-Mérogis,
a écrit au chef de service de l'inspection générale des affaires sociales pour se plaindre d'un refus de
soins dentaires. En raison de cette plainte, il s'est vu infliger par le directeur de l'établissement une
sanction de mise en cellule de punition pour une durée de 8 jours avec sursis.
Le tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa requête pour irrecevabilité, le détenu a saisi le
Conseil d'État qui a considéré que cette punition pouvait être attaquée par la voie du recours pour
excès de pouvoir pour la raison suivante, je cite donc le motif le plus important : « Considérant qu’
aux termes de l'article D 167 du code de procédure pénale, la punition de cellule consiste dans le
placement du détenu dans une cellule aménagée à cet effet, et qu'il doit occuper seul, sa durée ne
peut excéder 45 jours. Que l'article D169 du même code prévoit que la mise en cellule de punition
entraîne pendant toute sa durée la privation de cantine et des visites. Elle comporte aussi des
restrictions à la correspondance autre que familiale. Qu'en vertu de l'article 721 du même code, des
réductions de peines peuvent être accordées aux condamnés détenus en exécution de peine
privative de liberté s'ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et que les réductions
ainsi octroyées peuvent être rapportées en cas de mauvaise conduite du condamné en détention,
que eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure, la punition de cellule constitue une décision
faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. »
La requête ayant été déclarée ainsi recevable, le Conseil d'État examiné au fond et juge que la
sanction infligée au détenu était là, irrégulière et l’annule.
Engagée dans l'affaire Marie, le domaine d'application de la notion de mesure d'ordre intérieur a
connu un net recul en matière pénitentiaire et trouve pour l'instant son achèvement dans 3 décisions
d'Assemblée du Conseil d'État du 14 décembre 2007, Boussouar, Planchenault et Payet, qui fixent
l'état actuel du droit.
Dans un souci de lisibilité, elles énumèrent, certaines catégories d'actes qui sont toujours
susceptibles de recours : changement d'affectation d'un détenu, d'une maison centrale à une maison
d'arrêt, déclassement d'emploi, placement d'un détenu sous le régime des rotations de sécurité.
À contrario, n'entre pas a priori dans la catégorie des mesures faisant grief, la décision de
changement d'affectation entre établissements de même nature. Toutefois, si la mesure aboutit
concrètement à mettre en cause des libertés des droits fondamentaux, elle est susceptible de
recours, même si en application des critères annoncés en 2007, elle pourrait être considérée comme
une mesure d'ordre intérieur.
Sous l'influence des textes de droit interne qui confèrent de plus en plus de droits aux agents et aux
administrés, les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment de ses
articles 6-1 droit au procès équitable, et 13 droit au recours effectif et celle de la Constitution, la
catégorie des mesures d'ordre intérieur a vu sa portée se restreindre de manière notable.
Même si elle concerne encore de nombreux actes considérés comme de faible importance, elle
n'échappe plus au contrôle juridictionnel dès qu'elle porte une atteinte significative aux droits et
libertés garantis.
Une année seulement s'est écoulée entre la publication de l'étude par la section du rapport et des
études du Conseil d'État, et la première application de la notion de ligne directrice par sa section du
contentieux, dans un arrêt du 19 septembre 2014 Monsieur Jousselin.
La décision du Conseil d'État de section rendu en 1970 crédit foncier de France, répond à la question
de savoir comment une autorité publique, investie d'un pouvoir discrétionnaire de décision
individuelle, peut se fixer à elle-même une ligne de code de conduite.
Les directives désormais lignes directrices, définissent des orientations générales auxquelles
l'autorité administrative peut déroger au cas par cas, pour des raisons tenant à la situation
individuelle, de l'administré ou à l'intérêt général, afin de préserver l'égalité entre les citoyens tout
en ménageant leur sécurité juridique.
En application de la jurisprudence Crédit foncier de France, quand une autorité dispose d'un pouvoir
dont les conditions de mise en œuvre ne sont pas fixées par la loi, elle peut fixer à elle-même ou à
ses subordonnés la doctrine à la lumière de laquelle les cas individuels pourront être réglés.
Le régime juridique des lignes directrices les oppose, les opposait en tout cas nettement aux
règlements et aux circulaires.
Les lignes directrice ne privent pas cette autorité de sa liberté d'appréciation. Et même cette autorité
sera en droit, après examen particulier de chaque affaire, de déroger à la ligne fixée pour des motifs
d'intérêt général ou tirée de la particularité de la faire.
En l'absence de tels motifs, elle décidera en se conformant à l'orientation définie par ligne directrice.
Enfin, contrairement au règlement, lignes directrices n'ont pas d'effet direct sur les administrés car
elles ne modifient pas par elles-mêmes la situation juridique des administrés.
- Deuxièmement, comme les circulaires, les lignes directrices sont adressées par les chefs de service,
notamment les ministres, à leurs subordonnés pour encadrer l'exercice de leurs fonctions. Mais
contrairement aux circulaires non impératives, les lignes directrices emportent des effets juridiques
opposables aux administrés. L'administration est en droit de se fonder explicitement sur elles pour
justifier les décisions prises.
Elles sont également opposables aux autorités administratives. Les administrés sont en droit devant
l'administration, le juge d'en demander l'application.
Cependant, même si elles ne modifient pas par elle-même la situation juridique des administrés, elles
ont sur eux des effets indirects, leur sont opposables donc, ainsi qu'à l'administration et doivent être
publiées.
Mais dans la mesure où elles servent de fondement à une décision individuelle d'application, leur
légalité pouvait être traditionnellement appréciée par voie d'exception à l'occasion de recours dirigés
contre les décisions qui en font application. Le recours était ainsi indirect, il s'agissait d'un examen en
quelque sorte, par ricochet.
Depuis l'arrêt de section du 12 juin 2020, Gisti toutefois, le régime contentieux des lignes directrices
a été redéfini. Désormais, le Conseil d'État admet qu'elles sont susceptibles de recours pour excès de
pouvoir, autrement dit d'une contestation directe devant le juge administratif.
Si l'on parle de droit souple, c'est parce qu'ils n'ont aucune force obligatoire à l'égard de leurs
destinataires qui ne sont pas tenus de s'y conformer.
De tels actes sont notamment utilisés par les autorités administratives indépendantes chargées de
mission de régulation économique. On parle alors, comme nous l'avons vu, d'une magistrature
d'influence.
Le mode d'action que représente le droit souple, auquel le Conseil d'État a consacré son étude
annuelle de 2013, dépasse de loin ses seuls acteurs. Le recours à ce procédé s'est généralisé dans
l'action administrative.
Face à l'importance acquise par cette technique originale de direction des comportements humains,
le Conseil d'État a fait évoluer profondément sa position relative à leur régime contentieux.
Classiquement, en effet, les actes de droit souple adoptés par les autorités de régulation ne
constituent pas des actes normateurs et ne sont pas, en principe, susceptible de recours devant le
juge administratif.
Une évolution majeure est alors survenue par 2 arrêts rendus en Assemblée par le Conseil d'État en
2016 Fairvesta et Numericable.
La juridiction pose en principe que les avis, recommandations, mises en garde, prises de position
adoptés par les autorités de régulation dans l'exercice de leur mission, peuvent être contestées
devant le juge de l'excès de pouvoir dans 2 cas alternatifs.
- Soit, ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique,
- Soit, ils ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des
personnes auxquelles ils s'adressent.
Ainsi, le Conseil d'État, il a admis qu'un acte non décisoire, car ne modifiant pas l'ordonnancement
juridique est susceptible de faire grief et donc de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Pour apprécier si l'acte fait grief, on ne prend plus seulement en considération la création de droits
ou d'obligations, c'est à dire des effets juridiques, mais aussi des effets concrets de la décision.
La voie est ouverte à une approche plus subjective de l'acte faisant grief.
Dans l'affaire Fairvesta était en cause un communiqué de l'autorité des marchés financiers publiés
sur son site internet et mettant en garde les investisseurs contre certaines pratiques de la société
requérante qui vend des placements immobiliers. Cette mise en garde a produit des effets, l'activité
de la société concernée a connu un recul, ce qui l'a conduit à demander l'annulation du communiqué.
Bien que cet acte ne comporte aucune force obligatoire, le Conseil d'État à admis la recevabilité du
recours.
Ce pas franchi, décisif sur le plan des principes, a entraîné de nouvelles évolutions.
L'année suivante, le Conseil d'État a transposé la jurisprudence Fairvesta Numéricable, aux lignes
directrices des autorités de régulation, par un arrêt du 13 décembre 2017 Société Bouygues Télécom
et autres.
Puis par un arrêt, Madame le Pen du 19 juillet 2019, rendu par le Conseil d'État en Assemblée, la
juridiction étend la jurisprudence Fairvesta Numéricable aux actes de droit souple des autorités
administratives indépendantes, au-delà des seules autorités de régulation.
Il restait alors, à généraliser cette ouverture à l'échelle de l'action administrative. C'est exactement
l’apport de l'arrêt du 12 juin 2020 Gisti, reproduit dans le document de travail.
Dans un motifs dédié aux critères de recevabilité du recours, la juridiction pose que, je cite, « les
documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tel que les
circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif
peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets
notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de
Puis dans le motif suivant, le Conseil d'État détermine les critères de légalité. « Il appartient au juge
d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et
des caractéristiques de celui-ci, ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il
émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle
entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la
portée, ou si les prix en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique
supérieure. »
On a pu dire de cet arrêt qu'il traduit la fusion des jurisprudences, Fairvesta, Duvignières et Crédit
foncier de France.
Effectivement, le Conseil d'État semble se livrer une synthèse de ces arrêts fondateurs, non sans
modifier les équilibres arrêtés s’agissant du régime contentieux des circulaires et des lignes
directrices, comme nous l'avons vu.
L'ouverture du Conseil d'État au contrôle des actes de droit souple est désormais généralisée, ce
contrôle porte sur les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, nouvelle
catégorie, dont le juge administratif est appelé à fixer progressivement le périmètre exact dans les
années à venir.
La notion d'autorité administrative est complexe, elle se définit non par rapport au statut des
personnes, mais par le contenu de leur activité.
En raison du rôle du critère matériel fondé sur le contenu même de l'acte, des organes administratifs
peuvent ne pas agir comme autorité administrative alors que des organes non administratifs
exercent, si certaines conditions sont remplies, des fonctions administratives par voie d'actes
administratifs.
Cette dissociation entre l'organe et la fonction, qui suppose de bien regarder les différentes fonctions
étatiques, amène à étudier en 2 paragraphes : premièrement, organes administratifs et actes non
administratifs et, a contrario, dans un paragraphe 2, organes non administratifs et actes
administratifs.
En période de confusion des pouvoirs ou dans le cadre de l'application de l'article 16 C, nous avons vu
dans la leçon consacrée à la loi, que lors de périodes particulièrement délicates, l'exécutif a été
amené à prendre des actes qui ont été reconnus force de loi.
Les ordonnances prises par le gouvernement provisoire de la République entre 1944 et 1946, celles
prévue par l'article 92C pour la mise en place des institutions de la Ve République, et enfin l'article
16C permet au chef de l'État de prendre des mesures relevant du domaine de la loi (Conseil d'État,
Assemblée 1962 Rubin de Cervens).
Depuis une décision du tribunal des conflits du 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane, pour
déterminer la nature des actes pris dans le domaine de la justice, le juge se fonde sur l'opposition,
organisation/fonctionnement.
Sont considérés comme actes administratifs les décisions du ministre liés à la création, la
modification ou la suppression des juridictions, celles relatives à la carrière des magistrats, celle
relative à la désignation ou à l'élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
En dehors du cas des personnes privées, qui sera traitée dans la section suivante, car elle suppose
l'application d'un autre critère, il s'agit du Parlement et des juridictions.
Bien évidemment, les lois ne sont pas des actes administratifs, mais les assemblées parlementaires et
leurs services peuvent prendre d'autres actes.
Longtemps, un acte pris par un organe parlementaire, assemblée ou service interne ne pouvait être
qu'un acte parlementaire insusceptible du tout contrôle du juge, tant judiciaire qu’administratif.
C'était un acte insusceptible de recours contentieux.
Pour rénover le système audiovisuel de l'hémicycle et permettre à toutes les chaînes de télévision de
diffuser les séances publiques, les services de l'Assemblée nationale ont lancé un appel d'offres
restreint en vue de passer 2 marchés, l'un pour l'installation, l'autre pour la gestion des équipements
audiovisuels.
Cet appel d'offres ayant été déclaré infructueux, le président de l'Assemblée nationale a procédé par
voie de marchés négociés pour conclure ces 2 contrats. La société qui exploitait précédemment les
installations a présenté une offre qui fut rejetée. Elle saisit le tribunal administratif de Paris qui
annule les marchés. Le président de l'Assemblée nationale saisit alors le Conseil d'État.
« Considérant que les marchés conclus par les assemblées parlementaires en vue de la réalisation des
travaux publics ont le caractère de contrats administratifs, que dès lors, il appartient à la juridiction
administrative de connaître des contestations relatives aux décisions par lesquelles les services de
Les actes pris par les assemblées parlementaires et leurs services peuvent être des actes
administratifs s'ils concernent une activité administrative. En application de ce critère matériel, il en
est ainsi des décisions par lesquelles les services des assemblées parlementaires concluent, au nom
de l'Etat, des marchés dans la mesure où il présente des caractéristiques des contrats administratifs.
Par contre, les actes indissociables des fonctions publiques des chambres, restent des actes
parlementaires, par exemple les actes liés à la pension de retraite des membres des assemblées.
La majorité des décisions prises par l'autorité judiciaire ne sont pas des actes administratifs, mais des
actes de nature juridictionnelle.
Les jugements, bien sûr, mais également tout ce qui est lié au fonctionnement interne de la
juridiction, en application du critère matériel mis en œuvre dans la jurisprudence “préfet de la
Guyane” actes juridictionnels édictés par les magistrats, actes de procédure s'y rattachant.
Mais ces organes juridictionnels peuvent parfois prendre des mesures administratives : avis de la
chambre d'accusation à l'occasion de la procédure d'extradition, modalités d'exécution des peines
prises par le juge d'application des peines et surtout, décision prise par le président de juridiction,
vis-à-vis d'autres magistrats dans le cadre de son pouvoir hiérarchique, notation, sanction.
À titre d'exemple, le Conseil d'État a jugé que le règlement intérieur du Conseil constitutionnel
concernant l'accès à ses archives, intimement liées à l'exercice de ses missions constitutionnelles,
n'était pas un acte administratif, dans la décision rendue en Assemblée le 25 octobre 2002 Brouant.
Certains sont des actes de droit privé régis par le droit civil, le droit commercial, le droit du travail, et
cetera, et dont le contentieux relève des juridictions judiciaires.
Le juge administratif refuse de contrôler des actes de droit privé émis par des personnes
administratives et, a contrario, nomme actes administratifs unilatéraux, certaines décisions édictées
par des personnes privées, d’où les 2 paragraphe de cette section, paragraphe premier, les actes
privés des personnes publiques.
