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Cardiotoxicité

I. Introduction :
De nombreux xénobiotiques, médicaments, produits naturels ou industriels présentent une
toxicité vis-à-vis du système cardiovasculaire.

Le cœur est un organe vital, les troubles cardiocirculatoires au cours des intoxications sont
souvent graves et mortels
Les mécanismes de ces défaillances cardiocirculatoires sont très polymorphes et souvent
pour un même toxique, plusieurs mécanismes sont impliqués.

II. Définition de la Cardiotoxicité :


La cardiotoxicité est l’ensemble des altérations fonctionnelles ou structurales cardiaques,
induites directement ou indirectement par des xénobiotiques ou leurs métabolites,
quelle que soit la voie de pénétration.

III. Facteurs de risque :


- Âge (moins de 4 ans et vieillesse)
- Sexe féminin
- Antécédents de maladie cardiaque ou de dysfonction ventriculaire gauche
- Hypertension
- Obésité
- Diabète
- Dyslipidémie
- Sédentarité
- Tabagisme
- Prédisposition génétique.
- Syndrome de Down
- Chimiothérapie
- Radiothérapie concomitante à une chimiothérapie

Cependant, la cardiotoxicité induite par les xénobiotiques peut se produire sans facteurs de
risque évidents.

IV. Mécanisme de toxicité :


1. Interférences avec l’homéostasie ionique :
a. Blocage du courant sodé rapide: « stabilisant de membrane »

Appelé effet anesthésique local ou « quinidine-like », conséquence de l'interaction


non spécifique de certaines substances lipophiles avec les lipoprotéines des membranes
cellulaires.
Action principalement médiée par l'inhibition du canal sodique responsable du courant
sodique entrant rapide (phase 0 du potentiel d'action).
 Ce blocage entraine :
- Diminution de l’excitabilité
- Diminution de l’automatisme et vitesse conduction de potentiel d’action.
- Allongement de la durée du potentiel d’action
- Allongement des périodes réfractaires
- Elargissement de QRS et QT

 Médicaments en cause :
-Anti-arythmiques: Ia=quinidine like,
Ib=lidocaine like
-β bloquants: propranolol, acébutolol
-Les ATD polycycliques : amitriptyline, imipramine
-La carbamazépine
- Les phénothiazines
-Les antalgiques: dextropropoxyphène
-Les stupéfiants: la cocaïne
-Les antipaludéens: chloroquine ou la quinine

b. Blocage des canaux calciques: « Inhibiteurs calciques »

Les inhibiteurs calciques inhibent le courant calcique lent entrant au niveau cardiaque

En cas d’intoxication selon qu’il s’agit d’un antagoniste sélectif ou non on aura :
 Inhibiteurs cardio-sélectifs :
- Troubles sévères de la conduction et de l’automatisme
- Ex : Vérapamil, Diltiazem

 Inhibiteurs vaso-sélectifs :
- Hypotension pouvant entraîner un choc cardiogénique, puis tachycardie par
réflexe sympathique
- Ex : Dihydropyridines

c. Blocage des canaux potassiques: ex: «Amiodarone»

L’amiodarone favorise la fermeture des canaux potassiques du tissu conducteur


cardiaque et par conséquent freine la sortie du potassium.
- Augmentation de la durée du potentiel d’action.
- Augmentation de la durée des périodes réfractaires cardiaques.

L’amiodarone donne une action toxique de type bradycardie excessive.


d. Les inhibiteurs de Na+/K+ ATPase :

Les glycosides cardiaques augmentent la force contractile (effet inotrope positif) par
l’augmentation du calcium intracellulaire pendant la systole.
Ils se fixent sur un site spécifique de la Na-K-ATPase.
- Na+ intracellulaire et le K+ extracellulaire augmentent
- Ca2+ intracellulaire reste élevé, favorisant les dysrythmies.
- L’élévation de la kaliémie traduit le relargage du K+ en extracellulaire

L’hyperkaliémie reflète l’inhibition excessive de la Na+/K+ATP ase membranaire.


