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Sommaire

Programme de l’UE de Droit des sociétés et des groupements d’affaires


Présentation du cours
Méthodologie de l’épreuve de Droit des sociétés et des groupements
d’affaires
Plan annuel de l’UE 112
Objectifs du cours 1
Partie 1. L’entreprise en société
Chapitre 1. La notion de société
Section 1. La définition de la société
Section 2. Les intérêts de la société
Section 3. Les différents types de sociétés : classifications
Section 4. La législation applicable aux sociétés
Chapitre 2. Le contrat de société
Section 1. Les conditions générales de validité du contrat
Section 2. Les conditions spécifiques de validité du contrat de société
Section 3. Le non-respect des conditions de validité : les cas de nullité
Chapitre 3. La société personne morale
Section 1. La naissance de la société personne morale
Section 2. Le fonctionnement de la société personne morale
Section 3. Les évolutions de la société personne morale
Partie 2. La société en nom collectif
Chapitre 1. La constitution d’une SNC
Section 1. Les conditions de fond
Section 2. Les conditions de forme et les formalités de publicité
Chapitre 2. Le fonctionnement de la SNC
Section 1. La gérance
Section 2. Le contrôle de la gestion
Section 3. Les décisions collectives
Chapitre 3. Les associés de la SNC
Section 1. Les droits et obligations des associés
Section 2. Les parts sociales
Chapitre 4. La transformation et la dissolution de la SNC
Section 1. La transformation de la SNC
Section 2. La dissolution de la SNC
Partie 3. La société à responsabilité limitée
Chapitre 1. La constitution d’une SARL
Section 1. Les conditions de fond
Section 2. Les conditions de forme et les formalités de publicité
Chapitre 2. Le fonctionnement de la SARL
Section 1. La gérance de la SARL
Section 2. Le contrôle de la gestion
Section 3. Les décisions collectives
Chapitre 3. Les associés de la SARL
Section 1. Les droits et obligations des associés
Section 2. Les parts sociales
Chapitre 4. La transformation et la dissolution de la SARL
Section 1. La transformation de la SARL
Section 2. La dissolution de la SARL
Chapitre 5. L’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)
Section 1. La création de l’EURL
Section 2. Le fonctionnement de l’EURL
Section 3. Les droits et obligations de l’associé unique
Section 4. La dissolution de l’EURL
Bibliographie générale
Index
Devoir 1
Crédits
Programme de l’UE de Droit des
sociétés et des groupements d’affaires
Le cours de Droit des sociétés et des groupements d’affaires de l’Intec
correspond au programme de l’UE 2 du DCG tel qu’énoncé dans le BO
n° 25 du 20 juin 2019.

Nature de l’épreuve Durée de Coefficient ECTS


l’épreuve

Épreuve écrite portant sur l’étude d’une ou 3 heures 1 14


de plusieurs situations pratiques et/ou le
commentaire d’un ou plusieurs documents
et/ou une ou plusieurs questions.
Correspondance
cours Intec

1 – L’entreprise en société (40 heures)

Cours 1
1.1 LA NOTION DE SOCIÉTÉ

Sens et portée de l’étude


Le droit des sociétés a une histoire marquée par de
grandes lois complétant le Code civil. C’est un droit qui
a souvent accompagné les mutations économiques. Les
différentes formes sociétaires n’ont pas été créées ex
nihilo mais pour répondre à des besoins. La forme
sociétaire n’est toutefois pas la seule forme juridique
utilisée pour l’exercice d’une activité économique.

Compétences attendues Savoirs associés

Identifier les sources du Définition de la


droit des sociétés. société.
Repérer les grandes Sources et évolution du
évolutions historiques et droit des sociétés.
économiques ayant donné EIRL et entreprise
naissance aux différentes individuelle.
formes sociétaires.
Repérer l’influence du
droit européen en droit
des sociétés à partir de
quelques exemples
concrets.
Chercher une forme
adaptée à la situation
patrimoniale de
l’entrepreneur (sociétaire,
EIRL, entreprise
individuelle).

Cours 1
1.2 LA SOCIÉTÉ-CONTRAT

Sens et portée de l’étude


La société est à la fois un contrat entre associés et une
personne juridique autonome. Cette double nature
donne à la société un statut juridique particulier. La
nature contractuelle de la société se révèle à travers le
contrat de société, acte fondateur, dont les différents
éléments constitutifs doivent être étudiés avec attention.
Mais au cours de la vie sociétaire, les volontés
individuelles vont parfois être dépassées au profit d’un
intérêt social qui s’imposera aux associés. La
compréhension de cette double nature permet de voir la
société comme un instrument juridique au service de la
liberté individuelle et contractuelle qui a toutefois une
autonomie certaine par rapport à la volonté des
créateurs.

Compétences attendues Savoirs associés

Identifier les différents Les éléments


éléments constitutifs du constitutifs du contrat
contrat de société et les de société : associé(s),
caractériser. apports, bénéfice ou
Analyser le régime économie, affectio
juridique des apports. societatis.
Distinguer bénéfices et Le régime des nullités
dividendes. en cas d’élément
Distinguer capital social et constitutif manquant.
capitaux propres. La terminologie des
Analyser l’influence du aspects juridiques
régime matrimonial de intéressant les capitaux
l’associé sur le contrat de et résultats : capital
société. social, capitaux
Analyser l’impact du propres,
débat de la nature bénéfice/dividendes.
juridique de la société sur La nature juridique de
la notion d’intérêt social. la société : contrat,
institution.
L’intérêt social, l’abus
de droit.

Cours 1
1.3 LA SOCIÉTÉ, PERSONNE JURIDIQUE

Sens et portée de l’étude


Depuis sa création jusqu’à sa disparition, des règles
juridiques vont encadrer la vie d’une société. La
personnalité morale de la société lui donne une
autonomie certaine qu’expriment ses statuts mais dans
un cadre déterminé par la loi. Le pouvoir et les droits
des associés vont varier selon l’étendue de la
responsabilité financière qui leur incombe. La société
sera dirigée par des organes dont les pouvoirs et les
responsabilités varient selon les formes sociétaires. Les
mécanismes de contrôle de la gestion de la société
doivent favoriser une plus grande transparence. Un
équilibre se crée dans le fonctionnement quotidien entre
les dirigeants, les associés et les organes de contrôle.
Parfois les aléas du fonctionnement de la société vont
l’amener à disparaître. Toutes ces étapes sont encadrées
par des règles juridiques destinées à maintenir ou à
imposer un équilibre entre des intérêts divers et parfois
contradictoires.

1.3.1 La naissance de la société

Compétences attendues Savoirs associés


Différencier constitution La constitution de la
de la société et acquisition société, l’acquisition
de la personnalité de la personnalité
juridique. morale,
Schématiser le processus l’immatriculation de la
administratif aboutissant à personne morale.
l’acquisition de la L’identité : les attributs
personnalité morale. de la personne morale
Analyser les (nom, siège,
conséquences d’un acte patrimoine, durée,
pris par une société en capacité).
formation.
Repérer les attributs de la
personne morale et en
analyser le régime
juridique.

1.3.2 Le fonctionnement et les contrôles de la société

Compétences attendues Savoirs associés

Analyser le Les associés :


fonctionnement interne informations, pouvoirs
d’une société et sa et responsabilités.
représentation vis-à-vis Les dirigeants et les
des tiers. organes sociaux :
Distinguer la représentant légal,
rémunération liée au mandataire social,
mandat social, du salaire fonctionnement,
lié au contrat de travail. responsabilités.
Différencier les conditions Le contrôle et les
et les conséquences de sanctions.
l’engagement de la
responsabilité de la
société, des dirigeants et
des associés.
Apprécier les contrôles
internes et externes de
l’action du dirigeant et
leurs conséquences.

1.3.3 La disparition de la société

Compétences attendues Savoirs associés

Identifier les causes de La dissolution et la


dissolution d’une société. liquidation.
Schématiser le processus L’étendue de la
de dissolution et de personnalité morale
liquidation. pendant les phases de
Analyser les dissolution et de
conséquences de la liquidation.
dissolution et de la
liquidation pour la
personne morale.
Analyser les
conséquences de la
dissolution et de la
liquidation pour les
associés.

Cours 3
1.4 LA SOCIÉTÉ SANS PERSONNALITÉ JURIDIQUE PROPRE

Sens et portée de l’étude


La société peut être sans personnalité juridique propre,
soit du fait de la négligence des associés, soit
volontairement. Les conséquences de cette absence de
personnalité sont importantes, surtout dans la mise en
œuvre de la responsabilité des associés.
Compétences attendues Savoirs associés

Distinguer les différentes Les dispositions


formes de société sans régissant l’absence de
personnalité juridique. personnalité juridique
Identifier les de la société.
conséquences juridiques La société en
associées aux différentes participation.
formes de société sans La société de fait.
personnalité juridique. La société créée de
fait.

2 – Les principaux types de sociétés (60 heures) Cours 2


Sens et portée de l’étude Cours 1
La société peut prendre plusieurs formes selon que les Cours 3
associés veulent limiter ou non leur responsabilité au
montant de leurs apports, se ménager une latitude
contractuelle, faciliter le financement de ses activités.
La forme choisie n’est toutefois pas figée. Les
opérations sur le capital ou les opérations de
transformation permettant par exemple d’adapter la
forme initialement choisie aux besoins des associés.
Une étude des principaux types de sociétés doit
permettre de mieux comprendre les avantages et les
inconvénients de chaque forme sociétaire pour pouvoir
ensuite déterminer la forme la plus adaptée à un
contexte donné.

Compétences attendues Savoirs associés


Schématiser et analyser Les sociétés à
les règles de responsabilité limitée :
fonctionnement de chaque pluripersonnelle,
forme sociétaire étudiée. unipersonnelle.
Rédiger des clauses
spécifiques des statuts
(clause limitative de Les sociétés
pouvoir, clause anonymes :
d’inaliénabilité, clause forme classique,
d’agrément). à directoire.
Repérer dans des statuts
Les sociétés par
les clauses non conformes
actions simplifiées :
(clause limitative de
pouvoir, clause pluripersonnelle,
d’inaliénabilité, clause unipersonnelle.
d’agrément, clause de La société en nom
préemption et clause collectif.
d’exclusion) et les Les sociétés civiles de
corriger. droit commun.
Analyser les opérations de
contrôle au sein d’une
société : rôles du
commissaire aux comptes,
contrôle des conventions
réglementées, contrôle
interne, procédure
d’alerte.
Différencier les
principales valeurs
mobilières (actions,
actions de préférence,
obligations) et expliquer
leur régime juridique.
Distinguer les actions et
les parts sociales et
justifier les conséquences
juridiques et cette
distinction.
Analyser les opérations
d’augmentation et de
réduction de capital.
Analyser les conditions et
les conséquences d’une
transformation pour
chaque type de sociétés.
Identifier les causes et les
conséquences d’une
dissolution spécifiques à
chaque type de sociétés.
Justifier le choix d’une
forme sociétaire adaptée à
une situation donnée.

3 – L’économie sociale et solidaire et le monde des Cours 3


affaires (10 heures)
Sens et portée de l’étude
L’économie sociale et solidaire (ESS) prend une place
croissante au sein de l’économie. Les formes classiques
de sociétés ne permettent pas toujours de répondre à ces
nouveaux besoins. L’association et la société
coopérative sont deux structures juridiques compatibles
avec les principes directeurs de l’ESS.

Compétences attendues Savoirs associés

Caractériser l’économie L’économie sociale et


sociale et solidaire. solidaire.
Mettre en évidence à L’association.
partir d’une La coopérative.
documentation
l’importance croissante de
l’économie sociale et
solidaire et son
encadrement par la loi.
Identifier les principes
généraux régissant les
associations et les sociétés
coopératives.
Déterminer les
conséquences de
l’exercice par une
association d’une activité
économique.
Identifier une structure
juridique adaptée à une
situation donnée.

4 – Les autres types de groupements (15 heures) Cours 3


Sens et portée de l’étude
Au-delà des formes communes déjà étudiées, de
nombreux groupements permettent d’organiser les
relations entre les partenaires mus par des projets
particuliers. Ces groupements apportent des réponses à
des besoins divers dans un contexte donné.

Compétences attendues Savoirs associés


Identifier l’utilité de ces Caractéristiques
groupements dans des essentielles des :
situations spécifiques. sociétés en
Mettre en évidence les commandite par
principales règles de actions (SCA) ;
fonctionnement de ces sociétés d’exercice
groupements.
libéral (SEL) ;
société civile
immobilière, société
civile professionnelle,
société civile de
moyens ;
sociétés agricoles :
GAEC, EARL ;
groupement d’intérêt
économique (GIE)

5 – Prévention et traitement des difficultés Cours 4


(10 heures)
Senset portée de l’étude
Dans un contexte économique incertain, les
organisations peuvent connaître des difficultés
financières mettant en danger leur existence même. Le
droit va tenter de détecter au plus tôt ces situations,
pour encourager les organisations à mettre en place des
outils destinés à les aider à surmonter rapidement leurs
difficultés. Si la situation s’aggrave, le législateur a
alors prévu des procédures plus contraignantes
destinées à préserver les intérêts de toutes les parties
prenantes.

Compétences attendues Savoirs associés


Différencier le mandat ad La cessation des
hoc de la conciliation. paiements.
Caractériser la notion de Les spécificités et
cessation des paiements. comparaison des
Identifier les conditions procédures préventives
d’engagement d’une (mandataire
procédure collective. ad hoc/conciliation).
Présenter les acteurs des La procédure de
procédures collectives. sauvegarde (finalités,
Schématiser les acteurs, issues).
procédures applicables en Le redressement et la
fonction du degré de la liquidation judiciaire
difficulté rencontrée. (finalités, initiatives,
Déterminer l’issue d’une acteurs, durée, issue).
procédure collective.
6 – Droit pénal des groupements d’affaires
(15 heures)
Dans le cadre du développement de ses activités,
l’entreprise mais aussi le dirigeant peuvent voir mise en
cause leur responsabilité pénale. Cette dernière a pour
but la défense sociale et la garantie d’une forme de
morale des affaires. Elle peut toutefois mettre en jeu la
survie même de l’entreprise ou la liberté des hommes
de l’entreprise. Elle est également parfois perçue
comme limitant de manière trop importante la liberté
d’entreprendre. Elle doit donc être entourée de
nombreuses garanties et trouver un équilibre parfois
délicat.

Cours 4
6.1 LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

Sens et portée de l’étude


Le droit pénal appliqué aux affaires ne saurait se libérer
des principes fondateurs du droit pénal afin de garantir
son efficacité et sa légitimité. Le rôle du juge est ici
fondamental. Il est également nécessaire de comprendre
que le risque pénal ne se limite pas au dirigeant ou à
l’entreprise : experts-comptables, commissaires aux
comptes, banquiers peuvent également voir leur
responsabilité mise en cause. Il est donc important de
comprendre les enjeux et la mesure du risque pénal afin
de permettre aux différents acteurs d’exercer leur liberté
d’entreprendre ou leur profession d’une manière
acceptable aux yeux de la loi et de la société.

Compétences attendues Savoirs associés

Identifier la personne Les éléments


pénalement responsable, constitutifs de
l’auteur et le complice. l’infraction.
Associer une peine à une La classification des
infraction (amende, infractions : crime,
emprisonnement…). délit, contravention.
Schématiser les grandes L’identification de la
étapes de la procédure personne responsable :
pénale. auteur, complice.
Mettre en évidence les La procédure pénale :
grandes règles de la action publique et
procédure pénale. action civile,
Identifier la responsabilité instruction
pénale du commissaire préparatoire, jugement
aux comptes. et voie de recours,
principes directeurs
d’un procès.
Le statut pénal du
CAC.

Cours 4
6.2 LES INFRACTIONS DE DROIT COMMUN APPLICABLES AUX
AFFAIRES ET LES INFRACTIONS SPÉCIFIQUES DU DROIT PÉNAL
DES SOCIÉTÉS ET DES GROUPEMENTS D’AFFAIRES

Sens et portée de l’étude


Les infractions de droit commun visent surtout à
protéger la propriété intéressant la vie des affaires.
Principe constitutionnel, la propriété est ici protégée par
l’abus de confiance ou l’escroquerie. Mais elles ont
également comme objectif de renforcer la probité des
comportements des acteurs économiques afin de
maintenir la crédibilité du système économique. Le rôle
régulateur du droit pénal trouve ici tout son sens.

Compétences attendues Savoirs associés


Repérer et nommer les L’abus de confiance.
éléments constitutifs de L’escroquerie.
chaque infraction. Le faux et l’usage de
Distinguer les infractions faux.
de droit commun des Le recel.
infractions spécifiques. L’abus de biens et du
crédit de la société.
La distribution de
dividendes fictifs.
La présentation ou
publication de bilan ne
donnant pas une image
fidèle.
La surévaluation des
apports.
Les infractions
remettant en cause le
bon déroulement de la
mission de contrôle du
CAC.

Document de travail réservé aux élèves de l'INTEC. Toute reproduction sans autorisation écrite est
interdite
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Présentation du cours
Bienvenue dans le cours de l’UE 112 – Droit des sociétés et des
groupements d’affaires de l’Intec !

