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UE 111

Fondamentaux du droit
2022-2023
Webconférence n° 6

Marielle MARTIN

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Plan de la
Webconférence n° 6

◎ Partie 1 :
o 1) L’objet du droit de propriété
o 2) Les démembrements du droit de
propriété
◎ Partie 2 :
o 1) La sanction de l’exercice préjudiciable
du droit de propriété
o 2) Le patrimoine

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Partie 1
◎ 1) L’objet du droit de propriété : sur quoi le droit
de propriété porte-t-il ? Son assiette peut-elle
s’étendre au-delà du bien approprié ? Qu’est-ce que le
droit d’accession ?
◎ 1-1- Cours
◎ 1-2- Exercice
◎ 2) Les démembrements du droit de propriété : le
droit de propriété sur un même bien peut-il être
démembré par la coexistence d’autres droits réels
reconnus à d’autres personnes que le propriétaire ? À
quel régime le droit de servitude et le droit d’usufruit
obéissent-ils ?
◎ 2-1- Cours
◎ 2-2- Exercice

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1- L’objet du
droit de propriété

 1-1- Le cours :
 1-1-1- Détermination de l’objet
du droit de propriété
 1-1-2- Le droit d’accession en
matière mobilière et immobilière
 1-2- Exercice

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1-1-1- Détermination de
l’objet du droit de propriété
 Le droit de propriété porte évidemment sur le bien qui
en est l’objet, mais aussi sur des éléments qui sont liés
à ce bien ; et ce, en vertu du droit d’accession.

 Il existe une règle générale selon laquelle le régime


juridique d’un élément accessoire suit le régime
juridique de l’élément principal auquel il est rattaché.
En conséquence, le droit de propriété d’un bien emporte
également propriété du bien qui lui est accessoire. Le
droit de propriété a donc une assiette plus étendue qu’il
apparaît de prime abord.

 Art. 546 C. civ. : « La propriété d’une chose, soit


mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce
qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement,
soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle
droit d’accession ».
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1-1-2- Le droit d’accession
en matière mobilière et immobilière
(rappel de l’hypothèse de travail : droit de propriété hors démembrements)

En matière mobilière En matière immobilière


Droit d’accession Ex. : la propriété d’une Ex. : la propriété d’un arbre
sur ce qui est action de société (valeur fruitier emporte la propriété
produit par la mobilière) emporte la des fruits (naturels) qu’il
chose propriété des dividendes porte ; la propriété d’un
(Remarque : mis en distribution et qui y appartement mis en location
justifie le fructus) sont attachés emporte la propriété des
loyers (fruits civils) qu’il
procure
Droit d’accession Ex. : la propriété d’une Ex. : la propriété d’un terrain
sur ce qui s’unit, montre emporte la propriété emporte la propriété des
s’incorpore à la de la pile qui s’y trouve sources, plantations,
chose constructions qui s’y
trouvent ; la propriété d’un
plan d’eau emporte la
propriété des poissons qui y
viennent
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1-2- Exercice : questions sur
l’objet du droit de propriété

 A) À qui appartient la petite émeraude sertie


dans un collier en or par un bijoutier ?

 B) À qui appartiennent les pigeons sauvages qui


viennent de se poser dans le colombier construit
sur son terrain par M. PRONATURE ?

 C) À qui appartient le barbecue construit avec


ses propres matériaux par M. SANSGENE dans le
jardin de Mme EBAHIE, sans l’autorisation de
cette dernière et durant les 15 jours de vacances
dont elle vient de revenir ?

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1-2- Corrigé de l’exercice :
questions sur l’objet du droit de propriété

 A) À qui appartient la petite émeraude sertie dans un collier


en or par un bijoutier ? Au propriétaire du collier par droit
d’accession (par ce qui s’unit artificiellement au collier, bien
meuble principal)
 B) À qui appartiennent les pigeons sauvages qui viennent de
se poser dans le colombier construit sur son terrain par M.
PRONATURE ? À M. PRONATURE par droit d’accession (par ce
qui s’unit naturellement au colombier, bien immeuble principal)
 C) À qui appartient le barbecue construit avec ses propres
matériaux par M. SANSGENE dans le jardin de Mme EBAHIE,
sans l’autorisation de cette dernière et durant les 15 jours de
vacances dont elle vient de revenir ? À Mme EBAHIE par droit
d’accession (par ce qui s’unit artificiellement au jardin, bien
immeuble principal). À noter que Mme EBAHIE peut choisir de
faire retirer ce barbecue par M. SANSGENE ou de le conserver
en payant une contrepartie à ce dernier (montant de la valeur
acquise par le jardin ou prix des matériaux et de la main
d’œuvre) ; étant précisé que les parties peuvent aussi convenir
d’une dissociation de propriété.
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2- Les démembrements
du droit de propriété

