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BILANS
DE LA C O N N A I S S A N C E ÉCONOMIQUE

Robert Mosse

LA M O N N A I E
suivi d'Observations de LUIGI FEDERICI et ROBERT TRIFFIN
et d'une Bibliographie analytique et critique

Introduction de
Howard S. ELLIS

Librairie Marcel Rivière et Cie


B I L A N S
de la Connaissance économique

LA MONNAIE
LAB' TORIO DI
ECONOMA. ~ MITICA [,
scooHErnjiiMAKnis '

- Uscito ...

JA N N A C C Q K E

Dop. 201.

VOLUMES EN PRÉPARATION

L'OBJET DE L'ECONOMIE POLITIQUE.


LA PSYCHOLOGIE ECONOMIQUE.
LE SALAIRE.
LE REVENU NATIONAL.
LES INVESTISSEMENTS.
L'ECHANGE INTERNATIONAL.
LES RELATIONS FINANCIERES ENTRE LES ETATS.

Tous droits réservés pour tous pays.


C o p y r i g h t 1950 by L i b r a i r i e M a r c e l R i v i è r e e t C l e
and Robert Mossé.
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S BILANS ^ ^
DE LA C O N N A I S S A N C E ÉCONOMIQUE
Collection dirigée par Robert M o s sé
sous les auspices de l'Association de Documentation Économique et Sociale
et du Centre de Recherches Économiques et Sociales de la Faculté de Grenoble

p U U Ô k ' T o Z . ^ •

LA M O N N A I E
par Robert Mossé

Observations de
Luigi' FEDERICI et Robert TRIFFIN

Introduction de
Howard S. ELLIS

N.roINVENTARIO PftE l<o3£3

Librairie Marcel Rivière et Cie


31, Rue Jacob - PARIS (Vl'>
-1 9 5 0
PARRAINAGE SCIENTIFIQUE
A l b e r t AFTALION (Paris). — L u i g i AMOROSO (Rome,). — M. B.
AMZALAK (Lisbonne). — L o u i s BAUDIN (Paris). — J a m e s JN. BELL
(Northwestern University, Evanston, I I I ) . — C. BIÎESCIANI-TÛP.RONI
(Milan). — B. S. CHLEPNER (Bruxelles). — L é o n DUPRIEZ (Lou-
vain). — H o w a r d S. ELLIS (Université de Californie). — Ragnar
FRISCH (Oslo). — E u g e n i o GUDIN (Rio de Janeiro). — Gottfried
HABERLER (Harvard, Mass.). — P a u l HARSIN (Liége). — Pasquale
JANNACONE (Turin). — H a n s MAYER (Vienne). — F r a n ç o i s PER-
ROUX (Paris). — R a u l PREBISCH (Buenos-Aires). — William
RAPPARD (Genève). — Charles RIST (Paris). — Jan TINBERGEN
(Rotterdam). — R o n a l d E . WALKER (U.N.E.S.C.O.). — Xénophon
ZOLOTAS (Athènes).

PRINCIPAUX PARTICIPANTS
(liste p r é l i m i n a i r e )
H e n r i BARTOLI (Grenoble). — P i e r r e DIETERLEN (Paris). — Léon
DUPRIEZ (Louvain). — Luigi FEDERICI (Modène). >— D I FENIZIO
(Pavie). — H e n r i GUITTON (Dijon). — E r n e s t LABROUSSE (Paris).
G e o r g e s LUTFALLA (Paris). — J e a n MARCHAI, (Paris). — Hans
MAYER (Vienne). — U g o PAPI (Rome). — A n d r é PIATIER, I.N.S.E.E.
(Paris). — P . - L . REYNAUD (Strasbourg). — V o l r i c o TRAVAGLINI
(Gênes). — R o b e r t TRIFFIN (Washington). — F r a n c e s c o VITO
(Milan). — J e a n WEILLER (Poitiers).

ASSOCIATION DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE


BUREAU DIRECTEUR :
R o b e r t MOSSÉ, A n d r é PIATIER, P i e r r e VIGREUX,
H e n r i GUITTON, G é r a r d MARCY

C e t t e A s s o c i a t i o n , r é g i e p a r la loi du 1 e r j u i l l e t 1901, a e n t r e p r i s ,
e n 1934, l a p u b l i c a t i o n de la Documentation Economique, revue tri-
m e s t r i e l l e de b i b l i o g r a p h i e a n a l y t i q u e , que, d e p u i s 1947, elle publie
c o n j o i n t e m e n t a v e c I ' I N S T I T U T NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES
ETUDES ÉCONOMIQUES.

CENTRE DE RECHERCHES ECONOMIQUES


DE LA FACULTÉ DE DROIT DE GRENOBLE
I n s t i t u é , s u r p r o p o s i t i o n d u doyen J e a n - M a r c e l JEANNENEY, p a r
u n e d é l i b é r a t i o n de l ' A s s e m b l é e de F a c u l t é en d a t e du 14 m a r s 1949,
ce C e n t r e , g r â c e à u n e s u b v e n t i o n du CENTRE NATIONAL DE LA
RECHERCHE SCIENTIFIQUE, a c o n c o u r u à l ' é t a b l i s s e m e n t d e la p a r t i e
b i b l i o g r a p h i q u e du p r é s e n t volume.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
AUX BILANS
far

H O W A R D S. ELLIS
Professeur à l'Université de Californie,
Ancien Président de l'American Economic Association,
Editor of the Survey of Contemporary Economics
Howard S. ELLIS, Ancien Président de l'American Economic Associa
tion est P r o f e s s e u r d'Economie Politique à l'Université de Californie.
Après des études approfondies en Europe il a publié un magistral
o u v r a g e s u r les Théories monétaires allemandes (voir ci-après Biblio-
graphie n° 10) et un a u t r e s u r le Contrôle des Changes en Europei
centrale. P l u s récemment, il a inspiré et dirigé le célèbre Survey of
Contemporary Economics qui permet à tant d'économistes de se r e n d r e
compte du développement de la pensée scientifique de langue anglaise
depuis une dizaine d'années.
Présentation des Bilans

La publication, au cours des deux ou trois dernières déca-


des, de plusieurs « Surveys of Economies », c h a c u n f a i s a n t
appel aux capacités d'un certain n o m b r e de spécialistes,
s'explique principalement p a r le développement de la science
économique en dimension et en complexité. On ne peut plus
d e m a n d e r à un économiste de parler avec autorité d a n s plus
d'une ou deux spécialités. C'est pourquoi le Grand Traité
d'Economie Politique est descendu du piédestal où se
trouvaient les Principles de J. S. M I L L OU de M A R S H A L L pour
devenir sur un plan plus modeste, u n m a n u e l introductif
pour étudiants débutants ou « intermediate » (1). De nos jours,
pour l'étudiant avancé, pour l'économiste professionnel ou
pour le praticien « rall'iné » de la politique économique (2),
les analyses générales de ce genre ne suffisent plus.
Une autre raison d'être pour u n e collection systématique
de traités spéciaux, telle que les B I L A N S DE LA C O N N A I S S A N C E
E C O N O M I Q U E , est la nécessité de f r a n c h i r l'intervalle presque
inévitable qui sépare la théorie économique de l'histoire des
doctrines, au sens large du terme.
En effet, en premier lieu, l'histoire des doctrines, étant non
seulement affaire de narration et de description m a i s bien
plus encore affaire d'interprétation des idées sur un arrière-

(1) L ' a u t e u r a voulu distinguer Cftte catégorie d'étudiants des « g r a -


d u a t e » (généralement « bachelors of a r t s »). — Note du trad.
(2) « Economic politics », employé par l ' a u t e u r est u n e expression
nouvelle évoquant à la fois le caractère « politique » de l'économie
politique et son aspect pratique. Elle ne s'identifie ni avec « political
economy » ni avec « economic policy ». — Note du trad.
plan institutionnel et technologique, est presque obligatoire-
m e n t l'œuvre d'un seul a u t e u r ; mais, nous avons précisé-
m e n t r e m a r q u é en c o m m e n ç a n t que l'analyse économique
contemporaine se décompose en spécialités nombreuses et
exigeantes. Un auleur, ou du moins u n ouvrage d'un auteur,
ne peut présenter u n e large f r e s q u e philosophique du déve-
loppement de la science économique depuis dix ou vingt ans
et, en m ê m e temps, apporter une contribution technique vala-
ble d a n s u n d o m a i n e particulier. 11 f a u t pour ces tâches des
qualités différentes et une orientation différente.
La seconde explication de l'intervalle entre la théorie et
l'histoire des doctrines est étroitement liée à la première.
Plusieurs a n n é e s sont nécessaires pour que les innovations
introduites p a r les experts d a n s une b r a n c h e spéciale soient
s u f f i s a m m e n t élaborées, clarifiées et traduites en langage
concis susceptible d'éclairer le non-spécialiste. Les auteurs
d'histoires des doctrines doivent avoir été formés aux nou-
veaux points de vue pour que ceux-ci puissent i m p r é g n e r
leurs interprétations. En vérité, ta tâche peut exiger u n e
nouvelle génération. En attendant, il f a u t bien que l'histoire
des p e r f e c t i o n n e m e n t s récents d a n s tes diverses sphères de
l'analyse économique soit écrite p a r les spécialistes. Mais,
il est p r é f é r a b l e de le faire, c o m m e d a n s les B I L A N S , en com-
b i n a n t l'histoire récente avec u n tableau de l'état présent de
chaque spécialité.

Le besoin de récapitulation périodique et de mise au point


est é v i d e m m e n t p e r m a n e n t ; mais, l'époque actuelle — en
dehors de l'aspect sentimental que peut comporter la m i -
siècle — p a r a î t exiger, avec u n e urgence toute particulière,
l ' i n a u g u r a t i o n d'une entreprise de cette sorte.
En vingt ans, ta science économique a vécu deux révolu-
tions. L'une a porté la théorie des prix bien au delà de la
simple dichotomie de la concurrence et du monopole. L'autre
a fait progresser substantiellement l'analyse des variations
du produit national. Il y a dix ans, m ê m e en supposant que
les événements extérieurs nous eussent p e r m i s de procéder
dans le calme à une évaluation réfléchie, il n'eût guère été
possible de parvenir à un bilan véritablement profitable.
Dans le cas de la concurrence monopolistique, la théorie
était encore trop peu élaborée pour inciter les p r i n c i p a u x
pionniers ou leurs disciples à entreprendre de l'appliquer
aux problèmes de politique pratique. Dans le cas de la théo-
rie du produit global, au contraire, l'application à la prati-
que f u t faite p r é c i p i t a m m e n t avant que l'on eût découvert
que la théorie était bien loin d'être véritablement générale.
Depuis lors, les spécialistes de la concurrence monopolisti-
que ont c o m m e n c é à faire des explorations préliminaires
mais encourageantes, d a n s le domaine de la politique p r a -
tique. Et les spécialistes de l'équilibre général ont refait le
chemin en sens inverse de la pratique à la théorie en vue
de rectifier leur orientation originaire qui était exclusivement
tournée vers le cas de dépression. Maintenant, il n'est pas
trop tôt pour essayer de m e s u r e r l'impact de ces deux révo-
lutions sur les divers départements de la pensée économique.

*
**

Au delà de ces soi-disant « révolutions » et de leur réver-


bération sur la théorie et la pratique, une autre circonstance
doit à l'heure actuelle pousser les économistes à l'aire tous
leurs efforts pour perfectionner et unifier leur science. Le
conflit idéologique entre l'initiative individuelle et le c o m m u -
nisme domine actuellement tout autre problème. Quel que
soit le cours des événements internationaux, il est peu pro-
bable que ce problème soit réglé d a n s u n proche avenir; et
les solutions f i n a l e s — différant substantiellement d'une ré-
gion du m o n d e à l'autre — comporteront sans doute des dosa-
ges différents des deux principes, avec des m é t a m o r p h o s e s
ou des variantes i m p r é v u e s de l'un et de l'autre.
La science économique traditionnelle s'est développée à
partir du calcul par l'individu du coût et de l'avantage : elle
s'est concentrée jusqu'ici sur la quantification des effets du
choix individuel libre. La science économique peut-elle
apporter une analyse valable et dégager des lois ou g é n é r a -
lisations significatives en p r e n a n t c o m m e matière p r e m i è r e
la décision d ' u n e autorité, soit qu'elle provienne d'un Diktat
totalitaire, soit qu'elle résulte d'un processus parlementaire ?
Peut-il y avoir u n e science de l'économie dirigée (3) ? Un
Bilan de la connaissance économique au milieu du siècle
devra s'eiïorcer de répondre à cette question, épineuse d a n s
les divers d o m a i n e s d'investigation qu'il s'assigne.

Les limites chronologiques d'un elïort coopératif en vue


d'élargir le d o m a i n e de nos connaisances et de r e f o r m u l e r
certaines règles sont ainsi nettement déterminées.
Des efforts conscients pour dresser u n inventaire général de
la science économique ont certes été effectués au cours des
dernières années, m a i s u n e série de m o n o g r a p h i e s entrepri-
ses en Europe, prend u n e signification toute particulière. Les
« surveys » existants ont consacré presque toute leur atten-
tion à la littérature de langue anglaise (Etats-Unis, Grande-
Bretagne, Commonwealth, et publications occasionnelles en
anglais p a r des personnes étrangères à cette zone linguis-
tique). Un effort semblable est encore à faire en dehors de
ce m o n d e qui est très étendu m a i s non œ c u m é n i q u e . Depuis
la dépression d a n s certains p a y s d'Europe occidentale et
p e n d a n t les a n n é e s de guerre d a n s toute l'Europe, la recher-
che économique a été assujettie à de sévères conditions et
s a n s doute une g r a n d e partie des études ou réflexions pour-
suivies en dépit de tous les obstacles de l'extérieur a été dans
l'impossibilité de s'exprimer au grand jour. La publication
d'un European Survey devrait permettre de tirer parti de
cette longue période de silence partiel, de f o u r n i r - u n e inspi-
ration aux économistes de l'Europe continentale et de per-
mettre un croisement fécond en f re la pensép européenne et
la pensée a n e l o - a m é r i c a i n e . Puisque le f r a n ç a i s , à côté de
l'ansrlais, continue à être la langue internationale la plus
employée, il est tout indiqué que la direction et la publication
de ce Furnj)pnn Survpv soient assurées en F r a n c e avec une
participation internationale de p a r r a i n s et d'auteurs.

(3) « Is there such a thing as an economics of control ?


En tant que directeur du récent Survey of Contemporary
Economies, édité par l'American Association, j'accueille très
chaleureusement certains caractères distinctifs des « Bilans
de la Connaissance Economique ».
En premier lieu, il est incontestablement p r é f é r a b l e de
donner à l'auteur d'un essai de synthèse la latitude d'écrire
un fascicule plutôt que de le limiter à un article de revue.
Les critiques du Survey américain se sont souvent plaints
du degré excessif de compression qui était imposé aux p a r -
ticipants.
En second lieu, je trouve très raisonnable de publier aussi
des éludes complémentaires qui pourront faire a p p a r a î t r e
succinctement une ou plusieurs interprétations différentes de
celle de l'auteur principal. Dans le cas du Survey of Contem-
porary Economies, il a été fait appel à deux critiques émi-
nents pour aider l'auteur de chaque essai; mais, il avait été
décidé dès le début de ne pas publier les commentaires et
critiques afin d'empêcher te volume unique « o m n i b u s » de
devenir trop massif. Cependant, d'après m o n expérience per-
sonnelle, j e peux dire en toute certitude que ces études criti-
ques présentaient des éléments, des s c h é m a s d'analyse et des
interprétations d'une valeur intrinsèque ésralant souvent et
p a r f o i s m ê m e dépassant celle de l'essai principal.
Finalement, l'incorporation d a n s chaque volume des bilans
d'une bibliographie analytique et critique est supérieure à
la méthode, suivie d a n s le Survey, qui consiste à se contenter
de notes au bas des pages, laissée à l'idiosyncrasie de chaque
auteur.
Si j'avais conseillé le directeur des « Bilans », je n ' a u r a i s
a-uère pu lui suc-e-érer dp plus souhaitables modifications p a r
rapport à la technique de l'ouvrage américain.

Avec la publication du présent volume sur La Monnaie,


le mns-nifirnie plan des « Bilans de la Connaissance Econo-
m i q u e » entre dans la phase des réalisations. Les économistes
de tous les p a y s accueilleront avec satisfaction cette contri-
bution à l'analyse économique contemporaine et cet effort
pour favoriser une meilleure compréhension internationale,
non seulement à l'intérieur de la « corporation » des écono-
mistes professionnels, m a i s aussi entre tous .ceux qui s'inté-
ressent à de libres discussions des questions économiques
d a n s une société libre.
LA MONNAIE
BILAN D'UN DEMI-SIÈCLE
DE RECHERCHES ET D'EXPÉRIENCES
- 1900-1950 -

• Sommaire
Avant-Propos.
I. — PERSPECTIVE GENERALE
par Robert Mossé
II. — OBSERVATIONS
par Luigi Federici et Robert Triffin.
III. — BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE
ET CRITIQUE
Index des a u t e u r s cités.
Table détaillée.
Come on then, my younger Colleagues on this side of
the World who know what you want to say. be up and
doing... and whiz your off-prints across the Atlantic.
D. H. ROBERTSON
(Quarterly Journal of Economics, Feb. Jfi/oj
A vaut - Propos

Ce fascicule, consacré à la Monnaie, est le p r e m i e r à


paraître dans la collection des B I L A N S DE LA CONNAISSANCE
ECONOMIQUE. Comme ceux qui le suivront, il a pour objet
de présenter, d a n s un domaine nettement délimité, avec
concision et clarté, une esquisse de l'évolution de nos con-
naissances au cours des cinquante dernières années.
La conception du présent volume est, croyons-nous, nou-
velle.
Elle s'apparente, certes, à u n e histoire des théories, à u n
gros chapitre d'un Traité et à un article d'Encyclopédie. Elle
en diffère pourtant p a r son souci de saisir la connaissance
en formation plutôt que la science faite, p a r son désir de
rattacher la théorie aux préoccupations de la vie et de la
société, p a r son ambition d'être u n i n s t r u m e n t de recherche
plutôt qu'un exposé dogmatique.
Elle n'est certainement p a s un « digest », car elle est
tournée vers la synthèse plutôt que vers l'analyse et prétend
être u n e initiation raisonnée à la littérature du s u j e t plutôt
qu'un succédané de l'étude des g r a n d s textes.
Bien que plusieurs auteurs aient participé à la rédaction
(et beaucoup plus que les signatures ne le font apparaître),
ce fascicule n'est pas u n e œ u v r e collective et impersonnelle.
On a voulu m a i n t e n i r cette unité et ce cachet qui impli-
quent u n e responsabilité non partagée.
Finalement, il ne s'agit point ici d'une œ u v r e originale,
ou d'un apport scientifique indépendant, m a i s seulement
d'une sorte de j o u r n a l de m a r c h e de la connaissance.

C o n f o r m é m e n t au s c h é m a annoncé d a n s la P R É S E N T A T I O N
DES BILANS, ce fascicule comprend trois parties.
La première, intitulée Perspective générale, est u n essai
de synthèse, où l'auteur s'est ellorcé de montrer les c h a n -
g e m e n t s s u r v e n u s d a n s la position des problèmes, de noter
•les p r i n c i p a l e s directions et méthodes de recherche, de ré-
s u m e r tes points acquis ainsi que les controverses en cours
et, e n f i n , de signaler les interrogations qui subsistent. .Natu-
rellement, le souci de synthèse aboutit à u n tableau simplifié
où ie j u g e m e n t de l'auteur fournit u n e c o m m u n e m e s u r e
d'évaluation: il ne saurait y avoir de perspective sans un
point de vue.
La deuxième partie apporte un correctif au subjectivisms
inévitable de la première. Elle consiste en Oljsexvations,
rédigées tes unes p a r M. Luigi F E D E I U C I , les autres p a r
M. Robert T R I F F I N , qui donneront au lecteur deux angles
de vision différents de celui de l'essai. Précisons toutefois
que MM. F E D E R I C I et T R I F F I N ont bien voulu lire ie m a n u s -
crit de la p r e m i è r e partie et faire bénéficier son auteur de
n o m b r e u s e s et utiles r e m a r q u e s , dont il a été tenu ie plus
g r a n d compte.
E n f i n , la troisième partie, qui est une Bibliographie ana-
lytique et critique, offre au lecteur une sélection d'oeuvres
m a r q u a n t e s sur les problèmes monétaires. Avec une p a r -
faite conscience des inconvénients de toute sélection, on a
j u g é p r é f é r a b l e de s'exposer aux reproches plutôt que de
faire une longue énumération que son étendue m ê m e aurait
r e n d u e inutilisable. On a voulu surtout que l'ensemble soit
s u f f i s a m m e n t représentatif de la diversité des écoles, des
problèmes, des groupes linguistiques, etc. Sur chaque ouvra-
ge, ou sur chaque auteur, on a établi une notice — à la fois
« abslract » et compte rendu critique — qui tend à le situer,
en dégageant son originalité, en donnant des appréciations
et en le r a t t a c h a n t soit à un courant de pensée soit à des
p h é n o m è n e s particuliers.

Ce fascicule étant appelé à servir de matrice — mutatis


mutandis — pour la suite de la collection, nous accueillerons
avec r e c o n n a i s s a n c e toutes les critiques et toutes les sugges-
tions.
1 er septembre 1950. R. M.
PERSPECTIVE GÉNÉRALE
par
ROBERT MOSSÉ
,Professeur à la Faculté de Droit de Grenoble
Enseignant l'économie politique à la Faculté de Droit de Grenoble
à. partir de 1935, M. Robert MOSSÉ a publié plusieurs o u v r a g e s s u r
l'économie collectiviste et s u r les problèmes sociaux. Spécialisé d a n s les
questions monétaires, il écrit de n o m b r e u x articles parmi lesquels
« L'extension du pouvoir d'achat, r e m è d e au déséquilibre économique »
(Rev. des Se. écon., Liège, 1935) le classe parmi les p r é c u r s e u r s de
certaines théories keynesiennes. Appelé aux Etats-Unis p a r la Fonda-
tion Rockefeller en 1942, il professe à la New School Social Research h
New-York et à l'Université de Washington. Membre de la délégation
f r a n ç a i s e à la Conférence de Bretton Woods, Président de la Commis-
sion des Méthodes au Ministère de l'Economie Nationale, Conseiller
économique à l'O.N.U., le P r o f e s s e u r Robert MOSSÉ r e p r e n d son indé-
pendance en 1948 et se consacre à l'enseignement et à la recherche.
Il est m e m b r e du Conseil de l'Association Internationale de Sciences,
économiques.
In tr o duc ti on

En 1935, a été publié, à Paris, un ouvrage intitulé Essai


sur les théories monétaires contemporaines (1) et, en 1938,
à New-York, un autre a y a n t pour titre Contemporary mone-
tary theonj (2). Malgré la similitude des sujets, le second,
qui contient une Bibliographie de six cents titres, ne connaît
pas le p r e m i e r ; il ne traite, d'ailleurs, que de quatre a u t e u r s
anglais. Quant au premier, il ne s'occupe d ' a u c u n des Quatre
Grands de son confrère.
A vingt ans d'intervalle, il n'y a p r e s q u e rien de c o m m u n
quant aux problèmes traités entre l'article Geld du Hand-
wörterbuch der Staalswissenschaften (3) et le chapitre Mo
netary Theonj du Survey of Contemporary Economies (4),
sans que celui-ci ait tenté de tracer u n e ligne qui le ratta-
chât à celui-là (5).
U n tel m a n q u e de c o m m u n i c a t i o n , à travers l'espace et a
travers le temps, suffit sans doute à j u s t i f i e r notre dessein,
qui est de montrer, sur une période d'environ un demi-siècle
et d a n s là pluralité de ses provincialismes, l'évolution de
notre connaissance des problèmes monétaires.

( 1 ) p a r MAIÎILLE DE PONCHEVILLE; voir Bibliographie; n° 11.


(2) p a r SAULNTER; voir Bibliographie, n ° 18.
(3) V. Bibl., n ° 2.
(4) V. Bibl., n° 28.
(5) P o u r conserver au présent lissai son allure de synthèse, n o u s
éviterons à l'avenir, a u t a n t que possible, les r é f é r e n c e s et les détails
de description ou d'analyse. Le lecteur est invité à se reporter à. la
Bibliographie. Il y trouvera, notamment, des indications s u r les o u v r a -
ges g é n é r a u x contenant la documentation d e base.
La p r e m i è r e moitié du xx° siècle a été m a r q u é e p a r des
p h é n o m è n e s monétaires d'une a m p l e u r et d'une variété
extraordinaires, a u p r è s desquels les « g r a n d s faits histori-
ques » c o m m e i'aiîlux des m é t a u x précieux au xvi 8 siècle,
les assignats au xviii" siècle, ou les g r e e n b a c k s au xix 0 siè-
cle font p a u v r e figure. Si certaines périodes ont p u être
définies p a r des événements m a j e u r s , tels que tes croisades
ou les voyages d'exploration, la nôtre trouvera peut-être sa
caractéristique la plus originale d a n s les troubles monétai-
res, puisque, aussi bien, ni les guerres, ni les dictatures,
ni le progrès t e c h n i q u e ne sont des faits particuliers à notre
temps. Ces événements monétaires prodigieux, tantôt spon-
tanés, tantôt délibérément provoqués, ont c o n s t a m m e n t
p r é o c c u p é l ' h o m m e de la rue, le « b u s i n e s s m a n », l'admi-
nistrateur, l ' h o m m e politique et les techniciens de la m o n -
naie. Sous l'aiguillon de la pratique et avec l'aide des « expé-
riences », l'étude de la m o n n a i e s'est considérablement
développée.
Depuis 1914, la documentation statistique et réglementaire
s'est accumulée. P o u r b e a u c o u p de pays, nous disposons
désormais de longues séries de chiffres p r é c i s a n t le m o n t a n t
des billets en circulation, celui des dépôts et des réserves,
le volume de la production, le niveau des prix, etc. Nous
avons aussi des recueils de textes sur la législation bancaire
et monétaire, sur le contrôle des changes, sur les accords
entre pays, etc. A cet égard, u n long c h e m i n a été parcouru
depuis le t e m p s où les historistes devaient se contenter d'éva-
luations grossières et de conjectures. La connaissance des-
criptive a progressé beaucoup plus m ê m e que les faits dignes
d'être connus, non p a s seulement en raison du perfection-
n e m e n t de l'outillage statistique (méthodes et institutions),
m a i s aussi en raison du recul de l'esprit de secret.
En présence de cet a m a s documentaire, encore très i n s u f -
f i s a m m e n t analysé et presque p a s synthétisé, la science
proprement dite — en e n t e n d a n t p a r là u n ensemble de
lois précises et générales — nous a apporté, au cours des
q u a r a n t e ou c i n q u a n t e dernières années, bien peu de certi-
tudes nouvelles. Au contraire !
L'examen des faits et le r a i s o n n e m e n t nous ont obligés à
mettre en doute ce que l'on tenait vers 1900 pour des vérités
établies. Ils nous ont fait voir les limites de validité, d a n s
le t e m p s et d a n s l'espace, de certaines relations et m ê m e
de certaines notions. (Par exemple, en 1932, pour u n Anglais,
la dévaluation avait consisté à d é b a r r a s s e r la livre de la
camisole de force de i'étaion-or, à assurer la stabilité des
prix, voire à engendrer la prospérité m o n d i a l e ; mais, pour
un Français, la m ê m e opération monétaire aurait été le
signal de l'inflation et de ta ruine.) Ils nous ont m o n t r é la
multiplicité des i n f l u e n c e s qui s'entrecroisent et la difficulté
de les démêler ou de les mesurer. Le progrès de la connais-
sance se résume peut-être en une meilleure compréhension
de noire ignorance.
Pourtant, le bilan n'est p a s négatif. En pathologie, sous
le règne de la théorie du microbe, le p r e m i e r qui soupçonna
l'influence possible du terrain d o n n a u n e orientation déci-
sive à la médecine. De même, en m a t i è r e monétaire, quoi-
que nos certitudes soient moins grandes, nous s o m m e s plus
avancés qu'en 1900. Ainsi, on sait m a i n t e n a n t que la m o n -
naie est autre chose q u ' u n m o r c e a u de métal et que les
gouvernements peuvent, en agissant sur la m o n n a i e , exer-
cer u n e i n f l u e n c e pernicieuse ou heureuse sur la vie éco-
nomique et la structure sociale. Comme on le verra plus
loin, ces deux notions simples ont p r o f o n d é m e n t bouleversé
notre philosophie de la m o n n a i e et toutes nos institutions
monétaires et financières. M ê m e le r é g i m e économique et
social en a été affecté.

Laissant de côté les aspects i n t e r n a t i o n a u x qui, ultérieu-


rement, feront l'objet d'un autre fascicule, nous consacrons
le Chapitre premier à un Inventaire chronologique, qui
met en parallèle l'évolution de la c o n n a i s s a n c e et les évé-
n e m e n t s monétaires. On y rappelle c o m m e n t des m o d i f i c a -
tions d a n s les conceptions théoriques ont i n f l u e n c é les p r a -
tiques et aussi c o m m e n t la connaissance a interprété les
faits ou essayé de répondre aux interrogations des diverses
époques.
Dans le Chapitre deuxième, on rappelle les controverses
en quelque sorte philosophiques qui tournent autour de la
Notion de monnaie et qui tendent à rechercher son essence,
son fondement, ses f o r m e s , etc. Pour m é t a p h y s i q u e s que
soient ces analyses, elles n ' e n ont pas m o i n s été à l'origine
de grandes transformations.
Le Chapitre troisième présente les principales théories
relatives à l'Action de la monnaie dans la vie économique.
Là, il île s'agit plus de ce qu'esi la m o n n a i e , m a i s de ce
qu'elle fait.
E n f i n , au Chapitre quatrième, on aborde le problème de
la Création de la monnaie, qui non seulement rétablit le
contact entre la théorie et la pratique, la connaissance et
les événements, m a i s encore rattache le p r o b l è m e monétaire
aux questions les plus complexes de la science sociale.
P a r u n e nécessaire anticipation, nous pouvons bien dire,
dès m a i n t e n a n t , que, bien au delà des considérations tech-
niques, la politique m o n é t a i r e dépend de questions telles
q u e : Peut-on f a i r e c o n f i a n c e a u x Gouvernements pour diri-
g e r la m o n n a i e ? Un socialisme démocratique est-il p r é f é -
r a b l e au capitalisme ou au collectivisme autoritaire ? Y
a-t-il des lois inéluctables de la succession des systèmes ?
La liberté du travail et de la consommation mérite-t-eile
d'être d é f e n d u e ?
CHAPITRE P R E M I E R

INVENTAIRE CHRONOLOGIQUE
DES PRÉOCCUPATIONS MONÉTAIRES

Au début du siècle, les économistes considèrent c o m m e des


vérités indiscutables la théorie de la m o n n a i e - m a r c h a n d i s e
et les automatismes h a r m o n i e u x de l'étalon-or. Cepen-
dant, quelques isolés e x p r i m e n t des idées étranges qui de-
vaient devenir orthodoxes cinquante ans plus tard. La pre-
mière guerre révèle aux gouvernements qu'ils peuvent se
procurer des ressources considérables p a r l'émission de bil-
lets. Mais, aussitôt après, on s'aperçoit des d a n g e r s de l'exa-
gération des émissions. On revient alors à l'étalon-or, non
sans garder à l'égard du p a p i e r u n sentiment m é l a n g é de
nostalgie et de crainte. La g r a n d e crise fait surgir des pro-
blèmes de déflation. Cette fois, c'est l'insuffisance cyclique
ou chronique du pouvoir d'achat que l'on déplore et l'on
j u g e utile, spécialement d a n s les p a y s qui n'ont pas connu
l'inflation, de recourir à des m a n i p u l a t i o n s monétaires. Alors,
les m o n n a i e s dirigées deviennent des m o n n a i e s nationales,
puisqu'il f a u t opérer en milieu étanche.
Il semble à la veille de la seconde guerre que l'on ait
trouvé, au moins en théorie, le m o y e n de diriger la m o n n a i e
pour diriger l'économie. Néanmoins, au rebours de ce qui
était advenu e n 1914-18, les belligérants de 1939-45 ion)
appel a u x procédés directs et autoritaires plutôt q u ' a u x pro-
cédés monétaires. Mais, les hostilités arrêtées, on revient
vite a u x m é c a n i s m e s monétaires et, d a n s le conflit des idéo-
logies et des régimes, l'attention se concentre sur le rôle de
la m o n n a i e p a r r a p p o r t a u x « systèmes ».
Telles sont — in a nutshell — les g r a n d e s lignes d'une
évolution que le Chapitre p r e m i e r présente de m a n i è r e un
peu m o i n s s o m m a i r e .
Dans ce chapitre, l'inventaire chronologique des préoccu-
pations monétaires est établi en quatre sections :
SECTION 1.

L'apogée des certitudes ét les premières inquiétudes.


SECTION II.

Les miracles et les mirages du papier-monnaie.


SECTION III.

La monnaie, fauteur de crise et facteur de reprise.


S E C T I O La
N I planification
V. autoritaire et le dirigisme monétaire.

SECTION I

L'apogée des certitudes et les premières inquiétudes


{La fin du xix" siècle et l'aube du xx° siècle)

Les économistes de la fin du xix" siècle constatent que,


depuis l'époque de Ricardo, la p l u p a r t des m o n n a i e s ont
fait preuve d'une r e m a r q u a b l e fixité. Des unités bien défi-
nies, stables, ayant entre elles des rapports constants, f o u r -
nissent, croit-on, un excellent système d'étalonnage des va-
leurs. A part de petits incidents négligeables, ni le f r a n c ,
ni la livre, ni le dollar n'ont changé de dimension. On
peut utiliser les pièces d'argent presque indifféremment
d a n s tous les p a y s de l'Union latine et les pièces d'or sont
des i n s t r u m e n t s de p a i e m e n t d'usage courant sur le plan
national c o m m e sur le plan international. L'émission des
billets est soumise à des règles presque constitutionnelles
et l'on ne pense guère que la quantité de m o n n a i e puisse
être u n e cause de perturbation sérieuse d a n s la vie écono-
mique. Les m u t a t i o n s monétaires de Philippe de Bel, la
h a u s s e des prix au t e m p s de la R e n a i s s a n c e et quelques
avaries monétaires d a n s des p a y s extra-européens suggè-
rent encore aux économistes des s u j e t s d'étude, ce qui leur
p e r m e t de satisfaire leur curiosité et d'exercer leur esprit.
Mais ce n'est là, p o u r eux, que souvenirs d'un passé révolu
ou balbutiements de p a y s encore peu évolués. M ê m e les
controverses, p a r f o i s passionnées, du xix" siècle, sur l'action
des m é t a u x précieux, sur le currency principle, sur le b i m é -
tallisme, sont sinon oubliées du m o i n s apaisées (1).
En somme, à la veille de la p r e m i è r e guerre mondiale,
les institutions et les m é c a n i s m e s monétaires ont les a p p a -
rences de la santé — à part quelques accidents m i n e u r s —
et les économistes ne s'en préoccupent pas plus q u ' u n h o m -
m e bien portant ne se soucie de sa circulation. S'il y a des
vices cachés on ne s'en doute pas.

Après u n siècle de stabilité, on pense être en possession


de la vérité sur les points essentiels.
La m o n n a i e est une m a r c h a n d i s e et « hors de ce dogme,
il n'y a point de salut ». P l u s précisément, elle est une
parcelle de métal précieux, a y a n t u n e valeur en soi (2).
Le fondement de la valeur de la m o n n a i e se trouve d a n s
ses qualités intrinsèques en tant que m a r c h a n d i s e . Et il
n e reste q u ' à a p p l i q u e r à la m o n n a i e la théorie de la valeur
que l'on p r é f è r e (coût de production, utilité, rareté, etc.). En
tout cas, on sait bien que ce n'est pas l'Etat qui peut donner
de la valeur à un i n s t r u m e n t de p a i e m e n t .
L'origine de la m o n n a i e est claire. C o m m e Aristote l'a
expliqué, — et d ' i n n o m b r a b l e s a u t e u r s a p r è s lui — les

(1) Voir RIST, Bibliogr., 11° 17.


(2) PARETO définit la vraie monnaie de la m a n i è r e s u i v a n t e : « Quand
u n e m a r c h a n d i s e est u n e vraie monnaie, u n k i l o g r a m m e de cette m a r -
chandise n ' a y a n t pas la f o r m e monétaire p e u t s ' é c h a n g e r contre un
k i l o g r a m m e de cette m a r c h a n d i s e ayant la f o r m e monélarre. P a r e x e m -
ple, on met au creuset 10 pièces de vingt, f r a n c s ; le lingot d'or obtenu
p e u t s'échanger, à. peu de chose près, contre 10 pièces de vingt f r a n c s ;
les pièces de vingt f r a n c s sont alors u n e vraie monnaie. » {Cours, 2E édi-
tion, p. 450.)
inconvénients du troc conduisirent les h o m m e s à recher-
cher u n e m a r c h a n d i s e universellement utile p a r elle-même
et l'on adopta f i n a l e m e n t le métal précieux qui est inalté-
rable, homogène, divisible, malléable, transportable, etc.
La m o n n a i e remplit les fonctions d'intermédiaire dans
l'échange et d'étalon de m e s u r e des valeurs et accessoire-
ment de réserve de valeur.
Le rôle de l'Etat est de garantir aux citoyens le poids
et la teneur en métal des pièces ainsi qu'un r a p p o r t cons-
tant entre la valeur monétaire et la valeur commerciale, il
suffit pour cela qu'il assure la f r a p p e libre.
La quantité de monnaie en circulation n'a pas à être
réglée par l'Etat. Des r a i s o n n e m e n t s ingénieux exposent
les m é c a n i s m e s providentiels p a r lesquels la quantité de
m o n n a i e s ' a j u s t e exactement aux besoins des échanges, sur
le p l a n national c o m m e sur le p l a n international, grâce à
un réglage merveilleux de la production d'or, des déplace-
m e n t s de. ce métal, des m a r c h é s , etc.
Ces notions reflétaient les réalités de l'époque, m a i s elles
étaient aussi l'aboutissement d'un siècle et demi de théorie
économique. A partir des Physiocrates qui traitaient la m o n -
naie c o m m e richesse seconde et stérile et d'Adam Smith
qui pensait que ia m o n n a i e s'adapte spontanément aux
besoins des échanges c o m m e toute m a r c h a n d i s e p a r le jeu
spontané de l'oifre et de la demande, toute une lignée d'éco-
nomistes avait fait « rayer la m o n n a i e de ia liste des pro-
blèmes angoissants qui se posent à l'économiste » (3).

Si les questions essentielles semblent réglées, grâce à la


« royauté incontestée de l'or » d a n s un m o n d e qui pourtant
« n'avait pour les royautés que le respect qu'on doit aux
choses d'autrefois » (4). les économistes étudient avec beau-
coup de zèle des points secondaires ou purement techniques.

(3) BAUDIN, La Monnaie et les prix, p. 283. — P o u r Stuart MILL, il


n'y a rien de plus insignifiant dans l'économie que la monnaie. Principles.
Book III, Cliap. 7, § 3.
(4) T r u c h y , Introd. à BAUDIN, p. VIII.
L'argent n'est pas encore complètement écarté de la scène
monétaire et l'on se d e m a n d e quelle doit être sa position
relativement à l'or. Doit-il être son égal en tant qu'étalon
et d a n s ce cas quel doit être le r a p p o r t légal des deux m é -
taux ? Doit-il être sur pied d'égalité en tant q u ' i n s t r u m e n t
de p a i e m e n t et faut-il lui accorder le privilège de la f r a p p e
libre ? et celui d'un pouvoir libératoire illimité ? Mais, d é j à
en 1914, ces analyses du bimétallisme ne sont plus qu'un
écho des événements du xix" siècle.
On se d e m a n d e p a r f o i s quel doit être le coût de la frappe,
ou c o m m e l'on dit, le m o n t a n t du droit de seigneuriage et
s'il ne vaudrait pas m i e u x qu'elle f û t gratuite a f i n d'éta-
blir u n e concordance p a r f a i t e entre la valeur m o n é t a i r e du
m é t a l et sa valeur commerciale.
On observe encore que les unités de m e s u r e des valeurs
11e sont pas en h a r m o n i e avec le système décimal (le sou
est la vingtième partie du f r a n c et le p e n n y la douzième
partie du shilling). Ne conviendrait-il p a s de procéder à un
alignement et, p a r exemple, de consolider le décime qui
n'existe que d a n s le Code Napoléon ?
Le statut des Banques d'émission ne préoccupe guère les
économistes ou l'opinion. Il est entendu que ce sont des so-
ciétés privées, concessionnaires d'un monopole, m a i s assu-
jetties à certaines règtes pour l'émission des billets. On
considère le billet c o m m e u n reçu, qui représente le métal
m i s en réserve et ne peut avoir de vraie valeur que d a n s
la m e s u r e où il est é c h a n g e a b l e contre du métal, sans con-
dition.
On ne soutient p l u s guère la théorie de la liberté absolue
des b a n q u e s (banking principle) m a i s il n ' y a pas unité de
doctrine sur la réglementation de l'émission. La couverture
intégrale, la couverture proportionnelle et le p l a f o n d absolu
ont c h a c u n leurs partisans. En tout cas on ne s'inquiète p a s
des buts de la m i s e en circulation, ni d'une relation à éta-
blir entre la m a s s e des billets et l'activité économique, ni
de la réglementation du crédit. Le métal devant régler lui-
m ê m e la quantité des m o y e n s de p a i e m e n t et la valeur de
l'unité, la seule question posée est celle du r a p p o r t entre
l'encaisse métallique des b a n q u e s et le m o n t a n t des billets.
Et le seul but de cette réglementation, à cette époque, est
d'assurer la convertibilité des billets en tout temps, c'est-
à-dire l'identité de valeur entre la m o n n a i e fiduciaire et la
m o n n a i e métallique.
Mentionnons encore la question v r a i m e n t « académique »
de savoir si la m o n n a i e est un capital fixe, ou u n capital
circulant.

Les dogmes monétaires sont acceptés alors p a r tes socia-


listes qui ne se différencient guère des libéraux. Les
marxistes restent p e r s u a d é s que la valeur de la m o n n a i e
résulte, de ses qualités intrinsèques, qu'ils attribuent (comme
b e a u c o u p de « c l a s s i q u e s » ) à son coût de production et au
travail qui y a été incorporé. H I L F E R D I N G accepte la concep-
tion métalliste et rattache ta valeur du métal à la quantité
de travail socialement nécessaire pour la produire. La va-
leur de la m o n n a i e , c'est-à-dire son rapport avec les biens,
dépend du r a p p o r t des t e m p s de travail. Les biens produits
a y a n t une valeur totale fixée à l'avance par le travail, la
quantité de m o n n a i e socialement nécessaire est celle qui
p e r m e t de faire circuler ces biens. La quantité de m o n n a i e
doit s'adapter, m a i s H I L F E R D I N G croit, lui aussi, à l'automa-
tisme. Peut-être est-il u n peu en avance sur son t e m p s du
fait qu'il reconnaît la m o n n a i e fiduciaire et la vitesse de
circulation c o m m e facteurs d ' a j u s t e m e n t spontané.
Les socialistes d'alors, marxistes ou non, ne songent
n u l l e m e n t à u n e « politique monétaire » c o m m e moyen
d'accélérer la dépossession de la bourgeoisie ou c o m m e
i n s t r u m e n t de progrès économique et social. Quelques dé-
clarations sur la suppression de la m o n n a i e d a n s la société
c o m m u n i s t e ne sont pas prises au sérieux (5).
Au total, d a n s cette période, on ne trouve a u c u n e g r a n d e
œuvre m a r q u a n t e . Comme le dit T R U C H Y , « u n état d'eu-
phorie portait les h o m m e s à j u g e r avec bienveillance le
m é c a n i s m e monétaire et à le tenir pour s a t i s f a i s a n t » . Les
m a n u e l s et traités ne font que répéter le corps de doctrine

(5) Cf. LENINE : « L'or servira p o u r les chalets de nécessité. » Ce n'est


q u ' u n e b o u t a d e de réunion publique. — Voir FEDERICI, Bibl., n" 22.
constitué au X V I I I ' et surtout au xix° siècle ( 6 ) . Les connais-
sances plus a n c i e n n e s qui devaient être ressuscitées plus
tard sont m a i n t e n a n t oubliées ou dédaignées.

Cependant, d'obscurs dissidents ou utopistes lancent des


idées ou posent des questions qui devaient acquérir la noto-
riété vingi-cinq ou trente a n s plus tard.
Les u n s veulent faire de la m o n n a i e u n s i m p l e bon
d'achat dont la valeur correspondrait à u n t e m p s de travail.
D'autres voudraient organiser un m é c a n i s m e de virement
(comptabilisme) qui p r é f i g u r e la m o n n a i e scripturale.
W I C K S E L L , p a s s a n t d ' u n e conception formelle alors domi-
nante à une conception fonctionnelle, relie la valeur de la
m o n n a i e , telle qu'elle s'exprime d a n s les prix, aux pro-
cessus d ' é p a r g n e et d'investissement; il amorce ainsi l'in-
tégration de la théorie monétaire d a n s la théorie générale du
f o n c t i o n n e m e n t économique et a n n o n c e les analyses « k e y -
nesiennes » du déséquilibre du capitalisme.
E n f i n , K N A P P , ressuscitant le vieux n o m i n a l i s m e p o u r
l'opposer au métallisme t r i o m p h a n t , ouvre p a r u n éclat de
tonnerre l'histoire de la m o n n a i e au xx" siècle. P o u r lui, le
vrai f o n d e m e n t de la validité de la m o n n a i e se trouve d a n s
l'autorité sociale et non d a n s la valeur intrinsèque. En p h i -
losophe, il recherche l'essence de la m o n n a i e et m é c o n n a î t
les questions p r o p r e m e n t économiques de pouvoir d'acqui-
sition ou de quantité. Cela suffit à déclencher un m o u v e -
ment d'idées qui devait occuper les spécialistes p e n d a n t u n
quart de siècle et f o u r n i r u n e justification a u x Gouverne-
m e n t s qui allaient exercer très extensivement leur souve-
raineté monétaire d a n s le cadre national. K N A P P a probable-
m e n t u n e b o n n e p a r t de responsabilité d a n s les g r a n d e s
inflations. P a r contre, sa contribution à la débâcle du m a -
térialisme de l'or a ouvert la voie à la m o n n a i e dirigée.

(6) Voir RIST, B i b l i o g r a p h i e , n ° 17.


SECTION 11

Les miracles et les mirages du papier-monnaie


(Du financement• de la guerre aux grandes inflations)

En 1914, dès le début des hostilités, la p l u p a r t des Gou-


v e r n e m e n t s belligérants suspendent ta convertibilité en or
des billets de banque. Ils i n a u g u r e n t ainsi un régime de
p a p i e r - m o n n a i e qui devait durer deux ou trois lustres, puis
a p r è s u n bref et partiel retour au métal j a u n e , se t r a n s f o r -
m e r en un système p r e s q u e n o r m a l de m o n n a i e fiduciaire
et scripturale. Cet événement installe ia doctrine de K N A P P
d a n s ia pratique universelle pour une très longue période.
Il importe peu que les Gouvernements se soient inspirés
des théories sur ia n a t u r e de la m o n n a i e ou qu'ils aient eu
s i m p l e m e n t l'intention de p r e n d r e u n e m e s u r e provisoire
de précaution. Le fait essentiel, d o m i n a n t toute l'histoire
monétaire de ia p r e m i è r e moitié du siècle, est l'abandon
quasi total du métallisme, en pratique c o m m e en théorie,
et son r e m p l a c e m e n t p a r un r é g i m e monétaire que l'Etat
dirige, souvent avec maladresse, p a r f o i s avec habileté.
La suspension de la convertibilité a pour objet, à première
vue, de sauvegarder les réserves d'or des Instituts d'émission
à un m o m e n t où les Gouvernements leur d e m a n d e n t d'aug-
m e n t e r leurs engagements. En réalité, m a l g r é les obscur-
cissements volontaires de l'époque, il s'agit pour l'Etat de
se procurer des ressources p a r l'émission de monnaie, sous
des f o r m e s diverses. La distinction juridique de l'Etat et
de la Banque, la présentation comptable du Bilan de cette
dernière, la promesse d'un retour à la convertibilité, la
souscription d ' e m p r u n t s d'Etat p a r le « crédit » ne sont au
fond qu'une nécessaire orchestration psychologique.
La m e s u r e réussit et produit deux miracles. Première-
ment, le public accepte sans hésitation les billets désormais
inconvertibles. Il consent m c m e , après plusieurs années de
guerre, à donner son or contre des billets « au pair ». Ni la
p r i m e de l'or, ni les transactions clandestines de métal ne
p r e n n e n t des proportions notables (7). Le cours du c h a n g e
est m a i n t e n u . Les prix montent, certes, m a i s s a n s précipi-
tation.
Ainsi, des expériences multipliées et prolongées d é m o n -
trent que la validité de la m o n n a i e vient de l'autorité so-
ciale, qui n'est p a s u n i q u e m e n t la fiction j u r i d i q u e « Etat »,
m a i s un ensemble comprenant, au delà du « p o u v o i r » , les
croyances collectives et les comportements habituels. La
valeur intrinsèque ne compte plus.
Deuxièmement, le f i n a n c e m e n t de la guerre se trouve
assuré c o m m e p a r magie. Les Etats disposent de s o m m e s
considérables, croissantes d'année en année, sans avoir
besoin de recourir exagérément à l'impôt ou à l ' e m p r u n t .
Mieux même, l'émission de m o n n a i e facilite la souscription
des e m p r u n t s et la rentrée des impôts. Mieux encore, l'acti-
vité économique est stimulée et le bien-être a u g m e n t e en
dépit de la mobilisation de tous les h o m m e s valides, en
dépit des destructions, en dépit des exigences de la produc-
tion d ' a r m e m e n t s .
Les « métallistes », a y a n t leur religion, ne voient p a s ces
prodiges. Ou plutôt, ils les voient, m a i s ils prophétisent
que cela tournera mal, puisque l'on a m é c o n n u le dogme.
P a r exemple, A N D E R S O N en 1917, conseillant a u x A m é r i c a i n s
d'étudier K N A P P , déclare que ce sera très utile pour com-
p r e n d r e la p r o c h a i n e décade de l'histoire m o n é t a i r e de
l'Allemagne et a j o u t e : « It will be well for G e r m a n y if this
is not the case » (8).
La suite des événements semble j u s t i f i e r ce pronostic.
L'émission de m o n n a i e est v r a i m e n t un procédé commode.
Les Gouvernements y recourent de p l u s en p l u s largement.
Et voilà que le p h é n o m è n e prend de la vitesse. I m p r e s s i o n
de billets, h a u s s e des prix, h a u s s e du change, a u g m e n t a -
tion des salaires et traitements, déficit budgétaire, nou-
velles émissions et ainsi de suite. D'une fois à l'autre, le
taux d'accélération a u g m e n t e . F i n a l e m e n t , en dix p a y s dille-
rents, on arrive a u x milliards, aux triilions, a u x quintillions

(7) Il s e m b l e m ê m e q u e la v a l e u r de l'or, en t e r m e s d e m a r c h a n d i s e s
ait d i m i n u é (Cf. FEDERICI, Bibl., n ° 22, p a g e 408 et sq.).
(8) B. M . ANDERSON, B i b l . , n ° 31, p . 435.
Il f a u t u n million ou deux pour p a y e r un repas. C'est l'infla-
tion galopante et la chute verticale de ia monnaie. Un doit
a n n u l e r complètement les billets ou bien les échanger con-
tre de n o u v e a u x à un million ou un milliard contre un.
Quelques pays, c o m m e ia France, l'Italie, ia Belgique, réus-
sissent à se retenir sur la pente savonnée et stabilisent leur
m o n n a i e à un cinquième ou un sixième de la valeur d'avant
guerre.
L'instabilité monétaire, qui se prolonge en Europe p e n -
dant u n e dizaine d ' a n n é e s après la f i n de ia guerre, produit
partout, à des degrés divers, les m ê m e s p h é n o m è n e s . Les
r e v e n u s n o m i n a u x augmentent, incitant chacun à dépenser
davantage et d'autant plus que l'argent ne peut se conser-
ver. L'accroissement de la d e m a n d e stimule à la fois la
h a u s s e des prix et la production. Les exportations sont f a -
ciles, puisque, en général, ia valeur externe de la m o n n a i e
d i m i n u e plus vite que sa valeur interne; on souffre plutôt
de la « perte de substance » car on vend trop bon m a r c h é
à l'étranger. Toutes les forces productives sont utilisées
On ne lésine p a s trop sur les r é m u n é r a t i o n s en monnaie,
puisque les prix sont en h a u s s e et que les produits glissent
aisément d a n s le réseau de distribution. On ne se préoccupe
p a s beaucoup du r e n d e m e n t (ou des prix de revient). La
reconstruction et ia modernisation sont hâtées car, ne pou-
v a n t é p a r g n e r en argent, on investit le plus possible sous
f o r m e de pierre et d'acier.
Tous ces déveioppements sont m a l h e u r e u s e m e n t désor-
donnés, car, en l'absence d'étalon des valeurs à peu près
stable, l'activité se déploie chaotiquement d a n s toutes les
directions sans égard a u x besoins n o r m a u x de la société
ou aux ordres d'importance. On assiste donc à u n e prolifé-
ration d'entreprises ou d'industries « m a l s a i n e s », s a n s p a r -
ler des constructions inutiles a y a n t pour seul objet de con-
vertir des liquidités indésirables en objets solides. C'est
l'époque des g r a n d s investissements m a n q u é s (10) et de
l'excessive propension à consommer.

(9) Voir à la Bibliographie: BRESCIANI-TURRONI, NOVARO, SDN. Course


and control of inflation.
(10) « Pehlinvestierung ».
Mais, les conséquences les plus significatives se produi-
sent d a n s le domaine de la répartition des r e v e n u s et affec-
tent la structure sociale. Les créanciers de s o m m e s fixées
en unités monétaires se trouvent dépossédés d ' u n e fraction
importante sinon de la totalité de leur avoir (intérêt et
principal). La richesse mobilière, qui s'était t a n t accrue et
diffusée au xix" siècle, se trouve anéantie. Selon le dérou-
lement de l'inflation, f i g u r e n t p a r m i les p e r d a n t s les r e n -
tiers, les retraités, les propriétaires, les fonctionnaires, ies
safariés. Au contraire, fes spéculateurs, les c o m m e r ç a n t s ,
les industriels, ies p a y s a n s en bénéficient, de m a n i è r e plus
ou m o i n s accentuée. U n e p r o f o n d e redistribution des for-
t u n e s et des revenus se trouve réafisée, a n a l o g u e p a r son
a m p l e u r à celle que pourrait accomplir u n e révolution, m a i s
aveugle et incohérente d a n s ses effets. A la f i n , vers 1925-
28, les conditions sociales sont nettement plus nivelées
q u ' a v a n t la guerre, m a i s il est difficile de dire d a n s quelle
m e s u r e ce nivellement est i m p u t a b l e à l'expansion m o n é -
taire ou à d'autres facteurs.

Ces i m m e n s e s événements ont n a t u r e l l e m e n t favorisé le


développement des analyses économiques et contribué à
déplacer les problèmes. La controverse m é t a p h y s i q u e sur
la nature de la m o n n a i e se poursuit sur le c h a m p de b a -
taille désigné p a r K N A P P , m a i s le centre d'intérêt se forte
vers les questions de quantité de monnaie et de prix (11).
Quelle que soit la n a t u r e de la m o n n a i e et quelles qu'en
soient ies formes, il semble bien évident q u ' u n e augmenta-
tion de la quantité des instruments de paiement [au moins
à partir d'un minimum sensible) se traduit par une cer-
taine augmentation des prix. Les discussions portent sur
les notions de « quantité de m o n n a i e » et de « prix », sur
la n a t u r e exacte de la relation entre ces deux termes, sur

(11) Mentionnons p o u r m é m o i r e q u e le c h a n g e est aussi u n e des


g r a n d e s p r é o c c u p a t i o n s d e l'époque. La question s e r a t r a i t é e d a n s un
a u t r e fascicule.
le sens de la causalité, sur le rôle du temps, sur les elïets
possibles d'accélération ou de ralentissement, et sur les f a c -
teurs extrinsèques qui peuvent intervenir (12).
La proximité des événements, des considérations politi-
ques, le désir de d é f e n d r e des thèses et la recherche de
f o r m u l e s précises c o m m u n i q u e n t à ce débat u n e grande
confusion. Des p h é n o m è n e s économiques ou psychologi-
ques de réaction, d'amplification, de neutralisation ou d ' a n -
ticipation a j o u t e n t encore à l'obscurité.
Dans cette mêlée indistincte, la f o r m u l e d'iRviNG F I S H E R
(MV + M ' Y ' = P T ) introduit u n peu de clarté et facilite
la décomposition du problème.
L'effort scientifique valable de cette période consiste :
à définir clairement la quantité des m o y e n s de paiement
(métal, billets, dépôts, etc.) et les relations entre eux.
à a n a l y s e r la notion de vitesse de circulation de la m o n -
naie;
à préciser le concept et la m e s u r e statistique du niveau
général des p r i x ;
et e n f i n à attirer l'attention sur l'importance du montant
total des transactions (13).
M ê m e si elle est, en u n certain sens, u n e tautologie, la
f o r m u l e de F I S H E R a eu le mérite de faire apercevoir la
complexité des e n c h a î n e m e n t s possibles. Les continuateurs
de Fisher en viennent à dire que n'importe lequei des f a c -
teurs p e u t être le primum movens (M, M', V, V', P ou T),
et que, lorsqu'une perturbation initiale s'est produite dans
le système, n'importe quel autre facteur peut se modifier
ou être modifié en réponse à l'excitation originaire (14).
Arrivée à ce point, la « connaissance économique » nous
fournit, en un certain langage, un tableau étendu des f a c -
teurs en jeu et de la multiplicité des liaisons ou actions
possibles. On a ouvert un domaine i m m e n s e à la recherche
plutôt que trouvé des solutions.

(12) Voir ci-après, Chapitre III.


(13) Qui révèle déjà le rôle de l'offre totale de produits et du volume
du revenu national.
(14) Voir ci-après, Chap. III.
***

Néanmoins, vers 1928, à côté ou en dehors de ces a n a -


lyses, quelques points émergent assez nettement.
Un a bien vu, en gros, les effets de l'inflation et de la
h a u s s e des p r i x sur la répartition des revenus, m a i s a u c u n e
investigation positive n'a été entreprise, f a u t e de données
statistiques.
L'Etat créateur de m o n n a i e en fixe la quantité m a i s on
constate que la quantité, loin d'être un d é t e r m i n a n t m a t h é -
matique, produit ses effets à travers tes actions humaines.
L'inquiétude ou la confiance sont devenues aussi i m p o r -
tantes, sinon davantage, que la m a s s e monétaire. Et l'on
c o m m e n c e à parler de r e v e n u s individuels reçus, dépensés,
placés, conservés (15).
Les expériences de guerre et d ' a p r è s guerre ont révélé
les possibilités de la politique monétaire. Mais, visiblement,
cette technique n'est p a s au point et ses a b u s et inconvé-
nients se sont gravés d a n s l'esprit des économistes-plus que
ses avantages virtuels. Beaucoup estiment m ê m e qu'une
telle tentation n e doit p a s être mise à la portée des Gou-
vernements. C'est pourquoi la m a j o r i t é des économistes, en
accord avec un sentiment général, souhaite u n retour à
l'étalon-or, qui se réalise partout (16) sous u n e f o r m e plus
ou m o i n s dénaturée (17).

En 1929, l'ère du p a p i e r - m o n n a i e semble terminée, m a i s


la Grande-Bretagne vient de faire une expérience d i a m é t r a -
lement opposée à celle des autres pays. Fidèle à l'étalon-or,
elle a réussi, p a r u n e politique de sacrifice, à rétablir le
p a i r ancien de la livre. Seulement, la déflation nécessaire
au sauvetage de la m o n n a i e s'est a c c o m p a g n é e du m a r a s m e
et du chômage. Depuis 1920, le n o m b r e des c h ô m e u r s ne

(15) V o i r à l a B i b l i o g r a p h i e : AFTALION et HAWTREY.


(16) L'Union Soviétique elle-même avait adopté un régime qualifié
étalon-or.
(17) V o i r ZOLOTAS e t PETRITZI.
descend j a m a i s au-dessous d'un million, ce qui a de pro-
fonds retentissements psychologiques et politiques, spécia-
lement d a n s un p a y s ou les riches ont m a i n t e n u et m ê m e
amélioré leur position.
P e u sensibles a u x problèmes de l'inflation, les économis-
tes anglais se consacrent aux problèmes du chômage, de la
dépression chronique, de la déflation, de la paralysie du
m é c a n i s m e circulatoire. N ' a y a n t p a s de m a u v a i s souvenirs
vécus, ils peuvent préconiser des m a n i p u l a t i o n s monétaires
(qui ne sont en réalité q u ' u n e politique du crédit), et d'au-
tant p l u s f a c i l e m e n t qu'ils ont confiance d a n s leurs insti-
tutions politiques. Ainsi, bien abritée de certains complexes
continentaux, la science économique anglaise parait avec
dix a n s d'avance q u a n d se pose un peu partout le p r o b l è m e
de la dépression.

SECTION 111

La monnaie fauteur de crise et facteur de reprise


(La dépression)

A partir de 1930, le centre d'intérêt se modifie encore et


cette fois aussi bien au point de vue géographique qu'au
point de vue de la n a t u r e des problèmes posés. Ce n'est
plus en Europe continentale m a i s en Angleterre et en Amé-
rique p r i n c i p a l e m e n t que va se faire l'histoire monétaire,
en pratique et en théorie. Le g r a n d problème est mainte-
n a n t de savoir si la m o n n a i e a u n e p a r t de responsabilité
d a n s la crise des affaires et, plus largement, dans le dérou-
lement du cycle. La question est a n c i e n n e pour les tech-
niciens (18) m a i s elle prend u n e résonance nouvelle auprès
d'un large public et donne lieu à des développements ori-
ginaux.

