Vous êtes sur la page 1sur 5

Baccalauréat général

Session 2022

Épreuve : Philosophie

Durée de l’épreuve : 4 heures

Coefficient : 8

PROPOSITION DE CORRIGÉ

1
Propriété exclusive de Studyrama. Toute reproduction ou diffusion interdite sans
autorisation.
SUJET 1
LES PRATIQUES ARTISTIQUES TRANSFORMENT-ELLES LE MONDE ?

INTRODUCTION :
“Changer la vie”, a dit Rimbaud. Les artistes, des peintres aux poètes, des cinéastes aux
écrivains nous ont donné leurs visions du monde. Tantôt optimistes, tantôt pessimistes, ils nous
aident à façonner notre manière d'appréhender ce qui nous entoure comme l'histoire qui nous
emporte. Mais ces artistes changent-ils ce monde par définition extérieur à nous autant
qu'intégrant notre individualité ? Il convient d'abord de définir l'art, la transformation et le
monde, mots très larges de sens et subjectifs :
- L'art d'abord est une création à part entière avec ses valeurs et artifices, son langage
- La transformation est un bouleversement, une rupture est intrinsèque, le chaos est un passage
obligé
- Le monde suivant les courants philosophiques est extérieur à nous, le cosmos des Grecs, avec
nous pour Heidegger et la phénomologie. Depuis Descartes en effet nous pouvons comprendre
le mécanisme du monde et influer ou comprendre.
L'art, donc, peut-il influer sur le parcours du monde, son histoire, ses politiques diverses ?
Nous allons réfléchir maintenant aux différentes approches et éclairages philosophiques sur le
sujet ainsi précisé.

DEVELOPPEMENT :

L'art change le monde : Merleau-Ponty croit que l'artiste "rumine" le monde et le transfigure.
Sartre va plus loin en associant l'obligation d'engagement de l'écrivain pour l'humanité. Ce qui
est certain est que les œuvres nous aident à voir autrement ce qui nous entoure ; les
impressionnistes, les artistes révolutionnaires russes, les cinéastes traitant des injustices
modifient notre perception.
L'artiste est dans le monde. Il ne peut s'en dissocier diront les existentialistes Sartre, Camus.
Le monde est même devenu un support pour les artistes modernes, en peinture, sculpture, street-
art. Qui n'a pas eu l'impression qu'un livre, un film a changé sa vie ?

L'art ne peut pas influer sur le monde : Rousseau aimait à dire qu'il s'évadait dans ses
lectures, ses promenades inspirantes. Montaigne et ses écrits de la Boétie n'a pas dit mieux.
L'art est un refuge, une évasion, un défouloir mais n'agit pas sur le monde. Il nous offre une
respiration uniquement. Théophile Gautier va plus loin encore en affirmant que l'artiste ne doit
pas chercher à changer ce monde indéfini par ailleurs– au risque d’être jugé par des critères
autres qu’esthétiques et utilisé à des fins idéologiques. Ce n'est pas Rousseau, Voltaire,
Montesquieu qui ont changé le monde mais plutôt l'utilisation faite par les lecteurs et
responsables politiques. L'œuvre n'appartient plus à l'auteur, affirmait Tournier.
Dans ce cas, ces visions nouvelles peuvent être subversives. D’ailleurs, pourquoi les
gouvernements s’acharnent-ils à censurer et à encadrer les productions artistiques ?

L'art est subversif : De par son existence même, l’œuvre d’art conteste l’ordre des choses. Elle
dévoile à celui qui la contemple que le monde ne s’arrête pas à ce qui est, mais contient aussi
ce qui n’est pas et qui devrait être. Au niveau du sensible se joue quelque chose qui dépasse le
simple état de fait et qui peut prendre la forme de valeurs ou des buts moraux à atteindre. L'art
est un message entre l'auteur et le récepteur. Il apporte donc une matière qui par définition
2
Propriété exclusive de Studyrama. Toute reproduction ou diffusion interdite sans
autorisation.
modèle notre vision et notre entourage, notre action comme dit Sartre. L'art choque, bouscule,
remet en cause. Il ne peut y avoir de liberté qu’en ne se satisfaisant pas du donné, en
le « néantisant ». L’expérience esthétique décrite par Sartre à la fin de La Nausée (1938) a
exactement cet effet de néantisation.

CONCLUSION :
L’art n’est pas destiné en premier lieu à révolutionner le monde des Hommes. Mais en
réinterprétant librement notre rapport au réel, il peut modifier notre regard sur lui. Enfin, en
nous faisant prendre conscience qu’il existe autre chose que ce qui est ici et maintenant, il peut
nous proposer de nouveaux objectifs à atteindre, et ainsi nous pousser à subvertir l’ordre
existant.