I. L’UE de Droit des sociétés et des groupements


d’affaires
Le droit des sociétés est « un droit très dynamique, ouvert sur beaucoup
d’aspects de la vie économique, politique et sociale. Il est l’un de ceux où
se reflètent l’histoire et l’innovation, les grandes idées et les astuces, les
systèmes politiques et les accords privés, les cultures nationales et la
mondialisation, la guerre économique et les conquêtes de la paix… »1.
Il pose les bases fondamentales à la compréhension des principaux acteurs
de la vie juridique et économique. Néanmoins, les sociétés sont
concurrencées par d’autres types de groupements ou d’autres modes
d’exploitation de l’entreprise.
Les trois premiers cours seront consacrés à l’étude des différents
groupements, une place privilégiée étant évidemment réservée à la société
commerciale.
Après avoir défini la notion de société, sera présenté le droit commun des
sociétés. Il s’agit de poser les concepts et les mécanismes clés qui seront
ensuite déclinés dans chaque forme de société. Cette étude mettra en
évidence la nature duale de la société, à la fois contrat et personne morale.
Ensuite, les différentes formes de sociétés et autres groupements seront
développées, en insistant davantage sur les sociétés commerciales. Il s’agit
du droit spécial des sociétés et du droit des autres groupements. L’ordre de
l’étude ne doit rien au hasard et se justifie par un apprentissage progressif et
logique des différentes structures. L’accent sera mis sur l’économie sociale
et solidaire en montrant comment le droit des sociétés peut s’adapter à une
vision différente de l’économie.
Le dernier cours sera consacré, d’une part, à la prévention et au règlement
des difficultés et, d’autre part, au droit pénal des groupements d’affaires.

II. Les conseils de travail


L’UE Droit des sociétés et des groupements d’affaires est une matière
passionnante et vivante. Pour autant, le champ de l’étude est
particulièrement vaste et nécessite une très grande rigueur et de la régularité
dans le travail d’apprentissage.

A. PRÉCISION

Le droit est comme une langue étrangère. Il a son vocabulaire et son mode
de raisonnement. Il est donc indispensable de commencer par acquérir une
parfaite connaissance des concepts fondamentaux et de leurs définitions. La
seule définition à apprendre est celle établie par le législateur (ou parfois
par la jurisprudence).
L’apprentissage du droit requiert un vocabulaire spécifique faisant référence
à des concepts précis régis par des règles de droit précises :
le vocabulaire : le droit ne souffre pas d’approximation. Il convient
d’apprendre à « parler droit » ;
les concepts : ils doivent être maîtrisés et ils permettront notamment
d’établir des liens et des distinctions entre les différents groupements ;
les règles de droit : elles doivent être connues précisément, y compris les
références aux textes.

B. RÉGULARITÉ
Il est impératif de travailler régulièrement la matière. Les connaissances
à assimiler sont à la fois nombreuses et précises. Il est donc vivement
conseillé d’établir un planning de travail réparti sur l’année entière et fixant
des échéances régulières. À cet égard, le calendrier de remise des devoirs de
fin de cours constitue une base incontournable.
Très rapidement, des différences importantes vont apparaître entre les
différentes formes de sociétés et à la fin de l’année, le risque de confusion
entre toutes ces règles est grand. Il est donc conseillé de :
répartir l’apprentissage du cours sur toute l’année ;
réaliser des fiches de synthèse sur chaque grande partie du cours ;
travailler de manière transversale en comparant les différentes formes de
sociétés sur des points particuliers (ex. : révocation des dirigeants ;
cessions de titres…).
Un apprentissage régulier et progressif est la seule solution pour aborder
efficacement les examens de fin d’année.
En outre, réussir un examen suppose de s’entraîner aux épreuves. Pour cela,
il faut assimiler les notions, mais également faire les devoirs de fin de cours
et les envoyer à la correction, et ne pas hésiter à s’entraîner, en fin d’année,
avec les sujets d’examen de l’Intec et de l’État qui sont mis à votre
disposition sur la plateforme de formation de l’Intec (https://lecnam.net).

III. Les outils pédagogiques

A. LE SUPPORT DE COURS

L’UE de Droit des sociétés et des groupements d’affaires se compose de


quatre supports de cours qui seront envoyés aux dates indiquées dans le
guide de l’élève au format papier et/ou mis à disposition sur la plateforme
Moodle (https://lecnam.net).
Les trois premiers cours sont consacrés au droit des sociétés et autres
groupements ; le dernier cours est consacré aux entreprises en difficultés et
au droit pénal des affaires.
L’ensemble forme un tout conçu comme « autosuffisant ». Il couvre toutes
les parties du programme de manière suffisamment détaillée. Néanmoins, il
est possible sur des points particuliers de se référer à des ouvrages cités
dans la bibliographie générale à la fin de cet ouvrage.

B. LES RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES

Sur le site https://lecnam.net, un onglet « Ressources complémentaires » de


votre UE vous permet de retrouver des consignes méthodologiques, des
exercices, des tableaux de révision, des points de droit. Il est conseillé de
s’y référer notamment lorsque des réformes interviennent en cours d’année
et qu’elles n’ont pas pu être intégrées dans les supports de cours.

C. LE FORUM DE L’UE

C’est un lieu d’échanges essentiellement entre étudiants. Le responsable de


l’UE peut intervenir ponctuellement quand une question de droit ou une
question technique est posée. Le plus souvent c’est un lieu d’entraide dans
la réalisation des devoirs. Il est à privilégier par rapport aux différents
groupes de discussion de type WhatsApp sur lesquels circulent des
informations souvent erronées.

D. LA BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE POUR APPROFONDIR


LE COURS

Il est indispensable de travailler avec un ouvrage le plus récent possible, car


le droit évolue très rapidement et il faut sans cesse se tenir à jour.
Reportez-vous à la bibliographie générale en fin de cours.
E. INTERNET
Il est nécessaire de travailler sur une documentation juridique fiable et
actualisée. En période d’instabilité législative, la référence doit être le site
Legifrance qui regroupe tous les textes en vigueur, l’essentiel de la
jurisprudence de la Cour de cassation, du Conseil d’État et du Conseil
constitutionnel ainsi que quelques décisions des juridictions du fond.
D’une manière générale, les sites institutionnels doivent être privilégiés :
https://www.service-public.fr ; sites des CCI et les sites des éditeurs
juridiques (Éditions Francis Lefebvre, Dalloz…).

IV. Les devoirs


Dans le cadre de son dispositif pédagogique, l’Intec vous donne la
possibilité de vous entraîner tout au long de l’année en soumettant à la
correction les devoirs se trouvant à la fin de chacun des quatre supports de
cours. Ces devoirs, numérotés de 1 à 5, sont à déposer sur l’application
Devoirs en ligne de l’Intec (Deli) à l’adresse suivante : deli.cnam.fr
Les cours 1, 2 et 3 contiennent respectivement un devoir (devoirs 1 à 3)
et le cours 4 contient deux devoirs (devoirs 4 et 5).
Le calendrier des dates limites de dépôt des devoirs à soumettre à la
correction est à votre disposition, dès votre inscription, depuis l’ENF du
Cnam (https://lecnam.net) dans la rubrique Votre scolarité au Cnam-Intec.
Afin de bien vous préparer à l’examen final, il est vivement recommandé de
faire ces devoirs et de les soumettre à la correction. Les devoirs sont
corrigés par des enseignants de l’Intec pour un retour personnalisé sur votre
travail.
Après la date limite de remise de chaque devoir, le corrigé détaillé et
entièrement rédigé du devoir sera mis en ligne. Il est vivement recommandé
de travailler ce corrigé en le comparant à la copie afin de mieux comprendre
les attendus. Les corrigés des devoirs sont volontairement détaillés, car ils
ont une valeur pédagogique : ils doivent servir d’outil de travail tout au long
de l’année. Ils comprennent donc parfois jusqu’à 10 pages. Il est bien
entendu que le même résultat, aussi précis et aussi complet, est quasiment
impossible à obtenir en 3 heures d’examen et les consignes de correction et
de notation sont définies en conséquence.
Par ailleurs, les élèves qui auront soumis à la correction, dans les délais
impartis, au moins quatre des cinq devoirs et qui auront obtenu une
moyenne égale ou supérieure à 10/20 à quatre des devoirs, bénéficieront
de 1 point de bonification sur la note de l’examen final de l’Intec.

V. Les webconférences
Selon la modalité de formation choisie, vous aurez accès à des
webconférences depuis l’ENF du Cnam.
Les webconférences sont des séances de cours d’un format de deux heures
vous permettant d’interagir en direct avec un enseignant. Elles peuvent
également être visionnées en différé autant de fois que vous le souhaitez.
Les supports utilisés sont mis à disposition et téléchargeables après la
diffusion.
La progression suit celle des cours. Il s’agit de reprendre les notions
fondamentales en les mettant en perspective et de vérifier par des exercices
simples que les notions sont assimilées. C’est le moment privilégié pour
ceux qui étudient seuls et à distance d’avoir un interlocuteur, à condition
que les questions soient courtes.
ATTENTION
Pour participer aux webconférences en direct ou les visionner en différé, il faut disposer
d’une connexion Internet (la lecture s’effectuant en streaming).
Les webconférences ne sont pas téléchargeables.

Document de travail réservé aux élèves de l'INTEC. Toute reproduction sans autorisation écrite est
interdite
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Méthodologie de l’épreuve de Droit
des sociétés et des groupements
d’affaires
L’épreuve de l’UE 2 du DCG, comme celle de l’UE 112 du DGC de l’Intec,
est une « épreuve écrite portant sur l’étude d’une ou plusieurs situations
pratiques et/ou le commentaire d’un ou de plusieurs documents et/ou une ou
plusieurs questions ». L’épreuve dure 3 heures et son libellé renvoie très
clairement à des exercices juridiques qui répondent à des exigences
particulières.
Ces exercices ne s’improvisant pas, sont donc présentées :
la méthodologie de résolution de cas pratique ;
la méthodologie d’analyse d’une décision de justice.

I. La méthodologie de résolution des cas pratiques


Qu’est-ce qu’un cas pratique ?
Le cas pratique est un exercice juridique incontournable qui nécessite de
maîtriser impérativement la méthodologie énoncée ci-après. Cela ne
s’improvise pas et nécessite un apprentissage rigoureux et un entraînement
régulier tout au long de l’année.
Le cas pratique consiste en une situation concrète exposant un ou plusieurs
problèmes juridiques (de manière plus ou moins explicite), qu’il convient de
résoudre en y apportant une solution concrète et justifiée sur le fondement de
règles de droit précises et appropriées.
Cet exercice permet, d’une part, de vérifier l’état des connaissances des
candidats et, d’autre part, révèle le degré de compréhension des règles de
droit apprises ainsi que l’aptitude à développer un raisonnement juridique
rigoureux et justifié.
Ce raisonnement déductif est appelé syllogisme, il est fondé sur deux
éléments – un fait et une règle de droit – dont la confrontation aboutit à une
affirmation.

A. ÉTAPES PRÉALABLES

Une lecture globale du sujet


Elle permet d’identifier les thèmes juridiques abordés et d’éviter les hors
sujets. Elle permet également de « répartir » les connaissances en fonction
des questions posées, sans déborder d’une question sur l’autre.
Les questions peuvent être de deux types :
questions transparentes : l’énoncé pose directement les questions à
résoudre (c’est le cas le plus fréquent en DGC/DCG) ;
questions opaques : l’énoncé reste volontairement vague et il revient au
candidat de déterminer le problème de droit.

Une lecture attentive de la situation juridique


Il est essentiel de faire attention à chaque terme employé dans l’énoncé afin
d’opérer un tri entre les faits essentiels, utiles pour résoudre le ou les
problèmes juridiques soulevés, et ceux totalement inutiles, qui peuvent avoir
été volontairement placés dans l’énoncé pour dérouter les candidats. Il est
impératif de tout lire !
Les faits retenus devront parfois faire l’objet d’une « traduction » juridique
pour pouvoir être ensuite exploités efficacement pour la résolution du cas
pratique. On parle de « qualification juridique » pour désigner cette
opération.
Il convient de ne pas négliger une lecture attentive des documents annexés
au sujet, destinés à orienter son traitement.

Identifier le ou les problèmes de droit ainsi que les règles applicables


Le problème de droit correspond à une question posée de façon théorique à
laquelle il faudra ensuite répondre pour apporter la solution concrète exigée
par l’énoncé.
Le problème de droit fait forcément référence à un point de cours. Une fois
le problème de droit identifié, les règles de droit applicables s’imposeront de
manière logique et cohérente.

Réfléchir à l’application des règles de droit relatives à la situation qui


vous est soumise
À ce stade, il faut envisager la manière dont les règles de droit peuvent
s’appliquer à la situation concrète à résoudre et à la solution qui en découle.

Rédaction de la réponse
La structure de la réponse est détaillée ci-après.

B. STRUCTURE DE LA RÉPONSE

Rappel des faits


Cette étape est considérée comme facultative, elle est néanmoins
recommandée. Attention cependant à être concis, il n’est pas question ici de
recopier l’énoncé.
Il s’agit de mettre en évidence les parties en présence, les liens juridiques,
les principaux actes juridiques visés par l’énoncé et utiles pour la résolution
du cas. C’est une opération de qualification juridique avec le souci de la
chronologie des faits.
Le rappel des faits ne doit pas dépasser deux ou trois lignes, ni être
chronophage.

Formulation du problème de droit


C’est la difficulté majeure du cas pratique. La formulation du problème de
droit se fait généralement sous forme interrogative, mais cela ne constitue
pas une obligation. En revanche, le problème de droit doit impérativement
être formulé de manière générale et impersonnelle, sans référence aux
données de l’espèce.
S’agissant de questions transparentes, il suffira le plus souvent de les
reprendre en gommant la référence directe aux éléments du sujet afin
d’obtenir une question formulée en termes abstraits. Sinon, il s’agit de
théoriser une situation concrète de façon à pouvoir rechercher dans un
manuel la règle qui va s’appliquer.

Présentation des règles de droit applicables


Il faut faire un exposé théorique des règles de droit applicables, sans les
appliquer tout de suite à la situation soumise.
Il ne faut donc intégrer aucun élément de fait dans le cadre de ce paragraphe.
Il faut être exhaustif : il est inconcevable de présenter par la suite un élément
de réponse fondé sur une règle de droit qui n’aurait pas été exposée au
préalable.
Parfois, il peut être nécessaire de présenter une règle de droit qui ne fera pas
l’objet d’une application à la situation de fait. Ainsi, si la solution repose sur
une exception, il est indispensable de commencer par exposer le principe,
par souci de cohérence.
REMARQUE

La notion de règle de droit désigne les textes et plus rarement des


solutions jurisprudentielles. Donc, une clause statutaire ou
contractuelle ne saurait être considérée comme règle de droit. Il s’agit
en réalité d’éléments de fait qui seront confrontés aux règles de droit
applicables.

Application des règles de droit à la situation concrète, dans le cadre


d’un raisonnement déductif précis et rigoureux
L’objectif est de parvenir à une solution concrète. Il convient ainsi de
confronter les éléments de fait aux éléments de droit précités.
Chaque élément de réponse doit être justifié sur le fondement des règles de
droit préalablement présentées. À l’issue du raisonnement, la solution
s’imposera de façon logique.
Parfois la solution ne peut pas être affirmée de manière péremptoire et
nécessite de formuler plusieurs hypothèses et réponses possibles.
La solution ne doit en aucun cas conduire à donner un avis sur le bien-
fondé d’une règle de droit, ni à raisonner en fonction de ce qui peut
sembler juste ou injuste.

C. CONSEILS DE FORME

La copie doit être correctement et entièrement rédigée. On ne peut y tolérer


des abréviations, des fautes d’orthographe ou de syntaxe, un style
télégraphique…
Il est préférable d’utiliser des phrases courtes mais bien construites (sujet,
verbe, complément), en évitant les digressions trop longues sans intérêt et
qui font perdre un temps précieux.
Il n’est pas nécessaire d’identifier chacun des paragraphes par un intitulé :
« résumé des faits », « problème de droit », « règles applicables »,
« application à l’espèce ». Il suffit de présenter des paragraphes distincts en
sautant une ligne ou deux entre chaque paragraphe. Pour autant une telle
présentation n’est évidemment pas sanctionnée.

II. La méthodologie de l’analyse d’une décision de


justice
L’étude d’un ou de plusieurs cas pratiques peut être accompagnée d’un
commentaire de document(s). À ce titre, il est parfaitement concevable et
même fréquent que le document à analyser soit une décision de justice. Il
convient donc de s’y préparer.
Les décisions de justice les plus intéressantes, tant d’un point de vue
purement juridique que du point de vue des examens universitaires sont les
arrêts rendus par la Cour de cassation. C’est pourquoi la méthodologie qui
suit se concentre sur ce type de décisions.
Dans le cadre du DCG/DGC, si une décision de justice est présentée au titre
du commentaire de document(s), il est vraisemblable qu’elle soit
accompagnée de questions précises destinées à guider le commentaire.
Néanmoins il n’est pas exclu que l’énoncé ne comporte qu’une seule
directive : « Réalisez une fiche d’arrêt. »
La méthodologie qui suit met l’accent sur une bonne compréhension des
arrêts de la Cour de cassation par une lecture méthodique et facilitée. Les
étapes incontournables de la fiche d’arrêt seront également exposées.