Il semble naturel que les décisions d'un ministre, d'un préfet, d'un conseil général ou d'un maire soit
des décisions administratives. Le critère de leur caractère administratif serait d'ordre organique.
Ce critère s'applique pour toutes les décisions de nature réglementaire. Par contre, ces critères
organiques n'est pas d'application constante pour toute les décisions.
Les personnes publiques peuvent prendre des actes de pure gestion privée en dehors de tout
exercice de prérogatives de puissance publique relevant de l'exercice de ce que l'on nomme parfois
la puissance privée. Et ce ne sont pas des actes administratifs.
Il en est ainsi des décisions non réglementaires relatives à la gestion du domaine privé de
l'administration, des personnes publiques gèrent leur domaine privé comme des propriétaires privés
et leurs décisions, dans la mesure où elles ne sont pas détachables de la gestion de ce domaine,
relèvent du droit privé.
Il en est de même des décisions relatives à la gestion des services publics industriels et commerciaux,
qui sont de nature non réglementaire contrairement aux actes relatifs à l'organisation des services
industriels et commerciaux qui sont toujours de nature administrative.
Enfin, de nombreux actes a priori administratifs sont jugés par la juridiction judiciaire en application
de la loi, par exemple dans le domaine économique. Il en est ainsi, par exemple, des sanctions prises
dans le domaine de la régulation économique.
Voici le motif principal de l’arrêt : « Ainsi, les comités d'organisations, bien que le législateur n'en ait
pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l'exécution d'un service public, et
que les décisions qu’ils sont amenées à prendre dans la sphère de ses attributions, soit par voie de
règlement, soit par des dispositions d'ordre individuel, constituent des actes administratifs. »
Le juge a toujours confirmé la solution acquise en 1940. Pour qu'un acte pris par une personne
privée soit considéré comme administratif, il faut qu'il présente un double lien organique et matériel.
Un lien organique entre la personne publique délégante et la personne privée est au coeur même de
la délégation. Un lien matériel entre la mission de service public et les prérogatives de puissance
publique déléguée en même temps à la seule fin de exercer ladite mission.
Autrement dit, les décisions prises par une personne privée pour l'accomplissement de sa mission de
service public ne sont administratives que pour autant qu'elles constituent l'exercice d'une
prérogative de puissance publique.
Prenons un exemple récent, la ville de Paris avait chargé une société d'économie mixte d'éradiquer
l'habitat insalubre. Le pouvoir d'exproprier, prérogative de puissance publique qui lui avait été confié
ne peut être utilisé qu'à cette fin, et le juge annulera toute expropriation d'immeubles non insalubre.
Si aucune différence ne peut être faite suivant le caractère réglementaire ou individuel de la décision,
les réponses diffèrent légèrement selon la nature administrative ou industrielle et commerciale du
service public.
1 - Les décisions des organismes de droit privé assurant un service public administratif
Le service confié par habilitation à ces personnes privées doit présenter les caractères d'un service
public administratif selon les critères étudiés lors de l'étude du service public à réaliser lors du
semestre 4.
Le contentieux des sports en fourni de nombreux exemples. Sont administratifs, les actes des
fédérations sportives auxquelles la loi délègue l'organisation des compétitions, les décisions des
fédérations sportives instituant une redevance pour l'agrément des balles de tennis de table utilisées
dans les épreuves officielles, ou bien prononçant une sanction disciplinaire à l'encontre d'un joueur
professionnel ou dirigeant sportif. Il en est encore ainsi des décisions d'une société communale de
chasse agréée relative à la délimitation de son périmètre d'activité.
2 - Les décisions des organismes de droit privé assurant un service public industriel commercial
Alors, au contraire, les décisions des organismes de droit privé assurant un service public industriel,
commercial ne sont administratives que dans le cas de figure énoncé par le tribunal des conflits en
1968 : les décisions réglementaires intéressant l'organisation même du service et dans la mesure où
la personne privée a été habilitée par la loi pour le faire. C'est une décision du tribunal des conflits du
15 janvier 1968 Compagnie Air France contre époux Barbier.
Alors les faits sont vraiment caractéristiques d'une certaine époque. En 1959, la compagnie Air
France avait introduit dans le règlement de son personnel des dispositions nouvelles concernant les
hôtesses de l'air. Jusque-là, la compagnie d'accepter de recruter des hôtesses que parmi les femmes
célibataires, veuves ou divorcées. La question se posait donc de savoir si le mariage en cours de
carrière entraînait la perte de l'emploi. Pour clore toute discussion, la compagnie a précisé dans un
règlement du 20 avril 1959 que pour les hôtesses, le mariage entraîne cessation de fonction de la
part des intéressées. Une hôtesse engagée avant la date de ce règlement qui s'était marié depuis, a
été licencié en application de ces dispositions. A la suite d'une longue procédure, le tribunal des
conflits a été saisi par la Cour de cassation qui a vu une difficulté sérieuse de compétence.
Motif principal de la décision : Considérant que si la compagnie nationale Air France, chargée de
l'exploitation de transport aérien est une société anonyme, c'est à dire une personne morale de droit
privé, et si par suite il n'appartient qu’aux tribunaux de l'ordre judiciaire de se prononcer au fond sur
le litige individuel concernant les agents non fonctionnaires de cet établissement, les juridictions
administratives demeurent en revanche compétente pour apprécier par voie de question
préjudicielle, la légalité des règlements émanant du Conseil d'administration qui, touchant à
l'organisation du service public, présente un caractère administratif.
Quelle est la portée de cette solution ? Les personnes privées gestionnaires d'un service public
industriel et commercial peuvent prendre des actes administratifs unilatéraux à la triple condition,
qu'il s'agisse d'un acte réglementaire, que cet acte porte sur l'organisation même du service et enfin
que la personne privée était habilitée pour le faire.
Même ainsi limitée, cette jurisprudence peut surprendre à 2 titres. Elle étend la notion d'acte
administratif à des décisions d'organismes qui relèvent tout à la fois du droit privé par leur forme et
du secteur industriel commercial par leur objet. Ensuite, l'arrêt fait application du droit public des
services publics industriels et commerciaux, soumis en principe au droit privé depuis la décision du
tribunal des conflits du 22 janvier 1921. Bac d’Eloka et un litige concernant leurs agents considérés
comme des personnels de droit privé depuis l'arrêt du Conseil d'État du 26 janvier 1923 de Robert
Lafrégeyre. Cette jurisprudence, quoique confirmée, n'a été appliquée que dans 2 arrêts du tribunal
des conflits du 15 décembre 2008, Voisin contre RATP et Kim contre établissement français du sang.
Les actes administratifs latéraux peuvent être classés selon leur objet, autonome ou application des
lois, ordonnance ou leurs auteurs.
Ils peuvent également être classés selon leur contenu réglementaires ou individuels, mis à part le cas
très particulier des décisions non réglementaires, dit aussi décision d'espèce.
L'acte réglementaire édicte des règles générales et impersonnelles destiné à un sujet de droit
indéterminé comme un règlement de police fixant les règles de stationnement dans une commune
ou décret, une définition, le statut du préfet.
L'acte individuel, lui, édicte des normes ayant pour destinataire une personne : la délivrance d'une
autorisation, ou plusieurs personnes, mais toutes nominativement désignées : Exemple, le procès-
verbal des résultats d'un concours.
Les règlements sont supérieurs aux décisions individuelles, y compris celles qui émanent de la même
autorité et ils sont soumis à un régime juridique différent.
Alors l'article L.200 -1 du code des relations entre le public et l'administration, le CRPA, publié par
l'ordonnance du 23 octobre 2015 donne une définition des différentes catégories d'actes
administratifs, je cite : « On entend par actes les actes administratifs unilatéraux décisoires et non
décisoires.
Les actes administratifs unilatéraux décisoires comprennent les actes réglementaires, les actes
individuels et les autres actes décisoires non réglementaires. Ils peuvent être également désignés
sous le terme de décisions, ou selon le cas, sous les expressions de décisions réglementaires, de
décisions individuelles et de décisions ni réglementaires ni individuelles. »
Indiquons juste pour terminer en forme de nota bene, un décret, c'est à dire un acte pris seulement
par le président de la République ou le Premier ministre, peut être de nature individuelle ou
réglementaire. Il en est de même pour les arrêtés actes pris par toutes les autres autorités
administratives.
Prenons un exemple, en application des articles L 511 - 1et R 512-1 du code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile, le préfet de département ou à Paris le préfet de police, peut par
arrêté motivé décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière, en particulier s'il ne peut justifier
être entré régulièrement sur le territoire. Ainsi, nous voyons qu'une seule personne, le préfet, est
La décision doit être prise selon une certaine procédure permettant à la personne intéressée de
présenter ses observations. Dans le cas contraire, la procédure serait irrégulière et l'on parlera alors
de vice de procédure.
La décision de reconduite doit être motivée. Cela veut dire que les raisons de fait et de droit qui ont
conduit le préfet à prendre un tel acte doivent être clairement indiquées dans le texte même de la
décision. Autrement, la forme serait-ce régulière, la décision annulée pour vice de forme.
Le préfet ne peut prendre de tels actes que parce que le code lui en donne la possibilité. C'est le
fondement juridique, la base légale de ces décisions.
Dans l'exercice de ce pouvoir envers une personne bien déterminée, le préfet doit respecter les
conditions de fond, les motifs énumérés par la loi , en prenant garde de ne pas commettre une erreur
de fait ou une erreur manifeste d'appréciation.
Enfin, si le TA est saisi, il vérifiera si le préfet n'a pas été poussé par des mobiles étrangers à la
satisfaction de l'intérêt général, s’il a voulu, par exemple, satisfaire l'intérêt personnel, s'il a bien
respecté les buts pour lesquelles le pouvoir de décider lui a été attribué.
Ainsi, l'analyse des éléments de régularité des actes permet-elle d'identifier a contrario, les diverses
irrégularités qui peuvent affecter, c'est à dire les vices ou moyens d'annulation invoqués par le
requérant devant le juge à l'appui d'un recours contentieux vice parfois nommé cas d'ouverture du
recours pour excès de pouvoir.
Longtemps, la décision unilatérale nommée l’acte administratif unilatéral, a été étudiée à l’occasion
des vices qui peuvent entacher sa régularité, en quelque sorte du côté négatif de ses défauts et
erreurs. On peut dire également de sa pathologie ou de son côté noir.
Désormais, les études de son élaboration, de ses rapports avec le temps et des difficultés possibles
posées par son exécution sont dissociées de l’approche purement contentieuse.
Section un, l'élaboration des décisions administratives unilatérales section 2, la décision et le temps
section 3, l'exécution de la décision.
En France, pendant une trentaine d'années, des projets de code aux dénominations variables n'ont
pas manqué mais n'ont jamais abouti. Les prémices de cette codification a donné lieu à un premier
texte, le décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers,
puis la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations.
La codification de la procédure administrative non contentieuse, c'est à dire l'ensemble des règles qui
gouvernent l’édiction des décisions administratives, relève autant de la politique de codification
qu'elle constitue un instrument de la politique de l'État dans son volet dit de simplification des
procédures administratives.
Désormais, le code des relations entre le public et l'administration CRPA a été publié par
l'ordonnance du 23 octobre 2015. Présentée comme la lex généralis des relations du public avec
l'administration, le code est construit en 5 livres, portant successivement sur
Sont donc exclues les règles spéciales propres à certains champs de l'action administrative, comme
celles relatives à la commande publique, la fiscalité ou encore l'action sociale. De même, n'y figurent
pas des règles déjà codifiées, par exemple les règles de publication des actes des collectivités
territoriales, codifiées dans le code général des collectivités territoriales.
L'objectif de ces rédacteurs a été de le rendre accessible à un public large et varié. En particulier
contrairement aux autres codes, les dispositions législatives et réglementaires sur chaque sujet se
succèdent selon une numérotation continue. Le texte codifie à droit constant selon la règle, les
principales dispositions des lois relatives aux droits des administrés. La loi de juillet 1978 sur la
communication des documents administratifs, la loi de juillet 79 sur la motivation des actes
administratifs et la loi fameuse DCRA du 12 avril 2000 déjà citée.
Le code valeur législative à certaines règles jurisprudentielles, comme celles relatives à la procédure
contradictoire, à l'obligation de prévoir des mesures transitoires, parfois en les simplifiant comme
pour les règles du retrait, et de l'abrogation des actes administratifs.
À l'origine, chacun des textes qu'il était prévu de codifier avait un champ d'application qui lui était
propre et concernait tantôt l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics ou encore
les gestionnaires d'un service public.
Alors Premièrement, l'article L 100 -1 : Le présent code régit les relations entre le public et
l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables, sauf disposition contraire du
présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents.
L'article L 100 -3. : Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par
administration : les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements
publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargé d'une
mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale.
Le public : toute personne physique et toute personne morale de droit privé, à l'exception de celles
qui sont chargées d'une mission de service public lorsqu’est en cause l'exercice de cette mission.
Les définitions sont donc larges, il faut ajouter à cela l'article L 110-1 : sont considérées comme des
demandes au sens du présent code, les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux
ou hiérarchiques adressés à l'administration.
Auparavant, des décisions de simplification considérées comme urgentes avaient fait l'objet de 3
ordonnance publiée au Journal officiel du 7 novembre 2014.
La première numéro 2014 1329, relative aux délibérations à distance des instances administratives à
caractère collégial, concerne le fonctionnement interne des administrations, contrairement aux 2
autres.
La 2nde est relative à la communication des avis préalables donnés par un organisme ou une activité
au cours de l'instruction d'une demande, à condition que l'intéressé en fait la demande et que l’avis
était prévu par un texte. Ce dernier pourra ainsi améliorer son projet, et prévenir l'intervention d'une
décision défavorable.
Les règles qui gouvernent l'élaboration des décisions administratives concerne la compétence de son
auteur, paragraphe un. Sa forme paragraphe 2, les règles de procédure paragraphe 3 et enfin, les
délais d'action paragraphe 4.
A. Définitions
L'auteur d'un acte est celui ou ceux dont le consentement est nécessaire pour qu'une décision soit
prise. Cette capacité à modifier l'ordre juridique s'appelle la compétence. A l'intérieur de l'ordre
administratif les compétences sont déterminées d'une façon rigide, elles sont réparties dans le
temps, on dit ratione temporis, dans l'espace ou ratione loci. Enfin, par matière ratione materiae. Une
autorisation administrative ne pouvant intervenir dans une matière étrangère à ses attributions.
Par exemple, la construction et l'entretien des locaux scolaires sont répartis entre l'État pour
université, la région pour les lycées, le département pour les collèges et la commune pour l'école
primaire.
Ces règles font l'objet d'un contrôle particulier. L'incompétence est donc considérée comme un
moyen d'ordre public par le juge. Il y a incompétence quand une autorité administrative prend une
décision sans avoir qualité pour le faire. La décision considérée en elle-même, peut être en tout point
de vue légal, mais elle n'a pas été prise par celui qui était habilité à le faire.