(18) Sur les théories monétaires des crises avant 1913, voir AFTALION,
Les crises périodiques de surproduction, Paris, 2 vol., 1913; ELUS, Ger-
man monetary theory, et l'article Krisen de SPIETHOFF dans le Handw.
e
der St., 4 édit.
A vrai dire, dans cé déplacement du centre d'intérêt, la
signification de la m o n n a i e se restreint. Il ne s'agit plus des
faits p r o p r e m e n t monétaires m a i s de la dépression écono-
m i q u e générale et du rôle que joue, seul ou plus probable-
m e n t p a r m i d'autres, le facteur monétaire.
Le m a n q u e de débouchés — m a i g r é Jean-Baptiste SAY —
reste la m a n i f e s t a t i o n la p l u s visible du malaise. On n e
trouve p a s de clients, m u n i s de m o y e n s de p a i e m e n t indis-
pensables et disposés à acheter. L'opinion publique, toute
simple, dit : « 11 n'y a point d'argent. »
Ce m a n q u e d'argent peut s'expliquer soit p a r u n e insuffi-
sance des i n s t r u m e n t s de paiement, soit p a r quelque arrêt
ou ralentissement de sa circulation.
Puisqu'il y a des f o r m e s multiples de monnaie, la diffi-
culté est attribuée soit à l'or, soit a u x billets, soit au crédit.
Et en r e m o n t a n t p l u s haut, les u n s i n c r i m i n e n t les insti-
tutions monétaires chargées d'émettre la m o n n a i e , tandis
que pour d'autres les revenus monétaires attribués a u x t r a -
vailleurs ne sont p a s équivalents au produit de leur travail.
On discute aussi sur le véritable caractère du « m a n q u e
d'argent » ; est-ce un p h é n o m è n e occasionnel ou périodique,
ou est-ce un trait p e r m a n e n t de notre r é g i m e et y a-t-ii
une insuffisance chronique du pouvoir d'achat ?
Entre 1930 et 1940, le débat se resserre. Il reste dominé
p a r l'insuffisance de fa d e m a n d e effective. Pourtant, on ne
veut guère croire à une p é n u r i e de m o y e n s de p a i e m e n t
(ils se créent si f a c i l e m e n t en p a y s anglo-saxon) ou à un
m a n q u e de revenus monétaires (on reste m a i g r é tout atta-
ché à une partie de la loi de SAY), et l'on s'intéresse sur-
tout a u x p h é n o m è n e s circulatoires et d'emploi des revenus.
Cette m a n i è r e de poser le p r o b l è m e i m p l i q u e l'abandon
de la conception métailiste de la m o n n a i e . Cetie-ci n'est
plus u n e m a r c h a n d i s e , a y a n t u n e valeur propre. C'est un
bon d'achat ou une créance sui ç/encris, dont la f o r m e m a t é -
rielle ne compte pas et qui n ' a p a s de « v a l e u r » en soi. Le
pouvoir d'acquisition de l'unité est u n reflet du niveau des
prix. Malgré le retour a p p a r e n t à l'étalon-or d a n s la troi-
sième décade du siècle, le t r i o m p h e de K N A P P , W I E S E R ,
A F T A L I O N est assuré implicitement p a r l'orientation des a n a -
lyses anglaises.
La m o n n a i e a y a n t cessé d'être une entité indépendante,
on étudie, avons-nous dit, t'utilisation et la circulation -du
pouvoir d'acquisition, à travers toute l'économie. Le déten-
teur, à un m o m e n t donné, peut, soit le garder, soit l'em-
ployer. Dans ce dernier cas, il peut consommer ou investir;
la question de l'utilisation de l'épargne, qui prend une i m -
portance démesurée, est u n point déclaré névralgique (19),
d a n s le problème plus général de l'emploi des revenus.
Celui qui reçoit l'argent le t r a n s m e t à son tour : il paie
des m a r c h a n d i s e s , r é m u n è r e des ouvriers, rembourse des
créanciers, etc.; il f a u t donc suivre le processus de circu-
lation. U n e attention particulière est accordée à ces causes
de perturbation que sont l'accélération ou le ralentissement,
l'expansion ou la contraction. La théorie monétaire s'intè-
gre donc d a n s la théorie économique générale et, p a r m i les
effets, on s'attache désormais moins aux prix qu'au volume
total d'activité et à l'emploi de la m a i n - d ' œ u v r e .
Ce que l'on appelle analyse monétaire semble se réduire
à l'étude du t a u x de l'intérêt envisagé c o m m e déterminant
m a j e u r de la conduite des « entrepreneurs » et des « épar-
g n a n t s ». Devenue de plus en plus étroite, de plus en plus
abstraite, c o n f i n é e d a n s des modèles dont les hypothèses
sont la négation m ê m e du m o n d e réel, cette analyse donne
l'impression de s'être p e r d u e d a n s u n byzantinisme sté-
rile (20). Il en restera cependant quelques idées directrices
au l e n d e m a i n de la guerre (investissements, plein emploi,
déficit budgétaire).
***

Les événements monétaires de la décade précédant la se-


conde guerre n'ont q u ' u n lointain rapport avec les déve-

(19) D'après VILLARD ( S u r v e y of Contemporary Economies) KEYNES a


eu le mérite de se concentrer s u r u n point s t r a t é g i q u e au lieu de con-
sidérer l'ensemble. L'inconvénient de cette méthode est q u e si ce point
est m a l choisi l'analyse q u e l'on en fait au microscope perd tout inté-
rêt et l'on a négligé le reste. ROBERTSON a spirituellement opposé le
p r o j e c t e u r , qui illumine brillamment u n petit secteur en laissant d a n s
l'obscurité u n territoire i m m e n s e et le ver luisant qui, d u moins, éclaire
impartialement tout ce qui l'entoure.
(20) Cf. les commentaires sévères de VILLARD, d a n s le Survey, p. 330-
331. Voir aussi ROBERTSON, Survey of monetary controversy, in Essays.
loppements théoriques que nous venons d'évoquer. Le fait
est paradoxal pour des p a y s où la recherche se pique de
pragmatisme.
La dévaluation de la livre sterling en 1931 se rattache à
des préoccupations d'ordre international plutôt q u ' à la poli-
tique monétaire intérieure et entraîne l'Angleterre, avec dix
ans de retard, sur le c h e m i n d é j à p a r c o u r u p a r les conti-
nentaux. Le maintien d ' u n t a u x d'intérêt très b a s est le
seul écho des théories nouvelles.
La dévaluation du dollar témoigne de la persistance du
dogme métalliste. Beaucoup s ' i m a g i n e n t qu'il suffit de c h a n -
ger le contenu or du dollar p o u r que, aussitôt, les prix
montent, c o m m e si les prix étaient l'expression d'un r a p p o r t
préexistant entre la valeur des m a r c h a n d i s e s et la valeur
de l'unité monétaire. P a r u n r a p p r o c h e m e n t qui n'est p a s
r a r e en politique, cette conception a n c i e n n e voisine avec
l'idée m o d e r n e d'expansion du pouvoir d'achat et de déficit
nécessaire du budget. Que ce soit p r u d e n c e ou timidité, la
politique monétaire ne joue p a s g r a n d rôle d a n s l'expérience
HOOSEVELT.
Les autres dévaluations (France, Belgique, etc.) sont
tournées vers le c o m m e r c e extérieur. Leur intérêt p r i n c i p a l
est de m o n t r e r que les Gouvernements n'hésitent p a s à m a -
nipuler la valeur de l'unité et que le public s'y habitue,
que le t a u x de c h a n g e compte p l u s que la définition en or
et que les f o n d s d'égalisation r e m p l a c e n t les m o u v e m e n t s
de métal. Mais, on n'y trouve p a s grand'chose d'intéressant
en ce qui concerne la politique m o n é t a i r e interne. S a n s
doute est-on trop près encore des g r a n d e s inflations pour
recourir à des procédés antidéflationnistes.

L'Allemagne, pourtant, f a i t exception. En dépit de l'amer-


t u m e laissée p a r la dépréciation vertigineuse du m a r k ,
elle m e t en œuvre un système compliqué de f i n a n c e m e n t
grâce auquel les forces disponibles sont r a p i d e m e n t mobi-
lisées et intégrées d a n s le processus de production. Le cloi-
s o n n e m e n t total de l'économie a l l e m a n d e p e r m e t de m a -
n œ u v r e r la m o n n a i e à l'abri des i n f l u e n c e s externes (21),
si bien que ce p a y s est celui qui se relève le plus vite.de
la dépression et participe à l'essor le plus vigoureux. L'Alle-
m a g n e m e t à l'épreuve une technique nouvelle de m o n n a i e
dirigée en économie f e r m é e que beaucoup d'autres pays
ont adoptée à partir de 1940 (22). Peut-être était-il nécessaire
que ce f û t l'Allemagne elle-même, centre d'où s'était pro-
pagée l'inquiétude de l'inflation, qui démontrât l'efficacité
de la politique monétaire c o m m e facteur de reprise. En ou-
tre, l'Allemagne présente un nouvel aspect du problème
monétaire : j u s q u ' a l o r s les p h é n o m è n e s monétaires avaient
été analysés en supposant un système libéral-individualiste
ou capitaliste; il allait falloir m a i n t e n a n t envisager ces
m ê m e s p h é n o m è n e s d a n s une économie plus ou moins pla-
nifiée ou dirigée.
Certes, toute l'expérience est faussée par l'attitude agressive
du nazisme et le rôle des a r m e m e n t s , mais, avec le recul
du temps, il f a u t savoir déceler le grand intérêt de l'expé-
reince a l l e m a n d e de f i n a n c e m e n t entre 1932 et 1943.

S'il nous a été facile de caractériser l'état de la « science


monétaire » à la veille de la p r e m i è r e guerre, il est b e a u -
coup plus difficile de dessiner u n tableau semblable pour
l'année 1939. Le relativisme et le doute ont détruit l'ortho-
doxie d'autrefois, m a i s u n e nouvelle doctrine n'est p a s
encore dégagée. Tout au plus peut-on signaler quelques
t e n d a n c e s nouvelles.
On admet, en général, qu'il incombe à l'Etat non seule-
m e n t de donner la validité à la monnaie, m a i s encore d'en
fixer la quantité et d'en faire varier la valeur (spécialement
p a r r a p p o r t a u x m o n n a i e s étrangères). On incline vers le
nationalisme monétaire — g a r a n t i p a r les fonds d'égalisa-
tion ou p a r les contrôles des changes — comme moyen
indispensable de m a i n t e n i r la souveraineté monétaire in-

(21) Nous laissons de côté ici les problèmes de contrôle des changes.
(22) Voir Robert MossÉ, L'essor économique de l'Allemagne, Revue
pol. pari., m a r s 1936.
terne. Un reste très sensible au d a n g e r d'inflation, m a i s
l'idée d ' u n e politique monétaire consciente a d é j à pénétré
p r o f o n d é m e n t . Un est convaincu en tout cas qu'il est plus
important de combattre la m i s è r e et le c h ô m a g e que de
m a i n t e n i r i'étalon-or ou une parité quelconque.
La science économique a t e n d a n c e à négliger les pro-
blèmes monétaires, absorbée qu'elle est p a r K E Y N E S . N a t u -
rellement, le General Theory affecte les problèmes m o n é -
taires, m a i s il est malaisé de dire ce que f u t cet i m p a c t
en 1939. Du point de vue auquel nous nous plaçons ici —
évaluer le progrès de la connaissance — il nous semble
que l'on pourrait, d'une m a n i è r e tout à fait générale, tirer
deux enseignements de l'œuvre de Keynes :
d'abord en r e m p l a ç a n t la m a s s e m o n é t a i r e p a r des pro-
pensions, il a réintégré l'action h u m a i n e —• rationnelle ou
capricieuse — d a n s le processus économique, m a i s il a
p r o b a b l e m e n t tort quand il prétend mettre la fonction de
consommation en f o r m u l e .
ensuite, il a r a p p e l é que le but de la théorie c'est u n e
politique et s'il a tort de songer au job avant de songer au
revenu, il a raison de placer l ' h o m m e avant l'or.
Un s ' a c h e m i n e ainsi vers ce qui est peut-être la caracté-
ristique dominante de l'économie du miiieu du siècle : libé-
ration à l'égard du m a t é r i a l i s m e — classique ou m a r x i s t e —
du xix" siècle et p r é é m i n e n c e de l ' h o m m e c o m m e a n i m a -
teur et c o m m e f i n .

SECTION IV

La planification autoritaire et le dirigisme monétaire


(La seconde guerre et le conflit des systèmes)

En contradiction singulière avec le progrès des idées sur


la m o n n a i e dirigée et dirigeante, la seconde g u e r r e est
conduite, sur le p i a n économique, p a r des m e s u r e s direc-
tes et autoritaires.
Les Gouvernements utilisent la p l a n i f i c a t i o n en nature
pour orienter les ressources vers les affectations a p p r o -
priées. Plutôt que de consentir des contrats a v a n t a g e u x aux
f a b r i c a n t s de brodequins militaires, l'Etat interdit l'emploi
du cuir aux sacs de dame. Au lieu d'ofïrir des salaires éle-
vés d a n s telle b r a n c h e importante, on affecte les travailleurs
à un job ou bien on leur interdit de changer d'emploi.
Souvent, les produits sont canalisés, de stade en stade, p a r
voie d'autorité, depuis le collecteur de p e a u x de lapin
j u s q u ' à l'utilisateur ultime. Dans le domaine de la con-
sommation, des règlements décident qu'il ne suffit pas de
proposer de l'argent pour obtenir n'importe quelle m a r -
chandise, à n'importe quel moment, de n'importe quel ven-
deur, m a i s qu'il f a u t aussi u n ticket ou un bon valable
exclusivement pour une catégorie de m a r c h a n d i s e s , au
cours d'une période déterminée et p a r f o i s dans un établisse-
m e n t désigné.
U n e telle déchéance imposée à la monnaie, bien loin de
la discréditer c o m m e institution, la réhabilite p a r u n dou-
ble enseignement.
D'une part, la m o n n a i e est privée de certaines de ses ca-
cactéristiques f o n d a m e n t a l e s et leur absence nous donne,
m i e u x que leur présence, u n e claire compréhension de leur
signification. On savait bien que la m o n n a i e est u n e créance
erc/a omnes, m a i s on comprend m i e u x désormais que c'est
u n instrument qui nous confère ta liberté de choisir le pro-
duit, le lieu, le moment, le vendeur. Dans la limite du
n o m b r e d'unités à notre disposition et de la valeur en m a r -
chandises de l'unité, la monnaie, — p a r comparaison avec
le r a t i o n n e m e n t ou la distribution autoritaire, — nous offre
u n e a d m i r a b l e g a m m e d'options. La notion de monnaie,
c o m m e i n s t r u m e n t de choix individuel (bearer of options)
s'installe d a n s la conscience collective, complétant celle de
pouvoir d'acquisition et excluant complètement la préoccu-
pation d'utilité intrinsèque.
D'autre part, le p e r f e c t i o n n e m e n t du ticket ou du coupon
spécialisé a conduit à un système de « p o i n t s » , qui réin-
troduisent u n e certaine m a r g e d'option. P a r exemple, dans
la Limite de 180 « points textiles », on peut acheter soit des
chaussettes, soit u n e cravate, etc. Les points deviennent une
véritable unité de compte abslraitej servant à m e s u r e r les
« droits » de c h a c u n et à comparer les m a r c h a n d i s e s entre
elles. Cela confirme, si besoin est, la possibilité et la com-
modité d'une unité p u r e m e n t abstraite; une unité de m e -
sure des « valeurs » n ' a pas besoin d'être matérialisée ni
m ê m e définie p a r u n poids de m é t a l ; le « p o i n t » suliit.
Le n o m b r e de points que « vaut » c h a q u e objet est d'abord
fixé arbitrairement p a r voie d'autorité; c'est un repère. Cer-
taines m a r c h a n d i s e s sont très d e m a n d é e s ; si le disponible
n'est p a s suffisant, on a u g m e n t e le n o m b r e de points exigé.
D'autres m a r c h a n d i s e s restent en stock; on d i m i n u e le tari!
« points » pour allécher les clients.. Ainsi, de proche en
proche, on retrouve les problèmes et les solutions habituels.
La « valeur », ou le prix en points, se fixe p a r t â t o n n e m e n t s
au moyen de l'offre et de la d e m a n d e ; et il y a u n « prix
d'équilibre » où offre et d e m a n d e coïncident. Les « points »
remontent de l'acheteur au producteur, en p a s s a n t p a r les
détaillants et grossistes; il y a donc une circulation à
analyser ou à réglementer. 11 f a u t aussi que le r y t h m e
d'achat soit en h a r m o n i e avec le r y t h m e de m i s e en vente.
Pour les dirigeants, le « point » offre des avantages in-
comparables. Avec des r e n s e i g n e m e n t s n u m é r i q u e s sur la
production présente et future, il est possible de régler
l'émission des points, de période en période. P a r la p é r e m p -
tion, on élimine les reports de d e m a n d e ou les é p a r g n e s
intempestives. P a r la spécialité plus ou m o i n s accentuée,
on évite les déséquilibres horizontaux entre les b r a n c h e s .
P a r l'impossibilité d'utiliser les points a u x investissements,
on écarte u n problème redoutable. Et p a r la répartition éga-
litaire, on croit résoudre le problème social en m ê m e t e m p s
que celui de la comparaison des utilités m a r g i n a l e s entre
individus.
Quelle belle matière à réflexions pour la théorie f u t u r e
de la m o n n a i e !
L'idéal ne serait-il pas de maintenir tout ce qu'il y a de
liberté dans la monnaie et tout ce qu'il y a de possibilités
de direction souple et de répartition équitable dans les
points ?

En ce qui concerne ïinflation, ia seconde guerre m o n d i a l e


a apporté peu de nouveautés. Le r a t i o n n e m e n t et le contrôle
des prix ont limité, m a i s non empêché, des émissions exces-
sives de moyens de paiement. Ils en ont surtout e m p ê c h é
les m a n i f e s t a t i o n s immédiates. Le pouvoir d'acquisition
« refoulé » a p u p a r f o i s être absorbé p a r des e m p r u n t s
(Etats-Unis, Angleterre). Ailleurs, il s'est exprimé dans les
transactions clandestines qui sont arrivées quelquefois à
constituer un circuit parallèle au circuit principal.
A la fin des hostilités, la pression inflationniste a entraîné
la h a u s s e des prix et stimulé la production, c o m m e après
1918. Bien que les divers pays soient situés différemment d a n s
l'échelle des inflations (la France, p a r exemple, est plus
atteinte q u ' a p r è s l'autre guerre) on peut dire que, en géné-
ral, l'inflation a été moins accentée (23). A part la question
du « r e f o u l e m e n t », elle n'a pas soulevé de problèmes bien
n o u v e a u x ni suscité d'apport scientifique original.

Le principal problème de l'après-guerre est institutionnel


plutôt que fonctionnel. Nous ne s o m m e s ni d a n s un système
capitaliste — ou libéral individualiste — ni d a n s un système
de planification intégrale ou de c o m m u n i s m e . Dans quel
système hybride nous trouvons-nous donc ? Vers quel sys-
tème allons-nous ? ou quel système appelons-nous de nos
v œ u x ? Telles sont les grandes interrogations du milieu du
siècle. C'est p a r r a p p o r t à ces interrogations que l'on com-
m e n c e m a i n t e n a n t à situer les problèmes monétaires.
Les doctrines socialistes et les expériences de l'Union So-
viétique avaient d é j à 1 soulevé la question d u - r ô l e de la
m o n n a i e d a n s des systèmes p r o f o n d é m e n t différents du
capitalisme. Fallait-il la s u p p r i m e r complètement ? ou la
conserver en l'adaptant ?
La m o n n a i e soviétique (24) est u n bon d'achat donnant
droit à des biens de consommation. Elle est nationale et
inconvertible en or. Elle ne permet pas d'acquérir des

(23) En partie probablement à cause du blocage des changes et en


g r a n d e partie grâce à l'aide américaine.
(24) En laissant de côté le r e c o u r s plus ou moins prolongé ou occa-
sionnel à des tickets, à des bons-torgsin ou à la j o u r n é e de travail.
m o y e n s de production, m a i s elle peut être épargnée sous
f o r m e liquide ou p a r l'intermédiaire de la souscription
d ' e m p r u n t s . Le circuit monétaire est relativement facile à
connaître et à diriger. L'Etat étant en principe le seul pro-
ducteur et le seul vendeur de produits et services peut
adapter — théoriquement — la m a s s e du pouvoir d'achat
distribué au îlot des biens et services mis en vente. Cela
n'élimine nullement la possibilité de déséquilibre, p a r exem-
ple p a r excès d'investissement, p a r insuccès de la produc-
tion ou p a r m a u v a i s e planification.
Si l'inconvertibilité et l'étanchéité ne sont plus des c a r a c -
tères distinctifs de ce système, il en conserve trois :
1) la m o n n a i e ne p e r m e t pas d'investir;
2) l'Etat p l a n i f i e s i m u l t a n é m e n t la m a s s e monétaire, les
revenus et la production;
3) la circulation ne s'opère qu'entre deux p e r s o n n a g e s
(l'Etat, l'individu).
De telles expériences doivent inciter les économistes à
reconsidérer les hypothèses institutionnelles (ou le cadre
structurel) avant de pousser plus avant les analyses de f o n c -
tionnement. Ces dernières, si elles sont conduites d a n s un
« cadre » sans r a p p o r t avec la réalité actuelle, n'ont 1 plus
a u c u n intérêt (25).
Si la théorie prétend déterminer exactement, avec deux
décimales, u n multiplicateur en supposant u n e pluralité
d'entrepreneurs i n d é p e n d a n t s b a s a n t leurs décisions sur des
calculs rationnels d'intérêts à 0,25 % près, elle fait f a u s s e
route, car elle ne traite p a s les problèmes qui se posent
réellement et elle cherche des solutions qui ne sont p a s
la vraie connaissance.
Ce que les hommes veulent vraiment savoir c'est s'il est
possible de « manœuvrer » la monnaie de manière à corri-
ger certains inconvénients graves du régime actuel et à y
introduire plus de bien-être et de justice sociale. Ou bien
s'il est possible et désirable de construire u n nouveau régime
d a n s lequel des m é c a n i s m e s monétaires réaliseraient la

(25) Cf. la conclusion de SAULNIER s u r les données institutionnelles.


synthèse tant souhaitée de la prospérité, de l'équité et de
la liberté (26).
Depuis un demi-siècle, la théorie monétaire a sans doute
s u f f i s a m m e n t élaboré les concepts f o n d a m e n t a u x et suffisam-
m e n t étudié l ' i n f l u e n c e de la m o n n a i e d a n s la vie écono-
mique, pour pouvoir m a i n t e n a n t s'orienter vers les problè-
m e s de la politique monétaire, conçue non seulement c o m m e
i n s t r u m e n t de direction stratégique de l'économie m a i s en-
core c o m m e élément institutionnel d'un système nouveau
en gestation.

Au total, le g r a n d événement de la période a été la dé-


chéance du métal et son r e m p l a c e m e n t p a r des i n s t r u m e n t s
que contrôlent des institutions sociales qui ont souvent abusé
ou m é s u s é de leur pouvoir.
Dans le d o m a i n e de la connaissance, on a découvert l'in-
f l u e n c e prodigieuse de la m o n n a i e sur la vie économique
et les possibilités d'action qu'elle offre.
Si l'on s'est laissé aller à l'enivrement de la vitesse et à
celui des b r u s q u e s coups de frein, il reste à a p p r e n d r e à
m a n i e r l'outil plus s a g e m e n t et à en tirer tout le bien dont
il est capable.

(26) C f . ROBERTSON e t PIGOU.


CHAPITRE DEUXIÈME

LA NOTION D E MONNAIE

Dans ses p r e m i è r e s étapes, une science se préoccupe sou-


vent de trouver l'essence (ou tout au m o i n s les caractères
essentiels) des p h é n o m è n e s étudiés, de les n o m m e r , de les
définir, de distinguer leurs variétés et de les classer, de dis-
cerner, s'il y a lieu, leurs fonctions. Le chapitre que nous
abordons passe en revue ces différents problèmes qui gravi-
tent autour de la notion de m o n n a i e .
Il évoque tout d'abord la question f o n d a m e n t a l e de la
nature de la m o n n a i e , qui a tenu u n e si g r a n d e place d a n s
la littérature scientifique. La controverse de la m o n n a i e -
m a r c h a n d i s e et de la monnaie-signe, vieille de vingt-cinq
siècles, s'est poursuivie avec a m p l e u r au cours des c i n q u a n t e
dernières années. Elle a abouti à la défaite p r e s q u e totale
de la conception matérialiste dont la s u p r é m a t i e était com-
plète en 1900.
Il rappelle ensuite le problème de la valeur de la m o n n a i e ,
étroitement lié au précédent. T a n d i s que, au début du siècle,
on cherchait la valeur en soi de la m o n n a i e , a u j o u r d ' h u i
on se contente, en général, d'en m e s u r e r les variations à
l'aide des indices de prix.
En troisième lieu, il indique l'évolution de l'analyse des
fondions remplies p a r la m o n n a i e , liée n a t u r e l l e m e n t à la
t r a n s f o r m a t i o n de ces fonctions. La fonction de réserve de
valeur compte beaucoup m o i n s désormais. En r e v a n c h e , u n e
fonction nouvelle est a p p a r u e , celle d ' i n s t r u m e n t de direction
stratégique de la vie économique.
Les formes de la m o n n a i e se sont m o d i f i é e s aussi très
radicalement. Le présent Chapitre montre, d a n s sa section
IV, c o m m e n t la « science » a f i n i p a r reconnaître que les
billets et certaines écritures sont u n e véritable m o n n a i e , de
sorte que, a u j o u r d ' h u i , 011 se préoccupe moins de concepts
et plus de r e c e n s e m e n t s complets et réguliers.
F i n a l e m e n t , le chapitre est complété p a r quelques préci-
sions sur le développement de la documentation chiffrée,
qui est, peut-être, l'actif le plus solide à inscrire d a n s un
bilan de la connaissance économique.
P o u r présenter ces aspects variés de la notion de m o n -
naie, le Chapitre II est divisé en cinq sections :
Section I. — La nature de la monnaie.
Section II. — Sa valeur.
Section III. — Ses fonctions.
Section IV. — Ses formes.
Section V. — La mesure statistique.

SECTION I

La nature de la monnaie

Il ne peut être question ici de présenter un échantillon-


n a g e des i n n o m b r a b l e s conceptions relatives à la nature de
la m o n n a i e (1), m a i s seulement de r a p p e l e r les deux p r i n -
cipales interprétations et d'ouvrir quelques avenues sur la
portée générale de la controverse.
Depuis A R I S T O T E ( 2 ) , qui n'avait réussi ni à concilier les
deux conceptions opposées, ni à p r e n d r e parti entre elles,
l'histoire des théories monétaires a été p r o f o n d é m e n t m a r -
quée p a r le conflit entre ceux qui considèrent la m o n n a i e
c o m m e u n e m a r c h a n d i s e et ceux qui la considèrent comme
un signe.
Toute métaphysique qu'elle est (3), la prise de position sur
la n a t u r e de la m o n n a i e est décisive car elle oriente les

(1) Voir dans la partie bibliographique: ELUS (n° 10), FEDEMCI (n° 22),
GONNARD ( n ° 1 3 ) , HALM ( n ° 1 5 ) , P r n o u ( n ° 2 4 ) , W I E S E R H d w ( n ° 2).
(2) Voir G. MAJORANA, « Le teorie délia moneta e dël valore in ARISTO-
TELLE », G. d. Economisti, janvier 1926.
(3) Howard ELLIS a répondu par avance à ceux qui prétendent r e j e -
ter ces discussions métaphysiques. 11 invoque l'exemple de la physi-
que, dont la « validité scientifique dépend d'une métaphysique correcte
explications et les recherches sur l'origine de la monnaie,
sur sa valeur, sur ses fonctions et sur ses f o r m e s ; en outre
elle conditionne la politique monétaire.

Les partisans de la monnaie-marchandise se r é f è r e n t à


une évolution historique, plus ou moins reconstruite avec
l'aide de la logique. Pour remédier a u x inconvénients du
troc primitif, on aurait d'abord recouru — disent-ils — à
des m a r c h a n d i s e s d'utilité courante (bétail, moutons, grain,
etc.). Puis, certains métaux, p a r t i c u l i è r e m e n t utiles en r a i -
son de leur malléabilité, de leur solidité, de leur beauté,
seraient devenus la m o n n a i e p a r excellence. Dans les socié-
tés modernes encore, pensent-ils, la seule vraie m o n n a i e est
celle qui consiste en pièces de métal a y a n t u n e valeur propre,
u n e valeur commerciale, en tant que m a r c h a n d i s e . Le billet
ne serait pas une vraie m o n n a i e et ne serait acceptable et
accepté qu'en raison de sa convertibilité, i m m é d i a t e ou
espérée, en métal précieux.
Si l'on admet que la m o n n a i e est, d a n s sa substance, une
m a r c h a n d i s e , sa valeur découle de sa bonilas intrinseca et
il n'y a qu'à lui appliquer les explications générales valables
pour toutes les m a r c h a n d i s e s (4). Le taux de l'échange, entre
u n produit quelconque et l'unité monétaire, est le résultat
d'une confrontation entre deux « vaieurs » déterminées au
préalable, c h a c u n e de façon i n d é p e n d a n t e (5). L'approvi-
s i o n n e m e n t en i n s t r u m e n t s de p a i e m e n t se règle, tout natu-
rellement, c o m m e pour tout bien, p a r un m é c a n i s m e smithien
d'offre et de d e m a n d e . Si la « m o n n a i e » est insuffisante,
elle prend de la valeur, ce qui en stimule la production, et
vice-versa. La quantité de biilets doit être réglée p a r le

du temps, de l'espace, de la masse et de l'énergie ». Lorsque certains,


il y a un q u a r t de siècle, voulaient appliquer à la science économique
des enseignements tirés des sciences physiques, ils ne pensaient pas.
certes, q u e l'un de ces enseignements serait la nécessité et l ' u r g e n c e
d ' u n ados métaphysique.
(4) Voir Section II ci-après.
(5) Voir ci-après, Chap. III, Section I, § 1, p. 71.
métal, c h a q u e billet représentant une pièce. L'autorité n'a
p a s à se mêler des questions monétaires, sauf pour garantir
le poids et le titre p a r u n e m a r q u e et pour empêcher l'émis-
sion intempestive de billets (et encore !). Les seules pertur-
bations à redouter sont la découverte de nouveaux fiions et
les c h a n g e m e n t s d a n s la technique d'extraction et de raffi-
nage.
Cette conception métatliste et matérialiste, qui a été' sou-
vent affirmée d a n s l'histoire, a connu u n e vogue r e m a r q u a b l e
depuis la f i n du X V I I I " siècle j u s q u ' à la g r a n d e dépression.
Elle correspondait aux r é g i m e s monétaires de la p l u p a r t des
pays, où circulaient o r d i n a i r e m e n t des pièces de métal pré-
cieux et où la liberté du commerce et de la f r a p p e p e r m e t -
tait de m a i n t e n i r u n e équivalence entre la valeur légale et
la valeur commerciale. Mais elle a c o m m e n c é à déchoir
quand on a découvert que l'or l u i - m ê m e est u n e m o n n a i e
fiduciaire, reposant sur des croyances et q u a n d on a dé-
m o n t r é que la valeur commerciale du métal provient en
g r a n d e partie de sa l'onction monétaire. Cependant elle con-
serve a u j o u r d ' h u i des d é f e n s e u r s zélés, particulièrement
d a n s les p a y s qui ont souffert de troubles monétaires graves.
U n e telle conception est a la fois formelle, naturaliste et
individualiste. Formelle en ce sens qu'elle s'attache à l'appa-
rence tangible de l'instrument, et non à sa fonction. Natu-
raliste en ce sens que ce serait la nature et non 1' « artifice »
qui aurait f o u r n i à l ' i n s t r u m e n t monétaire sa réalité physi-
que (l'or et l'argent sont des corps simples) et son utilité
(le brillant satisferait u n désir instinctif). Individualiste,
enfin, parce que l'individu seul, en contact direct avec la
m o n n a i e - m a r c h a n d i s e , lui trouve et lui attribue une valeur
d'usage ou d'échange, et parce que la m o n n a i e peut cons-
tituer u n e richesse individuelle, i n d é p e n d a n t e des institu-
tions sociales (6).

(6) Cf. TURGOT, Réflexions, éd. VIGREUX, p. 101 : « Voilà dono l'or
et l ' a r g e n t constitués m o n n a i e et monnaie universelle et cela s a n s a u -
c u n e convention arbitraire des h o m m e s , s a n s l'intervention d ' a u c u n e
loi, m a i s p a r la n a t u r e des choses. » Les expressions employées p a r
TORGOT f o n t r e s s o r t i r la liaison étroite e n t r e cette conception et la
philosophie n a t u r a l i s t e d u XVIII' siècle.
Les caractères de la conception métaltiste permettent d e
c o m p r e n d r e les motifs de son déclin depuis quelques d é c a -
des. Elle ne trouve plus m a i n t e n a n t l'appui qu'elle trouvait
a u p a r a v a n t d a n s une philosophie matérialiste d o m i n a n t e et
d a n s u n individualisme incontesté. Mais, surtout, elle n'est
plus en h a r m o n i e avec la réalité. Les neuf dixièmes des
h o m m e s (au moins) n'ont j a m a i s r e m i s ou reçu en p a i e m e n t
une pièce d'or. Et le destin de c h a q u e individu est étroite-
ment lié à celui dé sa société (7).

Les ade-ptes de la monnaie-signe r e g a r d e n t la m o n n a i e


c o m m e un symbole c o n f é r a n t u n e sorte de droit à celui qui
le détient p a r délégation de quelque autorité sociale. Ils ne
m a n q u e n t pas, eux non plus, d ' a r g u m e n t s historiques, ethno-
g r a p h i q u e s et sociologiques. Que ce soit p a r magie, s u p e r s -
tition, religion, tradition, coutume ou ordre du chef, les
i m a g e s et les représentations recèlent souvent u n pouvoir
ou u n e valeur considérable, abstraction faite de leur subs-
tance.
Pourtant, ils se concentrent sur l'analyse des données
contemporaines. C'est u n fait a b s o l u m e n t indiscutable que
des i n s t r u m e n t s monétaires circulent et r e m p l i s s e n t leur
fonction i n d é p e n d a m m e n t de toute valeur intrinsèque en
tant que m a r c h a n d i s e . Des cas n o m b r e u x ont été observés
avant 1914. Depuis lors, l ' i n s t r u m e n t m o n é t a i r e s a n s v a l e u r

(7) On a essayé de s a u v e r la théorie de la monnaie-marchandise au


moyen de l'argumentation suivante : la monnaie serait u n bien écono-
mique (on r a j e u n i t le t e r m e marchandise) d a n s son essence, (c'est-à-
dire possédant u n e v a l e u r et faisant l'objet d ' u n e d e m a n d e et d ' u n e
offre) bien q u e n'étant pas, dans sa substance, u n e m a r c h a n d i s e con-
crète directement utilisable. Elle serait u n bien économique en raison
de son pouvoir d'acquisition ou de l'option qu'elle confère. Des « liqui-
dités » peuvent même être recherchées comme ayant u n e signification
indépendante. Sous cette f o r m e t r è s atténuée, la théorie de la monnaie-
m a r c h a n d i s e se r a p p r o c h e singulièrement de la théorie nominaliste
(cette dernière ne nie pas q u ' u n « signe » soit un bien économique;
et il f a u t y voir seulement un s u b t e r f u g e terminologique pour s a u v e r
la face.
intrinsèque est devenu la règle générale (8). Qu'est-ce alors
que la m o n n a i e ? Quelle est sa nature ?
K N A P P apporte u n e réponse qui, après m i s e au point,
devait devenir l'orthodoxie du milieu du siècle (9). Pour lui,
l'Etal crée la monnaie, et lui donne la force libératoire qui
la r e n d acceptable d a n s u n territoire donné, s a n s pouvoir
n é a n m o i n s en fixer à son gré la « valeur » en termes réels.
La m o n n a i e est essentiellement u n m o y e n de p a y e r une
dette ou un achat.
WIESER et S C H U M P E T E R affinent la conception nouvelle.
La m o n n a i e est u n e créance ( A n w e i s u n g ) sur la société, qui
sert à acquérir des biens. Sa valeur dérive donc de celle des
biens qu'elle p e r m e t d'obtenir (10). Son utilité m a r g i n a l e
dépend des quantités de m o n n a i e et de biens. En d'autres
termes, la m o n n a i e « est u n moyen matériel d'objectiver
la créance sur la collectivité » (11), u n e « créance au por-
teur sur le produit social (12) ou encore « la m o n n a i e t r a n s -
f o r m e la dette née d'un r a p p o r t individuel en u n moyen
d'achat indifférencié; elle la rend sociale, en l'étendant
d a n s l'espace, d a n s la personne, d a n s l'objet et en la per-
p é t u a n t d a n s le t e m p s » (13).
Simple théorie institutionnelle, cette conception va suggérer
u n e approche nouvelle au problème de la détermination du
pouvoir d'acquisition de la monnaie. Au lieu de confronter
la « valeur » d'un certain poids de métal avec une m a r -
chandise, on est a m e n é à confronter l'ensemble des créan-
ces avec la masse des marchandises disponibles. Les re-
cherches s'orientent soit vers l'analyse d'équations, soit vers
l'étude des. indices, soit vers les m é c a n i s m e s fonctionnels.

(8) Les m é t a l l i s t e s n e p e u v e n t p l u s ê t r e q u e des « d o c t r i n a i r e s » q u i


recommandent un régime.
(9) La publication de la Staatliche Theorie des Geldes en 1905, a p p a -
r a î t a u j o u r d ' h u i , d a n s la p e r s p e c t i v e d u demi-siècle, c o m m e u n évé-
n e m e n t de toute p r e m i è r e g r a n d e u r , soit en tant q u e s o u r c e d'inspiration
p o u r la liiéorie et la p r a t i q u e , soit en t a n t qu'oeuvre p r o p h é t i q u e . Voir
Bibliographie, n ° 2 et n ° 65.
(10) Gomme d a n s le cas des biens de production, V. ELLIS, p. 7G.
( 1 1 ) MOSSE, Ann. Dr. Sc. soc., 1935, p. 184.
(12) MOSSÉ, Econ. collectiviste, p. 69. <
(13) BAUDIN, La Monnaie, p. 375 (Bibliogr., n° 14).
Et c o m m e la m o n n a i e est une institution h u m a i n e , on com-
prend qu'elle a besoin d'être résiée. Le n o m i n a l i s m e conduit
donc à la politique monétaire que prohibait le métallisme.
Au point de vue international, le pair métallique fait place
à la parité des pouvoirs d'achat, en attendant q u ' u n e pro-
mulgation internationale (14) des parités élargisse le do-
m a i n e du n o m i n a l i s m e .
A u j o u r d ' h u i adopté, consciemment ou non, p a r la g r a n d e
m a j o r i t é des auteurs, le n o m i n a l i s m e nous fournit une théo-
rie fonctionnelle, abstraite et sociale de la m o n n a i e , qui
rénove l'analyse scientifique et la pratique.

SECTION II

La valeur de la monnaie

En relation étroite avec la question de la n a t u r e de la


m o n n a i e — c o m m e on a pu s'en apercevoir à la Section I —
se pose celle de sa valeur. Celle-ci comporte deux aspects.
P r e m i è r e m e n t , on peut se d e m a n d e r pourquoi la monnaie
a de la valeur ? Deuxièmement, on peut se d e m a n d e r com-
ment se détermine la dimension de cette valeur pour une
unité.

P o u r les mètallisles, les deux questions appellent des ré-


ponses liées. La m o n n a i e a de la valeur parce qu'elle est
u n e m a r c h a n d i s e , et son quantum dépend de la valeur, en
tant que m a r c h a n d i s e , du métal que contient l'unité. Il ne
reste plus q u ' à se r é f é r e r à la théorie générale de la v a -
leur (15).
Dans la p r e m i è r e moitié du xix" siècle avait régné le
coût de production et spécialement le t e m p s de travail, qui
survit encore c o m m e un f a n t ô m e des t e m p s passés. Le prix

(14) C'est ee q u ê t a i t le F o n d s m o n é t a i r e de Bretton W o o d s .


(15) V. FRANÇOIS-PERROUX, « L'intégration de la théorie de la v a l e u r
de la monnaie à la théorie g é n é r a l e de la v a l e u r des biens. » Tt. Econ.
contempor., sept.-oct. 1943.
d'un objet en unités monétaires deyait donc exprimer le
r a p p o r t entre le coût de production de cet objet et cèlui
d'un poids de métal. Si u n e paire de bottes se vend 20 frs,
ce serait parce qu'il f a u t le m ê m e t e m p s pour produire une
paire de bottes et l'or contenu d a n s la pièce. Ces idées
étaient d é j à périmées au début du xx° siècle.
Dans la seconde moitié du xix" siècle, l'utilité m a r g i n a l e
s'impose et on l'applique à la monnaie. On prend c o m m e
« provision donnée » soit les disponibilités d'un individu,
soit celles de la société. La p r e m i è r e f o r m e d'analyse (uti-
lité m a r g i n a l e individuelle) montre que l'unité monétaire
n ' a p a s la m ê m e signification subjective pour tous les indi-
v i d u s : le billet de cent f r a n c s a plus d'importance pour le
p a u v r e que pour le riche; cela conduit à une critique fon-
damentale du m é c a n i s m e capitaliste d'aiïectation des res-
sources au moyen des prix (16). La deuxième f o r m e d ' a n a -
lyse (utilité m a r g i n a l e sociale) permet d'attribuer u n rôle
à la quantité (ou à la rareté) d a n s la détermination de la
valeur de l'unité monétaire. On dit alors que c'est la limita-
tion de la quantité — en soi ou p a r rapport à la production
des biens — qui fait la valeur de la monnaie. On peut ainsi
relier la théorie de la valeur de la m o n n a i e à la conception
quantitativiste et se d é b a r r a s s e r des vieilles idées sur le coût
de production qui imposaient la notion de « r a p p o r t pré-
e x i s t a n t » entre deux valeurs.

Les nominalistes utilisent aussi le m a r g i n a l i s m e (17).


Quoique n'étant pas u n bien physique, le signe, la créance

(16) L'objection suivant laquelle il n'existe pas de m e s u r e commune


des évaluations d'individus différents (no bridge) prouve seulement
q u e le phénomène n'est pas susceptible de m e s u r e précise et objective.
Il n'en existe pas moins, comme la f o u d r e existe, même si l'on ne peut
en m e s u r e r « l'électricité ».
(17) Malgré les services qu'il a rendus, le marginalisme n ' a pas été
ici un élément d'orientation aussi décisif q u e l a - t h é o r i e de l'offre et
d e la demande. Les métallistes eux aussi se servent de l'offre et de la
d e m a n d e : ils appliquent ces notions aux m é t a u x précieux comme on
l'a vu plus haut.
a une utilité, non seulement en tant que pouvoir d'achat
(utilité indirecte) m a i s encore en tant qu'option, en tant que
droit, de différer une décision. En vérité, les nominalistes
ne s'attardent pas beaucoup sur le p r e m i e r aspect du pro-
blème de la valeur (le pourquoi). Ils l'admettent assez volon-
tiers c o m m e u n e donnée de fait et ils s'intéressent d a v a n -
tage au second aspect du problème.
Libérés de l'obsession de la valeur en soi, les n o m i n a -
listes considèrent que la valeur de la m o n n a i e c'est « ce
que la m o n n a i e achète ». La m o n n a i e a u g m e n t e de valeur
quand les prix baissent et vice-versa. Le niveau des prix
devient ainsi le problème central. L'attention se porte alors
sur les indices de prix, c o m m e m o y e n de m e s u r e r la « va-
leur » de la m o n n a i e et, plus encoré, sur les f a c t e u r s qui
i n f l u e n c e n t le niveau des prix.
U n e p r e m i è r e méthode d'approche part de ce fait que la
m o n n a i e sert à acheter des produits et services, qu'elle est
donc u n des d é t e r m i n a n t s de la demande totale (ou de
toutes les d e m a n d e s particulières). On sera ainsi a m e n é à
étudier les processus p a r lesquels s'exerce l'action de la
m o n n a i e (18).
Suivant u n e deuxième méthode d'approche, il y aurait
véritablement u n e demande et u n e offre de m o n n a i e . La
d e m a n d e de m o n n a i e serait la d e m a n d e de capital liquide
ou de liquidités, é m a n a n t en général d'entrepreneurs. Quant
à l'offre, elle serait bien, en un sens, le total des i n s t r u m e n t s
monétaires existants, m a i s elle devrait être regardée plutôt
c o m m e offre de capital, é m a n a n t soit des « é p a r g n a n t s »
soit du système bancaire.
Ainsi, on quitte le terrain de la théorie m o n é t a i r e pro-
p r e m e n t dite pour passer sur le terrain du prêt de capital
liquide. Le « prix » de l'argent n'est plus la valeur de l'unité
monétaire, m a i s le prix de l'usage d'une somme pendant
u n certain temps, soit le loyer de l'argent ou intérêt. On
peut donc dire qu'il y a un t a u x naturel de l'intérêt, qui
est celui où l'offre (épargne) et la d e m a n d e (investissement)
coïncident, et appliquer les analyses classiques sur le prix

(18) Voir ci-après, Chapitre III.


naturel et le prix de marché, ou les analyses plus récentes
sur les relations entre prix et quantités offertes et d e m a n -
dées. On en viendra à penser qu'un taux d'intérêt relative-
m e n t élevé réduit la m i s e en circulation de m o n n a i e puisque
les e n t r e p r e n e u r s demandent moins d'argent, ce qui, p a r
application de la théorie quantitative, provoque la baisse
des prix. Le m é c a n i s m e du taux de l'intérêt se trouve donc
e m b r a y é sur la détermination de la quantité de monnaie.

Vers 1930 ou 1935, le problème m é t a p h y s i q u e de la « va-


leur » de la m o n n a i e semblait bien éliminé de la théorie
économique et, a u j o u r d ' h u i encore, les économistes anglo-
a m é r i c a i n s ne s'en préoccupent guère. Cependant, l'expérience
vécue de l'inflation a laissé dans l'esprit des h o m m e s l'idée
que le f r a n c ou le florin, fussent-ils un p a p i e r - m o n n a i e ,
ont u n e sorte de valeur, qui se m a n i f e s t e n o t a m m e n t p a r
le cours du change, officiel ou parallèle. Et cette croyance,
si naïve soit-elle, a u n e i n f l u e n c e directe sur les compor-
t e m e n t s et les prix. P a r une action artificielle sur le c h a n -
ge, il est possible j u s q u ' à un certain point de restaurer ou
m a i n t e n i r la confiance et p a r suite de limiter la hausse des
prix. On ne saurait donc dire d'une façon absolue que la
valeur de la m o n n a i e , conçue c o m m e noumène, ait entière-
m e n t d i s p a r u au profit du p h é n o m è n e « niveau général des
p r i x ».

SECTION III

Les fonctions de la monnaie

Rebutés p a r les controverses sur l'essence de la m o n n a i e


et le f o n d e m e n t de sa valeur, beaucoup d'économistes
c o n t e m p o r a i n s s'intéressent plutôt à son rôle dans la vie
économique, a f f i r m a n t ainsi une conception fonctionnelle.
*

Au début du siècle, on reconnaît généralement à la m o n -


naie trois fonctions distinctes m a i s organiquement liées.
La m o n n a i e sert d'intermédiaire entre deux échanges
successifs effectués p a r le m ô m e individu avec deux co-
échan?istes différents. Au lieu d'échanger directement du
blé contre du pain, l'agriculteur vend le p r e m i e r pour de
l'argent avec lequel il achète le second. La m o n n a i e est
un « lertiura permittalionis », c'est-à-dire la contre-presta-
tion ou le contre-poids, qui facilite le m o u v e m e n t des biens
entre individus libres de se d é f a i r e ou non de leurs biens.
On exprime la m ê m e idée, de façon m o i n s complète, en
disant que la m o n n a i e est un moyen de p a y e r ou d'éteindre
une dette. Pour que la m o n n a i e (ou un i n s t r u m e n t quelcon-
que) puisse r e m p l i r cette fonction, il f a u t que celui qui la
reçoit ait la possibilité et l'assurance de pouvoir s'en servir,
à son tour, vis-à-vis d'une autre personne. Il faut donc u n e
sorte de consentement général.
En second lieu, la m o n n a i e est une unité de mesure des
valeurs, un valorimètre, a-t-on dit, ou encore un d é n o m i -
n a t e u r c o m m u n , un « terlium comparationis », un étalon.
L'unité peut être une m a r c h a n d i s e concrète nettement d é f i -
nie (un mouton, u n e livre d'argent.) 011 bien u n e unité de
compte de caractère abstrait (la livre tournois ou le point,
voir Chapitre I, section IV).
En troisième lieu, la m o n n a i e s e r t - d e réserve de valeur,
p e r m e t t a n t de conserver le pouvoir d'acquisition entre la
vente et l'achat.
A cette époque d ' u n a n i m i t é sur l'essentiel, certains auteurs
veulent affirmer leur originalité en suscitant de stériles que-
relles de p r é s é a n c e et de terminologie. Comme à Louis
BAUDIN, la distinction que prétend faire un P. A. W A L K E R (19)
entre la fonction de m e s u r e des valeurs et celle de déno-
m i n a t e u r c o m m u n « nous p a r a î t subtile et s u p e r f l u e ». Il
est également s a n s intérêt de savoir si la fonction d'inter-
médiaire d a n s l'échange est plus importante que celle de
m e s u r e des valeurs ou si elle lui est antérieure. Et on peut
aussi reléguer à l'arrière-plan la question de savoir si la
fonction de réserve est une fonction i n d é p e n d a n t e ou déri-

(19) Voir Bibliographie, n ° 1.


vée de l'une des autres et s'il vaut mieux parler de l'étalon
des p a i e m e n t s différés.
Les deux aspects les plus caractéristiques des idées du
début du siècle sont, d'une part, l'étroite association établie
entre les trois fonctions et, d'autre part, les hypothèses sous-
jacenles à l'analyse des fonctions.
J u s q u ' à l'époque d ' A d a m S M I T H , on distinguait presque
t o u j o u r s la m o n n a i e de compte, — unité p u r e m e n t abstraite,
définie a r b i t r a i r e m e n t et indirectement p a r le souverain, —
et la m o n n a i e des paiements, qui consistait en pièces m é -
talliques. Cette dualité a y a n t favorisé les n o m b r e u s e s m u -
tations monétaires de l'Ancien Régime, on crut éliminer les
troubles monétaires en s u p p r i m a n t la m o n n a i e de compte
abstraite, en d é f i n i s s a n t l'unité monétaire p a r un poids de
métal et en mettant en circulation des pièces de métal qui
correspondaient p a r leur poids à un certain n o m b r e d'unités.
Le f r a n c de g e r m i n a l , p a r exemple, était à la fois l'unité de
m e s u r e et u n e pièce d'argent de cinq g r a m m e s . On était
alors p e r s u a d é que l'étalon de m e s u r e doit posséder la qua-
lité à mesurer; de m ê m e que le mètre a u n e certaine lon-
gueur, de m ê m e — pensait-on — l'étalon des valeurs doit
avoir u n e certaine valeur en lui-même. La possibilité de
m i s e en réserve découlait tout naturellement de cette con-
ception synthétique. Ainsi, le métallisme conférait u n e belle
unité à la conception fonctionnelle de la monnaie.
Au cours des dernières décades, u n e dissociation s'est
opérée, d a n s les faits et d a n s les théories, entre les diverses
fonctions. L'instrument, n ' a y a n t plus de valeur en soi, n e
peut plus être considéré c o m m e la matérialisation de l'unité.
Et l'on songe de m o i n s en moins à l'argent comme réser-
voir de valeur (20), soit à cause de l'insécurité monétaire,
soit p a r c e que, d a n s les sociétés modernes, la thésaurisa-
tion est un a n a c h r o n i s m e (n'y a-t-il p a s des actions, des
titres d'Etat et diverses méthodes de placement ?). Comme,
p a r ailleurs, la valeur de l'unité légale, m e s u r é e p a r les

(20) On a été parfois tenté d'enlever a u x i n s t r u m e n t s de paiement


leur fonction de réserve de manière à éviter les arrêts intempestifs.
La monnaie f o n d a n t e — Silvio Gesell —• Expérience de Vôrgl. Voir ci-
après les Observations de FEDERICI.
prix, se modifie assez f r é q u e m m e n t , ie pubiic a été obligé
de recourir à des unités de compte particulières (le quintal
de blé, le dollar, le souverain, etc.) en utilisant les instru-
ments habituels c o m m e moyens de paiement.
C'est pourquoi, au milieu du siècle, les trois aspects sont
redevenus entièrement distincts, et ils ont c h a c u n leurs
problèmes.
Au lieu de p a r l e r de la fonction « réserve » de la m o n -
naie, on part du désir de m i s e en réserve et l'on aboutit
a u x problèmes de l'épargne et de l'investissement.
Le besoin d'une unité stable est devenu plus intense, m a i s
l'on a essayé de le satisfaire p a r une action directe sur le
niveau des prix ou sur le change, plutôt qu'en d o n n a n t un
contenu métallique aux i n s t r u m e n t s de p a i e m e n t (21).
E n f i n , le problème de l'approvisionnement en m o n n a i e ,
spécialement p a r le crédit, fait l'objet d'études indépen-
dantes (22).
***

Le deuxième aspect caractéristique des idées du début


du siècle est la référence, g é n é r a l e m e n t implicite, à un
certain cadre institutionnel. La notion d ' i n s t r u m e n t d'échan-
ge suppose évidemment u n échange entre individus sou-
verains. Cela i m p l i q u e un régime de propriété privée, c o m -
portant un droit absolu de disposition sur les biens. Gela
implique aussi u n état psychologique et social d a n s lequel
le procédé n o r m a l d'acquisition est la f o u r n i t u r e d ' u n e
contre-partie, dont le m o n t a n t est fixé p a r u n processus de
m a r c h a n d a g e . Bref, la théorie monétaire suppose u n e n s e m -
ble sociologique reflétant correctement la situation de la
F r a n c e ou des Etats-Unis vers 1914.
Depuis lors, on s'est aperçu que la circulation des biens
entre individus peut être réglée p a r l'Etat, ce dernier déter-
m i n a n t les fournisseurs, les acquéreurs, les quantités, les
prix, etc. On a vu aussi que les biens pouvaient être t r a n s -

(21) Cf. aussi les idées de Benjamin GRAHAM s u r la c o u v e r t u r e en


marchandises. Voir Bibliographie.
(22) On sait bien qu'il y a u n e certaine relation entre l'excès des
émissions monétaires et le niveau des prix, mais le déclin de la théorie
quantitative facilite la dissociation des fonctions.
férés p a r dépossession forcée. Mais, surtout, on a découvert
que le réseau des relations inter-individuelles libres peut
être r e m p l a c é ou complété p a r un type nouveau de relations
entre l'Etat (ou u n e g r a n d e unité quelconque) et les indi-
vidus. Le v e r s e m e n t d'une contre-partie cesse alors d'être
le m o y e n principal ou exclusif de déclencher u n e volonté
autonome. Gela devrait conduire u n j o u r ou l'autre à une
théorie fonclionnellement étatisle de la m o n n a i e car l'Etat
n'est plus s i m p l e m e n t le créateur de la monnaie, il est l'un
des partenaires principaux d a n s la circulation ou, souvent,
l'ordonnateur des transactions.

Cependant, en dépit de la dissociation des fonctions et des


c h a n g e m e n t s de structure, il reste bien établi que la m o n -
naie doit r e m p l i r la fonction de m e s u r e et la fonction d'ins-
t r u m e n t de paiement. Mais, un certain nombre d'idées se
manifestent.
Le xx" siècle a vu revenir, sous la p l u m e de certains
socialistes bien intentionnés, les imprécations traditionnelles
contre le veau d'or. Considéré dans son aspect sociologique
et moral, l'argent serait un facteur de démoralisation et de
corruption. On dénonce la t y r a n n i e de l'argent assimilée au
capitalisme. Pourtant, il n'y a là q u ' u n e réminiscence affai-
blie. La critique du r é g i m e se porte de p r é f é r e n c e sur d ' a u -
tres terrains, surtout à partir du m o m e n t où l'on s'aperçoit
que m ê m e une société socialiste doit utiliser la monnaie,
sous peine de devenir u n e caserne ou u n e prison.
P l u s nouvelle sans doute est la théorie suivant laquelle la
m o n n a i e est un i n s t r u m e n t de choix (« a bearer of options »).
La m o n n a i e , pouvoir d'acquisition, p e r m e t de choisir la
m a r c h a n d i s e , le vendeur, le moment. P a r contraste avec les
méthodes de distribution autoritaire, elle sauvegarde la li-
berté et défend le consommateur. « La m o n n a i e remplace
l'autorité. On n e c o m m a n d e plus, on paie » (23).

(23) Robert MOSSE. « Monnaie, capitalisme, économie planifiée », in


Annales du Droit et des Sciences sociales, Paris, Sirey, 1935.
Plus importante et plus décisive encore est l'idée que la
m o n n a i e est un moyen commode et efficient pour agir sur
l'activité économique en général ainsi que sur la réparti-
tion du revenu social.
Nous s o m m e s m a i n t e n a n t d a n s un cadre nouveau. L'or
détrôné, les Gouvernements dirigent la m o n n a i e et s'en ser-
vent pour intervenir d a n s la vie économique (24).
P a r le cours du change, on essaie d'agir sur le c o m m e r c e
extérieur, soit que l'on veuille stimuler les exportations,
soit que l'on veuille améliorer le r a p p o r t d'échange. P a r la
m a n œ u v r e du taux de l'escompte on prétend ralentir les
essors excessifs ou provoquer la reprise. P a r la politique
quantitative ou qualitative du crédit, on entend orienter les
forces productives vers telles ou telles b r a n c h e s . Le m o u -
vement déclenché p a r K N A P P a abouti à une véritable révo-
lution. Désormais, l'Etat m a n œ u v r e la m o n n a i e c o m m e le
« dispatcher » des eaux du Tennessee ouvre et f e r m e les
écluses a f i n de remplir ou de vider tel bassin, d'irriguer
telle terre, de produire de l'énergie électrique, de f o u r n i r un
tirant d'eau à la batellerie, ou de prévenir l'inondation.
La m o n n a i e p e r m e t m ê m e de m o d i f i e r la répartition, selon
le point d'impact de l'attribution des nouveaux i n s t r u m e n t s
monétaires. Ici, nous pénétrons sur un territoire presque
inexploré, qui comporte p r o b a b l e m e n t pour l'avenir b e a u -
coup de possibilités.

Ces idées nouvelles sur les fonctions de la m o n n a i e com-


m e levier de c o m m a n d e nous obligent a u j o u r d ' h u i à concen-
trer l'attention sur le problème de l'émission, qui est s a n s
doute le problème que la seconde moitié du siècle a u r a le
plus besoin d'étudier. On ne trouvera sans doule plus g r a n d '
chose de bien nouveau en ce qui concerne l'intermédiaire
de l'échange, la m e s u r e des valeurs et la réserve. Mais, on
r é p o n d r a à de graves préoccupations c o n t e m p o r a i n e s en

(24) Voir P. 0 . GRAHAM, « P r i m a r y f o n c t i o n s of m o n e y » , Amer. Econ.


R. Proceedings, 1940, p. 1-16.
a n a l y s a n t de plus près l'instrument du libre choix et l'irts-
trument de direction stratégique de la vie économique.

SECTION IV

Les formes de la monnaie

Les c h a n g e m e n t s d a n s la f o r m e de l'organe monétaire


traduisent, sur le plan de l'expérience quotidienne, la pro-
f o n d e t r a n s f o r m a t i o n qui s'est opérée d a n s les premières
décades du siècle. Si la m o n n a i e a été autrefois animal,
végétal ou m i n é r a l , de nos jours, elle s'est dématériali-
sée (25), devenant s i m p l e m e n t u n e abstraction j u r i d i q u e ou
comptable.
* **

En 1914, les règlements sont effectués en m a j e u r e partie


au m o y e n d'espèces métalliques. Seul l'or est regardé comme
1a. vraie m o n n a i e permettant u n e libération authentique et
définitive, les autres m o y e n s de p a i e m e n t étant acceptés
d a n s la m e s u r e où ils sont échangeables sans délai et
s a n s condition contre des pièces d'or. Le métal j a u n e est
en f a i t la m o n n a i e internationale incontestée.
On recourt n a t u r e l l e m e n t a u x compensations, sur le plan
national et international, c o m m e u n moyen pratique d'évi-
ter des d é p l a c e m e n t s d'espèces, m a i s les soldes débiteurs
doivent être réglés en « vraie » monnaie.
Cependant, le billet de b a n q u e est d é j à bien entré d a n s
les m œ u r s . Les économistes anglais (RICARDO, T H O R N T O N ,
etc.) y avaient consacré beaucoup d'ingéniosité, mais, on
n e le considère pas c o m m e u n e vraie monnaie. De l'avis
général, le billet est u n e promesse faite p a r u n e Banque
de verser à vue au porteur u n e certaine s o m m e en métal,
ou, vu p a r l'autre face, u n e créance sur de l'or. Evidem-
ment, l'acceptation générale de ce billet — c o m m e substi-
tut provisoire — dépend de la confiance qu'inspire la ban-
que émettrice.

(25) Voir WIESER, HDW.


Sur le plan théorique, la première escarmouche contre
le métallisme consiste à soutenir que le billet est, lui aussi,
une m o n n a i e (26), quoique d'un genre un peu spécial,
puisqu'il repose sur la confiance, ce qui lui vaut le quali-
ficatif de « fiduciaire ». Le p r e m i e r tiers du siècle est r e m -
pli de controverses sur le caractère du « Billet ». Est-il u n
simple reçu de dépôt, représentant u n e m a s s e métallique
mise à l'abri en lieu sûr ? Ou bien ne serait-il pas un véri-
table succédané du métal ?
Sur le plan pratique, les analyses se concentrent sur les
liens unissant l'or et les billets. Etant a d m i s que le billet
tire sa valeur (et m ê m e son existence) de son échangeabi-
lité contre du métal, on se d e m a n d e : quelles sont les m e -
sures à attendre d'une b a n q u e d'émission (ou à lui imposer)
pour garantir, en tout temps, cette échangeabilité ? Quel
doit être le m o n t a n t (ou la proportion) des réserves métalli-
ques p a r r a p p o r t aux billets émis ? Quelles doivent être
les règles de l'émission ? Appartient-il à l'Etat de régle-
m e n t e r l'émission ? voire de fixer le statut des Banques qui
émettent des billets ?
A la veille de la p r e m i è r e g r a n d e guerre, les controverses
du siècle précédent ont abouti à un accord à peu près géné-
ral sur les points suivants :
l'émission des billets est u n e affaire sérieuse qui ne peut
être livrée à l'initiative de b a n q u e s indépendantes se fai-
sant concurrence entre elles;
• l'Etat doit accorder à une seule B a n q u e le monopole de
l'émission et, en contre-partie, lui imposer certaines règles;
la quantité des billets émis doit être en relation avec la
quantité d'or détenu p a r la B a n q u e ; mais, ici, les avis sont
partagés q u a n t à la n a t u r e exacte de la relation (couver-
ture à 100 % ou moins).
Et, bien entendu, la c o m m u n a u t é de vues quant au fond
n ' e m p ê c h e pas les agitations de s u r f a c e . P a r exemple, on
discute volontiers la question de savoir si la convertibilité
est l'objectif s u p r ê m e (la réserve n'étant q u ' u n moyen) ou

(26) W I T H E R S , ANSIAUX, MISES.


bien si l'essentiel est de limiter l'émission à une certaine
proportion, la couverture étant le vrai régulateur de la q u a n -
tité.