A. LECTURE ET COMPRÉHENSION D’UN ARRÊT DE LA


COUR DE CASSATION

1. Un vocabulaire spécifique
La Cour de cassation est la juridiction suprême de l’ordre judiciaire. Les
juridictions françaises sont réparties en deux ordres : l’ordre administratif et
l’ordre judiciaire. L’existence de ces deux ordres est fidèle à la distinction
classique qui domine le droit français : droit public/droit privé.
Le droit des sociétés est une des branches du droit privé. Les litiges de droit
des sociétés sont donc traités exclusivement par les juridictions de l’ordre
judiciaire.
Cependant en fin d’année, le droit pénal sera abordé et la procédure, certes
judiciaire, obéit à une logique propre.
L’organisation de l’ordre judiciaire français est fondée sur un modèle
hiérarchique impliquant notamment un double degré de juridiction. Par
conséquent, l’analyse d’un litige peut faire intervenir successivement
plusieurs juridictions. Il est impératif de maîtriser les principes
fondamentaux de l’organisation judiciaire française ainsi que le vocabulaire
spécifique qui lui est attaché. Si les connaissances semblent fragiles en la
matière, il est fortement recommandé de se référer à un cours ou à un
manuel d’introduction au droit ou de fondamentaux du droit.
Organisation juridictionnelle nationale française

* La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de


réforme pour la justice a entraîné une redéfinition de la première instance
avec la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance en tribunaux
judiciaires au 1er janvier 2020. Cette même loi a également prévu l’extension
du domaine des modes alternatifs de règlement des litiges et une redéfinition
du périmètre de la représentation obligatoire par un avocat.
Ci-après et en gras quelques éléments de vocabulaire judiciaire qui doivent
impérativement être connus et utilisés s’agissant de l’analyse d’une décision
de justice à l’examen.
a) Pour un litige donné, le parcours judiciaire commence par une action en
première instance. Cette première action en justice est exercée devant une
juridiction dite « du premier degré ». On parle alors d’assignation en
justice. Cette assignation est réalisée devant une juridiction qui porte le plus
souvent le nom de « tribunal » (ex. : tribunal de commerce, tribunal
judiciaire, etc.) et qui rendra un jugement.
La personne qui introduit cette action en justice est appelée le
« demandeur » (demanderesse, au féminin). La personne contre qui cette
action est exercée s’appelle le « défendeur » (ou défenderesse, au féminin).
Le jugement du premier degré peut, soit recevoir (ou accueillir) la demande,
soit la rejeter (ou la débouter).
ATTENTION
Il faut impérativement utiliser le terme « jugement » pour désigner la décision rendue par
la juridiction du premier degré, et non pas le terme « arrêt » (qui est réservé aux décisions
rendues par les cours d’appel et par la Cour de cassation).
b) Si l’une des parties ne se satisfait pas du jugement rendu en première
instance, elle peut exercer un recours afin que le litige soit à nouveau jugé,
mais cette fois-ci par une autre juridiction (hiérarchiquement supérieure à la
première). Cette seconde juridiction, dite « du second degré », est la cour
d’appel. Le recours exercé devant elle est l’appel.
La personne qui exerce ce recours est dénommée « l’appelant », la partie
adverse étant appelée « l’intimé ». On dit alors que l’appelant interjette
appel, ou qu’un appel est interjeté par l’appelant. La cour d’appel rejuge
totalement l’affaire et sa décision se substitue à celle rendue par la
juridiction du premier degré. La solution rendue par la cour d’appel est
qualifiée d’« arrêt » (ne surtout pas utiliser ici le terme « jugement »). Cet
arrêt peut soit :
aller dans le même sens que la décision rendue au premier degré (on parle
alors d’arrêt confirmatif) ;
donner une solution différente de celle du premier degré (on parle alors
d’arrêt infirmatif).
REMARQUE

Il est important de regarder, dans la décision de la Cour de cassation, si


l’arrêt rendu par la cour d’appel était infirmatif ou confirmatif. En
effet, ce renseignement permet de déterminer la solution rendue au
premier degré et de retracer alors l’intégralité du parcours judiciaire du
litige. Toutefois, cette précision n’est pas toujours présente dans les
arrêts de la Cour de cassation.

c) Si l’une des parties n’est pas satisfaite de la solution rendue par la cour
d’appel, il est possible d’exercer un nouveau recours, cette fois-ci devant la
Cour de cassation : un pourvoi en cassation. Cependant, ce second recours
ne permet pas de faire rejuger l’affaire. En effet, la Cour de cassation n’est
pas un 3e degré de juridiction : elle ne juge pas les faits, elle est
exclusivement juge du droit. Autrement dit, elle se borne à vérifier que le
droit a été correctement appliqué par la cour d’appel. L’analyse de la
Cour de cassation porte donc uniquement sur la solution de la cour d’appel
et sur les arguments avancés par celle-ci pour justifier sa solution. La Cour
de cassation ne donne donc pas de solution concrète à un litige. Selon qu’elle
approuve ou désapprouve le raisonnement et les arguments de la cour
d’appel, elle rejettera ou acceptera le pourvoi formé devant elle.
L’auteur du pourvoi en cassation est le « demandeur au pourvoi » (ne pas
confondre avec le demandeur initial, qui a introduit la première action en
justice au premier degré). La partie adverse est le « défendeur au
pourvoi ». On dit que X a formé un pourvoi en cassation ou que X s’est
pourvu en cassation. Dans le cadre de son pourvoi en cassation, le
demandeur développe des arguments : ces arguments sont appelés des
« moyens ». Il peut y avoir un seul argument (on parlera alors de moyen
unique) ou plusieurs arguments (il sera alors question du premier moyen,
puis du deuxième moyen, etc.). Chaque moyen peut être décomposé en
branches.
Une expression est très souvent présente dans les arrêts rendus par la Cour
de cassation : celle-ci précise que l’auteur du pourvoi « fait grief àl’arrêt
attaqué… ».
Faire grief signifie reprocher. L’expression « l’arrêt attaqué » fait toujours
référence à l’arrêt rendu par la cour d’appel ; généralement un lieu et une
date figurent entre parenthèses, ils correspondent au lieu du siège de la cour
d’appel et à la date à laquelle cette cour d’appel a rendu son arrêt.
La Cour de cassation ne peut rendre que deux types d’arrêts :
soit un arrêt de rejet ;
soit un arrêt de cassation.
Si la Cour de cassation approuve l’arrêt rendu par la cour d’appel, elle
rejettera alors le pourvoi et rendra un arrêt de rejet. La solution rendue par
la cour d’appel est donc définitivement validée. L’affaire ne sera donc pas
rejugée.
En revanche, si la Cour de cassation désapprouve la cour d’appel (elle trouve
donc le pourvoi justifié), elle rendra un arrêt de cassation. Dans ce cas, la
Cour de cassation « casse et annule » (totalement ou partiellement) l’arrêt
rendu par la cour d’appel. Dans la mesure où la Cour de cassation ne peut
pas se prononcer sur les faits, elle va alors renvoyer l’affaire devant une
juridiction du second degré, apte à donner une solution concrète au litige :
soit une autre cour d’appel, soit la même cour d’appel mais autrement
composée.
Parfois, la Cour de cassation approuve une partie de l’arrêt rendu par la cour
d’appel mais en désapprouve le reste : elle rend alors un arrêt de cassation
partielle.

2. Structure des arrêts de la Cour de cassation


a. La structure classique des arrêts de la Cour de cassation
Les arrêts de la Cour de cassation étaient jusqu’à présent rédigés en une
seule phrase, organisée en plusieurs paragraphes (débutant tous par la
locution « attendu que », laquelle marque une nouvelle étape du
raisonnement et peut être assimilée à l’expression courante « étant donné
que »).
La connaissance de la structure de ces arrêts permet, dès la première lecture,
d’isoler les différentes parties composant l’arrêt et ainsi de pouvoir repérer et
comprendre plus facilement la solution de la Cour de cassation ainsi que sa
justification.
Cette structure, toujours identique, diffère quelque peu selon que l’arrêt
rendu par la juridiction suprême est un arrêt de rejet ou un arrêt de cassation.
La structure des arrêts de rejetLa structure des arrêts de rejet
Un arrêt de rejet se compose de trois parties :
la première partie présente les éléments de fait et de procédure (ceux sur
lesquels la cour d’appel s’est fondée pour rendre sa décision) ;
la deuxième partie, introduite par « Alors selon le moyen que… » présente
les arguments que développe l’auteur du pourvoi pour contester la solution
rendue par la cour d’appel ;
la troisième partie, introduite par « Mais attendu que… », expose le
raisonnement et la réponse de la Cour de cassation. Il s’agit, bien entendu,
de la partie essentielle de l’arrêt. L’utilisation du « Mais… » démontre
bien que la Cour de cassation s’oppose ici aux arguments de l’auteur du
pourvoi.
ATTENTION
Ces trois parties ne correspondent pas exactement aux limites des différents paragraphes de
l’arrêt. Pour isoler ces trois parties, il est donc impératif de repérer les expressions « alors
selon le moyen que… » et « Mais attendu que… ». Nous vous conseillons de les entourer
ou de les surligner afin de mieux visualiser la structure de l’arrêt.
Prenez garde au contenu de la deuxième partie : elle commence par « Attendu que… » et
rappelle parfois la solution de la cour d’appel avant de présenter les arguments du pourvoi,
exposé qui doit être analysé et qui commence toujours par « alors que… ».
La structure des arrêts de cassationLa structure des arrêts de
cassation
Un arrêt de cassation se compose généralement de quatre parties :
la première partie est le visa : la Cour de cassation fait référence au texte
sur lequel elle se fonde ensuite pour donner sa réponse (dans ce type
d’arrêt, la Cour de cassation conteste la solution rendue par la cour
d’appel) ; parfois, elle complète le numéro de l’article du Code ou de la loi
en énonçant le principe contenu dans ce texte ;
la deuxième partie présente les éléments de fait et de procédure (ceux que
la cour d’appel a pris en compte pour donner sa réponse) ;
la troisième partie expose le contenu de l’arrêt rendu par la cour d’appel et
présente le raisonnement de celle-ci ;
enfin, la quatrième partie présente la réponse et le raisonnement de la
Cour de cassation : sont ici exposées les raisons pour lesquelles la Cour de
cassation conteste l’arrêt rendu par la cour d’appel et justifie ainsi sa
décision de cassation.
ConclusionConclusion
Si ces éléments sont maîtrisés, la lecture et la compréhension des arrêts
rendus par la Cour de cassation deviennent relativement aisées.
Lors d’un examen comportant une analyse d’arrêt (au niveau DGC/DCG),
deux solutions sont envisageables :
soit l’énoncé pose des questions précises ; il s’agit alors d’y répondre tout
simplement, sans avoir besoin de suivre une méthodologie particulière ;
soit l’énoncé demande de réaliser une fiche d’arrêt.
La première hypothèse est la plus probable. Néanmoins, par mesure de
sécurité, la méthodologie classique de la fiche d’arrêt est présentée ci-après.
Il est conseillé de la connaître malgré tout.
REMARQUE

La maîtrise de la structure classique est indispensable, car elle permet


d’appréhender les arrêts antérieurs à la mise en œuvre de la nouvelle
rédaction des arrêts par la Cour de cassation, cette nouvelle rédaction
ne se mettant par ailleurs en œuvre que progressivement. Nombre
d’arrêts rendus actuellement empruntent encore la rédaction
traditionnelle.

b. La nouvelle rédaction des arrêts de la Cour de cassation


Depuis la fin de l’année 2019, dans un souci de faciliter l’accessibilité au
droit, la Cour de cassation a décidé de faire évoluer la rédaction de ses
décisions.
Un nouveau style de rédaction pour tous les arrêtsUn nouveau style
de rédaction pour tous les arrêts
La phrase unique introduite par des « attendus » est abandonnée au profit
d’une rédaction en style direct, accompagnée d’une numérotation des
paragraphes, assortie de titres de plusieurs niveaux.
Tout arrêt devra comporter trois parties bien identifiées :
1. Faits et procédure
L’énoncé des faits commence par « selon l’arrêt attaqué » pour bien
marquer la distanciation de la Cour de cassation par rapport aux données
factuelles. Les faits sont exposés au passé composé.
2. Examens de moyens au pourvoi
Énoncé (reproduction intégrale du moyen soulevé) / Exposé (résumé du
moyen soulevé)
Réponse de la Cour de cassation
3. Dispositif
« Par ces motifs, la Cour… »
Si besoin, une rubrique supplémentaire intitulée « Portée et conséquences
de la cassation » peut être insérée avant le dispositif.
Une motivation en forme développée pour certains arrêtsUne
motivation en forme développée pour certains arrêts
La motivation en forme développée n’a pas vocation à s’appliquer à toutes
les décisions, mais à enrichir celles qui le justifient plus particulièrement :
les revirements de jurisprudence, les questions de principe ou intéressantes
pour le développement du droit, l’interprétation d’un texte nouveau, une
question importante pour l’unité de la jurisprudence, lorsqu’il sera question
de la garantie d’un droit fondamental ou lors d’une demande de renvoi
préjudiciel à la CJUE ou à la CEDH.
La motivation en forme développée consiste à :
à expliquer s’il y a lieu la méthode d’interprétation retenue par la Cour des
textes pertinents ;
à faire mention des solutions alternatives non retenues lorsqu’elles ont été
sérieusement discutées au cours du délibéré, en mettant en évidence les
raisons pour lesquelles elles ont été écartées ;
quand il y a lieu, en particulier en cas de revirement de jurisprudence, à
citer les « précédents » pour donner une traçabilité à l’arrêt au sein de la
jurisprudence de la Cour ;
à faire état des études d’incidence (lorsqu’elles existent et qu’elles ont
rempli un rôle conséquent dans le choix de la solution retenue) ;
en cas de cassation partielle avec renvoi devant une juridiction du fond, à
donner dans les motifs mêmes de l’arrêt toutes précisions utiles sur ce qui
reste à juger.
REMARQUE

Pour l’heure, l’appréciation de cette réforme reste mitigée. Certes, elle


est « dans l’air du temps : se justifier, expliquer, clarifier » ; elle vise à
une meilleure accessibilité du droit « comme si le droit était une
grammaire ouverte, sans concept ni notion ». « On gagne alors en
lisibilité ce qu’on perd en âme, en tradition et finalement en fierté, si
jamais on aimait être juriste avant d’être lecteur », regrette le
professeur Nicolas Molfessis2, qui appelait pourtant de ces vœux cette
réforme et met en cause une modification de la forme sans supplément
de fond.

B. RÉALISATION D’UNE FICHE D’ARRÊT

Exercice classique et incontournable dans les facultés de droit, la fiche


d’arrêt constitue en réalité un travail indissociable d’un autre : le
commentaire d’arrêt. Le contenu de la fiche d’arrêt doit mettre en évidence
les éléments clés de l’arrêt et constitue l’introduction du commentaire
d’arrêt. Dans la mesure où nous ne sommes pas en faculté de droit, nous
laisserons volontairement de côté la technique du commentaire d’arrêt.
Concentrons-nous donc sur la méthodologie de la fiche d’arrêt !
La fiche d’arrêt comprend cinq étapes.
Le résumé des faits
Il s’agit ici de présenter de manière objective et chronologique les faits ayant
abouti au litige. Il peut arriver, dans les arrêts de rejet notamment, que
certains éléments de fait soient présentés dans les arguments de l’auteur du
pourvoi ou dans la réponse de la Cour de cassation ; il faut en tenir compte et
les intégrer dans le résumé des faits. Il n’est pas question ici d’anticiper sur
la présentation de la procédure judiciaire ou de prendre parti. Il faut rester
neutre et ne pas se laisser influencer par la solution de la Cour de cassation
ou des autres juridictions. Il s’agit des faits tels qu’ils se sont déroulés pour
donner lieu au litige.
La présentation de la procédure judiciaire antérieure
Il faut ici présenter les différentes étapes de la procédure judiciaire, de la
première instance jusqu’au pourvoi en cassation. Cela implique de distinguer
les trois étapes suivantes :
juridiction du premier degré : il faut indiquer qui est le demandeur, qui est
le défendeur et quel est le sens du jugement prononcé (le plus souvent
juste un mot « confirmatif » ou « infirmatif » donne le sens de la décision
du premier degré) ;
juridiction du second degré : il faut indiquer qui a interjeté appel, qui est
l’intimé, quelle a été la cour d’appel saisie, à quelle date elle a rendu son
arrêt et quelle est la solution prononcée ;
indiquer qui s’est pourvu en cassation.
La formulation du problème de droit posé à la Cour de cassation
Une ou plusieurs questions de droit peuvent être formulées. Comme pour la
résolution de cas pratiques, le problème de droit doit être formulé en termes
généraux et abstraits, sans référence aux données de l’espèce. C’est la
question de droit telle qu’elle se pose aux juges.
La présentation des arguments développés par l’auteur du pourvoi ou
les arguments de la cour d’appel selon que l’arrêt est de rejet ou de
cassation
Il s’agit de les lister et de les présenter de manière synthétique, sans recopier
l’arrêt mot pour mot.
La présentation de la décision et du raisonnement de la Cour de
cassation
Il faut ici bien expliquer le raisonnement mis en œuvre par la Cour de
cassation et ne pas se contenter de dire qu’elle rejette le pourvoi ou qu’elle
casse l’arrêt de la cour d’appel. À cette fin, la justification avancée par la
Cour de cassation doit être précisément exposée.
MÉTHODOLOGIE
Conseil à suivre
Ne surtout pas recopier des paragraphes entiers de l’arrêt pour réaliser cette fiche
d’arrêt ! Cela ne sert à rien. De telles réponses ne peuvent pas être validées par les
correcteurs. L’évaluation porte sur une analyse et une rédaction personnelles. Certes,
certains termes utilisés par la Cour de cassation peuvent être repris, mais il faut que l’écrit
reste essentiellement personnel, afin que les correcteurs puissent constater le degré de
compréhension de l’arrêt du candidat.
Bonne année universitaire !