Quand une autorité est empêchée pour diverses raisons (maladie, absence) d'exercer sa
compétence, les procédés de la suppléance et de l'intérim permettre de surmonter les inconvénients
éventuels.
Le mécanisme de l'intérim est différent. Non prévu par un texte, l'autorité compétente désigne elle-
même une personne spécifique pour exercer à titre provisoire et de manière limitée, ses pouvoirs.
Par exemple, est une suppléance le remplacement provisoire du maire par un adjoint en cas
d'absence ou d'empêchement, article L 2122-18 du CGCT.
Au contraire, est un intérim, le remplacement provisoire d'un ministre par un autre, par exemple
quand le président de la République confie à un ministre les pouvoirs que le Premier ministre
n'exerce pas du fait de son absence. Il institue un intérim.
Enfin, il est souhaitable que les ministres et les chefs de service puissent déléguer une partie de leur
compétence à leurs subordonnés.
Deux sortes de délégations sont prévues par le droit : la délégation de compétence et la délégation
de signature. Si leurs conditions semblables, leurs effets sont très différents.
Premièrement : avoir été autorisée par un texte, car en droit administratif le titulaire d'une
compétence n'en dispose pas.
Deuxièmement : être suffisamment précise et expresse de manière à ce qu'il n'y aucun doute ni sur
l'identité d'une délégataire, ni sur l'étendue des pouvoirs délégués.
Troisièmement : être partielle, car le délégant ne doit pas se dessaisir de toute sa compétence.
Quatrièmement : avoir été publiée. La délégation doit être claire aux yeux de tous.
Il n'y a pas de modification de l'ordre des compétences. La délégation de signature disparaît lorsque
le délégant ou le délégataire change de fonction, à quelques rares exceptions près.
Par exemple, l'article L 2215-1 du CGCT prévoit expressément une substitution d'action. Je le cite :
”La police municipale est assurée par le maire. Toutefois, le représentant de l'État dans le
département peut prendre pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et
dans tous les cas il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toute mesures relatives au
maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publique. Ce droit ne peut être exercé par le
représentant de l'État dans le département à l'égard d'une seule commune qu’après mise en
demeure adressée au maire, restée sans résultat.”
Ainsi, le préfet peut donc se substituer au maire qui détient la compétence de principe pour prendre
à sa place et après une mise en demeure restée sans résultat, les dispositions exigées par la situation
dans la collectivité territoriale.
La signature et les contreseings désignent l'auteur compétent pour prendre la décision, les visas font
référence à sa base légale et aux étapes de la procédure suivie, la motivation au motif de l’acte.
Le droit administratif n'est guère formaliste. De nombreuses dispositions mentionnées sur l'écrit ne
sont pas obligatoires et leur violation n'est donc pas sanctionnée. Il en est ainsi des visas : « Vu la loi
numéro ? le décret numéro X du y »
Tout acte repose sur une base juridique, une décision individuelle se fonde sur une norme générale,
une règle inférieure sur une règle qui lui est supérieure. La mention de tous ces actes antécédents se
nomme les visas. Les erreurs dont ils peuvent être entachés sont sans incidence sur la régularité de
l'acte, leur mention est en principe facultative. Seul importe le fondement réel de la décision.
Mais il existe cependant certaines obligations qui ont trait à la présentation matérielle, la motivation
et la signature.
A. La présentation matérielle
La décision peut être orale, écrite, gestuelle ou verbale. Le feu rouge, les gestes des agents de la
circulation en ville, pour ne citer que ces exemples.
On distingue traditionnellement les décisions implicites des décisions explicites. La différence réside
dans le silence gardé pendant une certaine durée par l'autorité administrative compétente après
qu'une demande lui ait été adressée et qui équivaut au rejet ou à l'acceptation de la décision.
Que prévoit l'article L 231-1 ? Le silence gardé pendant 2 mois par l'administration sur une demande
vaut décision d'acceptation.
L 231-4 par dérogation à l'article L 231-1, le silence gardé par l'administration pendant 2 mois vaut
décision de rejet, puis suivent 5 cas de figure :
- Premièrement, lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère
d'une décision individuelle
- Deuxièmement, lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte
législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif.
- Quatrièmement, dans les cas précisés par décret en Conseil d'État où une acceptation implicite ne
serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la
protection de la sécurité nationale, la protection des libertés, des principes à valeur constitutionnelle
et la sauvegarde de l'ordre public.
L'article L 231-5 indique en fait une autre exception puisqu'il précise : « eu égard à l'objet de
certaines décisions pour des motifs de bonne administration, l'application de l'article L 231-1[c’est à
dire le principe selon lequel le silence vaut acceptation] peut être écarté par décret en Conseil d'État
et en Conseil des ministres ».
Le régime des décisions implicites d'acceptation est complété par des règles permettant d'en limiter
la possibilité de retrait, comme nous le verrons dans la section 2.
B. La motivation
La motivation, c'est à dire l'expression écrite des motifs de fait et de droit sur le document écrit d'une
décision, bénéficie d'un statut particulier dans la mesure où elle a été perçue comme un moyen
d'améliorer les relations entre l'administration et les administrés.
Il ne faut donc pas confondre motif et motivation. Si tout acte repose sur des motifs, des raisons, des
éléments qui fondent la décision, leur expression écrite n'est pas toujours exigée par le droit.
L'auteur d'une décision administrative doit toujours fonder sa décision sur des motifs réguliers. Leur
contestation par le requérant ainsi que leur examen par le juge constituent l'une des pièces
maîtresses du contrôle de légalité.
En application de l'article L.211-2 du CRPA, les personnes physiques ou morales ont le droit d'être
informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les
concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés
publiques ou de manière générale constituent une mesure de police, infligent une sanction,
subordonne l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des suggestions,
retirent ou abrogent une décision créatrice de droits, opposent une prescription, une forclusion, une
déchéance, celles qui refusent un avantage dans l'attribution constitue un droit pour les personnes
qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. Celle qui refusent une autorisation, enfin, celles
qui rejettent un recours administratif dans la présentation est obligatoire préalablement à tout
recours contentieux.
En application de l'article L 211-3, doivent également être motivées les décisions administratives
individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. L'obligation de
motiver tombe chaque fois qu'une loi interdit de divulguer ou de publier des faits couverts par le
secret, essentiellement les secret médical, professionnel ou de la défense nationale, selon l'article
L 211-6, toujours du CRPA.
Elle incombe aux administrations mentionnées dans l'article L 100-3 que nous avons cité tout à fait
au début, mais aussi aux organismes et personnes chargées d'une mission de service public,
industriels et commerciaux, pour les décisions prises au titre de cette mission.
Cette obligation est également étendue aux relations entre administrations, les organismes de
sécurité sociale et pôle emploi doivent motiver les décisions individuelles par lesquelles ils refusent
un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions
légales pour l'obtenir.
Une fois établi le champ d'application de la motivation, quel doit être son contenu ?
Selon l'article L 211-5 du CRPA, la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des
considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision, le juge estimant qu'une
motivation imprécise, incomplète, stéréotypée entache l'acte de nullité.
La motivation peut être exprimée dans la lettre d'envoi de la décision ou dans une annexe, mais pas
dans une lettre postérieure. En cas d'urgence absolue, les motifs peuvent être communiqués dans le
mois suivant la demande. Cette règle s'applique également aux décisions implicites.
L'arrêt du Conseil d'État du 29 juin 2012 Association Promouvoir reproduit dans le document de
travail illustre de façon concrète et argumentée ce qui est une motivation insuffisante.
L'acte n'existe qu'après avoir été signé et, le cas échéant, contresignés par les ministres responsables
ou par ceux chargés de leur exécution, comme nous l'avons vu dans la leçon sur le pouvoir
réglementaire.
Cette règle est absolue et l'absence de signature sur l'acte l’entache d’incompétence. Mais les
défauts de contreseing des actes du président de la République ou du Premier ministre constituent,
eux, des vices de forme.
Enfin, l'article L 212-1 du CRPA prévoit que l'auteur de l'acte y indique, de manière lisible son nom,
prénom et qualité. Depuis l'entrée en vigueur de ce nouveau code, la signature peut être
électronique.
Or la procédure, qu'elle soit civile, administrative, contentieuse est, selon son étymologie même, une
marche à suivre, ordonnée à une fin. Le régime complexe qui gouverne la procédure d'élaboration
des décisions a sans doute pour effet d'en retarder l’édiction, mais elle a au moins pour double objet
d'encadrer l'action administrative et de participer ainsi à l'amélioration des rapports entre
l'administration et les citoyens, mais également de procurer à l'administration une connaissance
exacte des circonstances de nature à influer sa décision.
- Premier objet : Vers la fin du 20e siècle, le législateur, voire le pouvoir réglementaire et plusieurs
fois intervenu. Loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre
l'administration et le public, décret du 28 novembre de 1983 concernant les relations entre
l'administration et les usagers, loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations et plus récemment la loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à
simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
Le changement de vocabulaire n'est pas anodin, l'administration a pour interlocuteur le public que
les usagers, les citoyens et à nouveau maintenant le public. Il témoigne d'une volonté de promouvoir
une véritable démocratie administrative. Parmi les différentes réformes mises en place, celle qui a
trait à la motivation des décisions et à l'accès aux documents administratifs sont particulièrement
importantes. Tout citoyen peut consulter et obtenir copie des décisions administratives non
Or, en application de l'article L 300-2 du CRPA, la notion de document administratif est entendue de
manière extensive, je cite : « Sont considérés comme documents administratifs, quelle que soit leur
date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus dans le
cadre de leur mission de service public par l'État, une collectivité territoriale ainsi que par les autres
personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent
de tels documents, notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux
statistique, instructions circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondance, avis, prévisions,
codes, sources et décisions ».
Toutefois, ces décisions doivent être achevées, comme le précise l'article L 311-2 du CRPA, le droit à
communication ne s'applique qu'à des décisions achevées. Et la communication des documents ne se
fait que sur demande des personnes intéressées, comme l'indique à nouveau l'article L 311 1, « les
administrations mentionnées sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents
administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande dans les conditions prévues
par le présent livre ».
Les seules limites à la communication tiennent en particulier au respect de la vie privée et au secret
de la défense nationale. En cas de refus, le demandeur peut s'adresser à la CADA, Commission
d'accès aux documents administratifs qui, si elle estime la demande justifiée, adresse un avis à
l'autorité compétente. Les refus de la CADA d'adresser un avis au service ou du service d'obtempérer
à la demande de la CADA sont susceptibles de recours devant le juge administratif. Si ce dernier
annule les refus, il peut enjoindre l'administration de communiquer le document demandé.
- 2nd objet de la procédure, les règles de procédure sont destinées à éclairer l'autorité sans la
partager, elles permettent à l'autorité compétente de solliciter des avis, procédure consultative et au
destinataire d'une décision de présenter utilement ses objections lors d'une procédure disciplinaire
ou ses remarques dans le cadre d'une enquête publique. C'est la procédure contradictoire. D’où les 2
points la procédure consultative, la procédure contradictoire.
A. La procédure consultative
La participation, antidote de l'individualisme, permet à chaque individu d'être citoyen, mais trop de
consultation peut mettre en place des leurres cachant des agents publics surmenés et conduit au
nom de l'efficacité à recourir à des mécanismes oubliés de la démocratie. Quoi qu'il en soit, en droit
positif, la procédure consultative règle le régime des consultations, c'est-à-dire à la fois la portée
juridique des avis sollicités et les modalités de la consultation.
Il est toujours possible à une autorité administrative, sauf cas particulier où des règles
déontologiques s'y opposent, de consulter avant de prendre une décision. Ce sont les avis dits
spontanés. Mais à partir du moment où l'avis est sollicité, il doit l'être selon une procédure régulière.
Par ailleurs, de nombreux textes imposent aux autorités administratives de recueillir l'avis
d'organismes consultatifs avant de prendre une décision.
Le régime de ces consultations est encadré par le droit. Ce sont les articles R 133-1 et suivants du
CRPA. L'organisme consulté doit :
- Premièrement avoir une existence légale et seules peuvent siéger les personnes prévues par les
textes, à l'exception de tout membre intéressé à l’affaire, par exemple la présence au sein de
l'organisme consultatif d'une personne dont la partialité contestable rend l’avis irrégulier.
L’avis doit pouvoir être émis sur la base d'un dossier complet, la mesure adoptée in fine est donc
sous réserve de correction, celle soumise à l'avis modifié pour tenir compte de celle-ci. La décision ne
peut pas porter sur des questions non soumises à la consultation.
- Troisièmement, les organismes ne peuvent statuer que si le quorum de la moitié des membres
présents ou représentés est atteint.
En application de l'article L 132 1 du CRPA, l'autorité administrative peut ne pas consulter une
commission administrative sur un projet d'acte réglementaire en organisant une consultation
ouverte à tous sur Internet. Celle-ci doit être d'une durée au moins égale à 15 jours, la synthèse des
observations ainsi recueillies doit être rendue publique. Cette réforme a pour but d'accélérer le
processus décisionnel en contournant la participation de commissions, parfois lentes à agir.
Mais alors, n'aurait-il pas été plus pertinent de réformer leur fonctionnement ? L'avis émis par une
représentation équilibrée des divers intérêts par des personnes participant à des débats ne peut être
comparé à une procédure de consultation directe du public. Ces procédures peuvent être
complémentaires mais ne sont pas substituables.
- l’avis simple ou dit plutôt obligatoire que l'auteur de l'acte doit prendre, mais libre de suivre ou de
ne pas suivre. Dans ce cas, il ne serait s'estimer lié par lui à peine d'entacher sa décision
d'irrégularités, de même que ne pas solliciter l'avis ou le faire dans des conditions irrégulières
entraîne l'annulation de l'acte pris à la suite pour vice de procédure.
En cas d'avis conforme, la décision est annulée pour incompétence et ceci quel que soit le sens de la
décision ou le requérant, que le litige soit en première instance ou en appel, c'est un arrêt
d'assemblée du Conseil d'État de 2001, Monsieur et Madame EISENCHETER. Nous avons déjà
examiné plus tôt dans ce cours le cas particulier de la consultation du Conseil d'État.
B. La procédure contradictoire
Lorsqu'une autorité administrative prend une décision défavorable à l'encontre de l'intéressé et
qu'elle s'appuie pour agir ainsi sur des considérations relatives à la personne en cause, elle doit
mettre cette personne en état de se défendre.
Dans ces hypothèses et non pas de manière générale comme en procédure contentieuse,
l'administration ne peut pas décider sans que les intéressés aient été mis en mesure de faire valoir
leur point de vue. Le vieil adage audi alteram partem ( « Entendre l'autre côté ») a été dégagé par le
juge administratif dès 1903 en matière disciplinaire, avant d'être consacré en tant que principe
général du droit en 1944, par la célèbre décision dame veuve Trompier-Gravier du 5 mai 1944.
Désormais, le respect des droits de la défense doit être assuré selon les règles prévues par les articles
L 120-1 et suivants du CRPA : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions
individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L 211-2, ainsi que la décision qui
vient comme non mentionnée à cet article, sont prises en considération de la personne sont
soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ».