Les vicissitudes de la guerre a m è n e n t une distinction


entre la monnaie de papier qui, m a i n t e n a n t le lien avec l'or,
est tout de m ê m e une m o n n a i e et le papier-monnaie qui,
inconvertible, n'est qu'un papier r e m p l i s s a n t dans de m a u -
vaises conditions le rôle d ' i n s t r u m e n t de paiement. Simul-
t a n é m e n t , s'accentue l'intervention de l'Etat d a n s l'émission
de m o n n a i e .

Mais, les habitudes se t r a n s f o r m e n t , surtout d a n s les pays


anglo-saxons. Le n o m b r e des personnes ayant u n compte en
b a n q u e a u g m e n t e et l'on prend l'habitude de payer p a r
chèque ou p a r simple ordre de virement de compte à compte.
Le m o u v e m e n t est encouragé p a r certains Gouvernements
s ' i m a g i n a n t que les nouveaux i n s t r u m e n t s n'ont pas le m ê -
m e effet inflationniste que les billets. Ainsi, une nouvelle
catégorie d ' i n s t r u m e n t s monétaires se développe qui, vers
1938, sert à effectuer un total de règlements beaucoup plus
i m p o r t a n t s que les billets. C'est la monnaie scripturale, car
il suffit désormais d ' u n simple jeu d'écritures.
U u e nouvelle question se pose alors aux économistes. Ces
jeux d'écritures réalisent-ils une véritable création de m o n -
naie ? J u s q u ' a l o r s les établissements de crédit avaient été
considérés c o m m e prêtant aux uns l'argent des autres. Mais,
ne peuvent-ils pas, en autorisant une personne à devenir
débitrice, créer un pouvoir d'achat nouveau, ex nihilo ? (27)
Après de longues controverses, l'affirmative a t r i o m p h é et
la création de crédit a été assimilée à la création de m o n -
naie. P a r conséquent, tout établissement de crédit est p r o m u
au r a n g de b a n q u e d'émission. Ainsi, c o m m e au début du
xix" siècle : la liberté des initiatives privées, en concurrence
entre elles pour l'émission, se trouve rétablie. Et la contro-

(27) Cette thèse a été soutenue notamment par LAUGHLIN, SCHUMPETER,


MIREAUX, HAHN, ROBERTSON, e t n i é e par CANNAN, LANSBURG, etc.
verse du banking principle et du currency principle renaît,
appliquée cette fois à la m o n n a i e scripturale.
Les partisans modernes du Currency principle deman-
dent la nationalisation et le contrôle du crédit, c'est-à-dire
la reconstitution du monopole de l'émission sous l'autorité
de l'Etat.
Puisque tous les i n s t r u m e n t s sont équivalents (billets,
chèques, etc.) ils doivent être assujettis à une- réglemen-
tation homogène. Mais, c'est seulement p e n d a n t et après
la seconde guerre mondiale que l'on tire toutes les consé-
quences pratiques, voir politiques, de l'assimilation du
« crédit » à la monnaie.

Louis B A U D I N a clairement posé le problème de l'évolu-


tion des f o r m e s de la monnaie. « Si la m o n n a i e est p a r -
venue au stade sociologique du comptabilisme, elle est pres-
que restée à son point de départ dans l'ordre moral. P l u s
la m o n n a i e se dématérialise, plus elle tombe sous le con-
trôle de l ' h o m m e et la sagesse h u m a i n e ne paraît guère
avoir progressé (28) ». Il en tire cette conclusion que l'or
doit conserver sa p r é é m i n e n c e à titre de garde-fou. Il est
bien exact que la difficulté n'est p a s d'ordre technique m a i s
presque métaphysique. Il s'agit de savoir si l'on peut faire
confiance à des institutions h u m a i n e s , à la compétence et
à la raison de ceux qui tiennent les leviers de c o m m a n d e
ou si, en désespoir de cause, on p r é f è r e la « royauté » arbi-
traire d'un métal. Si l'on devait suivre la thèse de B A U D I N ,
il f a u d r a i t aussi r e f u s e r a u x Gouvernements le pouvoir
d'organiser l'instruction et m ê m e celui de faire des lois.
La solution ne serait-elle p a s plutôt de tenter de f o r m u l e r
des n o r m e s de sagesse et de rechercher les meilleurs m o y e n s
de choisir, de former, de contrôler les dirigeants de la po-
litique monétaire ? Cette question sera évoquée au chapitre
quatrième. Mais, pour pouvoir agir, il f a u t savoir et com-
prendre. Au chapitre troisième, on verra quel a été le pro-
grès de notre connaissance et de notre compréhension des
e n c h a î n e m e n t s et des m é c a n i s m e s .

(28) Op. cit., p. 32.


SECTION V

Progrès de la mesure statistique

Certains pourraient soutenir que la t r a n s f o r m a t i o n sur-


venue depuis c i n q u a n t e a n n é e s d a n s les théories et d a n s
les pratiques monétaires, loin d'être un progrès, est une
régression. Mais, personne ne peut nier l'ampleur et la por-
tée du progrès réalisé d a n s la connaissance n u m é r i q u e des
p h é n o m è n e s . Qui sait si les générations f u t u r e s ne carac-
tériseront p a s notre époque c o m m e l'âge des chiffres plu-
tôt que l'âge de la compréhension ? Et ne devrions-nous
pas, en f a i s a n t l'inventaire du travail d'une génération, dire
seulement « nous avons c o m m e n c é à rassembler les don-
nées qui permettront a u x économistes de l'avenir de mieux
c o m p r e n d r e et diriger la m o n n a i e » ?

La p r e m i è r e g r a n d e préoccupation a été de m e s u r e r la
valeur de la m o n n a i e a u moyen d'indices des prix (29).
En q u a r a n t e ans, on est passé du néant à la maturité.
A u j o u r d ' h u i , les concepts de base, les méthodes de relevé
et de calcul sont fixés et les g r a n d s p a y s publient toute une
g a m m e d'indices m e n s u e l s (parfois m ê m e hebdomadaires)
tout-à-fait dignes de confiance (30). Le théoricien peut,
selon son inspiration, utiliser les prix de gros ou les prix
de détail, ceux des biens de production ou des biens de
consommation, etc.
P o u r les m o y e n s de paiement, la statistique des billets de
b a n q u e en circulation a été p e n d a n t longtemps une solu-
tion de facilité, qui traduisait mal les faits réels. Depuis
quelques années, le concept d'offre totale de m o n n a i e

(29) Voir p a r e x e m p l e Hdvv. d e r St. Article Geld (Die M e s s u n g de-3


G e l d w e r t e s ) et Louis BAUDIN, 2E éd. 1947, p. 376 sq.
(30) Les p r i n c i p a u x sont r e p r o d u i t s r é g u l i è r e m e n t d a n s International
Financial Statistics, qui d o n n e des précisions s u r les m é t h o d e s d e cal-
cul et les s o u r c e s originales.
(total morte y supply) et celui de liquidités totales ont été
élaborés; ils ont permis l'établissement de statistiques
complètes et sans doubles emplois des instruments de paie-
ment existants à un m o m e n t donné (31).
Les statistiques du revenu national et de la production,
d é j à bien au point aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne,
permettent de confronter les p h é n o m è n e s s p é c i f i q u e m e n t
monétaires avec d'autres aspects m a j e u r s de la vie éco-
nomique.
Il n'est plus p e r m i s désormais de se contenter d'illustrer
une théorie p a r quelques exemptes; les données sont dispo-
nibles qui rendent possible une vérification extensive et
systématique.
Sans doute des lacunes importantes subsistent encore,
m ê m e dans les p a y s les plus avancés. On sait peu de cho-
ses sur la répartition des instruments monétaires (ou du
pouvoir d'achat) entre les individus ou les catégories d'indi-
vidus. On est i n s u f f i s a m m e n t i n f o r m é sur l'emploi du pou-
voir d'achat p a r g r a n d e s classes de dépenses (32) ainsi que
sur la circulation des instruments de paiement.
En dépit de ces insuffisances, on peut probablement affir-
mer que si, en 1900, la théorie était en avance sur la con-
naissance chiffrée, a u j o u r d ' h u i c'est le contraire qui est
vrai. Les m a c h i n e s à statistiques produisent des chilfres à
un r y t h m e dépassant la capacité d'absorption de notre
intellect. De sorte que les efforts prochains devraient porter
surtout sur l'utilisation des chiifres disponibles. L'assimi-
lation des données, l'effort pour en tirer quelque chose
d'intelligible est sans doute l'une des préoccupations m a -
jeures au m o m e n t où nous abordons la seconde moitié du
siècle.
Mais, la connaissance ne sortira pas des chiffres p a r u n
processus mécanique.

(31) V. L. CURRIE, The Supply and control of Money in the U.S., Cam-
bridge U.S.A.. 1934. — ANQELL (voir Bibliographie, n° 32), The Behavior
of Money, 1936. P o u r la France, voir Etudes et Conjoncture.
(32) Toutefois, les statistiques du revenu national commencent à f o u r -
nir des renseignements précieux.
CHAPITRE TROISIÈME

L'ACTION DE LA MONNAIE

Avant 1914 l'influence de la m o n n a i e sur l'économie est


considérée comme négligeable. Les économistes la croient
« neutre » et pensent que tout se passe c o m m e si elle n'exis-
tait pas. La monnaie, certes, facilite l'échange, m a i s suivant
la tradition ricardienne elle n'aurait point d'action auto-
nome sur la production ou la répartition, ni m ê m e , a.joute-
t-on parfois, sur les prix. Mis à part les. cas pathologiques
et les perturbations passagères, l'échange interne ou inter-
national, sur une période relativement longue, se r a m è n e r a i t
à un troc et il suffirait d'étudier les p h é n o m è n e s réels sans
trop se soucier du voile monétaire (1).
Ces thèses sont tombées dans u n discrédit total. Depuis
deux ou trois décades, les spécialistes admettent que la
monnaie, p a r sa valeur, par sa quantité, p a r son m o u v e -
ment, exerce une action profonde sur les prix, sur le r y t h -
m e d'activité, sur le nombre des travailleurs occupés, sur
la répartition des revenus et m ê m e sur la vie sociale et
politique. Certains vont j u s q u ' à f a i r e de la m o n n a i e u n e
baguette merveilleuse : les r é f o r m a t e u r s monétaires, des-
cendants des saint-simoniens et de Proudhon, espèrent ré-
générer la société en recourant exclusivement à des a m é -
n a g e m e n t s ou à des m a n i p u l a t i o n s monétaires.
Cependant, à la mi-siècle, l'engouement pour la m a g i e
monétaire est u n peu calmé. Peut-être est-on p a r v e n u à
une position m é d i a n e entre l'indifférence de 1900 et l'en-

(1) Voir PIGOU, Bibliogr., n ° 80.


t h o u s i a s m e de 1931-36, entre la peur de l'inflation et celle
de la déflation.
Le progrès des vingt ou vingt-Ciflq dernières années a
consisté surtout à analyser m i n u t i e u s e m e n t les m é c a n i s -
m e s p a r lesquels la m o n n a i e agit. Avec la théorie de la
m o n n a i e - m a r c h a n d i s e , la « valeur en soi » parait être le
facteur causal. Les inflations de guerre et d'après guerre
concentrent l'attention sur la quantité. Mais, on s'aperçoit
que la m a s s e monétaire joue un rôle seulement d a n s la m e -
sure où elle affecte les revenus et que, m ê m e , ceux-ci cons-
tituent un élément indépendant. Puis, ayant découvert en
t e m p s de dépression que le revenu n'est pas dépensé, les
économistes r e g a r d e n t de plus près l'utilisation effective de
l'argent (consommation, encaisses, placement) tandis que
d'autres s'intéressent, à sa circulation plus ou moins rapide
sur des itinéraires variés.
Il ne f a u d r a i t pas situer dans un ordre chronologique ri-
g o u r e u x ces diverses directions de recherches,, qui sont
souvent juxtaposées. Bornons-nous à dire que, après 1930,
la conception de la valeur c o m m e force animatrice ou régu-
latrice n'eut plus beaucoup de d é f e n s e u r s et que les a n a -
lystes de l'utilisation devinrent de plus en p l u s n o m b r e u x .
Il ne f a u d r a i t pas non plus prétendre que les diverses appro-
ches (ou cerlaines d'entre elles) s'excluent mutuellement :
c h a c u n e révèle certains aspects de la réalité et nous aide
à la c o m p r e n d r e d a n s son intégralité et sa complexité.
Le présent chapitre est divisé en cinq sections :
Section I. — L'action par la valeur.
Section II. — L'action par T^quantilè.
Section III. — L'action par les revenus.
Section IV. — L'action par la dépense.
Section V. — L'action par la circulation.

P o u r terminer, on présentera quelques observations sur


le point d'aboutissement des m é c a n i s m e s et sur les hypo-
thèses institutionnelles.
SECTION I

L'action par la valeur (2)

D'après la conception métalliste, le prix est un rapport


entre la valeur de la m a r c h a n d i s e et celle de la monnaie,
chacune d'elles étant une entité autonome préalablement
déterminée (3). Raisonnant p a r analogie avec le m e s u r a g e
des longueurs, on dit que le « prix » d'une chose exprime
combien de fois la « valeur » de cette chose contient la
valeur prise pour unité. L'unité de m e s u r e des valeurs di-
minue-t-elle, tout se passe c o m m e si le mètre, par exemple,
n'avait plus que 90 centimètres; il y aurait alors, en a p p a -
rence, un plus g r a n d n o m b r e d'unités d a n s toute longueur;
de même, les prix sont n o m i n a l e m e n t plus élevés. Un tel
effet se produit; précise-t-on, aussi bien lorsque la valeur
commerciale de l'or varie, que lorsque le contenu métalli-
que de l'unité est modifié. Bien que l'idée de quantité ne
soit pas mentionnée, elle n'est pas absente ici, car elle in-
tervient plus ou moins implicitement c o m m e facteur agis-
sant sur la valeur.
Cette conception, qui suppose un régime monétaire métalli-
que parfait, est simple et rigoureuse. Elle affirme le carac-
tère déterminé et automatique de l'influence exercée p a r un
changement de « valeur » de la m o n n a i e . Elle fournit un
a r g u m e n t puissant en f a v e u r de l'étalon-or, car — assure-
t-on — la valeur de ce métal est plus stable que celle de
n'importe quelle autre m a r c h a n d i s e , ce qui garantit la sta-
bilité des prix. Il suffirait donc de rattacher le plus soli-
dement possible l'unité monétaire au métal pour que l'éta-
lon des valeurs soit aussi stable que l'étalon des longueurs.
P a r un renversement curieux, à partir de 1930, l'idée d'ac-
tion par la valeur sert de fondement à certaines interven-
tions. Si la valeur de l'or détermine a u t o m a t i q u e m e n t le
niveau des prix, soutient-on, il suffit de changer le contenu

(2) Voir ci-dessus, p a g e s 25 et 53.


(3) V o i r à la B i b l i o g r a p h i e : MENGER, n ° 72; LAUGHLIN, n ° 67.
métallique de l'unité monétaire pour donner aux prix la
tendance désirée et agir sur la conjoncture.
L'augmentation délibérée du prix de l'or aux Etats-Unis
en 1933-34 est une application de cette idée (4). Plus tard,
les rédacteurs de l'Accord de Bretton W o o d s introduisent
une clause sur les c h a n g e m e n t s u n i f o r m e s et simultanés du
pair, qui semble inspirée p a r cette théorie de l'influence
automatique du contenu métallique (5). Et, au milieu du
siècle encore, certains — journalistes à vrai dire plutôt
qu'économistes de profession — préconisent une a u g m e n -
tation du prix de l'or (entendez une dévaluation des m o n -
naies p a r rapport à l'or) c o m m e moyen de faire monter les
prix n o m i n a u x (6).
Mais, la signification de ces faits ne doit p a s être exa-
gérée; ils ne sont, croyons-nous, que des survivances d'un
passé lointain. La science économique a cessé de voir d a n s
le prix u n rapport entre deux valeurs indépendantes.

SECTION I I

L'action par la quantité

La théorie suivant laquelle la quantité de m o n n a i e exerce


une action sur la vie économique et particulièrement sur
les prix n'est certes p a s une nouveauté.
Elle peut se rattacher à la conception précédente. La m o n -
naie étant u n e m a r c h a n d i s e , l'abondance doit normalement
en d i m i n u e r la valeur et la rareté l'accroître. Ainsi enten-
due, la « théorie quantitative » ne serait qu'une explication
de la « valeur » de la m o n n a i e p a r la quantité.
Elle peut aussi, c o m m e on le verra bientôt (page 77),

(4) Voir ci-dessus, p a g e 39.


(5) Article IV, Section 7.
(6) La théorie d e l'action p a r la « v a l e u r m é t a l l i q u e » a subi l'in-
f l u e n c e d e s a u t r e s théories. P a r e x e m p l e , on a dit, en h o m m a g e à la
théorie q u a n t i t a t i v e , q u e la r é é v a l u a t i o n des r é s e r v e s des b a n q u e s cen-
t r a l e s p e r m e t t a i t d ' a u g m e n t e r la circulation f i d u c i a i r e et s c r i p t u r a l e .
Et, p o u r t e n i r c o m p t e de la théorie d u r e v e n u , on a s o u t e n u q u e l ' a u g -
m e n t a t i o n d u prix de l'or accroissait les r e v e n u s des p r o d u c t e u r s d'or.
s'associer aux conceptions qui f o n t . d e s revenus ou de la
dépense le facteur décisif. En effet, l'augmentation des ins-
truments monétaires met du pouvoir d'achat à la disposi-
tion du public qui est incité à dépenser davantage, d'où
développement de la d e m a n d e globale de m a r c h a n d i s e s et,
par suite, hausse des prix.
Pourtant, dans l'histoire dé la connaissance économique,
la théorie quantitative fait figure de conception autonome.

Au début du siècle, cette théorie, qui avait d é j à un long


passé, est rénovée, ou tout au m o i n s précisée, p a r la f a -
meuse formule d'Irving F I S H E R .
Il est m a t h é m a t i q u e m e n t certain que, dans u n e période
et une société données, le total des unités monétaires m u l -
tiplié p a r le n o m b r e de fois qu'elles ont servi est égal à la
quantité des m a r c h a n d i s e s échangées multipliées p a r leurs
prix. Si l'on dispose en tout de 100 écus de 5 f r s pour régler
les transactions et si chaque écu sert 10 fois, le total des
paiements effectués est de 5.000 frs. Si, p a r ailleurs,, on
prend toutes les m a r c h a n d i s e s qui ont fait l'objet de t r a n -
sactions '".') et si l'on additionne les m o n t a n t s de ces diver-
ses transactions, on trouve forcément u n e s o m m e égale au
total des paiements.
Irving F I S H E R a e x p r i m é cette égalité d a n s la f o r m u l e :
MV = T P
où M désigne la masse de monnaie, V la vitesse de circu-
lation (ou le n o m b r e d'utilisations), P les prix et T les
quantités de biens et services.
Pour tenir compte de la m o n n a i e fiduciaire et de la m o n -
naie scripturale, la f o r m u l e a été t r a n s f o r m é e ainsi :
MV + M ' V ' + M" Y" = T P
M ' V ' se r é f é r a n t à la m o n n a i e fiduciaire et M"V" à la m o n -
naie scripturale.
Il n'y a là évidemment q u ' u n e tautologie, revenant à dire

(7) Sans d i s t i n g u e r e n t r e les v e n t e s de f a b r i c a n t à grossiste, de g r o s -


sistes à détaillant, etc.
que les s o m m e s versées sont égales au prix total des m a r -
chandises achetées. Cependant, la f o r m u l e a servi de cadre
très commode pour la démonstration et la discussion de la
thèse suivant laquelle la quantité de m o n n a i e est le facteur
causal décisif, voire exclusif, agissant sur les prix. Elle a
aussi f o u r n i un i n s t r u m e n t pratique pour une analyse plus
large.
***

La théorie quantitative d a n s sa f o r m e la plus catégori-


que (8) consiste à soutenir :
1) que M, c'est-à-dire la quantité de m o n n a i e métallique,
détermine complètement la partie gauche de l'équation,
c'est-à-dire la m o n n a i e fiduciaire et la m o n n a i e scripturale,
ta vitesse de circulation étant constante (9);
2) que la partie gauche détermine la partie droite, et
3) que, d a n s la partie droite, P est l'élément variable.
On arrive donc à P = / (M) qui est l'expression la plus
simple de la théorie quantitative. Ainsi, dans sa f o r m e ex-
trême, la théorie quantitative affirme, d'une part-, la causa-
lité exclusive de la quantité de monnaie, et, d'autre part,
1a. proportionalité entre les variations du stock métallique
et celles des prix. On l'a modernisée en substituant à la
m o n n a i e métallique l'ensemble des liquidités monétaires,
ce qui certes coupe le lien avec le métallisme, m a i s ne
c h a n g e pas grand'chose à l'aspect fonctionnel de la théorie.
U n e telle hypothèse se prête a d m i r a b l e m e n t à la vérifi-
cation statistique. Après de patients et profitables efforts
pour définir les concepts de quantité de monnaie et de
niveau général des prix et après de minutieuses analyses
statistiques, il est devenu évident que, m ê m e pendant les
g r a n d e s inflations, la théorie, sous cette f o r m e rigide, n'est
pas c o n f i r m é e p a r les faits. Mais, il n'est p a s moins évident
q u ' u n e augmentation de la quantité de monnaie, au moins
à partir d'un m i n i m u m sensible, se traduit p a r une cer-

(8) Celle de FISHER dans Purchasing power.


(9) Ou t o u j o u r s neutralisée par la « vitesse » des biens (V. MAROET).
taine augmentation des prix. Pourvu qu'elle fasse preuve
de « good m a n n e r s », p a r l a n t simplement d ' i n f l u e n c e pro-
bable, sans prétention à la proportionaïïté ni à la causalité
unilatérale, ni aux f o r m u l e s rigides, la théorie quantitative
peut conserver une place d a n s la connaissance économique.

P a r ailleurs, l'équation f o n d a m e n t a l e (MV + M'V' + M"V"


= PT) a rendu de g r a n d s services pour u n e analyse plus
souple et plus approfondie. Elle a orienté les recherches
vers l'étude des relations entre le stock métallique et les
autres instruments monétaires, de la vitesse de circulation,
du total des transactions. Les statisticiens sont incités à f o u r -
nir des expressions concrètes de M, de P, de T et m ê m e
de V. L'analyse montre que les corrélations sont très i m -
parfaites et que chaque p h é n o m è n e a des causes propres
de variation, i n d é p e n d a m m e n t de la solidarité nécessaire
entre tous.
Peu à peu, on parvient à u n e conception assez souple,
selon laquelle, à tout moment, l'un quelconque des facteurs
peut r o m p r e l'équilibre. Comme le total des p a i e m e n t s doit
être égal à la s o m m e des transactions, l'adaptation peut se
faire p a r l'intermédiaire de n'importe lequel des facteurs
selon son degré de flexibilité.. P a r exemple, u n e diminution
de la quantité de billets peut être compensée p a r u n e accé-
lération de la circulation des dépôts ou p a r une baisse
d'activité; un développement des échanges peut se t r a d u i r e
p a r une baisse des prix ou p a r u n e multiplication de la
m o n n a i e scripturale. On trouve de la sorte un n o m b r e assez
grand de « combinaisons » (10).
Seulement, lorsque la théorie arrive à ce degré de sou-
plesse, l'indétermination est complète. Nous connaissons les
innombrables possibilités, m a i s nous ne pouvons affirmer
aucune probabilité. Nous ne pouvons m ê m e p a s établir une
hiérarchie de probabilités.

(10) Voir RUEFF, Théorie des phénomènes monétaires.


Ainsi, la théorie quantitative, d a n s la m e s u r e où elle est
plus complète, plus vraie, est aussi plus floue, plus i m p r é -
cise et, en un certain sens, moins « scientifique ».
Beaucoup d'auteurs y restent cependant fidèles sous sa
f o r m e d ' i n s t r u m e n t d'analyse, car elle a le mérite de pré-
senter les p r i n c i p a u x éléments en jeu et de nous aider à
poser une série de problèmes (11). Elle nous laisse, sans
doute, d a n s l'ignorance quant à l'origine des impulsions de
c h a n g e m e n t et q u a n t à la sensibilité des divers éléments,
m a i s rien ne s'oppose à ce que les recherches continuent
sur ces questions. Méthodologiquement, elle repose sur le
postulat d'une « égalité », présentée c o m m e u n e nécessité
logique, voire transcendantale, d'où elle conclut que le c h a n -
gement de l'un des t e r m e s doit entraîner d'autres c h a n g e -
ments avec un résultat global prédéterminé; autrement dit,
elle affirme un impératif m a t h é m a t i q u e indispensable à la
cohérence du système sans expliquer le processus réel
d'adaptation... Mais, d'autres théories recourent à ce type
de raisonnement.
Bien des critiques ont encore été exprimées, auxquelles
il est difficile de passer outre. Ce n'est plus la causalité
unilatérale ou la proportionalité que l'on attaque, m a i s la
m a n i è r e m ê m e de poser le problème, le choix des éléments
de base.
Ainsi, le passage de la notion concrète de transactions
totales (S pq + Pxh + P2I2 + — + Vnln) à ta notion abs-
traite de production totale et d'indice des prix ne se fait
pas sans hésitation. L'existence de stades successifs (fabri-
cant, grossiste, détaillant) p a r lesquels passent les m a r c h a n -
dises, avec chaque fois une transaction et u n paiement,
soulève des difficultés que les concepts de vitesse V et de
« transactions » ne permettent pas de résoudre. On est éga-
lement très e m b a r r a s s é pour définir les limites d'application
d a n s l'espace et d a n s le temps de l'égalité fondamentale.
E n f i n , la notion de « périodes » pose aux économistes des

(11) MARGET, Theory of Prlces.


problèmes redoutables que l'équation de l'échange ne per-
met guère d'aborder (12).
C'est pourquoi depuis quelques années de multiples for-
mules et « modèles » ont été proposés pour r e m p l a c e r la
formule de F I S H E R . Aucune p r o b a b l e m e n t n'a encore obtenu
un prestige comparable, sauf peut-être la f o r m u l e du re-
venu et ses variantes.

SECTION III

L'action par les revenus

La théorie des revenus se greffe sur la b r a n c h e causaliste


et aussi sur la b r a n c h e analytique de la théorie quantitative.
La théorie quantitative, on a pu s'en rendre compte, n'est
pas une explication causale v r a i m e n t satisfaisante, car elle
ne montre pas à travers quel enchaînement compréhensible
s'exerce l'action de la m o n n a i e sur les prix. Sous l'influénce
des sciences expérimentales, partisans et adversaires se pla-
cent sur le terrain de la vérification à postériori et négli-
gent l'étude du modus operandi. La théorie des r e v e n u s
entend combler cette lacune : elle s'efforce d'expliquer
comment l'augmentation de la quantité de m o n n a i e peut
faire monter les prix (ou c o m m e n t la contraction peut les
faire baisser).
Métal, billet ou dépôt, « m a r c h a n d i s e » ou « bon d'achat »,
une m a s s e additionnelle de m o n n a i e fournit aux détenteurs
un s u p p l é m e n t de revenu, d i m i n u a n t ainsi, à leurs yeux,
l'utilité m a r g i n a l e de l'unité. Les c o m p a r a i s o n s entre la
m o n n a i e à débourser et le bien à recevoir se trouvent alors
modifiées. Toutes les courbes individuelles de d e m a n d e (ou
tout au moins celles des bénéficiaires d'un accroissement
de revenu) subissent u n e poussée vers le haut. Le résultat
inévitable est, pour toutes les m a r c h a n d i s e s , u n e hausse des
prix, plus ou moins accentuée évidemment selon la confi-
guration des courbes particulières de d e m a n d e et d'offre.

(12) Cependant, on a p a r f o i s e s s a y é d e t e n i r c o m p t e de ce q u e les


t r a n s a c t i o n s d ' u n e p é r i o d e p o u v a i e n t ê t r e r é g l é e s d a n s u n e période
postérieure.
La théorie des revenus permet d'expliquer des « a n o m a -
lies » sur lesquelles butait la théorie quantitative causalis'te.
L'accroissement du stock monétaire peut ne pas agir sur
les prix s'il n'affecte pas les revenus (aboutissant seulement
à l'augmentation des encaisses oisives des b a n q u e s ou des
entreprises), ou bien si la production réagit favorablement.
Et l'on comprend très bien qu'il puisse y avoir mouvement
autonome des prix — sans augmentation préalable de la
quantité de m o n n a i e — si les revenus ont a u g m e n t é de leur
propre chef (exemple : p a r développement des recettes d'ex-
portations dues à la h a u s s e des changes étrangers).
La nouvelle conception obtient un f r a n c succès (13). Elle
rend le « m é c a n i s m e » intelligible. Elle tient compte des
motivations h u m a i n e s . Elle se rattache à la théorie m a r s h a l -
lienne de la formation des prix aussi bien qu'à la théorie
psychologique de la valeur. Elle s'harmonise p a r f a i t e m e n t
avec le nominalisme.

Mais, son intérêt ne se limite pas là. Elle a aussi une


portée « globale » : elle apporte une variété nouvelle d'équa-
tion de l'échange.
F I S H E R abordait le problème en termes de « transactions »
et de règlements effectués au moyen d'un certain nombre
d ' i n s t r u m e n t s monétaires employés un certain nombre de
fois, c'est-à-dire du simple point de vue de la technique
des paiements. Au lieu de cela, on va confronter le produit
social obtenu p e n d a n t u n e période donnée avec les revenus
monétaires des consommateurs. AFTALION f o r m u l e une
équation nouvelle', a d m i r a b l e m e n t simple :
R = PQ
ce qui signifie que les revenus encaissés sont égaux au
produit des m a r c h a n d i s e s vendues multipliées p a r leurs
prix. Cela est évident si l'on entend p a r là que les recettes

(13) Est-il besoin de dire qu'il y e u t des « p r é c u r s e u r s » ? Mais, ici,


n o u s n e f a i s o n s ni histoire des théories, ni r e c h e r c h e de paternité.
des vendeurs p e n d a n t une période donnée sont égales aux
dépenses des acheteurs p e n d a n t le m ê m e t e m p s (14).
Sur le terrain strictement monétaire, la théorie du revenu
apporte la grande innovation de notre demi-siècle. Désor-
mais, l'attention se concentre sur l'équilibre entre le total
des revenus monétaires destinés à l'achat et la valeur totale
des biens et services mis en vente. On se rend compte que
des impulsions de c h a n g e m e n t peuvent avoir leur origine
soit dans les revenus monétaires, soit d a n s la production,
soit dans les prix. Et il a p p a r a î t aussi que les adaptations
nécessaires peuvent se réaliser d a n s l'un quelconque des
trois éléments. Ainsi, p a r exemple, u n e augmentation de R
peut ne pas se traduire p a r une augmentation des prix si la
production est susceptible de se développer. La conception
générale de la solidarité de l'ensemble et de la diversité des
influences ou des réactions est la m ô m e que d a n s l'inter-
prétation « analytique » de l'équation de FISHER, m a i s les
grands premiers rôles sont le revenu et la production, au
lieu de monnaie et prix.
La nouvelle f o r m u l e représente u n e étape importante pour
l'intégration de l'analyse monétaire d a n s la théorie éco-
n o m i q u e générale.
Elle ouvre la voie à une reconsidération de la loi des
débouchés : les revenus monétaires disponibles p e n d a n t
une période donnée sont-ils suffisants pour permettre
l'écoulement des produits f a b r i q u é s p e n d a n t cette m ê m e
période ? Cette question, a p p a r e m m e n t simple, oblige les
économistes à préciser, abstraitement et concrètement, les
concepts de revenus monétaires, de valeur produite et de
« période ». De là, sont parties les études sur le « revenu
national » jugé plus intéressant que le total des t r a n s a c -
tions. De là aussi, les distinctions nécessaires entre produit
brut et produit net, produit créé et produit vendu. La for-
mule conduit encore à des analyses temporelles : la produc-
tion d'une période est-elle acquise au m o y e n des r e v e n u s

(14) La f o r m u l e se p r ê t e à bien d ' a u t r e s i n t e r p r é t a t i o n s . Celle-ci r e p r é -


sente en s o m m e u n e égalité ex post. L ' i n t e r p r é t a t i o n du p a r a g r a p h e
s u i v a n t c o r r e s p o n d à u n p r o b l è m e ex ante d'équilibre. Voir à la Biblio-
g r a p h i e : MYRDAL.
monétaires de la m ê m e période ? Si tel n'est pas le cas,
on doit étudier la succession ou le chevauchement des pé-
riodes (15).

SECTION IV

L'action par la dépense

Malgré ses avantages, la théorie du revenu a u n e i n f é -


riorité sur l'équation de l'échange. Elle néglige l'emploi
effectif de l'argent, dont on tenait compte p r é c é d e m m e n t
au moyen du coefficient V.
I n d u b i t a b l e m e n t , le revenu ne saurait exercer d'influence
que s'il est dépensé. Si la proportion utilisée et le délai d a n s
lequel la dépense est effectuée restent constants, u n e con-
cordance peut s'établir entre le flot des revenus monétaires
et le flot de la production physique.
M a l h e u r e u s e m e n t , l'Angleterre depuis 1921 et d'autres
p a y s ensuite, ont fait l'expérience d'une importante thésau-
risation. On constate que le public, à certains m o m e n t s ou
peut-être m ê m e de façon durable et croissante, conserve
sans l'employer une fraction du revenu monétaire plus
g r a n d e (ou plus petite) que précédemment. On parle alors
d'un désir général d ' a u g m e n t e r les « encaisses », d'une pré-
f é r e n c e pour la liquidité, d'une moindre propension à con-
s o m m e r ou à investir. La théorie monétaire doit expliquer
l'écart (variable) entre revenus et dépenses (16).
Elle entreprend de le faire p a r deux voies distinctes. T a n -
tôt, a b o r d a n t le problème p a r la technique monétaire, elle
s'intéresse à l'accumulation d'espèces. Tantôt, envisageant
le problème de m a n i è r e plus profonde, elle analyse l'emploi
des revenus.
* **

U n e première étape, d a n s la p r e m i è r e voie, consiste à


mettre en lumière les variations du r a p p o r t entre liquidités
monétaires et produit social.

(15) Voir à la B i b l i o g r a p h i e : ROBERTSON, MYRDAL et, ci-après, Sec-


tion V.
(16) Voir HAWTREY et HEYNES.
Au lieu de recourir à la vitesse de circulation, qui dénote
le nombre moyen de passages de m a i n en main, on intro-
duit le conGept d'efficience de la m o n n a i e (17), qui indique
le n o m b r e de « tours complets » de revenu définitif à re-
venu définitif, accomplis par les i n s t r u m e n t s monétaires
au cours d'une période donnée. En d'autres termes, on cher-
che la relation entre la m a s s e de m o n n a i e d'une p a r t et
la valeur du produit social (PQ) d'autre part. Si l'on trouve
que la p r e m i è r e est de 100 milliards et la seconde de 200
milliards, on conclut que, en moyenne, chaque i n s t r u m e n t
monétaire a servi deux fois à alimenter les revenus (18).
PQ 200
On peut
F
écrire : E = — = = 2 (19).
M 100
Cette f o r m u l e a l'avantage de faire a p p a r a î t r e l'efficience
comme facteur i n d é p e n d a n t de variation et d'éviter (ou
d'esquiver) les difficultés concernant la neutralisation pos-
sible de la vitesse de circulation de la m o n n a i e p a r la vi-
tesse de déplacement des biens.
Une deuxième étape consiste à partir du besoin de m o n -
naie. Certains écrivent M = kPQ ou bien M = A:FL Le coeffi-
cient k représente ici la proportion du revenu m o n é t a i r e
(ou du produit social) que le public désire avoir en espèces.
M a t h é m a t i q u e m e n t c'est le n o m b r e p a r lequel il f a u t m u l -
tiplier PQ pour obtenir M, ou bien c'est l'inverse de l'effi-
cience. R e p r e n a n t l'exemple n u m é r i q u e ci-dessus, nous
écrirons :
M = /cPQ ou 100 = 0,50 X 200.
Dans ce cas, le « besoin » de m o n n a i e serait égal à la moi-
tié du produit social ou du revenu (20).

(17) Vitesse de circuit, vitesse-tours, « circular velocity », « income


velocity », sont des termes synonymes ou presque.
(18) En admettant, bien entendu, R = PQ.
(19) A part le remplacement de la vitesse V par l'efficience, cette
formule équivaut à celle de FISHER, puisqu'on pourrait écrire ME = PQ.
(20) Et l'on peut dire aussi naturellement que l'efficience' est 2 et
que, si la période considérée est un an, la durée moyenne de station-
nement des instruments monétaires dans les « encaisses » est de six
mois ou de 1/2 en prenant pour unité l'année. Cf. ROBERTSON, Biblio-
graphie, n° 83.
Il est évidemment indifférent d'écrire (21):
PQ
I) — = E ;
M
M / 1
II) = k ( étant entendu que k = —
PQ \ E
ou III) M = ¿ P Q .
Les p a r t i s a n s du coefficient k l'ont valoir qu'il met mieux
en relief le problème essentiel qui serait celui des encaisses
désirées. Cela permettrait, dit-on, de suivre plus commodé-
m e n t les variations du besoin de monnaie. Si, p a r exemple,
k prend la valeur 0,75, il f a u d r a qu'une adaptation se fasse
d'un côté ou de l'autre. Si M est invariable — et la rigidité
du statut de la B a n q u e d'Angleterre incite à le croire —
l'équilibre doit se rétablir par diminution de PQ. Comme la
baisse des prix est difficile, il f a u t s'attendre à u n e dimi-
nution du q u a n t u m de la production.
Il ne nous semble pas qu'il y ait là u n progrès substantiel.
On peut soit m e s u r e r la distance p a r c o u r u e p a r u n véhicule
grâce à u n bidon d'essence, soit calculer la consommation
de c a r b u r a n t pour 100 kilomètres. Il serait puéril de pré-
tendre que la p r e m i è r e méthode est meilleure parce qu'elle
m o n t r e le p r o b l è m e sous son vrai j o u r qui est celui de la
distance f r a n c h i e .
Il y a certainement avantage a réintégrer u n e sorte de
coefficient d'utilisation de la monnaie, m a i s il importe peu
que ce soit par l'un ou l'autre des deux procédés (E ou k) (22).

L'écart entre revenu et dépense est abordé aussi p a r une


autre voie, concernant non plus la technique monétaire,
m a i s la destination donnée aux revenus.

(21) Il n'est pas indifférent cependant d'écrire PQ ou R, comme on


le v e r r a p l u s loin.
(22) A vrai dire, nous redoutons que le concept de « besoin » ou de
« demande » de monnaie ne soit une source de confusion, même quand
il conduit à u n e théorie de l'intérêt fondée s u r la préférence pour la
liquidité. Voir, plus loin, les Observations de FEDERICI.
Les économistes classiques nous avaient légué une doc-
trine selon laquelle les s o m m e s non dépensées sont épar-
gnées et investies, de sorte que leur pouvoir d'achat se pré-
sente de toute m a n i è r e sur le m a r c h é . Dès lors, il n'y aurait
a u c u n inconvénient à l'épargne puisqu'elle se traduit p a r
u n e d e m a n d e de biens de production et donc l'équilibre ne
pourrait être rompu de ce chef entre la valeur globale de la
production et le total des revenus monétaires. Comme la
réalité nous offre le spectacle d'un déséquilibre durable entre
la valeur totale de la production m i s e en vente et la d e m a n d e
effective totale, toute une école d'économistes se concentre
sur l'analyse de l'épargne et de l'investissement, qui s'est
m a l h e u r e u s e m e n t opérée d a n s une g r a n d e confusion.
L'apport principal à la théorie monétaire semble résider
en ceci. Si une partie des revenus monétaires est mise hors
circuit à un certain m o m e n t , la d e m a n d e globale subit un
r e t r a n c h e m e n t qui réduit les possibilités d'écoulement de la
production. Si les s o m m e s épargnées étaient investies, c'est-
à-dire dépensées, il n'y aurait pas de fuites de ce côté-là.
Seulement, les épargnes ne sont p a s toujours investies
parce que le m é c a n i s m e du taux de l'intérêt et du m a r c h é
des liquidités ne fonctionne p a s c o m m e le croyaient les
classiques. En cas d'épargne abondante, la baisse du taux
de l'intérêt devrait inciter les entrepreneurs à e m p r u n t e r
davantage, donc à « investir » les liquidités disponibles et
à les utiliser en achats de biens et services; m a l h e u r e u s e -
ment, les perspectives de profit sont p a r f o i s insuffisantes
pour que les entrepreneurs empruntent, m ê m e avec un taux
d'intérêt très bas. P a r ailleurs, la baisse de l'intérêt devrait
décourager les épargnants, m a i s les é p a r g n a n t s désireux
d'avoir des liquidités ou peu enclins à dépenser la totalité
de leurs revenus gardent leur agent oisif, m ê m e s a n s inté-
rêt. Ainsi, toute é p a r g n e n'est pas f o r c é m e n t investie et il
f a u t voir d a n s le r e f u s de c o n s o m m e r ou d'investir la cause
principale de l'insuffisance des débouchés d'où résultent la
baisse des prix et la diminution de l'activité économique.
Cette direction de recherches a considérablement rétréci
le c h a m p d'investigation, le réduisant à l'étude de l'épargne
et de l'investissement ou m ê m e à l'étude de l'offre et la
d e m a n d e de liquidités et négligeant p a r là les p r o b l è m e s
de formation, de répartition et de destination des revenus (23).

Que ce soit p a r le biais des encaisses désirées, ou p a r


celui de la p r é f é r e n c e pour 1a. liquidité, ou encore par celui
de l'insuffisance d'investissement, ou plus s i m p l e m e n t p a r
celui de la thésaurisation, la théorie de la dépense (24) a
r é p a n d u u n e vérité évidente qui n'aurait j a m a i s dû être
ignorée ou contestée. L'argent ou le revenu n'a d'influence
sur la vie économique que dans la mesure où on le dépense.
Ce qui compte, ce n'est pas la quantité de monnaie, m a i s
son impact, son efficacité. La théorie de la dépense a diffusé
u n e autre vérité, tout aussi évidente celle-là : pour que
toute la production puisse se vendre, il faut une demande
adéquate.

Envisagée sous son aspect le plus général, la théorie de


la dépense prolonge h e u r e u s e m e n t la théorie du revenu.
Elle p e r m e t de présenter très s i m p l e m e n t le m é c a n i s m e
p a r lequel agit la m o n n a i e dépensée :
le flot des dépenses devrait, d a n s chaque période, per-
mettre d'écouler le flot de production; m a i s des décalages
peuvent se produire pour diverses raisons;
si le flot de dépenses est insuffisant pour écouler la pro-
duction, il y a t e n d a n c e à la mévente et à la baisse des
prix, ce qui conduit à la réduction de l'activité économique
et au chômage.
si, au contraire, le flot de dépenses est relativement fort,
eu égard au flot de production, il y a tendance à la hausse
des prix et à l'augmentation d'activité; s'il y a s u f f i s a m m e n t
de pouvoir productif en réserve, l'offre s'adapte et la hausse
des prix ne se produit p a s ; en cas de rigidité de l'offre, la

(23) Voir Robert MossÉ, « Le Keynisme devant le Socialisme », Revue


socialiste, nov. 1949 et fév. 1950. Sur les relations entre le problème de
la monnaie et celui de l'intérêt, voir DIVISIA, « Monnaie et Intérêt », R.
Econ. pot., mars-avril 1950.
(24) On pourait l'appeler théorie de la non-dépense.
pression du flot de dépenses s'exerce sur les prix : il y a
tendance inflationniste.
Arrivée là, la théorie présente un progrès considérable
depuis le début du siècle. La m o n n a i e — bon d'achat plus
qu'unité de m e s u r e — remplit un rôle d a n s la m e s u r e où
elle devient revenu et dépense, donc d e m a n d e exprimée p a r
des individus. Et son i n f l u e n c e dépend de la réaction de
l'appareil économique.
Mais, il reste encore bien des complications à introduire !

SECTION V

L'action par la circulation

P a r un singulier paradoxe, le « m é c a n i s m e » présenté à


la section précédente, semble impliquer des hypothèses e m -
pruntées à une société collectiviste.
U n e telle société se caractériserait (par exemple) de la
m a n i è r e suivante : l'Etat serait le seul acheteur de services
productifs et le seul vendeur du produit annuel. P a r ses
achats, il formerait les revenus monétaires de l'année, ser-
vant à acheter le produit social de la m ê m e année. Pourvu
que l'Etat ait bien calculé les revenus attribués et les prix
des biens m i s en vente, il y aurait égalité entre les deux
flots et les s o m m e s lancées d a n s la circulation rentreraient
d a n s les caisses de l'Etat. Au besoin, pour éviter les déca-
lages d a n s le temps, le Gouvernement pourrait prescrire que
les revenus encaissés sont utilisables u n i q u e m e n t d a n s
l'année (comme les crédits budgétaires non reportables à
un autre exercice). Le réglage serait relativement facile.
Ces hypothèses implicites mettent bien en évidence les
simplifications des théories évoquées à la section IV. En
réalité, dans la société libérale-individualiste, l'argent reste
d a n s la circulation. Il est perpétuellement redépensé. P a r
ailleurs, il n'y a p a s « d ' e x e r c i c e s » nettement délimités;
aucun deus ex machina n'établit la concordance entre le
« pouvoir d'achat » d'une période et les biens disponibles
dans cette m ê m e période.
*
* *

Les économistes, au cours des dernières années, ont intro-


duit ces complications et procédé à u n e analyse plus appro-
fondie de la circulation de l'argent, de catégories en caté-
gories, de périodes en périodes, compte tenu du mouvement
correspondant des biens.
Ainsi, la théorie du « multiplicateur » s'efforce de montrer
les effets successifs d'une « injection » monétaire, de cir-
cuit en circuit. Si l'on a u g m e n t e les revenus des consom-
m a t e u r s de 10 milliards (par création de monnaie), la pre-
m i è r e dépense aboutirait, après diverses opérations, à des
revenus « induits » ou « secondaires », puis à des revenus
tertiaires, etc. L'activité économique serait stimulée. Des
forces additionnelles seraient intégrées d a n s le processus
productif et f i n a l e m e n t le circuit serait élargi. Des calculs
m i n u t i e u x cherchent à préciser le coefficient exact compte
tenu des « fuites » en cours de parcours, dues à u n pen-
chant excessif pour les réserves liquides.
Malgré sa popularité, la théorie du multiplicateur laisse
subsister de graves doutes et sa signification est équivo-
que (25). De toute m a n i è r e , elle s'associe nécessairement à
une analyse p a r périodes (26).
Un grand effort est fait depuis une quinzaine d'années
pour inscrire l'analyse monétaire d a n s le temps et surtout
dans la durée abstraite, alors que, autrefois, on supposait
implicitement la simultanéité des opérations ou le renou-
vellement d ' u n circuit identique à l u i - m ê m e d'époque en
époque.
Dans la confrontation entre revenus monétaires (ou dé-
penses) et produit social (ou revenu national en nature),
l'attention se porte de plus en plus sur ce que nous pour-
rions appeler les différences d'âges ou de générations. Le
revenu monétaire destiné à acheter Je produit social d'une

(25) Le multiplicateur ne serait-il pas un a u t r e nom pour « income


velocity » ? (Voir Pioou, Vcil of money, p. 76).
(26) Voir llAGERLEn. Zeitschrift fur NationalOkonomie, 1936, p. 299.
et MACHLUP, « Period Analysis and Multiplier llieory », Quarterly Journal
of Economies, nov. 1939, p. 1.
période n'est p a s f o r c é m e n t « contemporain » de ce pro-
duit. Il se peut que le produit de la période 5 soit écoulé
grâce à un pouvoir d'achat ayant sa source d a n s un revenu
de la période 4. Si donc produit social (ou offre) et pouvoir
d'achat (ou demande) appelés à aller à la rencontre l'un de
l'autre ne sont pas contemporains, l'économie politique est
amenée à étudier les discordances temporelles, leurs c a r a c -
tères et leurs elîets (27).
Ainsi, lorsque le q u a n t u m de production a u g m e n t e le p r e -
mier, il tend à se produire une insuffisance du débouché.
Lorsque le revenu monétaire précède le mouvement, il peut
y avoir, selon les circonstances, hausse des prix ou déve-
loppement de l'activité.

La connaissance a pu s'embellir de multiples analyses


portant sur les développements (ou les contractions) p a r a n -
ticipation (ou à retardement) de ces éléments f o n d a m e n t a u x
(revenus monétaires, d e m a n d e globale, q u a n t u m de produc-
tion, etc.) dont l'harmonie devrait se m a i n t e n i r à travers le
temps.
Méthodologiquement, la théorie prend l'allure d'une m é -
canique rationnelle, avec d ' i n n o m b r a b l e s cas hypothétiques
m a i s peu de contact avec le réel. P a r réaction contre la
mode des observations superficielles de faits à posteriori, il
était naturel que l'on cherchât à pénétrer au cœur des p h é -
nomènes pour essayer d'en c o m p r e n d r e l ' e n c h a î n e m e n t .
Malheureusement la difficulté de la tâche et l'état encore

(27) C'est à peu p r è s le problème qui se poserait d a n s u n e société


où les hommes auraient l'habitude d'épouser des f e m m e s de dix ans
plus j e u n e s qu'eux. Supposons q u e la natalité augmente, par exemple,
à partir de 1920. En 1940, les j e u n e s filles nées en 1920 arrivent à
l'âge du mariage et ne trouvent q u ' u n e « d e m a n d e » insuffisante, car
les hommes prêts aux épousailles appartiennent à u n e génération moins
nombreuse, puisque nés à u n e époque où la natalité était plus faible
(1910). Ce problème p e r m e t u n e g r a n d e variété de développements in-
génieux, si l'on veut suivre toutes les possibilités : augmentation et,
diminution de la natalité générale, variation indépendante de la natalité
masculine ou féminine, modification de l'âge du mariage chez les
hommes et chez les femmes, etc.
adolescent de notre science ont obligé les chercheurs, faute
de m o y e n s d'investigation, ou f a u t e de pouvoir expérimen-
ter, à se r é f u g i e r d a n s un intellectualisme u n peu stérile.
Cependant, sous l'inspiration des « t h é o r i e s » , de substan-
tielles recherches statistiques ont été entreprises, grâce aux-
quelles on connaît- avec précision, exactitude et régularité
le revenu national, la m a s s e monétaire et leurs éléments
composants. On peut m a i n t e n a n t suivre, d a n s la réalité ob-
jective et d a n s le t e m p s concret, les fluctuations des revenus
monétaires, de la production de biens et services, de l'épar-
gne, des investissements, etc.
Certes, a u j o u r d ' h u i encore, les analyses abstraites et les
études concrètes sont faites s é p a r é m e n t p a r des spécialistes
ou des services qui se connaissent mal, m a i s les conditions
préalables à une synthèse ne sont pas loin d'être remplies.
T e n a n t compte de l'intérêt croissant accordé aux recherches
économiques et de l'augmentation du n o m b r e des chercheurs
et de leurs moyens, on peut sans doute prévoir de très i m -
portants progrès d a n s les a n n é e s à venir. P o u r cela, il f a u -
dra a p p l i q u e r la r i g u e u r « scientifique » non seulement à
la m a n i p u l a t i o n des f o r m u l e s et des chiffres m a i s aussi à la
position des problèmes, à la définition des concepts et des
vocables, à l'expression des hypothèses sous-jacentes et à
la compréhension de la nature exacte des p h é n o m è n e s à
étudier.

Remarques complémentaires
sur le point d'aboutissement des mécanismes
et sur les hypothèses institutionnelles

En m ê m e t e m p s que se développe l'analyse des mécanis-


m e s p a r lesquels les p h é n o m è n e s monétaires déroulent leurs
conséquences, les préoccupations concernant les effets ulti-
mes se t r a n s f o r m e n t .
P e n d a n t longtemps, le problème est réduit au binôme
monnaie-prix. Toute la question est de savoir d a n s quelle
m e s u r e la m o n n a i e affecte les prix.
On avait longtemps pensé que l'action de la m o n n a i e est
automatique et u n i f o r m e pour tous les produits. Nous avons
d é j à vu ce qu'il f a u t penser de l'automatisme (ou de la cau-
salité). Quant à l'uniformité, elle est démentie p a r des étu-
des plus détaillées. Grâce au perfectionnement des statisti-
ques, on découvre que, au delà de la fiction du niveau
général des prix, il y a de g r a n d e s disparités dans les m o u -
vements des prix des divers biens. Cependant, ces dispari-
tés sont explicables à partir du m o m e n t où l'on reconnaît
que l'action de la m o n n a i e s'effectue à travers la d e m a n d e
et que l'effet final dépend de la réaction de l'offre. Et cela
n'empêche pas d'admettre une tendance générale des prix.
L'existence d'un m o u v e m e n t général des prix d a n s un sens
ou dans l'autre étant reconnue, il f a u t poser la question de
la symétrie. Les forces tendant vers la baisse agissent-elles
de la m ê m e m a n i è r e et avec la m ê m e efficacité que les for-
ces tendant vers la h a u s s e ? U n e étude plus poussée de ce
point — qui a été relativement négligé — expliquerait sans
doute l'évolution divergente de la connaissance économique
selon les pays.
Dans les p a y s qui ont subi surtout des t e n d a n c e s i n f l a -
tionnistes (Europe continentale), les hausses ont pris u n e
certaine a m p l e u r et l'effet sur les prix n'a j a m a i s cessé d'être
le problème m a j e u r pour les gouvernements, l'opinion p u -
blique et les économistes. On est enclin à y considérer que,
au moins grosso modo, il y a t o u j o u r s un certain lien entre
l'excès des émissions monétaires et la h a u s s e des prix.
Au contraire, d a n s les p a y s qui ont vécu plutôt la défla-
tion, on a constaté que les prix résistaient à la baisse et que,
du reste, ce n'était p a s à u n e diminution de la m a s s e m o n é -
taire qu'était due la t e n d a n c e déflationniste. On a donc dû
chercher ailleurs que d a n s les prix les effets possibles de
p h é n o m è n e s monétaires.

L'effet ultime le plus important n e serait-il p a s plutôt


celui qui s'exerce sur l'ensemble de l'activité économique ?
Poser une telle question revient à considérer c o m m e décisifs
non plus P m a i s Q ou T.
La question a été abordée, dès avant le xx" siècle, en p a r -
tant de la théorie des fluctuations économiques ou du cycle.
L'essor pourrait être dû à une abondance monétaire qui
favorise les extensions d'entreprises grâce au bon m a r c h é
du loyer de l'argent, qui stimule la demande, a u g m e n t e les
débouchés, et rend toute activité profitable. Le retourne-
m e n t (ou crise) pourrait être provoqué soit p a r un r a l e n -
tissement de l'expansion monétaire, soit m ê m e par une
contraction des disponibilités (28). lin somme, le cycle ne
serait pas autre chose q u ' u n e succession de processus i n f l a -
tionnistes et déflationnistes (29).
S a n s traiter ici la question du cycle, qui sortirait du su-
jet, nous pouvons indiquer que la p l u p a r t des spécialistes
r e f u s e n t de considérer les variations de la m a s s e monétaire
(même en y c o m p r e n a n t le crédit) c o m m e la cause exclu-
sive des fluctuations. Des p h é n o m è n e s réels et psycholo-
giques y jouent u n rôle au m o i n s aussi grand que la m o n -
naie et, d a n s la m e s u r e où celle-ci a u n e i n f l u e n c e c'est
non seulement p a r sa quantité, m a i s aussi par son utili-
sation effective (30).
Néanmoins, la longueur et la gravité de la « dépression »
— surtout en Angleterre où elle s'est prolongée sans inter-
ruption de 1920 à 1934 ou 1935 — ont f a i t penser à un ma-
laise chronique, c o m p o r t a n t u n niveau d'activité i n f é r i e u r
à la capacité normale. Et l'on a suggéré que des p h é n o m è -
nes monétaires pouvaient être à l'origine du chômage endé-
mique (31). 11 y aurait, a-t-on dit, une tendance dp lonsue
durée à dépenser u n e fraction de plus en plus petite d'un
revenu monétaire croissant, donc à épargner ou à mettre
hors circuit des s o m m e s de plus en plus considérables.
Ainsi s'expliquerait que, d'une période à l'autre, la d e m a n d e
ne soit p a s suffisante pour acheter une offre croissante. Un
m o m e n t vient où, de façon durable, la production s'établit
à u n niveau inférieur à celui que permettent les forces
productives disponibles. On ne pourrait en sortir que p a r
u n e création m o n é t a i r e compensatrice des « fuites » ou de
l'augmentation de la d e m a n d e de monnaie.

(28) A n e pas confondre avec la réduction des encaisses désirées.


( 2 9 ) HALM, p . 3 8 0 .
(30) Voir Chapitre I, Section III.
(31) P o u r mémoire, rappelons que le cours du change a été spécia-
lement invoqué.
Bien que le problème reste toujours celui de l'effet sur
l'ensemble de l'activité économique, la terminologie et la
présentation se sont modifiées depuis une douzaine d'armées.
Cycle économique, conjoncture, crise, dépression chroni-
que sont des termes un peu démodés. Surtout d a n s les p a y s
de l a n g u e anglaise, le vrai problème — celui qui a u n e
profonde résonance sociale et politique — est l'influence
de la m o n n a i e sur le c h ô m a g e ou sur Vemploi. Le b i n ô m e
à la mode — dont on peut se d e m a n d e r s'il appartient en-
core à la théorie monétaire — est épargne-emploi.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la notion
de revenu national, —• a p p u y é e sur des études concrètes
de plus en plus intéressantes et de plus en plus dignes de
confiance — bénéficie d'un prestige considérable et pleine-
m e n t justifié. C'est sans doute le revenu national qui doit
devenir la pierre de touche permettant de m e s u r e r ou de
j u g e r les effets ultimes de la m o n n a i e ou de la politique
monétaire. Seulement, le revenu national étant un ensemble
vaste et complexe, cela ne revient-il pas à dire qu'il f a u t
étudier les effets de la m o n n a i e sur toute la vie économi-
que ? Et, d a n s ce cas, la notion d'effets ultimes n'est-elle
pas insaisissable et ne faut-il p a s tout s i m p l e m e n t revenir
à l'analyse des e n c h a î n e m e n t s sans fin ?
*
**
Ainsi, la théorie monétaire est bien intégrée à la théorie
économique générale. Mais, ce n'est p a s assez. L'étude de
la m o n n a i e devrait être reliée à l'étude de la société tout
entière.
Les inflations et les déflations modifient la position rela-
tive des divers individus et des divers groupes sociaux. Elles
enrichissent les uns et r u i n e n t les autres. P a r là elles c h a n -
gent p r o f o n d é m e n t la physionomie de la société et sa poli-
tique. On sait que l'inflation en Allemagne a r u i n é les
classes m o y e n n e s et que la déflation a largement concouru
à l'avènement du national-socialisme en 1933. D'un autre
côté, le rôle plus ou moins g r a n d de l'argent d a n s u n e
société affecte la psychologie des h o m m e s . Ici tout s'évalue
en monnaie, tout s'achète et se vend, et l'appât du gain est
le ressort f o n d a m e n t a l des décisions. Ailleurs c'est la vo-
lonté du prince qui est la m e s u r e de toutes choses et le
f a c t e u r décisif de toute action. Ailleurs encore, les h o m m e s
sont m u s p a r l'amour-propre, l'orgueil, le patriotisme ou la
religion.
Notre connaissance monétaire, trop mécaniste et p a s assez
h u m a n i s t e ignore m a l h e u r e u s e m e n t ces aspects sociologi-
ques et psychologiques. 11 y a là pour les générations à
venir de sérieuses lacunes à combler et nous avons sans
doute plus à a p p r e n d r e d a n s cette direction de recherches
que p a r de nouvelles subtilités sur le multiplicateur.
L'intégration de la connaissance monétaire d a n s u n ca-
dre plus vaste est d'autant plus nécessaire qu'une g r a n d e
partie des analyses actuelles ont perdu leur raison d'être
p a r suite d'un total désaccord entre leurs hypothèses de
base et la réalité contemporaine. En général, les spécia-
listes supposent l'existence d'un système libéral-individua-
liste, avec liberté d'entreprise, m a r c h é libre, concurrence
parfaite, libre fixation de salaires et liberté de l'embauche,
etc. Dans la pratique il ne subsiste plus que des vestiges
de ce système. La recherche a donc besoin de reconsidérer
le cadre institutionnel d a n s lequel se déroulent les phéno-
m è n e s monétaires et économiques (32). U n e fois dégagés
les caractères essentiels qui peuvent servir de g r a n d e s hy-
pothèses, il f a u d r a analyser théoriquement et pratique-
m e n t les m é c a n i s m e s , p a r exemple d a n s u n e économie
collectiviste, d a n s u n e économie dirigée, etc.
Et ce sera seulement après avoir étudié la m o n n a i e d a n s
de multiples r é g i m e s que l'on p o u r r a songer à u n e théorie
générale de la m o n n a i e .
Néanmoins, en dépit des lacunes que nous venons de
signaler, le progrès réalisé en un demi-siècle est a p p r é -
ciable.
La m o n n a i e a fait sa rentrée sur la scène économique
c o m m e p e r s o n n a g e principal. Tantôt précédant la pratique,
tantôt haletant derrière, la théorie s'est efforcée d'analyser
et de critiquer son « rôle » ; p a r là, elle a p e r m i s une meil-
leure compréhension de la mission que l'on pouvait attri-
buer à ce p e r s o n n a g e et de la m a n i è r e de la remplir.