 2-1- Le cours :
 2-1-1- Le mécanisme des
démembrements
 2-1-2- Les servitudes
 2-1-3- L’usufruit
 2-2- Exercice

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2-1-1 – Le mécanisme
des démembrements

 Le droit de propriété est démembré lorsque les


attributs (usus, fructus, abusus) qu’il confère à
son titulaire (le propriétaire) sont répartis sur un
même bien ou ensemble de biens entre plusieurs
personnes ; l’une demeurant propriétaire et
l’autre ou les autres exerçant d’autres droits réels
sur ce bien ou ensemble de biens.

 Le propriétaire, qui conserve toutefois au


minimum l’abusus, doit cependant supporter que
l’usus et éventuellement le fructus soient
attribués à d’autres personnes en vertu des droits
de servitudes et d’usage ou d’usufruit qu’elles se
voient reconnaître.
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2-1-2- Les servitudes
Définition d’une Droit réel (droit subjectif patrimonial) grevant un immeuble (fonds
servitude servant) pour l’usage et l’utilité d’un autre (fonds dominant)
Principales sortes - Continues (écoulement des eaux, plantation entre voisins…) /
de servitudes discontinues (passage…)
- Apparentes (aqueduc…) / non apparentes (vue…)

Origines des La loi et la situation des lieux ; la convention (contrat) ; le fait de


servitudes l’homme (servitude établie par un propriétaire en faveur de sa
propriété : détermination de la nature de l’activité devant être exercée
dans le lieu…) ; la prescription acquisitive par principe trentenaire
(possession utile trentenaire)
Droits et obligations - Le propriétaire du fonds servant doit supporter la servitude et ne rien
du propriétaire du faire qui puisse la diminuer
fonds servant et du - Le titulaire de la servitude (propriétaire du fonds dominant) ne peut
titulaire de la l’aggraver et doit s’en tenir à l’usus qui lui est attribué
servitude

Causes d’extinction L’impossibilité de l’exécution (fonds servant impraticable…) ; la perte


des servitudes de la chose (effondrement d’un aqueduc…) ; l’arrivée du terme ou de
la condition résolutoire ; la renonciation unilatérale ; la consolidation
(réunion de la propriété des deux fonds) ; le non-usage trentenaire

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2-1-3- L’usufruit
Définition de Droit réel (droit subjectif patrimonial) d’usage (usus) et de jouissance
l’usufruit (fructus) portant sur un bien (meuble ou immeuble, corporel ou non)
dont la propriété appartient à autrui (le nu-propriétaire)
Origines de La loi ; l’effet de l’ouverture d’une succession ; la volonté unilatérale
l’usufruit (testament) ; le contrat (donation) ; la prescription acquisitive (d’une
durée variable selon la nature du bien objet de l’usufruit)
Droits et - L’usufruitier a le droit de se servir de la chose sur laquelle porte son
obligations de droit d’usufruit et il en perçoit les fruits (mais en principe pas les
l’usufruitier et du produits). Il doit conserver la substance de la chose, en assurer
nu-propriétaire l’entretien et ne peut en principe effectuer sur cette chose d’acte de
disposition (à ne pas confondre avec les actes de disposition sur le
droit d’usufruit) ; sauf le quasi-fruit sur les choses consomptibles
- Le nu-propriétaire a le droit de percevoir les produits de sa chose, il
doit en assurer les grosses réparations et ne doit pas troubler la
jouissance de l’usufruitier
Causes d’extinction Le décès de l’usufruitier ou l’expiration d’un délai de 30 ans s’agissant
de l’usufruit du droit attribué aux personnes morales ; l’arrivée du terme
conventionnel ; la déchéance de l’usufruitier (pour abus de son droit) ;
la perte de la chose ou l’expropriation (avec report sur les indemnités);
la renonciation de l’usufruitier ; la réunion de l’usufruit et de la nue-
propriété ; le non-usage trentenaire
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2-2- Exercice : commentaire sur
les démembrements
 Cass. 3e civ., 18 novembre 2009 ; Mme Mireille GUERLETTY c/ Mme Huguette BARDE et
autres.
 « La Cour […]
 Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Bergerac, 30 juin
2008), rendu en dernier ressort, que sur le fondement d’une mesure […] ordonnée le 18
mai 2006 à l’encontre de Mme BARDE, le juge de l’exécution a ordonné, le 25 janvier
2007, la vente forcée d’immeubles sis à Castelnaud et à Sarlat ainsi que du mobilier
garnissant l’immeuble de Sarlat, sur lesquels Mme BARDE avait conservé un droit
d’usufruit à la suite de la cession de la nue-propriété à Mme GUERLETTY ;
 Attendu que pour ordonner la vente des biens en pleine propriété, le juge retient que
celle-ci est nécessaire pour parvenir à la réalisation des actifs de la débitrice et que la
vente amiable a échoué en raison du refus de la nue-propriétaire ;
 Qu’en statuant ainsi, alors que le juge de l’exécution ne peut, sans excéder ses pouvoirs,
ordonner la vente forcée de la pleine propriété de biens meubles et immeubles grevés
d’un usufruit, contre la volonté du nu-propriétaire, cette juridiction a violé les textes […] ;
 Par ces motifs :
 Casse et annule, sauf en ce qu’il a ordonné la vente forcée des meubles meublant
l’immeuble sis à Castelnaud, le jugement rendu le 30 juin 2008, entre les parties, par le
tribunal de grande instance de Bergerac ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause
et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit,
les renvoie devant le tribunal de grande instance de Périgueux ; […] ».
 1) Quels étaient les faits dans cette affaire ?
 2) Le raisonnement mené par la juridiction dont la décision est étudiée est-il
conforme au droit en vigueur ?
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2-2- Corrigé de l’exercice :
commentaire sur les démembrements