Document de travail réservé aux élèves de l'INTEC. Toute reproduction sans autorisation écrite est
interdite
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Plan annuel de l’UE 112

COURS 1

Partie 1 L’entreprise en société


Chapitre 1. La notion de société
Section 1. La définition de la société
Section 2. Les intérêts de la société
Section 3. Les différents types de sociétés : classifications
Section 4. La législation applicable aux sociétés
Chapitre 2. Le contrat de société
Section 1. Les conditions générales de validité du contrat
Section 2. Les conditions spécifiques de validité du contrat de
société
Section 3. Le non-respect des conditions de validité : les cas de
nullité
Chapitre 3. La société personne morale
Section 1. La naissance de la société personne morale
Section 2. Le fonctionnement de la société personne morale
Section 3. Les évolutions de la société personne morale

Partie 2 La société en nom collectif


Chapitre 1. La constitution d’une SNC
Section 1. Les conditions de fond
Section 2. Les conditions de forme et les formalités de publicité
Chapitre 2. Le fonctionnement de la SNC
Section 1. La gérance
Section 2. Le contrôle de la gestion
Section 3. Les décisions collectives
Chapitre 3. Les associés de la SNC
Section 1. Les droits et obligations des associés
Section 2. Les parts sociales
Chapitre 4. La transformation et la dissolution de la SNC
Section 1. La transformation de la SNC
Section 2. La dissolution de la SNC

Partie 3 La société à responsabilité limitée


Chapitre 1. La constitution d’une SARL
Section 1. Les conditions de fond
Section 2. Les conditions de forme et les formalités de publicité
Chapitre 2. Le fonctionnement de la SARL
Section 1. La gérance de la SARL
Section 2. Le contrôle de la gestion
Section 3. Les décisions collectives
Chapitre 3. Les associés de la SARL
Section 1. Les droits et obligations des associés
Section 2. Les parts sociales
Chapitre 4. La transformation et la dissolution de la SARL
Section 1. La transformation de la SARL
Section 2. La dissolution de la SARL
Chapitre 5. L’EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité
limitée)
Section 1. La création de l’EURL
Section 2. Le fonctionnement de l’EURL
Section 3. Les droits et obligations de l’associé unique
Section 4. La dissolution de l’EURL
COURS 2

Partie 4 La société anonyme


Chapitre 1. La constitution d’une SA
Section 1. Les conditions de fond
Section 2. Les conditions de forme et les formalités de publicité
Chapitre 2. La gestion des SA
Section 1. Les SA dotées d’un conseil d’administration
Section 2. Les SA dotées d’un directoire et d’un conseil de
surveillance
Chapitre 3. Les assemblées d’actionnaires
Section 1. Les règles communes à toutes les assemblées
Section 2. Les règles particulières à certaines assemblées
Chapitre 4. Les modifications du capital social dans les SA
Section 1. L’augmentation du capital social
Section 2. La réduction du capital social
Section 3. L’amortissement du capital social
Chapitre 5. Le contrôle des SA
Section 1. Les commissaires aux comptes
Section 2. L’expertise de gestion
Chapitre 6. La transformation et la dissolution des SA
Section 1. La transformation des SA
Section 2. La dissolution des SA

Partie 5 La société par actions simplifiée


Chapitre 1. La constitution d’une SAS
Section 1. Les conditions de fond
Section 2. Les conditions de forme
Chapitre 2. Le fonctionnement de la SAS
Section 1. La direction
Section 2. Le contrôle de la direction
Section 3. Les décisions collectives
Chapitre 3. Les associés de la SAS
Section 1. Les droits des associés
Section 2. L’admission et le retrait des associés
Section 3. La dissolution de la SAS
Chapitre 4. La SAS unipersonnelle
Section 1. La création de la SAS unipersonnelle
Section 2. Le fonctionnement de la SAS unipersonnelle
Section 3. La dissolution de la SAS unipersonnelle

Partie 6 Les valeurs mobilières


Chapitre 1. Les règles générales applicables aux valeurs
mobilières
Section 1. Les règles communes à toutes les valeurs mobilières
Section 2. Les règles propres aux titres admis aux négociations
sur un marché réglementé
Chapitre 2. Les actions
Section 1. Les caractéristiques des actions
Section 2. Les droits et obligations attachés aux actions
Section 3. La circulation des actions
Section 4. Les pactes d’actionnaires
Chapitre 3. Les obligations
Section 1. Les caractéristiques des obligations
Section 2. L’émission des obligations
Section 3. Le groupement des obligataires
Section 4. Les droits des obligataires
Chapitre 4. Les valeurs mobilières composées
Section 1. L’émission de valeurs mobilières composées
Section 2. La protection des porteurs de valeurs mobilières
donnant droit à l’attribution de titres de capital

COURS 3

Partie 7 Les sociétés en commandite


Chapitre 1. La société en commandite simple
Section 1. La constitution d’une SCS
Section 2. Le fonctionnement de la SCS
Section 3. La dissolution de la SCS
Chapitre 2. La société en commandite par actions
Section 1. La constitution d’une SCA
Section 2. Le fonctionnement de la SCA
Section 3. Les associés de la SCA
Section 4. La dissolution de la SCA

Partie 8 Les sociétés civiles


Chapitre 1. La société civile de droit commun
Section 1. La constitution d’une société civile
Section 2. Le fonctionnement de la société civile
Section 3. Les associés de la société civile
Section 4. La dissolution et la liquidation de la société civile
Chapitre 2. Les sociétés civiles particulières
Section 1. Les sociétés civiles du secteur immobilier
Section 2. Les sociétés civiles professionnelles
Section 3. Les sociétés civiles de moyens
Chapitre 3. Les groupements du secteur agricole
Section 1. Le groupement agricole d’exploitation en commun
Section 2. Le groupement foncier agricole
Section 3. La société civile d’exploitation agricole
Section 4. L’exploitation agricole à responsabilité limitée

Partie 9 Les sociétés d’exercice libéral


Chapitre 1. Les dispositions communes à toutes les SEL
Section 1. La constitution d’une SEL
Section 2. L’organisation et le fonctionnement de la SEL
Chapitre 2. Les dispositions particulières applicables aux
différentes formes de SEL
Section 1. La société d’exercice libéral à responsabilité limitée
Section 2. La société d’exercice libéral à forme anonyme
Section 3. La société d’exercice libéral en commandite par
actions
Section 4. La société d’exercice libéral par actions simplifiée

Partie 10 Les sociétés sans personnalité morale


Chapitre 1. La société en participation
Section 1. La constitution d’une société en participation
Section 2. Le fonctionnement de la société en participation
Section 3. La dissolution de la société en participation
Chapitre 2. La société créée de fait
Section 1. L’appréhension de la société créée de fait
Section 2. La démonstration de la société créée de fait

Partie 11 Les groupements d’intérêt économique


Chapitre 1. Le GIE
Section 1. La constitution d’un GIE
Section 2. Le fonctionnement du GIE
Section 3. Les membres du GIE
Section 4. La transformation et la dissolution du GIE
Chapitre 2. Le GEIE
Section 1. La constitution d’un GEIE
Section 2. Le fonctionnement du GEIE
Section 3. Les membres du GEIE
Section 4. La transformation et la dissolution du GEIE

Partie 12 L’économie sociale et solidaire


Chapitre 1. Les principes de l’économie sociale et solidaire
Section 1. La définition et le périmètre de l’ESS
Section 2. Les enjeux de l’ESS
Chapitre 2. L’association
Section 1. La constitution d’une association
Section 2. Le fonctionnement de l’association
Section 3. La dissolution et la liquidation de l’association
Chapitre 3. La société coopérative
Section 1. La constitution d’une coopérative
Section 2. Le fonctionnement et la dissolution de la société
coopérative
Section 3. Quelques sociétés coopératives particulières

COURS 4

Partie 13 Le droit des entreprises en difficulté


Chapitre 1. La prévention et le traitement amiable des difficultés
des entreprises
Section 1. La prévention des difficultés des entreprises
Section 2. Le traitement amiable des difficultés
Chapitre 2. Le traitement judiciaire des difficultés
Section 1. La procédure judiciaire de sauvegarde
Section 2. La procédure de redressement judiciaire
Section 3. La procédure de liquidation judiciaire

Partie 14 Droit pénal général, les principes


fondamentaux
Chapitre 1. Les faits punissables
Section 1. La loi pénale et les principes fondamentaux du droit
pénal
Section 2. Les éléments constitutifs de l’infraction
Chapitre 2. Les personnes responsables
Section 1. La responsabilité pénale des personnes physiques
Section 2. La responsabilité pénale des personnes morales
Chapitre 3. Les procédures applicables
Section 1. Le déclenchement des poursuites
Section 2. Les mesures alternatives aux poursuites
Section 3. L’instruction
Section 4. La fin de la procédure
Chapitre 4. Les sanctions
Section 1. Les peines prévues par la loi
Section 2. Les peines prononcées par le juge

Partie 15 Droit pénal spécial, les incriminations


Chapitre 1. Les incriminations de droit commun visant la
protection des biens et de la morale des affaires
Section 1. L’escroquerie
Section 2. L’abus de confiance
Section 3. Le faux et l’usage de faux
Section 4. Le recel
Chapitre 2. Le droit pénal des sociétés
Section 1. Les principales infractions
Section 2. Les autres infractions

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Objectifs du cours 1

Le droit des sociétés est un droit qui a accompagné les


mutations économiques et proposé des formes juridiques
toujours plus adaptées aux besoins de la pratique. Il
convient donc de présenter les grandes évolutions
historiques et économiques ayant donné naissance aux
différentes formes sociétaires, d’identifier les sources du
droit des sociétés, et de présenter les différentes
classifications des groupements. La forme sociétaire
n’étant pas la seule forme juridique utilisée pour
l’exercice d’une activité économique, il sera nécessaire
de la distinguer des formes voisines de groupements.
La société est à la fois un contrat entre associés et une
personne juridique autonome. Cette double nature donne
à la société un statut juridique particulier. La nature
contractuelle de la société se révèle à travers le contrat
de société, acte fondateur, dont les différents éléments
constitutifs doivent être étudiés avec attention.
Mais au cours de la vie sociétaire, les volontés
individuelles vont parfois être dépassées au profit d’un
intérêt social qui s’imposera aux associés. La
compréhension de cette double nature permet de voir la
société comme un instrument juridique au service de la
liberté individuelle et contractuelle qui a toutefois une
autonomie certaine par rapport à la volonté de ses
créateurs.
Il conviendra dès lors de maîtriser le contrat de société,
en particulier les conditions de validité du contrat de
société et ses éléments spécifiques, ainsi que les
formalités de constitution des sociétés.
Il sera également nécessaire de maîtriser les
caractéristiques de la société en tant que personne
morale : connaître et comprendre les règles encadrant
l’acquisition de la personnalité morale, mais aussi les
règles générales gouvernant le fonctionnement de la
société, son individualisation et sa capacité juridique.
Une fois posées les bases de l’entreprise en société, il
sera temps de commencer l’étude du droit spécial des
sociétés. Il sera donc nécessaire de maîtriser le régime
des sociétés à risques illimités avant d’aborder celui des
sociétés hybrides, les SARL.

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PARTIE 1
L’entreprise en société
Le droit ne définit pas la notion d’entreprise, considérée comme une notion
purement économique. En droit, une entreprise est soit un entrepreneur
personne physique, soit une société personne morale. Et si le droit français
s’attache généralement à désigner précisément le type de personne juridique
visé par un texte, il arrive qu’il vise les entreprises en général quand la
réglementation a vocation à s’appliquer quelle que soit la forme juridique
d’exploitation de l’activité économique. C’est le cas notamment du droit
des entreprises en difficulté.
Il est communément admis que l’entreprise est un ensemble de moyens
humains, matériels et financiers orientés vers une finalité économique, le
plus souvent la mise sur le marché de biens ou de services. Elle est donc
composée de personnes et de biens, tout en étant irréductible à l’une de ces
notions juridiques et dénuée de personnalité juridique. La société va alors
constituer une technique d’organisation de l’entreprise. Néanmoins, si toute
entreprise n’est pas forcément exploitée sous forme sociétaire, la réciproque
est également vraie et toute société n’a pas vocation à exploiter une
entreprise. Il est donc nécessaire de préciser la notion de société
(Chapitre 1).
On verra ainsi que la société est à la fois un contrat entre associés et une
personne juridique autonome. Cette double nature donne à la société un
statut juridique particulier. La nature contractuelle de la société se révèle à
travers le contrat de société, acte fondateur, dont les éléments constitutifs
doivent être étudiés avec attention (Chapitre 2). La personnalité morale de
la société lui donne une autonomie certaine dans le cadre déterminé par la
loi tant en ce qui concerne sa constitution, son fonctionnement que sa
disparition (Chapitre 3).
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CHAPITRE 1.
La notion de société
La notion de société doit aujourd’hui s’accommoder d’un succès qui la rend
fort hétérogène. Ses finalités sont devenues si diverses que sa définition
légale tend à suivre cette évolution. Il est donc nécessaire de revenir sur la
définition de la société (Section 1) avant de présenter les intérêts du recours
à la forme sociétaire (Section 2) et les classifications des différents types de
sociétés (Section 3). Enfin, s’agissant d’un droit en perpétuel mouvement, il
sera nécessaire de faire le point sur la législation applicable (Section 4).

SECTION 1.
La définition de la société

Article 1832 du Code civil


« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat
d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le
bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule
personne.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »

I. La société contrat
Il ressort de cette définition que la société est un contrat par lequel deux ou
plusieurs personnes, physiques ou morales, mettent quelque chose en
commun en vue de se partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui
pourra en résulter. C’est donc l’acte constitutif de la société, qui peut, dans
les cas prévus par la loi (SARL – société à responsabilité limitée – ou SAS
– société par actions simplifiée) être un acte de volonté unilatéral émanant
d’une seule personne.

II. La société personne morale


Le mot société a un autre sens. Les biens apportés par chaque associé sont
réunis pour former un patrimoine distinct de celui des associés et affecté à
l’exploitation convenue. On a alors été conduit à dire que ce patrimoine est
celui d’une personne juridique autonome, la personne morale.
Le terme société désigne en réalité deux notions différentes : le contrat et la
personne morale.
Le plus souvent, la conclusion du contrat de société aboutit, après
accomplissement des formalités de publicité et l’immatriculation au RCS
(registre du commerce et des sociétés) à la création d’une personne morale.
Il arrive quelquefois que cette étape ne soit pas franchie : la société est alors
réduite à un simple contrat de société. Or, ces sociétés dépourvues de la
personnalité morale sont fréquentes en pratique.
Dans la suite du cours, le mot « société » employé seul, désignera la
personne morale qu’est la société. Pour viser l’autre sens, la formule sera
« contrat de société ».

III. Le débat sur la nature de la société


Société : contrat ou institution ? Le débat qui a longtemps agité la
doctrine est aujourd’hui passé de mode et ne présente plus qu’un intérêt
limité et historique.
Si la société est généralement issue d’un contrat conclu entre deux ou
plusieurs personnes, elle n’en est pas moins dans la plupart des situations
une personne morale poursuivant des intérêts propres distincts de ceux des
associés. Il ne faut pas oublier non plus que la société peut résulter
également de l’acte unilatéral d’une seule personne physique ou morale
instituant une SARL unipersonnelle, une SASU ou une SEL unipersonnelle.
La question soulève de grandes difficultés qui ont favorisé le
développement d’une longue et intense controverse entre les auteurs. Il était
généralement admis, avant la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985, que la société
était un acte juridique original qui ne pouvait pas être classé dans une
catégorie connue et qu’elle relevait de deux conceptions différentes :
d’une part, elle répond à la conception contractuelle, la volonté des
associés, manifestée dans l’acte constitutif, étant à l’origine de son
existence ;
d’autre part, elle s’inspire de la conception dite institutionnelle dans la
mesure où elle obéit à une réglementation impérative fondée sur la
satisfaction de l’intérêt collectif, distinct de l’intérêt personnel des
associés. D’ailleurs, sa reconnaissance est conditionnée par
l’accomplissement d’une formalité administrative : l’immatriculation au
RCS.
Le législateur a, par la loi du 11 juillet 1985, prétendu affirmer le caractère
institutionnel de la société en remplaçant dans l’article 1832 du Code civil
le terme « constitué » par « institué » et a permis la création d’une société
par l’acte unilatéral d’une seule personne.
Mais ce simple changement ne saurait suffire à supprimer tout emprunt à la
conception contractuelle, dès lors que la société, aux termes mêmes de
l’article 1832 du Code civil, suppose à son origine un contrat ou un acte
unilatéral de volonté dont le régime est emprunté au droit des contrats.
D’ailleurs, la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 instituant la société par actions
simplifiée montre un renouveau de cette conception contractuelle au sein
même des sociétés par actions pour lesquelles le caractère institutionnel
avait été le plus fermement soutenu.
Dès lors, les auteurs s’accordent à considérer que la société participe à la
fois du contrat et de l’institution.