(32) V o i r SAULNIER, p . 379-383.


CHAPITRE QUATRIÈME

LA CRÉATION DE LA MONNAIE

T a n t que la m o n n a i e est identifiée à une m a r c h a n d i s e ,


le problème de la création de m o n n a i e se r a m è n e à un pro-
blème de production du métal, livré aux initiatives privées.
Les économistes du c o m m e n c e m e n t du siècle, croyant à u n e
h a r m o n i e spontanée, pensent que l'autorité n'a p a s à inter-
venir activement en la matière, sauf pour une certification
matérielle et u n e réglementation formelle.
Avec le p a s s a g e à la notion étatique —- ou tout au m o i n s
sociale —• de la monnaie, avec l'évolution des conceptions
sur le rôle de la m o n n a i e d a n s la vie économique, avec la
consolidation des théories du pouvoir d'achat ou de la de-
m a n d e , l'Etat apparaît c o m m e a y a n t le devoir de régler la
quantité de m o n n a i e , d a n s toutes ses formes. Au surplus,
le développement des systèmes d'économie plus ou m o i n s
dirigée conduit à penser que la politique monétaire pour-
rait être u n m o y e n commode de direction, d o n n a n t les i m -
pulsions indispensables, tout en sauvegardant les options
individuelles.
Cependant, les m é f a i t s de l'inflation — dont on oublie
trop facilement qu'ils résultent de la guerre plus que de
maladresses •— entretiennent, d a n s beaucoup de pays, u n
p r é j u g é défavorable contre toute création monétaire. C'est
donc dans les p a y s qui ont souffert de la déflation et non
de l'inflation que s'épanouit, en toute sérénité, u n e vérita-
ble doctrine de la création de monnaie.
Malgré ses antécédents lointains, cette doctrine n'a acquis
droit de cité d a n s la science économique que tout r é c e m -
ment. A la veille de la seconde guerre mondiale, elle est
encore au stade du « laboratoire » et seuls quelques initiés
en discutent. Au milieu du siècle, elle est entrée' d a n s les
m a n u e l s élémentaires et influence les institutions i n t e r n a -
tionales aussi bien que les Gouvernements. On peut cer-
t a i n e m e n t dire que le problème de la création de la m o n -
naie est devenu a u j o u r d ' h u i le problème m a j e u r .
Guidée p a r cette préoccupation, la « connaissance » sort
de la tour d'ivoire où s'étaient e n f e r m é s les « savants » de
la fin du xix" siècle. Il ne s'agit plus d'observer les faits au
télescope et d'en chercher les lois. Il f a u t guider l'action
d a n s le noble combat pour la prospérité et l'équité. Le dia-
gnostic est insuffisant. La science doit aussi fournir u n e
thérapeutique. Et il n'est certainement pas m o i n s scienti-
fique d'analyser les effets (hypothétiques ou réels) d'une
action gouvernementale que d'étudier ceux de mille actes
isolés. Après la m é t a p h y s i q u e de KNAPP et l'intellectualisme
p u r de certains keynesiens, le contact se rétablit entre la
théorie et la pratique. Engagée d a n s cette voie, la connais-
sance va être a m e n é e à abattre les m u r s qui l'isolaient de
la psychologie, de la sociologie, voire de la « Politique ».
La création- de m o n n a i e est un acte de gouvernement, accom-
pli p a r ces h o m m e s que sont les ministres ou les techni-
ciens pour cet ensemble d ' h o m m e s qu'est la société. Les
décisions et leurs effets dépendent des mobiles et des réac-
tions h u m a i n e s , qui ne peuvent être mises en formules.
Dans ces conditions, il f a u t probablement r e f u s e r le q u a -
lificatif de « scientifique » à toute analyse qui se borne à
calculer des doses et des réactions quantitatives, c o m m e s'il
s'agissait de chimie. Nous c o m m e n ç o n s à découvrir (ou
à redécouvrir) que, dans notre domaine, la seule vraie
connaissance est celle qui essaie — nous n'en s o m m e s
q u ' a u x tentatives et c'est d é j à quelque chose — de com-
prendre l'homme et les institutions sociales. Les partisans
de l'étalon-or qui r e f u s e n t aux Gouvernements le pouvoir
de faire de la m o n n a i e — qu'ils aient tort ou raison — pla-
cent la question sur son véritable terrain q u a n d ils mettent
en doute la capacité des dirigeants. Aucun calcul de multi-
plicande ne peut être opposé à cette argumentation. Pour-
tant, on peut leur r é p o n d r e valablement que si l'Etat rend
la justice et dispense l'enseignement, malgré toutes les
imperfections de la. nature h u m a i n e , il peut aussi a d m i -
nistrer la m o n n a i e .
La connaissance semble bien m a i n t e n a n t être engagée
dans u n effort pour m i e u x définir les objectifs de cette
administration de la monnaie, pour en étudier les métho-
des ainsi que les organes.
En conséquence, le chapitre quatrième comprend trois
sections :
Section I. — Les objectifs.
Section II. — Les méthodes.
Section III. — Les organes.

SECTION I

Les objectifs de la politique monétaire

J u s q u ' e n 1914, u n e attitude -passive est r e c o m m a n d é e p a r


les experts et généralement adoptée p a r l'Etat, les instituts
d'émission et les banques.
Les pièces d'or, m o n n a i e p a r excellence, sont créées p a r
la frappe, effectuée d'office chaque fois qu'un particulier le
d e m a n d e en présentant un lingot. La création de m o n n a i e
est donc en relation avec la production de métal d a n s les
mines. Mais, les économistes , c o m m e on l'a vu, avaient
poussé plus avant la recherche des d é t e r m i n a n t s et avaient
cru trouver u n m é c a n i s m e « naturel », agencé sur des
causes finales.
L'or étant u n e m a r c h a n d i s e , sa production obéit aux lois
de l'offre et de la demande. Si sa quantité e s t . i n s u f f i s a n t e ,
le prix du m a r c h é s'élève au-dessus du coût de production.
L'apparition d'un écart positif ou profit entre le prix de
m a r c h é et le coût doit stimuler la production. Peu importe
naturellement que ce soit le prix qui s'élève ou le coût qui
s'abaisse. Au contraire, s'il y a s u r a b o n d a n c e , le prix de
m a r c h é passe au-dessous du coût de production et la r é d u c -
tion de l'écart positif (ou sa t r a n s f o r m a t i o n en perte) doit
décourager l'extraction.
Le réglage de la quantité de m o n n a i e peut donc s'opérer
automatiquement.
P r e n o n s le cas d'une insuffisance d ' i n s t r u m e n t s m o n é -
taires : une déflation se produit (théorie quantitative) et les
prix baissent. Cela revient à dire que la valeur du métal
p a r r a p p o r t aux m a r c h a n d i s e s a u g m e n t e ou qu'un certain
poids d'or p e r m e t d'acquérir plus de m a r c h a n d i s e s et ser-
vices; le coût de production du métal s'abaisse, entraîné
d a n s le m o u v e m e n t général de baisse; le producteur d'or
paie moins cher l'outillage et les salaires diminuent. Cepen-
dant, la valeur n o m i n a l e du « produit » n ' a pas changé. En
France, p a r exemple, avant la p r e m i è r e guerre, le g r a m m e
d'or restait i m m u a b l e m e n t f i x é au prix de 3 f r s 10. La
m a r g e de b é n é f i c e se trouve donc a u g m e n t é e de p a r la
baisse des coûts; il suffit, pour en bénéficier, de porter le
métal à l'Hôtel des Monnaies et de faire f r a p p e r des pièces.
U n r a i s o n n e m e n t symétrique s'applique au cas d'abon-
dance : fa h a u s s e des coûts doit réduire la production.
Du fait de la pluralité des m i n e s d'or, de la concurrence
existant entre elles, de l'existence d'un m a r c h é commercial
de l'or métal et de la multiplicité des nations, le m é c a n i s m e
est u n peu plus complexe. Mais, u n e analyse de plus en
p l u s détaillée prétend démontrer que les principes f o n d a -
m e n t a u x restent valables.
En théorie, le but — ou plutôt la f i n — d'un tel m é c a -
n i s m e est d'assurer la stabilité de la valeur de l'unité moné-
taire, en l'identifiant et en la liant à celle du métal. Et bien
que l'on n'ait a u c u n souci de quantité, on pense que cette
dernière se règle automatiquement, puisque l'insuffisance
aboutit f i n a l e m e n t (1) a une augmentation de mise en cir-
culation (et l'abondance à u n e diminution).
La conclusion de cette argumentation est que ni l'Etat,
ni la B a n q u e centrale n'ont à intervenir autrement qu'en
d é f i n i s s a n t l'unité et en a s s u r a n t la f r a p p e libre. Seuls, les
producteurs d'or (ou d'argent) fabriquent de la m o n n a i e et
quelque m a i n invisible les a m è n e à produire précisément
la quantité nécessaire aux besoins du commerce.
Cette a n a l y s e habile n ' a pu survivre à la destruction de
ses éléments composants ( m o n n a i e - m a r c h a n d i s e , théorie
quantitative causaliste, conception smithienne de l'offre et
de la d e m a n d e , etc.), à l'affaissement de sa base m é t a p h y -

(1) C'est-à-dire téléologiquement.


sique (providentialisme) et à la t r a n s f o r m a t i o n des insti-
tutions monétaires. Aussi, la g r a n d e m a j o r i t é des économis-
tes l'ont-ils a u j o u r d ' h u i a b a n d o n n é e (2).

Dès avant 1914, les billets de banque tiennent d é j à u n e


place importante d a n s la « circulation » monétaire. Certes,
beaucoup d'économistes et de praticiens r e f u s e n t de les
considérer c o m m e i n s t r u m e n t s i n d é p e n d a n t s : ils r e p r é s e n -
tent le métal, dit-on, et celui-ci est le régulateur s u p r ê m e
de leur valeur et de- leur quantité. Pourtant, il avait fallu
constater que les b a n q u e s créaient des billets de b a n q u e :
tout au long du xix" siècle, la réglementation de l'émission
avait été u n s u j e t de controverses passionnées (3). Mais
l'orthodoxie prédomine.
Le but de l'émission est é v i d e m m e n t de faciliter les échan-
ges en substituant aux pièces des instruments plus faciles
à m a n i e r et, au m o i n s temporairement, en f o u r n i s s a n t des
m o y e n s de p a i e m e n t additionnels, sans attendre que soit
accompli le long processus de découverte des filons, de mise
en exploitation et de r a f f i n e m e n t (4).. Mais, ce but est sou-
vent caché p a r des conditions dont on avait fait de vérita-
bles objectifs. La réglementation de l'émission — f o r m e de
la politique m o n é t a i r e à cette époque — semble avoir pour
objectifs derniers de m a i n t e n i r la convertibilité en métal,
de garantir l'identité de valeur entre les deux f o r m e s de
monnaie, de régler la quantité de billets sur le stock d'or (5).
Même les p a r t i s a n s d'une politique plus souple restent
fidèles à u n e attitude de passivité et acceptent les a u t o m a -
tismes. Ceux-là aperçoivent clairement que le but véritable
est de faciliter le commerce et abordent le p r o b l è m e p a r

(2) Voir PERRENOOD, Bibliographie, n° 77.


(3) Voir RIST, Bibliographie, n° 17.
(4) Voir BAUDIN, Bibliographie, n ° 14.
(5) L'Act de Peel qui obligeait la Banque d'Angleterre à n ' é m e t t r e de
billets que gagés à 100% par de l'or constituait la solution orthodoxe
par excellence. Les systèmes dé c o u v e r t u r e partielle n e sont q u ' u n e
déviation et non u n e solution constructive.
son côté bancaire. Ils voient d a n s le billet de b a n q u e un
i n s t r u m e n t de crédit, d'utilisation plus pratique que la traite
tirée p a r u n particulier sur un particulier. Ils se rendent
bien compte q u ' u n billet de b a n q u e peut être émis non pas
seulement contre de l'or, m a i s à l'occasion de l'escompte
d ' u n e traite (répondant naturellement à certaines exigen-
ces). Ainsi apparaît, à côté des dépôts d'or, u n e nouvelle
source d'émission de billets (6).
En pareil cas, l'émission est provisoire, puisque la Ban-
que est r e m b o u r s é e à l'échéance de la traite. Pourtant,
c o m m e la B a n q u e fait continuellement des opérations d'es-
compte, sur u n e échelle plus ou moins vaste, le volume des
billets en « circulation » peut a u g m e n t e r d'une façon du-
rable, bien que chacun soit destiné à rentrer au bercail d a n s
un délai relativement court.
L ' i m p o r t a n c e de cette émission secondaire dépend n a t u -
rellement des présentations à l'escompte (liée à l'activité
économique générale) et de l'attitude de la Banque. Les pré-
sentations étant influencées p a r la somme à payer, c'est-
à-dire p a r le t a u x de l'escompte, la B a n q u e se trouve avoir
uen position dominante. En effet, d a n s la m e s u r e où elle
peut à son gré créer les i n s t r u m e n t s désirés son offre est
très extensible. Et, d a n s la m e s u r e où, p a r le taux, elle in-
fluence les clients, elle peut agir sur la demande.
Mais, on dénie que la Banque soit libre v r a i m e n t de faire
ce qu'elle veut. Les adeptes du Banking principle qui re-
poussent toute entrave juridique à la liberté des b a n q u e s
font valoir précisément que l'attitude de la Banque est
soumise à u n déterminisme rigoureux.
Le taux de l'escompte, par suite de solidarités multiples,
ne peut être m a n i é ad libitum. Il reste forcément associé,
et très étroitement, au taux de l'intérêt sur le m a r c h é .
D'ailleurs, la B a n q u e ne peut pas créer facilement des ins-
t r u m e n t s monétaires. Pour conserver son standing com-
mercial, elle doit t o u j o u r s être en m e s u r e de r e m b o u r s e r
en espèces à vue. L'émission de billets doit donc être gagée
p a r des réserves métalliques suffisantes, ce qui signifie, au

(6) Ce n'était pas possible à la Banque d'Angleterre en v e r t u de


l'Act de Peel.
point, de vue de la sagesse du banquier, qu'il faut m a i n t e n i r
une proportion convenable entre les liquidités et les exigi-
bilités à vue. La Banque ne peut a u g m e n t e r ses opérations
d'escompte que dans la m e s u r e où ses liquidités (c'est-à-
dire son stock d'or) augmentent. Ce serait donc, en d é f i n i -
tive, les variations du stock d'or qui c o m m a n d e r a i e n t le t a u x
de l'escompte et le volume des billets.
Ainsi, ni la généralisation du billet, ni le développement
des opérations d'escompte ne modifieraient substantielle-
m e n t l'automatisme de l'étalon-or.
On va m ê m e plus loin encore dans l'automatisme. La
d e m a n d e du commerce, les besoins des échanges, p o u r -
raient provoquer un accroissement excessif de l'émission —•
e u ' é g a r d aux réserves. Mais, la Banque se défendrait en
a u g m e n t a n t le taux, de l'escompte (réaction automatique),
ce qui aurait pour effet d'attirer des capitaux, y compris
de l'or, en provenance du p a y s ou de l'étranger, vers les
caisses de la Banque. P a r le t a u x de l'escompte et les dépla-
cements de métal, dit-on, l'équilibre serait c o n s t a m m e n t
m a i n t e n u . Et si l'on ne pouvait pas satisfaire les besoins
monétaires, la baisse des prix puis l'accroissement de la
production d'or rétablirait la situation.
Il semble donc qu'on puisse s'en remettre à ce merveilleux
m é c a n i s m e d'horlogerie qui fonctionne de l u i - m ê m e de
m a n i è r e si providentielle.
Dans le concert, W I C K S E L L apporte u n e note discordante
p a r le seul fait qu'il envisage un taux d'escompte artifi-
ciellement établi p a r le système bancaire et la possibilité
d'une expansion (ou contraction) monétaire autonome p a r
rapport au métal.

Que ce soient nos idées ou les institutions qui aient


changé, il ne reste p r e s q u e rien de tout cela. Des boulever-
sements profonds sont survenus d a n s nos connaissances et
nos préférences, aussi bien "que dans les institutions. Res-
tant dans notre domaine, nous pouvons constater, sur le
p l a n pratique, que les besoins f i n a n c i e r s de l'Etat, d ' u n e
part, et l'extension de la m o n n a i e scripturale ont fait t o m -
ber de larges p a n s de l'édifice.
A leur corps d é f e n d a n t , les Instituts d'émission ont dû,
en t e m p s de guerre, « f a b r i q u e r » de la m o n n a i e pour l'Etat
qui ne pouvait f a i r e a u t r e m e n t que de recourir à cet expé-
dient (7). Il n'y a là ni g r a n d dessein, ni politique m o n é -
taire consciente. On i m p r i m e des billets au f u r et à m e s u r e
des nécessités. Nous avons relaté plus haut (8) les réper-
cussions de ces pratiques. Dans la douleur et le désordre,
les inflations e n f a n t e n t u n nouveau régime monétaire.
D'un autre côté, les exigences d'une activité économique
en plein essor imposent le développement du chèque et des
virements. Le m o u v e m e n t p r e n d de l ' a m p l e u r en Angleterre
p l u s tôt qu'ailleurs, en raison de la rigidité de l'Act de Peel.
Mais, d a n s de n o m b r e u x pays, les b a n q u e s de dépôts se
créent et s'étendent. Commerçants, industriels et m ê m e sim-
ples particuliers s'habituent à régler p a r chèque. U n e source
nouvelle de création m o n é t a i r e s'ajoute aux anciennes.
En somme, on avait réglementé l'émission de monnaie,
m a i s voilà que le monopole de l'émission était brisé; une
m o n n a i e privée et non réglementée devenait la m o n n a i e
principale.
Un m o m e n t devait venir où la dérive p r e n d r a i t fin.

L'attitude active s'est introduite très lentement. Elle se


relie à u n c h a n g e m e n t général d a n s la conception du rôle
de l'Etat et n'est q u ' u n e m a n i f e s t a t i o n particulière du pro-
grès de l'interventionnisme.
Dans notre domaine, u n e doctrine constructive a beaucoup
de peine à s'établir. La m o i n d r e tentative se heurte i m m é -
diatement à u n p r é j u g é défavorable, non seulement à cause
des m a u v a i s souvenirs et du g r a n d n o m b r e des charlatans,
m a i s encore p a r c e que le levier monétaire est une véritable
force « atomique .» capable d'engendrer des effets d'une
g r a n d e a m p l e u r : le bien-être et la justice, ou bien la r u i n e
et la spoliation, la révolution et la guerre peuvent sortir d'une

(7) Voir pages 30 et sq.


(8) Voir Chapitre I, Section XI.
politique monétaire. De plus, la fixation d'objectifs pour la
politique monétaire implique un programme de gouverne-
ment, voire une conception de la société et, des fins de la vie
humaine. De peur de sortir de leur spécialité, les experts
préfèrent se limiter à des objectifs p u r e m e n t monétaires
stabilité, convertibilité).

La théorie de la politique monétaire s'est développée au


cours des quinze dernières a n n é e s surtout en Angleterre et
aux Etats-Unis, parce que ces p a y s protestants sont m o i n s
résignés et plus p r o m é t h é e n s (9) que les p a y s latins.
Au début de la g r a n d e dépression, on r e c o m m a n d e volon-
tiers comme l'un des p r e m i e r s objectifs non monétaires la
prévention ou la liquidation des crises. Les m o u v e m e n t s
généraux des prix étant le s y m p t ô m e le plus caractérisé des
fluctuations, on voudrait stabiliser les prix, espérant p a r là
régulariser ou m ê m e assainir l'économie, c o m m e en f a i s a n t
tomber la t e m p é r a t u r e on espère guérir le malade. Mais, la
mode de cette doctrine passe vite. A supposer que l'on puisse
trouver et veuille employer une méthode efficace, la stabili-
sation des prix ne paraît p l u s être u n objectif bien choisi.
Ce n'est qu'une manifestation de s u r f a c e et les questions
non résolues — peut-être insolubles — sont n o m b r e u s e s :
Quels prix faudrait-il stabiliser ? Quel indice choisir ? Serait-
ce stabiliser que de faire monter certains prix pour com-
penser la baisse des autres ? N'y a-t-il pas des t e n d a n c e s
générales à ne p a s contrecarrer, c o m m e p a r exemple la
baisse due au progrès technique ou une h a u s s e modérée
stimulant l'activité ?
D'autres songent à régler la quantité de m o n n a i e de m a -
nière à neutraliser les c h a n g e m e n t s de la vitesse de circu-
M
lation (10). Ainsi MV ou — resterait constant et l'on évite-
R
rait les fluctuations de prix ou de production dues à l'in-
fluence monétaire. Un tel objectif consisterait en s o m m e à

(9) Faustiens, dirait Jean MARCHAL.


(10) Ou les variations dans les m a r g e s non dépensées, voir Chapi-
tre III, Section IV.
r e n d r e la m o n n a i e neutre ou du moins à l'empêcher d'exer-
cer u n e action nocive. Mais, cette f o r m u l e est p u r e m e n t
négative, sans parler de sa difficulté et de son inefficacité.
On ne se contente plus d'empêcher la m o n n a i e de mal
faire, on voudrait l'obliger à bien faire.

Actuellement, les objectifs de la politique monétaire com-


m e n c e n t à bien se préciser et à recueillir une approbation
générale. Le but essentiel est d'agir sur l'activité économique
clans son ensemble en agissant sur la demande globale,
g r a n d e force tractive de tout l'appareil de production et de
distribution. De la sorte, on veut agir f i n a l e m e n t sur l'em-
ploi et sur le revenu national.
Toutefois, la d e m a n d e globale s'applique à de multiples
secteurs: agriculture et industrie, biens de consommation et
outillage, transports, etc., et la « traction » réalisée dépend
du point où la force a u r a été accrochée. Il est donc possible
de pratiquer u n e politique monétaire sélective, permettant
de favoriser telle ou telle b r a n c h e d'activité, telle ou telle
catégorie sociale.. Cette possibilité ouvre bien des contro-
verses.
L'action sur la d e m a n d e se réalise d a n s les conditions
que nous fait connaître la théorie des e n c h a î n e m e n t s ( i l ) .
Il ne servirait à rien d ' a u g m e n t e r les disponibilités m o n é -
taires, si les i n s t r u m e n t s additionnels devaient s i m p l e m e n t
gonfler les encaisses oisives. Ou bien il ne servirait à rien
d ' a u g m e n t e r les r e v e n u s si le s u p p l é m e n t devait ne pas
être utilisé. C'est sur la dépense qu'il faut agir.
Lorsque la capacité de production n'est pas entièrement
utilisée, le développement de la dépense est de nature à
provoquer u n e plus complète exploitation du potentiel dispo-
nible (12). On peut donc songer à a u g m e n t e r la d e m a n d e non
seulement pour équilibrer le flot de production, m a i s encore

(11) Voir Chapitre 111.


(12) Sous réserve qu'il n'y ail pas de goulots d'étranglement d u s aux
exigences physiques de la complémentarité. Ainsi, les hauts-l'ourneaux,
les métallurgistes et le minerai de f e r ne peuvent pas ê t r e utilisés au
delà des limites fixées par les disponibilités en charbon.
pour favoriser l'utilisation aussi complète que possible de
toutes les ressources disponibles. Alors, la véritable « réser-
ve » réglant l'émission serait la réserve de forces produc-
tives.
Ces idées se heurtent a u j o u r d ' h u i encore à une opposition
résolue, m a i s elles sont en train de recueillir un assentiment
de plus en plus étendu.
•* **

Si l'on veut aller un peu plus loin, on pénètre d a n s le


domaine des ignorances et des préférences.
Nous ne pouvons pas déterminer avec précision le moment
exact où u n e « injection » est nécessaire, ni la dose à appli-
quer et il est vain d'espérer que l'on puisse j a m a i s arriver
à une f o r m u l e omnibus. Nous ne pouvons pas non plus
mesurer à l'avance l'effet d'une dose en n o m b r e de c h ô m e u r s
r e m i s au travail ou en accroissement du revenu national.
Les tâtonnements restent inévitables et rien ne saurait r e m -
placer le j u g e m e n t d a n s un diagnostic d'ensemble.
L'accord n'est pas réalisé non plus sur les points d'impact
à choisir. Paut-il favoriser plutôt les investissements ou au
contraire stimuler la consommation, et, d a n s ce dernier cas,
de quelle catégorie de biens et p a r qui ? Ceux qui préconi-
sent u n e augmentation de la dépense d'investissements ad-
mettent implicitement ou p a r définition que la dépense de con-
sommation a atteint son m a x i m u m , m a i s cela n'est vrai que
pour un niveau donné et pour une répartition donnée des
revenus monétaires individuels. On pourrait donc préférer
l'attribution d'un pouvoir d'achat s u p p l é m e n t a i r e a u x caté-
gories les plus défavorisées, qui a s s u r é m e n t la dépenseraient
aussitôt.
Cela nous montre que la politique monétaire peut être un
instrument de la politique sociale (13), et que, p a r consé-
quent, comme nous l'avons dit plus haut, les objectifs de la
politique monétaire, au delà de certaines f o r m u l e s générales,
ne peuvent être fixés qu'en h a r m o n i e avec u n e politique
générale et une Weltanschauung.

(13) « En fait, c'est dans u n e utilisation et une répartition appropriée


de la monnaie que se t r o u v e la clé de la politique sociale. » R a p p o r t
d u Directeur du Bureau International du Travail, 1934, p. 67.
SECTION II

Les méthodes de la politique monétaire


La politique monétaire porte presque inévitablement sur
la quantité, bien que cela soit souvent insuffisant et pas
t o u j o u r s indispensable.
La « connaissance » peut sans hésitation apporter un
p r e m i e r e n s e i g n e m e n t : f a c t i o n doit s'appliquer à l'ensem-
ble des i n s t r u m e n t s monétaires (pièces s'il en existe, billets,
dépôts, ouvertures de crédit). Si, p a r exemple, on entend ré-
duire ou limiter le volume des moyens de paiement, il est
également important de faire rentrer d a n s les caves de l'Ins-
titut d'émission un certaine quantité de billets, et d'interdire
a u x b a n q u e s d'affaires de créer des « dépôts » en consen-
tant des crédits sur i m m e u b l e s ou outillage. Toute monnaie,
quelle que soit sa forme, doit être contrôlée au sens le plus
fort du terme. Le monopole de l'émission ne doit p a s com-
porter de fissure (14).
Bien entendu, c'est le résultat global qui compte et c'est
un p r o b l è m e de tactique que de déterminer, d a n s une situa-
tion donnée, d a n s quelle m e s u r e telle ou telle catégorie de
m o n n a i e doit être affectée p a r l'action générale. En Angle-
terre, on estime p r é f é r a b l e de gouverner la m o n n a i e scrip-
turale. En France, on s'est longtemps borné à la m o n n a i e
fiduciaire.
Le simple bon sens enseigne que l'on peut avoir à lutter
soit contre u n excès soit contre une p é n u r i e d ' i n s t r u m e n t s
monétaires. Mais, ici la connaissance est compartimentée.
En Europe, économistes et techniciens sont plus sensibles à
la nécessité de combattre l'abondance et aux difficultés de
la tâche. Dans les p a y s anglo-saxons, on s'inquiète d a v a n -
tage de la déflation et des moyens d'y remédier.

(14) I r v i n g FISHER a p r o p o s é d ' i m p o s e r a u x b a n q u e s de d é p ô t s u n e


c o u v e r t u r e à 100%, ce qui revient à l e u r e n l e v e r la f a c u l t é d ' é m e t t r e
d e la m o n n a i e s c r i p t u r a l e . Quant a u x b a n q u e s d ' a f f a i r e s , elles n e f e -
r a i e n t d ' i n v e s t i s s e m e n t s q u ' a v e c des m o y e n s de p a i e m e n t existants.
Il a p p a r t i e n d r a i t alors a u x institutions c h a r g é e s de l'émission de r é g l e r
celle-ci p a r des c r i t è r e s a u t r e s q u e la « r é s e r v e ».
Le taux de l'escompte est théoriquement ambivalent : la
hausse décourage les appels au crédit, donc tend à réduire
le volume des m o y e n s de paiement. La baisse du t a u x favo-
rise en principe le développement des moyens de paiement.
Mais, l'efficacité de cette politique est p a r f o i s contestée.
Comme instrument de déflation, la hausse du taux p a r la
Banque centrale est inefficace si les b a n q u e s de dépôts peu-
vent consentir des prêts sans recourir au réescompte. Pour
que « les c o m m a n d e s répondent » on peut obliger les b a n -
ques de dépôts à avoir un certain pourcentage de liquidités,
comme on le fait a u x Etats-Unis, ou fixer un plafond à leurs
engagements. Dans les p a y s qui ont nationalisé le crédit, la
m o n n a i e scripturale est en principe élevée au statut de la
m o n n a i e fiduciaire et le contrôle quantitatif est facile. Ainsi,
avec les institutions contemporaines, le taux de l'escompte
c o m m e procédé de contraction pourrait r e p r e n d r e u n e effi-
cacité qui a été mise en doute (15).
En ce qui concerne la baisse du taux de l'escompte, com-
m e stimulant de la quantité, les opinions sont divisées. La
p l u p a r t des économistes britanniques sont sceptiques. Si le
loyer de l'argent est bon marché, pensent-ils, le public est
tenté d ' a c c u m u l e r des liquidités oisives, puisque cela ne
coûte rien d ' e m p r u n t e r et puisque cela ne rapporterait guère
de prêter. Au surplus, d a n s un p a y s où le taux de l'escompte
est resté très bas depuis fort longtemps, il n'est plus possi-
ble d'exercer u n e action quelconque en l'abaissant. C'est un
peu c o m m e ces remèdes qui, employés trop souvent, perdent
pour le patient leur vertu curative. Cependant, d a n s de n o m -
breux p a y s où le loyer de l'argent est très élevé (16), une
baisse du taux de l'escompte est susceptible d'être très effi-
cace.
L'inconvénient du taux de l'escompte est qu'il ne s'appli-
que qu'à u n e catégorie bien déterminée d'opérations. Il a
seulement pour objet de convertir les traites en m o n n a i e ,
donc de faciliter le f i n a n c e m e n t des opérations c o m m e r c i a -

(15) Toutefois, il f a u t p r e n d r e g a r d e aux effets s u r la valeur bour-


sière des titres d'Etat et k leurs répercussions psychologiques et poli-
tiques.
(16) En France, en 1950, on e m p r u n t e c o u r a m m e n t à des taux de
l'ordre de 15 à 20%, compte tenu des f r a i s divers.
les. L'escompte p e r m e t à l'industriel qui a vendu une m a r -
chandise au détaillant d'obtenir le p a i e m e n t avant l'échéan-
ce (ou cela p e r m e t au détaillant d'acheter une m a r c h a n d i s e
à crédit). Du point de vue des m é c a n i s m e s monétaires (voir
Chapitre III, Section V) cela p e r m e t de hâter la circulation
pour des transactions d é j à réalisées.
Mais, si l'escompte accélère les règlements, il n'affecte
p a s les r e v e n u s ; lorsqu'un c o m m e r ç a n t n'espère pas pou-
voir vendre, compte tenu des prix et de l'attitude de la clien-
tèle, les facilités d'escompte ne l'incitent p a s à acheter da-
vantage. Et il est peu probable que la baisse du t a u x de
l'escompte soit de n a t u r e à abaisser les coûts de production
d a n s u n e m e s u r e suffisante pour faciliter la vente.
En définitive, m a l g r é la richesse de la littérature sur le
sujet, la question de l'escompte est loin d'être réglée ou
épuisée. Elle a u r a besoin d'être reprise à la lumière de cer-
taines institutions nouvelles (nationalisation du crédit, éco-
n o m i e dirigée) ou fort anciennes (usure persistante). Et peut-
être la politique de l'escompte apparaitra-t-elle comme une
méthode fort utile quoique très insuffisante p a r elle-même.

On ne saurait se limiter à l'escompte du papier c o m m e r -


cial. L ' e n s e m b l e des institutions de « crédit » offre à la
politique monétaire de vastes possibilités, m a l h e u r e u s e m e n t
unilatérales, car il est plus facile de créer des m o y e n s d'achat
que de les annuler. Le crédit immobilier peut ouvrir des
« crédits » à la construction d'habitations, dont la contre-
partie se trouve d a n s les logements édifiés. Le crédit à l'in-
dustrie peut pareillement accorder des crédits aux indus-
tries que l'on désire favoriser, etc.
Le « crédit » p e r m e t donc de régler le flot des fonds, et
p a r suite des forces productives, vers les diverses branches,
en conformité avec u n plan économique d'ensemble. On
peut m ê m e pratiquer des taux d'intérêt différents de manière
à doser les e n c o u r a g e m e n t s donnés aux divers secteurs (17).

(17) Certains proposent de donner une impulsion aux achats défini-


tifs, eh bout de processus, en développant le crédit à la consommation.
Bien entendu, tous les crédits doivent s'inscrire au Bilan
de l'Institut central, pour permettre le contrôle du volume
global.
La théorie arrive ainsi à recommander le réglage• de
l'émission, non plus sur des réserves d'or, mais sur la pro-
duction.
Ces divers procédés de crédit sont justiciables — à un
moindre degré il est vrai — de l'objection que nous avons
formulée contre l'escompte : ils ne modifient pas les reve-
nus, quoiqu'ils a u g m e n t e n t le pouvoir d'achat actuellement
disponible. C'est pourquoi la théorie a été obligée de dépas-
ser la conception quantitative.

• S'inspirant de l'analyse des mécanismes, beaucoup d'éco-


nomistes estiment que diriger la monnaie ce n'est pas seu-
lement en régler la quantité, c'est aussi agir sur les revenus
définitifs et sur les dépenses. Ils pensent que la solution
doit être cherchée d a n s un réglage des décaissements et
des encaissements de l'Etat, ce qui nous fournit une mé-
thode ambivalente, au m o i n s en principe.
Si le flot de dépenses n'est pas suffisant pour permettre
l'écoulement de la production ou l'utilisation complète de
l'appareil productif, l'Etat doit dépenser plus qu'il ne reçoit.
C'est la doctrine du déficit systématique. On met ainsi d a n s
la circulation un excédent de revenus, attribuée définitive-
ment. P a r le budget, le Gouvernement ou le P a r l e m e n t déter-
m i n e les parties prenantes. • Les sommes nécessaires sont
fournies p a r le système b a n c a i r e : il suffit que celui-ci p r e n n e
en pension des Bons du Trésor, à intérêt très bas, et crédite
l'Etat. Là où les b a n q u e s sont nationalisées il ne devrait
pas y avoir d'obstacles sérieux.
Si, au contraire, le flot des dépenses est excessif, l'Etat
doit encaisser plus qu'il ne dépense. 11 peut le faire en
a u g m e n t a n t les impôts et en d i m i n u a n t les dépenses, ou
encore en plaçant d a n s le public des obligations destinées
à « pomper » des disponibilités, qui serviront à éteindre la
dette auprès des Banques.
Les difficultés d'un tel système ne sont -pas d'ordre techni-
que. Certes, on le sait, il est difficile de déterminer le dosage
et le moment, mais, il est encore bien plus difficile d'obte-
nir les consentements indispensables. L'expansion n'est pas
plus aisée que la contraction. Tout le m o n d e est prêt à payer
m o i n s d'impôts ou à recevoir des a u g m e n t a t i o n s de traite-
m e n t s ; pourtant, il y a une démagogie de l'austérité et la
peur des entraînements.
D'un point de vue de spécialiste, l'inconvénient m a j e u r
de ce système est d'être une nouveauté. En matière de
« théorie de la politique » — ou si l'on p r é f è r e de science
appliquée — il f a u t la sanction de l'expérience. La connais-
sance ne sera consolidée que lorsque le « système » a u r a
été rodé. Ce rodage ne peut guère se f a i r e que d a n s les
p a y s les plus aptes à l'employer à la fois parce qu'ils sont
s u j e t s à la déflation plus qu'à l'inflation, parce qu'ils ont
des m o y e n s d'étude développés et parce qu'ils sont sûrs de
leurs institutions politiques, économiques et sociales. Dans
les p a y s m o i n s fortunés, une certaine p r u d e n c e reste de
rigueur.
Mais, la connaissance du milieu du siècle enseigne que
la passivité n'est pas forcément la sagesse et qu'une vue
fragmentaire des choses est une grande imprudence. La
politique monétaire est un tout, dont la circulation fiduciaire,
le crédit, le budget, la fiscalité, la dette publique et même
la sécurité sociale ne sont que des fragments. Elle-même
n'est qu'une partie clans la politique économique générale
et dans la politique tout court. Cet enseignement est de
g r a n d e conséquence pour l'organisation m ê m e de la direc-
tion « m o n é t a i r e ».

SECTION LIT

Les organes de direction

L ' a u t o m a t i s m e b a n n i et la nature des p h é n o m è n e s excluant


toute f o r m u l e m a g i q u e , la politique monétaire doit être
administrée au jour le j o u r p a r des h o m m e s agissant en
c o m m u n à travers des institutions multiples. Au delà des
analyses techniques et des indispensables informations n u -
mériques, les problèmes m a j e u r s de la création de m o n n a i e
sont l'élaboration des décisions, les motivations réelles et le
choix des h o m m e s .
Le pouvoir de créer de la m o n n a i e c'est une parcelle du
feu céleste dérobé à Zeus. L'ambition de vingt générations
d'alchimistes — comment en or p u r c h a n g e r le plomb vil ?
— se réalise p a r quelques écritures. A qui la société va-t-elle
confier une puissance si terrible ?
Avouons-le. La connaissance économique n'a pas encore
abordé ces problèmes. Elle ne les a m ê m e pas posés. Et
elle n'est pas sûre d'avoir à s'en inquiéter.

Avant le p r e m i e r conflit mondial, le pouvoir d'émettre


appartient à l'Etat, m a i s il ne l'exerce pas. Pour les espèces
métalliques, c o m m e on l'a vu, il se contente de f r a p p e r sur
c o m m a n d e des particuliers. Pour les billets, il a conféré le
« privilège » à u n e b a n q u e privée, assujettie à des règles
strictes, p a r la force soit de la loi, soit de la tradition, soit
de son propre intérêt.
Le problème des hommes, de leurs r a p p o r t s et de leurs
motifs ne se pose en s o m m e p a s puisque la m o n n a i e , sou-
mise à l'automatisme de l'or, n'est p a s gouvernée p a r les
hommes. L'étude comparative des institutions des p r i n c i p a u x
pays m o n t r e que ce principe leur était c o m m u n et que la
diversité ne régnait que d a n s le détail (Voir page 61 et sq.).

A partir de 1914, les Gouvernements sont obligés de


s'adresser à la B a n q u e privilégiée et de lui d e m a n d e r de
l'argent, sous u n e f o r m e ou sous u n e autre. L'Etat, en effet,
n'est plus souverain, puisqu'il s'est dessaisi de son jus mo-
nel.andi pour une très longue période en f a v e u r d'une société
privée. Cette situation provoque des tensions ou m ê m e des
conflits sérieux entre les Gouvernements, qui sollicitent ou
exigent des avances, et la direction de la Banque. Celle-ci
invoque le bien public et la nécessité d'assurer la stabilité
monétaire ou l'encaisse métallique. Elle s'attache, en géné-
110 LA MONNAIE

rai, aux conceptions a n c i e n n e s et ignore le développement


contemporain des connaissances. P a r f o i s m ê m e , les diri-
geants de la B a n q u e introduisent des considérations politi-
ques d a n s leur attitude et se m o n t r e n t enclins à favoriser
les gouvernements de « droite » plutôt que ceux de « g a u -
che ». Mais, les Gouvernements et les P a r l e m e n t s c o m p r e n -
n e n t l'importance du levier monétaire et établissent graduel-
lement ou b r u s q u e m e n t leur autorité complète sur l'émission
fiduciaire. Les statuts des B a n q u e s centrales sont modifiés,
le h a u t personnel est c h a n g é ou m i e u x instruit de . ses de-
voirs (18).
La F r a n c e présente de cette évolution un cas typique, m a i s
non unique. En 1924, la Banque avait dressé un m u r d'ar-
gent auquel s'était heurté le Gouvernement. En 1936, le P a r -
lement écartait les « régents » et les « deux cents familles ».
Mais, la consolidation des pouvoirs monétaires de l'Etat et
la t r a n s f o r m a t i o n 3e la b a n q u e d'émission en u n e simple
administration publique sont des p h é n o m è n e s généraux de
l'époque. A la f i n de la seconde guerre mondiale, l'évolu-
tion est t e r m i n é e : m ê m e la Banque d'Angleterre et les Fédé-
ral Reserve B a n k s ne sont plus des émetteurs indépendants,
m a i s de simples organes au service de l'Etat (19).

Cependant, au m o m e n t où l'Etat semble avoir remporté


u n e victoire complète et rétabli sa souveraineté monétaire,
u n e m é t a m o r p h o s e des i n s t r u m e n t s de paiements m e n a c e
de le déposséder.
La m o n n a i e scripturale, on le sait, était « f a b r i q u é e »
librement p a r les b a n q u e s privées j u s q u ' à la seconde guerre

(18) C o n t r a i r e m e n t à u n e opinion très r é p a n d u e , mais p e u t - ê t r e en


r é g r e s s i o n , n o u s p e n s o n s q u ' u n e connaissance qui p r é t e n d atteindre la
p l é n i t u d e de la c o m p r é h e n s i o n n e doit pas h é s i t e r à reconnaître la
différence e n t r e les r e p r é s e n t a n t s qualifiés de la souveraineté p o p u -
laire et les d e s c e n d a n t s (ou les d é f e n s e u r s ) d ' u n e aristocratie financière.
(19) Les institutions b a n c a i r e s et m o n é t a i r e s de l'Amérique latine p r é -
s e n t e n t de t r è s i n t é r e s s a n t e s applications. Voir p l u s loin les Observa-
tions de M. TRIFFTN.
mondiale. Comme cette nouvelle m o n n a i e représente, selon
les pays, une m a s s e aussi importante, — ou beaucoup plus,
— que la m o n n a i e fiduciaire, le pouvoir d'émettre des billets
perd de ce fait une g r a n d e partie de son efficacité. On se
trouve r a m e n é à une situation comparable à celle du début
du xix" siècle ou de nombreuses banques, à volonté et en
concurrence entre elles, émettaient des billets. Une telle « féo-
dalisation » du droit de battre m o n n a i e va à r e n c o n t r e du
principe de coordination qui est f o n d a m e n t a l pour toute
politique monétaire raisonnable.
Les Gouvernements sont donc a m e n é s actuellement à. sur-
veiller, à réglementer ou m ê m e à diriger l'émission de
m o n n a i e scripturale. Comment en serait-il autrement, puis-
que la théorie montre que c'est bien là u n e vraie m o n n a i e ?
Tantôt la loi impose aux b a n q u e s un pourcentage de liqui-
dités, tantôt elle subordonne les opérations de crédit à cer-
taines conditions (20). On va p a r f o i s j u s q u ' à la nationalisa-
tion des g r a n d s établissements de crédit et à l'institution
d'organes de contrôle et de coordination.

Il est certain que l'autorité monétaire doit être unique et


qu'elle doit pouvoir étendre des investigations et son action
sur toutes les f o r m e s de monnaies.
Mais, la discussion reste ouverte sur les articulations que
doit comporter une « administration de la m o n n a i e ». La
science économique n'a pas d ' o r g a n i g r a m m e s tout prêts (21).
Elle dit plutôt qu'il n'y a pas d'ossature institutionnelle
p a r f a i t e qui puisse être appliquée i n d i f f é r e m m e n t à tous les
pays et peut-être m ê m e qu'il serait vain de prétendre éta-
blir des s c h é m a s détaillés.
Cependant, des éludes comparatives — à la fois sociolo-
giques, psychologiques, politiques, juridiques — sur les orga-
nes dirigeants de la politique monétaire seraient d'un grand

(20) Nous devons nous borner à ces brèves allusions, réservant les
questions de crédit et de b a n q u e pour un a u t r e fascicule.
(21) Peut-être faut-il les d e m a n d e r ù. quelque nouvelle « s c i e n c e de
l'administration », à la recherche des bonnes méthodes.
intérêt. Un vaste domaine encore inexploré se présente pour
une connaissance économique prêle à coopérer avec d'autres
sciences sociales et humaines.
Nous aimerions que l'on nous fasse connaître et com-
p r e n d r e avec une sincérité totale, c o m m e n t se déroulent les
délibérations sur les questions monétaires, au Conseil des
Ministres, d a n s le cabinet feutré du Ministre des Finances,
à la Commission des F i n a n c e s , au Conseil du Crédit, etc.
Nous voudrions connaître les préoccupations et les réactions
des h o m m e s de chair qui les composent et m ê m e être infor-
m é s des conversations ou négociations de couloirs et de
cocktail-parties.
Nous savons que, en dernière analyse, le débat sur la
politique m o n é t a i r e se r a m è n e à un choix entre l'automa-
tisme et la direction h u m a i n e et que la solution dépend de
la c o n f i a n c e que l'on a d a n s les gouvernants. Il f a u t bien
avouer, m a l h e u r e u s e m e n t , que, au cours de la p r e m i è r e
moitié du siècle, la connaissance économique s'est complue
d a n s des analyses qui ne nous apportent a u c u n e lumière
sur ces problèmes f o n d a m e n t a u x . La psychologie rationa-
liste, s c h é m a t i q u e et m a t h é m a t i q u e cíe BENTHAM, de M E N G E R
ou de K E Y N E S nous est d'un m a i g r e secours. Les nouveaux
progrès de la connaissance économique devraient avoir
pour objet de nous faire comprendre les motivations, m ê m e
secrètes des individus, ainsi que la psychologie des groupes.
Nous inclinons à p e n s e r que des Mémoires d'Outre-Tombe
ou des Confessions nous a p p r e n d r a i e n t bien des choses
essentielles ignorées des ouvrages de spécialistes.
CONCLUSION

Sans avoir atteint des certitudes comparables à celles de


1900, la connaissance des p h é n o m è n e s monétaires a fait des
progrès depuis cinquante ans.
Nous savons que la monnaie, bon d'achat fondé sur l'au-
torité- et sur l'adhésion collective, est un fait social et non
plus une richesse individuelle : on ne peut pas être riche
tout seul sur un tas d'or. Grâce à la contribution autrichienne
du premier quart du siècle, le stade des définitions et clas-
sifications est nettement dépassé : nous possédons des
concepts clairs. Grâce aux préoccupations quantitatives des
Américains, nous disposons de données chiffrées de plus en
p l u s précises.
Entre les deux guerres, la pensée européenne a contribué
à l'étude de l'inflation et du niveau des prix, tandis que les
auteurs anglais et a m é r i c a i n s se souciaient davantage du
rôle de la m o n n a i e d a n s le cycle et de son intégration d a n s
le m é c a n i s m e économique d'ensemble. Les f o r m u l e s de
Pisher, Schumpeter, Aft.alion, Marshall, Robertson ont per-
mis d'analyser l'action de la monnaie, à travers la q u a n -
tité, la vitesse, les revenus, la dépense et la circulation de
phase en phase. Là encore, il semble que l'on soit p a r v e n u ,
au moins m o m e n t a n é m e n t , à un reposoir. Peut-être m ê m e
la connaissance a-t-elle c o m m e n c é à descendre vers les
raffinements de détail et les controverses scolastiques.
Après la seconde guerre mondiale, la question centrale est
celle de la politique monétaire, coordonnée d a n s tous ses
aspects et reliée à la politique générale. Il ne s'agit p a s
simplement de régler la quantité de m o n n a i e , m a i s d'en
orienter l'affectation initiale et la circulation ultérieure.
Techniquement le problème est difficile, m a i s if est dominé
p a r des problèmes plus vastes.
La grande interrogation contemporaine est celle des régi-
m e s ou des institutions de base (1). Malheureusement, la
plus g r a n d e partie des études sur la m o n n a i e ont été faites
en supposant u n r é g i m e libérai-individualiste tel qu'il a pu
exister vers 1928 et ce cadre de référence ne correspond
p l u s à la société actuelle.. Un ne peut plus raisonner en
s u p p o s a n t : des entrepreneurs autonomes m u s par un calcul
rationnel, des capitalistes plaçant leurs disponibilités d'après
le t a u x de r e n d e m e n t , des b a n q u e s privées offrant du crédit
à volonté, u n Etat abstentionniste et une fiscalité inexis-
tante.
Ainsi, à c h a q u e époque, les théories et les pratiques sont
dominées, de façon presque transcendante, p a r des « hypo-
thèses f o n d a m e n t a l e s », qu'on n'expose pas, tant elles sont
évidentes, pour les contemporains et dont on n'a m ê m e pas
conscience. A partir du m o m e n t où, pour ainsi dire exté-
r i e u r e m e n t à la théorie, l'une de ces hypothèses cesse de
correspondre à la réalité, toutes les analyses basées sur
elle restent s u s p e n d u e s en l'air; le d r a m e est qu'elles ne
s'effondrent p a s ; elles d e m e u r e n t et encombrent de leur
r u i n e toute la science.
Nous pensons donc que l'une des tâches les plus u r g e n -
tes pour la théorie m o n é t a i r e est la reconsidération des
hypothèses fondamentales, ou si l'on veut l'établissement
de nouveaux s c h é m a s institutionnels.

Mais, la tâche de la connaissance économique est d ' a n a -


lyser de plus près les conditions dans lesquelles sont prises
les décisions concernant la politique monétaire. Il importe
de savoir quelles personnes, quels groupes, p a r quelles pro-
cédures, sous quelles influences, arrivent à déterminer, di-
rectement ou implicitement, les objectifs de la politique
monétaire, au sens large du terme, et à p r e n d r e les m e s u -
res pratiques d'application au jour le jour.
P a r exemple, il est essentiel de savoir comment, d a n s tel

(1) Sur l'importance des « Institutions », voir MARGET, Monetary


Theory at the texbook level, in Amer. econ. R., déc. 1942, p. 775-790.
ou tel pays (ou en général), sont confrontées et conciliées
les exigences respectives cle la stabilité monétaire et de la
Dette publique, ou bien si tout va à la dérive, chaque ser-
vice décidant ou temporisant à son gré. Dans l'état actuel
des choses cette question est i n c o m m e n s u r a b l e m e n t plus
sérieuse que celle de la relation précise entre le t a u x de
l'intérêt et la vitesse de revenu. Dire — si on le peut, à la
suite d'études comparatives et d'enquêtes — que là où le
Gouverneur de la Banque centrale résiste au Ministre des
Finances ou l'emporte sur lui la tendance déflationniste pré-
vaut, avec comme corollaire u n e « bourse m a u v a i s e » pour
les titres d'Etat, c'est s'orienter vers un type d e ' c o n n a i s s a n c e
autrement significatif que les « fonctions d'investissement »
ou les « fonctions de consommation ». C'est, en tout cas, se
libérer de l'emprise déterministe et matérialiste du xix" siè-
cle qui a u j o u r d ' h u i encore i m p r è g n e et entrave la connais-
sance économique.

Comme dans une société qui établit ses comptes au 31 dé-


cembre, ce Bilan d'un demi-siècle de recherches et d'expé-
riences paraît au m o m e n t où s'achève « l'exercice » — u n
exercice qui aurait duré cinquante ans. Comme d a n s un
Rapport de fin d'année, on devrait f o r m u l e r quelques pro-
nostics ou suggestions pour la période nouvelle qui va com-
mencer. Mais, nous ne tenterons point de f a i r e l'astrologue
et d'aller au delà des indications qui ont été semées à la
volée dans les pages qui précèdent.
Toutefois, il n e messied point de faire un r a p p r o c h e m e n t
entre le début de la première moitié du siècle et le début de
la seconde moitié. La première avait véritablement com-
m e n c é p a r le coup d'éclat de K N A P P qui, h e u r e u s e m e n t ou
malheureusement, volontairement ou involontairement, a
m a r q u é de son signe toute la période. Elle a connu ensuite
les désastres successifs de l'inflation et de la déflation. Elle
se termine avec, à son actif, des notions assez précises et
assez généralement admises sur les buts et les m o y e n s d ' u n e
politique monétaire consciente.
La seconde moitié verra-t-elle u n r e n v e r s e m e n t de la
tendance avec retour à l'étalon-or du xix" siècle ? Nous en
doutons fort (2). Nous croyons plutôt à une continuation du
mouvement, mais, en quelque sorte, sur un autre plan. La
zone stratégique sur laquelle devrait porter le projecteur
nous paraît être la c h a r n i è r e de la science et de la prati-
que, de la pensée et de l'action, de la recherche et de l'ad-
ministration.
Avec u n e pleine conscience du risque couru, nous n'hési-
tons pas à désigner l'ouvrage qui nous paraît le plus propre
à i n a u g u r e r la deuxième moitié du siècle, dont nos e n f a n t s
et p e t i t s - e n f a n t s feront le Bilan (3). Ce n'est pas un ouvrage
à p r o p r e m e n t p a r l e r ; c'est u n ensemble d'études et d'en-
quêtes un peu i n f o r m e et, à m a connaissance, pas encore
publié.
La Commission on Organization of Ihe Executive Branch
of Ihe Government (4), d a n s son souci d'établir un système
de Gouvernement et d'Administration efficace, a chargé un
comité spécial d'analyser les institutions et les procédures
p a r lesquelles est actuellement établie et appliquée la poli-
tique monétaire des Etats-Unis et de proposer les r é f o r m e s
qui p a r a î t r a i e n t nécessaires. La p l u s g r a n d e partie du tra-
vail accompli porte sur le Système de Réserve Fédérale et
a été réalisé sous la direction du P r o f e s s e u r George L.
BACH (5).
En r e c h e r c h a n t c o m m e n t se f o r m e et se réalise la poli-
tique monétaire, on a constaté, p a r exemple, q u ' a u c u n texte
législatif ne définit les fonctions ou les objectifs du Fédéral
Reserve System. On a essayé de savoir c o m m e n t s'exerce
l'autorité (leadership) du Président du Board of Governors
et l'on a trouvé que si M. Mariner E C C L E S a obtenu des votes
à l ' u n a n i m i t é de façon r e m a r q u a b l e m e n t constante p e n d a n t
quatorze ans, c'est grâce à des conversations amicales avec
les m e m b r e s du Board et non p a s en d e m a n d a n t u n vote

(2) Voir c i - a p r è s les Observations d e Luigi FEDEHICI et d e R o b e r t


TIUFFIN.
(3) A m o i n s qu'ils n e p r é f è r e n t établir u n Bilan c u m u l a t i f p o u r le
siècle !
(4) Sorte de Commission s u p é r i e u r e des Méthodes, p l u s c o n n u e sous
le n o m de Hoover Commission.
(5) Voir s o n article d a n s Amer. econ. R., déc. 1949, « T h e F e d e r a l
R e s e r v e a n d m o n e t a r y policy f o r m a t i o n ».
formel sur des questions présentées au Board « in a con-
troversial state ». On a constaté aussi la nécessité d'un m é -
canisme (procédure ou institution) permettant de découvrir
les contradictions ou oppositions d'effets entre décisions
prises i n d é p e n d a m m e n t p a r des services variés et si possi-
ble de les éviter ou d'y remédier. Une fois engagé d a n s
cette direction on ne m a n q u e pas de s'apercevoir que la
peur des responsabilités ou le désir de les rejeter sur d'au-
tres épaules (6) sont des facteurs bien autrement importants
que la préférence pour la liquidité.

(6) To play s a f e ; « b u c k p a s s i n g » .
OBSERVATIONS
par
LUIGI FEDERICI
Professeur 'd'Economie Politique
à la Faculté de Droit de Modène
et
ROBERT TRIFFIN
Conseiller financier
la European cooperation administration
Le P r o f e s s e u r Luigi FEDERICI enseigne l'économie politique à l'Uni-
versité Bocconi de Milan et. à la Faculté de Droit de Modène. Son prin-
cipal o u v r a g e est u n m o n u m e n t a l traité s u r . L a Monnaie et l'Or, où
il fait preuve d ' u n e connaissance r e m a r q u a b l e de la littérature du
s u j e t , en anglais, en allemand, en français et en italien (Voir Biblio-
graphie, n° 22). P o u r t a n t , Luigi FEDERICI n'est pas un spécialiste étroi-
tement confiné dans son domaine. Véritable homme de science au
savoir encyclopédique, il sait situer les problèmes qu'il étudie dans un
ensemble plus vaste, conformément à la belle tradition des savants d3
son pays.

Docteur en droit de Louvain, docteur ès-sciences économiques de


Harvard, M. Robert TRIFFIN s'est signalé d'abord par des t r a v a u x de
p u r e théorie s u r la concurrence monopolistique. Chef de la Section
d'Amérique Latine au Board of Governors of the Federai Reserve
System, puis Directeur du Contrôle des Changes au Fonds Monétaire
International, il participe t r è s directement à l'élaboration de plusieurs
lois monétaires et bancaires en Amérique du Sud. Représentant du
Fonds Monétaire International en Europe, puis Conseiller Financier du
Gouvernement Américain à l'E.C.A., Robert TRIFFIN est l'un des pro-
moteurs de l'Union Européenne des Paiements.
OBSERVATIONS ( I )
d e LUIGI FEDERICI

Depuis la première g r a n d e guerre de notre siècle, deux


courants f o n d a m e n t a u x de peiisée ont révolutionné la théo-
rie monétaire. Tout d'abord, a prévalu l'idée que l'unique
fonction économique de la m o n n a i e est d'être un i n t e r m é -
diaire de= échanges et, par voie de conséquence logique,
une m e s u r e des valeurs sur le m a r c h é (1). En second lieu,
l'opinion s'est établie que la m o n n a i e est un moyen com-
mode pour agir sur l'économie nationale, d a n s son ensemble
et dans ses secteurs particuliers.
Sur ces nouvelles tendances théoriques et sur les préceptes
d'action pratique qui en découlent, Robert Mossé a f o u r n i
dans les pages qui précèdent des indications suffisantes.
Il a mis en évidence les rapports idéologiques entre cette
conception nouvelle de la m o n n a i e et celle d'un Etat pater-
naliste et dirigiste. Il a m o n t r é les relations fonctionnelles
existant entre la m o n n a i e - s i g n e et la poursuite d'une poli-
tique anticyclique et de « libération vis-à-vis du besoin ».
Finalement, il a étudié les formes, le modus operandi et
les effets des m a n i p u l a t i o n s monétaires.
.Je m e propose ici de présenter quelques considérations
générales en p a r t a n t du problème des fonctions économi-
ques de la monnaie, puis en passant à celui de la contri-
bution réellement apportée p a r l'analyse macroscopique
moderne à la théorie monétaire, pour finir p a r de brèves
r e m a r q u e s sur la question de l'intégration de la théorie
monétaire dans le s c h é m a de la théorie économique géné-
rale.

(1) La fonction de m o y e n légal de p a i e m e n t est de n a t u r e j u r i d i q u e et


non économique. Elle n e n o u s i n t é r e s s e d o n c p a s .
I . — L E S FONCTIONS DE LA MONNAIE.