 1) Quels étaient les faits dans cette affaire ?

 Madame BARDE ayant des dettes, mais ne possédant pas les liquidités
pour les payer, le juge de l’exécution a prononcé une mesure d’exécution
forcée en ordonnant, le 25 janvier 2007, la vente de biens dont Madame
BARDE était usufruitière ; à savoir, deux immeubles ainsi que des meubles
meublants situés dans l’un de ces immeubles (« le juge de l’exécution a
ordonné, le 25 janvier 2007, la vente forcée d’immeubles sis à Castelnaud
et à Sarlat ainsi que du mobilier garnissant l’immeuble de Sarlat, sur
lesquels Mme BARDE avait conservé un droit d’usufruit […] ; pour
ordonner la vente des biens en pleine propriété, le juge retient que celle-ci
est nécessaire pour parvenir à la réalisation des actifs de la débitrice »).

 Or, Madame GUERLETTY, nue-propriétaire de ces biens, s’oppose à la


vente (« la nue-propriété à Mme GUERLETTY […] ; contre la volonté du
nu-propriétaire »).

 …/…

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2-2- Corrigé de l’exercice :
commentaire sur les démembrements (suite)
 2) Le raisonnement mené par la juridiction dont la décision est
étudiée est-il conforme au droit en vigueur ?
 Le 18 novembre 2009, la Cour de cassation donne raison à Madame
GUERLETTY aux motifs que l’on ne peut vendre, sans l’accord du nu-
propriétaire, un bien grevé d’usufruit (« le juge de l’exécution ne peut, sans
excéder ses pouvoirs, ordonner la vente forcée de la pleine propriété de biens
meubles et immeubles grevés d’un usufruit, contre la volonté du nu-
propriétaire […] ; par ces motifs : casse et annule […] le jugement rendu le 30
juin 2008, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bergerac »).
 Le raisonnement mené par la Cour de cassation respecte parfaitement la
répartition des prérogatives entre d’une part l’usufruitier et, d’autre part, le nu-
propriétaire d’un même bien.
 En effet, tandis que l’usus (droit de se servir de la chose) et le fructus (droit de
percevoir les fruits de la chose) reviennent à l’usufruitier, c’est au nu-
propriétaire que revient l’abusus (droit de disposer de la chose).
 Or, la vente est un acte de disposition dont la réalisation dépend donc de
l’accord du nu-propriétaire.
 En l’espèce, à défaut de l’accord de Madame GUERLETTY, nue-propriétaire, la
vente des biens dont Madame BARDE est l’usufruitière ne peut avoir lieu. On
observe que la Haute juridiction ne confirme que « la vente forcée de meubles
meublant l’immeuble sis à Castelnaud » ; sans doute ces meubles étaient-ils la
pleine propriété de Madame BARDE.