L'article L121-2, pose des exceptions : « Les dispositions de l'article L 121-1 ne sont pas applicables, 1°
en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles, 2° lorsque leur mise en œuvre serait de nature
à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales, 3° aux décisions pour
lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière, 4° aux
décisions prises par les organismes de sécurité sociale, sauf lorsqu'ils prennent des mesures à
caractère de sanction. Les dispositions de l'article L 121-1 en tant qu'elle concerne la décision
individuelle qui doivent être motivée en application de l'article L 211 2 ne sont pas applicables aux
relations entre l'administration et ses agents ».
Lorsque la demande n'entre pas dans le champ d'application du CRPA, ce qui est par exemple le cas
pour les relations entre l'administration et ses agents, le principe général des droits de la défense
s'impose, sauf en matière de police. Les obligations à respecter sont moindres, l’agent doit avoir été
mis à même de consulter son dossier au préalable et dans des conditions satisfaisantes de contenu
du dossier et de délai. Il peut présenter ses observations par tout moyen, mais l'autorité
administrative n'est pas tenue de l'entendre. Il s'agit donc d'une simple faculté d’exercer le droit de
la défense et non d'un droit à la contradiction.
L'autorité administrative est libre de choisir le moment pour édicter sa décision, à condition que
celle-ci intervienne à l'intérieur d'un délai dit raisonnable. Seul le retard abusif, apprécié in concreto
ou la carence délibérée feront l'objet d'une sanction que le délai soit prévu par un texte ou imposé
par le juge.
Alors, les délais sont en principe un caractère indicatif. Quand un texte prévoit qu'un acte doit
intervenir dans un délai déterminé, l'administration n'est pas tenue de le respecter à peine de nullité.
Les délais ainsi fixés ne sont impératifs qu'en cas de substitution de compétence, par exemple
l'article 38C ou s'il présente une garantie pour les administrés, par exemple la durée des enquêtes
publiques. Ainsi, les délais prévus par un texte sont rarement impératifs, mais simplement indicatifs,
Les délais fixés par un texte peuvent revêtir un caractère impératif dans trois cas :
- S'il ne fait pas naître automatiquement une décision de refus d’autorisation, ou enfin
Il arrive également au juge d'interdire aux autorités administratives de prendre une décision avant un
certain moment, délai utile, ou au contraire de prescrire de le faire avant une certaine date limite,
délai maximal à ne pas dépasser.
Par exemple, le gouvernement ne peut décider par voie d'ordonnance que dans le délai fixé par la loi
d’habilitation. En matière de respect des droits de la défense, le délai utile est la période minimale
permettant à l'intéressé de préparer sa défense. Les délais raisonnables sont au contraire les délais
maximaux que l'administration ne doit pas dépasser, par exemple pour édicter un règlement
d'application d'une loi.
Un délai qui n'est pas raisonnable est celui à partir duquel le juge estime que l'abstention de
l'administration peut s'analyser ou s'analyse comme un refus implicite d'agir, de prendre les
décisions, les mesures nécessaires à l'application de l'acte initial.
Ce refus est susceptible d'être annulé par la voie du recours pour excès de pouvoir et depuis la loi du
8 février 1995, cette annulation peut être assortie de l'injonction formelle d’édicter le règlement dans
un délai déterminé, sous menace d'une astreinte Conseil d'État 1996 Association Lyonnaise de
protection des locataires, et provoqué la condamnation de l'autorité administrative fautive à payer
une indemnité réparatrice du préjudice causé, Conseil d’Etat Assemblée 1964 Dame veuve Renard.
Ainsi, si le gouvernement ou un ministre reste libre pour adopter des décrets ou arrêtés d'application
des lois, de fixer la date de leur intervention, leur abstention ne doit pas toutefois se prolonger au-
delà d'un délai raisonnable et être assimilée à un refus définitif d'agir comme cela ressort des motifs
de l'arrêt dame veuve Renard. Car l'exercice du pouvoir réglementaire comporte l'obligation de
prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application des lois,
selon la formule de l'arrêt du Conseil d'État rendu le 28 juillet 2000, Association France Nature
Environnement.
Depuis quelques années, la prise de conscience des désordres provoqués par les retards parfois
excessifs, pris pour sortir les textes d'application des lois, a suscité un effort de redressement de
l'action gouvernementale. Désormais, le Premier ministre rend régulièrement compte au Conseil des
ministres de leur parution, tout comme la commission des lois de l'Assemblée nationale qui publie un
rapport.
L'article L 110-1 définit cette demande de manière extensive, englobant comme nous l'avons dit, tout
à fait au début de cette leçon aussi bien les demandes et les réclamations initiales que celles
formulées à l'occasion d'un recours gracieux ou hiérarchique.
La loi prévoit 2 exceptions, il ne sera pas délivré d'accusé de réception en cas de demandes abusives
ou en raison de la brièveté du délai imparti pour répondre. La loi précise enfin que l'autorité
administrative destinataire d'une demande à laquelle il ne lui appartient pas de répondre, doit la
transmettre à l'autorité compétente et en informer l'auteur de la demande.
Quand la demande donne lieu à une décision implicite, le calcul des délais de recours varie. En cas de
décision implicite de rejet, le délai court à compter de la date de réception de la demande par
l'autorité initialement saisie à tort. En cas de décision implicite d'acceptation, le délai court à compter
de la date de réception de la demande par l'autorité compétente.
D’où les 2 paragraphes, l'entrée dans l'ordre juridique, la sortie de l'ordre juridique.
A. Opposabilité et validité
L’opposabilité se définit comme l'aptitude d'un droit ou d'un acte d'une situation de droit ou de fait à
faire sentir ses effets à l'égard des tiers qui, tout en n'étant pas soumis aux obligations qu'il crée, sont
tenus d'en reconnaître et d'en respecter l'existence comme des éléments de l'ordre juridique, voire
d'en subir les effets.
Cette aptitude à produire des effets juridiques à l'égard de leur destinataire dépend de leur entrée en
vigueur, et celle-ci est différente selon qu'il s'agit d'une décision réglementaire ou d'une décision
individuelle.
L'entrée en vigueur des règlements est subordonnée à la publication ou à l'affichage. Les décrets sont
publiés au Journal officiel, ainsi que certains arrêtés. Ces textes sont opposables à la date qu'ils
fixent, ou à défaut, le lendemain de leur publication, sur papier ou par voie électronique.
Les autres textes entrent en vigueur le jour même de leur publicité, parution dans les bulletins
officiels des ministères, comme le Bulletin officiel de l'éducation nationale (BON), les décisions des
autorités locales étant publiées dans des recueils appropriés (recueil des actes administratifs des
préfectures, communes ou régions), mises en ligne sur un site internet ou tout autre procédé
adéquats.
Dans certains cas, la publicité ou l'affichage doivent être accompagnés d'une mesure
complémentaire.
Par exemple, les règlements des autorités locales décentralisées doivent en outre avoir été transmis
au préfet dans le cadre de la procédure du déféré préfectoral.
Les actes individuels sont en principe notifiés à chaque personne concernée, l'acte devenant
opposable à la date de réception de la lettre de notification.
Les décisions implicites, tant de rejet que d'acceptation sont opposables au demandeur dès la date à
laquelle elles interviennent.
L'entrée en vigueur de l'acte administratif lui confère force obligatoire. Il est invocable par tout
administré qui peut s'en prévaloir et opposable à tout administré qui dispose alors d'un délai de 2
mois pour en contester la régularité devant le juge administratif.
La régularité des actes administratifs réglementaires s'apprécie au jour de leur signature, assortie le
cas échéant des contreseings, tout comme les décisions individuelles favorables.
B. Le principe de non-rétroactivité
Ne disposant que pour l'avenir, les décisions administratives ne peuvent pas entrer en vigueur de
manière rétroactive, mais ce principe souffre de quelques exceptions.
Toute décision qui prévoit une date d'application antérieure est irrégulière dans la mesure où elle est
rétroactive.
La justification de cette règle est la même que celle de l'article 2 du code civil, au terme duquel la loi
ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif.
Il serait en effet illogique d'appliquer une règle juridique à une époque où par hypothèse, elle ne
pouvait encore être connue. Il serait contraire à la fonction du droit, qui est d'assurer la sécurité, de
remettre en cause ses actes ou des situations conformes au droit en vigueur à l'époque où ils ont été
établis.
Appliqué par le juge administratif depuis le 19e siècle, le principe selon lequel les actes administratifs
ne disposent que pour l'avenir, c'est-à-dire le principe de non-rétroactivité des décisions
administratives, a été consacré comme un principe général du droit par le Conseil d'État, puis par le
Conseil constitutionnel.
Pour le Conseil d'État, c'est un arrêt d'Assemblée du 25 juin 1948, société du journal L’Aurore, à
l'occasion duquel il est fait référence au principe en vertu duquel les règlements ne disposent que
pour l'avenir, nouveau principe général du droit ici consacré, donc.
Ce principe a été repris par le Conseil constitutionnel dans une décision du 24 octobre 1969 qui en a
précisé la portée. Il ne s'applique qu'aux actes pris par les autorités administratives, la loi pouvant
seule y déroger.
Garanties fondamentales de sécurité pour les citoyens, le principe selon lequel la puissance publique
ne doit décider que pour l'avenir souffre cependant de quelques exceptions.
- Deuxièmement, comme la loi, une décision de justice peut fonder la rétroactivité d'un acte. Il en est
ainsi en matière de recours pour excès de pouvoir, le juge prononce l'annulation de l'acte et celle-ci
oblige l'administration à prendre des mesures rétablissant la légalité conformément à ce qui a été
jugé. Ainsi une décision en annulation par le biais des recours pour excès de pouvoir est en principe
rétroactive.
Dans l'article L 221-6, le code livre une typologie indicative des mesures transitoires qui peuvent être
prises, telles que l'entrée en vigueur différée des règles édictées, des modalités particulières
d'application aux situations en cours, un régime transitoire.
Sur ces questions, l'innovation tient moins au contenu des dispositions codifiées qu’à leur
formalisation dans un texte.
Dans un premier cas, il est abrogé. L'abrogation supprime les effets juridiques de l'acte pour l'avenir.
Dans un 2nd cas, l'acte est retiré et le retrait est un procédé singulier, exceptionnel, puisqu'il permet
d'anéantir de façon rétroactive les décisions qui sont censé n'avoir jamais existé, n'avoir jamais été
prises.
Ces 2 points sont désormais codifiés à l'article L 240-1 du CRPA qui indique, « au sens du présent
titre, on entend par : Premièrement abrogation d'un acte, sa disparition juridique pour l'avenir,
Deuxièmement retrait d'un acte, sa disparition juridique pour l'avenir comme pour le passé. »
Le juge doit trouver un compromis subtil entre les impératifs de la légalité qui permet ou impose la
disparition d'un acte irrégulier, et le principe de sécurité juridique qui conduit à interdire la remise en
cause des situations définitivement constituées.
Le régime de l'abrogation et du retrait est désormais présenté par le code, suivant une opposition
entre décision créatrice de droits (chapitre 2) et actes réglementaires et non réglementaires non
créateurs de droit (dans un chapitre 3).
La distinction entre acte créateur de droit et actes non créateurs de droit, c'est à dire de droit
définitivement constitué et insusceptible d'être remis en cause est fondamentale, peut-être plus
encore aujourd'hui que par le passé.
Or cette distinction est pourtant mal aisée. Si la plupart des actes individuels sont créateurs de droit
comme une nomination, une promotion dans la fonction publique, diverses autorisations de
construire, ne le sont pas les règlements, les autorisations, par exemple en matière de police, les
décisions qui ne font que reconnaître une situation déterminée, les décisions inexistantes ou
acquises par fraude, mais aussi les déclarations d'utilité publique ou encore les décisions
défavorables à leurs destinataires.
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Le code confirme le régime juridique issu des arrêts de 2001, Ternon et de 2009 Coulibaly (reproduits
dans votre document de travail).
Examinons donc le cas des décisions créatrices de droit, puis celui des actes réglementaires ou non
réglementaires non créateurs de droit.
Abrogation et retrait sont en principe deux voies alternatives, obéissant aux mêmes conditions. Le
choix de la plus opportune appartenant à l'administration sous la seule réserve de l'éventuelle
demande que lui adressent des bénéficiaires de décision.
Ce régime concerne toutes les décisions créatrices de droit, qu'elles soient explicitées ou implicites,
le régime de retrait des décisions implicites d'acceptation disparaît donc depuis la promulgation du
code.
Alors le principe est posé par l'article L 242-1 : L'administration ne peut abroger ou retirer une
décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale
et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de 4 mois suivant la prise de cette décision.
Je vous renvoie sur ce point la jurisprudence Ternon, qu'elle applique, qui a indiqué que les décisions
créatrices de droits à la double condition, qu'elles soient entachées d'irrégularités et que le retrait,
puisque l'on ne parlait à ce moment-là que du retrait, intervienne dans un délai de 4 mois à compter
de leur naissance.
L'identité du régime du retrait et de l'abrogation, et désormais codifiée, reprend la jurisprudence
Coulibaly de 2009. Article L 241-2. Par dérogation à l'article L 242-1, l'administration peut, sans
condition de délai,
- Premièrement, abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à
une condition qui n'est plus remplie,
- Deuxièmement, retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à
son octroi n'ont pas été respectées.
Ce régime pose une exception par rapport à la solution de principe. Il est établi dans 2 articles, L
242-3 et L 242-4. Ceci reprenant la jurisprudence Ternon dès lors que le retrait est demandé par le
bénéficiaire d'une décision créatrice de droits.
Donc dans ce cas, pour les décisions créatrices de droits dont le retrait est demandé par le
bénéficiaire, l'administration peut lui donner satisfaction sans condition de délai, même si la décision
est régulière, à condition de respecter les droits des tiers.
Par contre, l'autorité administrative est tenue de satisfaire la demande de retrait d'une décision si
celle-ci est irrégulière, et dans le délai de 4 mois à compter de la naissance des décisions. Ce même
régime est appliqué tant pour le retrait que pour l'abrogation.
Le code, pour terminer, indique un cas particulier quand l'abrogation et le retrait sont effectués dans
le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO).
Dans cette hypothèse, l'article L 242-5 prévoit que lorsque le recours contentieux à l'encontre d'une
décision créatrice de droits est subordonnée à l'exercice préalable d'un recours administratif et qu'un
tel recours a été régulièrement présenté, le retrait ou l'abrogation, selon le cas, de la décision, est
possible jusqu'à l'expiration du délai imparti à l'administration pour se prononcer sur le recours
administratif préalable obligatoire.
L'article L 243-1 indique « un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droit,
peut pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve de l'édiction de
mesures transitoires ».
Le code reprend ainsi la jurisprudence ancienne sur la possibilité d'abroger ces actes à tout moment
et pour tout motif nul n'ayant de droit acquis à leur maintien.
Le code ajoute que ce même principe s'applique aux actes non réglementaires non créateurs de droit
devenus irréguliers.
Et l'alinéa 2, donc, étend cette obligation aux actes non réglementaires non créateurs de droit.