Le problème des fonctions de la m o n n a i e est d'une impor-


tance f o n d a m e n t a l e pour un examen critique des idées
monétaires contemporaines. Car, en vérité, la controverse
m é t a p h y s i q u e sur le concept de la m o n n a i e (monnaie-signe
ou m o n n a i e - m a r c h a n d i s e ) se r a m è n e à u n e discussion sur
les fonctions qui doivent être a s s u m é e s par la monnaie.
R e m a r q u o n s tout d'abord qu'il s'agit bien d'une contro-
verse de caractère idéologique. Il n'est pas exact d'affirmer,
c o m m e le fait Robert Mossé, que les événements historiques
nous ont obligés à mettre en doute certaines thèses généra-
lement admises il y a u n e trentaine d'années et que c'est
l'expérience qui nous a contraints à modifier la théorie.
J e suis convaincu, au contraire, que la force des idées
c o m m e schéma d'interprétation de la réalité historique est
t o u j o u r s plus g r a n d e que celle des faits purs et simples.
S'il n'y avait pas déjà eu une forte tendance à concevoir
la m o n n a i e seulement c o m m e i n s t r u m e n t d'échange et si
l'on n'avait pas d é j à confondu le concept de pouvoir d'achat
avec celui de moyen d'achat, — établissant ainsi une a m b i -
guïté entre la capacité d'achat du revenu monétaire d'un
m a r c h é et la capacité de dépense du marché, — (2) les faits
s u r v e n u s depuis 1020 n'auraient pas suggéré les théories et

(2) La c o n f u s i o n et l'ambiguïté sont à l e u r t o u r le r é s u l t a t d ' u n e


f a u s s e analogie c o n c e r n a n t le s e n s de la d e m a n d e et de l'offre collective
de monnaie. Robert Mossé a raison q u a n d , — p o u r des m o t i f s probabla-
m e n t différents des miens, — il m e t en doute la clarté d u concept de
besoin de monnaie.
La d e m a n d e et l ' o f f r e de monnaie sont, en général, conçues d a n s le
m ê m e sens technique q u e les d e m a n d e s et les o f f r e s (normales) de m a r -
chandise : (a) les q u a n t i t é s d e m a n d é e s et offertes en fonction d ' u n e série
d e p r i x possibles sont i n d é p e n d a n t e s l'une de l ' a u t r e , et (&) le prix est
u n e variable i n d é p e n d a n t e de la quantité. Au contraire, d a n s le cas de
la m o n n a i e ; (a) le pouvoir d ' a c h a t de l'unité m o n é t a i r e c'est-à-dire le
p r i x d e la monnaie en t e r m e s de m a r c h a n d i s e est u n e fonction d e 'a
q u a n t i t é de monnaie, donc (6) les q u a n t i t é s offertes et d e m a n d é e s sont
d é p e n d a n t e s l'un-3 de l ' a u t r e . Il s ' e n s u i t que, — d a n s u n e période courte
et sous la condition coeteris paribus, — p o u r u n e m a r c h a n d i s e 11 y a
les f o r m u l e s de politique économique a u j o u r d ' h u i c o m m u -
nément r é p a n d u e s (3).
Quoi qu'il en soit, le point essentiel est que désormais
on attribue à la m o n n a i e seulement la fonction d'intermé-
diaire des échanges. Et il est bien étrange que les théori-
ciens modernes n'accordent pas plus d'attention aux graves
conséquences logiques et pratiques d'une limitation qui
exclut la fonction de réserve de valeur.
Probablement, cette exclusion curieuse provient de ce que
la théorie moderne, g r i f f é e sur le tronc keynesien, s'occupe
surtout de la dépense de la m o n n a i e ; elle est ainsi a m e n é e
à considérer c o m m e secondaire et accessoire u n e fonction
que l'instrument monétaire remplit précisément q u a n d il
n'est pas dépensé. Pourtant, cette théorie, avec un r e m a r -
quable m a n q u e de logique, s'attache au concept de réserve
liquide et même, d a n s u n e de ses variantes, vient s'arti-
culer sur une analyse p a r période. Dès lors, si l'on réfléchit
bien, on ne comprend pas c o m m e n t il est possible, dans
u n r a i s o n n e m e n t cohérent, de concevoir u n e m o n n a i e privée
de tout attribut temporel au milieu d'une construction théo-
rique qui p r é s u m e le t e m p s avec la notion de réserve liquide

toujours u n e seule quantité d'équilibre, tandis que p o u r la monnaie,


n'importe quelle quantité peut r e p r é s e n t e r un niveau d'équilibre.
Les expressions : demande et offre (collective) perdent donc leur sens
habituel lorsqu'elles sont appliquées à la monnaie. Et cela arrive, comme
on peut le c o m p r e n d r e facilement, parce q u e l'hypothèse coeteris parl-
bus n'inclut pas le niveau des prix des marchandises qui définit préci-
sément le pouvoir d'achat de la monnaie.
En outre, il y a une seconde différence f o n d a m e n t a l e entre les d e u x
cas. Dans le cas des marchandises, le produit du prix p a r la quantité
correspondante indique le montant monétaire de la dépense (demande)
ou de la recette (offre) à ce prix. Dans le cas de la monnaie, au contraire,
ce produit indique le volume du pouvoir d'achat d e m a n d é par le m a r c h é
(ou offert au marché). En conséquence, lorsque le m a r c h é éprouve un
besoin de monnaie, ce qu'il veut èn vérité, c'est u n pouvoir d'achat et
non des moyens de paiement. De telle sorte q u e ce besoin n'est pas
satisfait. — ou n'est satisfait que partiellement, — si les prix des m a r -
chandises augmentent en même t e m p s q u ' a u g m e n t e la quantité de mon-
naie (qui est seulement moyen d'achat).
(3) Je suis bien d'accord avec Luigi Federici pour reconnaître la p r é -
pondérance de l'idéologie. Mais, il semble difficile de nier l'influence
notable des faits dans ce domaine (R. M.).
et qui s'eiîorce de l'inclure au m o y e n d ' u n e a n a l y s e des
« lags ».
La fonction de réserve de v a l e u r est e x a c t e m e n t c e l l e ; d e
t r a n s f e r t de la v a l e u r d a n s le t e m p s , ce dont beaucoup,
m a l h e u r e u s e m e n t , ne se r e n d e n t p a s compte. Avec cette
f o r m u l a t i o n , on s'aperçoit i m m é d i a t e m e n t qu'il s'agit d'une
fonction é c o n o m i q u e i n d i s p e n s a b l e , obligatoirement liée à
l'emploi de l ' i n s t r u m e n t m o n é t a i r e et qui en complète la
notion.
M ê m e s a n s envisager l ' a c c u m u l a t i o n éventuelle d ' é p a r g n e
liquide m a i n t e n u e oisive, il suffit de se r a p p e l e r que la
m o n n a i e doit nous p e r m e t t r e de répartir librement dans le
temps la dépense de notre r e v e n u pour constater q u e la
fonction de réserve est une des principales q u e doit r e m p l i r
u n e m o n n a i e digne de ce n o m . En d ' a u t r e s t e r m e s , la m o n -
naie p o u r être p a r f a i t e , m ê m e en t a n t q u ' i n s t r u m e n t de
circulation, doit aussi servir de réserve de valeur. Sa f o n c -
tion p r e m i è r e est d ' a u t a n t p l u s correctement r e m p l i e que
la m o n n a i e r e m p l i t aussi la seconde à la longue. C'est
pourquoi la préoccupation exclusive des p h é n o m è n e s circu-
latoires qui caractérise la théorie courante, et corrélative-
m e n t le m é p r i s t é m o i g n é à la fonction de réserve, sont la
m a r q u e d ' u n e déplorable c o n f u s i o n d'idées, qui d é p a s s e les
limites d ' u n e j u s t i f i c a t i o n rationnelle de la m o n n a i e - s i g n e .

Cette c o n f u s i o n t r a n s p a r a î t d a n s le zèle avec lequel la


théorie postule la stabilité du pouvoir d'achat de l'unité m o -
nétaire t a n d i s que la politique économique prétend la réaliser.
Au fond, c'est là un procédé p o u r introduire subreptice-
m e n t , d a n s le s c h é m a théorique et sur le p l a n pratique, la
fonction de réserve q u e l'on a écartée f o r m e l l e m e n t . Q u a n d
on dit, p a r exemple, avec K E Y N E S (Tract on Monetanj
rteform) que, p o u r a s s u r e r l'équité des r a p p o r t s entre c r é a n -
ciers et débiteurs, la valeur de la m o n n a i e devrait être stable
d a n s le t e m p s , on a d m e t p u r e m e n t et s i m p l e m e n t que la
m o n n a i e a s s u r e a u s s i la fonction de réserve et on d e m a n d e
qu'elle soit r e m p l i e avec le m a x i m u m d'efficacité.
Mais, q u a n d la question est ainsi présentée, l'économiste
ne peut pas être satisfait, car on met en relief un aspect
juridique et non économique des relations d'affaires et, de
plus, on ne considère qu'un cas particulier p a r m i les n o m -
breuses situations et relations où la m o n n a i e intervient pour
transférer fa valeur à travers le temps.
En général, on doit en effet reconnaître que, d a n s u n e
société avec division du travail, il n'y a point de secteur
de la vie économique où la fonction de réserve soit négli-
geable. La considération du temps domine toutes les m a n i -
festations de l'activité économique, individuelle et collective.
Les préoccupations d'avenir sont toujours présentes à l'esprit
du producteur et du c o n s o m m a t e u r et la seule façon d'en
tenir compte — au m o i n s d a n s u n e économie non c o m m u -
niste — consiste précisément d a n s l'emploi d'une m o n n a i e
qui, outre son rôle instantané d'intermédiaire de l'échange,
jette un pont pour le calcul économique entre le présent et
le f u t u r .
Naturellement, la nécessité d'une conception de ce genre
résulte seulement du fait que l'avenir est incertain, ce qui
— t o u j o u r s d a n s u n régime économique de type privé —
est la conséquence du caractère dynamique de l'économie.
Si nous vivions dans une économie stationnaire, la m o n n a i e
pourrait être conçue c o m m e un symbole p u r et simple
remplissant la fonction éiémentaire d'intermédiaire de
l'échange. On pourrait m ê m e , d a n s u n e telle économie, se
passer de la monnaie, puisque les prix resteraient constants
et puisque les rapports de dettes et de créances — se répé-
tant toujours avec la m ê m e structure et les m ê m e s m o n -
tants — pourraient être compensés systématiquement, selon
un plan établi sur la base d'une p r e m i è r e expérience.
Mais, puisque notre vie économique se déroule suivant
un processus dynamique, plein de perspectives incertaines
et de risques toujours changeants, il est évident que l'ins-
trument monétaire doit remplir des fondions typiquement,
dynamiques. Dans l'économie moderne, c o m m e l'a dit
Rosenstein Rodan (4), la m o n n a i e est en substance un

(4) Economica, « The Coordination of the general Theorles of Money


and Prices », (aoùt 1936).
bien qui satisfait notre besoin de certitude. L'exactitude de
celte opinion est démontrée, depuis trente ans, p a r l'in-
quiétude des Gouvernements à la recherche de la stabilité
et p a r la tragique f u i t e des individus devant les m o n n a i e s
qui se déprécient.

Nous arrivons ici à u n aspect assez curieux de la ques-


tion. T a n d i s que la théorie nouvelle — avec ce m a n q u e de
logique interne auquel j'ai d é j à fait allusion — p r é s u m e
une m o n n a i e servant seulement comme moyen d'option sur
le m a r c h é , et tandis que la nouvelle politique économique
du bien-être trouve d a n s le n o m i n a l i s m e la justification
théorique des m a n i p u l a t i o n s monétaires destinées à com-
battre la m i s è r e et le chômage, le besoin d'une unilé moné-
taire stable est devenu plus intense — au moins d a n s les
p a y s de l'Europe continentale et de l'Asie qui connurent
les m é f a i t s des inflations. Autrement dit, on désire une
m o n n a i e qui remplisse p a r f a i t e m e n t la fonction de réserve.
S a n s aucun doute, nous sommes en présence d'une révolte
générale de l'opinion publique contre une théorie et une
pratique qui privent le calcul économique de tout fonde-
ment et qui exposent les producteurs et les consommateurs
sans défense aux risques multiples de l'avenir. On ne peut
se protéger qu'en t h é s a u r i s a n t des m é t a u x précieux.
Le p h é n o m è n e massif de la thésaurisation de l'or, qui
dure en Occident depuis trois décades et qui s'est encore
accentué depuis la dernière guerre, est en vérité lié, comme
l'effet à la cause, à la longue période de désordre m o n é -
taire dont nous avons eu le m a l h e u r de faire l'expérience,
il nous autorise à douter sérieusement de l'opportunité d'un
recours à l'instrument monétaire pour éliminer — à suppo-
ser qu'il- soit efficace — certains d é f a u t s indiscutables de
l'organisation actuelle de la société.
La m a j o r i t é des individus est certainement d'accord sur
les objectifs : accroître le bien-être matériel des peuples et
instaurer plus de justice sociale d a n s les rapports écono-
miques. Mais, cette m a j o r i t é — à en j u g e r p a r ses réactions
— n'est pas disposée du tout à sacrifier la sécurité moné-
taire pour atteindre ces objectifs. Même les ouvriers et les
employés qui sont les plus directement intéressés à la poli-
tique de bien-être et de justice sociale, aspirent catégori-
quement à la stabilité de leurs revenus réels. D'ailleurs,
l'ambition des r é f o r m a t e u r s surprend p a r sa bizarrerie.
Une politique économique qui tend à la satisfaction des
besoins et à la sécurité générale ne peut pas raisonnable-
ment, pour atteindre son but, accroître les risques de l'acti-
vité économique individuelle. Comme le fait r e m a r q u e r la
BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX : « Notre génération
a soif de sécurité et cela se conçoit : il f a u t lui r a p p e l e r
que la sécurité monétaire est u n e des formes de sécurité
les plus précieuses. Tous les m e m b r e s de la collectivité en
profitent et les p a y s qui l'ont perdue en apprécient toute
la valeur (5). »

Ainsi, si toute monnaie, de p a r son rôle de m o y e n


d'échange général, fonctionne aussi inévitablement c o m m e
moyen de transport de la valeur d a n s le temps, il est certain
que, du point de vue de cette seconde attribution, la diffé-
rence entre la monnaie-signe et la m o n n a i e - m a r c h a n d i s e
est seulement de degré. La m o n n a i e d'or, p a r exemple, —
non p a s tellement parce que le métal a u n e valeur en soi,
m a i s parce qu'il est assujetti à des conditions particulières
« d'émission », — remplit la fonction de réserve de valeur
beaucoup mieux qu'une m o n n a i e de p a p i e r qui est m a n i -
pulable ad libitum. La première se présente p a r r a p p o r t à
la seconde c o m m e m o n n a i e optima. Pour cette raison, la
controverse entre le métallisme et le n o m i n a l i s m e — u n e
fois dépouillée des considérations polémiques accessoires —
se r a m è n e à la question beaucoup plus simple et claire
de la préférence p o u r un i n s t r u m e n t monétaire plus ou
moins p a r f a i t (A).

(5) R a p p o r t p o u r l'exercice 1949-50, p. 287.


(A) Note R. M. — P o u r m a p a r t , j e p r é f é r e r a i s p o s e r le p r o b l è m e d a n s
les t e r m e s s u i v a n t s : F a u t - i l a c c o r d e r la p r i m a u t é à la fonction de
r é s e r v e de v a l e u r ? C'est-à-dire faut-il, p o u r a s s u r e r l ' a c c o m p l i s s e m e n t
« p a r f a i t » d e cette fonction, r e n o n c e r à t o u t e politique m o n é t a i r e ? ou
On est alors conduit à f o r m u l e r u n j u g e m e n t défavorable
sur les théories monétaires courantes d'origine keynesienne,
qui p r é s u m e n t l'existence d'une monnaie-signe, c'est-à-dire
d'une monnaie imparfaite.
Mais, ces théories méritent un examen plus approfondi.
Personnellement, je doute beaucoup qu'elles aient apporté
u n e contribution véritablement originale à la théorie moné-
taire p r o p r e m e n t dite et je vais m a i n t e n a n t indiquer quel-
q u e s - u n s des motifs de cette opinion.

¡¡:

I I . — LA CONTRIBUTION DF, LA THÉORIE MODERNE.

Une théorie monétaire digne de ce nom doit se proposer


de f o u r n i r des connaissances de deux catégories.
D'abord, elle doit expliquer de quoi dépend et comment et
pourquoi varie la valeur (pouvoir d'achat) de la monnaie.
C'est le p r o b l è m e de la détermination des prix (des biens
économiques) et de l'influence que l'existence m ê m e de la
m o n n a i e — qui n'est j a m a i s neutre — exerce sur les prix
du m a r c h é où elle circule.
En second lieu, elle doit expliquer de quoi dépend le
rapport d'échange entre la m o n n a i e présente et la m o n n a i e
future, c o m m e n t et pourquoi varie ce rapport qui exprime
le prix à p a y e r pour obtenir l'usage de la m o n n a i e d a n s
le temps. C'est le problème de l'intérêt monétaire, qui doit
être résolu d a n s le cadre d'une explication plus générale
de l'intérêt.
Les théories modernes, qui raisonnent en termes de reve-
nus gagnés et revenus dépensés, essaient de répondre à la
seconde série de questions et f o r m u l e n t directement une
explication de l'intérêt — sur le mérite de laquelle j e ne

bien peut-on, p o u r p r o c u r e r à la c o m m u n a u t é le m a x i m u m de p r o s p é -
rité et de j u s t i c e sociale d a n s la liberté, r e c o u r i r à des p r a t i q u e s m o n é -
taires qui f o n t courir des risques a u x p o s s é d a n t s de certaines catégories
de richesses ? Et n'est-il p a s possible de p e r f e c t i o n n e r la polilique m o -
nétaire de f a ç o n à r é d u i r e considérablement le r i s q u e d'instabilité
monétaire ?
puis m ' é t e n d r e ici —; m a i s elles se bornent à suggérer
implicitement u n e réponse au premier groupe de questions.
La p r é f é r e n c e ainsi m a r q u é e d a n s la m a n i è r e d'aborder
le problème provient probablement, c o m m e l'a r e m a r q u é
Robert MOSSÉ, de l'opinion suivant laquelle le t a u x de l'in-
térêt serait le facteur principal d é t e r m i n a n t la conduite des
entrepreneurs et des épargnants. Et peut-être aussi de ce
que l'attention s'est déplacée du niveau des prix (P) à la'
g r a n d e u r du revenu (R). Quoi qu'il en soit, le problème
du pouvoir d'achat de la m o n n a i e n'est plus conçu en termes
d'une action directe exercée p a r la m a s s e de m o n n a i e (M)
sur le marché, m a i s comme un problème de relation entre
M et P à travers les variations de la d e m a n d e effective (D)
en fonction des variations de M.
Dans tes nouvelles t e n d a n c e s théoriques, la question
importante n'est plus celle de savoir c o m m e n t P varie en
fonction des variations de M. Le c h a n g e m e n t du niveau
des prix et, par suite, de la valeur de l'unité monétaire est
devenu secondaire et accessoire. Cette idée est en h a r m o n i e
avec la notion d'une m o n n a i e conceptuellement i m p a r f a i t e ,
dont la stabilité n'est p l u s l'élément essentiel et qui peut
r e m p l i r seulement à u n faible degré — c'est-à-dire pour
une période très courte — la fonction dédaignée de réserve
de valeur. La question principale au contraire est de savoir
dans quelles conditions et en quelle m e s u r e les variations
de M agissent sur la dimension de D, ce qui revient à
déterminer de quelle m a n i è r e et d a n s quelle m e s u r e la
grandeur du revenu change à la suite d'une modification
de la m a s s e de m o n n a i e .
Le trait distinctif de la théorie monétaire m o d e r n e (en
tant que théorie des prix) dérivée de la conception k e y n e -
sienne du m o n d e économique est donc la place modeste qui
est accordée à M. T a n d i s que d a n s la théorie quantitative
du type fishérien — telle qu'on la présente f r é q u e m m e n t —
la g r a n d e u r de M est le facteur déterminant, d a n s la théorie
moderne la m a s s e monétaire est rabaissée à un rôle secon-
daire p a r r a p p o r t à celui que tient le volume et la proportion
des dépenses. La quantité de m o n n a i e — affirme-t-on encore
— n'est plus regardée c o m m e le f a c t e u r u n i q u e du niveau
des prix et encore moins c o m m e l'élément décisif d a n s la
conjoncture économique. Désormais, tes éléments fonda-
m e n t a u x m i s en évidence sont c e u x qui d é t e r m i n e n t l'emploi
( m i s e en r é s e r v e ou d é p e n s e ) q u e le m a r c h é fait de' l a
monnaie.

L'originalité de cette p r é s e n t a t i o n du p r o b l è m e m e s e m b l e
très d o u t e u s e ; j e ne trouve, à v r a i dire, d a n s la nouvelle
théorie a u c u n é l é m e n t essentiel qui soit é t r a n g e r à la théo-
rie c l a s s i c o - f i s h é r i e n n e , correctement comprise. Sans me
r é f é r e r à ce q u e j ' a i m o i - m ê m e écrit à ce s u j e t il y a dix
a n s (6), il s u f f i r a de r a p p e l e r les articles et le livre bien
c o n n u s de MARGET (7) qui p r o u v e n t de m a n i è r e i r r é f u t a b l e
que, d a n s son actuelle i n t e r p r é t a t i o n p e r f e c t i o n n é e , l ' é q u a -
tion de F i s h e r ne c o r r e s p o n d p a s du tout à l'idée grossière
que les m o n é t a r i s t e s k e y n e s i e n s se f o n t de la théorie
quantitative.
E n particulier, d e p u i s l o n g t e m p s , a u c u n économiste q u a -
lifié ne se h a s a r d e p l u s à soutenir q u e la g r a n d e u r de M
est l ' u n i q u e c a u s e d é t e r m i n a n t e de la g r a n d e u r de P et que
M est le f a c t e u r s t r a t é g i q u e p a r m i ceux qui f i g u r e n t d a n s
la f o r m u l e . E n outre, il est de notoriété p u b l i q u e que le
m o n t a n t de m o n n a i e émise n'est p a s la q u a n t i t é à p r e n d r e
en considération, m a i s plutôt — c o m m e David HUME l'avait
d é j à dit d a n s la p r e m i è r e moitié du x v n r siècle — ce
m o n t a n t d i m i n u é des q u a n t i t é s conservées p a r les i n d i v i d u s
p o u r n ' i m p o r t e quel motif. C'est dire — e x a c t e m e n t c o m m e
la nouvelle théorie p r é t e n d l'avoir découvert — que la m o n -
n a i e i n f l u e n c e la vie é c o n o m i q u e s e u l e m e n t d a n s la m e s u r e
où elle c i r c u l e ; ce qui compte, en s o m m e , ce n'est p a s la
q u a n t i t é de m o n n a i e d i s p o n i b l e p o u r le m a r c h é , m a i s la
q u a n t i t é de monnaie utilisée p a r le m a r c h é .
Il U'est donc p a s exact d ' a f f i r m e r c o m m e le f a i t HANSEN (8)
que la théorie q u a n t i t a t i v e de t y p e f i s h é r i e n ignore que la

(6) L. FEDERICI, La moneta e l'oro, chap. IV d e la 1 « édition, chap. V


d e la 2e édition.
(7) Economica, 1932, 1933 et 1939, — et Theory of Prices, voir Biblio-
g r a p h i e , n ° 20.
(8) Monetary Theory. Voir Bibliographie, n ° 58.
m o n n a i e puisse être m a i n t e n u e d a n s l'oisiveté. De m ê m e
est incorrecte son autre affirmation que, suivant cette m ê m e
théorie, le volume de la dépense agirait seulement sur les
prix, tandis que le volume de la production (Q) et l'emploi
dépendraient exclusivement de facteurs réels. Bien au
contraire, l'analyse quantitative moderne a reconnu depuis
longtemps l'existence de la thésaurisation dont elle m e s u r e
l'effet sous f o r m e de diminution de la vitesse de circulation
de la m o n n a i e disponible pour le m a r c h é ; elle a aussi
depuis longtemps insisté sur l'interdépendance de toutes les
variables dans la f o r m u l e de FISIIER, ainsi que sur l'impul-
sion que, dans certaines circonstances, un accroissement de
la dépense peut donner au m o u v e m e n t des affaires (9).
L'originalité de la théorie nouvelle pourrait se trouver
seulement dans le fait que l'analyse en termes de revenu
et de dépenses globales —• développant une vieille idée d é j à
cultivée par M A R S H A L L et p a r Pinou — ouvre une voie n o u -
velle permettant d'aborder de façon inaccoutumée le pro-
blème du pouvoir d'achat de la monnaie.
J e reconnais volontiers que le concept de « income velo-
city » (10) peut, pour certaines analyses d y n a m i q u e s , être
plus fécond que le concept de « transaction velocity ».
Je suis également disposé à reconnaître que l'introduction
de la dépense c o m m e chaînon intermédiaire entre la q u a n -
tité de m o n n a i e et le niveau des prix précise et éclaire la
nature de certains problèmes, qui ne sont certes pas ignorés

(9) Robert MOSSÉ o b s e r v e à ce p r o p o s (Essai, p a g e 75) q u e la t h é o r i e


q u a n t i t a t i v e « d a n s la m e s u r e où elle est d e v e n u e p l u s v r a i e et p l u s
c o m p l è t e est d e v e n u e a u s s i p l u s i n d é t e r m i n é e ». Mais, i n d é p e n d a m m e n t
d u fait q u e cette observation p e u t ê t r e a p p l i q u é e à t o u t e t h é o r i e écono-
mique qui, p a r souci de p e r f e c t i o n , p r é t e n d t e n i r c o m p t e d ' u n g r a n d
n o m b r e de variables, il est c e r t a i n q u e c e t t e critique p e u t s ' a d r e s s e r
aussi à l a t h é o r i e m o n é t a i r e de t y p e k e y n e s i e n . P a r e x e m p l e , selon
l ' a n a l y s e de HANSEN, M p e u t influer s u r D à t r a v e r s trois cheminements":
l'efficience m a r g i n a l e d e l'investissement, le t a u x d e l'intérêt et la f o n c -
tion d e consommation.
(10) Bien qu'il soit p l u t ô t a m b i g u en raison d e l ' h é t é r o g é n é i t é d e s
m o t i f s p o u r lesquels on c o n s t i t u e d e s « b a l a n c e s » et bien qu'il n e soit
p a s e x c l u s i v e m e n t de c a r a c t è r e m o n é t a i r e , p u i s q u e cette vitesse d é p e n d
(coeteris paribus) aussi de f a c t e u r s institutionnels tels q u e le d e g r é d ' i n -
tégration dans l'appareil de production.
m a i s i n s u f f i s a m m e n t mis en relief par la théorie quantita-
tive fishérienne.
Pourtant, j e ne parviens pas à apercevoir quelle contri-
bution f o n d a m e n t a l e m e n t nouvelle peut apporter le courant
de pensée keynesien d a n s ce secteur de la théorie m o n é -
taire qui s'occupe de la valeur de la monnaie.
Mon scepticisme à cet égard ne se fonde pas sur la
modestie des résultats obtenus j u s q u ' à m a i n t e n a n t , ni sur la
difficulté à laquelle on se heurte pour raccorder les conclu-
sions — à la vérité très hypothétiques et abstraites — de
l'analyse des « lags » avec celles tirées de l'analyse des
expectatives. Il se fonde, bien plutôt, sur la structure logique
du nouveau courant théorique qui, à m o n avis, ne se dégage
pas du principe quantitatif.
Il est évident que l'équation de départ, R — PQ, est
exactement de la m ê m e n a t u r e que l'équation de F I S H E R .
Robert MossÉ, r e n d a n t un juste h o m m a g e au travail pré-
curseur d'ApTALioN, y voit la g r a n d e innovation du dernier
demi-siècle. Mais, en vérité — et il en va de m ê m e des
f o r m u l e s quantitatives de Cambridge •— cette équation est
conceptuetlement plus faible que celle de F I S H E R ( i l ) , et,
d a n s le meilleur cas, elle est, à l'égard de cette dernière,
un p u r truisme, si on la considère d a n s l'instantané.
P o u r conférer u n sens à l'équation du revenu, il f a u t
l'interpréter — tout c o m m e celui basé sur la quanitté de
m o n n a i e —• en termes d'équilibre. Alors, il signifie que le
revenu i n f l u e sur les prix (sur la vie économique) d a n s
la m e s u r e où il est dépensé. Mais, cette proposition est
analogue à celle qui dérive de l'égalité de FISHER, q u a n d
on entend p a r M la m o n n a i e utilisée sur le m a r c h é , ou bien

(IL) D a n s la f o r m u l e de FISHER, les q u a n t i t é s f i g u r a n t d a n s la p a r t i e


g a u c h e p e u v e n t ê t r e r e g a r d é e s c o m m e d e s données, c ' e s t - à - d i r e c o m m e
d e s g r a n d e u r s i n d é p e n d a n t e s de P (du moins si l'on d o n n e à la f o r m u l e
u n e signification c a u s a l e rigide qu'elle n e p o s s è d e pas). D a n s les f o r m u -
les qui relient R à P, il y a u n e pétition d e principe, p u i s q u e la g r a n -
d e u r d u r e v e n u m o n é t a i r e ne peut pas être postulée sans faire simul-
t a n é m e n t des h y p o t h è s e s s u r la g r a n d e u r de l ' i n c o n n u e P .
Les a r g u m e n t s d'AFTALION p o u r t r i o m p h e r de cette difficulté logique
n ' o n t p a s r é u s s i à m e convaincre.
quand on tient compte de la m o n n a i e inemployée p a r l'inter-
médiaire de la vitesse de circulation de la m o n n a i e dispo-
nible.
Finalement, la thèse suivant laquelle P a u g m e n t e (ou
diminue) selon que le flot de dépense est supérieur (ou
inférieur) au flol concomitant de production est de carac-
tère nettement fishérien. Tout bien considéré, le rapport
quantitatif tant critiqué subsiste comme résidu i n e x p u g n a b l e
dans la théorie de la dépense.

Ainsi, la théorie d'inspiration keynesienne n'apporte rien


de fondamentalement nouveau à la connaissance du pro-
cessus monétaire telle qu'elle résulte d'une interprétation
moderne de la théorie de Fisher. Même le j u g e m e n t g é n é -
reux de Robert MossÉ, que K E Y N E S aurait réintégré l'action
h u m a i n e dans l'explication économique, est contredit, d a n s
la sphère monétaire, p a r ce fait que cette action est d é j à
contenue implicitement dans la vitesse de circulation de
FISHER. Le seul mérite de la nouvelle théorie est d'avoir
fourni des i n s t r u m e n t s d'analyse pour étudier le compor-
tement et les décisions h u m a i n e s d a n s quelques m a n i f e s -
tations typiques qui é c h a p p a i e n t à l'analyse q u a n d on
recourait à l'expédient de l'utilité m a r g i n a l e de la m o n n a i e .
Dans ce d o m a i n e limité, la nouvelle théorie apporte u n
progrès auquel je r e n d s h o m m a g e .

*
**

D'un point de vue plus général, en revanche, la méthode


d'analyse macro-économique nous empêche de f o r m u l e r u n e
théorie convaincante des prix, car la considération des
quantités globales et des relations générales entre p h é n o -
m è n e s de m a s s e b a r r e le chemin vers u n e connaissance
exhaustive des modalités suivant lesquelles les f a c t e u r s
monétaires se combinent avec les facteurs réels pour déter-
m i n e r un certain résultat. A cet égard, la théorie m o d e r n e
a la m ê m e faiblesse « conoscitiva » que la théorie de F I S H E R .
Et il f a u t avoir le courage scientifique d'admettre que, tant
que l'on persistera à considérer, de m a n i è r e grossière et
en d é f o r m a n t la réalité, une demande, une olire, une pro-
duction, etc., on ne réussira j a m a i s à parcourir u n e longue
étape sur la route n o u s r a p p r o c h a n t de la réalité écono-
mique.
D'autre part, il f a u t observer, — en relation avec cette
t e n d a n c e méthodologique qui nous est naturellement impo-
sée p a r la déplorable limitation de notre capacité d'analyse,
— que la théorie monétaire dérivée du schéma de K E Y N E S
n'a pas réussi plus que celle qui se fonde sur le principe
quantitatif à s'insérer d a n s le cadre de la théorie écono-
mique générale moderne.
La théorie générale, qu'on l'avoue ou non, est encore
p r o f o n d é m e n t liée au concept de marge. Pourtant, la notion
de m a r g e — bien que K E Y N E S y fasse p a r f o i s allusion d a n s
la General Tlieory — est ex hypothesi étrangère à u n modèle
basé sur des quantités globales. La g r a n d e séparation entre
la théorie de la m o n n a i e et la théorie générale, qui s'est
produite à l'époque où l'on dut a b a n d o n n e r l'explication
de la valeur p a r le coût de production et que l'on n ' a pas
réussi à éliminer p a r la « e m p t y box » de l'utilité m a r g i -
nale de la m o n n a i e subsiste toujours. Et la persistance de
cette dichotomie est vraiment grave pour quiconque estime
q u ' à l'unité des p h é n o m è n e s économiques concrets devrait
correspondre l'unité des principes adoptés p a r la science
pour nous donner u n e représentation rationnelle du monde
économique d a n s lequel nous vivons.

Milan, septembre 1950.

(Tracluil de l'italien par Robert Mossé.)


OBSERVATIONS ( I I )
de ROBERT TRIFFIN

L ' E S S A I DE S Y N T H È S E , qui constitue la p a r t i e p r i n c i p a l e


de ce volume, comporte u n e qualité m a j e u r e , m a l h e u r e u s e -
m e n t trop r a r e d a n s les o u v r a g e s c o n t e m p o r a i n s d'écono-
m i e politique. L ' a u t e u r a eu le c o u r a g e de s a c r i f i e r l'acces-
soire à l'essentiel, l'originalité à l'évidence. Cela lui a
p e r m i s de dégager avec u n e exceptionnelle clarté les inter-
actions d o m i n a n t et e x p l i q u a n t l'évolution des théories, des
f a i t s et des politiques m o n é t a i r e s , ainsi q u e les p r o b l è m e s
f o n d a m e n t a u x q u e pose à la science et à la p r a t i q u e l'état
actuel du m o n d e et de nos c o n n a i s s a n c e s en ce d o m a i n e .
Il serait vain, étant d o n n é l'objet m ê m e de cette étude
qui est de p r é s e n t e r u n e perspective d ' e n s e m b l e , de c h e r -
cher ici u n e m a u v a i s e querelle sur l'un ou l ' a u t r e point de
détail ou s u r l'arbitraire inévitable de certaines g é n é r a l i s a -
tions. Deux points, c e p e n d a n t , m e p a r a i s s e n t devoir être
relevés dès l'abord. E n p r e m i e r lieu, l'opposition un peu
factice entre l'automatisme de l'étalon-or au début du siè-
cle et le dirigisme du « papier-monnaie » de notre époque
est poussée à l'extrême. En second lieu, la dichotomie bru-
tale, qui écarte tous les aspects internationaux pour les
réserver à un autre volume de la série, simplifie grande-
ment l'exposé mais fausse les données du problème.

Certes, l'un des p r o b l è m e s c r u c i a u x du d i r i g i s m e m o n é -


taire de notre t e m p s est de t r a d u i r e d a n s la réalité des opé-
rations b a n c a i r e s quotidiennes et concrètes la politique gé-
nérale définie p a r les autorités m o n é t a i r e s ; m a i s , p o u r ce
motif et pour d'autres, les systèmes bancaires de 1950, m ê m e
nationalisés, retiennent encore, volontairement ou involon-
tairement, bien des éléments d'automatisme dans leur fonc-
t i o n n e m e n t pratique.
Inversement, le monde de 1900 était bien loin d'être régi
universellement par un étalon-or uniformément respecté et
automatique.
Dans la g r a n d e m a j o r i t é des pays neufs, l'étalon-or ne
fonctionnait que p a r intermittence et p a r à-coups, interrompu
p a r de f r é q u e n t s c h a n g e m e n t s de parité et p a r de longues
périodes de m o n n a i e - p a p i e r et de changes fluctuants. Les
décisions des autorités politiques, monétaires et bancaires
influaient c o n s t a m m e n t tant sur l'évolution de la m a s s e mo-
nétaire interne que sur celle des taux de charge. S a n s doute,
ces décisions étaient-elles r a r e m e n t le fruit d'une politique
monétaire systématique, m a i s n'en est-il p a s souvent de
même aujourd'hui ?
Même là où l'étalon-or fonctionnait n o r m a l e m e n t , c'est-
à-dire d a n s les p a y s industrialisés de l'Europe occidentale
et de l'Amérique du Nord, les autorités monétaires inter-
venaient f r é q u e m m e n t , avec plus ou moins de rigueur, d'ha-
bileté et de succès selon les pays, p a r leur politique d'es-
compte, d'open market, etc. Tantôt elles cherchaient à
r e n f o r c e r l'automatisme du système en a p p l i q u a n t ce que
l'on appelait les « r è g l e s du jeu »; tantôt, au contraire, elles
essayaient de les contrecarrer p a r u n e politique, avouée ou
non, de stérilisation et de stabilisation internes. On ne sau-
rait nier que certaines b a n q u e s centrales, dès 1900 et m ê m e
avant, avaient u n e véritable politique monétaire consciente.

A m o n sens, l'une des raisons décisives du succès de


l'étalon-or d a n s les p a y s industrialisés c o m m e de son échec
ailleurs réside d a n s Vincidence de circonstances externes
sur le fonctionnement interne du système, que la dichoto-
m i e artificielle de I ' E S S A I laisse d a n s l'ombre.
L'étalon-or réussissait là où il stimulait u n e stabilisation
interne de la m a s s e monétaire. Il échouait, en revanche, là
où il provoquait des fluctuations désordonnées de la circu-
lation. L ' a u t o m a t i s m e du système avait pour pivot le lien
étroit qu'il établissait entre les déséquilibres de la b a l a n c e
des p a i e m e n t s et les fluctuations de la m a s s e monétaire.
Dans les vieux pays, d'économie diversifiée, les déséquili-
bres de la balance des p a i e m e n t s n'atteignaient qu'une
amplitude relativement restreinte, et le système contribuait
à la stabilité monétaire interne. La souplesse de l'organisa-
tion financière permettait d'ailleurs d'absorber f a c i l e m e n t
les chocs modérés qui pouvaient se produire.
Au contraire, d a n s les p a y s neufs, caractérisés p a r la
monoculture ou l'exploitation d'une seule ou d'un petit n o m -
bre de matières premières, la b a l a n c e des p a i e m e n t s se
trouvait sujette à de b r u s q u e s et énormes fluctuations, pou-
vant doubler,, ou réduire de moitié, l'émission monétaire d a n s
le court espace de deux ou trois a n s .
Le m ê m e système monétaire, appliqué à des p a y s d'éco-
nomie différente, provoquait donc, et pour les m ê m e s rai-
sons, la stabilité interne chez les u n s et des fluctuations
désordonnées chez les autres. Consolidé chez les premiers,
l'étalon-or se trouvait en fait débordé chez les seconds,
a u c u n système monétaire ne pouvant résister à des f l u c -
tuations d'une telle a m p l e u r .
Toute dépression quelque peu prolongée — résultat géné-
r a l e m e n t de la crise des m a r c h é s d'exportation — conduisait
r a p i d e m e n t du c h a n g e fixe au c h a n g e flottant, avec accom-
p a g n e m e n t d'émissions fiduciaires pour le compte d'un
Trésor public aux abois. Là où la dévaluation n'était p a s
adoptée à dessein pour améliorer les recettes des exporta-
teurs en m o n n a i e nationale, elle était f i n a l e m e n t imposée
aux autorités monétaires p a r l'épuisement des réserves de
change. Au contraire, tout excédent durable de la balance
des p a i e m e n t s provoquait un retour à l'étalon-or a f i n d'évi-
ter aux intérêts exportateurs les conséquences f â c h e u s e s
d'une amélioration du c h a n g e sur leurs recettes en m o n n a i e
nationale.
U n e inflation p e r m a n e n t e se trouvait ainsi nourrie : d a n s
les périodes de prospérité et d'orthodoxie p a r les excédents
de la balance des p a i e m e n t s et, d a n s les périodes de dé-
pression et de dépréciation monétaire, p a r les émissions en
f a v e u r de l'Etat.
Afin de projeter sur les p h é n o m è n e s monétaires de notre
siècle un f a i s c e a u l u m i n e u x venant d'un point différent de
l'horizon et, par conséquent, éclairant d'autres zones que
I ' E S S A I de Mossé ou f a i s a n t a p p a r a î t r e une autre perspec-
tive (ce qui est p r o p r e m e n t l'objet des OBSERVATIONS), il m e
semble intéressant de consacrer la plus g r a n d e partie des
pages qui m e sont attribuées à un bref examen de la poli-
tique monétaire en Amérique latine.
Cet e x a m e n f o u r n i t u n e illustration concrète des deux cri-
tiques ci-dessus. Il p e r m e t de faire ressortir certaines situa-
tions ou certains problèmes que la synthèse de Robert
Mossé ne p e r m e t p a s d'encadrer correctement. Il permet
aussi (et cela est bien d a n s le sens des conclusions d e
I'ESSAI) de dégager des enseignements de politique m o n é -
taire, qui peuvent présenter quelque valeur pour u n e Europe
qui a m a i n t e n a n t largement perdu foi d a n s l'automatisme
de l'étalon-or classique. Les dix-neuf p a y s d'Amérique la-
tine offrent à cet égard un laboratoire d'un extraordinaire
intérêt. Cela est d'autant plus vrai que l'extrême malléabi-
lité des institutions y a favorisé u n e série d'expériences et
de r é f o r m e s des plus audacieuses, obéissant à des concepts
p u r e m e n t techniques et faisant plus aisément qu'en Europe
table rase de la routine, de l'inertie et des situations acqui-
ses.

Sur le p l a n théorique et statistique, beaucoup de ces ré-


f o r m e s p r e n n e n t un point de départ qui s'apparente de fort
près aux suggestions faites par Robert Mossé dans les troi-
sième et q u a t r i è m e Chapitres de son étude et qui permet en
fait de les relier l'un à l'autre. En effet, le m é c a n i s m e de
« création de m o n n a i e », étudié concrètement à travers le
système bancaire, se rattache directement aux considérations
émises sur « l'action de la m o n n a i e ».
Laisant de côté le problème secondaire de l'émission di-
recte de billets ou de m o n n a i e s subsidiaires p a r les Trésore-
ries d'Etat, nous voyons que la grande m a s s e de l'émission
monétaire est réalisée p a r le système bancaire, soit sous
f o r m e de billets, soit sous f o r m e de dépôts. P o u r les b a n -
ques émettrices, la m a s s e monétaire a p p a r a î t c o m m e un
p a s s i f , qui trouve son origine et sa contrepartie comptable
d a n s des postes bien concrets de leur actif : accumulation
d'or et de devises, prêts au secteur public, prêts au secteur
privé.
Toute fluctuation de la m a s s e monétaire peut donc se
décomposer i m m é d i a t e m e n t en u n e composante d'origine
externe et une composante d'origine interne, subdivisée elle-
m ê m e entre les fluctuations dues au m o u v e m e n t du porte-
feuille public et au m o u v e m e n t du portefeuille privé des
banques.
La composante d'origine externe est m e s u r é e p a r la va-
riation des actifs nets en or et en devises et dépend des di-
vers postes de la b a l a n c e des comptes; elle est affectée,
naturellement, p a r les prix et le volume des exportations
et importations, p a r les m o u v e m e n t s de capitaux, et par les
autres postes « invisibles ».
La composante d'origine interne constitue le résidu du
m o u v e m e n t total de la m a s s e monétaire; elle résulte de la
différence entre le m o u v e m e n t des crédits à l'actif et celui
des postes non monétaires du passif. Les crédits se subdivi-
sent à leur tour entre les diverses catégories de crédits pri-
vés et publics consentis p a r le système b a n c a i r e (1).
C'est en p a r i a n t de cette analyse que devait s'édifier pro-
gressivement d a n s divers p a y s d'Amérique latine tout un
système nouveau de direction ou d'orientation, tant quali-
tative que quantitative, de l'émission monétaire en général.

Le premier effort véritable qui f u t tenté pour concevoir


et mettre en œuvre un régime monétaire original et adapté
aux conditions décrites plus haut f u t l'œuvre de Raûl P r e -
bisch, P r o f e s s e u r à l'Université de Buenos-Aires, qui diri-

(i) Voir u n e analyse détaillée de cette méthode dans le Rajyport


publié par la Banque du Mexique à l'issue de la première réunion
d ' e x p e r t s s u r les problèmes de b a n q u e centrale du continent améri-
cain, Mexico, 1946, pp. 410-435.
gea. la Banque centrale de la République Argentine depuis
sa création en 1935 j u s q u ' e n 1944. De brillantes études sur
la propagation des crises servirent de base théorique à
l'adoption systématique d'une politique de stérilisation m o -
nétaire, contrepied direct des f a m e u s e s « règles du jeu » de
l'étalon-or classique.
P a r m i les techniques développées d a n s ce but, on employa
d'abord l'intervention directe de la Banque centrale sur le
m a r c h é p a r l'émission ou le retrait d'obligations propres
aussi bien que p a r les ventes et achats de p a p i e r d'Etat;
et, ensuite, l'utilisation du c h a n g e différentiel et m ê m e du
c h a n g e aux enchères c o m m e variante ou assouplissement
du contrôle quantitatif du commerce ou des devises.
Ces mesures, et d'autres encore, s'intègrent d a n s u n e poli-
tique générale d'expansion et de diversification économi-
ques, la stabilisation monétaire en étant à la fois le moyen
et la conséquence ultime. La B a n q u e centrale fut, p e n d a n t
ces années, le véritable pivot de la politique économique de
l'Argentine, et obtint des résultats r e m a r q u a b l e s qui dé-
p a s s a i e n t de loin le d o m a i n e monétaire au sens étroit du
mot.
L'œuvre ainsi c o m m e n c é e en Argentine f u t poursuivie
d a n s divers autres p a y s du continent avec l'aide technique
du Conseil des Gouverneurs du Système Fédéral de Réserve
des Etats-Unis et, plus tard, du Fonds Monétaire I n t e r n a -
tional. U n e large p a r t de ce travail a trait a u x problèmes de
c h a n g e et spécialement a u x systèmes de contrôles des c h a n -
ges, et dépasse p a r conséquent le cadre du présent volume.
Nous devrons ici nous borner à r a p p e l e r s c h é m a t i q u e m e n t
les traits essentiels qui se retrouvent, avec des variantes de
détail, d a n s la p l u p a r t des p a y s d'Amérique latine.

Un trait m a r q u a n t de toutes ces r é f o r m e s est une concep-


tion nouvelle, bien qu'évidente, du rôle de la Banque cen-
trale c o m m e i n s t r u m e n t national de la politique monétaire.
Cette politique devait être adaptée, tant d a n s ses buts que
dans ses moyens, au milieu économique concret sur lequel
elle devait opérer. Elle avait pour objectifs l'expansion et
la diversification économique alliées à la stabilité interne
et externe de la monnaie.
Le premier problème à résoudre était un problème de
structure institutionnelle (2). I n s t r u m e n t de la souveraineté
nationale d a n s un domaine particulièrement délicat et
essentiel, la Banque centrale devait rester en h a r m o n i e cons-
tante avec les pouvoirs g o u v e r n e m e n t a u x tout en a s s u r a n t
la continuité nécessaire de son action, à l'abri des a l t e r n a n -
ces partisanes et des pressions budgétaires immédiates.
La solution a consisté à créer u n Conseil Monétaire, doté
de pouvoirs extrêmement étendus, réunissant en son sein des
représentants des b a n q u e s et des p r i n c i p a u x secteurs de
l'activité économique. La stabilité de ce Conseil est assurée
tant p a r la durée des fonctions — cinq à sept ans — que p a r
l'échelonnement du renouvellement des m e m b r e s . E c h a p p e
seulement à cette règle le Ministre des Finances, m e m b r e
de droit du Conseil, qui est chargé d'assurer u n e liaison
continue entre la politique monétaire et la politique fis-
cale. Loin de conduire à une subordination de la première
à la seconde, la présence effective du Ministre des Finances,
ou de son collaborateur le plus immédiat, sert à m i e u x i m -
prégner le Ministère des F i n a n c e s des problèmes et des
nécessités d'une sage politique monétaire.
La compétence du Conseil Monétaire s'étend bien au delà
des opérations propres de la B a n q u e centrale elle-même.
Le Conseil administre en m ê m e t e m p s le régime et le con-
trôle des changes, la loi b a n c a i r e (variation des p o u r c e n t a -
ges m i n i m a d'encaisse et de capital, contrôle des t a u x d'in-
térêt, etc.) et la politique générale d'investissement des
divers o r g a n i s m e s p a r a s t a t a u x (caisses d'épargnes, f o n d s de
sécurité sociale, etc.).
La tâche du Conseil, cependant, est allégée grâce à de
larges délégations de pouvoirs, n o t a m m e n t au Président
ou au Gérant de la Banque centrale. 11 ne p r e n d a u c u n e
décision sur les opérations individuelles, sauf en cas de
désaccord entre les fonctionnaires s u p é r i e u r s de la b a n q u e .
Son seul rôle est de suivre l'évolution m o n é t a i r e générale

(2) Vol ci-dessus, Chapitre IV, page 108 et sq.


et de déterminer la politique à suivre p a r les divers organes
d'exécution.
*
**

Quant a u x moyens à mettre en œuvre, ils varient suivant


les conditions propres à chaque pays. Le m a r c h é monétaire,
là où il existe et là où il est possible de le développer, est
l'un des p r i n c i p a u x i n s t r u m e n t s d'une politique de stabilité
monétaire. Ailleurs, on a davantage recours aux m a n i p u l a -
tions de changes, ou bien à l'investissement (ou à la stérili-
sation) des cotisations sociales. Partout, on essaie de déve-
lopper le système intégré (all-embracing), m a i s filexible, de
contrôle quantitatif et sélectif du crédit bancaire.
Le contrôle quantitatif est basé essentiellement sur le
m a n i e m e n t p a r les autorités monétaires des pourcentages
m i n i m a d'encaisse (par r a p p o r t aux dépôts) que les b a n -
ques sont tenues de conserver. Ce pourcentage, établi p a r
tranches, a u g m e n t e progressivement j u s q u ' à cent pour cent
d a n s 1a. t r a n c h e supérieure, lorsque l'expansion- atteint, des
proportions inflationnistes. Cela constitue u n frein effectif
à l'inflation, tout en facilitant g r a n d e m e n t la résorption sub-
séquente à des niveaux plus n o r m a u x .
Le contrôle qualitatif utilise u n système de pourcentage
m i n i m a de capital p r o p r e qui doit être f o u r n i par l ' e m p r u n -
teur selon les catégories de prêts et d'investissements. Le
Conseil Monétaire a u g m e n t e le pourcentage applicable aux
types d'opérations indésirables et le d i m i n u e en ce qui
concerne les catégories d'opérations que l'on souhaite déve-
lopper. S a n s entrer, p a r conséquent, d a n s le détail des t r a n -
sactions individuelles, et en évitant tout contrôle rigide sur
les opérations bancaires, le Conseil donne aux b a n q u e s
elles-mêmes tout intérêt à modeler leur politique sur celle
du pays.
Dans ses relations avec l'Etat, la Banque centrale opère
essentiellement p a r le canal de Bons à moyen terme et à
a m o r t i s s e m e n t graduel négociables s u r le m a r c h é . Elle est
autorisée à acheter de tels Bons sans aucun p l a f o n d fixe,
aussi longtemps que la m a s s e monétaire globale ne révèle
a u c u n e expansion a n o r m a l e et que les réserves d'or et de
c h a n g e ne m a n i f e s t e n t aucun signe de contraction dange-
reuse. Lorsque l'une de ces deux dernières éventualités se
présente, la Banque doit cesser ses achats de Bons; son
portefeuille se réduit dès lors automatiquement en consé-
quence des amortissements p r é v u s ; elle doit s'efforcer m ê -
m e d'alléger son portefeuille de Bons p a r des ventes sur le
marché. Ce système permet à la Banque de prêter à l'Etat
un concours entier et antidéflationniste en périodes de dé-
pression, tout en imposant à l'Etat une charge plus élevée
d'amortissement net de la Dette — donc, à caractère anti-
inflationniste — d a n s les périodes de prospérité et d ' e x p a n -
sion. Un tel r é g i m e m i n i m i s e les risques de conflit entre
l'Etat et la Banque, tout en servant l'objectif général de la
stabilité monétaire et économique du pays.
Les normes relatives à l'escompte sont également souples
et en accord avec les critères de la politique monétaire a u -
tant qu'avec les caractéristiques propres au m a r c h é du pays.
Les règles concernant la couverture et Y investissement
des réserves d'or et de change visent essentiellement au
maintien de liquidités externes suffisantes pour couvrir à
tout m o m e n t les d e m a n d e s de change du public, m a i s non
pas une demande, devenue théorique, d'échange de billets
contre des pièces d'or pour les besoins de la circulation m o -
nétaire interne. Les pourcentages de couverture sont dès
lors m i s en rapport non p a s avec l'émission m o n é t a i r e elle-
même, m a i s avec le volume des d e m a n d e s de change.
Là où le contrôle des changes s'avère t e m p o r a i r e m e n t n é -
cessaire, il est m i s en application à travers u n r é g i m e de
p r i m e s (ou d'enchères) pour les m a r c h a n d i s e s non essen-
tielles, et de c h a n g e libre pour toutes les transactions invi-
sibles et incontrôlables en pratique. Mais, compte tenu de
ces taux (ou surchages), chacun reste libre d'acheter a u t a n t
qu'il veut, là où il veut. Les fluctuations du m a r c h é libre
tendent à f r e i n e r l'exportation des capitaux et à encourager
leur importation ou leur r a p a t r i e m e n t . Quant au produit
des primes de change, il est affecté a u t o m a t i q u e m e n t à
l'amortissement de la Dette publique, particulièrement vis-
à-vis de la Banque centrale, ce qui contribue à la désin-
flation, et hâte p a r conséquent le retour à u n e situation
n o r m a l e des changes et l'abolition des contrôles.
U n e dévaluation monétaire n'étant g é n é r a l e m e n t pas le
signe d ' u n e insuffisance de m o y e n s de paiement, tous pro-
fits de dévaluation sont a u t o m a t i q u e m e n t stérilisés d a n s
des comptes spéciaux du p a s s i f , s a n s donner lieu à des
émissions s u p p l é m e n t a i r e s . L'inverse se produirait en cas
de pertes comptables résultant d'une réévaluation de la
monnaie.
E n f i n , la B a n q u e est tenue de p r é s e n t e r périodiquement
u n Compte Rendu sur l'évolution de la situation monétaire.
Des rapports, a c c o m p a g n é s d'observations et des recom-
m a n d a t i o n s du Conseil, doivent également être présentés
au p a y s en cas de baisse caractérisée des réserves, ou en
cas de h a u s s e continue de la masse monétaire au delà d'un
p o u r c e n t a g e raisonnable, ou enfin c o m m e p r é f a c e à toute
intervention législative visant à m o d i f i e r ou à faire excep-
tion aux règles r é s u m é e s ci-dessus.
*

La plus récente et p r o b a b l e m e n t la plus progressive des


législation est celle de l'Equateur (1948). Elle incorpore en
u n seul statut monétaire organique toutes ces dispositions,
autrefois dispersées entre lois monétaires, législation b a n -
caire, etc.
Cette unité formelle reflète les c h a n g e m e n t s substantiels
intervenus d a n s les objectifs et les techniques de la légis-
lation et qui substituent u n e structure monétaire et b a n -
caire rationnelle et cohérente au f a t r a s b r a n l a n t de disposi-
tions d'inspiration diverse, r e n d u e s plus ou moins caduques
p a r les bouleversement des cinquante dernières années.
A la lumière de l'étude de Robert Mossé (spécialement
chapitres III et IV), il est aisé de c o m p r e n d r e le lien qui
unit ces techniques nouvelles de contrôle quantitatif et qua-
litatif a u x notions d'action monétaire p a r les revenus, p a r
la dépense et p a r la circulation, et comment elles s'intégrent
d a n s u n e conception positive et active de politique écono-
mique générale plutôt que de politique monétaire ou b a n -
caire a u sens étroit de ces termes (3).

(3) Outre les textes légaux eux-mêmes, le lecteur p o u r r a consulter


les études suivantes de Robert TRIFFIN :
« Money and Central Banking in Latin America », dans Economie
Malheureusement, en dehors de l'Amérique latine, la lé-
gislation monétaire et b a n c a i r e de la plupart des p a y s m o -
dernes témoigne d'un a n a c h r o n i s m e décevant. En cet an
de grâce 1950, les lois monétaires théoriquement en vigueur
parlent peu des billets de banque, m a i s cataloguent m i n u -
tieusement les dimensions, effigies et contenus d'inexis-
tantes pièces d'or ou d'argent. Quant a u x statuts des b a n -
ques centrales, leur but principal semble être de déclarer
illégal le type m ê m e d'opérations d'où dérivent les trois
quarts, les neuf dixièmes ou davantage, de l'émission mo-
nétaire actuellement en vigueur.
La réalité véritable ne se trouve qu'éparse d a n s des lois de
circonstance, des décrets g o u v e r n e m e n t a u x , ou m ê m e de
simples avis de l'Office des changes. Elle se trouve égale-
m e n t dans la pratique courante des b a n q u e s et l'esprit de
leurs dirigeants.
Si les doctrines du laissez-faire et de l'automatisme m o -
nétaire o n t graduellement cédé la place presque partout à
une doctrine de la politique monétaire consciente et géné-
r a l e m e n t interventionniste, les i n s t r u m e n t s légaux et a d m i -
nistratifs nécessaires pour traduire u n e telle politique d a n s
les faits n'ont été que très i m p a r f a i t e m e n t adaptés à leur
rôle nouveau. Le dirigisme monétaire continue à se servir
d'un appareil administratif à peine différent de celui qu'uti-
lisait le libéralisme monétaire, et à intervenir d a n s la vie
économique p a r le t r u c h e m e n t des i n s t r u m e n t s de la non-
intervention elle-même.
Les nationalisations m ê m e n'ont pas p r o f o n d é m e n t modi-
fié la structure des institutions monétaires. Dans la p l u p a r t
des pays, elles n'ont fait, en pratique, que légaliser u n état
de l'ait préexistant. Là où le. personnel dirigeant à changé, le
problème demeure presque entier de traduire d a n s l'accom-

Problems of Latin America, o u v r a g e dirigé p a r Seymour HARRIS, N e w -


York, 1943;
« Monetary and Banking Reform in P a r a g u a y », « International Mo-
n e t a r y policies » et « W a r t i m e monetary developments in Latin Ame-
rica », édités par le Board of Governors of the Federal Reserve System,
Washington, D.C.
En appendice à la bibliographie, figure u n e liste d'ouvrages s u d -
américains s u r les problèmes monétaires et bancaires.
plissement j o u r n a l i e r de milliers d'opérations isolées les i m -
pulsions de la politique monétaire définie p a r les échelons
s u p é r i e u r s de la hiérarchie ou p a r le gouvernement lui-
même.

F i n a l e m e n t , et nous rejoignons ici les conclusions de


l'Essai qui précède, il importe de faire passer dans la réa-
lité concrète les progrès n o u v e a u x de la connaissance mo-
nétaire. Le théoricien de la monnaie, pour faire œuvre
pratique, devra s'intéresser davantage aux m é c a n i s m e s insti-
tutionnels au travers desquels la pensée peut r e j o i n d r e le
réel et agir sur lui.
U n e telle action suppose inévitablement u n élargissement
du cadre économique au cadre sociologique. Il est trop aisé
à cet égard de rappeler, c o m m e le font encore beaucoup,
que l'intervention étatique d a n s le domaine monétaire, quel-
que désirable qu'elle puisse a p p a r a î t r e en théorie, s'est sou-
vent révélée en pratique génératrice de troubles plus g r a n d s
encore que l'aveugle a u t o m a t i s m e du laissez-faire. Qu'on le
veuille ou non, le retour à l'automatisme ne peut plus être
assuré p a r le vote d'une loi qu'une autre loi peut défaire.
Le respect quasi religieux de l'étalon-or au xix" siècle p a r
les Gouvernements et les P a r l e m e n t s était dû pour partie à
des circonstances favorables a u j o u r d ' h u i disparues, et pour
partie à l'ignorance des facultés — r a i s o n n a b l e s ou abusi-
ves — que les techniques monétaires m o d e r n e s mettent à la
disposition des gouvernants. Ce tabou u n e fois disparu, a u -
c u n e loi ne p e u t le recréer.
Il importe autant, d'autre part, de protéger d a n s la m e s u r e
du possible, l'organisation monétaire contre les abus d'un
interventionnisme obéissant à des considérations de simple
o p p o r t u n i s m e à court terme. A trop user de l ' a r m e m o n é -
taire, on l'émousse et l'on peut m ê m e la briser. L ' a b u s de
l'inflation détruit l'épargne et la confiance indispensable
au f o n c t i o n n e m e n t de la monnaie. On a vu d a n s l'après-
guerre les cigarettes a m é r i c a i n e s se substituer à la m o n -
naie c o m m e étalon de valeur.. On voit f r é q u e m m e n t en
F r a n c e le m a r c h é des capitaux p a r a l y s é p a r les craintes
monétaires au sein d'une économie en plein redressement.
Il f a u d r a donc recréer, sous d'autres formes, des t a b o u s
qui protègent la stabilité monétaire contre l'impulsivité et
l'irresponsabilité de m e s u r e s inflationnistes. En r é g i m e dé-
mocratique, la seule barrière effective sera, sans doute, en
fin de compte, celle de l'opinion publique. Il f a u d r a édu-
quer celle-ci davantage et surtout lui rendre plus directe-
ment compréhensible la signification des m a n i p u l a t i o n s
monétaires. Déjà l'abus de la p l a n c h e à billets en a fait u n
instrument coûteux politiquement et socialement, sinon fi-
nancièrement. U n e élévation du p l a f o n d des a v a n c e s de la
Banque centrale est bien près d'être u n acte de suicide
pour le gouvernement qui y a recours. Elle est, en tout cas,
le signal de nouvelles revendications et de troubles sociaux.
Les Gouvernements les p l u s f a i b l a r d s p r é f è r e n t recourir a u x
plus impopulaires a u g m e n t a t i o n s d'impôts plutôt q u ' à la
planche à billets (4).
Notons enfin que, d a n s ce domaine, la création toute r é -
cente de l'Union E u r o p é e n n e des P a i e m e n t s contient en
germe des possibilités de développements véritablement ré-
volutionnaires dont l'importance est à peine soupçonnée.
Que les économistes et les h o m m e s d'Etat y réfléchissent
pour ne point perdre u n e occasion trop rare, et ne p a s être
accusés p a r la postérité d'avoir fait trop peu et trop tard.

(4) Cette évolution pourrait être r e n f o r c é e dans le domaine du


change par u n e série de m e s u r e s , dont la simplicité m ê m e f e r a i t l'effi-
cacité, mais dont l'exposé sortirait d u c a d r e de ce volume.
Ill
BIBLIOGRAPHIE
ANALYTIQUE ET CRITIQUE
BIBLIOGRAPHIE
ANALYTIQUE ET CRITIQUE

Limitée aux ouvrages de la première moitié du siècle, notre Biblio-


g r a p h i e est fondée s u r le principe d ' u n e sélection très restrictive. Le
plus g r a n d danger étant d'être s u b m e r g é sous u n e avalanche de docu-
ments, il nous a p a r u p r é f é r a b l e de réduire notre liste à u n e centaine
d'ouvrages importants, m ê m e si le choix comporte u n e part —• inévi-
table — d'arbitraire.
Les ouvrages sélectionnés sont p r e s q u e tous consacrés à la théorie
monétaire, au sens large du terme. On n'a point cherché à faire u n e
bibliographie des événements monétaires, bien q u e ceux-ci soient sou-
vent évoqués ou expo és dans les ouvrages retenus.
Chaque analyse indique brièvement, outre les caractéristiques de
l'ouvrage, ce qu'il contient et soutient; elle rappelle quelques j u g e m e n t s
portés au moment de la parution ou à diverses époques, comporte des
appréciations critiques formulées dans la perspective actuelle et, p a r -
fois, oriente le lecteur vers des lectures complémentaires.

Notre B i b l i o g r a p h i e est le produit de lectures et notes échelonnées


s u r près d ' u n q u a r t de siècle. Néanmoins, nous avons pleinement
conscience de ses imperfections dont nous n o u s excusons a u p r è s des
lecteurs.
Nous tenons à remercier particulièrement Monsieur le Recteur
DEMARIA de l'Université Bocconi de Milan, qui a bien voulu nous pro-
c u r e r d'utiles références.
Mademoiselle PERROT, stagiaire au Centre de Recherches économi-
ques de la Faculté de Droit de Grenoble a rassemblé des m a t é r i a u x
pour la bibliographie et p r é p a r é u n certain nombre d'analyses.
On trouvera ci-après :
A. — Sous le titre LISTES BIBLIOGRAPHIQUES, u n e brève bibliogra-
phie des bibliographies qui aidera le lecteur avide d'érudition
à se p r o c u r e r des catalogues t r è s complets;
B. — Sous le titre OUVRAGES GENERAUX u n e trentaine d'analyses se
rapportant aux manuels, traités, études d'ensemble, et a u t r e s
documents m a j e u r s — ceux p a r lesquels il f a u t t o u j o u r s com-
mencer et parfois finir (ordre chronologique) ;
G. — Sous le titre OUVRAGES SPECIAUX, environ soixante dix ana-
lyses d ' o u v r a g e s ayant — semble-t-il — apporté u n e contri-
bution originale ou ayant traité certains aspects particuliers des
problèmes monétaires (ordre alphabétique).