SECTION 2.
Les intérêts de la société

La souplesse, la diversité et la puissance économique des sociétés en font


un instrument indispensable à l’activité économique. Ainsi, la société
apparaît-elle selon les circonstances et la volonté de ses créateurs comme
une technique d’organisation d’un partenariat, d’une entreprise, d’un
patrimoine ou encore comme une technique d’optimisation juridique ou
fiscale. Les utilités de la société s’avèrent donc très diverses et les
paramètres de comparaison si nombreux qu’il sera sinon impossible du
moins difficile de choisir une solution in abstracto.

I. Les intérêts juridiques


La création d’une société dotée de la personnalité morale donne naissance à
un patrimoine distinct de celui des associés. La séparation des patrimoines
peut permettre ainsi aux associés de mettre à l’abri des poursuites des
créanciers professionnels leurs biens personnels et assurer la pérennité de
l’exploitation sociale.

A. LA PROTECTION PATRIMONIALE

Dans le cadre d’une entreprise individuelle, tous les biens de


l’entrepreneur répondent en principe de toutes les dettes au nom du principe
d’unicité du patrimoine.
Quelques dispositions ont eu vocation à protéger l’entrepreneur individuel :
la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise
individuelle, dite loi Madelin, dispose que l’entrepreneur peut demander
à son créancier professionnel que l’exécution de sa créance soit
poursuivie en priorité sur les biens nécessaires à l’activité
professionnelle, à condition que ces biens soient d’une valeur suffisante.
Il s’agit d’établir un ordre de priorité des biens saisissables et donc une
protection relative du patrimoine personnel ou familial ;
la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi
Dutreil, instaure la déclaration d’insaisissabilité de la résidence
principale ; modifiée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de
modernisation de l’économie pour étendre cette déclaration à l’ensemble
du patrimoine foncier bâti ou non bâti de l’entrepreneur non affecté à
l’activité professionnelle ;
la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité
des chances économiques, dite loi Macron, a posé le principe
d’insaisissabilité de la résidence principale par des créanciers
professionnels. Cela signifie que la résidence principale est désormais
insaisissable par les créanciers professionnels sans qu’il soit besoin de
faire une déclaration d’insaisissabilité. Cette dernière reste néanmoins
possible pour les autres biens fonciers de l’entrepreneur.
La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a instauré l’EIRL (entrepreneur
individuel à responsabilité limitée), permettant à l’entrepreneur individuel
de créer un patrimoine professionnel spécialement affecté à son activité
professionnelle et séparé de son patrimoine personnel, empêchant les
recours des créanciers professionnels sur ce dernier. Il n’y a alors pas
création d’une personne morale. Supprimée par la loi n° 2022-172 du 14
février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, l’EIRL
disparaît des structures offertes aux entrepreneurs. Néanmoins, cette
suppression donne lieu à la création d’un statut d’entreprise individuelle
unique comportant de nombreux avantages issus de l’EIRL.
L’intérêt de la société, en particulier unipersonnelle, n’a pas disparu avec la
création de l’EIRL, mais la distinction s’est néanmoins atténuée.
Si la création d’une société dotée de la personnalité morale opère une
séparation des patrimoines, la protection n’est pour autant pas assurée.
D’une part, certaines formes de sociétés engagent la responsabilité
personnelle des associés. Ainsi, les créanciers sociaux pourront-ils
poursuivre le paiement de leurs créances sur le patrimoine personnel des
associés. On parle de sociétés à responsabilité illimitée.
D’autre part, dans les sociétés à responsabilité limitée, la protection est
également relative. En pratique, les établissements bancaires et autres
créanciers ne se contentent pas du gage général sur le patrimoine social et
exigent des associés des engagements personnels comme des cautions. En
droit, lorsque le tribunal est amené à se prononcer sur une liquidation de la
société pour insuffisance d’actif, s’il estime que les dirigeants de droit ou de
fait ont contribué par leurs fautes de gestion à cette insuffisance d’actif, il
peut décider que les pertes de la société seront supportées par ces dirigeants.
La limitation de responsabilité peut alors paraître illusoire.

B. LA PÉRENNITÉ DE L’EXPLOITATION

L’entreprise exploitée sous forme individuelle disparaît le plus souvent avec


le décès de l’entrepreneur. En effet, l’entreprise et les biens nécessaires à
son exploitation tombant sous le régime de l’indivision, la gestion de
l’entreprise devient sinon impossible, du moins très difficile à organiser.
La société, en revanche, peut continuer avec les héritiers de l’associé, à
l’exception de la société en nom collectif dans laquelle le décès d’un
associé entraîne en principe la dissolution de la société (sauf clause
contraire).
En outre, la transmission de l’entreprise et l’anticipation de cette
transmission sont plus faciles à organiser lorsqu’elle est exploitée sous
forme sociale. La cession de parts sociales ou d’actions entre vifs s’opère
plus facilement et à des conditions fiscalement avantageuses. La répartition
des titres entre plusieurs héritiers est également facilitée.
La société est donc un instrument très efficace dans les stratégies
successorales.

II. Les intérêts financiers


Le développement d’une activité économique peut nécessiter de faire appel
à des capitaux importants ou des concours bancaires lourds. La société,
dotée d’une structure de financement, permet de faire appel à des
investisseurs extérieurs.

III. Les intérêts fiscaux


Le passage de l’entreprise individuelle à la société est souvent guidé par des
considérations fiscales, alors qu’économiquement la transformation ne
s’impose pas forcément pour les exploitations de dimensions modestes.
Il n’y a pas de règle générale en matière fiscale : tout dépend de la politique
fiscale de l’État en faveur de tel ou tel type de groupement ; de l’importance
des bénéfices réalisés et de la composition de la famille de l’entrepreneur
ainsi que les revenus qui y sont attachés.
De façon schématique, on distingue :
l’entreprise individuelle dans laquelle l’entrepreneur est soumis pour la
totalité du bénéfice à l’impôt sur le revenu, que les bénéfices soient
prélevés ou laissés dans l’entreprise. L’impôt étant progressif, il devient
lourd si les bénéfices réalisés sont importants ou si les autres revenus du
foyer fiscal le sont ;
l’entreprise exploitée sous forme sociale est soumise à un régime fiscal
qui dépend de son type :
les sociétés de personnes (sociétés en nom collectif et sociétés civiles)
relèvent de l’impôt sur le revenu et les bénéfices sont directement
imposés entre les mains des associés,
les sociétés de capitaux (sociétés à responsabilité limitée, sociétés
anonymes et sociétés par actions simplifiées) voient leurs bénéfices
taxés à l’impôt sur les sociétés, impôt proportionnel au taux « normal »
de 25 %3.

IV. Les intérêts sociaux


Le niveau de protection sociale du dirigeant est une motivation qui peut
guider le choix de la structure selon les avantages qu’elle procure.
Au regard de la Sécurité sociale, le dirigeant de société est assimilé à un
salarié dans certaines situations : s’il est à la tête d’une société de capitaux
ou s’il est gérant non majoritaire d’une SARL. Dans ces cas, il bénéficie des
assurances sociales complètes, au titre de la maladie, de la maternité, des
accidents du travail, de la vieillesse. La seule protection qui ne lui soit pas
accordée pour l’heure est l’assurance chômage4.
Le gérant associé de SNC ou d’EURL, ou le gérant associé majoritaire de
SARL est considéré comme un travailleur indépendant. Il n’est donc pas
bénéficiaire des différentes prestations du régime général de la Sécurité
sociale. Il dépend d’un régime social spécifique et doit donc cotiser
personnellement à des caisses d’assurances complémentaires pour obtenir
un statut social satisfaisant.
Toutefois, la distinction entre les différents régimes de protection sociale
s’est nettement estompée. Désormais, les cotisations sociales acquittées par
le salarié ne sont pas éloignées du coût des assurances – y compris les
assurances volontaires – souscrites par les travailleurs indépendants. En
outre, depuis la suppression du RSI au 1er janvier 2018, ces derniers
relèvent également du régime général de la Sécurité sociale. Ce critère de
choix de la structure d’entreprise a ainsi perdu beaucoup de sa pertinence.

SECTION 3.
Les différents types de sociétés :
classifications

Dans tous les domaines du droit, les classifications juridiques occupent une
place importante, la qualification retenue conduisant à l’application d’un
régime juridique propre. Le droit des sociétés n’échappe pas à cet art du
juriste.
Plusieurs classifications sont possibles, aucune ne l’emporte réellement.

I. Les classifications des sociétés

A. SOCIÉTÉS DOTÉES DE LA PERSONNALITÉ


MORALE/SOCIÉTÉS SANS PERSONNALITÉ MORALE

Le plus souvent la conclusion du contrat de société aboutit, après


accomplissement des formalités de publicité et d’immatriculation au RCS à
la création d’une personne morale. Peu importe que la société soit civile ou
commerciale.
Néanmoins la société simple contrat existe également soit du fait de la
volonté des associés – la société en participation – soit du fait de la
négligence des associés – la société créée de fait. Les sociétés en formation
comme les groupes de sociétés sont également dénués de personnalités
juridiques et ne sont pas « sujets de droit ».
Cependant, sauf étude des sociétés sans personnalité morale, le mot
« société » employé seul, fera référence à la personne morale qu’est la
société.
Quelques mots sur ces formes de sociétés sans personnalité morale (pour le
détail, renvoi au Cours n° 3).
La société en participation : c’est une société que les associés ont
convenu de ne pas immatriculer au RCS. Elle n’a donc pas la
personnalité morale, n’est pas sujet de droit et son régime est largement
abandonné à la liberté contractuelle. La société en participation en tant
que simple contrat peut rester cachée des tiers, même si le caractère
occulte n’est plus une condition d’existence de la société en participation.
Vis-à-vis des tiers, la société en participation est le plus souvent occulte.
Seul le gérant, qui agit et conclut les actes de la vie juridique, est donc
tenu des engagements pris à l’égard des tiers ; les rapports entre les
associés se réglant sur la base du contrat de société qui les lie.
Si la société est ostensible, tous ceux qui agissent au vu et au su des tiers,
sont tenus des engagements souscrits.
Elle peut être civile ou commerciale selon les actes qu’elle passe.
La société créée de fait : dans cette hypothèse des personnes se sont
mises à vivre comme si elles étaient associées sans jamais manifester
formellement leur engagement ni même en avoir conscience. La société
se crée elle-même par le comportement des associés. En réalité, elle se
constate plus qu’elle ne se crée, généralement au moment où elle va
disparaître.
Elle est visée par l’article 1873 du Code civil qui la soumet au même
régime que la société en participation, sans toutefois la définir.
La reconnaissance de son existence relève donc du pouvoir souverain
d’appréciation des juges du fond.
La société en formation : il s’agit d’une société en attente de son
immatriculation et qui ne l’a pas encore obtenue car ses formalités de
constitution ne sont pas achevées. Elle n’exerce pas encore son activité
sociale.
Le groupe de société : c’est un ensemble constitué de plusieurs sociétés
ayant chacune leur existence juridique propre mais qui se trouvent unies
entre elles par divers liens, sur la base desquels la société prépondérante,
dite société mère, exerce un contrôle sur l’ensemble des sociétés du
groupe. En France, contrairement à d’autres pays, il n’existe pas de statut
juridique du groupe5.

B. SOCIÉTÉS TYPES/SOCIÉTÉS PARTICULIÈRES

Les sociétés types, sociétés à vocation générale, peuvent être des sociétés
civiles ou des sociétés commerciales (distinction reprise ci-après).
Les sociétés particulières, de plus en plus nombreuses, sont créées pour
répondre à des besoins spécifiques, à partir des sociétés types. On distingue
généralement les sociétés particulières par leur statut juridique (ex. : les
sociétés coopératives qui poursuivent une finalité à la fois lucrative et
sociale) et les sociétés particulières par leur objet (ex. : sociétés
immobilières, sociétés des professions libérales…).

C. SOCIÉTÉS CIVILES/SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Les sociétés civiles sont régies par les articles 1845 et suivants du Code
civil. Elles ne peuvent effectuer que des opérations à caractère civil. Leur
caractéristique fondamentale est la responsabilité indéfinie et conjointe des
associés (voir Cours n° 3).

EXEMPLE
Activités civiles
Artisanat ; agriculture et élevage ; professions libérales ; activités
intellectuelles ; exploitation des carrières, tourbières, sablières,
ardoisières, marais salants, sources thermales et minérales, location
d’immeubles ; promotions immobilières ; réalisation de films et
entraînement de chevaux.

Les sociétés commerciales relèvent du Code de commerce pour l’essentiel


de leur régime. Elles sont commerciales par la forme, leur objet peut donc
être civil ou commercial :
la SNC (société en nom collectif), dans laquelle les associés ont tous la
qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des
dettes sociales. Par conséquent, si la société a des dettes, les créanciers
peuvent demander à l’un des associés de régler la totalité du passif social
(voir Cours n° 1) ;
la SCS (société en commandite simple), groupant, d’une part, un ou
plusieurs commandités ayant la qualité de commerçant et répondant
indéfiniment et solidairement des dettes sociales, d’autre part, un ou
plusieurs commanditaires non commerçants dont la contribution au passif
social est limitée au montant de leur apport à la société (voir Cours n° 3) ;
la SARL (société à responsabilité limitée), dont l’associé unique ou les
associés, détenant des parts sociales, n’ont pas la qualité de commerçant
et ne sont responsables des pertes de la société, en principe, qu’à
concurrence de leurs apports (voir Cours n° 1) ;
la SA (société anonyme), dont le capital est divisé en actions et dans
laquelle les actionnaires (non commerçants) ne supportent les pertes de la
société, en principe, qu’à concurrence de leurs apports (voir Cours n° 2) ;
la SCA (société en commandite par actions), dont le capital est divisé
en actions et qui regroupe, d’une part, un ou plusieurs commandités ayant
la qualité de commerçant et répondant indéfiniment et solidairement des
dettes sociales et, d’autre part, des commanditaires non commerçants et
tenus des pertes sociales seulement à hauteur de leurs apports (voir Cours
n° 3) ;
la SAS (société par actions simplifiée), dont l’associé unique ou les
associés, personnes physiques ou morales, détenant des actions,
déterminent librement dans les statuts les modalités de fonctionnement de
la société (voir Cours n° 2).
L’intérêt de la distinction, qui a longtemps constitué une summa divisio,
s’est fortement atténué depuis la loi du 4 janvier 1978 qui a largement
rapproché le régime des sociétés civiles de celui des sociétés commerciales.
L’intérêt persiste uniquement concernant la juridiction compétente (tribunal
de commerce pour les sociétés commerciales et tribunal judiciaire pour les
sociétés civiles) et les règles applicables en matière de comptabilité (droit
commercial pour les unes et simple comptabilité de caisse pour les autres).

D. SOCIÉTÉS DE PERSONNES/SOCIÉTÉS DE CAPITAUX

Dans les sociétés de personnes, les associés se groupent parce qu’ils se


connaissent et se font confiance. Ces sociétés sont dominées par l’intuitus
personæ. En conséquence, les titres ne sont cessibles qu’avec le
consentement des associés et le décès d’un associé entraîne en principe la
disparition de la société6.
Dans les sociétés de capitaux, au contraire, la personne des associés est
indifférente. On dit qu’elles sont constituées intuitus pecuniæ.
Cette distinction s’accorde mal de la SARL. Celle-ci est en effet considérée
comme une société hybride, à la fois société de personnes et société de
capitaux, tendant vers l’une ou l’autre au fil des réformes législatives. De
même, les SAS sont le plus souvent soumises à un fort intuitus personæ.
En outre, la distinction perd de son intérêt puisqu’une marge de liberté
statutaire permet d’y porter atteinte. Ainsi, les sociétés de personnes
peuvent-elles prévoir des clauses de continuation en cas de décès d’un
associé. À l’inverse, les sociétés de capitaux cherchent à contrôler la
composition du capital et donc la personne des actionnaires en faisant appel
à des clauses statutaires d’agrément ou de préemption.
La distinction entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux ne
sert pratiquement qu’à fixer l’interprétation des textes lorsqu’un doute
apparaît quant à leur portée : dans les sociétés de personnes on rejettera
toute solution qui conduirait à imposer un nouveau venu aux anciens tandis
que dans les sociétés de capitaux on ne s’arrêtera pas à cette considération.