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Partie 2
◎ 1) La sanction de l’exercice préjudiciable du droit de
propriété : le droit de propriété est théoriquement le
droit réel le plus absolu, mais son exercice ne peut aller
jusqu’à nuire à autrui. Que sont exactement l’abus du
droit de propriété et les troubles anormaux du voisinage ?
Comment sont-ils sanctionnés ?
o 1-1- Cours
o 1-2- Exercice
◎ 2) Le patrimoine : le droit de propriété est un droit
patrimonial. Mais qu’est-ce que le patrimoine du point de
vue juridique ? De quoi est-il composé ? De quelle manière
réalise-t-il le lien entre les personnes et les biens ?
o 2-1- Cours
o 2-2- Exercice

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1- La sanction de
l’exercice préjudiciable du
droit de propriété

 1-1- Le cours :
 1-1-1- L’abus du droit de propriété
 1-1-2- Les troubles anormaux du
voisinage
 1-2- Exercice

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1-1-1- L’abus du droit de propriété

Source Théorie jurisprudentielle


Conditions 1) Un fait dommageable (fait générateur) : l’abus du droit de
propriété :
- un acte de propriété
- sur un bien immobilier
- avec intention de nuire à un voisin
- sans intérêt sérieux et légitime
2) Un lien de causalité (entre le fait dommageable et le
dommage)
3) Un dommage (préjudice) subi par le voisin auquel le
propriétaire a voulu nuire
Sanction La condamnation en justice du propriétaire ayant abusé de son
droit à remettre les choses en l’état et/ou à verser à la victime
des dommages et intérêts
Fondement de L’anc. art. 1382 C. civ. devenu l’art. 1240 de ce Code
la sanction (responsabilité civile extracontractuelle du fait personnel) :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le
réparer »
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1-1-2- Les troubles anormaux
du voisinage
Source Théorie jurisprudentielle
Conditions 1) Un fait dommageable (fait générateur) : le trouble (inconvénient)
anormal du voisinage :
- un acte de propriété (ou un acte accompli par un locataire)
- sur un bien meuble ou immeuble
- qui excède ce que la norme oblige à supporter entre voisins
- sans nécessairement intention de nuire à un voisin
2) Un lien de causalité (entre le fait dommageable et le dommage)
3) Un dommage (préjudice) subi par un voisin
Sanction La condamnation en justice de l’auteur du trouble anormal de
voisinage à cesser le trouble et éventuellement à verser à la victime
des dommages et intérêts
Fondement L’anc. art. 1382 C. civ. devenu l’art. 1240 de ce Code : « Tout fait
de la quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
sanction celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ou plus souvent
l’anc. art. 1383 C. civ. devenu l’art. 1241 de ce Code : « Chacun est
responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait,
mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Dans les
2 cas : responsabilité civile extracontractuelle du fait personnel
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1-2- Exercice : commentaire sur
l’exercice préjudiciable du droit de propriété