*
i»*

A. — L I S T E S BIBLIOGRAPHIQUES

Les o u v r a g e s s u i v a n t s f o u r n i s s e n t des m i l l i e r s de r é f é -
rences :
SOETBEER Ad. L i t e r a t u r N a c h w e i s über G e l d - u n d Münzwesen, Ber-
lin, 1892.

HELFFERICH K. Das Geld, Leipzig, 1903.


(plus de 2.000 titres pour la période 1892-1903).

HANDWÖRTERBUCH DER STAATSWISSENSCHAFTEN, voir Bibliographie ci-


après, n° 2.

ELLIS H. S. G e r m a n M o n e t a r y T h e o r y (1905-1933), 1933, voir bibl.,


n° 10.

BELL, J. W . A g u i d e to the s t u d y of money a n d b a n k i n g , Evanston,


111. mimeo, 1935.

SAULNIÉR R. J. C o n t e m p o r a r y m o n e t a r y theory, voir bibl. n° 18.


Contient p l u s de 600 titres d ' o u v r a g e s et articles.

DENIS H. Les récentes théories monétaires en F r a n c e , voir bibl. n° 16.


P r é s e n t e données bio-bibliographiques s u r les principaux a u t e u r s f r a n -
çais de la période entre les d e u x g u e r r e s .

FEDERICI L. L a Moneta e l'Oro, voir bibl. n° 22.

BAUDIN L. L a Monnaie et l a f o r m a t i o n des p r i x , 2e édit., 1947; voir


bibliographie n ° 14.

P o u r les a r t i c l e s p é r i o d i q u e s d e p u i s 1934, c o n s u l t e r la
Documentation économique, P a r i s , Presses U n i v e r s i t a i r e s .
B. — O U V R A G E S GENERAUX
(Traités, Manuels, Dictionnaires, Etudes d'ensemble, etc.)
(Ordre chronologique)

N 0 1. — W A L K E R ( F . A.). Money, article dans Dictionary of Political


Economy, Palgrave, édit., Londres, Mac Millan, 1896. (Vol. XI, p. 787-
796).
La « money » est tout bien, quelle que soit sa substance et sa forme,
qui, légalement ou par convention, devient le commun moyen d'échange
dans u n e société.
Après u n e première partie consacrée à u n historique, l ' a u t e u r analyse
les fonctions de la monnaie, dans u n e deuxième partie. La fonction
d'instrument d'échange, liée à l'acceptabilité universelle, est essentielle;
elle peut être remplie p a r des billets de banque qui ont donc la qualité
de monnaie, mais la supériorité des m é t a u x précieux d e m e u r e car ils
ne peuvent circuler en trop g r a n d e quantité. La monnaie n'est jamais la
m e s u r e des valeurs, mais seulement leur commun dénominateur. La
troisième fonction, de libération des dettes, prend une importance crois-
sante.
Conclusion: les dangers du papier-monnaie et les problèmes de l'alté-
ration des pièces.
Bibliographie des écrits s u r la monnaie, d'Aristote à la fin du XIX*
siècle.
Cet article — d ' u n métallisme t e m p é r é — représente assez bien l'état
de la pensée anglo-américaine à la fin du XIX e siècle. Les préoccupa-
tions fonctionnelles l'emportent s u r les problèmes de f o r m e et d'essence
auxquels on s'intéresse davantage s u r le continent européen.

N 0 2. — H A N D W Ó R T E R B U C H D E R S T A A T S W I S S E N S C H A F T E N .
Articles: Geld et Quantitàtstheorie. 4« éd., Iéna, Fischer, 1928.
L'article Geld contient 5 contributions :
I. — Théorie générale de la Monnaie, p a r Friedrich WIESER (p. 681-
717) : ce substantiel document est u n e excellente présentation de la
doctrine monétaire autrichienne à la veille de la g r a n d e dépression. Les
problèmes de définition, de valeur, de prix et de change y tiennent la
plus g r a n d e place. (Voir analyse sous le n° 98).
II. — Evolution historique de la théorie monétaire, par MILDSCHUH
(718-730) : cet article récapitule les principales théories depuis la fin
e
du XVIII« siècle; pour le XX siècle, il se concentre s u r les a u t e u r s
g e r m a n i q u e s ; à part les questions usuelles à cette époque, l'auteur
consacre quelques développements à. la théorie de la « créance » et à
celle du revenu.
III. — La mesure de la valeur de la monnaie, p a r BORTKIEWICZ, (731-
752) : é t u d e technique de la confection des indices.
IV. — La théorie étatique de la monnaie, p a r KNAPP et GUTMAN (p.
752-762) p r é s e n t e la théorie célèbre sous u n e f o r m e brève et claire.
(Voir infra, n° 65).
V. — Les réformateurs monétaires, p a r HABER (p. 762-770) : exposé
des propositions j u g é e s alors p l u s ou moins fantaisistes de GESELL,
FISHER, KEYNES, FEDER, etc.; p e u t f o u r n i r u n point de r e p è r e utile
p o u r a p p r é c i e r l'évolution des idées depuis cette époque.*
L'article Q u a n t i t à t s t h e o r i e , p a r Melchior PALYI indique les princi-
p a u x points controversés : méthode, notion de monnaie, concept de
quantité, n a t u r e de la relation et de l'influence. Les a u t e u r s sont clas-
sés selon l e u r s positions.
T o u t e s ces études sont complétées p a r de bonnes 1 bibliographies inter-
nationales, a n t é r i e u r e s à 1928.

N ° 3. — H A R S I N ( P a u l ) . Prof., Liège. Les d o c t r i n e s monétaires et


f i n a n c i è r e s en F r a n c e du X V I 0 au X V I I I » siècle. Paris, Alcan,
1928, 326 pages.
M. Harsin, qui allie la compréhension de la théorie récente à la meil-
l e u r e technique historique, m a r q u e ici les contributions successives des
doctrines mercantilistes, qui ont souvent devancé et parfois s u r p a s s é
les analyses des classiques anglais. Il m o n t r e bien q u e cette période a
été p a r t i c u l i è r e m e n t fertile en é t u d e s monétaires pleines de finesse et
de bon sens. Il n o u s aide à r e t r o u v e r , p a r delà le métallisme du XIX«
siècle, d'anciennes conceptions dont s'inspirent parfois les a u t e u r s
m o d e r n e s (KEYNES n'est-il pas le c o n t i n u a t e u r de LAW ?).
Après u n e Introduction r a p p e l a n t les conceptions monétaires anté-
rieures, l ' o u v r a g e est divisé en six p a r t i e s : I) le mercantilisme f r a n -
çais; II) les doctrines de la h a u s s e des prix au XVI e siècle; III) l'apo-
gée d u mercantilisme au XVII e siècle; IV) la crise monétaire de la fin
du XVII e siècle; V) L a w ; VI) le néo-mercantilisme.
En annexe, d o c u m e n t s originaux s u r L a w et excellente bibliographie.
(Voir aussi les t r a v a u x de M. Harsin s u r Law).

N" 4, — B O N G R A S ( E . ) . Prof., F r i b o u r g (Suisse). Les théories moné-


t a i r e s a l l e m a n d e s c o n t e m p o r a i n e s . Thèse, Paris, Sirey, 1930, 200
pages.
LAUFENBURGER (R. Econ. pot., 1931, p. 1324) a souligné l'intérêt de
cet o u v r a g e t a n t p o u r la documentation qu'il r é u n i t (étude de vingt-
six a u t e u r s a l l e m a n d s et autrichiens) q u e pour l'examen critique qu il
présente. C'est u n e « s y n t h è s e parfois t r è s dense » qui n'avait p a s été
tentée j u s q u ' a l o r s en l a n g u e française.
P r e m i è r e p a r t i e : Problème de la nature et du fondement de la valeur
de la monnaie: a) influence des a t t a q u e s de KNAPP et i m p o r t a n c e donnée
a u x f o n c t i o n s d e l a m o n n a i e p a r HELFFERICH, WAGNER, L E X I S ; b) appli-
cation p a r l'école autrichienne des théories subjectives de la v a l e u r à
la théorie monétaire (MENGER, WIESER, MISES); C) théories nominalistes
de LIEFMAN, SCHUMPETER et WAGEMANN.
Seconde p a r t i e : Problème des variations de la valeur de la monnaie:
a) théories de l'offre et de la demande (WAGNER, HELFFERICH, SPIET-
HOFF) ; b) théories subjectives qui permettent l'élaboration de la théo-
rie du revenu (ZWIEBINECK-SUDENHORST, WIESER, MISES) ; c) théories
nominalistes qui, ou bien nient toute action de la monnaie s u r les prix
(KNAPP), OU bien reconnaissent u n e certaine équivalence entre les q u a n -
tités de monnaie et la quantité de marchandises (SCHUMPETER, WAGE-
MANN).
BONGRAS souligne l'essor que KNAPP a donné à la théorie monétaire
et sa tendance à faire de l'Etat le centre de toutes les considérations
historiques, sociales et même économiques, mais il j u g e le nominalisme
u n e abstraction inexacte, et m o n t r e combien la théorie du revenu a
introduit des concepts plus conformes à la réalité de la vie économique.
Une bonne bibliographie complète cet o u v r a g e qui d e m e u r e une des
meilleures études de langue française s u r les théoriciens allemands de
la monnaie. (Cf., ci-après, N° 10).

N°5. — R O Y A L I N S T I T U T E O F I N T E R N A T I O N A L A F F A I R S . T h e
I n t e r n a t i o n a l Gold Problem. Oxford Univ. Press,, 1931, 240 pages.
On trouvera ici un écho des discussions poursuivies depuis décembre
1929 dans le cadre du Royal Institute par Sir Josiaph STAMP, ROBERTSON,
KITCHIN, S i r 0. NIEMEYER, PALYI, KISCH, BRAND et RIST. S e l o n MEADE
(Econ. /., 1932, p. 74) « ce livre, écrit avant 1931, n'a q u ' u n intérêt
limité quant a u x politiques qu'il suggère, mais traite de façon intéres-
sante le fonctionnement de l'étalon-or dans le monde d ' a p r è s - g u e r r e ».
S'il est, en général, caractéristique des idées r é g n a n t à la veille de .'a
dépression, ce volume montre aussi les premiers linéaments — en
Angleterre — d'une conception nationaliste de la politique monétaire.
(Voir n° 8). Dans la perspective de 1950, cette série d'études r e p r e n d
u n e signification comme jalon et p a r la personnalité des participants,
tous experts monétaires reconnus.

N ° 6. — V I N E R (J.), H A B E R L E R (G.), P A R K E R - W I L L I S ( H . ) ,
E D D I E ( L . D.), W I L L I A M S (J. M.). Gold a n d m o n e t a r y s t a b i l i -
sation. Lectures on the Harris Foundation. Univ. of Chicago Press,
1932, 174 pages.
Ce « symposium » montre que les économistes américains, en 1932,
étaient n o m b r e u x à. souhaiter le maintien de l'étalon-or, mais qu'ils
différaient s u r la politique à suivre. PARKER-WILLIS reste fidèle a u x
concepts économiques d'avant 1914 et estime q u e le Fédéral Reserve
System ne doit pas chercher à intervenir. VINER, EDDIE et WILLIAMS,
favorables à l'étalon-or, admettent cependant que l'on doit a s s u r e r
avant tout la stabilité intérieure. HABERLER signale certaines causes
non quantitatives de la baisse des prix (réduction des coûts, p r o g r è s
technique, diminution de la vitesse de circulation, etc.). (Comptes r e n d u s
Econ. ]., 1933, p. 128, p a r R. F. HARROD — Amer. Econ. R., 1933, p. 158,
par BRADFORD).

N ° 7. — D I E W I R T S C H A F T S T H E O R I E D E R G E G E N W A R T , sous
la direction de Hans MAYER, Prof., Vienne, Springer, 1932 (p. 309-403).
L e T o m e II c o n t i e n t d e s c o n t r i b u t i o n s d e MISES, REISCH, KEMMERER,
GREGORY, AFTALION e t BRESCIANI-TURRONI ; d e s articles individuels de
la présente bibliographie rappellent l'œuvre de la p l u p a r t de ces au-
teurs.
Soulignons seulement que, à l'époque de la rédaction de cet ouvrage,
MISES considérait déjà le matérialisme grossier de la « monnaie m a r -
chandise » comme définitivement abandonné, tandis que pour AFTALION
la théorie du revenu avait déjà atteint la maturité.
Cette belle collection est u n e des dernières manifestations d'avant-
g u e r r e de l'Ecole Autrichienne.

N» 8. — R O Y A L I N S T I T U T E O F I N T E R N A T I O N A L AFFAIRS.
M o n e t a r y p o l i c y a n d the depression, Londres, Oxford Univ. Press,
1933, 128 pages.
Synthèse des opinions d ' u n g r o u p e d'économistes, ce r a p p o r t , après
avoir décrit les récents p r o g r è s économiques, dégage les caractères de
la dépression, et recherche quels remèdes nationaux et internationaux
peuvent être proposés Un exposé théorique, intitulé Les mesures contre
La dépression oppose trois points de v u e : monétaire, s t r u c t u r e l et inter-
médiaire. Chronologie de la crise mondiale et tableau des restrictions
de change adoptées p a r les divers pays. Comptes r e n d u s Econ. ]., 1933,
p. 493, par HARROD; Amer. Econ. R., 1933, p. 761, p a r INGRAHAM. (Voir
n° 6 ci-dessusi.

N° 9, — G O L E (G. D. H.), H A R R O D (R. F . ) , R A D I C E ( E . A.), V A L -


L A N C E ( A . ) , M I T C H I N S O N (G. R.), D U R B i N ( E . F. M,), G A I T S -
K E L L ( H . T . N.), C O L I N C L A R K , H A R G R E A V E S ( E . L . ) . W h a t
e v e r y b o d y w a n î s to know about money, édité par G. D .H. Cole.
Londres, Gollancz, 1933, 544 pages.
Publication collective qui propose des solutions socialistes a u x pro-
blèmes monétaires. COLE préconise le dirigisme monétaire, u n e émission
abondante de monnaie pour lutter contre la dépression et u n e politique
de h a u t s salaires en période de plein emploi. DURBIN recommande u n e
stabilisation des r e v e n u s monétaires. GAITSKELL étudie les r é f o r m e s pro-
posées par GESELL e t EISLER.
En conclusion, l'ouvrage réclame la socialisation des banques comme
indispensable à la réalisation d ' u n e planification industrielle ainsi que
la création d ' u n Bureau national des Investissements. Cet ouvrage, j u g é
sévèrement en 1933, (Compte r e n d u in Econ. /., 1934, p. 288, p a r J. H.
RICHARDSON) est t r è s proche des courants de pensée actuels, dans
l'Angleterre travailliste et ailleurs .(Voir ci-après DURBIN, SOUS le n"
46).
N" 10. — E L U S ( H o w a r d ) , Prof. Econ. Univ. California. G e r m a n
m o n e t a r y tlieory (1905-1933). Cambridge, Mass., H a r v a r d Univ. Press,
1934, 462 pages.
Dans le cadre spatial et temporel précisé par le titre, l ' a u t e u r s'est
proposé a) de r é s u m e r en langue anglaise u n e abondante littérature de
langue allemande et 6) de f o r m u l e r u n e appréciation critique s u r les
a p p o r t s germaniques à la théorie monétaire, en multipliant les compa-
raisons avec les a u t e u r s anglais, américains et scandinaves. Mrs. ROBIN-
SON [Econ. J., 1935, p. 729) a souligné « l'intrépidité et l'endurance »
de l ' a u t e u r ainsi q u e la valeur de l'ouvrage comme « guide d a n s le
dédale de la controverse monétaire ». Karl BOPP (Amer. Econ. 11., sept.
1935, p. 511) estime que les analyses sont s c r u p u l e u s e s et les a p p r é -
ciations objectives et impartiales. Riche et exact, l'ouvrage est égale-
ment clair et méthodiquement présenté. Il est complété p a r u n e longue
liste bibliographique et d e u x index.
La première partie, consacrée à la Nature et à la Valeur de la Mon-
naie, présente ce que l'on pourrait appeler les bases métaphysiques
de la théorie monétaire (conception étatique de KNAPP, interprétation
marginaliste, application des concepts d'offre et de demande). En dépit
du dédain exprimé par Mrs. ROBINSON, il est clair a u i o u r d ' h u i que la
t r a n s f o r m a t i o n des concepts d e base a été la condition préalable du
développement de la théorie monétaire contemporaine.
La deuxième partie expose les principales théories concernant la
détermination du niveau des prix (théories quantitatives, théorie de
l'encaisse, théorie du revenu, etc.).
Dans la troisième partie, ELLIS rappelle les controverses de 1919-28
s u r le change et comment les théories de la parité des pouvoirs d'achat
et celles de la balance des paiements se sont rapprochées en u n e
synthèse.
Enfin, la quatrième partie traite des théories monétaires des cycles
(SCHUMPETER, HAHN, M I S E S , HAYEK, MACHLDP, e t c . ) p o u r l a p l u p a r t anté-
rieures à la g r a n d e dépression.
Bien q u ' a n t é r i e u r à la frénésie keynésienne, l'ouvrage de Howard
ELLIS, loin d'avoir vieilli, d e m e u r e u n e encyclopédie, utile à consulter
et à étudier, des analyses monétaires du premier tiers du siècle. Mal-
h e u r e u s e m e n t , les t r a v a u x f r a n ç a i s ont été passés sous silence.

N» 11. — M A B I L L E de P O N C H E V I L L E ( L o u i s ) . E s s a i s u r les théo-


ries monétaires contemporaines. Thèse, Paris, Sirey, 1935, 223 p.
L ' a u t e u r s'est proposé de concilier les théories monétaires nouvelles
et les notions classiques.
La première partie, intitulée Métaphysique monétaire, traite des f o r -
mes monétaires et n o t a m m e n t de la monnaie scripturale, ainsi que du
rôle et de la valeur de la monnaie. La seconde partie, Monnaie et Prix,
développe la position de M. NOGARO en f a c e de la théorie quantitative
et des théories du cycle. La troisième partie, Politique monétaire, mon-
t r e qu'il f a u t a s s u r e r la stabilité des prix en s u p p r i m a n t les mouve-
m e n t s de prix qui ont u n e cause monétaire. La restauration universelle
de l'étalon-or apparaît possible et souhaitable et la politique du taux
de l'escompte efficace.
Bien que M. NOGARO ait j u g é à sa publication (/i. Econ. pol., 1936,
p. 1634) cet exposé clair, f e r m e et vigoureux, il a certainement beau-
coup vieilli p a r son style et p a r la documentation utilisée. P e u de
r é f é r e n c e s aux a u t e u r s é t r a n g e r s .

N ° 12. — B E R N S T E I N ( E . H . ) , Directeur des Recherches, Fonds Moné-


taire International. Money a n d the Economie S y s t e m . Chapel Hill,
Univ. of North Carolina Press, 1935, 516 pages.
La première partie, La Monnaie et le mécanisme des Echanges, est
descriptive et historique et envisage s u r t o u t les problèmes américains.
La seconde partie étudie les nombres-indices et la m e s u r e d u pouvoir
d'achat de la monnaie. La troisième partie comprend, selon H. BARGER
(Econ. J., 1936, p. 126), u n e des plus intéressantes discussions q u e l'on
puisse t r o u v e r d a n s un m a n u e l s u r les différents aspects de la théorie
m o n é t a i r e : WICKSELL, CASSEL, LAUGHLIN, FISHER, PIGOU, ROBERSTO»J,
KEYNES, HAWTREY, HAYEK. La quatrième partie envisage les problèmes
de b a n q u e et le cycle économique. La dernière, traitant des b u t s d ' u n e
politique monétaire et des techniques de son fonctionnement, critique
s é v è r e m e n t l'étalon-or.

N ° 13. — G O N N A R D ( R . ) , P r o f . Lyon. H i s t o i r e des Doctrines Moné-


t a i r e s . Tome I., De l ' A n t i q u i t é au X V I I » siècle. T o m e II, Du
X V I I » siècle à 1914. Paris, Sirey, 1935, 289 p . ; 1936, 441 pages.
Mettant en œ u v r e u n e vaste érudition, M. GONNARD r a p p r o c h e l'his-
toire des faits de celle des doctrines monétaires, la première s e r v a n t
d'introduction à la seconde pour chacune des époques étudiées. P o u r
l'auteur, la position nominaliste est dangereuse, la théorie quantitative
u n e approximation utile, le bimétallisme impossible à réaliser, et les
unions monétaires internationales peu efficaces. G. H. BOUSQUET (R.
Econ. pol., 1935, p. 1187 et 1936, p. 560) s'étonne de n e p a s y voir
figurer des noms aussi i m p o r t a n t s q u e Nassau SENIOR, WALRAS, I. FIS-
HER, KNAPP et bien d ' a u t r e s . K. M. ARNDT (Amer. Econ. R., 1936, p. 349
et 731) apprécie cette histoire des théories où d'excellents chapitres s u r
le XVI e et le XVII e siècle sont d ' u n e analyse f r a î c h e et p é n é t r a n t e .
G r a n d e richesse documentaire se p r ê t a n t parfois à des « interprétations »
a u t r e s que celles de l'auteur.

N ° 14. — B A U D I N ( L o u i s ) , Prof., Paris. L a Monnaie et l a F o r m a t i o n


des P r i x . Tome VI du Traité d'Economie Politique publié sous la
direction d'H. TRUCHY. Fascicule I. Paris, Sirey, 1936, 621 p., 2' édi-
tion 1947.
Réservant l'étude des systèmes et des phénomènes monétaires pour
u n e étude ultérieure, l ' a u t e u r traite ici les problèmes théoriques posés
par la monnaie et n o u s f o u r n i t u n e des meilleures études d'ensemble,
en l a n g u e française, s u r la théorie monétaire. H. DENIS (Les récentes
théories monétaires en France, p. 157) qualifie cet o u v r a g e de « r e m a r -
quable par l'abondance et la sûreté de la documentation ». H. BARGER
(Econ. J., 1937, p. 347) s'est s u r t o u t intéressé aux chapitres traitant
des m é t a u x précieux. B. NOGARO (Rev. Econ. pol., 1936, p. 1631) r e g r e t t e
que la richesse de l'information ne m a s q u e trop souvent la position
personnelle de l'auteur. Mais, cette position, dans ses aspects psycholo-
giques, sociologiques, historiques et humains, est bien représentative
de la pensée française.
Après avoir envisagé dans u n e Section I, La formation des prix,
l ' a u t e u r traite dans la Section II, L'Evolution de la monnaie, les diffé-
rentes f o r m e s de monnaie, y compris les p r o j e t s de monnaie fondante.
La Section III, La valeur de la monnaie, a p r è s avoir étudié les positions
théoriques: métallisme, nominalisme et étatisme, cherche comment
exprimer cette valeur p a r des indices monétaires et budgétaires. La
Section IV, Les métaux précieux, a u n g r a n d intérêt historique. La
Section V, Le rapport entre la monnaie et les prix, m o n t r e comment les
théories psychologiques et du revenu pourraient s'intégrer à la théorie
quantitative. Les deux dernières Sections étudient assez rapidement
La Monnaie et le rythme cyclique et la Stabilité de la Monnaie.
Importante bibliographie.

N ° 15. — I R V I N G F I S H E R ( E s s a y s in honour of). T h e lessons of


Monetary Expérience. London, Allen and Unwin, 1937, 450 pages.
Ce volume comporte u n e vingtaine d'études, les u n e s descriptives (sur
l'Allemagne, la Chine, le Japon, etc.), les autres théoriques qui reflètent
ou r é s u m e n t les idées de leurs auteurs, d é j à développées ailleurs. Signa-
l o n s n o t a m m e n t l e s c o n t r i b u t i o n s d e WILLIAMS, PEDERSEN, MLYNARSKI,
STRAKOSH, GAYER, HAWTREY, KEYNES, EINAUDI, ANGELL, LOVEDAY, HANSEN,
OHLIN, LINDAHL, e t c .
D'après RIST, (FI. Econ. pol., 1938, p. 458), « L'ensemble f o r m e u n e
sorte de consultation internationale s u r l'avenir des systèmes monétaires
qui est l'une des plus utiles qui aient p a r u depuis longtemps. » « L'uti-
lité de l'or comme base du système monétaire international, loin d'être
méconnue, semble, au contraire, admise p a r u n n o m b r e croissant d'es-
prits distingués et informés. » Il y a cependant bien des voix discor-
dantes dans ce gros ouvrage.
Sur l'œuvre de FISHER, voir ci-après n° 51.

N" 16. — D E N I S ( H e n r i ) , Prof., Rennes. Les récentes théories moné-


taires en F r a n c e . P r é f a c e de PIROU, Thèse, Paris, 1938, 318 pages.
Sans avoir jamais connu les inflations astronomiques, la France,
depuis trente-cinq ans, a subi des h a u s s e s de prix substantielles et
presque continuelles. A part u n e baisse trop courte et trop bénigne
pour influencer profondément les recherches, elle n ' a g u è r e souffert
de la déflation et du chômage, mais plutôt de l'insuffisance d ' é p a r g n e
et de l'abus des investissements. Il n'est donc pas s u r p r e n a n t que les
théoriciens français se soient concentrés s u r le rôle d u f a c t e u r moné-
taire dans les mouvements de prix et s u r les conditions de la stabilité.
Ils avaient des problèmes trop p r e s s a n t s pour pouvoir s'intéresser a u x
j e u x académiques de l'Ecole autrichienne. Et ils ne pouvaient g u è r e
non plus p r e n d r e au sérieux des théories dont les points de d é p a r t ne
ressemblaient en rien aux données t r a n ç a i s e s : la déflation, l'excès
d ' é p a r g n e non investie et u n e monnaie s c r i p t u r a l e largement r é p a n d u e
et indéfiniment extensible.
Malgré son m a n q u e de perspectives internationales, l'ouvrage de
M. DENIS peut p e r m e t t r e de dégager les caractères c o m m u n s de l'Ecole
f r a n ç a i s e (s'il y en a une).
Il analyse successivement (à raison d ' u n e trentaine de pages p a r au-
t e u r ) les conceptions d e M M . R U E F F , DIVISIA, R I S T , NOGARO, AFTALION,
SIMIAND, e t c .
Après cette première partie documentaire, qui f o r m e le plat de résis-
tance (p. 1 à p. 253), la deuxième partie offre à certains égards un
intérêt supérieur. Elle fait a p p a r a î t r e les tendances dominantes des
théoriciens f r a n ç a i s : « ils s'opposent t r è s n e t t e m e n t aux théories
mécanistes : au lieu de chercher à d é g a g e r des r a p p o r t s abstraits entre
des f a c t e u r s p l u s ou moins arbitrairement définis, ils s'efforcent de f a i r e
comprendre les phénomènes monétaires suivant u n mode de pensée
p l u s concret » (p. 285).
La particularité c o m m u n e de la théorie monétaire française est de
s'être dégagée de la m é t a p h y s i q u e aussi bien q u e de la mécanique
rationnelle et d'avoir su maintenir le contact avec les réalités institu-
tionnelles, historiques et humaines.
Après cela, qu'importent les divergences secondaires entre ceux qui
accordent respectivement la p r é p o n d é r a n c e aux f a c t e u r s monétaires,
a u x f a c t e u r s psychologiques ou a u x f a c t e u r s organiques ? Qu'importe
également l'insuccès des tentatives de vérification statistique, d û k
l'emploi d'un outil encore bien p r i m i t i f ?

N ° 17. — R I S T ( C h a r l e s ) , Prof., Paris. H i s t o i r e des doctrines rela-


tives ou crédit et à l a m o n n a i e d e p u i s John L a w j u s q u ' à nos
j o u r s . Paris, Sirey, 1938, 471 p. (Trad. angl. p a r J. DEGRAS, N e w -
York, Mac Millau).
Cet ouvrage, qui r a p p r o c h e assez h e u r e u s e m e n t les théories des évé-
n e m e n t s concomitants, est consacré essentiellement à trois questions :
la distinction de la vraie monnaie (métal) et du crédit (billets, etc.),
l'action des m é t a u x précieux s u r les prix (surtout m o u v e m e n t s de
longue durée) et le rôle du t a u x de l'intérêt. On y t r o u v e r a u n e analyse
des conceptions des principaux spécialistes de la monnaie (de LAW et.
CANTILLON à WICKSELL, KNAPP et HAWTREY), formant un tableau des
idées du XVIII e siècle et du XIX e siècle, vu à travers le prisme des
« certitudes » du début du XXe siècle.
L. L. WATKINS (Amer. Econ. R., j u n e 1941, p. 357) r e g r e t t e q u e les
v u e s du p r o f e s s e u r RIST, qui diffèrent largement des courants m o d e r -
nes, aient influencé sa sélection des h o m m e s et des idées.
D'après P. T. ELLSWORTH (Amer. Econ. R., sept. 1938, p. 583) « u n e
telle attitude en matière monétaire (métallisme) est si r a r e de nos j o u r s
qu'elle mérite u n e place particulière en t a n t q u e pièce de m u s é e ».
Néanmoins, l'ouvrage est t r è s utile non s e u l e m e n t p a r sa richesse
d o c u m e n t a i r e et p a r la netteté p a r f a i t e de son attitude, mais encore
parce qu'il rappelle o p p o r t u n é m e n t q u e l ' é t u d e des questions moné-
taires n ' a pas commencé avec le siècle et qu'il ne f a u t pas s'emballer
trop vite pour la mode du j o u r .
(V. aussi, PIROU, R. Econ. pol., 1938, p. 291).

N ° 18. — S A U L N 1 E R (R. J.), Prof., Econ. Columbia. C o n t e m p o r a r y


M o n e t a r y T h e o r y . New-York, Columbia Univ. P r e s s , 1938, 420 p.
L ' a u t e u r r é s u m e et commente l ' a p p o r t scientifique de HAWTREY,
ROBERTSON, HAYEK e t KEYNES s u r les p r o b l è m e s de la m o n n a i e et des
crises.
P o u r chaque a u t e u r , en u n e centaine de pages, sont étudiés successi-
vement : son « approche » générale, les concepts et la terminologie
employés, les méthodes (analytical devices), sa théorie des prix, son
explication du cycle et son attitude concernant la politique monétaire.
D'après G. L. S. SHACKLE (Econ. J., 1939, p. 501) l'analyse est t r è s
bonne pour lés trois p r e m i e r s a u t e u r s , mais insuffisante p o u r Keynes
(et, a j o u t e r o n s - n o u s , aussi p o u r Robertson).
Une excellente présentation, des récapitulations n o m b r e u s e s et u n e
a b o n d a n t e bibliographie (comprenant des articles de périodiques et des
« recensions ») f o n t d e ce livre u n i n s t r u m e n t pédagogique d e p r e m i e r
ordre, à l'intérieur du c a d r e qu'il s'est assigné.
Mais, naturellement, il a les inconvénients d ' u n e c a r t e au 1/20.000"
qui ne f i g u r e q u ' u n étroit c o m p a r t i m e n t de terrain. P o u r avoir u n e v u e
assez complète, il f a u d r a i t combiner SAULNIER, ELUS et DENIS, en y
a j o u t a n t RIST ou HARSIN pour la perspective historique.

N" 19. — L A M B E R T ( P . ) . L a T h é o r i e q u a n t i t a t i v e de l a M o n n a i e .
Thèse, Liège, Sirey, 1938, 271 pages.
Présentation des multiples aspects d ' u n e théorie qui d e m e u r e , selon
l ' a u t e u r , à la base de toutes les discussions économiques.
Trois parties : 1) histoire et f o r m e s contemporaines de la théorie
quantitative; 2) é t u d e s préliminaires s u r la v a l e u r et l'échange et s u r
les lois d ' o f f r e et de d e m a n d e appliquées à la m o n n a i e ; 3) vérité et
e r r e u r de la théorie. Bonne bibliographie méthodique.
L ' a u t e u r considère l'équation des échanges comme u n t r è s précieux
i n s t r u m e n t d ' a n a l y s e si l'on tient compte q u e c h a c u n de s e s éléments
p e u t être aussi bien cause ou effet, et q u e des éléments é t r a n g e r s à
l'équation peuvent venir r e n f o r c e r ou c o n t r e c a r r e r l'action de tous s e s
facteurs.

N» 20. — M A R G E T ( A . W . ) , P r o f . Econ. Univ., Minnesota. T h e t h e o r y


of p ri ces. New-York, Prentice Hall, tome I : 1938, 624 p.; tome I I :
1942, 802 pages.
Faisant u n e histoire des théories monétaires j u s q u ' a u x p l u s récentes,
l ' a u t e u r rappelle à propos de c h a c u n des éléments de la doctrine de
KEYNES ses antécédents et les controverses d u passé. Original et clair,
cet o u v r a g e est u n e d é f e n s e de la théorie classique de WALKAS çt de
FISHER contre les n o u v e a u t é s de KEYNES.
D'après KALDOR (Econ. ]., 1939, p. 495) la seconde partie du tome I
contient de m a g i s t r a l e s r e c h e r c h e s s u r le développement de la théorie
monétaire, « mais les variables des équations quantitatives M, V et T
y j o u e n t le rôle de têtes de chapitres et rien d a n s la démonstration de
MARGET n ' a r r i v e à m e convaincre q u e ce sont les têtes de chapitre qui
conviennent ».
P o u r HANSEN [Amer. Econ. R., 1938, p. 750) il est r e g r e t t a b l e q u e
l ' a u t e u r ait été aussi peu i n f l u e n c é p a r les analyses de Wicksell q u e
l'on r e t r o u v e d a n s la conception m o d e r n e d u r e v e n u et d a n s les t r a v a u x
de Keynes.
P o u r BIST (R. Econ. pol., 1939, p. 597) ce livre est u n e des contribu-
tions les p l u s intéressantes et les p l u s précieuses à la doctrine moné-
taire de ces d e r n i è r e s années. Bibliographie internationale excellente.

N ° 21. — P O S E ( A l f r e d ) , P r o f , a g r é g é Fac. Droit. L a m o n n a i e et ses


I n s t i t u t i o n s . Histoire, théorie et technique. Paris, P r e s s e s Univ., 1942,
2 vol., 947 pages.
Ce vaste traité se p r o p o s e de suivre la f o r m a t i o n d u s y s t è m e moné-
taire f r a n ç a i s , puis de d é g a g e r les possibilités d'agir au moyen de la
monnaie et d'en préciser les limites.
Livre 1, Formation des institutions: monnaie métallique, monnaie de
papier, monnaie de b a n q u e ou monnaie scripturale. Livre 11, Descrip-
tion et fonctionnement des institutions monétaires dans la période dite
normale. Livre III, L'effondrement des institutions: la chute du f r a n c
de Germinal, ses conséquences s u r le s y s t è m e bancaire et la monnaie
fle b a n q u e . Livre IV, L'échec du retour à l'or. Livre V, L'abdication du
franc. Livre VI, La. théorie monétaire devant le problème de la bonne
monnaie. Comment a s s u r e r la stabilité de la monnaie : les moyens
classiques f o n d é s s u r la quantité de monnaie ne sont pas les seuls
possibles c o m m e le pensent encore les milieux bancaires, mais la stabi-
lité des prix p r é s e n t e certains d a n g e r s . Le dirigisme, indispensable
actuellement, doit ê t r e e x t r ê m e m e n t p r u d e n t . Bibliographie, index.
P a r contraste avec les o u v r a g e s b r i t a n n i q u e s axés s u r l'étude abstraite
de m é c a n i s m e s hypothétiques, l'œuvre m a g i s t r a l e de M. P o s e n o u s met
en contact direct avec les institutions existantes, avec les faits concrets,
avec le singulier historique. (Cf. ci-dessus n° 16).

N* 22. — F E D E R I C I ( L . ) , Prof., Modène. L a Moneta e l'Oro. Milan,


Casa editrice Ambrosiana, 1941, 718 pages, 2S éd. rév. 1943.
On t r o u v e ici l'exposé le plus complet et le plus clair des théories
monétaires modernes. Solidement a p p u y é s u r l'histoire des idées, l ' a u -
t e u r p r é s e n t e avec u n égal talent les conceptions contemporaines des
p a y s les plus divers. Les connaissances encyclopédiques, le souci da
définir clairement les t e r m e s , la logique rigoureuse, la f e r m e t é de la
pensée personnelle contrastent avec le provincialisme et le vague de
beaucoup de publications.
Ce Traité peut être r e g a r d é comme la Somme internationale la plus
représentative de la science monétaire à la veille de la g u e r r e .
Le P r o f e s s e u r Federici ayant consenti à présenter des OBSERVATIONS
dans le présent fascicule, il n'est pas nécessaire ici d'indiquer ses thèses
principales.
Excellente Bibliographie.
Voir le c. r. de CABIATI, dans Giorn. cl. Econ., 1942, p. 261-274.

N° 23. — A M E R I C A N E C O N O M I C A S S O C I A T I O N . R e a d i n g s in
business cycles. Philadelphie, Blakiston, 1944, 494 pages.
Ce volume d'articles choisis s u r les fluctuations économiques (1923-
1940) comporte plusieurs textes importants concernant la théorie moné-
taire.
La controverse s u r l'épargne, et l'investissement y est exposée d a n s
d e s a r t i c l e s d e OHLIN, LUTZ, L E R N E R e t LANGE (1938).
La théorie du multiplicateur et de l'accélération est analysée par
HABERLER, MACIILUP, J o h n M . CLARK, SAMUELSON.
ROBERTSON, J o h n WILLIAMS, HAWTREY, HAYEK, ELLIS y présentent
divers aspects de la théorie, monétaire des cycles et de ses applications.
Au surplus, une liste bibliographique — méthodiquement, classée - -
d'une cinquantaine de pages permet, de r e p é r e r u n e g r a n d e partie des
ouvrages et articles importants de l ' e n t r e - d e u x - g u e r r e s s u r les q u e s -
tions ci-dessus mentionnées.

N ° 24. — P I R O U ( G a é t a n ) , Prof., Paris. Le m é c a n i s m e de la vie


économique: L a monnaie. Paris, Sirey, 1945, 518 pages.
Ce Tome, publié d a n s le cadre d'un Traité d'économie politique, reste
très classique dans son mode d'exposition. De n o m b r e u s e s r é f é r e n c e s
placées en notes en font u n bon instrument de travail. Le dernier cha-
pitre contient d'intéressantes analyses des théories contemporaines les
plus connues.
Chap. 1. — Les origines et l'évolution historique de la monnaie.
Chap. 11. — La monnaie métallique au XIX e siècle.
Chap. III. — La monnaie de papier.
Chap. IV. — La monnaie scripturale.
Chap. V. — Guerre. Cours forcé. Inflation (1914-1923).
Chap. VI. — Le r e t o u r à l ' o r : solution anglaise, allemande, française.
Chap. VII. — De la crise de 1929 à la g u e r r e de 1939, le décrochage
et la nationalisation des monnaies.
Chap. VIII. — De la monnaie dirigée à l'économie dirigée (préfinan-
cement et circuit, politique allemande depuis 1933, politique f r a n -
çaise depuis l'armistice).
Chap. IX. — Théories et doctrines monétaires (nature, valeur, etc.).
Appendice s u r le problème monétaire depuis la Libération.
Clair et bien présenté, l'ouvrage du P r o f e s s e u r PIROU, qui incorpore
les résultats d'un q u a r t de siècle de recherches et d'enseignement,
constitue sans doute la meilleure histoire de la monnaie française d a n s
cette période troublée.

N ° 25. — H A L M (George N.), P r o f . Econ. T u f t s College, Etats-Unis.


M o n e t a r y T h e o r y . Philadelphie, Blakiston, 1946, 491 pages.
Destiné à f o u r n i r u n prolongement théorique aux. manuels habituels
d e Money and Banking, ce volume présente, en termes t r è s clairs, u n e
é t u d e détaillée des problèmes théoriques et r é s u m e brillamment l'état
actuel des discussions. De m ê m e q u e MARGET, il utilise comme cadre
d ' a n a l y s e l'équation de FISHER, mais il n o u s fait pénétrer d a n s les
conceptions les plus récentes (analyse des périodes, multiplicateur, etc.).
La théorie monétaire doit être intégrée à la théorie générale sans dis-
p a r a î t r e pour autant. Un r e t o u r à l'étalon-or paraît à Halm inconciliable
a v e c la responsabilité q u ' a tout g o u v e r n e m e n t d ' a s s u r e r la stabilité
économique et le plein emploi. E x a m i n a n t avec s y m p a t h i e les idées
m o d e r n e s s u r la politique monétaire (amorçage de la pompe, déficit
budgétaire, financement du plein emploi) Halm souligne cependant leur
insuffisance, voire leurs difficultés et leurs dangers.
Première Partie. — La Valeur et l'offre de monnaie. — Situe le rôle
d e la monnaie d a n s u n e économie capitaliste et d a n s u n e économie
socialiste, m o n t r a n t p a r là l'importance d u cadre institutionnel, consa-
c r e huit chapitres a u x éléments de l'équation de l'échange et analyse le
problème de la stabilisation des prix et de la monnaie n e u t r e .
2' Partie. — La Monnaie et les Echanges extérieurs. — Mécanismes
classiques et innovations récentes (fonds monétaire international).
3 e Partie. — La Monnaie, l'investissement et l'emploi. — Traite de la
théorie de l'intérêt, des théories monétaires du cycle, du principe du
multiplicateur et de l'accélération.
Utiles r é f é r e n c e s à la littérature anglo-américaine des dix dernières
années. MARGET a qualifié cet o u v r a g e avec raison de « admirable text »
(Monetary theory at the textbook level, Amer. Econ. R., 1942, p. 775-790).

N ° 26. — J A N N A C O N E ( P a s q u a l e ) , Ancien P r o f . Univ. Turin. Moneta


e L a v o r o , Turin, 1946. (Collection « Storia e Dottrine economiche »,
U.T.E.T.).
Le titre de l'ouvrage (Monnaie et Travail) est justifié par u n e brève
•et élégante introduction, d a n s laquelle l ' a u t e u r démontre que la seule
m a n i è r e rationnelle de c o m p r e n d r e la thèse de la « monnaie garantie
p a r le travail » est celle qui se r é f è r e à u n e confrontation — d a n s
l'unité de t e m p s — entre la quantité de monnaie existant dans le pays
e t la quantité de biens produits. Une fois ce point établi, l ' a u t e u r entre-
prend des recherches s u r l'origine et. l'évolution de l'idée de monnaie
à pouvoir d'achat stable.
Remontant a u x premières théories monétaires, J. présente u n e r é h a -
bilitation décisive et convaincante de L a w s u r le terrain p r o p r e m e n t
scientifique. Avec u n e connaissance profonde de l'histoire et u n e métho-
de critique rigoureuse, l ' a u t e u r revendique pour L a w la paternité de
beaucoup d'idées r é p a n d u e s depuis u n e quinzaine d'années (par ex.
théorie d u multiplicateur). Cependant, les théories modernes, comme
celle de Law, sont justiciables d ' u n e critique m a j e u r e : tout nouvel
investissement exige q u e soit disponible non seulement u n e certaine
quantité de travail, mais aussi u n e certaine quantité de « capitaux »
(terre, machines, etc.). •
Particulièrement intéressant est le r a p p r o c h e m e n t que fait l ' a u t e u r
entre la controverse LAW-CANTILLON, au XVIII E siècle et la controverse
MALTHUS-RICARDO au siècle suivant. Et il n'est pas s u r p r e n a n t que,
a u j o u r d ' h u i , au refleurissement du p r a g m a t i s m e de Malthus corres-
ponde u n nouvel épanouissement des idées de Law.

N° 27, — C H A N D L E R (Lester V . ) , P r o f . Econ. Univ. of Princeton.


T h e economics of money a n d b a n k i n g . New-York, Harper, 1948,
732 pages.
Un des meilleurs « textbooks » de « Monnaie et Banque » p o u r étu-
diants d'économie politique. Cortège habituel de documentation concrète
et de « lectures recommandées ».
A travers l'imbroglio des chapitres, on peut discerner trois parties :
1) E t u d e détaillée des institutions monétaires et bancaires aux Etats-
Unis: Federal Reserve, banques commerciales, i n s t r u m e n t s de crédit,
m a r c h é financier et monétaire (quinze chapitres) ;
2) Aspects internationaux: règlements, change, Bretton-Woods (qua-
t r e chapitres) ;
3) Théorie monétaire contemporaine (quatorze chapitres) présentée
sous u n e f o r m e r e m a r q u a b l e m e n t claire et commode, qui p e u t consti-
tuer u n e excellente initiation aux problèmes théoriques.

N 0 28. — V I L L A R D ( H . H . ) , P r o f . Econ. Hofstra College. M o n e t a r y


T h e o r y , in Survey of Contemporary Economics, Philadelphie, Blakis-
ton, 1948, p. 315-351.
Dans -cet essai, qui a pour objet de présenter l'évolution de la théorie
monétaire depuis u n e quinzaine d'années, l'économiste européen n e
t r o u v e r a presque aucun des problèmes q u e l'on examine ordinairement
sous u n tel titre. Il n'y est question ni de la définition de la monnaie,
ni de ses fonctions, ni de la f o r m e des i n s t r u m e n t s monétaires, ni de
la création de monnaie. La relation entre la quantité de monnaie et
les prix n'y est mentionnée que comme u n s u j e t a p p a r t e n a n t au passé.
En revanche, l'auteur nous entretient des idées keynésiennes (du Trea-
tise à la General Theory), de l'analyse p a r périodes, de la controverse
saving-investment, du t a u x de l'intérêt et de la dette publique.
La section s u r les finances de g u e r r e , tout en reprochant aux éco-
nomistes d'avoir déconseillé ce que l'on a fait réellement, constate le
succès de la politique monétaire, qui a maintenu u n e large part de
liberté et les « incentives », évité la h a u s s e des prix, entretenu la
confiance dans la monnaie et finalement contribué à g a g n e r la g u e r r e .
C. — O U V R A G E S SPECIAUX
(.Ordre alphabétique)

N ° 29. — B. P. A D A R K A R . T h e T h e o r y of M o n e t a r y P o l i c y . Lon-
dres, P. S. King, 1935. 125 pages.
Etudie les relations entre le t a u x d'intérêt et les prix. Les premiers
chapitres sont consacrés à u n e analyse critique des thèses de FISHER,
CASSEL, W I C K S E L L , HAYEK, SRAFFA e t KEYNES. D ' a p r è s H . BARGER (Econ.
J., 1936. p. 502) « d a n s l'ensemble, les j u g e m e n t s portés p a r l ' a u t e u r
sont exacts, sauf en ce qui concerne HAYEK », « discussion admirable
s u r b e a u c o u p de points ». Dans la suite de l'ouvrage, l ' a u t e u r préco-
nise u n e politique monétaire qui maintiendrait l'équilibre. Deux critères:
l'investissement doit être égal à l'épargne et les prix é g a u x a u x coûts.
G. 0. HARDY (Amer. Econ. [{., sept. 1938, p. 581) trouve que « dans sa
partie constructive, le livre est m a l h e u r e u s e m e n t t r è s v a g u e ». Même
opinion chez BARGER qui conclut cependant « ce livre n e peut êt-e
ignoré de quiconque souhaite être tenu au courant du développement
de la théorie monétaire ».

N 0 30. — A F T A L I O N ( A . ) , P r o f . Fac. Droit, Paris. L a v a l e u r de l a


m o n n a i e d a n s l'économie contemporaine. Tome I: Monnaie, p r i x
et c h a n g e , Paris, Sirey, 1948, 565 p. Tome 11: M o n n a i e d'économie
d i r i g é e , Paris, Sirey, 1948, 414 pages.
Les conceptions monétaires d'AFTALioN ont été parfois très critiquées.
RIST, au nom de l'orthodoxie du début du siècle, lui a reproché de
r é p a n d r e la doctrine nominaliste de Knapp. GUILLEBAUD (Econ. J., 1949,
p. 605) le t r o u v e élémentaire. P o u r t a n t , AFTALION est généralement
reconnu comme le principal et le plus original des théoriciens f r a n ç a i s
de la monnaie pour la période q u e n o u s étudions.
Au lieu de se laisser aller à des déductions de plus en plus complexes
e t h a s a r d e u s e s à partir d'hypothèses plus ou moins fantaisistes,
AFTALION reste s u r le terrain du bon sens et d ' u n e psychologie réaliste
et se tient en contact étroit avec les faits observés.
Les problèmes qu'il pose sont ceux-là mêmes qui se sont posés en
F r a n c e (et d a n s u n e g r a n d e partie de l'Europe) depuis 1944, c'est-à-dire
s u r t o u t le problème de la relation entre les émissions de monnaie (à
•fins pseudo-fiscale) et le m o u v e m e n t des prix et, plus récemment,
celui du mécanisme monétaire dans u n e économie dirigée ou hybride.
Le f r a n c f r a n ç a i s n ' a y a n t g u è r e réussi à s'implanter comme entité
véritablement indépendante (à l'instar de la livre sterling ou du m a r k ) ,
il fallait aussi étudier l'influence du change et de l'or s u r les prix.
Continuateur de WIESER, Aftalion développe u n e théorie psycholo-
gique de la v a l e u r de la monnaie, qui tient compte des opinions indivi-
duelles et des croyances collectives, des données objectives actuelles
et des perspectives d'avenir. Sa théorie du revenu p e r m e t d'intégrer
des f a c t e u r s tels que le change, les exportations, etc. et p r é p a r e la voie
à la théorie des dépenses des consommateurs (Voir Essai, chapitre III).
Critique vigoureux de la théorie quantitative « causaliste », Aftalion
r e j e t t e aussi sa branche « analytique » et lui oppose la f a m e u s e f o r -
mule R = PQ, qui est devenue, avec beaucoup de variantes et de
raffinements, l'une des approches les plus utilisées.
Le plus récent o u v r a g e d'A. (Tome II) a p p a r a î t r a peut-être bientôt
comme u n e contribution encore plus décisive. En effet, il est un des
premiers à étudier la monnaie d a n s un cadre institutionnel correspon-
dant aux réalités actuelles et il montre l'une des voies dans lesquelles
doit s'engager sa recherche. (Voir C. R., p a r LHOMME, R. Econ. pol.,
1949, p. 506 et 568).
Principaux ouvrages CÎ'AFTALION (dans le domaine monétaire) : Mon-
naie, prix et change, 1927; Monnaie et Industrie, 1929; L'Or et sa dis-
tribution mondiale, 1932 (C. R. p a r REBOUD, R. Econ. pol., 1932, p.
489); L'Or et la Monnaie, 1938, (C. R. p a r RIST, R. Econ. pol., 1938,
p. 224).
DENIS (Bibl. ci-dessus n° 16) fournit u n r é s u m é commode des théo-
ries d'Aftalion (p. 118-146).

N ' 31. — A N D E R S O N (B. M.), Prof., Harvard (Etats-Unis). T h e v a l u e


of money. New-York, Macmillan, 1917. 610 pages.
Estimant que la théorie de la v a l e u r de la monnaie doit découler
d ' u n e théorie générale de la valeur, l ' a u t e u r r e p r e n d sa p r o p r e théorie
de la valeur exposée dans Social Value en 1911. A sa lumière, il criti-
que dans la première partie toutes les théories habituellement retenues
(coût de production, l'offre et la demande, capitalisation, utilité m a r g i -
nale) et s u r t o u t d a n s la deuxième partie la théorie quantitative telle
qu'elle a été exposée p a r KEMMERER et FISHER. La théorie de la mon-
naie et du crédit doit tenir compte non seulement du volume du com-
merce mais des transactions bancaires dont u n e très g r a n d e partie est
p u r e m e n t spéculative; la théorie quantitative reposant s u r des notions
d'équilibre statique apparaît donc tout à fait fausse. La troisième p a r -
tie; La valeur de la Monnaie é n u m é r a n t plusieurs fonctions de la mon-
naie met en évidence celle de bearer of options, « fonction dynamique
par excellence ». La quatrième partie intitulée : Réconciliation de la
statique et de la dynamique montre que la théorie de la monnaie, centre
de la théorie économique générale, doit p e r m e t t r e un équilibre de toutes
les valeurs sociales.
F. Y. EDGEWORTH (Econ. J., 1918, p. 66) se borne à r e m a r q u e r que
les faits cités en exemple semblent p l u s intéressants q u e les théories
qu'ils prétendent illustrer.

N° 32. — A N G E L L (J. W . ) . T h e behavior of money. New-York,


MacGraw Hill, 1936. 207 pages.
Résultats de recherches statistiques faites à l'Université Columbia
sous la direction de l'auteur. Dans ses conclusions, celui-ci se m o n t r e
sceptique s u r la possibilité d'agir s u r le niveau de l'activité économique
p a r la quantité de monnaie en circulation; il est, cependant, f a v o r a b l e
à u n e certaine stabilisation d u r e v e n u national obtenue g r â c e à la
stabilisation de la q u a n l i t é de monnaie en circulation. ROBERTSON (Econ.
J., 1937, p. 330) conteste les r é s u l t a t s statistiques qui, d ' a p r è s lui,
s u r e s t i m e n t l'influence de la quantité de monnaie s u r le r e v e n u natio-
nal. P o u r VILLARD ( S u r v e y , p. 317), ces r e c h e r c h e s s u r l'offre totale de
monnaie ont b e a u c o u p contribué à clarifier le concept statistique de
monnaie.
Voir aussi, du m ê m e a u t e u r : « T h e components of the circular velo-
city of m o n e y » (Quart. J. Econ., 1937, p. 225) et « T h e g é n é r a l dynamics
of m o n e y », (J. Polit. Econ., 1937, p. 293).

N ° 33. — A R N A U N E ( A u g u s t e ) , P r o f . Sciences pol., secrétaire de la


Commission monétaire. L a M o n n a i e , le C r é d i t et le C h a n g e . Paris,
Alcan, 1894. 402 pages.
Ce livre est tiré de cours p r o f e s s é s depuis 1885. H. HIGGS (Econ. J.,
1895, p. 397) loue sa p a r t i e historique t r è s bien documentée, de loin
s u p é r i e u r e à t o u t o u v r a g e de ce g e n r e en Angleterre. P o u r Ch. GIDE
(R. Econ. pol., 1903, p. 952) ce livre donne t o u s les r e n s e i g n e m e n t s
qu'on p e u t désirer s u r les s u j e t s indiqués p a r son titre, mais ne traite
q u e d ' u n e f a ç o n t r o p succincte les questions de controverse. En 1950,
cet o u v r a g e est i n t é r e s s a n t à feuilleter car il porte t r è s f o r t e m e n t la
m a r q u e des théories officiellement admises à la fin d u XIX e siècle et
aussi p a r c e q u e cet ouvrage, d a n s ses éditions successives, a exercé
u n e influence p r o f o n d e p e n d a n t q u e l q u e q u a r a n t e ans.
Première partie. — La Circulation, ses instruments, son mécanisme:
a d o p t e la théorie de la m o n n a i e - m a r c h a n d i s e et r e f u s e au législateur
les m o y e n s de r é g l e r l ' u s a g e monétaire des m é t a u x précieux.
Deuxième partie (de b e a u c o u p la p l u s longue). — Les systèmes de
monnaie métallique: conclut, q u e le bimétallisme est i m p u i s s a n t et d a n -
g e r e u x , mais qu'on ne p e u t instituer en F r a n c e le monométallisme c a r
il f a u t r e s p e c t e r les légitimes intérêts des p o r t e u r s d'écus.
Troisième partie. — Les systèmes de circulation fiduciaire: assimile
le billet de b a n q u e à u n effet de c o m m e r c e et f o n d e la v a l e u r d u billet
inconvertible s u r l ' e s p é r a n c e q u ' a le public de voir r e p r e n d r e les
p a i e m e n t s en espèces. La théorie quantitative j o u e de façon t r è s s t r i c t e :
q u a n d les espèces métalliques sont s u p é r i e u r e s a u x besoins des é c h a n -
ges, l'équilibre se rétablit a u t o m a t i q u e m e n t p a r l'exportation des capi-
t a u x ; q u a n d il y a trop de billets inconvertibles, l'équilibre se rétablit
p a r la dépréciation d u papier.
En conclusion, la circulation d u papier reposant s u r le crédit, il f a u t
la g a g e r s u r des disponibilités métalliques suffisantes.
Même les troubles monétaires qui ont suivi la fin de la g u e r r e n'ont
pu a p p o r t e r le m o i n d r e doute d a n s les opinions de l ' a u t e u r . Il écrit eu
1922 d a n s la p r é f a c e de sa 6° édition q u e la théorie des c h a n g e s établie
à la fin d u XIX' siècle est p a r f a i t e m e n t c o n f i r m é e p a r les faits contem-
porains et qu'il f a u t r a m e n e r le f r a n c à sa v a l e u r or de Germinal,
(sous peine d ' ê t r e r a n g é p a r lui p a r m i les économistes qui se plaisent
au p a r a d o x e I)
N° 34. — A U P E T I T ( A l b e r t ) . E s s a i s u r l a théorie générale de l a
monnaie. Thèse, Paris, 1901. 297 pages.
Adepte de l'économie mathématique, l ' a u t e u r se r e f u s e dès l'intro
duction à envisager les questions de politique économique qui ne peu-
vent être traitées dans un esprit véritablement scientifique, Sa première
partie, Etude rationnelle des phénomènes monétaires, étudie, d a n s le
cadre des relations d'équilibre définies par WALRAS et PARETO, les trois
fonctions de n u m é r a i r e , de circulation et d ' é p a r g n e remplies par la
monnaie et adopte u n e théorie quantitative t r è s souple qui fait une
p a r t aux phénomènes d'accroissement des revenus. La seconde partie.
Etude expérimentale des phénomènes monétaires, traite du rôle des
procédés statistiques de mesure. Le compte r e n d u de V. PARETO (R.
Econ. pol., 1902 p. 90), tout comme l'ouvrage lui-même, fait u n e large
place aux hypothèses abstraites d ' u n équilibre général aux dépens des
phénomènes p u r e m e n t monétaires.

N 0 35. — B E H R E N S ( W a l t e r G.). Das G e l d s c h ô p f u n g s p r o b l e m .


Iéna, 1928.
I) Classification des théories monétaires. II) Histoire du problème de
la création de monnaie (spécialement BENDIXEN). III) Discussion s u r la
théorie de la création de monnaie. IV) Les questions fondamentales de
la création de m o n n a i e : f o r m e s de la création de monnaie (privée,
d'Etat, rigide ou élastique, morale, inflationniste) et limites de la créa-
tion de monnaie. BEHRENS repousse les théories « étatiques » de
BENDIXEN et lie la théorie de la création de monnaie à la théorie q u a n -
titative, puisque la création de monnaie est un problème de manipu-
lation des quantités pour agir s u r la valeur de la monnaie.
Venu à un moment inopportun, à la fin des g r a n d e s inflations et
avant la dépression (Voir Essai, chapitre I), cet o u v r a g e est passé
inaperçu. Il prend un intérêt nouveau au milieu du siècle.

N ° 36. — B E N D I X E N (R.). Das Wesen des Geldes. Leipzig, 1908.


Appliquant les idées de KNAPP au domaine économique, il considéré
la monnaie, valant par proclamation de l'Etat, comme u n e créance qui
donne droit à des marchandises et disparait p a r la consommation. Cette
définition exclut la monnaie métallique qui d e m e u r e d a n s la circulation.
Tout en étant nominaliste, BENDIXEN admet u n réglage automatique de
la quantité, qui serait ainsi effet et non c a u s e ; d a n s le cas anormal
d'inflation où la monnaie ne correspond pas à des services rendus, il
y a u r a hausse des prix. Cette théorie de la « monnaie classique » se
rapproche beaucoup du Banking Principle.

N ° 37. — B L A C K E T T ( S i r B a s i l ) . P l a n n e d Money. Londres, Consta-


ble, 1932. 194 pages.
Exposant la nécessité et la portée de la planification économique, l'au-
t e u r r e j e t t e l'étalon-or et préconi e un niveau des prix constant. Il
d e m a n d e le contrôle par la Banque centrale de la v a l e u r de la monnaie
au m o y e n d u t a u x d ' e s c o m p t e et de l'open-market. R. P . HARROD (Econ.
J., 1933. p. 132) Lout en reconnaissant la clarté, la v i g u e u r et la v a l e u r
éducative de l'ouvrage, r e g r e t t e s a t e n d a n c e au nationalisme économi-
que.

N 0 38. — B R E S C I A N I - T U R R O N I ( C . ) . Prof., Milan. Le vicende del


m a r c o tedesco. Milan, 1931; (trad. angl. The Economies of Inflation,
Londres, Allen and Unwin, 1937. 464 p a g e s ) .
Selon ROBERTSON (Economica, 1938), cet o u v r a g e « will long s t a n d
as a m a s t e r l y record a n d interprétation of the m o s t s p e c t a c u l a r episode
in the hisLory of the w o r l d ' s m o n e t a r y affairs » ; il est aussi r e m a r q u a -
ble p a r sa documentation officielle et v é c u e q u e p a r s a compréhension
théorique et sa vision des p h é n o m è n e s sociaux.
Analysant les causes de l'inflation, BRESCIANI-TURRONI m o n t r e , tout
en f a i s a n t l a - p a r t des décalages t e m p o r e l s et des incidentes, q u e
l'émission excessive de billets a été, au fond, la cause d é t e r m i n a n t e ,
qui r e m o n t e n a t u r e l l e m e n t au déficit budgétaire. R e j e t é e s avec a r d e u r
p a r Mrs ROBINSON (Econ. J., 1938, p. 507) p o u r qui « ni le déficit b u d -
gétaire, ni l'accroissement de la quantité de monnaie, ni la vitesse de
circulation n e p e u v e n t p r o d u i r e les effets qu'il leur attribue », les t h è -
ses de BRESCIANI-TURRONI t r o u v e n t u n accueil p l u s f a v o r a b l e a u p r è s de
ROBERTSON (voir ci-dessus) qui lui r e p r o c h e c e p e n d a n t d'avoir négligé,
c o m m e f a c t e u r décisif, la « rapacité aveugle des p u i s s a n c e s victorieu-
ses ».
A u j o u r d ' h u i , n o u s inclinons à p e n s e r q u e son étude des conséquences
de l'inflation est p l u s i m p o r t a n t e et p l u s intéressante, car elle n o u s
fait p é n é t r e r d a n s u n e Science sociale appelée à a n a l y s e r tous les
éléments (économiques, politiques et h u m a i n s ) liés a u x p h é n o m è n e s
monétaires. Les effets de l'inflation s u r la s t r u c t u r e de l'industrie, s u r
la situation respective des divers t y p e s d'entreprise, s u r la répartition
des r e v e n u s et de la richesse, s u r les « classes » sociales, s u r la f é o d a -
lité industrielle, s u r la bourgeoisie et les intellectuels, etc., n o u s parais-
sent p l u s significatifs q u e des r a p p o r t s m a t h é m a t i q u e s entre des t a u x
d'accroissement de M et de P .
Cette direction de r e c h e r c h e s a été p a s s a b l e m e n t négligée depuis
d e u x décades. Un livre comme celui de BRESCIANI-TURRONI devrait n o u s
inciter à réfléchir s u r la position des problèmes. Plutôt q u e de c h e r c h e r
si, à certains instants de la course, le c h a n g e a monté p l u s vite s u r
les prix, ne f a u d r a i t - i l pas a p p r o f o n d i r les données politiques, sociales,
psychologiques qui f o n t q u e — p a r exemple —- u n g o u v e r n e m e n t se
t r o u v e a m e n é à r e c o u r i r à la p l a n c h e à billets ?
Voir le c. r. de MORTARA, d a n s Giorn. cl. Econ.. 1932, p. 286.