Dans les 2 cas, cette obligation d'abroger n'est pas conditionnée par la demande d'un administré.
Ensuite le code exclut logiquement cette obligation quand l'irrégularité qu'il affecte a cessé.
Je vous renvoie par exemple la lecture d'un arrêt du Conseil d'État de 2013 Fédération française de
gymnastique, qui est reproduit dans votre document de travail.
Quant à la 2nde, l'article L 243-4 énonce « par disposition à l'article L 243-3, une mesure à caractère
de sanction infligée par l'administration peut toujours être retirée »
Le régime du retrait des décisions non créatrices de droit est donc modifié le retrait est désormais
soumis par l'article L 243-3 aux mêmes règles que celles qui s'appliquent pour les décisions créatrices
de droit.
P84 L' exécution de la décision.
Une fois le permis de conduire obtenu, c'est à son titulaire de l'utiliser en conduisant. De même pour
le permis de construire délivré, c'est à son titulaire qu'il revient de construire l'immeuble projeté.
D'autres actes imposent des obligations aux administrés, l'évacuation d'un local, le paiement d'une
somme d'une amende, d'une contravention par exemple.
L'acte ne produira d'effets que si l’administré obéit, ce qui est généralement la règle, la décision
ayant force obligatoire, même en cas de recours contentieux, la contestant (paragraphe un).
En cas de refus ou d'inaction de la part des administrés, l'administration dispose de 2 grands types de
moyens, l'un exceptionnel qui est le recours à la force, (paragraphe 2) et un plus courant, le
prononcé de sanctions, (paragraphe 3).
Cependant, en vertu du privilège du préalable, elle modifie dès son émission l'ordonnancement
juridique et a force obligatoire, elle doit être respectée tant qu'elle n'a pas été annulée par le juge ou
retirée par l'administration. Elle est présumée régulière : cela veut dire que l'administré peut la
contester devant le juge, mais que sa requête ne suspendra pas ses effets. Le recours devant le juge
administratif n'a pas d'effet suspensif. La décision continuera à produire des effets juridiques tant
que le juge ne l'aura pas déclarée irrégulière.
Cette exécution, dite par provision, trouve sa limite dans le cadre du référé-suspension que nous
examinerons lors du semestre 4.
Contrairement à ce que l'expression parfois employée à son sujet de décision exécutoire suggère,
l'autorité administrative ne peut exécuter ses décisions elle-même par la force. Il lui faut pour cela
saisir le juge, qu'il s'agisse du juge pénal, civil, voire administratif des référés, pour que le juge
l'autorise à recourir à la force autrement ce serait irrégulier.
Ces 3 hypothèses ont été posées depuis longtemps et sont toujours appliquées depuis une décision
du tribunal des conflits du 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just.
Dans ce cas, l'autorité administrative ne doit utiliser que les moyens strictement nécessaires, sous
peine d'engager sa responsabilité.
Depuis quelques années, les autorités administratives peuvent prendre elles-mêmes, dans certains
cas, des sanctions administratives, blâme, suspension ou interdiction d'activité. Leur statut juridique
a été peu à peu défini et leur prononcé encadré.
Le principe de la séparation des pouvoirs n'interdit pas de donner de telles compétences à des
autorités non juridictionnelles à la triple condition :
- Qu'elles aient été créées par une loi, d'abord,
- De ne pas prononcer ensuite une sanction privative de liberté et
- D’être enfin strictement et évidemment nécessaires,
Depuis 1999, le Conseil d'État admet d'appliquer les règles du procès équitable aux sanctions
administratives prises par certains organismes administratifs. Il en est ainsi quand, eu égard à la
nature, à la composition, aux attributions et la gravité des sanctions prononcées, le juge peut
qualifier cet organisme de tribunal au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme. Des décisions importantes ont été rendues à ce sujet.
Un arrêt d'assemblée du 3 décembre 1999, Didier, rendu à propos des sanctions prononcées par le
Conseil des marchés financiers et un arrêt de section du 20 octobre 2020, Société Habib Bank
Limited, pour celle prononcée par la commission bancaire. Ces sanctions doivent être motivées,
prononcées par un organisme respectant le principe d'impartialité au terme d'une procédure
contradictoire. Évidemment, la sanction doit être exclusive de toute peine privative de liberté doit
respecter le principe de la répression pénale.
Enfin, bien sûr, elles sont soumises au contrôle du juge, essentiellement administratif mais aussi civil.
Jadis exceptionnel, le prononcé de telles sanctions est devenu courant, en particulier par les
autorités administratives indépendantes. Je vous renvoie par exemple aux sanctions pécuniaires
infligées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel CSA, aux sociétés de radio de télévision, suspension
d’autorisation notamment.
Pour conclure, indiquant que le livre 4 du code est consacré au règlement des différends avec
l'administration en 3 titres : titre 1, les recours administratifs dont nous avons déjà un peu parlé, titre
2, les autres modes non juridictionnels de résolution des différends, comme la conciliation, la
transaction, la médiation, la saisine du défenseur des droits, cette autorité administrative
indépendante instituée par la Constitution. Et enfin le titre 3, les recours juridictionnels, avec les
recours contentieux et un renvoi au code de justice administrative, et enfin l'arbitrage.
Partout en Europe, le contrat s'impose chaque jour un peu plus au détriment de la loi. Comme si,
pour réglementer ou mener à bien des politiques publiques, le contrat était de nos jours autant
valorisé que la loi serait disqualifiée.
Un tel développement du contrat public n’appelle évidemment pas en soi de critiques ; de quelque
côté que l'on se tourne, le contrat est aujourd'hui omniprésent dans la sphère collective, qu'il s'agisse
de gérer le domaine ou les services publics, de financer, de construire et exploiter les infrastructures,
Outre le recours constant au contrat traditionnel, marché public, délégation de service public,
occupation du domaine public, le recours au procédé contractuel a été encouragé par la création de
nouveaux instruments tels que
Le recours aux contrats caractérise également le développement des modes alternatifs de règlement
des litiges, au premier rang desquels se trouve la transaction.
De façon plus originale, le développement des contrats entre personnes publiques contribue à
illustrer l'ambiance contractuelle dans laquelle baigne notre époque.
Plusieurs personnes publiques peuvent ainsi passer des contrats entre elles, comme par exemple :
Mais aussi dans le cadre d'une politique de partenariat afin de coordonner les différentes politiques
publiques :
- Contrat État entreprise publique, contrat par lequel une collectivité peut mettre à
disposition d'une autre certains de ses services, par exemple un département met à la disposition
d'une commune son service d'urbanisme pour l'assister dans l'élaboration de ces documents
d'urbanisme
- Ou enfin des contrats locaux de sécurité qui regroupent l'État, préfet, procureur, recteur et
les collectivités territoriales.
Des contrats peuvent être passés au sein d'une même personne publique :
Cet engouement pour le recours aux contrats publics trouve sans doute sa source dans la remise en
cause plus ou moins forte en France comme chez nos partenaires européens des modes unilatéraux
d'actions qui caractérise notre vie publique :
Le contrat public présente de fait des atouts qui contribuent à sa faveur actuelle.
Car si la loi exprime la volonté générale, comme nous le rappelle la déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789, le contrat de son côté fonde de la société. Il favorise par sa dimension
procédurale, par le réseau des droits et de devoirs qu'il crée, l'adhésion des citoyens, l'orientation de
leur comportement et incite sans contraindre. Il permet ainsi à la puissance publique d'ordonner
autrement ses rapports avec la société civile.
Enfin, dans une économie de marché, le contrat est un outil essentiel de régulation, comme en
matière sociale, l'émergence d'un droit économique concerté et de procédures d'autorisation et de
sanctions, quasi négocié notamment par les autorités indépendantes, témoigne de l'ampleur du
mouvement de contractualisation à l'œuvre dans notre société.
Mais parce qu'il peut conduire à un affaiblissement de l'intérêt général, le procédé contractuel
suppose d'être utilisé à bon escient.
Cette tendance de fond mérite de faire l'objet d'un débat dans le secteur public et plus globalement
dans la société.
Tel était l'objet de l'étude du Conseil d'État. « Le contrat, mode d'action publique et de production de
normes » publiées dans son rapport public 2008, dans lequel il aborde ainsi un certain nombre de
questions :
- Dans quel cas est-il plus avantageux pour les pouvoirs publics de recourir au contrat ?
Ce rapport fait également un certain nombre de propositions, plutôt que de créer les nouveaux
contrats par des textes spécifiques qui fixent des règles de passation et de fonds particulières à
chaque contrat, le Conseil d'État recommande de définir les principes fondamentaux et les règles
générales de procédures applicables à l'ensemble des contrats de la commande publique et plus
largement des contrats administratifs. Il proposait ainsi de mettre rapidement en chantier un code de
la commande publique ou des contrats administratifs.
La commande publique, c'est-à -dire l'ensemble des conventions passées par les personnes
publiques, représenterait, selon le ministère chargé de l'économie, environ 8% du produit intérieur
brut en 2021.
Selon l'article 1101 du code civil dans sa nouvelle rédaction entrée en vigueur en 2016, le contrat est
un accord de volonté entre 2 ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations.
- Héritage du droit romain, le contrat fait naître des obligations et créée une relation de créancier à
débiteur. On trouve également dans la littérature juridique plusieurs définitions, selon un vieux texte
de 1370 d’Oresme, un contrat est un accord de 2 ou plusieurs volontés en vue de créer une
obligation.
- Quelques siècles plus tard, en 1921 pour Léon Duguit, la Convention qui a pour objet la formation
d'une obligation se nomme plus spécialement contrat.
- Enfin, selon le code, selon le projet de code européen des contrats de 2001 de l'Académie des
Privatistes européens, le contrat est l'accord de 2 ou plusieurs parties destinées à créer, régler,
modifier ou éteindre un rapport juridique qui peut comporter des obligations et d'autres effets,
même à la charge d'une seule partie.
En droit privé, la liberté contractuelle est souvent présentée comme liée à l'autonomie de la volonté,
liberté de contracter, libre choix du cocontractant, libre détermination du contenu du contrat. Cette
liberté n'est certes pas absolue et le code civil exclut par exemple la conclusion de contrats contraire
à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.
Les personnes publiques disposent également de la liberté contractuelle que seule la loi peut
restreindre, mais l'action des autorités administratives ne s'exerçant en principe que pour des raisons
d'intérêt général, elle est beaucoup plus encadrée que celle des personnes privées.
Le recours au contrat est d'usage courant et les contrats passés par les autorités administratives ne
relèvent pas tous du droit administratif :
Comme tout contrat, le contrat administratif est l'acte dont le contenu règle les rapports mutuels de
ses auteurs. Les normes qu'ils éditent, créent entre eux des obligations et des droits, les auteurs du
contrat en sont donc également les sujets. L'ordre juridique est modifié par l'accord de volonté
exprimé par toutes les parties en présence.
Tous les contrats des personnes publiques obéissent à un certain nombre de règles communes,
interdiction de contracter dans certains domaines par exemple, que ces contrats soient de droit
public ou de droit privé.
Cependant, les contrats de droit public obéissent à des règles spécifiques dû à leur caractère
administratif et à la compétence de la juridiction administrative. Il est donc important de délimiter,
parmi les contrats passés par les personnes publiques, quels sont ceux qui sont administratifs.
À partir du moment où il est admis que tous les contrats passés par les personnes publiques ne sont
pas des contrats administratifs, plusieurs méthodes peuvent être employées pour déterminer quels
sont ceux qui relèvent du droit public.
1) Une première méthode consisterait à se référer à la volonté seule des parties. Mais une méthode
uniquement subjective ne peut être utilisée, car elle fait dépendre de la volonté des parties la
compétence juridictionnelle, alors que la répartition des compétences entre les 2 ordres de
juridiction est d'ordre public.
2) Une autre méthode consiste à prendre en compte la volonté des parties de manière indirecte, sont
administratifs, les contrats auxquels est partie au moins une personne publique, qui comporte des
clauses exorbitantes ou qui ont un lien important avec le service public.
À priori, certains contrats sont qualifiés de droit public ou de droit privé. Mettant en cause la
répartition des compétences entre les 2 ordres de juridiction, seule une loi peut définir la nature du
contrat.
L'article 4 de la loi du 28 Pluviôse An 8 attribue le contentieux des contrats relatifs à l'exécution d'un
travail public à la juridiction administrative. Abrogé de manière accidentelle et donc provisoire
semble-t-il par l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 qui édicte la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques, le principe reste. En effet, constitue un travail
public, tout travail immobilier effectué :
- Soit pour le compte d'une personne privée, mais par une personne publique dans le cadre
d'une mission de service public en application de la jurisprudence du tribunal des conflits du 28 mars
1955 Effimieff
Si on ajoute que le régime est profondément exorbitant du droit commun, ces données justifient la
nature administrative de ce type de contrat.
Toutes les actions liées à un contrat, qui en tout ou partie a pour objet de permettre l'occupation du
domaine public relèvent de la compétence de la juridiction administrative, quelles que soient les
parties en présence.
Inversement, un contrat relatif au domaine privé relève du droit privé, sauf, bien sûr s'il comporte
une clause exorbitante ou des obligations de service public.
- S’agissant des marchés publics, c'est à dire d'après l'article L 1111-1 : des contrats conclus par un ou
plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques pour
répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, contrepartie d'un prix
ou de toute équivalent. On sait qu'ils peuvent être passés soit par des personnes morales de droit
public, soit par certains organismes privés d'intérêt général.
Seuls les premiers sont concernés par la qualification législative de contrat administratif et la
qualification vaut seulement pour le cas où une personne publique est partie au contrat en tant que
pouvoir adjudicateur et non pas en tant qu'opérateur économique.
- En ce qui concerne les concessions, il s'agit, selon l'article L 1121-1 du code de la commande
publique des contrats par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code
confie l'exécution de travaux, la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques à qui
est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit
d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix.
Sont par exemple des contrats privés en vertu de la loi, les contrats de travail spéciaux institués dans
le cadre de la lutte contre le chômage pour des catégories de personnes qui éprouvent des difficultés
particulières d'accès à l'emploi.
La qualification de contrat de droit privé résulte généralement de la loi elle-même, celle-ci valant
même quand l'employeur est une personne publique et que l'agent recruté participe au
fonctionnement d'un service public administratif, alors qu'une telle configuration conférerait au
contrat une nature administrative d'après les critères jurisprudentiels.
Ainsi, les contrats associés au dispositif emplois d'Avenir Professeur ont été créés par la loi du 26
octobre 2012 portant création des emplois d'avenir.
Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 24 octobre 2012, jugé qu' « aucun principe
constitutionnel ne fait obstacle à ce que le législateur prévoie que des personnes recrutées au titre
d'un emploi d'Avenir Professeur participant à l'exécution d'un service public de l'éducation nationale
soit soumise à un régime de droit privé. Que par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait
méconnu des principes constitutionnels en prévoyant que les contrats conclus par les bénéficiaires
des emplois d'avenir professeurs sont des contrats de droit privé, doit être écarté »
Ainsi, en soumettant au droit privé, les contrats associés aux emplois d'Avenir Professeur, le
législateur n'a pas porté atteinte au principe constitutionnel selon lesquels les personnes physiques,
collaborateurs des personnes morales de droit public sont des agents publics. Les actes d'une
personne publique sont des actes administratifs et les personnels non statutaires travaillant pour le
compte d'un service public administratif géré par une personne publique sont des agents
contractuels de droit public, quel que soit leur emploi.