Le K+ et les digitaliques sont en compétition pour la fixation sur la Na+/K+- ATPase : une
diminution de la kaliémie augmente les effets des digitaliques et inversement

2. Défaut de perfusion coronaire :

a. Vasoconstriction coronarienne :

La vasoconstriction coronarienne est responsable d’une diminution des apports sanguins au


cœur et par conséquent on aura une mort cellulaire.
b. Ischémie/ reperfusion (i/r):

Lors du traitement de l’ischémie, la reperfusion provoque des dommages cellulaires par


génération des ERO entrainant une peroxydation lipidique.
Ex : on peut avoir thrombolyse après infarctus aigue de myocarde.
3. Stress oxydant :

Le cœur possède une sensibilité particulière au stress oxydant par déficit des défenses anti-
oxydantes.
Le cœur se caractérise par un taux bas de superoxyde dismutase, de catalase et Un faible
taux de renouvellement du glutathion.
Ex: Cardiotoxicité des anthracyclines, par production de radicaux libres directement
toxiques pour les myofibrilles.

4. Toxicité par induction des voies apoptotiques :


Hypothèse qui pourrait expliquer la perte progressive des myocytes cardiaques dans
certaines situations :
- L’insuffisance cardiaque
- L’hypertrophie ou l’infarctus du myocarde.

Ceci repose sur la survenue d’un processus d’apoptose dans le myocarde atteint.

Anion super oxyde => activation de la P53 => cascade pro-apoptotique.

V. Manifestation de l’action des toxiques :

1. Atteintes cardiaques directes :


a. fonctionnelles :

a.1. Troubles du rythme :


- Dépolarisations sinusales anarchiques
- Apparition de foyers ectopiques à rôle de pace-maker
Ex : Quinine, Chloroquine, Théophylline, Salbutamol

a.2. trouble de la conduction :


Défaut de conduction de l’onde de dépolarisation
Ex : anti arythmique, bétabloquants

a.2. Troubles de contraction :


Modification de la force contractile myocardique par le biais :
 D’une action sur le SNA
 D’une altération de la synthèse énergétique et de la synthèse des protéines
contractiles
 De perturbations des échanges ioniques ([Ca2+] intra-cellulaire +++)
Ex : Anesthésiques locaux : inotrope - en induisant un épaississement non spécifique de
diverses membranes cellulaires par l’insertion de molécules chimiquement inertes dans les
couches hydrophobes des protéines de structure et des phospholipides membranaires.

Aminosides : inotropes -, cardiodépresseurs via canaux calcium.

b. morphologiques :

 Myocardiopathies :
Ex :

Alcool éthylique : en cas d’intoxication massive et prolongée, il provoque par perturbation


des mouvements du Calcium:
- une cardiomégalie
- une fibrose débouchant sur des fibrillations ventriculaires
- la formation d’espèces réactives de l’O2.

Cadmium : Hypertrophie

 Péricardites aigues :

Inflammation du péricarde, Avec ou sans épanchement.

 Nécrose myocardique :

Ex : Plomb : Entraîne une dégénérescence des myocytes.

2. Atteintes cardiaques indirectes :

a. Influence du SNA :
 L'hypertonie sympathique :
Accélère la fréquence cardiaque, diminue les périodes réfractaires, et augmente l'excitabilité
myocardique, donne une « arythmies catécholergiques »
Surviennent au cours des efforts ou des émotions

 L'hypertonie vagale :
Allonge les périodes réfractaires, ralentit la fréquence cardiaque, donne une "fibrillation
auriculaire vagale"
Survenant souvent en période nocturne, précédées d'un ralentissement progressif du
rythme sinusal
b. Par le biais du système vasculaire :

b.1. Troubles fonctionnelles :

 Hypotension :
Hypotension orthostatique : par action des vasodilatateurs et hypotenseurs
sympatholytiques, surtout les  bloquants, neuroleptiques et antidépresseurs
imipraminiques.

 Hypertension :
Parmi les conséquences les plus redoutables : les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et
les hémorragies
Ex : IMAO, Corticoïdes ,Cocaïne.