N" 39. — B R O W N ( W . A. Jr). T h e I n t e r n a t i o n a l Goid S t a n d a r d


reinterpreted (1914-1934). New-York, National B u r e a u of Economie
Research, 1940, 2 vol., 1420 pages.
Bien q u e cet é n o r m e ouvrage, a d m i r a b l e m e n t documenté, traite plutôt
des aspects i n t e r n a t i o n a u x de l'étalon-or, il mérite d ' ê t r e mentionné car
il constitue « an outslanding achievement and uiill be of great value to
every student of currency » (M. NADLER, in Amer. Econ. R., 1941, p. 175).
Le déclin de l'étalon-or a commencé en 1914 et coïncide avec la déca-
dence de Londres comme centre financier mondial, car, en vérité, selon
l'auteur, l'étalon-or n'était au f o n d q u ' u n étalon sterling.
La restauration de l'étalon-or (1919-1925) n ' a été q u ' u n e façade, lais-
sant subsister les vrais problèmes. Puis, après u n e phase d'expérimen-
tation (1925-1931), l'étalon-or a subi u n e véritable désintégration.
L'un des aspects les plus remarquables de cette étude est qu'elle est
basée non seulement s u r les documents publiés, mais aussi et très lar-
gement s u r des conversations et contacts directs avec de n o m b r e u x
praticiens (banquiers et h o m m e s d'Etat).

N° 40. — E. C A N N A N , M o d e m C u r r e n c y and the R e g u l a t i o n of its


V a l u e . Londres, P. S. King, 1930. 128 pages.
Se f o n d e s u r la théorie quantitative pour affirmer q u ' u n accroisse-
ment de la circulation monétaire a m è n e r a u n e élévation désirable du
niveau des prix. P o u r lutter contre la dépression, il f a u t , sans aban-
donner l'étalon-or, renoncer au principe d e la réserve minimum qui
oblige les banques centrales à immobiliser des réserves excessives. Cri-
tique de la théorie qui lie les prix au taux de l'escompte, et s u r t o u t de
celle qui fait d é p e n d r e les prix des dépôts bancaires.
F. A. BRADFORD (Amer. Econ. R., 1932, p. 159) « est d'accord avec
l ' a u t e u r s u r la limitation excessive des monnaies, mais ne p e u t admet-
tre, après celui-ci, que les dépôts en b a n q u e ne soient pas du tout u n e
f o r m e de monnaie ».
D'après R. G. HAWTREY (Econ. J., 1931, p. 584), « bien qu'il soit
extrêmement difficile de délimiter dans le crédit bancaire ce qui est
« monnaie » et ce qui est investissements, f o r m u l e r , dans les conditions
présentes, u n e théorie monétaire en t e r m e s de billets et de pièces est
aussi f a u x que d'expliquer les t r a n s p o r t s modernes en termes de véhi-
cules à chevaux ».
Edwin CANNAN (1861-1935) a exercé u n e influence comparable À celle
d'ARNAUNÉ, à l'époque des certitudes. (Voir Essai, chap. I). Voir: Money,
5E éd., 1926 et An Economist's protest (1928). Voir également London
Essays in honour of Edvin Cannan (1927), avec u n e introduction de
Hugh DALTON.

N ' 41. — C A R L I ( F i l i p p o ) , Ancien Prof. Univ. Pise. Studi di storia


delle dottrine economiche, Padoue, 1932.
Ce volume comprend, entre autres, d e u x essais s u r l'histoire des théo-
ries monétaires.
Dans le premier, consacré à la théorie de la monnaie-signe et à la
théorie étatique, l'auteur s'occupe principalement de la notion de mon-
naie dans l'Antiquité classique. P o u r les Grecs, la monnaie était u n
signe, tandis que, pour les Romains, c'était u n e « Res », dont les empe-
r e u r s garantirent la qualité au moyen d ' u n e empreinte.
Selon l'auteur, la conception monétaire des Grecs dérivait d ' u n e dis-
tinction philosophique entre ce qui est « n a t u r e l » et ce qui ne l'est
p a s : la monnaie était u n signe seulement parce qu'elle n'existait pas
d a n s la n a t u r e . Après avoir critiqué l'interprétation de Saint Thomas,
q u i a conduit à la théorie étatique, C. rappelle quels ont été les prin-
cipaux partisans de cette dernière théorie j u s q u ' a u commencement du
XIX« siècle.
Le second essai est consacré à la position de CANTILLON s u r la théo-
rie quantitative. Cantillon aurait été le premier à f o r m u l e r la théorie
quantitative sous u n e f o r m e précise et souple (peut-être s u p é r i e u r e à
.celle de Fisher) et à l'intégrer d a n s u n s y s t è m e cohérent.

N ° 42. — C A S S E L ( G u s t a v e ) . Money a n d F o r e i g n E x c h a n g e after


1914. New-York, 1923. Voir aussi Theoretische Nationalökonomie, Leip-
zig, 1918.
Cassel est célèbre s u r t o u t par sa théorie de la parité des pouvoirs
d'achat, d ' a p r è s laquelle le cours du change, en régime de monnaie
inconvertible, se fixe à un niveau tel q u e l'on puisse acheter le même
« panier à. provisions » indifféremment d a n s l'un et l ' a u t r e pays consi-
dérés. En dehors de la théorie des changes, Cassel est u n adepte de la
théorie quantitative, qui la rattache à u n e conception générale de la >
rareté, comme f o n d e m e n t de la valeur et des prix. Particulièrement
intéressé par les m o u v e m e n t s de prix à long terme, comme son compa-
triote Wicksell, et r e c o u r a n t comme lui à la notion traditionnelle de
« position d'équilibre », ou « n a t u r e l l e », il entend expliquer les f l u c t u a -
tions de longue période p a r les variations de la production de l'or. Dans
u n e économie progressive, il f a u t un approvisionnement croissant de
métal précieux afin de maintenir les prix constants : cet approvision-
n e m e n t définit u n e « offre n a t u r e l l e d'or » ; en observant les discor-
dances entre cette offre n a t u r e l l e et l'offre réelle, Cassel prétend trou-
ver la cause des h a u s s e s et baisses de prix de longue durée.
On t r o u v e r a des développements s u r d ' a u t r e s aspects de l'œuvre de
Cassel d a n s ELLIS (Bibl. n ° 10). Voir également NOGARO, La question
de l'or devant la Société des Nations, R. Econ. pol., 1931.

N" 43. — C O L E ( G . D. H . ) . Goîd, C r e d i t a n d E m p l o y m e n t . Londres,


Allen and Urwin, 1930. 165 pages.
Dans ce recueil d'articles, l ' a u t e u r préconise le maintien de l'étalon-
or et de la convertibilité de la monnaie à un t a u x fixé p o u r a s s u r e r la
stabilité des changes. Il d e m a n d e la suppression de toute limite à
rémission fiduciaire, l'offre de monnaie intérieure étant basée, non plus
s u r le stock d'or réservé à l'exportation, mais s u r les besoins de l'in-
dustrie et du commerce. Au besoin, il f a u t sacrifier la stabilité des prix
intérieurs pour s a u v e g a r d e r la stabilité des changes. E t u d e s s u r le
problème du chômage. B. WOOTTON {Econ. J., 1931, p. 98) a relevé le^
contradictions qui paraissent résulter de ces différents articles.
N ° 44. — D A M A L A S (B. V . ) . Monnaie et conjoncture. Tome I : La
Monnaie et les Théories monétaires. P r é f a c e de A. PIATIER. Paris,
P. U. F., 1946, 400 pages.
Faisant suite à l'Essai sur l'évolution du commerce international et
à La crise du capitalisme, cet o u v r a g e entend a p p o r t e r u n e i n t e r p r é t a -
tion synthétique des phénomènes monétaires et construire u n e théorie
de la dynamique économique.
Il complète l'étude des théories de la valeur de la monnaie par celles
du commerce international et du change car la théorie d ' u n équilibre
économique en expansion proposée par lui doit être valable aussi bien
pour l'économie nationale que pour l'économie mondiale. Maurice BYÉ
(R. Econ. pol., 1947, p. 1194) j u g e a n t l'ensemble de s o n - œ u v r e souligne
qu'il fait, entre des « chapitres économiques » trop souvent isolés, des
rapprochements féconds. H. GUITTON (R. Econ. pol., 1949, p. 510) loue
l'originalité de ses appréciations critiques, mais réserve son opinion
q u a n t à la construction d'ensemble.
Après avoir exposé sommairement l'origine et les fonctions de la
monnaie, l ' a u t e u r étudie les théories de la valeur de la monnaie telles
qu'elles ont été présentées et critiquées p a r M. AFTALION et leur oppose
son propre point de vue. Il examine ensuite les théories des relations
économiques internationales. Il pose enfin d a n s les d e u x derniers cha-
pitres le problème de la valeur de la monnaie et de la stabilité moné-
taire, et critique les techniques de stabilisation p r o p o s é e s : étalon m u l -
tiple et table de référence de JEVONS, symmétallisme d'A. MARSHALL,
dollar tabulaire d'I. FISHER.
P o u r lui, le problème monétaire est celui d'un r a p p o r t entre les varia-
tions de la monnaie et les variations des biens, c'est donc u n problème
d'équilibre économique (production et politique des investissements) dont
la solution n e peut être u n i q u e m e n t monétaire. Il se réserve de l'étu-
dier dans u n volume ultérieur Monnaie et Production.
Il est dommage que la partie constructive soit alourdie p a r la r é e x -
position minutieuse d ' a u t e u r s bien connus et que l ' a u t e u r ne chercha
pas à fixer sa position par r a p p o r t aux théories soutenues actuellement
à l'étranger. M. PIATIER souligne d a n s sa p r é f a c e d'intéressants r a p p r o -
chements entre les recherches de l ' a u t e u r et la position keynésienne
qui n'est jamais citée cependant.

N ° 45. — D E M A R I A . L a teorie monetarie e il ritorno all'oro. Torino,


1928, 329 pages.
Excellent exposé de la politique monétaire britannique a p r è s la pre-
mière g u e r r e j u s q u ' a u rétablissement de l'étalon-or. Description d u
s y s t è m e bancaire et du m a r c h é monétaire de Londres. Brillant r é s u m é
des théories monétaires de l'époque et des controverses s u r le contrôla
d u crédit par les banques.
L ' a u t e u r fait preuve « d ' u n e connaissance étendue de la littérature
récente ». (GUÏLLEBAUD, Econ. J., 1930, p. 310).
Voir c. r. de BREGLIA dans Giorn. d. Econ., 1929, p. 416.
N ° 46. — D U R B I N ( E . F. M.). T h e P r o b l e m of credit p o l i c y . Lon-
dres, Chapman, 1935, 267 pages. (Voir aussi Purchasing power, and
tracie depression, 1933).
DURBIN a été l'un des premiers, avec MARTIN, à e x p r i m e r sous u n e
f o r m e précise et élaborée les idées « m o d e r n e s » s u r la politique moné-
taire.
11 cherche u n e méthode p e r m e t t a n t de maintenir l'équilibre d a n s u n e
économie d y n a m i q u e . A y a n t écarté, p o u r des raisons diverses, la poli-
tique de la monnaie n e u t r e (MV = constante) et la stabilisation des
r e v e n u s , il préconise u n e politique de stabilisation des prix qui exige,
d a n s certaines hypothèses, u n e expansion des r e v e n u s p a r injection
monétaire.
L ' o u v r a g e c o m p o r t e u n e analyse détaillée — et probablement la
meilleure de la littérature économique — des effets p r o d u i t s s u r l'éco-
nomie p a r diverses f o r m e s d'injections monétaires. L ' a u t e u r a une p r é -
f é r e n c e p o u r le consumers' credit, plutôt q u e p o u r le producers' credit.
En tout cas, il f a u t u n s y s t è m e financier centralisé, englobant non
s e u l e m e n t le crédit commercial, industriel et boursier, mais aussi la
régulation des r e v e n u s privés p a r le b u d g e t de l'Etat. Ce d e r n i e r devrait,
tantôt a u g m e n t e r , t a n t ô t d i m i n u e r les impôts, de m a n i è r e à faire varier
de f a ç o n a p p r o p r i é e les r e v e n u s monétaires des c o n s o m m a t e u r s .
Voir c. r. IIAWTREY, Economica, 1935, p. 461-464, et p o u r Purchasing
power... c. r. RODERSTON, Econ. ]., 1933, p. 281-83. Voir ci-après P . - W .
MARTIN, n ° 71.

H» 47. — E L S T E R . ( K . ) . Die Seele des Geldes. léna, 1920.


S'inspire s u r t o u t de BENDIXEN et SCHUMPETER. La monnaie n'a pas de
v a l e u r en soi. Elle r e p r é s e n t e d'abord la possibilité de participer a u
p r o d u i t social. Elle est, en outre, l'instrument, de paiement, c'est-à-dire
le moyen technique de se p r o c u r e r u n e partie de ce produit social. A
la différence de Bendixen, il pense q u e la monnaie p e r m e t de participer
non s e u l e m e n t a u x biens de consommation mais aussi a u x biens de
production. P o u s s a n t à l ' e x t r ê m e la théorie nominaliste, il estime q u e
l'unité de v a l e u r p u r e m e n t abstraite n ' a j a m a i s p u être réelle et il
r e p o u s s e le chartalisme q u e KNAPP avait s o u t e n u p r é c é d e m m e n t .

N 0 48. — F A I N ( G a e l ) . L a lutte contre l ' i n f l a t i o n et la s t a b i l i s a t i o n


m o n é t a i r e . P r é f a c e de R. COURTIN. Paris, Payot, 1947, 178 pages.
L'inflation est définie sous ses multiples f o r m e s afin de p e r m e t t r e u n
diagnostic de la situation monétaire f r a n ç a i s e de 1947. Critiquant les
différentes techniques de lutte contre l'inflation, l ' a u t e u r propose de
stabiliser le pouvoir d ' a c h a t des titres d'Etat, condition primordiale d u
rétablissement. R. GOETZ-GIREY (Rev. Econ. pol., 1949, p. 659) reconnaît
q u e cette construction théorique originale et personnelle, oblige le lec-
t e u r à réfléchir s u r les notions qu'il croit avoir des p h é n o m è n e s moné-
taires.
La p r e m i è r e partie, Equilibre et déséquilibre monétaires é c a r t a n t réso-
lument les schémas classiques, recherche quels sont actuellement les
procédés de création de monnaie, et étudie les mécanismes très divers
de l'inflation en période normale, et en période de pénurie.
La deuxième partie, Lutte contre l'inflation examine l'utilisation des
subventions, des ponctions monétaires, la croyance en u n e a u g m e n t a -
tion de la productivité pour résorber le pouvoir d'achat excédentaire.
Critiquant le « mythe » de l'équilibre budgétaire, l ' a u t e u r établit la supé-
riorité de l ' e m p r u n t s u r l'impôt, et propose pour obtenir la confiance
des prêteurs, d ' a s s u r e r le r e m b o u r s e m e n t de ces e m p r u n t s en « mon-
naie d'épargne » stabilisée p a r r a p p o r t à l'indice des salaires et des
prix. Ouvrage très clair, original et d ' u n g r a n d intérêt théorique.

N ° 49. — F E L L N E R ( W . ) . A treatise on w a r i n f l a t i o n . Berkeley


and Los Angeles, Univ. of California Press, 1942, 180 pages.
Faut-il recourir à l'Impôt ou à l ' e m p r u n t pour le financement de la
g u e r r e ? FELLNER p r é f è r e l'impôt parce que l ' e m p r u n t , selon lui, aurait
un caractère inflationniste. Son analyse étant conduite au moyen d ' u n e
confrontation des revenus et de la production, il estime que le véritable
« financement » de la guerre, c'est l'accroissement de la production.
D. W . GILBERT (Amer. Econ. R., 1943, p. 404) pense que l ' a u t e u r
condamne trop sévèrement les épargnes individuelles qui s'investissent
en titres d'Etat, ces épargnes n ' a y a n t pas nécessairement u n caractère
inflationniste.

N o s 50-51. — F I S H E R ( I r v i n g ) . T h e p u r c h a s i n g power of Money,


New-York, 1907. Autres o u v r a g e s : Stabilizing the dollar, New-York.
1920, Theory of interest, New-York, 1930, 100 % Money, New-York.
1935. Trad, f r a n ç . : Le pouvoir d'achat de la monnaie, Paris, 1925, et
Le capital et le revenu, 1911.
Sur le plan de l'analyse fonctionnelle, Irving FISHER a tenu u n e place
considérable dans la théorie monétaire du premier tiers de siècle. Sa
f o r m u l e a u j o u r d ' h u i encore conserve bien des adeptes (voir chapitre III.
section II de l'Essai ci-dessus, voir également — p a r curiosité — )e
compte r e n d u de KEYNES, d a n s Econ. J., 1911, pp. 393-398).
Avec moins de succès, FISHER a consacré beaucoup plus d'énergie
et d'argent à la diffusion de ses idées s u r le contrôle efficace de la
monnaie. Il a proposé que les fonctions des banques soient divisées entre
trois séries d'institutions :
а) une autorité monétaire centrale, qui serait u n organisme gouver-
nemental, aurait seule le pouvoir d'émettre (ou de retirer) de la mon-
naie;
б) u n système de banques de dépôts (checking banks) qui serait
chargé exclusivement d ' a s s u r e r des règlements p a r t r a n s f e r t s et de
g a r a n t i r la convertibilité réciproque de la monnaie fiduciaire et scrin-
t u r a l e ; ces banques devraient t o u j o u r s avoir des réserves égales à
100 % puisqu'elles n'auraient aucun pouvoir d'émission et elles n ' a u -
raient pas le droit de p r ê t e r ou d'investir;
c) des institutions de prêt et de placement qui n ' a u r a i e n t pas le droit
d ' é m e t t r e de la m o n n a i e ; l e u r rôle serait de r é u n i r les é p a r g n e s dispo-
nibles et de les canaliser v e r s les investissenmts.
Voir critique d'ANGELL, d a n s Quart. J. Econ., 1935-1936, pp. 1-35.
Sur l'ensemble de l'œuvre de FISHER, voir Bibliographie n° 15, et
G. Findlay SHIHRAS, « T h e w o r k of Irving Fisher », E.con. J., 1947, p. 398.

N" 52. — G E S E L L ( S i l v i o ) (1862-1930). Die n a t ü r l i c h e W i r t s c h a f t -


s o r d n u n g . Berlin, 1911. (Trad. angl. The Natural Economic order,
San Antonio, Texas, 1934).
P r é c u r s e u r des théoriciens de la circulation et de la non-dépense,
GESELL pense q u e d ' i m p o r t a n t s troubles économiques proviennent de
ce q u e les i n s t r u m e n t s monétaires sont conservés p a r l e u r s d é t e n t e u r s
au lieu d ' ê t r e remis en circuit. P o u r s u i v a n t l'idée j u s q u ' à ses conséquen-
ces logiques, il propose de fixer u n e limite de validité a u x i n s t r u m e n t s
monétaires, ou mieux de l e u r a t t r i b u e r u n e v a l e u r nominale décrois-
s a n t e de période en période. Ainsi, la t h é s a u r i s a t i o n serait pénalisée.
C'est ce. q u e l'on a appelé la monnaie fondante. D'abord t o u r n é en
dérision, c o m m e t o u s les r é f o r m a t e u r s monétaires, Gesell a connu la
gloire p e n d a n t la g r a n d e dépression. Une petite ville d'Autriche, W ö r g l ,
a fait u n e expérience t r è s réussie de monnaie péremptible. En F r a n c e
même, u n P r é s i d e n t d u Conseil n ' a p a s craint de r e c o m m a n d e r le s y s t è -
m e (Daladier, Congrès d u P a r t i radical à Nantes, 1934).
KEYNES (General Theory, p. 353 sq) consacre q u e l q u e s p a g e s à Gesell
et d é c l a r e : « J e crois q u e l'avenir a p p r e n d r a p l u s de l'esprit de Gesell
q u e de celui de Marx. »
Voir BAUDIN (Bibl. n° 14) et aussi GAITSKELL, d a n s What everybody
tuants to know about money (Bibl. n" 9).

N" 53. — G O L D E N W E I S E R ( E . A . ) . M o n e t a r y M a n a g e m e n t . New-


York, Me G r a w Hill, 1949, 175 pages.
Cette étude, dont l ' a u t e u r f u t p e n d a n t au moins u n q u a r t de siècle
l'éminence grise d u Fédéral Reserve System, p r é s e n t e l'essentiel de la
politique monétaire des Etats-Unis de 1914 à 1948, en a t t e n d a n t u n
v o l u m e p l u s étendu.
P r i n c i p a u x chapitres : Rôle de la monnaie d a n s l'économie; — Rôle
des autorités monétaires ; — Le m é c a n i s m e monétaire américain ; — Les
décisions les p l u s i m p o r t a n t e s prises p a r le F é d é r a l Reserve S y s t e m ;
—- Le f i n a n c e m e n t de la g u e r r e p a r u n procédé inflationniste; — La
politique d ' a p r è s - g u e r r e ; —- Les pouvoirs d u F é d é r a l Reserve S y s t e m ;
— Les problèmes internationaux.
D ' a p r è s RIST (R. Econ. pol., 1949,-p. 511) cet o u v r a g e a u n intérêt
de p r e m i e r o r d r e c a r 11 a « s u condenser, d ' u n e façon lumineuse, tout
ce qu'il y a d ' i m p o r t a n t d a n s la politique m o n é t a i r e américaine et d a n s
son m é c a n i s m e » Me REED {Amer. Econ. R., 1950, p. 208), qui se s é p a r e
de Goldenweiser s u r b e a u c o u p de points, estime c e p e n d a n t q u e « t o u t
ce qui provient de la plume de G. s u r les problèmes monétaires et
s u r le fonctionnement du F.R.S. mérite l'attention des économistes ».
(Voir Etudes et Documents, Paris, 1946, n u m é r o spécial s u r « La
prospérité américaine »).
Goldenweiser peut être considéré comme représentant typique de la
nouvelle orthodoxie, milieu de siècle.

N ° 54, — G R A H A M ( B e n j a m i n ) . Storage and S t a b i l i t y : A m o d e m


ever-normal g r a n a r y . New-York, MacGraw-Hill, 1937. 298 pages.
Plaidoyer pour une nouvelle f o r m e de monnaie gagée s u r des stocks
de produits. Ce système assurerait la stabilité générale des prix et de
l'activité économique, et par suite un s t a n d a r d de vie notablement plus
élevé et une assurance contre les troubles sociaux. Cette proposition
a été reprise, par F. D. GRAHAM d a n s des articles de l'American Econo-
mie Review. (Proceedings, m a r s 1940, p. 1, et sept. 1941, p. 520).
J. C. SMITH (Econ. J., 1938, p. 300) m a r q u e q u e cette idée se retrouve
dans beaucoup de plans élaborés depuis u n e vingtaine d'années pour
stabiliser les prix, et il r a p p r o c h e la date de parution de l'ouvrage de
celle de lois américaines cherchant p a r le stockage à lutter contre la
surproduction agricole.
Le mécanisme monétaire proposé consisterait à émettre librement et
à prix fixes la nouvelle monnaie en contre-partie d'un ensemble défini
de matières premières stockables v e n d u e s dans les bourses de m a r -
chandises. La monnaie sèrait échangeable à tout moment contre les-mar-
chandises, donc présenterait les mêmes garanties de convertibilité q u ' u n e
monnaie gagée s u r l'or. En période de dépression, la monnaie étant
émise en plus g r a n d e quantité, p a r suite de la constitution de stocks
importants, créerait un pouvoir d'achat plus large qui encouragerait la
consommation et amènerait la résorption des stocks. De même l'infla-
tion serait limitée par les conditions techniques de la production. Ce
nouvel étalon serait s u p é r i e u r à l'or et assurerait des rééquilibres auto-
matiques plus efficaces que toutes les tentatives de monnaies dirigées.
Ces suggestions rappellent celles de Proudhon, destinées à faire fonc-
tionner la loi des débouchés. (Voir Robert MossÉ, « L'extension du p o u -
voir d ' a c h a t » , R. Se. écon., 1935).

N» 55. — G R E G O R Y ( T . E, G.). T h e Gold S t a n d a r d a n d its F u t u r e .


Londres, Methuen, 1932, 115 pages.
Excellent ouvrage s u r le fonctionnement de l'étalon-or, spécialement
dans la décade qui a suivi la première g u e r r e mondiale. Insiste s u r t o u t
s u r les aspects internationaux du problème et se r é f è r e largement aux
questions posées p a r la dévaluation du sterling en 1931.
« Contribution r e m a r q u a b l e à la controverse en cours » écrit D. H.
MAC GREGOR (Econ. J., 1932, p. 73). « Nettement s u p é r i e u r à la p r é s e n -
tation habituelle » écrit de son côté F. A. BRADFORD (Amer. Econ. R.,
1933, p. 336).
N ° 56. — G U I G N A B A U D E T ( P h i l i p p e ) . L a m o n n a i e r a t i o n n e l l e .
Le problème monétaire intérieur. Paris, Pion, 1944. 586 pages.
Cherchant les conditions du rétablissement de l'équilibre économique,
l ' a u t e u r pose comme condition primordiale q u e la monnaie redevienne
simple i n s t r u m e n t destiné à faciliter les échanges et respecte rigou-
r e u s e m e n t les lois d u troc. Il f a u t a s s u r e r l'équilibre monétaire de la
production et l'équilibre monétaire de la consommation, s a n s craindre
de bouleverser le s y s t è m e capitaliste.
Une critique des conceptions traditionnelles en matière monétaire
conduit l ' a u t e u r h. établir u n g r a n d nombre de définitions, au besoin
en f o r g e a n t des mots nouveaux, et à poser les bases de la monnaie
rationnelle. De la seconde partie de l'ouvrage, on peut d é g a g e r les
conclusions suivantes : la monnaie doit être p u r e m e n t conventionnelle
et il f a u t adopter un étalon monétaire travail. La monnaie p o u r r a être,
en partie seulement, distributive. La monnaie ne doit plus être u n
i n s t r u m e n t d ' é p a r g n e et p e r d r a progressivement sa valeur. Au besoin,
For, sous f o r m e d jetons, p o u r r a être thésaurisé sans inconvénient,
étant u n e mauvaise monnaie p a r r a p p o r t à la monnaie conventionnelle.
P o u r lutter contre la spéculation, il f a u t s u p p r i m e r l'internationalisme
des Bourses. L'équilibre monétaire de l'Etat doit être a s s u r é au moyen
d ' u n impôt unique à la consommation, tout r e c o u r s à l ' e m p r u n t étant
e x c l u ; nécessité d ' u n e direction d'ensemble d u crédit.

N ° 57. — H A H N ( L . A l b e r t ) . T h e Economies of i l l u s i o n . New-York,


Squier Publ., 1949, 273 pages.
R e g r o u p a n t u n certain nombre d'articles, l ' a u t e u r confronte ses
conceptions qui ont souvent devancé celles de Keynes, avec son expé-
rience d ' h o m m e d'affaires et de banquier. Il démontre q u e la théorie
keynésienne est unilatérale et n e répond pas a u x problèmes g é n é r a u x
d e l'économie. Les remèdes monétaires a u x crises lui semblent ineffi-
c a c e s : si la monnaie p e u t aider à produire des biens, elle n e peut se
substituer à eux, et les années de pénurie ont bien montré la préémi-
nence des f a c t e u r s physiques s u r les manipulations monétaires.
Titres des principaux chapitres. — Les cycles dans la théorie et la
politique monétaires. L'illusion de la prospérité de g u e r r e . Les t a u x
d'intérêt et l'inflation. L'épargne est-elle u n e v e r t u ou u n d é f a u t ?
Du pouvoir d'achat. Anachronisme du concept de P r é f é r e n c e de Liqui-
dité. Le pré-keynésianisme européen. Conclusion : le keynésianisme
est-il u n p r o g r è s ou u n pas en a r r i è r e ? Appendices.
(Compte r e n d u d a n s Econ. J-, 1950, p. 368, p a r M. J. BONN.)

N ° 58. — H A N S E N ( A l v i n H.), P r o f . Econ. Harvard. M o n e t a r y T h e o r y


a n d F i s c a l P o l i c y . New-York, Me Graw Hill, 1949. 236 p. (Economies
Handbook Sériés).
Les 6 premiers chapitres examinant les relations entre la monnaie
et le revenu, d é f e n d e n t la théorie du revenu contre la théorie quanti-
tative. L'étude du revenu implique l'analyse des coûts et du produit
et pas exclusivement celle de la demande monétaire.
Les 4 chapitres suivants étudient les relations entre les coûts, les
salaires, l'emploi et les prix, ainsi q u e la théorie de la monnaie chez
KEYNES et les f a c t e u r s de stabilité des prix d a n s les derniers 150 ans.
P u i s HANSEN étudie la politique financière (budget, etc.) et l ' a u g m e n -
tation de l'offre de monnaie comme procédé d'expansion.
Le dernier chapitre porte s u r la coopération internationale.
C. H. in Amer. Econ. R., 1949, pp. 1014-1018, p a r POOLE et d a n s
Documentation économique, p a r PIATJER, 49-163 bis.
V. aussi ELLIS, Amer. Econ. R., m a r c h 1949, p. 467.

N" 59. — H A W T R E Y (R. G.). C u r r e n c y a n d credit, trad. en f r a n c .


sous le titre L a c i r c u l a t i o n monétaire et le crédit, avec u n e p r é -
face de Ch. R-ST, Paris, Sirey, 1935, 646 pages.
HAWTREY est sans doute le p l u s typique des « monétaristes », en ce
sens qu'il accorde u n e place p r é p o n d é r a n t e a u x f a c t e u r s m o n é t a i r e s
dans la vie économique (et spécialement d a n s le r y t h m e cyclique) et
en ce sens qu'il préconise u n e politique monétaire c o m m e moyen d ' a c -
tion principal.
Tout proche du nominalisme, il entend p a r monnaie essentiellement la
monnaie bancaire et accepte pour point de d é p a r t u n e f o r m u l e q u a n t i -
tative à la manière dé Cambridge (voir d a n s l'Essai, chapitre III), d a n s
laquelle les variations d'encaisses j o u e n t u n rôle p r é p o n d é r a n t . 11
estime qu'il f a u t agir s u r le t a u x de l'intérêt à court terme, afin d ' a g i r
finalement s u r les revenus des c o n s o m m a t e u r s et s u r leurs dépenses.
« To w a r n the world against inflation is to w a r n it against. economie
revival » écrivait-il en 1933 (Trade Depression).
Compte tenu des circonstances de t e m p s et de lieu, l'œuvre d'HAWTREÏ
commence à n o u s a p p a r a î t r e — d a n s le r e f l u x des idées k e y n é s i e n -
n e s — comme u n e contribution m a j e u r e et d u r a b l e , p l u s claire, p l u s
vigoureuse, mieux ordonnancée q u e la pensée de KEYNES et probable-
ment aussi p l u s proche d u m o n d e réel. Elle m a r q u e le p a s s a g e d e
l'idée de r e v e n u s comme m o t e u r à celle de dépenses des c o n s o m m a -
t e u r s et indique la relation entre ces dernières et les p h é n o m è n e s p r o -
p r e m e n t monétaires (quantité et s u r t o u t encaisses). Selon MARGET {Amer.
Econ. R., déc. 1942, p. 785) l'œuvre de « this most original (and stili
inadequately appreciated) spirit » est i m p o r t a n t e s u r t o u t p o u r l ' é t u d e
de la formation et de l'utilisation des revenus.
Nous ne pouvons ici r e n d r e justice à cette œ u v r e c o m m e il convien-
drait. Le lecteur p o u r r a se r e p o r t e r à SAULNIER (Bibl. n" 18), qui d o n n e
la liste complète des t r a v a u x d'HAWTREY jusqu'à. 1937. B o r n o n s - n o u s
à indiquer ses o u v r a g e s principaux et à signaler q u e l q u e s comptes
r e n d u s importants.
C u r r e n c y a n d Credit, C. R. p a r KEYNES, Econ. / . , 1920, p. 362-365;
p a r A. A. YOUNG, Amer. Econ. R., 1924, p. 3 4 9 - 3 5 1 ; p a r HARROD, Econ.
] . . 1929, p. 2 4 1 - 2 4 4 ; p a r BAUDIN, R. Econ. poi., 1935, p. 1624.
Monetary Reconstruction, C. R. p a r ROBERTSON, E con. J., 1923.
p. 204-207.
T h e A r t of C e n t r a i B a n k i n g , C. R. p a r G. KISCH, Econ. J., 1934,
p. 275.
Gold S t a n d a r d , o. r. p a r MARGET, Quart. J. Econ., 1927-29, p. 140-152;
'MAC GREGOR, Econ. J., 1932, p . 72.
T r a d e a n d C r e d i t , C. R. p a r PIGOU, Econ. J., 1929, p. 183-194.
T r a d e Depression a n d the w a y out, o. r. p a r HARROD, Econ. J.,
1934, p. 279-282; p a r HAYEK, Economica, 1932, p. 126-127.

N° 60. — H A Y E K ( F . A.). G e l d theorie u n d K o n j u n k t u r t h e o r i e ,


Vienne, 1929, trad. angl. Monetary T h e o r y a n d t h e T r a d e Cycle,
London, 1933, 244 pages.
Voir a u s s i : P r i c e s a n d P r o d u c t i o n , l r e éd., Londres, 1931.
Hayek n'est pas à p r o p r e m e n t p a r l e r u n théoricien de la monnaie,
mais u n théoricien des cycles qui a étudié le rôle d u f a c t e u r monétaire.
P o u r lui l'élasticité d u v o l u m e de monnaie en circulation (billets ou
. « c r é d i t s » ) est n é f a s t e car elle a p p o r t e des p e r t u r b a t i o n s d a n s la
s t r u c t u r e verticale de la p r o d u c t i o n ; tantôt la production de biens capi-
t a u x est e x a g é r é m e n t stimulée, t a n t ô t elle est e n t r a v é e parce qu'il n'y
a pas u n e é p a r g n e s u f f i s a n t e p o u r l'alimenter. Fidèle à l'école autri-
chienne d a n s sa m é t h o d e abstraite et d a n s ses concepts f o n d a m e n t a u x ,
Hayek préconise la « monnaie n e u t r e », c'est-à-dire u n e m a s s e moné-
taire m a i n t e n u e constante.
Dans SAULNIER (voir ci-dessus n° 18), qui donne u n excellent r é s u m é
et u n e bibliographie des t r a v a u x de Hayek, on n o t e r a tout particulière-
m e n t la discussion d u concept de monnaie n e u t r e p a r DURBIN, MEADE,
HARROD, E L L I S e t ANGELL ( p . 2 7 6 - 2 9 5 ) . HABERLEB ( P r o s p é r i t é et Dépres-
sion) p e r m e t t r a de mieux situer Hayek d a n s la théorie des cycles.
Voir aussi Robert GOETZ, « La monnaie n e u t r e », Annales du Droit
et des Sciences Sociales, Paris, Sirey, 1935; — P. L. REYNAUD, R. Econ.
pol, juillet 1937.
Voir encore les compte r e n d u s critiques de HAWTREY, d a n s Economic
Journal, 1933, p. 669 et d a n s Economica, 1932, p. 119-125, et celui de
MARGET d a n s Amer. Econ• R., 1930, p. 269.

N* 61. — K A T O N A (G.). W a r w i t h o u t i n f l a t i o n . T h e P s y c h o l o g i -
c a l a p p r o a c h to problems of w a r . New-York, Columbia Univ. P r e s s ,
1942, 213 pages.
P s y c h o l o g u e de profession et s ' i n t é r e s s a n t à la théorie économique,
Katona c h e r c h e c o m m e n t les p h é n o m è n e s psychologiques en matière
monétaire p e u v e n t être rationnellement guidés, quelles m é t h o d e s peu-
vent ê t r e employées p o u r i n f l u e n c e r le c o n s o m m a t e u r et éviter la crainte
collective de l'inflation. Selon C. LANDAUER (Amer. Econ. R., 1943, p. 161)
ce livre ouvre à la théorie économique des perspectives nouvelles.
Cet o u v r a g e m o n t r e bien la contribution que la psychologie p e u t
a p p o r t e r à la science économique et l'intérêt d ' u n e coopération systé-
m a t i q u e m e n t organisée entre les d e u x disciplines.
N ° 62.— K A U L L A ( R u d o l p h ) . Die G r u n d l a g e n des Geldwerts. Stutt-
gart, 1920.
Défenseur de la théorie étatique de la monnaie, KAULLA a cherché à
en f o u r n i r une justification économique. La valeur de la monnaie résul-
terait de son aptitude à libérer l'individu de ses dettes envers l'Etat.
Puisque la monnaie, même inconvertible, sert à payer les impôts, c'est-
à-dire la rémunération de certains services r e n d u s p a r l'Etat, il y aurait
là un moyen non seulement de f o n d e r mais encore de déterminer la
valeur de la monnaie. Thèse critiquée p a r FEDERICI, op. cit., p. 117.

N ' 63. — K E M M E R E R ( E . W . ) . Money a n d C r é d i t I n s t r u m e n t s in


T h e i r Relations to G e n e r a l P r i c e s .
Cet ouvrage, t r è s important d a n s l'œuvre de K., p a r u en 1907, traite
de l'adaptation de la théorie quantitative d a n s u n e économie de crédit;
Money, p a r u en 1935, ne fait q u e r e p r e n d r e son exposé de la théorie
quantitative; Gold and the Gold Standard, p a r u en 1944, expose les
mérites de l'étalon-or presque intégral et préconise pour les nations les
p l u s riches la circulation de monnaies or, pour les a u t r e s le rétablisse-
m e n t du Gold Exchange Standard. P o u r cet a u t e u r , les expériences
d'après 1914 n'ont apporté que peu d'enseignements s u r les problèmes
monétaires.

N 0 64, — K E Y N E S (J. M.). A T r e a t i s e on Money. Londres, Mac-


millan, 1930, 2 vol. T h e G e n e r a l T h e o r y of E m p l o y m e n t , Interest
a n d Money. Londres, Macmillan, 1936, 403 p., trad, f r a n ç . de LAR-
GENTAYE, Paris, Payot, 1944.
P o u r les idées du Treatise, voir G. BLONDOT, Les théories monétaires
de Keynes, Paris, 1933 et John WILLIAMS, « Monetary doctrines of Key-
n e s » , Quart. J. Econ., 1930-31, p. 547-587.
La General Theory a provoqué d a n s la science économique un gigan-
tesque remous. Beaucoup d'économistes considèrent q u e KEYNES a réalisé
u n e véritable révolution et peut-être même fondé une nouvelle économie
politique profondément différente de l'ancienne. En fait, depuis 1936,
toute u n e littérature s'est développée qui a eu p o u r objet d'exposer, de
discuter, de raffiner, de compléter les thèmes de Keynes; même les
non-keynésiens j u g e n t nécessaire de recourir à la terminologie k e y n é -
sienne.
La raison profonde du succès de Lord Keynes est probablement le
fait qu'il f u t l'exécuteur des hautes œuvres qui a assené le coup de
grâce officiel à la théorie classique et, plus précisément, à l'optimisme
du r a j u s t e m e n t spontané. On peut le r e g a r d e r comme le théoricien d'un
dirigisme qui ne serait pas marxiste. Il était n a t u r e l q u ' u n e telle attitude,
au moins à la veille de la guerre, attirât u n f o r t courant de sympathie.
Mais, de là à accepter toutes ses idées et ses expressions, ou même
ses analyses fondamentales, il y a un g r a n d pas. Nous ne pouvons pas
ici, dans un volume consacré à la monnaie, esquisser un bilan du
keynisme au 31 décembre 1950; il y f a u d r a i t un volume entier. Nous
(lirons seulement q u e l'on commence à percevoir très distinctement "3
r e f l u x de la vogue d'enthousiasme.
Dans le domaine p r o p r e m e n t monétaire, le mérite principal de Keynes
est d'avoir intégré — et p e u t - ê t r e m ê m e i m m e r g é — la théorie moné-
taire dans la théorie générale. Non point qu'il ait tenté de relier la
théorie de la valeur de la monnaie à u n e théorie générale de la valeur
des biens. Mais, parce qu'il a bien m a r q u é que l'action de la monnaie
dépend de la manière dont elle est employée dans le circuit économique.
La recherche de la liquidité (c'est-à-dire l'augmentation des encaisses),
la propension à consommer, le r e f u s d'investir sont, d ' a p r è s Keynes, des
points névralgiques, car ces attitudes déterminent le mouvement, de la
monnaie d a n s tout l'organisme social et, par suite, le degré d'activité.
Keynes est ainsi conduit en remontant à analyser les f a c t e u r s pouvant
influencer ces attitudes. P a r ailleurs, il est amené à insister s u r le rôle
d e la demande globale dans toute la vie économique. On arrive ainsi a
légitimer la création de pouvoir d'achat ou sa mise en circulation comme
moyen de stimuler l'activité économique.
Keynes a joué un trop g r a n d rôle p o u r que quiconque puisse voir
d a n s les lignes qui précèdent a u t r e chose q u ' u n poteau indicateur à
l ' u s a g e des non-initiés. Ceux qui désireraient avoir une vue un peu
moins sommaire devront se r e p o r t e r aux études ci-après indiquées.
P o u r une analyse plus étendue de la pensée de Keynes en langue
f r a n ç a i s e voir: EHRHARDT, Rev. Econ. pot., m a r s 1949, p. 183; P. GHAM-
LEY, « La théorie générale de l'emploi », m Econ. appliquée. I.S.E.A., avril-
sept. 1948, p. 357-399 et Robert MossÉ, « Le Keynisme devant le socia-
lisme », Revue socialiste, 1949 et 1950 —• En langue anglaise, voir l'ou-
v r a g e collectif « New Economies », dirigé p a r Seymour E. HARRIS,
New-York, Knopf, 1948, 686 p., et Joseph SCHU.MPETER, « John-Maynard
Keynes », in Amer. Econ. R., 1946, p. 495.

N 0 65. — K N A P P (G. F . ) . S t a a t l i c h e T h e o r i e des Geldes. Munich,


1905. (Trad. angl. State T h e o r y of Money, Londres, 1924).
Cet ouvrage, d ' u n e importance considérable pour la philosophie de
la monnaie au XXe siècle, soutient que la monnaie esL u n e création de
l'Etat, qui lui donne sa validité (Geltung), mais non sa valeur (Wert
ou Kaufkrat). Dès lors, la monnaie est u n e « affaire d'Etal que celui-ci
doit régler au gré de son intérêt » (RTST, Histoire des Doctrines relatives
au crédit, p. 362).
La conception de K. a été f o r t e m e n t critiquée p a r les classiques et
l'est a u j o u r d ' h u i encore (par ex.: RIST et PEDERICI). Cependant, elle
est devenue l'un des soubassements des idées et des pratiques contem-
poraines. La théorie de la monnaie-créance (Anweisungsthporie) peut
être r e g a r d é e comme son prolongement et les conceptions qui insistent
s u r le rôle de la c o u t u m e et plus généralement s u r les phénomènes
sociologiques complètent plutôt qu'elles n'infirment la théorie de K.
Beaucoup d ' a u t e u r s anglais d l a u j o u r d ' h u i acceptent plus ou moins
implicitement, les idées de Knapp (IIAWTREY, ROBERTSON, KEYNES).
K., écrivant à l'époque ou l'on considérait la monnaie comme une
marchandise, a rendu un signalé service en montrant les pouvoirs da
l'Etat. Mais, pour être vraiment utile, u n e théorie étatique devrait
montrer comment l'intelligence h u m a i n e peut se servir du pouvoir da
l'Etat s u r la monnaie pour a u g m e n t e r le bien-être général (Cf. Howard
ELLIS, German monetary Theory, p. 38).
La théorie de Knapp a suscité u n e vaste littérature d a n s le premier
tiers du siècle et j u s q u ' à ce j o u r a u c u n écrivain monétaire, y compris
KEYNES, n'a exercé u n e influence aussi grande, bien q u e son livre écrit
avec un vocabulaire gréco-hermanique ad hoc soit illisible et puisse
être résumé sans d o m m a g e en cinq lignes.
V. l'article GELD, dans le Handwörterbuch der Staatswissensch, 3" et
4" édition; KNAPP, Einführung in einige Ilawptgebiete der Nationalöko-
nomie, Munich, 1925; — e t a u s s i BENDIXEN, BONGRAS, E L S T E R , FEDERICI,
MISES, RIST. V. encore HAWTREY, « The State T h e o r y of Money », E con.
] . , 1925; p p . 251-255.

N° 66. — L A N S B U R G H ( H . ) . Argentarius. Briefe eines B a n k d i r e k t o r s


an seinem Sohn. Berlin, Bank Verlag, 1923.
Partisan d'une monnaie abstraite, L a n s b u r g h considère la monnaie
comme un reflet des marchandises, sa valeur est celle du service auquel
elle donne droit. L'Etat n e peut créer mais seulement certifier les
créances exprimées en signes de monnaie. La v u e de l'inflation alle-
m a n d e l'amène cependant à préconiser u n e monnaie métallique.

N° 67. — L A U G H L I N (J. L a u r e n c e ) , P r o f . Univ. Chicago. T h e P r i n c i -


ples of Money. London, Murray, 1903. 550 pages.
Cet ouvrage se propose d'améliorer la méthode des traités économi-
ques de son époque, en r e c h e r c h a n t les principes g é n é r a u x de la m o n -
naie plutût que les faits historiques. Il veut d é g a g e r les lois qui s'appli-
quent aussi bien à la monnaie scripturale q u ' a u papier-monnaie et à
la monnaie métallique.
11 étudie tout d ' a b o r d : I) les fonctions de la monnaie dont la prin-
cipale est d'être le commun dénominateur des v a l e u r s ; II) problèmes
techniques et juridiques de la f r a p p e ; III) problème du choix de l'éta-
lon : il est opposé à u n étalon multiple en marchandises ; IV) Le crédit :
repoussant la croyance du crédit basé s u r la monnaie, il établit les
fonctions du crédit et m o n t r e q u ' u n e quantité « normale » de crédit
n'élève pas les prix et n'agit pas s u r la valeur de l ' o r ; V) La monnaie
scripturale : identité entre la monnaie s c r i p t u r a l e et le billet de b a n -
que, élasticité r e m a r q u a b l e de c e t t e ' f o r m e de m o n n a i e ; VI) Les
index des prix ; VII) Histoire de la Théorie quantitative : r e p r o -
duit minutieusement l'opinion des principaux écrivains ; VIII) Le
prix précède l'échange, il est la résultante de l'offre et de la demande,
il n'y a pas de niveau général des prix indépendant des différents prix.
Selon Laughlin, le g r a n d apport d'Adam Smith aurait été de r a m e n e r
la question des prix à u n e comparaison entre les v a l e u r s relatives des
biens et de la monnaie au lieu de comparer la quantité des biens
avec la quantité des moyens de paiement. La théorie quantitative est
erronée, ce qui conduit a u x conclusions suivantes exposées dans ld
chapitre X I : il est f a u x q u ' u n e politique de hausse des prix stimule
l'industrie, l'Etat ne peut lutter contre la dépression p a r u n e politique
inflationniste; la monnaie dirigée ne peut servir à u n e redistribution plus
équitable des richesses. La quantité de monnaie s ' a j u s t e d'elle-même
a u x besoins grâce à u n bon s y s t è m e bancaire et sans a u c u n e inter-
vention de l'Etat. C'est à u n e négation de toute action de la monnaie ut
de toute action p a r la monnaie qu'aboutit cet a u t e u r qui reconnaît lui-
m ê m e être en désaccord s u r de n o m b r e u x points avec l'enseignement
officiel de son époque. Très éloigné également des conclusions m o d e r -
nes, cet o u v r a g e est cependant intéressant à e x a m i n e r ; il aide à m e s u -
r e r le chemin p a r c o u r u depuis sa parution. Laughlin a présenté u n e
nouvelle version en 1931 sous le titre « New exposition of Money »
(Chicago).

N" 68. - M a c C O R D W R I G H T ( D . ) . T h e C r é a t i o n of P u r c h a s i n g
P o w e r . Cambridge (Etats-Unis), Harvard Univ. P r e s s , 1942, 251 p.
P o u r lutter contre l'insuffisance cyclique ou de longue d u r é e d u
pouvoir d'achat on peut recourir à différents procédés. L ' a u t e u r étudie
successivement la redistribution des revenus p e r m e t t a n t d'accroître la
propension à consommer, le contrôle quantitatif des crédits bancaires
et n o t a m m e n t le plan de réserves à 100 % de FISHER, l'accroissement
de la vitesse de circulation, les t a u x d'intérêts négatifs, le financement
des déficits, les subventions. L. V. CHANDLER (Amer. Econ. R., 1943,
p. 156) a été t r è s intéressé p a r la politique d'accroissement du pouvoir
d'achat du c o n s o m m a t e u r comme r e m è d e a u chômage des industries
de bien de production.
A u n e date où l'on se préoccupait d'accroître les fabrications de
g u e r r e et d'éviter l'inflation, de n o m b r e u x économistes américains de-
m e u r e n t centrés s u r les problèmes de déflation qu'ils proposent de
résoudre, non plus p a r u n e politique d'investissements, mais en accrois-
sant le pouvoir d'achat des consommateurs.

N ° 69. — M A R J O L I N (Robert). — P r i x , Monnaie et Production.


Paris, P r e s s e s Universitaires, 1941, 370 pages.
I m p o r t a n t e étude s u r les m o u v e m e n t s de prix à long t e r m e et leurs
relations avec la production d'or. Voir compte r e n d u détaillé dans l'An-
née sociologique, 1949.

N ° 70. — M A R S H A L L ( A l f r e d ) . Money, C r é d i t a n d Commerce. Lon-


dres, Macmillan, 1923. 369 pages.
Cet o u v r a g e —- seul exposé systématique fait peu avant sa mort p a r
l ' a u t e u r s u r les problèmes monétaires — rassemble ses premiers écrits
d a t a n t de 1870 et expose le dernier état de ses conceptions. Marshall
d e m e u r e célèbre p a r sa déposition devant la Commission d'enquête s u r
la circulation de l'or et de l'argent (1887), d a n s laquelle il mit en valeur
le rôle du t a u x d'escompte comme f a c t e u r des m o u v e m e n t s des prix.
Cette conception a été reprise p a r la doctrine anglaise contemporaine
et KEYNES a pu définir son œuvre « la plus importante contribution
à la théorie monétaire anglaise depuis Ricardo ».
La première partie est consacrée à La Monnaie. I) La v a l e u r de la m o n -
naie dépend de l'offre et de la demande, donc de l'encaisse désirée, et
s'exprime s u r le m a r c h é monétaire p a r le t a u x d'escompte; les fonc-
tions de la monnaie n e peuvent être remplies efficacement q u e si son
pouvoir d'achat est stable. II) Méthodes de m e s u r e de ce pouvoir
d'achat, III) Nombres-indices. IV) L'équation des échanges est u n e évi-
dence, mais le f a c t e u r causal qui règle la rapidité de la circulation
dépend de l'encaisse désirée; effets psychologiques de l'inflation: elle
peut entraîner u n e chute de la monnaie plus q u e proportionnelle à
l'accroissement de la quantité de billets. V) Nécessité d'adopter pour le3
obligations à long t e r m e u n étalon multiple qui ne dépende pas direc-
tement des h a s a r d s de la production minière et représente u n e unité
officielle de pouvoir d'achat. VI) P o u r éviter le jeu de la loi de Gresham
d a n s un système bimétalliste, il f a u d r a i t é m e t t r e u n papier-monnaie
g a g é s u r un étalon symmétalliste or et argent. Après l'étude du Crédit
et du Commerce international, la quatrième partie, Fluctuations de
l'industrie, du commerce et du crédit pose le problème du plein emploi.
P l u s i e u r s appendices.
Bien que certains chapitres descriptifs aient vieillis ainsi que certaines
questions comme le symmétallisme, ce livre reste é t o n n a m m e n t proche
des recherches modernes, s u r t o u t si l'on pense q u e la p l u p a r t de ses
conceptions ont été élaborées à la fin du XIX e siècle. Dans son article
nécrologique de la Revue d'Economie politique (1924, p. 554) M. RIST
notait q u e la pensée d'A. Marshall a été longtemps méconnue des écono-
mistes français.

N° 71. — M A R T I N ( P . W . ) . T h e problem of m a i n t a i n i n g p u r c h a s i n g
power: a s t u d y of i n d u s t r i a i depression a n d recovery. Londres,
King. 1931.
Le thème général de cette étude est. que, dans certaines circonstances,
le courant de pouvoir d'achat utilisé pour acquérir des m a r c h a n d i s e s
est nettement inférieur au courant des coûts impliqués d a n s la pro-
duction des biens destinés à être vendus. Il en résulte que ces derniers
n e peuvent pas être vendus à des prix r é m u n é r a t e u r s . Réciproquement,
à d ' a u t r e s moments, le c o u r a n t de pouvoir d'achat utilisé pour acquérir
des marchandises est plus g r a n d q u e le c o u r a n t des coûts exigés p a r
la production des biens vendables; il en résulte u n e pression inflation-
niste.
A partir de cette analyse, l ' a u t e u r m o n t r e q u e l'allure d u cycle
économique est en g r a n d e partie le résultat d ' u n e insuffisance et d ' u n o
surabondance alternatives de pouvoir d'achat. L ' a u t e u r examine en
détail le problème du passage de la dépression à l'essor, ainsi q u e
celui du « r e t o u r n e m e n t s u p é r i e u r ». Finalement, M. MARTIN présente
des suggestions tendant à a d a p t e r le volume total du pouvoir d'achat,
principalement par des procédés monétaires, de façon à maintenir un
niveau optimum de demande effective.
L'intérêt de ce livre est qu'il a abordé de très bonne h e u r e les pro-
blèmes posés p a r l'analyse keynésienne. Cependant, il examine les-pro-
blèmes d'une manière p l u s fondamentale.

N* 72. — K. M E N G E R . Article GELD. H a n d w ö r t e r b u c h des S t a a t s w i s -


senschaften, 3e édition, 1909.
Analyse le rôle de la monnaie d a n s l'échange. Donne u n e explication
historique et sociologique de la valeur de la m o n n a i e : la fonction d'ins-
t r u m e n t d'échange universel est la base de son utilité. Ce n'est pas la
monnaie qui sert de base à la fixation des prix, mais les prix existent
avant la monnaie. Ces principes ont servi de point de départ à WIESER
et MISES. MENGER a le premier établi la distinction entre v a l e u r extrin-
sèque et valeur intrinsèque de la monnaie, les variations d a n s la valeur
d'échange de la monnaie pouvant être déterminées soit du côté des
marchandises, soit, du côté de la monnaie elle-même, par les change-
m e n t s qui se sont produits d a n s son appréciation.

N" 73. — M I S E S ( L u d w i g von). T h e o r i e des Geldes u n d der Um-


l a u f s n i i t t e l . Munich 1924. Trad. angl. Harcourt. BRACE, New-York,
1935, c. r. dans Amer. Econ. /¡eu., juin 1935, p. 353, et. dans Econ. J.,
19.35, p. 509.
Il y a quelque vingt ans, on eût été tenté de croire q u e l'apport de
MISES à l'économie politique était plus grand dans le domaine monétaire
que. d a n s celui de l'économie collectiviste. Ici, il semblait n'être q u ' u n
polémiste f o u g u e u x et habile. Là, aû contraire, il parachevait l ' œ u v e
de WIESER et reliait la théorie de la valeur de la monnaie à celle de la
v a l e u r des biens. A u n e epoque où le métallisrne restait dominant., il
montrait que la véritable valeur de la monnaie, résulte de celle des
biens qu'elle p e r m e t d'acheter, à la marge, bien entendu. La Theorie
des Geldes a été, en son temps un excellent traité général de la Monnaie.
. A u j o u r d ' h u i , m ê m e si nous conservons q u e l q u e s - u n e s des notions
f o n d a m e n t a l e s de l'école autrichienne, nous n'arrivons plus à nous p a s -
sionner pour certaines analyses subtiles et un peu byzantines. De plus,
MISES a écrit à u n e mauvaise époque, où il était difficile de voir clair
d a n s les phénomènes monétaires. Ce livre v a u t certainement encore la
peine d'être étudié; au d é b u t a n t désireux de se f o r m e r à l'école du
raisonnement précis et rigoureux, il f o u r n i r a u n e excellente g y m n a s t i q u ;
intellectuelle. Mais, il y t r o u v e r a moins de vie et d'actualité que d a n s
les diatribes contre l'Etat omnipotent.

N" 7 4 . — M Y R D A L ( G u n n a r ) , Prof. Stockholm. Om P e n n i n g t e o r e t i s k


J ä m v i k t , 1931. Trad. en français, L'équilibre monétaire, Paris. Librai-
rie de Médicis, 1950, 209 pages. Avant-propos d'André MARCHAI..
(Trad. également en allemand et en anglais.)
Après u n e introduction s u r l'histoire externe des controverses a u t o u r
des idées wickselliennes, Myrdal présente un exposé de la théorie
« monétaire » d e Wicksell. Puis, il e n t r e p r e n d d'en faire u n e critique
« immanente », qui conservera les fondements mêmes, mais s'efforcera
de préciser et de perfectionner la théorie du Maître.
« L'équilibre monétaire » est un idéal abstrait, qui doit servir de point
de r e p è r e pour permettre, dans u n e situation concrète, de déterminer
où l'on se trouve par r a p p o r t à l'équilibre idéal et, si possible, de
quelle manière on est en train de basculer.
Très profondément imbu des théories anglaises et autrichiennes,
Wicksell avait recouru à trois notions :
1) le taux n a t u r e l de l'intérêt, qui n'est a u t r e q u e la productivité
marginale physique des biens capitaux de Bohm-Bawerk; 2) le t a u x de
marché de l'intérêt qui résulte dans u n e large m e s u r e de l'attitude des
b a n q u e s ; 3) le t a u x idéal ou normal a s s u r a n t Véquilibre.
Le taux idéal d'après Wicksell est celui qui réalise les 3 conditions
suivantes :
a) égalité entre le coût du capital pour l'entrepreneur- et la produc-
tivité marginale des biens capitaux (d'où profit n u l et pas d'incitation
à faire de nouveaux investissements) ;
b) égalité entre l'offre et la d e m a n d e d ' é p a r g n e ;
c) stabilité des prix.
La plus g r a n d e parlie de l'ouvrage de Myrdal est consacrée à la
discussion de ces trois conditions de l'équilibre.
Désireux de situer les phénomènes économiques s u r l'axe des temps.
Myrdal estime — et c'est là sans doute u n e de ses contributions l$a
plus originales — q u ' u n e période doit être considérée par r a p p o r t à un
point du temps, puis p a r r a p p o r t à un autre; ainsi, à u n e vision pers-
pective (ex-ante), où l'on prend des décisions en fonction de pronostics
plus ou moins fondés, s'oppose u n e vue rétrospective (ex-post) qui
comptabilise les r é s u l t a t s passés.
A l'aide de cet i n s t r u m e n t d'analyse (et de quelques autres) Myrdal
conclut que l'égalité a) est indéterminée, il f a u t la remanier, en la
subordonnant à b). On dira alors q u e l'équilibre monétaire est carac-
térisé par « les m a r g e s de profit qui suscitent exactement le m o n t a n t
d'investissement total pouvant être pris en charge » p a r les liquidités
utilisables à cette fin (p. 90).
Tout en rendant h o m m a g e à l i finesse et à la richesse des analyses,
qui, s u r bien des points, ont précédé celles de Keynes, il f a u t recon-
naître que pour Myrdal, fondamentalement, l'équilibre est conçu à la
manière classique: l'idéal est d'arriver à un « p r i x » de l'argent qui
égalise l'offre et la demande. Sinon, on entre d a n s le déséquilibre.
Ainsi, lorsque le t a u x de m a r c h é est au-dessous du t a u x d'équilibre
la demande de prêts (investissements) dépasse les é p a r g n e liquides,
mais le système bancaire crée du pouvoir d'achat et celà déclenche
u n processus cumulatif.
P o u r l'égalité c), Myrdal se s é p a r e encore de Wicksell. L'équilibre
monétaire ayant été défini par l'égalité b) (c'est-à-dire l'équilibre du
m a r c h é des capitaux), est compatible avec n'importe quel mouvement
des prix nominaux (p. 132), a u t r e m e n t dit le mouyement des prix ne
signifie rien au point de v u e de l'équilibre monétaire (p. 140). D'où il
suit qu'il ne f a u d r a i t pas croire à la possibilité d ' u n e « stabilisation des
affaires p a r la stabilisation du niveau des prix » (p. 141).
P o u r toutes sortes de raisons institutionnelles, Myrdal ne croit pas à
l'efficacité de la politique du crédit et se m o n t r e sceptique à l'égard
des divers objectifs de la politique monétaire, y compris l'emploi maxi-
m u m des f a c t e u r s de production.
Regrettons en terminant que le lecteur de l a n g u e f r a n ç a i s e soit réduit
à la traduction d ' u n texte anglais, qui lui-même était tiré d ' u n e t r a -
duction allemande. Cette cascade de traductions ne p e r m e t g u è r e d ' a p -
précier la pensée originale.
(Cf. notre analyse de WICKSELL, n° 97).