E. SOCIÉTÉS À RISQUES LIMITÉS/SOCIÉTÉS À RISQUES


ILLIMITÉS

Dans les sociétés à risques limités, l’associé ne risque normalement pas


plus que ce qu’il a apporté. Si la société est devenue insolvable, les
créanciers impayés ne pourront pas poursuivre les associés sur leurs biens
propres. Le capital social constitue leur seul gage.
Il s’agit des SARL et des sociétés par actions.
Dans les sociétés à risques illimités, les associés répondent des dettes
sociales sur leur patrimoine personnel, avec solidarité si la société est
commerciale, conjointement si la société est civile. Il s’agit des sociétés
civiles et des sociétés en nom collectif.
Certaines sociétés sont de type mixte du point de vue de la responsabilité
des associés.
Soit que la mixité soit le fait de la présence de deux types de risques dans
la même société. Il s’agit des commandites (simple ou par actions) qui
comportent des commandités, qui engagent leur responsabilité de façon
indéfinie et solidaire comme les associés en nom ; des commanditaires
qui sont soit porteurs de parts (commandite simple), soit actionnaires
(commandite par actions) et ne courent qu’un risque limité à leur apport.
Soit que la mixité soit le fait de la forme même de la société. Il s’agit là
des sociétés coopératives. Les sociétés coopératives ne visent pas tant à
réaliser et partager des bénéfices entre leurs membres qu’à promouvoir
leurs activités ou à leur procurer des biens ou des services à moindre
coût. Appartenant à la sphère de l’économie sociale et solidaire elles
doivent choisir une forme sociale, civile ou commerciale, de laquelle
dépendra l’étendue de la responsabilité des associés, et dans le même
temps obéir aux principes coopératifs.
C’est certainement la distinction la plus opérationnelle, même si encore une
fois la limitation de responsabilité dans certaines petites sociétés peut
paraître illusoire lorsque des garanties personnelles sont demandées aux
associés par les créanciers, en particulier les banques.
C’est la distinction qui explique le mieux les grands principes du droit des
sociétés :
la liberté contractuelle dans les sociétés à risque illimité ;
la protection des créanciers dans les sociétés à risque limité/la protection
des associés dans les sociétés à risque illimité.

F. SOCIÉTÉS OFFRANT AU PUBLIC DES INSTRUMENTS


FINANCIERS/SOCIÉTÉS N’OFFRANT PAS AU PUBLIC DES
INSTRUMENTS FINANCIERS

Les sociétés pouvant faire une offre au public de leurs titres financiers sont
seulement les sociétés civiles de placement immobilier et en matière
commerciale, les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par
actions.
Ces sociétés sont soumises à des mesures de publicité très complètes
destinées à informer les actionnaires et protéger les épargnants. Elles sont
soumises au contrôle étroit de l’AMF (Autorité des marchés financiers).
Cette distinction prend de plus en plus d’importance.

G. AUTRES CLASSIFICATIONS

Sociétés pluripersonnelles/sociétés unipersonnelles


Seules les SARL, les SAS et les SEL peuvent être constituées par l’acte
unilatéral de volonté d’une seule personne et ne comporter donc qu’un
seul associé.
Sociétés nationales/sociétés européennes/sociétés étrangères
Il est apparu que le développement d’une activité au sein de l’Union
européenne nécessitait la création de sociétés régies par des règles
harmonisées, supranationales afin de faciliter les échanges, même si de
nombreuses directives avaient d’ores et déjà unifié le droit des sociétés au
sein de l’espace européen. C’est ainsi qu’ont vu le jour la SE (société
européenne) et la SCE (société coopérative européenne) dont les résultats
sont décevants, certainement en raison de la complexité de ces formes.
PME et « grandes » entreprises
Sous l’influence du droit européen, la taille de la société tend de plus en
plus à avoir des conséquences en droit des sociétés. Les critères
quantitatifs débordent d’ailleurs le cadre des sociétés civiles et
commerciales pour s’appliquer aux « personnes morales de droit privé
ayant une activité économique » et même à certaines entreprises
publiques. La technique des seuils est très souvent utilisée, soit pour fixer
un minimum au-delà ou en deçà duquel une solution est prohibée (ex. :
montant minimum de capital social ; nombre d’associés minimum ou
maximum…) ; soit pour préciser la dimension à partir de laquelle une
obligation doit être remplie (ex. : nomination d’un commissaire aux
comptes).
Il convient dès lors de noter la définition européenne des PME : toute
entreprise qui occupe moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires
annuel n’excède pas 50 M€ ou dont le total du bilan annuel n’excède pas
43 M€. Ponctuellement, le droit français des sociétés commence à
intégrer cette distinction (ex. : la possibilité pour un administrateur de
petite ou moyenne SA de conclure un contrat de travail avec la société).
Sociétés exploitant une entreprise/sociétés patrimoniales
Pour diviser le patrimoine, il suffit de multiplier les personnes. De
nombreuses sociétés, en particulier les sociétés immobilières répondent
au souci d’organiser, voire de transmettre un patrimoine. Il en est de
même des sociétés holdings qui rassemblent des participations dans
d’autres sociétés. Elles n’exploitent pas d’entreprise.

II. Les sociétés et les groupements voisins


Si l’entreprise individuelle apparaît au rang des concurrents de la société, en
particulier unipersonnelle, elle ne saurait être qualifiée de groupement.
L’entreprise individuelle représente le degré zéro de l’organisation juridique
d’une entreprise7. C’est néanmoins la forme d’exploitation d’entreprise, le
plus souvent de subsistance, la plus couramment choisie en France pour sa
simplicité et son faible coût de constitution comme de fonctionnement.
Dès lors que plusieurs personnes veulent se regrouper pour exercer en
commun une activité, d’autres formes juridiques que la société sont
possibles. On peut distinguer des groupements de personnes – le GIE et
l’association – et des groupements de biens – la fondation et la fiducie.

A. LA SOCIÉTÉ ET LE GIE (GROUPEMENT D’INTÉRÊT


ÉCONOMIQUE)

Article L. 251-1 du Code de commerce


« Deux ou plusieurs personnes physiques ou morales peuvent constituer entre elles un
groupement d’intérêt économique pour une durée déterminée.
Le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses
membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser
des bénéfices pour lui-même.
Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir
qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci. »

La société et le GIE entrent en concurrence s’agissant de la réalisation


d’économies pour les membres du groupement.
Mais il existe une différence fondamentale entre la société et le GIE. Celui-
ci doit être un prolongement de l’activité économique de ses membres dont
il assure le développement (art. L. 251-1 à art. L. 251-23 C. com.), ce qui
limite nécessairement l’étendue de son objet et celle de sa capacité
juridique, alors que la société peut avoir un objet extrêmement large, mais
dans le commerce juridique, et, au besoin, sans rapport avec l’activité de ses
membres.
Le GIE présente l’avantage majeur d’être un groupement autonome dont le
fonctionnement n’est soumis à aucune règle contraignante, au prix
néanmoins d’une responsabilité indéfinie et solidaire des membres du GIE.
Le règlement communautaire 2137/85 du 25 juillet 1985 a créé le GEIE
(groupement européen d’intérêt économique). Comme pour le GIE français,
le GEIE a pour but de développer ou d’accroître l’activité économique de
ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Le
régime juridique du GEIE se trouve aux articles L. 252-1 à L. 252-13 du
Code de commerce (voir Cours n° 3).

B. LA SOCIÉTÉ ET L’ASSOCIATION

Article 1er de la loi du 1er juillet 1901


« L’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes (physiques ou
morales) mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur
activité dans un but autre que de partager des bénéfices. »

Une association peut donc valablement réaliser des bénéfices. La seule


chose qui lui soit interdite est le partage de ces bénéfices entre ses
membres.
La Cour de cassation a jugé dans l’arrêt Caisse rurale de Manigod du
11 mars 1914 que la recherche d’économies par les membres d’une
association, par opposition à la recherche et au partage de bénéfices, n’était
pas contraire à l’idéal de celle-ci. Or, l’article 1832 du Code civil précise
que la société peut avoir pour objet de profiter d’une économie. C’est
également la vocation du GIE évoqué ci-avant.
Dans la mesure où une société peut réaliser un bénéfice ou une économie, il
s’ensuit les solutions suivantes :
lorsque le groupement a pour but de partager les bénéfices pouvant
résulter de l’action commune, il doit revêtir obligatoirement la forme
d’une société. En effet, une association ne peut pas partager entre ses
membres les bénéfices qu’elle réalise. Ainsi, une association qui
distribuerait des bénéfices à ses adhérents pourrait être requalifiée par le
juge en une société créée de fait.
En revanche, si le groupement a pour but de réaliser des bénéfices mais
en excluant leur distribution, il peut alors être une association comme une
société. On se trompe souvent sur ce point ; la loi interdit seulement à
l’association de répartir ses bénéfices entre ses adhérents et non pas d’en
faire ;
si le groupement est constitué dans un but purement désintéressé, exclusif
de toute recherche d’un avantage matériel quel qu’il soit (profit ou
économie), seule l’association est utilisable. Le choix de l’association
s’impose même lorsque le groupement, constitué dans un but
désintéressé, procure accessoirement à ses membres un avantage
patrimonial ;
si le groupement a pour but unique de permettre à ses membres de
réaliser des économies, par exemple d’obtenir un service à un meilleur
prix qu’aux conditions habituelles du commerce, la société, l’association
ou le GIE peut être utilisé indifféremment.
(Voir Cours n° 3)

C. LA SOCIÉTÉ ET LA FONDATION
Article 18 de la loi du 23 juillet 1987
« La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales
décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une
œuvre d’intérêt général et à but non lucratif. »

Ces fondations qui peuvent être dotées de la personnalité morale ont pour
finalité soit de réaliser du mécénat (fondations d’entreprise), soit de réaliser
des œuvres de bienfaisance (fondations reconnues d’utilité publique), soit
de participer à des missions de services publics (fondations de coopération
scientifique ou universitaires).
Il peut arriver que le fondateur d’une société souhaite assurer la pérennité
de celle-ci en plaçant tout ou partie du capital qu’il détient dans une
fondation alors appelée fondation actionnaire.
Il était d’ores et déjà admis que les fondations reconnues d’utilité publique
et les fonds de dotations pouvaient être actionnaires, mais ces deux
organismes sans but lucratif doivent rester exclusivement dédiés à des
missions d’intérêt général, contrepartie nécessaire de la fiscalité
avantageuse dont ils bénéficient.
La loi PACTE du 22 mai 2019 a alors créé un nouveau véhicule
actionnarial : le fonds de pérennité8. Il s’agit d’un nouveau statut de
fondation destiné à assurer un actionnariat stable dans une ou plusieurs
entreprises, sur le modèle des fondations d’actionnaires connues des pays
d’Europe du Nord. Ce fonds de pérennité est constitué par l’apport gratuit et
irrévocable des titres de capital – actions ou parts sociales – d’une ou de
plusieurs sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale
ou agricole. C’est le fonds qui acquiert la qualité d’actionnaire et a vocation
à contribuer à la pérennité économique de cette ou ces sociétés. La loi
PACTE a également décrit la gouvernance du fonds de pérennité.
Le décret d’application très attendu, a été publié le 7 mai 2020 (décret
n° 2020-537 relatif aux fonds de pérennité) et précise les modalités de
création et celles du contrôle administratif de leur gestion. Pour autant,
toutes les questions soulevées par ce nouvel outil ne sont pas encore
réglées.
D. LA SOCIÉTÉ ET LA FIDUCIE

Article 2011 du Code civil


« La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des
biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés,
présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine
propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. »

La fiducie n’a pas vocation à détrôner la société puisqu’elle ne saurait être


une structure de gestion en commun. Elle peut néanmoins constituer une
alternative aux sociétés ayant vocation à l’organisation et la gestion d’un
patrimoine.

SECTION 4.
La législation applicable aux sociétés

I. Les origines du droit français des sociétés


Les formes primaires de sociétés existaient déjà dans l’Antiquité pour
financer une caravane, administrer un patrimoine ou exploiter en commun
un bien.
Les sociétés de personnes du droit français contemporain, en particulier la
société en participation, ressemblent dans l’esprit à ce que le droit romain
appelait le jus fraternitatis : les associés doivent avoir entre eux la même
confiance que des frères.
Le jus mercatorum qui se développe à certaines époques du Moyen Âge
touche peu le droit des sociétés, même si de grandes compagnies se créent
et se développent dans certains secteurs, notamment le commerce
international.
Le Code civil de 1804 contient des dispositions applicables aux sociétés : la
définition du contrat de société, la prohibition des clauses léonines,
quelques dispositions relatives à la dissolution. Il contient également
quelques dispositions applicables aux sociétés civiles.
Le Code civil de 1807 ne consacre que quelques articles afin de préciser les
différents types de sociétés.
Il apparaît très vite que ces législations sont à la fois insuffisantes et
inadaptées. Les textes vieillissent mal et font l’objet de nombreuses
retouches ce qui rend leur interprétation difficile.

II. Les grandes lois fondatrices du droit des sociétés


Deux réformes d’ampleur s’attaquent au droit des sociétés. La première
concerne les sociétés commerciales. La seconde réforme le Code civil en
reconstruisant le droit commun des sociétés, le droit commun des sociétés
civiles et le droit applicable aux sociétés sans personnalité morale.

A. LA RÉFORME DE 1966 : LA LOI N° 66-537 DU


24 JUILLET 1966
Le législateur en 1966 était guidé par les cinq objectifs suivants :
la protection de l’épargnant qui apporte de l’argent aux sociétés ;
la sécurité des tiers qui traitent avec les sociétés ;
la répression des fraudes et des irrégularités ;
l’adaptation des structures des entreprises françaises aux nécessités
économiques ;
la prise en considération des mesures tendant à l’harmonisation des
législations des six États signataires du traité de Rome, de nos jours
27 États.
Les innovations apportées concernent l’immatriculation au RCS et
l’introduction d’une nouvelle forme de société anonyme : la société
anonyme à directoire et conseil de surveillance.
Du point de vue de la sécurité des tiers et de la protection des associés ou
actionnaires, la loi de 1966 atteint ses objectifs.
Elle ne fait pourtant pas l’économie de critiques quant à la lourdeur du
formalisme qu’elle impose ou la méfiance qu’elle comporte à l’égard des
dirigeants de sociétés qui se manifeste dans les très nombreuses sanctions.
Deux réformes du droit des sociétés commerciales méritent alors d’être
soulignées :
la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 instituant l’EURL. Un alinéa est
ajouté à l’article 1832 du Code civil : « Elle peut être instituée, dans les
cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne » ;
la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 instituant la SAS : les revendications
des milieux d’affaires pour une plus grande souplesse et une plus grande
contractualisation du droit des sociétés sont satisfaites.

B. LA RÉFORME DE 1978 : LA LOI N° 78-9 DU


4 JANVIER 1978
Dans le cadre de la reconstruction du droit commun des sociétés, la loi de
1978 a modifié la définition même de la société en complétant, à
l’article 1832, le partage de bénéfices par la recherche d’économies.
S’agissant du régime des sociétés civiles, la loi de 1978 a eu vocation à en
rapprocher le régime de celui des sociétés commerciales, en imposant
notamment l’immatriculation au RCS pour bénéficier de la personnalité
morale.

III. La codification
Par une ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 a été adopté un
nouveau Code de commerce dont le livre II rassemble les dispositions sur
les sociétés commerciales, les GIE et les GEIE. Cette codification de la loi
du 24 juillet 1966 s’est effectuée à droit constant.
Il faut ajouter le décret d’application n° 67-236 du 23 mars 1967, codifié
aux articles R. 210-1 et suivants du Code de commerce.
Il n’existe donc pas de Code des sociétés. Les dispositions applicables aux
sociétés doivent être recherchées dans le Code civil, dans le Code de
commerce ou dans quelques lois non codifiées (ex. : la loi n° 90-1258 du
31 décembre 1990 relative à la société d’exercice libéral). Il y a un
incontestable éparpillement des sources qui rend l’appréhension de la
matière complexe.
Les articles du Code de commerce seront cités par la suite par leur numéro,
précédé de la lettre L (les articles du décret sont précédés de la lettre R).

IV. Les réformes postérieures


Le droit des sociétés a fait l’objet de très nombreuses réformes ou retouches
que personne n’est sûr de dénombrer avec certitude, car elles ont parfois été
glissées dans une loi de finances ou un texte « portant diverses dispositions
d’ordre économique et financier » ou « d’ordre économique et social ».
Ces réformes ont eu pour objet de renforcer l’attractivité de la France et ont
souvent eu vocation à la transposition de directives européennes.
On peut citer à cet égard la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 pour les
nouvelles régulations économiques, dite loi NRE, qui vise à une plus grande
transparence et une meilleure répartition des pouvoirs au sein des sociétés
anonymes à conseil d’administration.
À partir de 2011, deux tendances nouvelles se dégagent. Tout d’abord la
simplification ; ou plus exactement la simplification paradoxale puisqu’au-
delà de l’intitulé, les textes votés sont souvent facteurs de complication.
Ensuite, le recours aux ordonnances.

Les lois
Pour ne citer que les plus récentes :
loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, dite « loi Breton », pour la confiance
et la modernisation de l’économie qui concerne notamment les sociétés
anonymes ;
loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME, réforme la SARL ;
loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la
participation et de l’actionnariat salarié ;
loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant adaptation du droit des sociétés
au droit communautaire ;
loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui
achève l’ouverture des SAS et retouche le droit des SARL et des SA ;
loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 instituant l’EIRL (qui n’étant pas une
société n’en perturbe pas moins les classifications établies) ;
loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 dites
« lois Warsmann I et II » de simplification et d’amélioration de la qualité
du droit ;
loi n° 2014-384 du 29 mars 2014, dite « loi Florange » ;
loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la
vie des entreprises ;
loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron », pour la croissance,
l’activité et l’égalité des chances économiques ;
loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin 2 », relative à la
transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie
économique.