 Hémorragies :
Ex :Anticoagulants

 Thrombo-embolie :
Formation de caillots artériels ou veineux qui peuvent provoquer une embolie

Danger mortel : Si formé dans une veine profonde de la jambe, peut se détacher, être
emporté jusqu’aux artères pulmonaire et les bloquer.
Ex : Vit K
b.2. Atteintes morphologiques :

 Lésions dégénératives et inflammatoires :

Gangrènes par suite de vasoconstriction, ex : ergotamine (alcaloïdes de l’ergot).

 Formation de plaques athéromes : (Athérosclérose)


L’étiologie est complexe, certains toxiques aggravent la pathologie : tabac

VI. Agents cardiotoxiques :


mdt cardiotropes Mdt non cardiotropes Agents non mdteux
 Anti arythmiques  Anesthésiques  Éthanol
 Bétabloquants locaux  CCl4
 Inhibiteurs  Antidépresseurs  Métaux lourds
potassiques  Antiépileptiques
 Inhibiteurs  Anti inflammatoires
calciques  Anticancéreux
 Inhibiteurs de la
pompe
Na+/K+/ATPase
VII. Evaluation de la cardiotoxicité :

1. Examens cliniques :

 Anamnèse : âge, antécédents, profession, habitudes alimentaire (alcool, tabac)

 ECG : si dysfonctionnement cardiaque on aura une anomalie du tracé.

 Echographie cardiaque : mee des atteintes morphologiques

 IRM : La première fonction du cœur est d'éjecter d'un volume de sang suffisant pour
assurer la vascularisation corporelle. IRM permet d’évaluer cette fonction.

 Biopsie endo-myocardique.

2. Examens biologiques :
1. Les transaminases :
Ces marqueurs sont peu spécifiques.
ASAT : Pas de variation au cours de l’angor
ALAT : peu modifiées en cas d’IDM
2. Ionogramme :
indique la concentration des différents ions dans le plasma

3. Lactate deshydrogénase : LDH


Faible spécificité.
LDH totale : dernier marqueur à augmenter dans l’IDM
Diminution lente : diagnostic rétrospectif

4. Myoglobine :

Marqueur le plus précoce de l’IDM

Intérêts : Suivi thérapeutique et diagnostic d’exclusion


5. CRP :

Reflet de l’état inflammatoire


Marqueur pronostic
6. Troponines :

Grande spécificité cardiaque +++


Détection précoce de nécrose myocardique (ischémie ou non)
7. Le BNP - Pro BNP (Peptide Natriurétique type B) :

Marqueur précoce de l’insuffisance cardiaque


Diminue dans l’insuffisance cardiaque
Il fait la différence dyspnée d’origine cardiaque et pulmonaire +++

3. Toxicologie expérimentale :

Le cœur isolé et perfusé, est un modèle courant pour étudier les effets des toxiques sur
l’ampleur et la fréquence des contractions cardiaques et le débit coronarien
L’oreillette isolée et des cultures de cellules cardiaques ont été aussi utilisées dans l’étude de
la cardiotoxicité.
In vitro : patch clamp
Ce test présente la méthode in vitro de référence permettant d’étudier les interactions
fonctionnelles entre la molécule et les canaux ioniques cardiaques.
 système unicellulaire
 Permet de mesurer les courants ioniques à travers des cellules d’expression
hétérologue
 Deux électrodes sont utilisées : l’une pour stimuler électriquement la cellule et
l’autre, reliée à un amplificateur, pour mesurer son activité électrique
In vivo : Animaux télémétrés

VIII. Conclusion :

Le cœur est un organe vital à l’homme mais celui-ci est sensible et soumis à diverses
agressions.
Les médicaments responsables de cardiotoxicité ne sont pas forcément ceux de la sphère
cardiaque.
De nombreux médicaments présents sur le marché peuvent entraîner une cardiotoxicité aiguë,
chronique, réversible ou encore irréversible.

Des résultats négatifs ne doivent pas exclure une cardiotoxicité potentielle.


Pour la démontrer, des procédures de tests spécifiques sont nécessaires, qui
simulent en général les conditions cliniques

Dr. MESLEM

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