SUJET 2 :
REVIENT-IL A L'ETAT DE DECIDER DE CE QUI EST JUSTE ?

INTRODUCTION :
L'Etat est un tout mais l'Etat n'est pas tout, aurait pu dire Hobbes dans le Léviathan et son
souhait de voir naître un Contrat que reprendra Rousseau dans le contrat social. Ils inspireront
la Révolution française et nos institutions même. Mais l'homme peut être un loup pour l'homme
lancera Rousseau, la société pervertit l'humanité renchérira-t-il. De fait il faut un législateur,
médiateur, un pouvoir arbitrant mais non arbitraire disent les philosophes cités comme Locke,
Montaigne, Montesquieu, etc. contre l'absolutisme et aboutissant jusqu'au libéralisme. Mais
Marx et Engels iront plus loin et souhaiteront un pouvoir fort et apportant la justice. Mais qu'est
que l’Etat ? Que signifie "décider de ce qui est juste", quelle raison cela draine-t-il ? Et qu'est-
ce que la Justice ? La justice est une vertu, c’est notre capacité à agir avec les autres en
respectant l’égalité. Si l'Etat décide de ce qui est juste, c’est que l’Etat est en charge de son
application, de sa mise en œuvre et de sa protection. Il régule. Mais qui est cet Etat ? L’ensemble
des institutions politiques, économiques, judiciaires, etc. en charge d’organiser la vie de la
société. Mais une telle méfiance est née de l'absolutisme que la réflexion est intéressante pour
les citoyens que nous sommes de penser cet Etat, à part nous ou nous représentant. Sommes-
nous dans l'Etat comme dans le monde ou dissocié de celui-ci et donc son rôle est-il de garantir
cette justice ?

DEVELOPPEMENT :

L'Etat doit intervenir : C'est Montesquieu, avec ses contradictions liées à son rang noble, qui
engage la réflexion philosophique sur le rôle de l'Etat et les distinctions des pouvoirs judiciaires,
législatifs, exécutifs qui nous sont aujourd'hui communément admis et pratiqués, même si leurs
circonscriptions sont débattues. Rousseau souhaitait un Etat protecteur du peuple. Les
communistes aussi mais la vision est tout de même différente. L'objectif cependant est de
contrecarrer un absolutisme récurrent et passéiste comme de limiter plus tard les affres du
libéralisme. Le personnalisme récemment comme Leibniz bien avant, Montaigne, Kant, aussi
prêche pour un Etat modéré en fonction de la culture du temps et des freins des monarchies.
Mais qu'est-ce-que l'Etat sinon une personne morale à part ? Toute société n'est pas forcément
un Etat, c'est-à-dire avec un pouvoir politique institutionnel et autonome. L’État se distingue de
3
Propriété exclusive de Studyrama. Toute reproduction ou diffusion interdite sans
autorisation.
la société civile, mais aussi du gouvernement et des hommes politiques qui le dirigent. L’Etat
se distingue aussi de la nation, car cette dernière renvoie à une conscience historique commune
sans comprendre des institutions. L’État se distingue également des instances plus petites qu'il
englobe (départements, régions, communes) ou des plus grandes dans lesquelles il peut être
englobé (empires, confédérations). L'Etat est donc un être à part, qui en théorie permet
l'impartialité. C'est le pouvoir régalien qui assure sécurité et assistance. Pour Hobbes,
l'intervention d'un Etat est nécessaire car l'état de nature de l'homme est la guerre des uns contre
les autres. Plus tard l'Etat, cette personne morale, sera érigé en représentant du peuple (les
Lumières). Le tout est que l'Etat soit le bon interlocuteur du peuple et des citoyens qui l'ont élu :
« En vérité le but de l’État, c’est la liberté » lance Spinoza, très tôt dans notre histoire. Mais ce
représentant qu'est l'organe étatique est-il toujours à la hauteur ? Le désintérêt de la vie publique
ne doit-il pas nous alarmer sur la qualité de cette mission d'intervention comme arbitre ?