Les ordonnances
Pour ne citer que les plus importantes :
ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative aux conventions
réglementées ;
ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 sur le nombre
d’actionnaires de SA ;
ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 sur les sociétés
pluripersonnelles ;
ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 sur la participation des
actionnaires aux décisions ;
ordonnance n° 2017-970 du 10 mai 2017 sur les émissions d’obligations ;
ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de
simplification et de clarification des obligations d’informations à la
charge des sociétés ;
ordonnance n° 2020-1142 du 16 septembre 2020 portant création, au sein
du Code de commerce, d’un chapitre relatif aux sociétés dont les titres
sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système
multilatéral de négociation.
Des directives européennes étant encore en attente d’introduction en droit
français, les réformes devraient se poursuivre.

V. Les réformes de 2019


Le droit des sociétés a été, en 2019, réformé par deux textes publiés à
2 mois d’intervalle. Si la loi PACTE a, du fait de la méthode d’élaboration
et de la longueur des débats, focalisé sur elle l’attention ; la loi n° 2019-744
du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du
droit des sociétés a également modifié certains aspects pratiques concernant
toutes les sociétés, les sociétés civiles et les SARL.

A. LA LOI PACTE N° 2019-486 DU 22 MAI 2019


La loi PACTE est un plan d’action pour la croissance et la transformation
des entreprises dont l’objectif affiché est de donner aux entreprises
françaises le cadre et les leviers pour innover, se transformer, pour grandir
et créer des emplois.
De nombreux pans du droit des sociétés ont ainsi été modifiés et le seront
encore dans les mois à venir, le législateur ayant renvoyé à des ordonnances
ultérieures certaines modifications.
Des dispositions visent notamment à redéfinir le contrat de société en vue
d’associer plus étroitement les parties prenantes au projet d’entreprise,
renforcer les droits des actionnaires minoritaires, mettre en place des
fondations d’actionnaires, simplifier l’accès des PME aux marchés
boursiers et encourager l’actionnariat salarié. Sous le titre « Repenser la
place des entreprises dans la société », la loi PACTE a modifié les
articles 1833 et 1835 du Code civil pour y consacrer les notions d’« intérêt
social », la prise en considération « des enjeux sociaux et
environnementaux de l’activité » de la société ainsi que l’introduction dans
ses statuts de sa « raison d’être ».
Quelques remarques peuvent ici être formulées :
tout d’abord, la référence à la notion d’entreprise, clairement privilégiée
par le législateur à celle plus exacte de société. L’entreprise est avant tout
une notion économique et ne constitue en droit qu’une notion
« générique ». Or, c’est bien de société dont il est question dans la loi
PACTE. C’est même le Code civil, le droit commun des sociétés, qui
s’applique aussi bien aux sociétés civiles qu’aux sociétés commerciales,
qui est concerné. La réforme vise donc toutes les sociétés qui existent en
France alors même que l’immense majorité de ces dernières sont des
sociétés familiales qui n’ont pour finalité que d’assurer leur pérennité.
Finalement, cette réforme, voulue générale, ne concerne que quelques
dizaines de sociétés, pour la plupart « cotées ». La loi PACTE qui
s’intéresse aux entreprises, les vise en réalité sous le prisme sociétaire et
surtout sous celui des grandes sociétés ;
ensuite, les notions introduites n’apparaissent ni utiles, ni forcément
pertinentes. La notion d’intérêt social apparaît dans l’alinéa 2 de
l’article 1833 du Code civil : « La société est gérée dans son intérêt
social. » Elle est pourtant bien connue en droit des sociétés où elle sert de
« boussole » aux dirigeants et à la jurisprudence pour contrôler certaines
décisions sociales. Il ne s’agit finalement que d’une consécration
législative d’une évolution jurisprudentielle antérieure. C’est
l’élargissement de l’intérêt social à la prise « en considération [des]
enjeux sociaux et environnementaux de […] l’activité » de la société qui
interroge et présente un risque accru d’insécurité juridique lié à
l’utilisation de concepts peu définis et flous et partant un risque accru de
contentieux ;
enfin, l’article 1835 du Code civil est complété par « les statuts peuvent
préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote
et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la
réalisation de son activité ». Si la proposition est facultative, elle est la
marque néanmoins d’une révolution douce du droit des sociétés qui invite
à s’interroger sur un risque de contradiction avec l’intérêt social.
Par ailleurs, la loi PACTE a réformé d’autres points du programme de l’UE
de Droit des sociétés et des groupements d’affaires :
les formalités de constitution des sociétés : un guichet unique
dématérialisé centralisant toutes les informations des entreprises est
ouvert pour simplifier toutes les formalités déclaratives ; les services de
presse en ligne obtiennent le droit de publier les annonces légales en
instaurant une tarification au forfait ;
le commissariat aux comptes : les seuils rendant obligatoire la
désignation d’un commissaire aux comptes ont été relevés au niveau
européen (total de bilan supérieur ou égal à 4 M€ ; chiffre d’affaires
annuel hors taxes supérieur ou égal à 8 M€ et 50 salariés : lorsque deux
de ces seuils sont atteints, le groupement doit désigner un CAC) et
harmonisés quelle que soit la forme juridique de société ;
la réduction des coûts et des délais des procédures de liquidation
judiciaire ;
le développement des administrateurs salariés dans les sociétés anonymes
à conseil d’administration ;
la parité au sein des instances dirigeantes ;
la transparence des rémunérations ;
la création annoncée d’un chapitre du Code de commerce consacré aux
sociétés cotées…

B. LA LOI N° 2019-744 DU 19 JUILLET 2019


Cette loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des
sociétés vient résoudre un certain nombre de difficultés pratiques
concernant toutes les sociétés, les sociétés civiles et les SARL.
S’agissant des dispositions applicables à toutes les sociétés figurant dans le
Code civil, il s’agit en particulier des conventions relatives à l’exercice du
droit de vote en cas de démembrement de la propriété des droits sociaux, de
l’aménagement de la prorogation de la durée de la société et de la
détermination du prix de cession des titres par un tiers.
S’agissant des dispositions applicables aux sociétés civiles, il est question
de la dématérialisation des formalités d’opposabilité des cessions de parts
sociales et de la simplification de la procédure de nomination d’un gérant
en cas de vacance de la gérance.
S’agissant des SARL, il est question également de la simplification de la
procédure de nomination d’un gérant en cas de vacance de la gérance ou de
gérant unique placé sous tutelle et de la nullité facultative des assemblées
d’associés en cas de violation des règles de majorité.

VI. L’influence du droit européen


Le droit français des sociétés et des groupements est largement impacté par
l’appartenance de la France à l’Union européenne. De nombreuses
directives ont vocation à harmoniser les législations applicables dans les
différents États membres et des formes européennes de groupement tentent
d’émerger.
En vue de l’harmonisation des législations, le Conseil de l’Union
européenne a adopté 11 directives en matière de sociétés. Dans un souci de
clarté et de rationalité, la directive 2017/1132 du 14 juin 2017 a codifié à
droit constant sept de ces directives. Néanmoins, on reproche aux textes
européens leur manque de lisibilité.
Deux groupements européens doivent ici être signalés. Tout d’abord, le
GEIE (groupement européen d’intérêt économique) institué en 1985 sur le
modèle du GIE français. Ensuite, la SE (societas europea), créée après
30 ans de débats et d’incertitudes par un règlement européen adopté le
8 octobre 2001 (règlement n° 2157/2001, JOCE n° L. 294, 10 nov., p. 1).
L’originalité de la SE tient au fait qu’elle n’adopte pas la nationalité de
l’État dans lequel elle a son siège statutaire. La constitution d’une SE doit
permettre aux entreprises de mieux organiser leurs activités sur le territoire
des États membres et, notamment, de transférer le siège social à l’intérieur
de l’Union européenne sans s’exposer aux conséquences d’une dissolution
ou d’un changement de nationalité.
La SE connaît un très faible succès. On comptait, en 2016, seulement
2 600 SE immatriculées sur le territoire de l’Union européenne et, en 2014,
seules 63 SE étaient immatriculées en France.
La société européenne
Avantages Inconvénients

Bénéfice de l’image Coût de constitution élevé


européenne Conditions de fond rigides
Nature supranationale Manque d’uniformité du régime juridique du
Possibilité de fait des renvois importants aux législations
transférer le siège nationales
social
Adaptation aux
groupes d’envergure
internationale

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CHAPITRE 2.
Le contrat de société
À l’origine de toute société, sans exception, se trouve un acte juridique (un
accord d’une ou de plusieurs volontés) qui lui donne naissance et fixe ses
caractéristiques ainsi que ses règles de fonctionnement et qui peut être soit un
contrat de société, soit un acte unilatéral de volonté.
Pour que le contrat de société soit régulier, il faut respecter les règles de validité
des contrats fixées par l’article 1128 du Code civil (Section 1) et réunir les
éléments spécifiques qui caractérisent la société et sans lesquels l’acte conclu ne
peut être qualifié de société. Ces éléments se trouvent à l’article 1832 du Code
civil (Section 2). Le non-respect de ces règles et/ou le défaut des éléments
constitutifs du contrat de société peuvent être sanctionnés par la nullité
(Section 3).

SECTION 1.
Les conditions générales de validité du
contrat

Article 1128 du Code civil


« Sont nécessaires à la validité d’un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain. »

Conformément à l’article 1128 du Code civil, pour les contrats conclus à compter
du 1er octobre 2016, le contrat de société est soumis aux trois conditions de
validité suivantes : le consentement des parties à l’acte (les futurs associés), la
capacité juridique de ces mêmes personnes, un contenu licite et certain.
Le contenu licite et certain vient se substituer à l’objet et la cause visés
préalablement par l’article 1108 du Code civil. Pour autant, il ne les fait pas
disparaître totalement. En effet, le « contenu » du contrat est précisé par les
articles 1162 à 1171 du Code civil qui font clairement référence à l’objet et à la
cause, notamment à travers la référence au « but » des parties.
En pratique, la cause était souvent confondue avec l’objet dans la mesure où la
raison d’être de la société est précisément la réalisation de son objet, même si
juridiquement les deux notions étaient bien distinctes.
Quant à l’objet du contrat de société, il correspond, conformément à
l’article 1832 du Code civil, à la mise en commun de biens ou d’activités en vue
de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. Au-
delà de cette conception abstraite, on s’accorde à considérer l’objet de la société,
l’objet social, c’est-à-dire l’activité que la société se propose d’exercer en vue de
faire des bénéfices ou de réaliser des économies.
Les règles exposées à propos du contrat de société sont transposables aux cas où
la constitution de la société résulte d’un acte unilatéral de volonté (art. 1832 al. 2
C. civ.) : la SARL unipersonnelle ou la SAS unipersonnelle.

I. Le consentement des associés


Le consentement doit être réel, libre et exempt de vices.

A. L’INTÉGRITÉ DU CONSENTEMENT

Le consentement n’est pas libre s’il est entaché d’un vice du consentement
(erreur, dol ou violence). Un tel vice est susceptible d’entraîner l’annulation du
contrat de société, qui peut être prononcée par le juge (nullité relative), sauf s’il
s’agit d’une SARL, d’une SA, d’une SCA ou d’une SAS. Mais l’existence d’un
vice du consentement est très rare dans la pratique des sociétés. Seuls l’erreur et
le dol se rencontrent quelquefois.

1. L’erreur
Dans ce cas, le futur associé se trompe sans volonté consciente. L’erreur est
cependant très rarement admise par les tribunaux en matière de contrat de
société.
L’erreur peut porter notamment :
sur l’appréciation de la qualité d’un apport : cas, par exemple, où un bien
apporté ne permet pas de réaliser le but poursuivi. Mais l’erreur sur la valeur
d’un apport n’est pas prise en considération car elle constitue une lésion qui
n’est pas source de nullité en matière de société ;
sur l’appréciation des possibilités de fonctionnement et des chances de réussite
de la société à créer : une promesse de société conclue pour « continuer
purement et simplement les affaires traitées par la société ancienne » a été
annulée en raison de l’impossibilité pour la société ancienne, compte tenu des
prescriptions administratives particulières, de transférer ses activités à la
société nouvelle dans les conditions prévues à l’accord ;
sur la forme de la société : par exemple, un associé croit faire partie d’une SA
et adhère en fait à une société civile dans laquelle sa responsabilité est
indéfinie, donc non limitée à son apport ;
sur la nature du contrat conclu : par exemple, une partie croit s’engager dans
une société et l’autre dans un prêt ou un contrat de travail avec participation
aux bénéfices ;
sur la personne : elle consiste en une fausse appréciation de l’identité physique
ou civile de la personne d’un associé ou de ses qualités substantielles
(honorabilité, moralité, compétence, statut social, etc.). Elle ne peut être
invoquée que dans les sociétés conclues intuitus personæ.

2. Le dol
Il suppose qu’une partie au contrat use de manœuvres, de mensonges pour
induire une personne en erreur et la déterminer ainsi à être associée d’une
société.
L’article 1137 du Code civil a consacré la notion de réticence dolosive. Ainsi, le
dol est-il également constitué par le silence qu’une partie au contrat a gardé
intentionnellement sur une information dont elle savait le caractère déterminant
pour l’autre partie.
Pour qu’il y ait dol, il faut :
des manœuvres ;
que les manœuvres aient été telles que, sans elles, la victime n’eût pas
contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ;
elles doivent être déterminantes, ce que les juges devront apprécier de façon
concrète ;
que les manœuvres soient le fait des cocontractants de la victime, c’est-à-dire
des signataires du contrat de société.

3. La violence
Il s’agit de la situation d’une personne qui s’engage à devenir associée sous la
pression d’une contrainte exercée par l’autre partie ou un tiers, lui inspirant la
crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal
considérable.
Commet également une violence la partie qui abuse de l’état de dépendance,
notamment économique, dans lequel se trouve l’autre partie afin d’obtenir de
celle-ci un engagement qu’elle n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle
contrainte et d’en tirer un avantage excessif (art. 1143 C. civ.).

B. LA SINCÉRITÉ DU CONSENTEMENT

Non seulement le consentement doit émaner d’une personne saine d’esprit, mais
encore il ne doit pas être simulé.
Il arrive en effet, dans la vie des affaires, que l’on cherche à dissimuler aux yeux
des tiers l’acte que l’on veut en réalité conclure. On passe alors un acte apparent
donné et on dresse un acte secret d’une autre nature, appelé contre-lettre : c’est le
procédé juridique de la simulation. Ainsi, on constate parfois l’existence d’un
acte de société apparent qui masque l’existence entre les mêmes parties d’une
vente, d’une donation, d’un prêt ou d’un contrat de travail. La simulation peut
porter sur l’existence du contrat (l’acte est alors fictif), mais aussi sur la nature du
contrat (ce contrat apparaît aux yeux des tiers comme étant un contrat de société
alors qu’il dissimule un contrat en réalité bien différent, par exemple une
donation) ou encore sur la personne du contractant (celui qui se présente
officiellement comme associé agit en réalité pour le compte d’un tiers, qui
souhaite rester anonyme ; celui qui a le titre d’associé n’est donc en réalité que le
prête-nom de l’autre personne qui n’est pas connue de la société). Le plus
souvent, cette simulation est montée pour frauder l’application d’une règle de
droit, par exemple la législation du travail. Tout intéressé, même les parties, peut
faire la preuve par tous les moyens de cette fraude.
Entre les parties, c’est l’acte secret qui s’applique en vertu du principe de
l’autonomie de la volonté, sous réserve qu’il soit lui-même licite. Quant aux
tiers, ils peuvent se prévaloir au choix de l’acte apparent ou de l’acte secret.
FOCUS
La notion de prête-nom
On appelle prête-nom la personne qui entre dans une société mais en agissant en réalité pour le
compte d’une autre personne soucieuse, pour des raisons diverses, de ne pas révéler l’intérêt
qu’elle porte à cette société. Le prête-nom est l’associé apparent, le véritable associé étant celui
pour le compte duquel il agit.
La convention de prête-nom est en principe licite. La Cour de cassation a jugé que le contrat de
société signé par un prête-nom est en principe valable (Com., 30 janvier 1961, JCP 62
II 12527). Mais, dans certains cas, elle peut être interdite par la loi et, partant, sanctionnée
civilement ou pénalement. Par exemple, la loi du 30 décembre 1981 a interdit à une société
anonyme d’acquérir ses propres actions par l’intermédiaire d’un prête-nom et a sanctionné
d’une peine la violation de cette prohibition.
Cette validité de principe n’empêche pas que, dans la plupart des cas où elle est employée, la
participation d’un prête-nom à la création d’une société soit dépourvue de valeur ou
répréhensible. En effet, l’existence de prête-noms peut parfois être synonyme de société fictive.
Une société est fictive lorsque toutes les personnes qui se présentent comme des associés ne
sont que les prête-noms ou les comparses d’une seule personne, elle-même associée ou
étrangère à la société. Dans ce cas, en effet, la société n’est qu’une façade masquant les
agissements de cette personne ; certains des éléments constitutifs du contrat de société font
défaut, dans la plupart des cas l’affectio societatis ou la volonté même de s’associer chez les
intervenants de complaisance, mais souvent aussi les apports.
Le caractère fictif d’une société doit être établi en justice, peut être dénoncé par toute personne
y ayant intérêt (intérêt né, actuel et légitime) et la preuve peut être apportée par tous les
moyens, même l’auteur de la fictivité peut agir en justice pour en faire la preuve.
L’établissement du caractère fictif d’une société a pour conséquence que cette société est sans
effet dans les rapports entre les parties ni pour le passé ni pour l’avenir. Mais la société ayant eu
les apparences d’une société à l’égard des tiers, ceux-ci sont en droit d’exiger de ceux qui l’ont
constituée qu’ils assument les engagements comme si la société avait été réelle. En pratique, les
hypothèses de société fictive sont fréquentes car c’est un moyen de dissimuler certaines
opérations contraires à la loi. L’action en dénonciation de fictivité peut être exercée pendant
5 ans.