Pour tous les autres contrats, il appartient au juge judiciaire ou administratif, sous l'arbitrage
éventuel du tribunal des conflits, de tracer la ligne de partage entre contrats passés par les personnes
administratives et contrats administratifs.
- Il faut d'abord en principe qu’au moins une personne publique soit partie au contrat, c'est le
critère organique.
- Il convient ensuite que le contrat se rattache à l'activité publique en raison de son compte
tenu de son objet ou de son contexte. Ce sont les critères matériels.
A. Le principe
Un contrat administratif suppose la présence au moins d'une personne publique.
Pour autant, un contrat passé entre 2 personnes publiques est-il obligatoirement administratif ?
Non, tout au plus jouit-il d'une présomption d’administrativité, selon la décision du tribunal des
conflits du 21 mars 1983 UAP, reproduite dans le document de travail.
Le motif principal de la décision UAP : “considérant qu'un contrat conclu entre 2 personnes publiques
revêt en principe un caractère administratif, impliquant la compétence des juridictions
administratives pour connaître des litiges portant sur les manquements aux obligations découlant,
sauf dans les cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit
privé.”
Le tribunal des conflits a ainsi posé comme vous avez pu l'entendre, à la fois un principe et ses
limites. L'application du critère organique ne devant pas ignorer l'existence de critères matériels. Des
personnes publiques peuvent passer entre elles des contrats de droit privé comme les contrats liés à
la gestion du domaine privé des personnes publiques.
Inversement, un contrat passé entre 2 personnes de droit privé ne peut-il pas être parfois
administratif ?
En principe donc, dès lors que le contrat lie des personnes privées, peu importe qu'il poursuive un
but d'intérêt général, qu'il ait pour objet la réalisation de travaux publics ou qu'il se réfère à des
règles de droit public il ne peut être que de droit privé.
L'application de ce principe n'est cependant pas rigide et la jurisprudence admet désormais certaines
atténuations d’où le second point consacré aux exceptions.
B. Les exceptions
La première exception à laquelle on pense immédiatement est celle de la théorie du mandat.
Par une interprétation extensive de la notion de personne publique, le juge qualifie parfois
d'administratif un contrat passé entre 2 personnes privées, lorsqu'il résulte qu'un des cocontractants
a agi au nom et pour le compte d'une personne publique.
Un des 2 signataires du contrat a agi comme représentant d'une personne publique à travers le
mandataire, c'est le mandant qui consent. Cette solution ne constitue pas une véritable exception au
critère organique, mais plutôt une modalité d'application de celui-ci. La personne publique est
réputée être partie au contrat passé par son mandataire par application du principe de la séparation.
Il existait quelques autres exceptions au critère organique, c'étaient les travaux routiers d'intérêt
national et les travaux d'aménagement urbain. Je parle au passé uniquement, vous allez comprendre
pourquoi : À partir de 1955, les autoroutes ont été construites directement par l'État ou concédées à
des sociétés anonymes d'économie mixte.
Les contrats conclus par l'État, maître d'ouvrage, avec des entreprises de travaux publics sont
administratifs puisque le critère organique est rempli. À l'inverse, les contrats de construction passés
par les sociétés concessionnaires de droit privé, simple relais de l'administration, ne pouvaient
constituer des marchés de travaux publics.
Selon que les autoroutes étaient construites directement ou pas par l'État, des opérations identiques
étaient soumises à un droit et un juge différent.
Le tribunal des conflits avait voulu surmonter cette opposition artificielle dans une décision très
célèbre de 1963, société entreprise Peyrot, le motif principal : “ La construction de routes nationales,
le caractère de travaux publics appartient par nature à l'État. Elle est traditionnellement exécutée en
régie directe. Que par suite les marchés passés par le maître d'ouvrage pour cette exécution sont
soumis aux règles du droit public. Il en est de même pour les marchés passés par le maître de
Elle s'est longtemps appliquée puisque en fait, remontant à 1963, elle n'a été abandonnée que par un
arrêt du tribunal des conflits du 9 mars 2015 Madame Rispal contre société des autoroutes du Sud de
la France, reproduit dans votre document de travail.
Parce qu'actuellement, la construction des autoroutes est loin d'être ce qui existait en 1963. Elle est
confiée de nos jours de manière quasi exclusive à des personnes privées.
De plus, si l'on peut penser qu'il existe des activités qui appartiennent par essence à l'État, qui en
sont ses éléments constitutifs, il est plus délicat d'affirmer qu'il existe des activités qui lui
appartiennent par nature et ce d'autant plus, que le juge a cantonné le champ d'application de cette
jurisprudence aux ouvrages routiers et autoroutiers.
Ces critiques ont conduit à l'abandon de cette exception par le tribunal des conflits lui-même, qui est
donc revenu sur sa jurisprudence PEYROT en 2015.
Je cite le motif principal de l'arrêt Madame Rispal : “ considérant qu'une société concessionnaire
d'autoroutes qui conclut avec une autre personne privée à un contrat ayant pour objet la
construction, l'exploitation ou l'entretien de l'autoroute, ne peut, en l'absence de conditions
particulières, être regardée comme ayant agi pour le compte de l'État, que les litiges nés de
l'exécution de ce contrat ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.”
Cette solution attribue de manière claire au juge judiciaire un bloc de compétence pour tous les
contrats passés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, en dehors de la concession elle-
même. Pour la première fois, le tribunal des conflits module dans le temps, les effets de sa décision
puisqu'il prévoit, et je continue, la citation de notre décision: “considérant toutefois que la nature
juridique d'un contrat, s’appréciant à la date à laquelle il a été conclu, ceux qui l’ont été
antérieurement par une société concessionnaire d'autoroutes sous le régime des contrats
administratifs, demeurent régies par le droit public et les litiges nés de leur exécution relève des
juridictions de l'ordre administratif et tel était le cas en l'espèce.” Donc, cette jurisprudence
s'applique pour les autres contrats.
À présent, une autre exception au critère organique est celle qui concerne les travaux
d'aménagement urbain. En 1975, par 2 arrêts, le Conseil d'État le 30 mai 1975, société d'équipement
de la région Montpelliéraine reproduit dans le document de travail, et le tribunal des conflits, le 7
juillet 1975 Commune d'Agde. Il a été jugé au vu de certains indices, que la personne privée titulaire
d'un contrat d'aménagement avait agi non pour son propre compte, mais pour celui de la collectivité
publique, en concluant un contrat avec une entreprise.
Dans cette hypothèse également, la société privée apparaît comme l'intermédiaire. Cette exception
joue assez peu en dehors des travaux d'aménagement.
Le point commun de ces exceptions était sans doute la notion de dépendance vis-à-vis des pouvoirs
publics. Cependant, la diversité des solutions peut laisser l'observateur perplexe.
- Un protocole d'accord cosigné par l'État avec une entreprise en difficulté et ses créanciers.
Les solutions jurisprudentielles reposent sur une démarche pragmatique: est-il ou non concevable
que le contrat ne soit pas soumis au droit public ?
Cette position apparaît clairement dans les conclusions de Marcel Long sur l'arrêt Bertin Conseil
d'État section 20 avril 1956.
Quels étaient les faits de cet arrêt Bertin ? Au moment de la libération, en 1944, l'État avait confié à
des particuliers l'hébergement des ressortissants soviétiques en attente de rapatriement. Les époux
Bertin s’étaient engagés par contrat verbal. En décembre, le chef du centre de rapatriement dont ils
dépendent leur demande de servir un supplément de nourriture mais sans augmenter la prime qui
leur était versée. Les époux Bertin n'étaient pas satisfaits de ce surcroît de charge.
Je cite le commissaire du gouvernement : “ nous ne pouvons en tout cas, pas laisser l'administration
confier à un simple particulier l'exécution d'une mission de service public, et se dépouiller en même
De manière ainsi très finaliste, où le raisonnement est déterminant, le juge va mettre en œuvre 2
critères qu'il va utiliser de manière alternative et non cumulative.
- Les relations entre les parties sont-elles normales ? C'est le critère de la clause exorbitante.
À partir de l'arrêt société des Granits, Porphyroïde des Vosges, du 31 juillet 1912 le juge administratif
tiendra compte du contenu du contrat.
Le terme n'est pas employé, mais l'idée est là. La portée est précisée par les conclusions du
commissaire du gouvernement Blum que je cite : “quand il s'agit de contrat, il faut rechercher non
pas en vue de quel objet ce contrat est passé, mais ce qu'est ce contrat par sa nature même. Et pour
que le juge administratif soit compétent, ne suffit pas que la fourniture, qui est l'objet du contrat,
doive être utilisée pour un service public. Ce qu'il faut examiner, c'est la nature du contrat lui-même,
indépendamment de la personne qui l'a passé et de l'objet en vue duquel il a été conclu.”
Dans cet arrêt, société des Granits, Porphyroïde des Vosges, un litige s'était élevé entre la ville de
Lille et la société à propos d'un marché portant sur la fourniture de pavé.
Et le Conseil d'État a jugé, je cite : “ considérant que le marché passé entre la ville et la société était
exclusif de tous travaux exécutés par la société, et avait pour objet unique des fournitures à livrer
selon les règles, les conditions des contrats intervenus entre particuliers. Qu'ainsi ladite demande
soulève une contestation dont il n'appartient pas la juridiction administrative de connaître.” Il n'y
avait pas, en somme, de clauses exorbitantes.
Il n'existe pas de critère général de la clause exorbitante, l'appréciation du caractère exorbitant n'est
pas exclusive d'une certaine subjectivité, et le droit privé lui-même évolue, car en fonction des
circonstances du procès, le soin d'identifier la clause exorbitante peut revenir au juge judiciaire, au
juge administratif ou au tribunal des conflits.
La clause exorbitante est celle qui est soit impossible, soit inusuelle dans les relations entre
particuliers.
Sont inusuelles les clauses qui instaurent une inégalité marquée entre les parties : °Pouvoir de
contrôle, ° Droits d'utilisation de locaux.
Cela ne veut pas dire que toutes les clauses exorbitantes soient impossibles en droit privé, les clauses
inégalitaires peuvent tout à fait exister en droit privé.
Ne relèverait du droit public que la clause exclue des relations entre particuliers.
La clause exorbitante n'est souvent que la reprise de règles générales applicables au contrat
administratif : °pouvoir de résiliation ° pouvoir de contrôle.
Elle manifeste l'appartenance du contrat au droit public, le contrat comprenant ou reprenant une
règle de droit public.
Variante de la clause exorbitante, le régime exorbitant du droit public a été posé par l'arrêt du
Conseil d'État du 19 janvier 1973 société d'exploitation électrique de la rivière du Sant reproduit dans
le document de travail où était en cause un contrat où Electricité de France, alors établissement
public, achetait la totalité de la production d'une microcentrale.
Si le contrat ne comportait aucune dérogation au droit commun, les textes encadraient fortement,
tant sa conclusion, EDF était obligé d'acheter l'électricité, que l'exécution de la Convention avec
pouvoir d'arbitrage du ministre de l'Énergie, cette ambiance, ce contexte général dans lequel ce
contrat s'inscrivait, lui conférait une réelle spécificité.
Quelle est la position du Conseil d'État ? : “ En traitant dans les conditions ci-dessus rappelées avec le
sieur Théron, la ville de Montpellier a agi en vue de l'hygiène et de la sécurité de la population, et a
eu dès lors, pour but d'assurer un service public. Qu'ainsi les difficultés pouvant résulter de
l'inexécution ou de la mauvaise exécution de ce service sont, à défaut d'un texte attribuant la
compétence à une autre juridiction, de la compétence du Conseil d'État.”
Cette position extrême a été finalement rejetée par le juge. Désormais, le juge vérifie en premier
l'existence d'un service public, puis s’assure que le contrat en confie l'exécution, y participer ou en
constitue une modalité d'exécution.
- Première branche, la participation à l'exécution même du service public posé par l'arrêt
époux Bertin,
- 2e branche, la modalité d'exécution du service public posée toujours en 1956 par l'arrêt cette
fois Ministre de l'Agriculture contre Grimoire.
1ère branche :
Pour l'arrêt époux Bertin nous avons indiqué il y a quelques instants les faits, le fameux contrat
verbal passé avec les époux Bertin pour héberger de ressortissants soviétiques en instance de
rapatriement. Le Conseil d'État estime que ledit contrat a eu pour objet de confier aux intéressés
l'exécution même du service public alors chargé d'assurer le rapatriement des réfugiés de nationalité
étrangère se trouvant sur le territoire français. Que cette circonstance suffît à elle seule à imprimer
au contrat dont il s'agit le caractère d'un contrat administratif.
Dans cette hypothèse, le contrat confiait au cocontractant l'exécution même du service public. Ceci
est particulièrement clair dans le cadre des délégations de service public où le cahier des charges
détermine les conditions d'exécution du service :
- Par exemple, le contrat par lequel l'unique charge une société de meunerie de l'exécution
même du service public d'aide alimentaire à l'Égypte.
- Ou pour certains marchés de services : Exemple, la prise en charge par le cocontractant des
opérations de communication destinées à promouvoir l'image d'un département.
Dans le domaine de louage de services qui a longtemps été sa matière de prédilection, le critère de la
participation à l'exécution du service a conduit à des solutions très complexes, aujourd'hui
abandonnées.
C'est l'arrêt du Conseil d'État rendu en section toujours le 20 avril 1956, ministre de l'Agriculture
contre Grimoire.
Les faits : L'administration des eaux et forêts avait entrepris des opérations de reboisement sur des
terrains privés en vertu de contrats passés avec les propriétaires, suivant une procédure fixée par la
loi du 30 septembre 1946, toujours donc dans l'immédiat après-guerre.
Qu’a jugé le Conseil d'État en l'espèce ? Il a estimé que le législateur a entendu créer un service
public, préposé tant à la conservation, au développement et à la mise en valeur de la forêt française,
qu’à l’utilisation et à l'écoulement de ses produits dans les conditions les plus conformes à l'intérêt
national. Que les opérations de boisement et de reboisement entreprises par l'administration des
eaux et forêts sur des terrains privés, en vertu du contrat passé par là avec les propriétaires de ces
terrains, suivant les termes posés par la loi, qui soumet les terres en question au régime forestier
jusqu'à remboursement complet du montant des dépenses engagées, constitue l'une des modalités
de l'exécution même de ce service, qu'il suit de là que ces contrats tiennent de leur objet même le
caractère de contrats administratifs.
Cette branche, dite Grimoire, a été illustrée par une décision célèbre du tribunal des conflits, qui a
considéré comme administratif les contrats par lesquels le fonds d'orientation et de régularisation
des marchés agricoles attribuait des subventions aux exportateurs de produits agricoles, 24 juin
1968, société Distilleries bretonnes du tribunal des conflits.