Ce n'est pas l'Etat qui doit décider de ce qui est juste : « Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il
est faible, nous périssons, » dit Paul Valéry. Les anarchistes Proudhon comme Montesquieu et
Voltaire nous apprennent à nous méfier de cet Etat qui se révèlerait trop puissant. Schopenhauer
veut nous alerter en clamant que l’État n’est que « la muselière dont le but est de rendre
inoffensive cette bête carnassière, l’homme, et de faire en sorte qu’il ait l’aspect d’un
herbivore ». L'expérience communiste nous invite à revoir les idées mal généreuses de l'Etat
marxiste ou hégelien et ainsi que le droit, l’ordre éthique, l’État ne constituent pas la seule
réalité positive promise et la seule satisfaction de la liberté ! Alors le pouvoir judiciaire,
législatif est remis en avant chez Foucault, Rousseau et même Pascal et sa théorie de la
complémentarité entre la force et de la justice. Tocqueville dans sa théorie du despotisme doux
mettra aussi une limite à la bienfaisance de l'Etat. Mais comment à la fois modérer
l'interventionnisme de l'Etat tout en garantissant un arbitre au peuple soumis aux lois ?

L'Etat est un bras de la Justice : Merleau Ponty, dans ses voyages et études constructivistes,
montre que la justice peut être selon les civilisations, l'apanage de l'Etat organisé ou de la
tradition dans certaines cultures. Les abus de l'Etat, les crimes d'Etat montrent que cet organe
ou personne morale peut ne pas assurer la justice. Il organise, légitime mais n'est pas
paradoxalement le garant. Le pouvoir peut devenir excessif dira Tocqueville, comme Voltaire
comme en son temps Leibniz et Descartes avec le despotisme éclairé. D'où la reprise moderne
par Montesquieu et Montaigne d'une nécessaire instance ou institution libre et indépendante de
justice. L'actualité montre encore combien cet autre bras doit être indépendant. Nous voulons
éviter Antigone de Sophocle et l'abus du pouvoir.

CONCLUSION :
Il est impératif d'avoir un Etat indépendant mais représentant du peuple. Cet Etat doit avec
synthèse, être le garant de l'action d'un pouvoir judiciaire mais aussi ne pas s'en mêler. Tout le
paradoxe est là mais aussi toute la démocratie. Quand l'Etat est trop présent nous assistons à
des absurdités bien démontrées par les auteurs grecs, Camus et Corneille. La presse avec sa
vigilance peut permettre de circonscrire les actions d'un Etat qui s'enivrerait de sa puissance...
De fait avec les penseurs comme Foucault, Glucksman, héritiers de Voltaire, mais aussi dans
l'art avec Molière, Hugo, la justice doit se mêler de l'Etat et non l'inverse. La Justice se doit
d'être indépendante mais assurée par le pouvoir législatif du peuple. C'est tout l'intérêt de la loi
sur l'Etat.

4
Propriété exclusive de Studyrama. Toute reproduction ou diffusion interdite sans
autorisation.
Sujet 3
EXPLICATION DE TEXTE DE COURNOT (1851)

Cournot fait partie de cette tradition comme Bachelard et Poincaré, qui introduit à l'instar des
phénomélogues, la science dans l'analyse philosophique. Comme Leibniz et Descartes, grands
inspirateurs, l'auteur distingue la démonstration scientifique, avec ses lois propres et formelles,
des démonstrations d'opinions subjectives.
Comme Foucault, il sépare l'objet de l'analyse épistémologique, des argumentations variables,
des idées liées aux cultures, natures, civilisations et traditions. L'auteur rejette la psychologie
scientifique antinomique dans son essence. On ne peut associer esprit et théorème physique,
mathématique. La notion de généralisation distingue les deux raisonnements : une vérité
scientifique est universelle. Tandis qu'une opinion varie avec les individus. Deleuze prolongera
cette constatation que la science ne peut intégrer complètement la philosophie. En cela l'auteur,
par avance, se départie du courant phénomélogique de Husserl et Heidegger.
Pour autant les philosophes comme Kant, Descartes, Leibniz, Spinoza, essaient d'établir des
règles morales qui transcendent les traditions avec le bien commun, l'intérêt du grand nombre.
Cournot se veut surtout contre une surpuissance de la science dont il admire l'impartialité dans
les discussions de morale et culture, et cherche ainsi à cataloguer les différentes spécialités. Son
objectif est de séparer par les objectifs de chacune des matières, les champs d'investigations de
chaque partie. Son souhait et devoir est une nécessaire fiabilité des idées avancées. La science
et ses lois ne peuvent s'appliquer à la morale ou conception du monde. Dans ce dernier cas
d'étude, le caractère unanime de la valeur énoncée et appréhendé par les "témoins" vaut la loi
scientifique. Cependant l'auteur ne se résout pas à associer dans un même champ les théorèmes
irréfutables et universels des idées morales annonçant ainsi les observations de Merleau-Ponty
et autres penseurs modernes. Ainsi Cournot ne se mêle pas au positivisme.

5
Propriété exclusive de Studyrama. Toute reproduction ou diffusion interdite sans
autorisation.

Vous aimerez peut-être aussi