 Cass. 1re civ., 20 janvier 1964, dame Blum c/ demoiselle Lassus


 « LA COUR ; – Sur le premier moyen, pris en sa première branche : – Vu l’article 1382 du Code
civil ; – Attendu que l’exercice du droit de propriété, qui a pour limite la satisfaction d’un intérêt
sérieux et légitime, ne saurait autoriser l’accomplissement d’actes malveillants, ne se justifiant
par aucune utilité appréciable et portant préjudice à autrui ; – Attendu que la cour d’appel a
refusé d’ordonner la suppression d’un rideau de fougères de 1 m 70 de hauteur, planté par
demoiselle Lassus, à environ 0 m 85 du mur de la maison de dame Blum et empêchant le
passage de la lumière par une ouverture à verre dominant dont l’aménagement avait été
judiciairement autorisé pour l’éclairage d’une cuisine ; Que pour statuer ainsi, l’arrêt infirmatif
attaqué se fonde sur ce que, s’il était fait droit à la prétention de dame Blum, l’héritage voisin se
trouverait grevé « d’une véritable servitude d’éclairement... contractuellement inexistante » ; –
Mais attendu que la même décision, après avoir rappelé et déclaré constantes les constatations
de fait des premiers juges, a relevé « qu’il apparaît bien des éléments de la cause que les parties
vivent dans une mésintelligence certaine » et que « l’instance... reflète et caractérise la
psychologie de demoiselle Lassus, recherchant la satisfaction d’un mobile malicieux » ; – Attendu
qu’en se refusant, dans de telles circonstances, à accorder à dame Blum réparation du préjudice
dont elle se plaignait alors qu’ils constataient en même temps, à la charge de demoiselle Lassus,
un exercice purement malicieux, partant abusif, de son droit de propriété, les juges du second
degré ont violé le texte visé par le pourvoi ;
 Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer soit sur les autres branches du premier moyen,
soit sur le second moyen : – Casse et annule l’arrêt rendu entre les parties par la cour d’appel
d’Agen, le 28 mars 1962, et renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ». (cours 2, annexe 3, p.
98)
 1) Que reproche la Cour suprême à Delle Lassus ?
 2) Cette décision est-elle conforme à tous les éléments de la théorie en question ?
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1-2- Corrigé de l’exercice :
commentaire sur l’exercice préjudiciable
du droit de propriété
 1) Que reproche la Cour suprême à Delle Lassus ?
 Le 20 janvier 1964, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation reproche à Delle
Lassus un abus de son droit de propriété (« à la charge de demoiselle Lassus, un
exercice purement malicieux, partant abusif, de son droit de propriété »).
 2) Cette décision est-elle conforme à tous les éléments de la théorie en
question ?
 Oui, car la théorie jurisprudentielle de l’abus du droit de propriété requiert :
 - un fait dommageable qui est un acte de propriété sur un bien immobilier avec
intention de nuire à un voisin sans avoir d’intérêt sérieux et légitime à agir ainsi ;
ce qui est le cas en l’espèce : la plantation par Delle Lassus de fougères géantes
(« un rideau de fougères de 1 m 70 de hauteur, planté par demoiselle Lassus, à
environ 0 m 85 du mur de la maison de dame Blum ») sans intérêt sérieux et
légitime et avec l’intention de nuire de nuire à sa voisine Dame Blum (« demoiselle
Lassus, recherchant la satisfaction d’un mobile malicieux »).
 - un lien de causalité entre le fait dommageable et le dommage ; ce qui est
également avéré en l’espèce : « rideau de fougères de 1 m 70 de hauteur […]
empêchant le passage de la lumière ».
 - un dommage, qui consiste en l’espèce en une perte d’éclairement : « éclairage
d’une cuisine » ; « accorder à dame Blum réparation du préjudice dont elle se
plaignait ».
 Par ailleurs, pour reprocher à Delle Lassus un abus de son droit de propriété, la
Cour suprême se fonde bien sur l’article 1382 du Code civil (« Vu l’article 1382 du
Code civil ») devenu (ord. 10 févr. 2016) l’article 1240 de ce Code.
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2- Le patrimoine

 2-1- Le cours :
 2-1-1- Nature juridique du patrimoine
 2-1-2- Approche personnaliste du
patrimoine
 2-1-3- Thèse du patrimoine d’affectation
 2-1-4- Evolution sur la notion de
patrimoine en droit français
 2-2- Exercice

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2-1-1- Nature juridique
du patrimoine

 En droit, le patrimoine est un ensemble, un contenant, distinct


des éléments qui le composent.

 Ces éléments ne sont d’ailleurs pas seulement des biens, mais


aussi toutes dettes appréciables en argent.

 Les éléments actifs et passifs contenus dans un patrimoine ont


vocation à y entrer et à en sortir sans que le patrimoine
(enveloppe incorporelle) en soit modifié.

 Il n’existe pas de définition légale du patrimoine, mais des


approches doctrinales dont essentiellement l’approche
personnaliste (théorie dite classique du patrimoine) et la thèse du
patrimoine d’affectation qui influencent différemment les
systèmes juridiques qui s’y réfèrent, en établissant chacune à sa
manière un lien entre les personnes et leurs biens et dettes ; ce
qui a une incidence considérable sur la vie économique et sociale.
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2-1-2- Approche personnaliste
du patrimoine
 Selon cette approche (théorie classique du patrimoine), le
patrimoine est une conséquence automatique de la
personnalité juridique (personne physique ou personne morale).