N o s 75-76. — B. N O G A R O . L a M o n n a i e et les phénomènes monétaires


contemporains. Paris, Librairie générale de Droit. 1935. 442 pages,
et L a M o n n a i e et les Systèmes monétaires. Vol. VII de la collection
« L'Economie politique contemporaine », Paris, Libraire générale de
Droit. 1945. 251 pages.
Cherchant quelle est la n a t u r e de la monnaie, Nogaro établit que la
monnaie n'est pas essentiellement u n e marchandise mais u n e unité de
compte. Il n ' y a pas de différence essentielle entre monnaie métallique
et monnaie fiduciaire, la convertibilité et la f r a p p e libre n ' a y a n t p o u r
but que d ' a s s u r e r la stabilité des changes q u e l'on peut également
obtenir p a r le contrôle des changes. La monnaie tire sa valeur de la
loi, ce qui rejoint p a r u n e démonstration différente la théorie nomina-
liste de certains au leurs allemands, de Knapp n o t a m m e n t .
P o u r critiquer la théorie quantitative, Nogaro se f o n d e s u r l'observa-
tion des faits. La complication m o d e r n e des s y s t è m e s monétaires ne
p e r m e t plus de considérer comme u n f a c t e u r unique la quantité de
monnaie, et q u a n t à la monnaie scripturale elle semble jouer un rôle
passif d a n s l'activité économique, et non être f a c t e u r des m o u v e m e n t s
des prix. C'est p a r l'intermédiaire de la d e m a n d e que la valeur de la
monnaie exercera son action s u r le prix des marchandises.
Il n'y a pas de m o u v e m e n t g é n é r a l des prix attribuable à u n e cause
u n i q u e : la variation de la quantité de monnaie. Les fluctuations de
l'indice des prix proviennent des conditions de la production et de .d
distribution des différentes marchandises. La cause monétaire n e peut
pas être isolée de l'ensemble des f a c t e u r s qui font varier les prix,
l'influence monétaire n e p e u t agir q u ' à t r a v e r s la demande. Le public
est indifférent à la t e n e u r en métal des monnaies, le métal précieux ne
tenant son rôle d'étalon monétaire q u e du fait qu'il est accepté d a n s
les r è g l e m e n t s internationaux. Toute politique de monnaie dirigée agis-
sant s u r la quantité de monnaie ou s u r sa v a l e u r intrinsèque ne peut
être efficace. Il f a u d r a i t insérer dans les contrats à long terme des
clauses visant à déterminer les sommes d u e s d'après les variations de
l'indice des prix.
H. DENIS (Les récentes théories monétaires en France, p. 111) quali-
fie les t r a v a u x de Nogaro s u r les questions monétaires « d'œuvre cons-
tructive de première importance ». P o u r W . H. WYNNE (Amer. Econ. R.,
1936, p. 352) Nogaro « attaque u n e f o r m e t r è s rigide de la théorie
quantitative que personne ne soutient plus depuis longtemps et ne fait
pas suffisamment de place aux f a c t e u r s psychologiques ». L. BAUDTN
(Rev. Econ. pol., 1945, p. 240) r e m a r q u e à propos du dernier ouvrage
de Nogaro, q u e « la théorie classique a perdu son aspect arithmétique
et qu'il f a u t tenir compte d'effets non proportionnels qui semblent mieux
répondre à la réalité q u e les lois de proportionnalité plus plaisantes à
notre esprit ».
P o u r le premier ouvrage, voir les C. R. de OUALID, R. Econ. pol.,
1935, p. 1621 et d e TRUPTIL, Econ. J., 1937, p . 104.

N ° 77. — P E R R E N O U D (Jean). Létalon-or — Son a v e n i r après


l'accord monétaire de Bretton-Woods. P r é f a c e de M. Robert MossÉ.
Paris, L. G.D.J., 1948. 348 pages.
Ne cherchant pas à analyser les détails de l'accord monétaire de
Bretton-Woods, ni quelle solution il peut apporter a u x problèmes p a s -
s a g e r s de l'après-guerre, l ' a u t e u r se demande comment pourrait f o n c -
tionner, dans le cadre de cet accord, u n nouveau système monétaire
international, qui éviterait certains inconvénients de l'étalon-or classique.
Il f a u d r a i t arriver à l'adoption s u r le plan international d ' u n e monnaie
s a n s valeur intrinsèque dont la quantité serait réglée de manière systé-
matique, ce qui permettrait la démonétisation de l'or.
La perspective même de l'ouvrage conduit à donner une place beau-
coup plus importante à la description des inconvénients de l ' é t a l o n - j r
q u ' a u fonctionnement des institutions de Bretton-Woods. La première
partie, Le fonctionnement de l'étalon-or système monétaire international,
et ses conséquences étudie très minutieusement les a r g u m e n t s et théo-
ries favorables, puis les critiques adressées à l'ancien s y s t è m e moné-
taire international. La seconde partie, L'avenir de l'étalon-or après les
accords de Bretton-Woods cherche dans quelle m e s u r e l'accord res-
t a u r e ou condamne l'étalon-or et dégage en conclusion ce q u e devrait
être le nouveau système monétaire international.
La fragilité des raisonnements classiques s u r l'automatisme des
rééquilibres économiques grâce à l'étalon-or est très bien étudiée. La
thèse de l'auteur peut paraître hardie a u x u n s et évidente à d ' a u t r e s ;
en tout cas, elle est solidement étayée p a r des analyses théoriques,
des faits n o m b r e u x et bien présentés.

N ° 78. — P E T R I T Z I (Ménélas). Le Gold E x c h a n g e S t a n d a r d et ses


Déviations. Paris, Sirey, 1934. 180 pages.
A un moment où beaucoup d'économistes croient encore q u ' u n r e t o u r
à l'étalon-or rétablira la stabilité économique, cet ouvrage m o n t r e com-
bien les perfectionnements apportés au s y s t è m e se sont révélés d a n -
g e r e u x et conclut qu'il f a u t renoncer à l'étalon-or sous toutes ses
formes. I) Fonctionnement du Gold Exchange S t a n d a r d ; II) son rôle
n é f a s t e dans le cycle; III) remèdes a u x déviations du G. E. S. Biblio-
graphie.
N° 79. — P ! E T T R E ( A n d r é ) , P r o f . Fao. Droit Strasbourg. L a p o l i t i q u e
du pouvoir d ' a c h a t devant les faits. Paris, Médieis, 1938, 256 pages.
Après avoir rappelé les origines théoriques de la politique de l'expan-
sion du pouvoir d'achat comme remède à la dépression, l'auteur passe
en revue les principales expériences concrètes (surtout aux Etats-Unis
et en France), en distinguant l'action s u r le pouvoir d'achat individuel
des salariés, celle s u r le pouvoir d'achat collectif des salariés (semaine
de q u a r a n t e heures) et l'action s u r le pouvoir d'achat national.
Voir particulièrement l'annexe II s u r la loi de J.-B. Say et la théorie
du pouvoir d'achat.
Cette étude est, en langue française, u n e des dernières ayant pris
u n e position critique à l'égard de l'expansionnisme monétaire du t e m p s
de dépression, avant la v a g u e keynésienne. En sens contraire consulter
Robert MossÉ, « L'extension du pouvoir d'achat remède à la crise éco-
nomique », in Revue des Sciences économiques, 1935.

N° 80. — P I G O U ( A . C.), P r o f . Univ. Cambridge. T h e V e i l of Money.


Londres, Macmillan, 1949. 150 pages.
L'économiste anglais bien connu a cherché à -présenter ici en langage
simple u n e introduction à la théorie et à la politique monétaires telles
qu'on les conçoit, dans l'Angleterre de 1947.
Dans la Première Partie [Money), il affirme sa tendance nominaliste
et attribue p l u s d'importance à la Bank Money qu'à la monnaie f i d u -
ciaire, dont les variations quantitatives n'ont pas d'importance puisque
« c e l a ne se fait pas en A n g l e t e r r e » (p. 9); l'initiative vient t o u j o u r s
de la Bank Money et., d'ailleurs, plutôt des c h a n g e m e n t s de vitesse que
des modifications de quantité. L'inflation ne se confond pas avec l'expan-
sion et n'est pas non plus u n accroissement excessif des moyens de
paiement p a r rapport au volume de la production. Le P r o f e s s e u r Pigou
assimile p r e s q u e inflation et augmentation des revenus monétaires
(principalement salaires). Il incline à penser que la monnaie, au moins
d a n s l'économie stationnaire, n'est q u ' u n voile superficiel. Cette partie
contient u n excellent exposé du fonctionnement d'ensemble d'une éco-
nomie (mécanisme des prix, allocation des ressources, é p a r g n e et inves-
tissement) c o n f r o n t a n t un mécanisme dominé par la monnaie et les
prix avec un mécanisme plus ou moins direct (type économie anglaise
de g u e r r e et d ' a p r è s - g u e r r e ) . L ' a u t e u r n'est pas convaincu de la s u p é -
riorité du premier. (Cf. Socialism versus capitalisai de PIGOU et les
controverses s u r le calcul économique.)
La seconde partie, Money Income, qui est la partie, essentielle selon
P a u l E. SULTAN (Amer. Econ. R., déc. 1949, p. 1326) contient u n schéma
(« model ») faisant a p p a r a î t r e les f a c t e u r s principaux qui déterminent
le revenu monétaire d ' u n pays.
Les f a c t e u r s réels, que PIGOU considère sans doute comme plus im-
p o r t a n t s sont : la d e m a n d e d'investissement, l'offre d'investissement, la
productivité du travail et le degré de monopole.
Les f a c t e u r s p r o p r e m e n t monétaires s o n t : la relation entre la vitesse
de r e v e n u et le t a u x de l'intérêt, la relation entre la masse de monnaie
et le taux de l'intérêt, le t a u x nominal des salaires ( m o n e y wages).
Le taux de l'intérêt augmenterait avec la demande d'investissement;
mais le taux de l'intérêt, à son tour, entraînerait vers la hausse la
quantité de monnaie et la « vitesse de revenu », ce qui tendrait à accroî-
tre le revenu monétaire. Si les salaires restent constants, l'augmentation
de revenu monétaire global se t r a d u i r a par u n e augmentation de l'em-
ploi.
B r e f s chapitres s u r l'inflation de g u e r r e et s u r la politique de l'argent
h bon marché.
B. G. HAWTREY a fait u n e critique sévère de cet ouvrage clans VEeo-
nomic Journal (1949, P- 560).
Intéressant parallèle entre PIGOU et KEYNES par Amedeo GAMBINO,
dans Sanearía, Rassegna dell'associazione bancaria italiana, n ° 7, juil-
let 1950, p. 4-16).
L'apport considérable de Pigou à la science économique ne saurait
être j u g é d ' a p r è ' ce petit o u v r a g e ; The Economies of Welfare, aura
sa place dans d'autres fascicules de la présente collection. Sur le
s u j e t monétaire on p o u r r a consulter aussi de Pigou l'article The Value
of Money (Quart. J. Econ., 1917-18, p. 38-65) et ses critiques de
HÀWTREY (Econ. J., 1 9 1 3 , p . 5 8 0 - 8 3 ; Econ. J., 1929, p. 183-194) et de
BOBERTSON, (Econ. J., 1 9 2 6 , p . 2 1 5 - 2 2 7 ) .

N" 81. — P O S E ( A l f r e d ) . De l a T h é o r i e Monétaire à la T h é o r i e


Economique. Paris, Sirey, 1930. 183 pages.
Cet ouvrage m o n t r e le caractère artificiel et inexact d e toute expli-
cation quantitative ou objective des phénomènes monétaires et l'intérêt
que présentent les explications psychologiques. L'étude de la théorie
monétaire est pour l ' a u t e u r l'occasion de rechercher la définition et le
domaine de la science économique.
L'ouvrage expose la théorie monétaire classique, puis la c o n f r o n t e
avec les troubles monétaires d'après 1914. II étudie ensuite les théo-
ries récentes : NOGARO, BIST, LESCURE et s u r t o u t AFTALION. Il envisage
enfin la portée des théories nouvelles pour le concept de science écono-
mique. Comptes r e n d u s in R. Econ. pol., 1930, p. 382, par OUALID; Amer.
Econ. R., 1931, p . 362, p a r C. 0 . HARDY.

N" 82. — R E E V E (J, E . ) . M o n e t a r y Reform Movements. A S u r v e y


of Récent P l a n s and P a n a c e a s . Introduction de W . L. THORP.
Washington, Am. Council on Public Affairs, 1943. 404 pages.
Historique (1929-1939) des tentatives de r é f o r m e monétaire et analyse
des projets en présence. Le contrôle des fluctuations économiques p a r
u n e politique de papier-monnaie comporte des risques psychologiques
très grands, l'inflation fiscale et les b u d g e t s cycliques sont' également
aléatoires, la monnaie argent n'est q u ' u n slogan politique; il f a u t reje-
ter à la fois la rigidité de l'étalon-or et l'amplitude des fluctuations des
changes libres. Le système bancaire g r â c e au développement des p r ê t s
et aux achats de fonds d'Etat p e u t p e r m e t t r e l'expansion monétaire.
G. W . COLEMAN (Amer. Econ. R., 1943, p. 918) loue l'ensemble de l'ou-
v r a g e et les critiques faites p a r l ' a u t e u r a u x différents systèmes.
N ° 83. — R I S T ( C h a r l e s ) . E s s a i s s u r quelques problèmes économi-
ques et f i n a n c i e r s . Paris, Sirey, 1933. 501 pages.
Cet o u v r a g e rassemble des articles publiés depuis 1907. L ' a u t e u r
dégage ce que présentait de pathologique telle situation économique, et
quels gTands f a c t e u r s économiques s'imposent aux individus et a u x
Etats. L'un des plus importants se t r o u v e être le niveau général des
prix. Ayant étud'é la circulation f r a n ç a i s e de 18"18 à 1910, il propose
u n e explication des m o u v e m e n t s des prix de type q u a n t i t a t i f : la q u a n -
tité de monnaie n'est pas l'unique cause, mais commande l'ensemble
du m o u v e m e n t des prix. Si des discordances se produisent, elles sont
d ' o r d r e pathologique et disparaissent finalement. En régime de papier-
monnaie, les appréciations psychologiques du m a r c h é intérieur et s u r -
tout du m a r c h é des changes jouent le rôle essentiel, il importe d'agir
s u r les causes m ê m e du mal par u n e bonne gestion des finances publi-
ques qui rétablira la confiance. Les troubles monétaires récents n e
vont pas à r e n c o n t r e de la théorie quantitative; les causes acciden-
telles s ' a n n u l e n t et, à condition d'élargir le cadre de t e m p s et d'es-
pace, on r e t r o u v e l'influence de la production de l'or s u r les prix
qui n e p e u t longtemps être mise en échec. Il f a u t revenir a u x condi-
tions n o r m a l e s : rétablir l'étalon-or.
Principales études : La mauvaise répartition de l'or dans le monde
(1931) ; Le mécanisme de l'étalon-or a-t-il été f a u s s é ? (1932); Théorie
de l ' é p a r g n e (1922) qui établit la théorie devenue classique entre l'épar-
g n e réserve et l ' é p a r g n e créatrice; La circulation monétaire f r a n ç a i s e de
1878 à 1910 et la théorie quantitative des prix (1914); conditions éco-
nomiques du paiement des réparations (1922).

N ° 84, — R O B E R T S O N (D. H . ) , P r o f . Econ. Cambridge (Angleterre).


Money, 1 " édition, 1922 et E s s a y s in M o n e t a r y T h e o r y , Londres,
King, 1940, 234 pages.
ROBERTSON est, avec HAWTREY, l'un des d e u x g r a n d s théoriciens bri-
tanniques de la monnaie dont l'œuvre a été publiée principalement
entre les d e u x g u e r r e s . Quant à l'importance accordée au f a c t e u r moné-
taire, il se situe à peu p r è s entre le « monétariste » HAWTREY et le
« réaliste » PIGOU.
Bien que partisan d ' u n e politique du t a u x de l'intérêt, d'opérations
s u r le m a r c h é libre et m ê m e d ' u n contrôle qualitatif et quantitatif du
crédit, il met en g a r d e contre les d a n g e r s et les limitations de la poli-
tique monétaire « An u n w i s e m o n e t a r y policy can w r e a k u n w a r r a n t e d
h a r d s h i p and e n g e n d e r u n n e c e s s a r y confusion and w a s t e ; not even
a w i s e one can t u r n a w o r l d which is u n j u s t and poor into a world
w h i c h is rich and j u s t ».
I n d é p e n d a m m e n t de sa terminologie personnelle — péché mignon de
maint économiste d'Outre-Manche qui rend souvent si difficile u n e
interprétation correcte — l'apport principal de Robertson porte s u r le
rôle du f a c t e u r monétaire d a n s la formation du capital (épargne forcée
p a r expansion de la monnaie scripturale) et s u r t o u t s u r l'analyse de
la circulation de l'argent de période en période. P r o c é d a n t mécanique-
ment, en utilisant des modèles simplifiés, Robertson suit les effets théo-
riques d'un changement initial dans l'une des données (par ex. d a n s
le cas d'injection de monnaie additionnelle) et s'efforce de voir ce qui
doit se passer d a n s le domaine de la production, des prix, etc. Au
point de vue méthodologique, il s'agit en somme d ' u n e expérimentation
p a r la pensée. Au fond, le faisceau lumineux est concentré s u r ce
caractère fondamental de la monnaie qui est d'être continuellement
ré-employée et de r e s t e r dans le circuit. Avec cette orientation, Robertson
a éclairé les notions de période de circulation de la monnaie, de vitesse
de revenu, de période de production, etc. Il est f â c h e u x que de nou-
veaux changements de vocabulaire n'aient pas permis de tirer des
analyses Robertsoniennes tout l'enseignement qu'elles comportent.
Dans sa critique des E s s a y s , WATKINS (Amer. Econ• R., juin 1941,
p. 355) regrette que Robertson, « écrivant à l'ombre des d e u x maîtres
de Cambridge n'ait pas eu u n e plus large audience ».
On trouvera d a n s SAULNIER (Bibl. n° 18) u n e liste des publications
de Robertson, ainsi q u ' u n e analyse de son œuvre.
HABERLER (Prospérité et Dépression) sera f o r t utile pour le lecteur
de langue française.
Sur l'épargne foreée, voir HAYEK, « Note on the Literature of forced
saving », Quart. J. Econ., 1932-33, p. 123-133.
Voir aussi le délicieux « Survey of m o n e t a r y controversy » de
ROBERTSON, (Manchester School, 1938, p. 1-19, reproduit d a n s les Essays)
et B a n k i n g p o l i c y a n d the price level, 1926; C. R. p a r PIGOU, Econ.
J„ 1926, p. 215-227, par HARROD, Economies., 1927, p. 224-232 et p a r
HAWTREY, Econ. J,, 1926, p. 417-433.

N ° 85. — R U E F F (Jacques). T h é o r i e s des phénomènes monétaires.


Statique. Paris, Payot, 1927, 368 pages.
Cherchant à dégager des régularités économiques, l ' a u t e u r n e s'inté-
resse a u x f a c t e u r s psychologiques de la monnaie que lorsqu'ils détermi-
n e n t des mouvements dans la circulation de la monnaie ou des m a r -
chandises.
La première partie : Les caractéristiques intérieures de la circulation
monétaire oppose à l'interprétation étroite (causaliste) do l'équation des
échanges u n e interprétation souple, celle-là même q u e l'on retrouve
c h e z MARGET e t HALM.
La deuxième partie envisage les phénomènes de change et leurs r a p -
ports avec l'équilibre de la balance des comptes.
En conclusion, le mécanisme des prix et la tendance à u n nivel-
lement international des prix des marchandises grâce au rééquilibre
d e la balance des comptes semblent a s s u r e r efficacement l'équilibre
économique. (C. R. R. Econ. pol., 1928, p. 157, p a r AFTALION).

N ° 86. — S A C H S E ( 0 . ) . S o c i a l i s a t i o n of B a n k i n g , Introduction p a r
Sir Stafford CRIPPS. Londres, MacMillan, 1933. 135 pages.
E t u d e de la monnaie dans u n régime socialiste. L ' a u t e u r définit tout
d ' a b o r d la monnaie comme u n état de transition entre u n e marchandise
concrète et u n e unité abstraite de compte. Il est a b s u r d e de lier ;a
monnaie au métal et de laisser les f l u c t u a t i o n s du niveau g é n é r a l des
prix f a i r e le j e u des s p é c u l a t e u r s . Il est c e p e n d a n t indispensable d a n s
u n r é g i m e socialiste de maintenir u n e monnaie c o m m e étalon des
v a l e u r s . R e p r e n a n t les a r g u m e n t s de GESELL contre la circulation
métallique, il propose pour l'avenir de r e m p l a c e r a u t a n t q u e possible
l'emploi des billets de b a n q u e p a r l'usage d u chèque, ce qui p e r m e t t r a
u n contrôle effectif de la circulation. La rationalisation des b a n q u e s
doit p e r m e t t r e u n contrôle du crédit en f a v e u r des classes les p l u s
nécessiteuses. 11 est indispensable d'éliminer l'intérêt. En conclusion, la
monnaie, sous le régime socialiste serait s i m p l e m e n t u n s y s t è m e de
pointage.
B a r b a r a WOOTTON (Econ. J., 1933, p. 682) précise q u e l ' a u t e u r n ' e s t
pas u n économiste professionnel, ce qui p e u t expliquer b e a u c o u p des
« n a ï v e t é s » de ses d é c o u v e r t e s ; « i l a d m i r e b e a u c o u p le s y s t è m e
continental des chèques postaux, mais ne dit rien s u r la socialisation des
b a n q u e s ».

N° 87. — S C H U M P E T E R (Joseph). T h e o r i e der w i r t s c h a f t l i c h e n


E n t w i c k l u n g , Leipzig, D u n k e r , 1912, (trad. f r a n ç . avec p r é f a c e de
F r a n ç o i s PERROUX).
Dans le domaine monétaire, S c h u m p e t e r , t r è s en avance s u r son
époque, a a p p o r t é d e u x contributions de g r a n d e importance, d a n s la
direction d e s analyses fonctionnelles.
Il a mis en relief le rôle d u pouvoir d ' a c h a t créé p a r les b a n q u e s
p o u r s t i m u l e r l'emploi des f o r c e s productives disponibles et m ê m e p o u r
développer la production avec les f o r c e s d é j à utilisées g r â c e à des
combinaisons nouvelles. Si cette théorie est exacte, l'expansion m o n é -
taire ne serait pas g é n é r a t r i c e de h a u s s e des prix, m ê m e l o r s q u e le
plein emploi est atteint.
P a r ailleurs, S c h u m p e t e r a substitué au concept de « vitesse de cir-
culation » celui d'efficience, qui devait devenir la « vitesse de revenu »
et a i n a u g u r é la confrontation entre les r e v e n u s monétaires des consom-
m a t e u r s et le p r o d u i t social, qui est l'essentiel des conceptions m o d e r -
nes.
V o i r o u t r e ELLIS e t BONGRAS, l a p r é f a c e d e PERROUX e t LEONTIEFF,
Econometrica, avril 1950.

K* 88. — S I M I A N D ( F r a n ç o i s ) . L a m o n n a i e , r é a l i t é s o c i a l e . Ann.
sociol, série D : Sociologie économique, fase. I, p. 1-58. Paris, Alcan,
1934. (Analysé d a n s Doc. écon., 1935, n° 1063).
M o n t r a n t la diversité des définitions q u e les théoriciens ont présen-
tées d u concept de monnaie, l ' a u t e u r r e c h e r c h e quel est le f o n d e m e n t
de la v a l e u r de la monnaie. T i r a n t a u t r e f o i s sa puissance de croyances
religieuses, la monnaie a u j o u r d ' h u i est f o n d é e s u r des croyances sociales.
« T o u t e monnaie est fiduciaire, l'or n'est q u e la p r e m i è r e des monnaies
fiduciaires. » Cette appréciation des v a l e u r s est basée non seulement
s u r les éléments actuels, mais s u r des prévisions, et il f a u t m e t t r e au
premier pian, non plus la fonction de m e s u r e des valeurs, mais celle
d'anticipation s u r des valeurs f u t u r e s . S. critique donc sévèrement
toutes les théories quantitatives de la monnaie. Il repo.uSse également
les politiques qui veulent maintenir un pouvoir d'achat constant à
l'unité monétaire. La fonction monétaire, bien loin de pouvoir être
résorbée ou éliminée en une économie supérieure est la condition même
du progrès économique. Le développement économique s'opérant par la
succession de phases d'expansion et de contraction monétaires, il f a u t ,
selon S., faciliter ce r y t h m e par un certain aménagement de la fonc-
tion monétaire.

N° 89. — S I M M E L G. P h i l o s o p h i e des Geldes. Leipzig, 1900. 554 p.


Cet ouvrage, plutôt philosophique qu'économique, a eu u n e forte
influence s u r les théoriciens allemands de la monnaie du début d u
XXe siècle par ses attaques contre la théorie p u r e m e n t métalliste de
Knies qui était, alors c o u r a m m e n t adoptée.
Un contemporain, Edgar ALLIX (R. Econ. pol., 1901, p. 801) loue la
richesse d'imagination les a p e r ç u s originaux, les r a p p r o c h e m e n t s inat-
tendus et les digressions ingénieuses qui f o n t l'attrait principal de ce
livre, mais souligne que ses analyses n e peuvent être comparées à
celles de l'école autrichienne.
La première partie de l'ouvrage analyse la valeur de la monnaie:
pour exprimer et m e s u r e r la valeur, il n'est pas nécessaire, contraire-
ment aux opinions courantes, que l'argent soit lui-même u n e v a l e u r ;
la tendance de l'évolution sociale est d e r é d u i r e de plus en plus la
part, de la matière dans la monnaie pour en f a i r e u n e représentation
p u r e m e n t fiduciaire de la valeur des choses. La seconde partie : Influen-
ce de l'argent, sur les conditions de la vie humaine démontre que l ' a r -
gent est un des f a c t e u r s de la liberté humaine.
SIMMEL a contribué, au même titre que KNAPP et MENGER dont les
ouvrages p a r u r e n t peu d'années a p r è s le sien, à modifier les concep-
tions des théoriciens s u r la n a t u r e de la monnaie.

N ° 90. — S O C I E T E D E S N A T I O N S . — T h e Course a n d Control of


I n f l a t i o n ; a review of monetary experience in Europe after World
War I. League of Nations Publications, 1946. 13-2 pages.
Devant les menaces d'inflation qui apparaissent à la fin de la seconde
g u e r r e mondiale, cette b r o c h u r e cherche quelles leçons on peut, tirer
des troubles monétaires qui ont suivi la première g u e r r e mondiale.
Complétant u n e publication p a r u e en 1944, L'expérience monétaire
internationale, les a u t e u r s de l'étude ne se demandent, plus comment
doit fonctionner l'étalon-or mais quelles politiques peuvent limiter l'in-
flation et permettre u n e stabilisation des monnaies.
La première partie d u e à M. R a g n a r NURKSE est u n e analyse des
problèmes de l'inflation et des politiques suivies : I) financement de la
reconstruction; II) conditions politiques et psychologiques; III) problè-
m e s fiscaux de l'inflation; IV) e m p r u n t s et investissements privés;
V) problème de la dette f l o t t a n t e ; VI) la dépréciation des changes et
la balance des paiements; VII) les politiques possibles. La seconde
partie est plus descriptive : tableau de la stabilisation des différentes
monnaies européennes.
Cette publication est intéressante c a r elle rassemble en peu de pages
u n e très importante documentation s u r les problèmes monétaires euro-
péens d ' e n t r e les d e u x g u e r r e s .

N» 91. — S O C I E T E D E S N A T I O N S . L ' e x p é r i e n c e monétaire inter-


n a t i o n a l e . Genève, Service des publications de la S. D. N., 1944.
287 pages.
Cet ouvrage, écrit peu avant la conférence monétaire de Bretton-
Woods, tire les enseignements de ia période d ' e n t r e les d e u x g u e r r e s .
Il examine le fonctionnement des différents mécanismes et montre que,
si l'étalon-or assurait bien la stabilité des changes, il liait t r o p étroite-
ment les économies nationales en ce qui concerne les fluctuations d u
r e v e n u et de l'emploi. C'est pour s a u v e g a r d e r la stabilité intérieure de
l e u r économie q u e les nations ont peu à peu p a r a l y s é les m o u v e m e n t s
de m a r c h a n d i s e s et de capitaux. A l'avenir, la stabilité intérieure doit
être la condition préalable de la stabilité des changes. Il f a u t coordon-
n e r étroitement les politiques des g r a n d e s puissances, s u r t o u t au s u j e t
des investissements internationaux.
I) Moyens internationaux de règlements, c h a n g e m e n t s d a n s le total
de la d e m a n d e et de l'offre; II) l'étalon de change o r ; III)" la zone d u
s t e r l i n g ; IV) les banques centrales et les réserves de monnaie inter-
nationale; V) les fluctuations des c h a n g e s ; VI) les fonds de stabilisa-
tion des c h a n g e s ; VII) le contrôle des c h a n g e s ; VIII) les caractères
essentiels de l'économie; IX) récapitulation et conclusions.
L ' o u v r a g e est complété par des annexes statistiques et u n index. La
plus g r a n d e partie du volume a p o u r a u t e u r M. R a g n a r NURKSE; le
chapitre VI a été rédigé p a r le p r o f e s s e u r W . A. BROWN J r . Il constitue
u n e des analyses les p l u s lucides des troubles monétaires contempo-
rains de la g r a n d e dépression.

N ° 92. — R. G. T H O M A S . O u r M o d e m B a n k i n g a n d M o n e t a r y S y s -
tem. New-York, Prentice Hall, 1942. 812 pages.
P r e m i è r e p a r t i e : n a t u r e et opérations de « n o t r e » système monétaire
e t bancaire. Seconde p a r t i e : exposé des théories de KEYNES, HAWTREY,
ROBERTSON, WICKSELL, OHLIN, étude de l'équation des échanges d ' a p r è s
les f o r m u l e s de Keynes et de Robertson; ces théories sont présentées
plus en ce qu'elles ont de complémentaire qu'en insistant s u r ce qui
les oppose. Une partie importante est ensuite consacrée a u x mouve-
ments internationaux des prix en régime d'étalon-or ou de papier-
monnaie. Enfin, l ' a u t e u r étudie le problème des politiques monétaires et
l e rôle des b a n q u e s centrales pour a s s u r e r la stabilité économique.
D'après J. J. O'LEARY (Amer. Econ. R., 1942, p. 889) « la clarté du
style, la p r o f o n d e u r des discussions en font u n o u v r a g e plein d'inté-
r ê t ».
N" 93. — G. D E L V E C C H I O . R i c e r c h e sopra l a teoria g e n e r a l e
d e l l a Moneta. Annali di Economia. Vol. Vili, n° 2; Univ. Bocconi.-
Milan, 1932. 528 pages.
Ouvrage composé en partie d'articles p a r u s entre 1909 et 1917. La
première partie (Nature de la monnaie) m o n t r e q u e la théorie q u a n t i t a -
tive, h y p o t h è s e abstraite valable seulement pour u n m a r c h é f e r m é
d a n s u n e position d'équilibre, a p e r d u sa prééminence sous les. a t t a q u e s
d e MENGER e t W A L R A S . Ce q u i importe maintenant, ce n'est pas une
théorie de la monnaie comme telle, mais u n e théorie d e la circulation
monétaire qui est mieux comprise lorsqu'on la r a t t a c h e au taux d'inté-
rêt. La deuxième partie (Théorie du crédit) r e p r e n d l'opinion de FER-
RARA qui a démontré q u e le crédit doit ê t r e substitué au capital. La
troisième partie étudie la prééminence de l'or. D ' a p r è s R. F. FOERSTER,
Amer. Econ• R., 1933. p. 524) l ' a u t e u r a su « éviter les f o r m e s m a t h é -
maliques d'exposition pour ne recourir p r e s q u e p a r t o u t q u ' a u l a n g a g e
habituel et à la logique ».
V o i r l e s c . r . d e R . F"UBINI, i n Giorn. d. Econ., 1931, p. 156 et 1933,;
p. 216.

N ° 94. — W A G E M A N N ( E . ) . A l l g e m e i n e G e l d l e h r e , Berlin, 1923.


Comme SCHUMPETER et HAHN, cet a u t e u r se d é g a g e des controverses
s u r la n a t u r e et la v a l e u r de la monfiaie p o u r se concentrer s u r l ' a n a -
lyse de l'action de la monnaie à t r a v e r s toute la vie économique. WAGE-
MANN s'efforce de f o r m u l e r les équations f o n d a m e n t a l e s de l'équilibre
économique. La v a l e u r totale de la production (telle qu'elle résulte d e s
appréciations subjectives) est égale au coût de production total p l u s
les profits des e n t r e p r e n e u r s . Une fois q u e le produit, a été vendu, les
e n t r e p r e n e u r s et les a u t r e s a g e n t s de la production disposent d'un
revenu monétaire global égal à la v a l e u r du produit. Ce revenu est
utilisé en partie à des dépenses de consommation et en partie à l ' é p a r -
gne. En faisant u n certain n o m b r e d'hypothèses, on p o u r r a i t t r o u v e r
diverses égalités. Mais, WAGEMANN observe q u e les phénomènes se d é r o u -
lent dans le temps et q u e les périodes chevauchent, tes u n e s s u r les
a u t r e s ; les diverses g r a n d e u r s ne varient p a s simultanément, ni de lai
m ê m e manière. Il y a donc des déséquilibres s u c c e s s i f s qui f o r m e n t la
conjoncture. >
Les causes de r u p t u r e d'équilibre d ' u n e période à l ' a u t r e sont multi-'
pies. Tantôt, ce sont les r e v e n u s qui sont t h é s a u r i s é s ou de q u e l q u e
manière mis h o r s circuit. Tantôt, c'est l'apparition de r e v e n u s nouveaux,'
qu'ils soient ou non d'origine monétaire. Tantôt, c'est ta quantité p r o -
duite qui a u g m e n t e . Tantôt encore ce sont les variations de stock qui
entraînent u n e perturbation.
Une étude a p p r o f o n d i e d e l'œuvre de WAGEMANN m o n t r e r a i t q u e les'
théoriciens allemands ont abordé de bonne h e u r e les problèmes f o n c -
tionnels. Une confrontation de leurs t h è m e s et de l e u r s thèses avec/
ceux de KEYNES serait e x t r ê m e m e n t profitable. Le b u t d ' u n e telle
confrontation ne devrait pas être la r e c h e r c h e p u r e m e n t académique d e
« Who said that first ? ». On devrait s'efforcer plutôt de décanter et
de clarifier les études keynésiennes, afin de déterminer le résidu qui
mérite d'être définitivement incorporé à la science.

N° 95. — A. W A G N E R . S o z i a l ö k o n o m i s c h e T h e o r i e des Geldes u n d


Geldwesens. Leipzig, 1909.
• Cherche à a p p l i q u e r à la monnaie les théories classiques de la for-
mation des prix, sans méconnaître cependant les conditions spéciales
d e leur fonctionnement. Tout en se ralliant à u n e théorie quantitative
rigoureuse, il est amené à faire u n e distinction entre la monnaie qui
sert a u x c o n s o m m a t e u r s et celle qui est employée à la production et
aux entreprises nouvelles. Cette distinction a été reprise p a r la suite
par les a u t e u r s de l'école subjective. Il met également l'accent s u r la
fonction d ' i n s t r u m e n t d'échange de la monnaie, ce qui l'amène, bien
avant la première g r a n d e guerre, a insister s u r l'importance du f a c t e u r
psychologique d e ;la confiance en la monnaie. Bien qu'il ait ouvert la
voie s u r ces divers points, ses conclusions d e m e u r e n t très proches de
celles des a u t e u r s anciens.

N 0 96. — W A L R A S ( L é o n ) . Prof. Univ. L a u s a n n e (Suisse). T h é o r i e


de l a Monnaie. Paris, Larose, 1886. 124 pages.
W a l r a s a déduit de ses principes d'économie p u r e u n e théorie de la
monnaie. Bien que la question monétaire ne tienne pas dans son œuvre
la première place, elle présente cependant de l'intérêt et MARGET a
consacré plusieurs articles (Journal, of Political Economy, 1933 et 1934)
à m o n t r e r le rôle de p r é c u r s e u r de W a l r a s en matière monétaire.
W a l r a s a établi avant Fisher la f o r m u l e de l'équation des é c h a n g e s ;
11 a étudié la notion d'encaisse désirée si importante d a n s la théorie
m o d e r n e ; il a, proposé, pour a s s u r e r la stabilité des prix, u n étalon
multiple, p r o j e t repris f r é q u e m m e n t d a n s les périodes de dépression.
La p r e m i è r e partie, Exposition des principes, r é s u m a n t sa théorie de
la r a r e t é et des prix, insiste s u r le rôle de la monnaie comme moyen
indispensable d ' a r b i t r a g e d a n s les échanges de marchandises, et établit
la loi quantitative. La deuxième partie, Critique des systèmes, condamne
le monométallisme et le bimétallisme qui laissent varier les prix selon
le r y t h m e de la production des m é t a u x . Il propose un s y s t è m e de
monnaie d'or avec u n billon argent r é g u l a t e u r dont l'Etat p o u r r a i t
a u g m e n t e r la.quantité lorsque les prix tendraient à fléchir. La troisième
partie, Desidérata statistiques, envisage la création d'un étalon multiple
pour soustraire 'les prix des marchandises a u x variations provenant de
la quantité de . monnaie mais en laissant subsister les fluctuations cycli-
ques car celles-ci apparaissent à cette époque des indications essen-
tielles pour l a production et les échanges. Cet étalon multiple que
proposaient déjà JEVONS et Ch. GIDE comme, un moyen d ' a d a p t e r auto-
m a t i q u e m e n t Jes prix des contrats, représente pour W a l r a s qui combine
son utilisation; avec celle du billon d ' a r g e n t r é g u l a t e u r , le moyen d ' u n e
politique active de stabilisation.
N° 97. — W I C K S E L L ( K n u t ) , Prof. G e l d z i n s u n d Güterpreise, Iéna,
1898. (Trad. angl. sous le titre Interest and Prlces: a study of the
causes regulating the value of money, par R. F. KAHN, Published in
behalf of the Royal Economic Society, London, Mac Millan, 1936, 216
pages.) — V o r l e s u n g e n über Nationalökonomie, Iéna, 1913-1922.
(Trad. angl. Lectures on PolUical Economy, edited by Lionel ROBBINS
New-York, Mac Millan, 238 pages.)
Les idées de WICKSELL, qui bénéficient d ' u n e g r a n d e vogue depuis
la dépression de 1929-35 et qui ont fourni une inspiration au courant
keynésien, représentent une véritable bifurcation de la théorie moné-
taire, voire de la théorie économique générale.
Répudiant en fait la thèse quantitative, il cherche à la longue baisse
des prix de 1873-1895 u n e cause a u t r e que l'insuffisance de moyens
de paiement. Il pense la trouver, d ' u n e manière générale, d a n s le t a u x
de l'intérêt qui serait un déterminant, à la fois du mouvement des prix
et des variations du stock monétaire (et non pas u n e conséquence do
l'abondance ou de l'insuffisance d ' a r g e n t ) .
Normalement, un t a u x d'intérêt bas (qui pourrait être systématique-
ment appliqué par les banques puisqu'elles peuvent créer de la mon-
naie à volonté) devrait stimuler la demande de capital liquide, de là
développer l'activité économique et favoriser la h a u s s e des prix.
Embarrassé par la concomitance de la baisse des prix et de l'intérêt
bas, il développe la distinction ingénieuse d u t a u x de m a r c h é et du
taux n a t u r e l ; cela lui p e r m e t de dire q u ' u n t a u x de m a r c h é bas est
relativement haut p a r r a p p o r t au taux n a t u r e l (correspondant à la
productivité).
WICKSELL est aussi un des premiers à avoir contesté la loi des débou-
chés et à avoir attiré l'attention s u r les déséquilibres possibles entre
l'épargne et l'investissement.
Son apport principal est probablement l'affirmation que la quantité
physique de monnaie n'est pas u n f a c t e u r décisif en soi, que, au
contraire, l'offre de monnaie est très élastique et que la mise en circu-
lation est déclenchée p a r la d e m a n d e des e n t r e p r e n e u r s ou investis-
seurs.
Partisan d'une politique monétaire active, WICKSELL souhaite la sta-
bilité des prix obtenue en libérant la monnaie des m é t a u x précieux et
en pratiquant une « direction » du t a u x de l'escompte.
Les conceptions de WICKSELL ont suscité u n e abondante littérature
et profondément influencé les théoriciens modernes. On p o u r r a se
reporter aux textes suivants :
Emil SOMMARIN (successeur de Wicksèll) « Das Lebenswerk von Knut
W i c k s e i l » , Zeitschrift för National-Okonomie, vol. II, 2, 1930;
Ch. RIST (Bibliographie n" 17) présente une critique claire et vigou-
reuse d'un point de v u e orthodoxe;
HANSEN (Bibl. n° 58) développe u n e critique « post-keynésienne » ;
MYRDAL (Bibl. n° 74) a p p o r t e u n e critique « immanente » et s'efforce
de perfectionner les idées du m a î t r e ;
FEHERICI ( B i b l . n ° 2 2 ) ; KEYNES ( B i b l . n ° 64); HAYEK ( B i b l . n ' 60).
, Voir aussi HABERLER, « Prospérité et Dépression » ; André MARCHAL,
,« La pensée économique s u é d o i s e » , R. Econ. pol., janvier 1947; OHLIN,
« Note on the Stockholm T h e o r y », in Readings on Business cycles, et
article nécrologique s u r Wicksell, d a n s Economic Journal.
Les d e u x o u v r a g e s de Wicksell ont fait l'objet de comptes r e n d u s
critiques p a r H. S. HOVEY, in Amer. econ. R., sept. 1936, p. 493 et p a r
B . THOMAS, i n Econ. J„ 1936, p. 289.

N" 98. — W I E S E R ( F . ) , T h e o r i e des Geldes. Art. GELD, in Hand-


wörterbuch der Staatswissenschaften, 4e éd., 1927, p. 681-717.
Remplaçant le texte de MENGER qui figurait d a n s l'édition précédente,
cette longue étude de W i e s e r ne donne certes pas u n e expression com-
plète de la pensée du célèbre économiste, mais r e p r é s e n t e bien les
préoccupations de l'Ecole autrichienne, au lendemain de la première
g u e r r e mondiale. Le problème central reste celui de la valeur de la
monnaie et de son intégration à la théorie générale de la valeur. Nomi-
naliste, W i e s e r f o n d e la v a l e u r de la monnaie s u r u n consentement
social ou u n e c o u t u m e plutôt que s u r l'autorité de l'Etat et rattache
la valeur de la monnaie à l'utilité subjective des biens qu'elle procure,
compte tenu de la dimension du revenu. Le passage à u n e v a l e u r
sociale objective et à la détermination du niveau général des prix
s'avère particulièrement difficile.
Si les analyses relatives à la n a t u r e de la monnaie et à sa v a l e u r
ont veilli, p a r suite du déplacement du centre d'intérêt, en revanche,
l'exposé des effets de l'expansion et d e la contraction d e la masse moné-
taire mérite a u j o u r d ' h u i encore de retenir l'attention.

N" 99. — W I T H E R S ( H a r t l e y ) . T h e m e a n i n g of money, 1909, trad.


f r a n ç . Qu'est-ce que la monnaie ? (Le marché monétaire anglais).
Introduction de Ch. RIST. Paris, Giard, 1920, 288 pages.
F r a p p é p a r les difficultés monétaires qu'ont connues les Etats-Unis lors
de la crise de 1907, l'auteur, en décrivant de manière schématique le
m a r c h é monétaire anglais de l'époque, cherche comment améliorer son
fonctionnement et accroître la base métallique s u r laquelle repose son
s y s t è m e de crédit. Il f o n d e la v a l e u r des inscriptions en compte-courant
utilisables p a r chèque s u r le fait qu'elles sont remboursables en or
au même titre q u e les billets de banque. Ceci le conduit à affirmer :
« la quantité d'or détenue par l'ensemble des banquiers s e r a u n e des
influences essentielles qui détermineront le nombre des chèques que
p o u r r a tirer la collectivité commerciale et financière ». Il préconise on
outre un lien plus étroit entre le t a u x d'escompte de la b a n q u e d'An-
g l e t e r r e et le t a u x d u marché, et u n certain contrôle de l'opinion s u r
les g r a n d e s b a n q u e s g r â c e à la publication hebdomadaire des bilans.
F. Y. EDGEWORTH (Econ. J., 1909, p. 251) a loué le savoir de l ' a u t e u r
et la j u s t e s s e de ses conclusions. Ch. RIST l'a a p p r o u v é quelques années
plus tard de f o n d e r la valeur de la monnaie scripturale s u r les r é s e r -
ves d'or des banques de dépôts. Ce livre est en 1950 u n bon témoi-
g n a g e s u r les théories et les mécanismes monétaires d'une époque où
Londres était le clearing-house du monde.
N" 100. — Z O L O T A S (Xénophon). — L'étalon-or en théorie et en
pratique. Paris, Sirey, 1933, 266 pages.
Ce livre, écrit peu après l'abandon de l'étalon-or par les monnaies du
bloc sterling témoigne de l'étonnement avec lequel les économistes
assistent à la faillite d'un système que l'on croyait .vers 1928 universel-
lement rétabli. On pense encore découvrir dans u n e étude minutieuse
des mécanismes d e . l'étalon-or l'explication des troubles de l'après-
guerre. L ' a u t e u r reconnaît que, après la crise de 1929, l'étalon-or, même
sous sa f o r m e intégrale du XIX e siècle, n e saurait a s s u r e r une suffisante
stabilité des prix intérieurs en même t e m p s que la stabilité des changes.
Il propose un étalon-or dirigé, accompagné de la liberté des mouve-
ments de l'or, de celle des mouvements de marchandises et des mou-
vements de capitaux.
Première partie, L'étalon-or en théorie: I) l'étalon-or et la valeur
intérieure de la monnaie; II) l'étalon-or et la valeur extérieure de la
monnaie; III) liaison entre la v a l e u r monétaire et la valeur-or, c'est-à-
dire l'offre et la demande d'or. La deuxième partie, L'étalon-or en
pratique, étudie les causes de la faillite du système : I) la prédominance
de l'étalon de change-or; II) la concentration de l'or aux Etats-Unis
d'Amérique; III) la disparité des p r i x ; IV) les m o u v e m e n t s irrationnels
de c a p i t a u x ; V) le m a n q u e de coopération et la mauvaise politique de
l'or suivie par les banques centrales; VI) la politique douanière res-
trictive.
Par suite d'un changement de pagination, les références
sont décalées à partir de la page 153; pour lire correcte
ment il faut ajouter 2 au nombre indiqué.
Ex.: ADARKAR, au lieu de 164, lire 166.
INDEX DES NOMS CITÉS

ADARKAR, 1 6 4 . CASSEL. 1 5 6 , 164 , 1 7 0 .


AFTALION, 3 6 , 3 7 , 7 8 , 1 3 2 , 1 5 4 , 1 5 8 , CLIAMLEY, 1 8 0 .
164, 165, 171, 189, 191. CHANDLER, 1 6 3 , 1 8 2 .
ALLIX, 1 9 3 . CLARK Colin, 154.
ANDERSON, 3 1 , 1 6 5 . CLARK J . M . , 1 5 1 .
ANGELL, 6 7 , 1 5 7 . 1 6 5 , 1 7 4 , 1 7 8 . COLE, 1 5 4 , 1 7 0 .
ANSIAUX, 6 3 . COLEMAN, 1 8 9 .
ARISTOTE, 4 8 . COURTIN, 1 7 2 .
ARNAUNÉ, 1 6 6 , 1 6 9 . CRIPPS, 191.
ARNDT, 1 5 6 . CURRIE L., 67.
AUPETIT, 1 6 7 .
DALADIER, 1 7 4 .
DALTON, 1 6 9 .
BARGER, 1 5 6 , 1 5 7 , 1 6 4 .
DAMALAS, 1 7 1 .
BAUDIN, 2 6 , 5 2 . 5 7 , 6 5 . 6 6 , 9 7 , 1 5 6 , DEMARIA, 1 7 1 .
174, 177, 187.
DENIS, 1 5 6 , 1 5 7 , 1 5 9 , 1 6 5 , 186.
BEHRENS, 1 6 7 .
DIVISIA. 8 4 , 1 5 8 .
BENDIXEN, 1 6 7 , 1 7 2 . 1 8 1 .
DURDIN, 1 5 4 , 1 7 2 , 1 7 8 .
BERNSTEIN, 1 5 6 .
BLACKETT, 1 6 7 . EDDIE, 1 5 3 .
BLONDOT, 1 7 9 . EDGEWORTH, 1 5 5 , 1 9 8 .
BONGRAS. 1 5 2 , 1 8 1 , 1 9 2 . EINAUDI, 1 5 7 .
BONN, 1 7 6 . EISLER ][54
BOPP, 1 5 5 . E L L I S , 3 6 , 4 8 , 1 5 5 , 1 5 9 , 1G1, 170
BORTKIEWICZ, 1 5 2 . 170, 181, 192.
BOUSQUET, 1 6 6 . ELLSWORTH, 158.
BRADFORD, 1 5 4 , 1 6 9 , 1 7 5 . E L S T E R , 1 7 2 , 181
BRAND, 1 5 3 . FAIN, 1 7 2 .
BREGLIA, 1 7 1 . FEDER 1 5 2
BRESCIANI-TURRONI, 3 2 , 1 5 4 , 1 6 8 . FEDERICI, 2 8 , 3 1 , 4 8 , 5 8 , 8 2 , 130
BROWN. 168. 160, 179, 180, 181, 197.
BYÉ, 1 7 1 . FELLNER, 1 7 3 .
CARIATI, 1 6 1 . FERRARA. 1 9 5 .
CANNAN, 64, 1 6 9 . FISHER, 34, 73, 74. 104. 132, 133
CANTILLON, 1 5 8 , 1 6 3 . 1 7 0 . 152. 156, 157, 162, 164, 165, 171
CARLI, 1 6 9 . 173.

Nota. — Les chiffres renvoient aux pages.


FOERSTER, 195. KEMMERER, 1 5 4 , 1 6 5 , 1 7 9 .
FUBINI, 1 9 5 . KEYNES, 3 8 , 4 1 , 8 0 , 1 2 4 , 1 3 3 , 1 3 4 ,
152, 156, 157, 159, 160, 164, 173,
GAITSKELL, 1 5 4 , 1 7 4 . 174, 177, 179, 180, 189, 194, 195.
GAMBINO, 1 8 9 . KI SCH, 1 5 3 , 1 7 8 .
GAYER, 1 5 7 . KITCHIN, 1 5 3 .
GESELL, 5 8 , 1 5 2 , 1 5 4 , 1 7 4 . KNAPP, 2 9 , 3 1 , 3 3 , 3 7 , 5 2 , 6 1 , 1 5 2 ,
GIDE, 1 6 6 , 1 8 6 . 153, 155, 158, 167, 172, 180, 186,
G LBERT, 1 7 3 . ' 193.
GOETZ-GIREY, 172, 1 7 8 .
GOLDENWEISER, 1 7 4 . LAMBERT, 1 5 9 .
GONNARD, 4 8 . 1 5 6 . LANDAUER, 1 7 8 .
GRAHAM ß . , 5 9 , 1 7 5 . LANGE, 1 6 1 .
GRAHAM F . D . , 6 1 , 1 7 5 . LANSDURGH, 6 4 , 1 8 1 .
GREGORY, 1 5 4 , 1 7 5 . LAUFENBURGER, 1 5 2 .
GDIGNABAUDET, 1 7 6 . LAUGHLIN, 6 4 , 7 1 , 1 5 6 , 181.
GUILLEBAUD, 1 6 4 , 1 7 1 . LAW, 152. 158, 162.
GUITTON, 1 7 1 . LENINE, 2 8 .
GUTMAN,. 1 5 2 . LEONTIEFF, 1 9 2 .
LERNER, 161.
HABER, 1 5 2 . LESCURE, 189.
HABERLER, 8 6 , 1 5 3 , 1 6 1 , 1 7 8 , 1 9 1 , LEXIS, 152.
197. LHOMME, 1 6 5 .
HAHN, 6 4 , 1 5 5 , 1 7 6 . 1 9 5 . LIEFMANN, 1 5 3 .
HALM, 4 8 , 9 0 , 1 6 2 , 1 9 1 . LINDAHL, 1 5 7 .
HANSEN, 1 3 0 , 1 5 7 , 1 6 0 , 1 7 6 , 1 9 7 . LOVEDAY, 1 5 7 .
HARDY, 1 6 4 , 1 8 9 . LUTZ, 1 6 1 .
HARGREAVES, 1 5 4 .
HARRIS, 145, 180. MACCORDWRIGHT, 1 8 2 .
HARROD, 1 5 4 , 1 6 8 , 1 7 7 , 1 7 8 , 1 9 1 . MACGREGOR, 1 7 5 , 1 7 8 .
HARSTN, 1 5 2 . 1 5 9 . MACHLUP, 8 6 , 1 5 5 , 1 6 1 .
HAWTREY. 35, 80, 156, 157, 158, MAJORANA, 4 8 .
159. 161. 169, 172. 177, 178, 180. MALTHUS, 1 6 3 .
181, 189, 190, 191, 194. MARCHAL A „ 1 8 4 , 1 9 7 .
HAYEK, 1 5 5 , 1 5 6 , 1 5 9 , 1 6 1 , 1 6 4 . 1 7 8 , MARCHAL J . , 1 0 1 .
191. MARGET, 7 4 , 7 6 , 1 3 0 , 1 5 9 , 1 6 2 , 1 7 7
HELFFERICH, 152. 178, 191, 196.
HIGGS, 1 6 6 . MARJOLIN, 1 8 2 .
HOVEY, 1 9 8 . MARSHALL, 1 3 1 , 1 7 1 , 1 8 2 .
HUME DAVID. 1 3 0 . MARTIN, 1 7 2 , 1 8 3 .
INGRAHAM, 1 5 4 . MAYER, 1 5 4 .
t MCREED, 1 7 4 .
JANNACONE, 1 6 T I MEADE, 1 5 3 , 1 7 8 .
JEVONS, 1 7 1 , 1 9 6 . MENGER, 7 1 , 1 5 3 , 1 8 4 , 1 9 3 , 1 9 5 .
MILDSCHUH, 1 5 1 .
KAHN, 1 9 7 . MIREAUX, 6 4 .
KALDOR, 1 6 0 . MISES, 6 3 ,153, 154, 155. 181, 181.
KATONA, 1 7 8 . MLTCNINSON, 1 5 4 .
KAULLA, 1 7 9 . MLYNARSKI, 1 5 7 .
MORTARA, 1 6 8 . SACHSE, 1 9 1 .
MOSSE, 4 0 , 5 2 , 60, 84, 175, 180. 3AMUELS0N, 1 6 1 .
187, 188. SAULNIER, 19, 4 5 , 9 2 , 1 5 9 , 1 7 7 , 1 7 8
MYRDAL, 7 9 , 8 0 , 1 8 4 , 197. 191.
SAY, 3 7 .
NADLER, 1 6 9 . SCHUMPETER. 5 2 , 64, 153, 1 5 5 , 1 7 2 ,
NIEMEYER, 1 5 3 . 180, 192, 185.
NOGARO, 1 5 5 , 1 5 6 , 157, 158, 170, SHACKLE, 1 5 9 .
186, 189. SHIRRAS, 1 7 4 .
NURKSE, 1 9 3 . SIMIAND, 4 5 8 , 1 9 2 .
SIMMEL, 1 9 3 .
O H U N , 157, 161, 194, 198. SMITH J . C., 1 7 5 .
O'LEARY, 1 9 4 . SOCIÉTÉ DES NATIONS, 1 9 3 , 1 9 4 .
OUALID, 187, 1 8 9 . SOMMARIN, 1 9 7 .
SPIETHOFF, 3 6 .
PALYI, 152, 1 5 3 . SRAFFA, 1 5 4 .
PARETO, 2 5 , 1 6 7 . SULTAN, 1 8 8 .
PARKER W i l l i s , 1 5 3 . STAMP, 1 5 3 .
PEDERSEN, 1 5 7 . STRAKOSH, 1 5 7 .
PERRENOUD, 9 7 , 1 8 7 .
PERROUX, 5 3 , 1 9 2 . THOMAS B „ 1 9 8 .
PETRITZI, 3 5 , 1 8 7 . THOMAS, 1 9 4 .
PIATIER, 1 7 1 , 1 7 7 . THORNTON, 6 2 .
PIETTRE, 1 8 8 . THORP, 1 8 9 .
PIGOU, 4 6 , 69, 8 6 , 131, 156, 178. TRUCHY, 2 6 . 1 5 6 .
188, 190, 191. TRUPTIL, 187.
PLROU, 1 5 7 , 1 5 9 , 1 6 1 . TURGOT, 5 0 .
PONCHEVILLE, 19.
POOLE, 1 7 7 . VALLANCE, 1 5 4 .
POSE, 160, 189. VECCHIO d e l , 1 9 5 .
PREBISCH Ra<il, 1 3 9 . VIGREUX, 5 0 .
VILLARD, 3 8 , 1 6 3 , 166.
RADICE, 1 5 4 . VINER, 1 5 3 .
REBOUD, 1 6 5 .
REEVE, 1 8 9 . WAGEMANN, 1 5 3 , 1 9 5 .
REISCH, 1 5 4 . WAGNER, 152, 1 9 6 .
REYNAUD, 1 7 8 . WALRAS, 1 5 6 , 1 6 7 , 1 9 5 , 1 9 6 .
RICARDO, 2 4 , 6 2 , 1 6 3 , 1 8 3 . WATKINS, 158, 191.
RICHARDSON, 1 5 4 . W IC KS E L L , 2 9 , 9 9 , 1 5 8 , 1 6 4 , 170,
RIST, 2 5 , 2 9 , 9 7 , 1 5 3 , 1 5 7 , 1 5 8 , 1 5 9 , 1 8 4 , 194, 1 9 7 .
160. 164, 165, 174, 180, 181, 183, WIESER, 37, 48, 52, 62, 151, 153,
189, 190, 197, 198. 164, 184, 198.
WILLIAMS, 1 5 3 , 1 5 7 , 1 6 1 , 1 7 9 .
ROBERTSON, 3 8 , 4 6 , 6 4 , 8 0 , 1 5 3 , 1 5 6 , WITHERS, 63, 198.
159, 161, 166, 168, 172, 177, 180, WOOTTON B . , 1 7 0 , 1 9 2 .
189, 190, 194. WYNNE, 186.
ROBINSON J o a n , 1 5 5 , 1 6 8 . YOUNG, 1 7 7 .
ROSENSTELN-RODAN, 1 2 5 .
ROYAL /NSTITUTE, 1 5 3 . ZOLOTAS, 3 5 , 1 9 9 .
RUEFF, 75, 158, 191. ZWIEDINECK-SUDENHORST, 153.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION GENERALE AUX BILANS, par Howard
S. ELUS 5

LA MONNAIE
(BILAN D'UN DEMI-SIÈCLE)
Avant-propos 15
P E R S P E C T I V E G E N E R A L E , par Robert MossÊ 17
INTRODUCTION 19
CHAPITRE PREMIER
INVENTAIRE CHRONOLOGIQUE DES PREOCCUPATIONS MO-
NETAIRES 23
L'apogée des certitudes et premières inquiétudes. — Les
miracles et les mirages du papier-monnaie. — La monnaie
f a u t e u r de crise et f a c t e u r de reprise. — La planification
autoritaire et le dirigisme monétaire.
CHAPITRE DEUXIÈME
LA NOTION DE MONNAIE 46
La n a t u r e de la monnaie. —- Sa valeur. — Ses fonctions.
— Ses formes. — La m e s u r e statistique.
CHAPITRE TROISIÈME
L'ACTION DE LA MONNAIE 69
L'action p a r la valeur. — L'action par la quantité. —
L'action p a r les revenus. — L'action p a r la dépense. —
L'action p a r la circulation. — Remarques s u r le point
d'aboutissement des mécanismes et s u r les hypothèses insti-
tutionnelles.
CHAPITRE QUATRIÈME
LA CREATION DE MONNAIE 93
Les objectifs. — Les méthodes. — Les organes.
CONCLUSION 113

OBSERVATIONS
(I) par Luigi FEDERICI 121
(II) p a r R o b e r t TRIFFIN 135

BIBLIOGRAPHIE ANALYTIQUE ET CRITIQUE


par Robert MOSSÉ, avec la collaboration de Mlle PERROT, sta-
giaire du C.N.R.S 149
A. — Listes bibliographiques 152
B. — Ouvrages g é n é r a u x (ordre chronologique) 153
C. — Ouvrages spéciaux (ordre alphabétique) 165
INDEX DES NOMS CITÉS 203
LIBRAIRIE MARCEL RIVIÈRE ET C1E
31, rue Jacob — PARIS (VI«)

ECONOMIE POLITIQUE

Alain BAREÈRE. -— Les Crises de Reconversion et la


Politique économique d'après-guerre 300 f r .
Charles BETTELHEIM. —- L'Economie allemande sous le
Nazisme 400 »
C E N T R E D'ÉTUDES DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE. — Le Conti-
nent américain et le Déséquilibre mondial 280 »
C E N T R E D'ÉTUDES DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE. — Le Rôle
de l'Allemagne dans l'Economie européenne 200 »
Lucien LAURAT. — L'Accumulation du Capital 250 »
Jacques LÉVY-JACQUEMIN. — Grandeur ou Décadence du
Plan Marshall 120 »
Marcel MAKANTZ. — Le Plan Marshall. Succès ou
Faillite ? 320 »
J. E. MEADE. — Plans et Prix. Entre Socialisme et
Libéralisme sous presse
Edgard MILHAUD. — Prestations et Contre-Prestations. 120 f r .
Léon SARTRE. — Esquisse d'une théorie marxiste des
crises périodiques 250 »
Jean SRIBER. — L'Équilibre économique d#s Intérêts
mondiaux 230 »
Pierre WALINE. •— Les Relations entre Patrons et
Ouvriers dans l'Angleterre d'aujourd'hui 400 »

REVUE D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE


Fondée en 1908

COMITÉ DE RÉDACTION
Albert AFTALION, Georges BOURGIN, Edouard DOLLEANS,
Georges DUVEAU, Ernest LABROUSSE, Daniel VILLEY, Jean WEILLER,
Gérard DEHOVE, rédacteur en chef
Jules C O N A N , secrétaire général de la rédaction.

Publication trimestrielle

Prix: 45« fr.

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