De même, ont été considérés comme constituant à l'exécution du service public le contrat par lequel
est accordé une aide à la réinstallation de rapatriés en France. Cette fois-ci, c'est une décision du
Conseil d'État du 18 juin 1976 Culard.
Ou encore le contrat conclu entre le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et un
propriétaire, Cassation, première chambre civile, 27 octobre 1992.
Le contrat devient un moyen pour l'administration de remplir sa mission de service public. Ce n'est
plus le cocontractant qui joue un rôle essentiel, mais bien l'administration.
L'application de ces différents critères permet de saisir la notion de contrat administratif. Il faut
cependant tenir compte des blocs de compétences institués par la jurisprudence indépendamment
des critères organiques et matériels.
Ainsi, le régime juridique des contrats passés par les services publics, industriels et commerciaux avec
ses agents ou usagés, est-il entièrement soumis au droit privé, à l'exception du directeur et du
comptable public.
Les contrats très divers qui sont qualifiés de contrats administratifs, en application des règles qui
viennent d'être exposés, obéissent à un ensemble de règles qui constituent le régime général des
contrats administratifs. Et qui fera l'objet de la leçon numéro 10.
1) D’une part, comme dans tout contrat, les parties disposent d'une certaine liberté contractuelle,
mais mettant en œuvre une mission de service public, elles se voient opposer un certain nombre de
contraintes que l'on ne retrouve pas en droit privé.
2) D'autre part, si la formation du contrat est de plus en plus encadrée par les textes, son exécution
est largement encadrée par des règles d'origine jurisprudentielle.
- d'un droit à l'équilibre financier qui donne lieu à une indemnité ou à son rétablissement en cas de
fait du prince, mesure prise par l'administration contractante aggravant les obligations du
cocontractant.
-Ou en cas d'imprévision, c'est-à-dire dans les cas où l'exécution du contrat se heurte à des difficultés
exceptionnelles du fait d'événements anormaux imprévisibles, indépendantes de la volonté des
cocontractants.
Le contentieux administratif des contrats présente des spécificités dues aux conséquences que ce
type de convention peut produire sur la situation des tiers. Ces derniers disposent de recours tout à
fait originaux.
En droit privé, la conclusion du contrat et la détermination de son contenu sont peu formalistes, car
dominé par le principe de la liberté contractuelle. Libre négociation, liberté du choix du
cocontractant, liberté seulement tempérée par quelques règles en droit de la consommation, ou
encore pour contrôler que le principe de l'autonomie de la volonté a bien été respectée avec la
théorie des vices du consentement.
Rien de tel en droit public où à l'opposé, des règles nombreuses limitent la liberté contractuelle de
l'autorité publique, afin de garantir l'égalité de traitement entre ces co-contractants, le droit de la
formation du contrat est largement un droit écrit.
Comme tout contrat, le contrat administratif suppose un échange de consentement. Mais comme
pour l’édiction des actes unilatéraux, le cocontractant administratif doit respecter les règles
générales de compétence strictes qui habilitent les autorités désignées à agir au nom de la personne
publique qu'elles représentent, État, collectivité territoriale ou établissement public.
Le contenu même des contrats doit bien sûr respecter les normes qui lui sont supérieures, comme le
bloc de légalité ou les règles générales applicables au contrat administratif :
Mais le contenu du contrat est également soumis à des règles spécifiques, outre diverses clauses
obligatoires qui s'imposent pour qu'il y ait véritablement contrat : objet durée, rémunération
préalablement fixée, de nombreuses clauses sont prohibées. Dans un certain nombre de domaines,
l'autorité administrative ne peut agir que par voie d'action unilatérale, en matière de police, tant
générales que spéciales, par exemple, ou pour organiser les services publics.
De même, un contrat ne peut comporter de clauses considérées comme abusives par le droit de la
consommation.
Enfin, les marchés publics et les contrats de délégation de service public doivent contenir des
documents spécifiques.
Maintenant de manière plus particulière dans un paragraphe 2, voyons quelles sont les procédures
de choix du cocontractant.
Ces mesures ont été induites par la transposition de directives de l'Union européenne de 2004
relatives aux secteurs dits exclus eau, énergie, transports et services postaux et aux marchés de
travaux, fournitures et services.
Ces mesures sont là aussi la conséquence d'une décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003,
loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, qui a reconnu valeur constitutionnelle à certains
principes comme la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et
la transparence des procédures, 3 principes repris depuis par l'article L 3 du code de la commande
publique créé fin 2018 et entré en vigueur en avril 2019.
Des contrats de la commande publique sont les marchés publics et les concessions définies au livre
premier de la première partie, quelle que soit leur dénomination.
À cet égard, les 2 types de contrats doivent être présentés, les marchés publics et les concessions.
Le code de la commande publique ou CCP définit dans son article L1111-1, la notion de marché public
est définie comme un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un
ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de
fournitures ou de services en contrepartie d'un prix ou de toute équivalent.
Les 3 dispositions suivantes, L 1111-2, -3 et 4 précisent les différents types d'objets de ces contrats.
L 1111-2 :
1° Soit l'exécution, soit la conception et l'exécution de travaux dont la liste figure dans un avis annexé
au présent code ;
2° Soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage
répondant aux exigences fixées par l'acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature
ou sa conception.
Un ouvrage est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir
par lui-même une fonction économique ou technique. »
Par exemple, les travaux peuvent porter sur des bâtiments et constructions civiles, c'est-à-dire des
ponts, routes, ports, barrages, infrastructures urbaines et cetera.
« Un marché de fournitures a pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-
vente de produits.
Article L1111-4, « Un marché de services a pour objet la réalisation de prestations de services. »
Sont alors en jeu aussi bien des services matériels comme l'entretien des locaux : matériel, conseil
juridique, projet informatique et cetera.
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En raison des masses financières en jeu, le code précise le contenu de cahier de charges qui
déterminent la plus grande partie des obligations contractuelles. Ce sont des documents généraux,
c'est à dire les contrats type, cahier des clauses administratives générales, cahier des clauses
techniques générales qui, bien que facultatifs, sont approuvés par arrêté ministériel et les documents
particuliers.
En fonction des montants hors taxes engagées pour l'achat public, de l'objet du marché, voire des
personnes publiques contractantes, les procédures à respecter sont différentes.
Il existe ainsi 3 grands types de procédures comme l’expose l'article L 21-1 du code de la commande
publique.
Les marchés sont passés selon leur montant, leur objet, les circonstances de leur conclusion.
- Premièrement, soit sans publicité ni mise en concurrence préalable dans les conditions
prévues au chapitre 2.
- Deuxièmement, soit, selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues au chapitre 3.
- Troisièmement, soit, selon une procédure formalisée, dans les conditions prévues au chapitre
4
Pour présenter brièvement ces types de procédures en les reprenant dans l'ordre :
- En premier lieu, l'acheteur peut passer un contrat sans publicité ni mise en concurrence préalable
dans certains cas fixées par décret en Conseil d'État, notamment quand le montant du marché est
inférieur à 40 000€ hors taxes. Voyez l'article R 2122-8 du CCP.
- En 2nd lieu, les procédures adaptées peuvent être mises en œuvre soit en dessous des seuils
d'application des directives européennes, soit pour des marchés à l'objet particulier, comme les
marchés de services juridiques. L'acheteur détermine alors librement les modalités de passation du
marché dans le respect des principes de la commande publique et en fonction de la nature et des
caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques
susceptibles d'y répondre, ainsi que des circonstances de l'achat. Article R 2123-4.
- En 3e et dernier lieu, les procédures dites formalisées doivent obligatoirement être suivies lorsque
le montant du marché dépasse les seuils d'application des directives européennes.
- L'appel d'offres est la procédure par laquelle l'acheteur choisit l'offre économiquement la plus
avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la
connaissance des candidats.
Procédure de principe, elle commence par un avis d'appel public publié dans un bulletin officiel. Si
l'appel d'offres est ouvert, tout entrepreneur peut remettre une offre à partir du moment où sont
respectés cahier des charges, prix demandé garantie. L'appel d'offres peut aussi être restreint. Seuls
les candidats sélectionnés peuvent concourir.
Après avis de la commission d'appel d'offres pour les marchés de l'État, l'autorité compétente retient
librement le candidat qui a proposer l'offre la plus avantageuse sur la base de critères rendus public
au préalable. Aucune négociation n'est permise.
- Le dialogue compétitif est la procédure par laquelle l'acheteur dialogue avec les candidats admis à y
participer, en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre à ces besoins, et sur la
base desquels ces candidats sont invités à remettre une offre.
La concession est définie par le code de la commande publique en son article L1121-1.
Un contrat de concession est un « contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes
soumises au présent code confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs
opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service,
en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce
droit assorti d'un prix ».
Vous voyez donc ce qui différencie essentiellement la concession du marché public, à savoir la
rémunération du titulaire du contrat.
Cette fois, le titulaire ne dispose pas d'un prix garanti déterminé, il est rémunéré selon son
exploitation de l'activité objet du contrat, supportant ainsi un risque.
Et le code poursuit : la part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition
aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit
pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation
lorsque, dans des conditions d'exploitation normale, il n'est pas assuré d'amortir les investissements
ou les coûts liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service qu'il a supportés.
La concession de travaux publics et de services publics est l'exemple le plus ancien du contrat de
délégation de service public.
Longtemps l'autorité administrative disposait de la plus grande liberté pour négocier et déléguer
intuitu personae, la gestion d'un service public. Cette souplesse a volé en éclats sous l'influence du
droit de l'Union européenne. Plusieurs directives ont imposé des formalités de publicité préalable et
de mise en concurrence pour les concessions où les entreprises sont chargées de construire un
ouvrage concédé puis de l'exploiter.
Transposées en droit interne, ces règles furent étendues à l'ensemble des délégations. Désormais,
elles doivent toutes faire l'objet d'une publicité préalable, depuis la loi Sapin du 29 janvier 1993.
Par son arrêt du 23 décembre 2009, Etablissement public du musée et du domaine national de
Versailles, le Conseil d'État a en outre imposé que les délégations se conforment aux principes
généraux de la commande publique : liberté d'accès, égalité de traitement des candidats,
transparence des procédures.
Au-delà de cette base, à l'instar des procédures aménagées pour les marchés, les règles applicables
se révèlent plus ou moins strictes selon les cas.
Comme tout contrat, le contrat administratif comporte des droits et des obligations. D'origine
principalement jurisprudentielle, le droit de l'exécution du contrat montre une certaine inégalité
dans les rapports contractuels.
La personne publique détient des pouvoirs spécifiques qui se justifient par la poursuite de l'intérêt
général. En contrepartie, ces prérogatives sont contrebalancées par les droits financiers du
contractant.
§.1 une exécution marquée par les prérogatives juridiques de la personne publique
Cette palette de mesures coercitives orientée vers l'exécution effective de l'obligation contractuelle
peut être décidée unilatéralement par l'administration cocontractante, sans qu’un juge intervienne,
car depuis une décision de 1907, ce dernier estime que les pouvoirs de sanction existent de plein
droit, même en l'absence de toute précision du contrat. Il s'agit de l'arrêt du Conseil d'État du 31 mai
1907 Deplanque.
Dans un arrêt bien plus récent du Conseil d'État rendu en Assemblée le 9 novembre 2016, société
Fosmax, la juridiction rattache le pouvoir de l'administration de prononcer les sanctions coercitives,
je cite : “ Aux règles générales applicables aux contrats administratifs et il est présenté comme une
règle d'ordre public à laquelle les personnes publiques ne peuvent valablement renoncer.”
Elle doit être fondée sur de réelles raisons d'intérêt général que le juge peut être amené à contrôler.
Alors prenons un exemple, la décision d'Assemblée rendue par le Conseil d'État le 2 mai 1958.
Distillerie de Magnac-Laval
Il entendait réduire la quantité d'alcool qu'il s'était engagé par contrat à acheter, et mettre fin au
marché en cours. La société de distillerie Magnac Laval soutenait que le gouvernement
méconnaissait les droits que les distillateurs titulaires de ces marchés tenaient de leur contrat et
avait porté atteinte à leurs biens.
Qu’a estimé le Conseil d'État ? Je vous lis le motif essentiel qui s'applique toujours aujourd'hui : “Il
appartenait au gouvernement en vertu des dispositions de l'article 7 de la loi du 11 juillet 1953 et en
vue de limiter les charges qui pesaient sur les finances de l'État, de réorganiser comme il l'a fait par le
décret dont s'agit la production de l'alcool produits agricoles réglementés. Que les droits les
distillateurs à produire de l'alcool dans la limite d'un contingent sont subordonnés à la fixation
périodique par l'autorité compétente du montant dudit contingent, que par suite ces droits ne
constituent pas des biens. Qu’en conséquence, lesdites dispositions ne faisaient pas obstacle à ce
que le gouvernement organisât une réduction progressive du continent global annuel de production
d'alcool, considérant que si les droits résultants pour leur titulaire des marchés de fournitures en
cours d'exécution constituent des biens auxquels l'article 7 de la loi ne permettait pas au
gouvernement de porter atteinte, il appartenait en tout état de cause, en vertu des règles applicables
aux contrats administratifs et sous réserve des droits à indemnité des intéressés de mettre fin,
comme il l'a fait, à ces marchés de fournitures.”
Le point essentiel tient à ce que l'administration peut résilier un contrat, à condition de respecter les
droits financiers des cocontractants.
- Première hypothèse, du fait de circonstances, de sujétion imprévue, il doit supporter une charge
plus lourde que prévu, fournir des prestations supplémentaires. Si ces difficultés d'exécution
présentent bien un caractère exceptionnel et imprévisible, le cocontractant reçoit une indemnité
couvrant l'intégralité des frais du préjudice, sous réserve, bien sûr, d'absence de faute de sa part. Il
en est par exemple ainsi quand, rencontrant des terrains spongieux, il doit augmenter de manière
considérable le nombre de mètres cubes de béton.
Un exemple célèbre : L'effondrement de la rue papillon à Paris, 9e à cause du chantier d'Eole lors de
la construction du RER E.
- 2e hypothèse, par contre, les travaux supplémentaires spontanés dus à une initiative de la part du
cocontractant sont admis de manière exceptionnelle quand il s'avère indispensables à la réalisation
du projet.
Devant des circonstances imprévisibles, refuser toute évolution du contrat eut été de mettre en péril
la continuité du service public, par exemple l'éclairage d'une grande ville comme nous allons le voir
en quelques instants.
Ainsi, la jurisprudence de l'imprévision posée par le juge administratif dès le début du 20e siècle est-
elle significative du régime juridique des contrats administratifs, même si elle ne rencontre
heureusement que peu d'occasions de s'appliquer.
En application de la théorie de l'imprévision posé par l'arrêt du Conseil d'État de 1916, compagnie
générale d'éclairage de Bordeaux, l'administration contractante doit aider financièrement le
cocontractant à exécuter le contrat lorsqu'un événement imprévisible et étranger à la volonté des
parties en provoque le bouleversement.