 Il en découle 5 règles :
 1) Toute personne est titulaire d’un patrimoine (même s’il est
vide !)
 2) Tout patrimoine appartient à un titulaire (il n’existe pas de
patrimoine n’appartenant à personne)
 3) Le patrimoine est inaliénable (celui à qui appartient le
patrimoine ne peut s’en débarrasser, mais il peut en faire
mouvementer le contenu)
 4) Le patrimoine est unique et indivisible (une personne ne
possède qu’un seul patrimoine qu’elle ne peut scinder). Cela est
cependant préjudiciable notamment pour les entrepreneurs individuels
qui ne peuvent protéger leurs actifs privés de leur activité
professionnelle.
 5) La subrogation réelle s’applique en ce sens que tout bien qui
entre dans un patrimoine prend la place d’un bien qui en sort (le droit
des créanciers chirographaires porte sur tout bien, saisissable et non
primé par un créancier privilégié, figurant dans le patrimoine de leur
débiteur au moment où ils exercent leurs recours).

24
2-1-3- Thèse du
patrimoine d’affectation

 Selon cette thèse, une même personne peut avoir


plusieurs patrimoines, car elle peut avoir autant de
patrimoines que d’activités.

 Chaque patrimoine est un ensemble patrimonial


affecté par son titulaire à un but précis.

 Le patrimoine d’affectation confère un avantage


concurrentiel aux pays qui l’ont adopté car il encourage la
création d’entreprises en ce qu’il permet un
cantonnement aux biens professionnels d’une
personne des risques encourus du fait de son activité
professionnelle correspondante.

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2-1-4- Evolution sur la notion de
patrimoine en droit français
 A) Le droit positif français s’est rallié historiquement à l’approche
personnaliste du patrimoine.

 B) Mais il s’est acheminé peu à peu, par le biais de diverses dispositions


législatives, vers la thèse du patrimoine d’affectation :
 - 1985 : création de l’EURL : Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée
(SARL unipersonnelle).
 - 1994 : possibilité pour un entrepreneur individuel de demander à ses
créanciers professionnels de se désintéresser en priorité sur les biens
nécessaires à l’exploitation de l’entreprise.
 - 2003 : possibilité pour l’entrepreneur individuel de procéder à la déclaration
d’insaisissabilité de sa résidence principale.
 - 2010 : création du statut d’EIRL : Entrepreneur Individuel à Responsabilité
Limitée. Ce statut reconnaît le patrimoine d’affectation pour l’entrepreneur
individuel en lui permettant de séparer son patrimoine professionnel et son
patrimoine non professionnel. Art. L. 526-6 al. 1er C. com. (dans sa rédaction
revisitée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019) : « Pour l’exercice de son
activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur
individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son
patrimoine personnel, sans création d’une personne morale […] ».
 - 2015 : automatisme de l’insaisissabilité de la résidence principale de
l’entrepreneur individuel vis-à-vis de ses créanciers professionnels.
 - 2022 (ce point sera développé dans le cours n° 4) : séparation automatique du
patrimoine professionnel et du patrimoine non professionnel de l’entrepreneur
individuel (sans avoir à opter pour le statut d’EIRL qui ne peut d’ailleurs plus être
choisi par un entrepreneur individuel qui s’installe).
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2-2- Exercice : rétablissez
le vrai ou le faux

 A) En droit, le patrimoine d’une personne ne comprend que


ses biens, à l’exclusion de ses dettes.

 B) La théorie classique du patrimoine n’admet pas le


patrimoine d’affectation.

 C) EURL et EIRL sont juridiquement identiques.

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2-2- Corrigé de l’exercice :
rétablissez le vrai ou le faux

 A) En droit, le patrimoine d’une personne ne comprend que ses biens,


à l’exclusion de ses dettes. FAUX. En droit, le patrimoine d’une
personne comprend les biens et les dettes de celle-ci.

 B) La théorie classique du patrimoine n’admet pas le patrimoine


d’affectation. VRAI. Selon la théorie classique du patrimoine, une
personne n’a qu’un seul patrimoine et ne peut dissocier, par un
patrimoine d’affectation, ses biens et dettes professionnels de ses
biens et dettes privés.

 C) EURL et EIRL sont juridiquement identiques. FAUX. L’EURL est une


société ayant la personnalité morale (SARL unipersonnelle), tandis
que l’EIRL est un statut qui, s’il a été choisi par un entrepreneur
individuel personne physique, permet à ce dernier, sans qu’il crée de
personne morale, de séparer de ses biens personnels ses biens
professionnels à l’aide d’un patrimoine d’affectation. À noter que
depuis une loi de 2022 (qui sera vue dans le cours 4) qui sépare
automatiquement les patrimoines professionnel et non professionnel
de l’entrepreneur individuel, il n’est plus possible (car plus nécessaire)
pour un entrepreneur individuel qui s’installe d’opter pour le statut de
l’EIRL.

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