Dans ses conclusions sur cette affaire, le commissaire du gouvernement Chardonnay développa
l'argumentaire suivant : “ On se trouve en présence de charges dues à des événements que les
parties contractantes ne pouvaient prévoir et qui sont telles que, temporairement, le contrat ne peut
plus être exécuté dans les conditions où il est intervenu. Le service public doit être assuré et le
contrat doit subsister. La puissance publique, le concédant, aura à supporter les charges que
nécessite le fonctionnement du service public et qui excède le maximum de ce que l'on pouvait
admettre comme prévision possible et raisonnable par une saine interprétation du contrat.”
Qu'a décidé le Conseil d'État ? Je cite : “En principe, le contrat de concession règle d'une façon
définitive jusqu'à son expiration, les obligations respectives du concessionnaire et du concédant. Que
le concessionnaire est tenu d'exécuter le service prévu, que les circonstances économiques
constituent un aléa du marché qui peut, suivant les cas, être favorable ou défavorable au
concessionnaire et demeure à ses risques et périls. Mais considérant que par suite de l'occupation
par l'ennemi de la plus grande partie des régions productrices de charbon dans l'Europe continentale,
de la difficulté de plus en plus considérable des transports en mer, la hausse du prix du charbon,
matière première de la fabrication du gaz, s'est trouvé atteindre une proportion telle, que non
seulement elle a un caractère exceptionnel, mais qu'elle entraîne une augmentation qui dépasse
certainement les limites extrêmes des majorations ayant pu être envisagées par les parties. Que par
suite, l'économie du contrat s’en trouve absolument bouleversée, que la compagnie est fondée à
soutenir qu'elle ne peut être tenue d'assurer aux seules conditions prévues à l'origine le
fonctionnement du service tant que durera la situation anormale ci-dessus rappelée." Fin de citation.
Pour que cette théorie de l'Imprévision s'applique, 3 conditions doivent être remplies.
1) La première, l'économie du contrat doit être bouleversée. Un véritable déficit met en péril son
exécution. Il ne s’agit pas d'un simple manque à gagner.
2) La 2nde, un caractère réellement imprévisible qui a déjoué tous les calculs des parties.
3) La 3e un fait étranger à la volonté des parties, extérieur aux parties, indépendant de la volonté de
l'administration contractante. Il ne s'agit pas d'une modification unilatérale, ni du fait du prince.
Le cocontractant doit cependant assurer la continuité du service public et donc exécuter le contrat
car il ne saurait, sauf force majeure, suspendre lui-même ses obligations contractuelles.
Dans ces conditions, l'administration cocontractante doit lui verser une indemnité qui couvrira
environ 90% des charges extra contractuelles, les charges contractuelles restant à sa charge.
La sécurité juridique et l'intangibilité des contrats sont des enjeux importants, comme en témoignent
les jurisprudences récentes du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État.
Comme le souligne fort justement Pierre-Laurent Frier et Jacques Petit dans leur Manuel de droit
administratif : “ le régime juridique du contentieux des contrats est dominé par la recherche d'un
équilibre entre l'impératif de l'égalité et la protection des droits des tiers d'un côté et, de l'autre, la
stabilité des relations contractuelles qui participent au principe de sécurité juridique.”
Les marchés publics passés par les personnes publiques pour répondre à leurs besoins en matière de
travaux, fournitures ou services, de même que les contrats par lesquels elle confie, dans le cadre
d'une délégation de service public, la gestion d'un tel service à une autre personne ou encore les
contrats de partenariat, présente la particularité de n'être pas seulement la loi des parties, c'est à
dire de la personne publique qui a conclu le contrat et de son cocontractant.
Ce sont également des instruments permettant aux personnes publiques de disposer des moyens
nécessaires à l’exécution des services publics, ou ayant pour objet direct la gestion et la réalisation de
ces services, et qui mettent en jeu des deniers publics.
Par ailleurs, certains contrats comportent des clauses qui, en dépit de leurs apparences
contractuelles, présentent en réalité un caractère réglementaire.
Dès lors, la nécessité a été admise très tôt par le juge administratif d'ouvrir des voies de droit non
seulement aux parties à ces contrats, mais aussi à certains tiers pour leur donner la possibilité de
demander l'annulation des actes dits détachables des contrats.
D'origine européenne, la procédure de référé précontractuel permet aux entreprises d'obtenir d'un
juge unique statuant en urgence, qu’il ordonne à une collectivité publique qui s'apprête à conclure
un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de
services avec une contrepartie économique ou la délégation de service public, de respecter ses
obligations de publicité et de mise en concurrence.
C'est en quelque sorte une mesure préventive, le juge intervenant avant que la relation contractuelle
ne soit installée et que le contrat ne commence à être exécuté.
La procédure du référé précontractuel devant le juge administratif est régie par les articles L 551-1 et
suivants du code de justice administrative.
Le référé précontractuel peut être exercé par toutes les sociétés candidates à l'obtention du contrat,
ainsi que par les entreprises qui ont été dissuadées de présenter leur candidature par la violation des
obligations de publicité et de mise en concurrence.
En revanche, une personne qui n'est pas susceptible de passer le contrat n'est pas recevable à saisir
le juge du référé précontractuel.
Le juge peut également être saisi par le préfet lorsque le marché est conclu par une collectivité
territoriale ou un établissement public local et par l'État, à la demande de la Commission
européenne.
Le juge statue en premier et dernier ressort, son ordonnance peut faire l'objet d'un recours en
cassation devant le Conseil d'État dans les 15 jours suivant sa notification.
Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel de contrôler le respect par un candidat de son
objet social ou s'il s'agit d'un établissement public, du principe de spécialité.
Les manquements les plus souvent invoqués concernent l'absence ou le caractère insuffisant des
mesures de publicité mise en œuvre.
Le juge du référé précontractuel veille également à ce que le marché ou la délégation n'ait pas pour
but d'exclure certains candidats par des spécifications techniques exagérément restrictives et non
justifiées par les nécessités du service public ou l'objet du contrat.
Il contrôle par ailleurs les motifs de l'exclusion d'un candidat de la procédure d'attribution d'un
marché. Une entreprise ne peut toutefois invoquer un manquement aux obligations de publicité de
concurrence qui ne lui porte pas préjudice.
Ne sont invocables, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, que
les manquements susceptibles de léser le requérant ou qui risque de le léser, fut-ce de façon
indirecte, en avantageant une entreprise concurrente. Je me rapporte pour cela à un arrêt du Conseil
d'État du 3 octobre 2008 syndicat mixte Intercommunal de réalisation et de gestion pour
l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe, dit arrêt Smirgeomes.
Ce référé précontractuel donne au juge le pouvoir d'ordonner des mesures définitives. Alors que le
référé est en principe une procédure qui permet de demander au juge des mesures provisoires, le
référé précontractuel donne au juge le pouvoir d'ordonner de telles mesures définitives.
Dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 mai 2009, l'article L 551-2 autorise le juge des référés à
ne pas faire usage de ses pouvoirs s'il estime, au vu de l'ensemble des intérêts en présence
notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de cet usage pourraient l'emporter
sur les conséquences positives.
L'existence du référé précontractuel n'interdit pas au demandeur d'exercer d'autres voies de recours
qui permettent au juge d'intervenir cette fois, après la signature du contrat.
Concernant les mêmes contrats que le référé précontractuel mais formés après la signature du
contrat, il doit être introduit dans le délai de 30 jours à compter de la publication de l'avis
d'attribution du contrat ou à défaut, dans les 6 mois à compter de la conclusion du contrat.
Il est conçu comme un recours subsidiaire dans les cas où le tiers lésé par des manquements aux
obligations de publicité et de concurrence n'a pu agir utilement par la voie du référé précontractuel
et les 2 recours s'excluent.
Alors je vous lis le texte de l'article L 551-14 : “Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un
intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux
obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le
représentant de l'État dans le cadre des contrats passés par une collectivité territoriale ou un
établissement public local. Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert aux
demandeurs ayant fait usage du référé précontractuel.” Fin de citation.
Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont
susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en
concurrence applicables. Le préfet peut donc également introduire un tel recours.
Seules les atteintes les plus graves aux règles de publicité et de mise en concurrence peuvent être ici
invoquées :
- Absence totale de publicité alors que des mesures de publicité étaient requises, omission de
la publicité au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication était
obligatoire.
- Signature du contrat avant l'expiration du délai dit de standstill, délai minimal exigé après la
notification de la décision d'attribution aux candidats évincés afin de leur permettre de présenter en
temps utile, le cas échéant, un référé précontractuel.
Les pouvoirs du juge du référé contractuel sont importants. Il peut annuler le contrat ou lorsqu'une
telle annulation se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général, sanctionner le manquement
commis soit par la résiliation pour l'avenir seulement du contrat, soit par la réduction de sa durée,
soit par une pénalité financière.
Les règles ont été posées par une décision d'assemblée rendue par le Conseil d'État, le 8 décembre
2009, commune de Béziers dite Béziers 1, reproduit dans le document de travail.
Ainsi, lorsque le juge est saisi par une partie au contrat d'un recours de plein contentieux
directement dirigé contre le contrat, s'il constate une irrégularité :
- Il peut soit décider que la poursuite de l'exécution du contrat est malgré tout possible,
éventuellement, sous réserve de mesures de régularisation,
- Soit prononcer le cas échéant, avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne
portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat,
Ce n'est qu'en cas d'irrégularité particulièrement grave que le juge peut prononcer l'annulation du
contrat. Alors par exemple, caractère illicite du contenu du contrat, vice d'une particulière gravité
relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.
Lorsque les parties soumettent au juge administratif un litige relatif à l'exécution du contrat
administratif qui les lie, il lui incombe en principe de faire application du contrat. Ce n'est que dans
les mêmes hypothèses d'irrégularités graves qu'il peut écarter le contrat pour régler le litige.
2/ 2e point par la décision dite Béziers 2 du 11 mars 2011, également reproduite dans le document
de travail, le Conseil d'État a en outre permis au juge, saisi d'une partie à un contrat, d'un recours
dirigé contre la mesure de résiliation de ce contrat, de tenir compte, pour déterminer les
conséquences à tirer d'éventuels vices de la mesure de résiliation, de la gravité de ces vices et de
l'intérêt général. Il peut notamment ordonner la reprise des relations contractuelles.
Ce recours doit être exercé dans un délai de 2 mois et peut être assorti d'une demande de
suspension en référé afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises.
Cette décision fait ainsi exception pour les décisions de résiliation, à la règle selon laquelle le juge du
plein contentieux, lorsqu'il est saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un
contrat, ne peut pas remettre en cause cette mesure elle-même, mais seulement, en principe,
rechercher cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité.
Pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la reprise des relations contractuelles, le juge du plein
contentieux doit apprécier eut égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des
manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu’au motif de la résiliation si une
telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et eu égard à la
nature du contrat en cause, au droit du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été
rendue nécessaire par la résiliation litigieuse.
Nous arrivons enfin au 3e paragraphe sur les voies de droit ouvertes aux tiers.
Les tiers au contrat ne pouvaient disposer pour leur part que de 2 voies d'action.
D'une part, depuis l'arrêt d'assemblée CAYZEELE du 10 juillet 1996 le Conseil d'État a
traditionnellement admis qu'un tiers puisse former un recours pour excès de pouvoir directement
contre une clause réglementaire d'un contrat administratif
D'autre part, les tiers pouvaient contester les actes administratifs détachables du contrat, c'est-à-dire
les actes préalables à sa conclusion qui l’ont préparé, rendu possible, et ce depuis une jurisprudence
très ancienne du Conseil d'État de 1905, Martin.
L'annulation d'un acte détachable illégal ne débouchait qu'exceptionnellement sur l'annulation, par
ricochet du contrat lui-même.
Cette distinction était justifiée par la nécessité de préserver la stabilité des relations contractuelles en
empêchant que des tiers puissent obtenir l'annulation des contrats alors que ceux-ci étaient en cours
d'exécution.
Depuis quelques années cependant, le Conseil d'État a progressivement ouvert au tiers des voies de
recours leur permettant de contester devant le juge du plein contentieux la validité des clauses d'un
contrat administratif.
Dans un premier temps par la décision rendue en Assemblée le 16 juillet 2007 Société Tropic travaux
signalisation reproduite dans votre document de travail, le juge a permis à tout concurrent évincé de
la conclusion d'un contrat de former devant le juge administratif de former un recours de pleine
juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses divisibles. Ce recours
peut être assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires.
Dans un 2e temps dans la décision Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014, également reproduite dans votre
document de travail, le Conseil d'État a décidé de créer une nouvelle voie de droit, de recours direct
contre le contrat ouverte sans distinction à tous les tiers susceptibles d'être lésés dans leurs intérêts
par la passation ou les clauses du contrat.
Ce nouveau recours se substitue alors totalement au premier recours Tropic précédemment ouvert
aux concurrents évincés.
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Il ferme également aux tiers la voie du recours direct contre les actes détachables du contrat, dont
l'illégalité ne pourra être invoquée que devant le juge du plein contentieux.
Les modalités de cette nouvelle voie de recours sont strictement encadrées. Pour pouvoir saisir le
juge du plein contentieux, les tiers doivent justifier que leurs intérêts sont susceptibles d'être lésées
de façon suffisamment directe et certaine.
Sur le fond, ils ne peuvent se plaindre que des vices du contrat en rapport direct avec l'intérêt lésé
dont ils se prévalent, ou de ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le juge
apprécie l'importance de ces vices, et les conséquences à en tirer.
Il peut, selon les cas, soit décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit inviter
les parties à le régulariser.
Ce n'est qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de
régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, et après avoir vérifié
que ces décisions ne porteront pas une atteinte excessive à l'intérêt général, que le juge résilie le
contrat, ou si ce dernier a un contenu illicite ou se trouve affectée d'un vice, d'une particulière
gravité, en décide l'annulation totale ou partielle.
Enfin, le juge, dans certains cas, peut condamner les parties à verser une indemnité à l'auteur du
recours qui a subi un préjudice.
Le même recours est ouvert aux élus des collectivités territoriales concernées par le contrat et au
préfet de département chargé du contrôle de légalité. Toutefois, compte tenu des intérêts dont ils
ont la charge, ces requérants peuvent invoquer tout vice entachant un contrat. En outre, dans le
cadre du contrôle de légalité, le préfet de département peut continuer de demander l'annulation des
actes détachables du contrat, tant que celui-ci n'est pas signé.
Puis ce paysage a été bouleversé, en particulier avec la décision Société Tropic travaux signalisation
qui permet aux concurrents évincés de la conclusion d'un contrat, de former un recours de pleine
juridiction pour en contester la validité.
Enfin, la décision Tarn-et-Garonne a supprimé, réserve faite des pouvoirs accordés aux préfets, le
recours pour excès de pouvoir contre l'acte détachable préalable à la conclusion du contrat, tout en
étendant le champ des tiers recevable à former un recours en contestation de la validité du contrat.
Sous cet angle, le nouvel état du droit positif révèle d'importantes transformations du contentieux
contractuel qui ne sont pas sans mettre en évidence sa cohérence.