II. La capacité des associés


La capacité est l’aptitude d’une personne physique ou morale à être sujet de
droit, et à participer à la vie juridique. Le défaut de capacité d’un associé est une
cause de nullité relative de la société, sauf dans les SARL et les sociétés par
actions, à moins que ce défaut n’atteigne tous les associés fondateurs (art. L. 235-
1 al. 1 C. com.).
La capacité requise pour entrer dans une société diffère selon les formes sociales
(SNC, SARL, SA, etc.). Pour la plupart des formes sociales, la capacité civile de
jouissance suffit. En revanche, pour d’autres formes sociales, la capacité civile ne
suffit pas : il faut avoir la capacité commerciale.
C’est le cas notamment dans la SNC : les associés de ces sociétés doivent tous
avoir la capacité commerciale.
La capacité commerciale est également exigée pour certains associés des SCS et
des SCA : les associés commandités.
Il convient de distinguer deux types de capacité civile :
la capacité civile de jouissance (qui est le fait d’être titulaire de droits), toute
personne en est dotée ;
la capacité civile d’exercice (qui est le fait de pouvoir exercer soi-même les
droits dont on est titulaire), dont certaines personnes ne sont pas titulaires (ex. :
les mineurs non émancipés ou encore les majeurs sous tutelle).
La capacité commerciale est exigée pour l’accomplissement d’un certain
nombre d’actes de commerce et pour avoir la qualité de commerçant. Elle
concerne les personnes disposant de la capacité civile d’exercice (majeurs et
mineurs émancipés et autorisés) ne faisant l’objet d’aucune incompatibilité ou
interdiction (en effet, l’exercice d’une activité commerciale est interdit à toute
personne pour laquelle a été prononcée la faillite personnelle ou l’interdiction de
gérer).
Il faut bien comprendre que l’exigence de la capacité commerciale est une
contrainte importante : tout le monde n’est pas doté de cette capacité. En effet,
une personne dotée de la capacité civile d’exercice n’a pas systématiquement la
capacité commerciale. L’exiger revient donc à exclure des sociétés concernées un
certain nombre de personnes. La liste de ces personnes sera précisée lors de
l’étude de la SNC.
Pour les autres sociétés (sociétés civiles, SARL, SA, SAS ainsi que certains
associés des SCS et SCA), seule la capacité civile de jouissance est requise.
Ainsi, toute personne physique (même un bébé de quelques mois) et toute
personne morale peut être associée de ces autres sociétés.
La capacité n’est pas la seule condition qui peut faire obstacle à l’entrée d’une
personne dans une société. Il faut aussi tenir compte, pour apprécier si une
personne déterminée est en droit de faire partie d’une société, de différentes
situations telles que le mariage, le PACS, la profession exercée, la nationalité, les
incompatibilités, les interdictions et les déchéances pour devenir associé ou
dirigeant de la société.
La capacité des associés

La capacité civile La capacité


de jouissance suffit commerciale est exigée

SNC Non Oui

SCS Associés Non Oui


commandités

Associés Oui Non


commanditaires

SARL Oui Non

SA Oui Non

SCA Associés Non Oui


commandités

Actionnaires Oui Non


commanditaires

SAS Oui Non

Sociétés civiles Oui Non

A. LES MINEURS

Il faut distinguer deux situations : celle du mineur émancipé et celle du mineur


non émancipé.

1. Le mineur émancipé
Le mineur d’au moins 16 ans peut être émancipé par le juge des tutelles (juge du
contentieux de la protection, qui est un magistrat du siège rattaché au tribunal
judiciaire) avec l’autorisation des deux parents ou d’un parent ou du tuteur, et
sous réserve de présenter une demande valable avec de justes motifs (départ à
l’étranger, soutien de famille, sportif de haut niveau…).
Depuis une loi du 15 juin 2010, un mineur émancipé peut être commerçant s’il en
obtient l’autorisation par voie judiciaire (art. 413-8 C. civ. et art. L. 121-2
C. com.) :
du juge des tutelles s’il manifeste ce souhait lors de la demande
d’émancipation ;
du président du tribunal judiciaire s’il manifeste ce souhait ultérieurement.
Sans cette autorisation judiciaire, il ne peut pas être associé dans une société en
nom collectif, ou commandité dans une société en commandite simple ou par
actions, même avec l’autorisation de ses père et mère. En revanche, il peut être
associé dans une SAS, une SA, une SARL ou commanditaire dans une société en
commandite simple ou par actions, voire dans une société civile puisqu’il a la
même capacité civile qu’un majeur.

2. Le mineur non émancipé


L’exercice d’une activité commerciale (art. L. 121-2 C. com. a contrario) étant
interdite à un mineur non émancipé, ce dernier ne peut pas être associé dans une
société en nom collectif ou commandité dans une société en commandite simple
ou par actions.
Dans les sociétés pour lesquelles la capacité commerciale n’est pas requise
(SARL, SA et SAS ou s’il est commanditaire dans une société en commandite
simple ou par actions), le mineur peut, en principe, être associé. Cependant, il
n’agit pas personnellement. Les parts sociales (nom donné aux droits sociaux
souscrits par les associés dans les sociétés de personnes et les sociétés à
responsabilité limitée) ou actions (titres négociables pour les SA, SCA, SAS)
sont souscrites en son nom et pour son compte par son représentant légal :
administrateur légal (père ou mère) si le mineur est sous le régime de
l’administration légale, tuteur s’il est en tutelle. Cependant, les pouvoirs du
représentant légal ne sont pas illimités. Des règles particulières destinées à
protéger le patrimoine des mineurs prévoient certaines autorisations préalables
pour que le tuteur ou l’administrateur légal puisse disposer des biens du mineur.
B. LES MAJEURS INCAPABLES

Cette qualité est contrôlable en marge de l’état civil de la personne physique


considérée (extrait d’acte de naissance) où sera portée la mention RC qui signifie
« répertoire civil ». Ce répertoire est tenu au greffe du tribunal judiciaire du lieu
de naissance sur lequel sont transcrits les divers événements affectant les
incapables majeurs (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle).
Il faut distinguer plusieurs hypothèses.

1. Le majeur sous sauvegarde de justice


Ce majeur conserve l’exercice normal de ses droits, il reste capable (art. 435
C. civ.), sauf s’il a donné mandat d’administrer ses biens pendant la période de
sauvegarde de justice (art. 436 al. 1er C. civ.) ou si un mandataire a été désigné en
justice (art. 437 C. civ.) ; sous ces réserves, il peut donc entrer seul dans
n’importe quelle société. En effet, le majeur sous sauvegarde de justice est
titulaire de la capacité civile d’exercice, mais également de la capacité
commerciale.
Néanmoins, la loi lui reconnaît la faculté de demander en justice la rescision pour
lésion (annulation de l’acte) ou la réduction pour excès (art. 435 al. 2 C. civ.),
dans un délai de 5 ans. La rescision pour lésion permet de remettre en cause la
qualité d’associé de cette personne protégée. La réduction pour excès permet,
elle, de maintenir la qualité d’associé, mais en révisant la contrepartie de cet
engagement (à savoir le nombre de droits sociaux obtenus en rémunération de
l’apport effectué) afin que cesse le déséquilibre initial préjudiciable à la personne
protégée.

2. Le majeur en curatelle
Ce majeur est frappé d’incapacité réduite (art. 467 C. civ.), mais il conserve une
certaine aptitude juridique. Sa protection est assurée par deux mesures qui se
combinent :
il est incapable de faire seul, sans l’assistance de son curateur, tout acte qui,
sous le régime de la tutelle des majeurs, requerrait une autorisation du conseil
de famille (art. 467 al. 1er C. civ.). Il s’ensuit que :
le majeur en curatelle ne peut agir seul que s’il apporte en société des
meubles d’usage courant ou des biens ayant le caractère de fruits,
pour les apports de tous autres biens, y compris ses capitaux, l’assistance du
curateur est requise.
Toutefois, le majeur en curatelle ne saurait faire le commerce. Il n’a pas la
capacité commerciale ;
pour tous les actes qui ne requièrent pas l’assentiment du curateur, le majeur
peut agir en rescision pour lésion ou réduction pour excès comme dans le cas
de sauvegarde de justice (art. 465, 1° C. civ.).

3. Le majeur en tutelle
Ce majeur est dans la même situation que le mineur non émancipé. Il n’a ni la
capacité civile d’exercice ni la capacité commerciale. Il est frappé d’une
incapacité totale et doit être représenté par le tuteur. On applique donc le même
régime que celui concernant le mineur. Cependant, la capacité du majeur en
tutelle peut être augmentée (art. 473 C. civ.) par une décision de justice, à
l’ouverture de la tutelle ou au cours de son fonctionnement, qui peut énumérer
certains actes que le majeur en tutelle aura la capacité de faire lui-même soit seul,
soit avec l’assistance de son tuteur ou de son gérant de tutelle.
FOCUS
Le majeur sous mandat de protection future
Un majeur non soumis à un régime de tutelle peut désormais, de manière anticipée, organiser sa
protection pour l’hypothèse éventuelle d’une future altération de ses facultés mentales ou
corporelles. Ainsi, il peut, à une époque où il a toutes ses facultés, désigner (par acte notarié ou
par acte sous signature privée) une ou plusieurs personnes pour le représenter pour le cas où il
ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales
ou corporelles. Cette faculté est également ouverte au mineur émancipé.
Si ce mandat de protection future est établi par acte sous signature privée, le ou les mandataires
ne pourront effectuer que les actes qu’un tuteur peut faire seul. Ils ne pourront donc apporter à
une société, sans autorisation, que des meubles d’usage courant ou ayant le caractère de fruits.
Si ce mandat de protection future est établi par acte notarié, le mandataire peut effectuer seul
tous les actes que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation
(art. 490 C. civ.). Il peut donc apporter à une société tous types de biens, au nom du majeur
protégé.
La mise en exécution du mandat de protection future ne fait pas perdre au mandant sa capacité
juridique. Il peut donc effectuer seul un apport en société. Cependant, cet apport pourra ensuite
être rescindé pour lésion ou réduit en cas d’excès. Lorsqu’ils se prononceront sur cette
annulation ou sur cette réduction, les tribunaux prendront notamment en considération l’utilité
ou l’inutilité de l’opération, l’importance ou la consistance du patrimoine du majeur protégé et
la bonne ou mauvaise foi de ses cocontractants. Cette action en justice peut être exercée par le
majeur protégé et, après son décès, par ses héritiers. Elle se prescrit par 5 ans (art. 488 C. civ.).
C. LES PERSONNES MORALES

Les personnes morales de droit privé (société civile ou commerciale, association


déclarée, fondation, syndicat, GIE et GEIE), les personnes morales de droit
public (l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics, soit
administratifs, soit industriels et commerciaux), les établissements publics
économiques (les chambres de commerce, des métiers, d’agriculture), et les GIP
(groupements d’intérêt public créés par un arrêté du Premier ministre) peuvent
souscrire des parts sociales ou des actions (des droits sociaux) de sociétés
commerciales dans la mesure de leur capacité, déterminée dans le texte qui est à
l’origine de leur création.
L’article suivant précise que :

Article 1145 al. 2 du Code civil (issu de l’ordonnance n° 2016-


131 du 10 février 2016 en application depuis le 1er octobre
2016 portant réforme du droit des contrats)
« La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel
que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles
applicables à chacune d’entre elles. »

La référence à l’utilité des actes complique le contrôle de la validité des actes


conclus par une personne morale et semble octroyer aux juges un large pouvoir
d’appréciation de l’opportunité de ces actes. Les interprétations divergent sur le
point de savoir comment s’appréciera l’utilité : par référence à l’objet social ou
par référence à l’intérêt social ?
En tout état de cause, les obligations relatives aux informations à donner sur les
franchissements de seuils, la réglementation relative aux participations
réciproques et au rachat de ses propres actions par une société doivent être
respectées.
En revanche, si le groupement n’a pas la personnalité morale (société de fait, en
participation, en formation, groupes), il lui est impossible de détenir des droits
sociaux.

D. LES ÉPOUX
Le mariage est un élément à prendre en compte pour déterminer si une personne
peut librement devenir associée et, dans ce cadre, réaliser un apport à une société.
Plus précisément, c’est le régime matrimonial auquel est soumis l’époux
apporteur qui dictera les règles encadrant l’entrée en société et la réalisation d’un
apport.

1. Le droit d’un époux à entrer dans une société


Chaque époux peut librement devenir associé d’une société en faisant apport des
biens dont son régime matrimonial lui permet de disposer.
Le pouvoir d’un époux à faire un apport dépend donc des règles propres à chaque
régime matrimonial.
a. Régimes séparatistes : régime de la séparation de biens et régime de la
participation aux acquêts
Pour ces deux régimes, il n’y a aucun bien commun entre les époux.
Chaque époux conserve l’administration, la libre disposition et la jouissance de
tous ses biens personnels, et est donc libre d’en faire apport en société. Toutefois,
quel que soit le régime matrimonial, un époux ne peut, sans l’accord de l’autre,
faire apport des « droits par lesquels est assuré le logement de la famille », ni des
meubles meublants dont il est garni (art. 215 al. 3 C. civ.).
En droit, la notion de « meubles meublants » vise ce que le langage courant
appelle « meubles » : une table, une armoire, une chaise…
b. Régimes communautaires : régime de la communauté de biens réduite
aux acquêts (régime légal), régime de la communauté de meubles et
acquêts et régime de la communauté universelle
Le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts constitue le régime
légal, c’est-à-dire celui qui s’applique à tous les couples qui se marient sans avoir
au préalable fait établir de contrat de mariage. Dans cette hypothèse, trois masses
de biens coexistent : le patrimoine propre de chaque époux et le patrimoine
commun qui est composé de tous les biens acquis par les deux époux, ou par l’un
des deux, depuis le mariage, exception faite des biens que les époux ont reçus par
donation ou succession au cours du mariage.
Le régime de la communauté de meubles et acquêts, qui est l’ancien régime
légal, connaît la même structure, à la différence que tous les biens meubles sont
communs même lorsqu’ils ont été acquis par donation ou succession pendant le
mariage.
Dans le régime de la communauté universelle, tous les biens du couple sont
communs.
Apport d’un bien propre
Chaque époux peut faire apport librement de ses biens propres (c’est-à-dire pour
l’essentiel, des biens dont l’époux est propriétaire au jour de la célébration du
mariage ou qu’il a acquis pendant le mariage par succession, donation ou legs ou
à la suite d’un emploi ou d’un remploi).
Apport d’un bien commun
Deux questions se posent ici :
L’un des époux peut-il seul apporter un bien commun à une société (sans obtenir
l’accord de son conjoint) ?
À la suite de cet apport de bien commun, qui devient associé ? Uniquement
l’époux qui a réalisé l’apport ou les deux époux ensemble ?

Un époux peut-il décider seul d’apporter un bien commun à une société ?


La réponse varie selon la forme juridique de la société bénéficiaire de l’apport.
Si l’apport est réalisé au profit d’une SA, d’une SCA ou d’une SAS, l’un ou
l’autre des époux peut réaliser seul l’apport d’un bien commun. L’autorisation du
conjoint n’est pas nécessaire. Il n’est même pas exigé d’en informer le conjoint.
En revanche, si l’apport d’un bien commun est effectué au profit d’une société
civile, d’une SNC, d’une SCS ou d’une SARL, l’apporteur doit en informer son
conjoint et justifier de cette information dans l’acte d’apport (art. 1832-2 al. 1er
C. civ.).
Toutefois, certains biens sont soumis à des règles particulières, quelle que soit la
forme juridique de la société concernée :
pour un bien faisant partie de la communauté et nécessaire à l’exercice de
l’activité professionnelle d’un époux, seul ce dernier peut en faire apport à une
société (art. 1421 al. 2 C. civ.) ;
en cas d’apport d’un immeuble, d’un fonds de commerce, d’une exploitation
(agricole ou artisanale par exemple), de droits sociaux non négociables (parts
de société civile, SNC, SCS, SARL) ou de meubles corporels dont l’aliénation
est soumise à publicité (yachts, avions mais non les automobiles) relevant de la
communauté : il est indispensable d’obtenir son accord pour réaliser l’apport
(art. 1424 et 1425 C. civ.).
Lors d’un apport de bien commun réalisé par un seul des époux, qui
devient associé ? Le conjoint qui réalise l’apport ou les deux époux
ensemble ?
En principe, lorsque seul l’un des époux réalise un apport à une société, la qualité
d’associé appartient à celui qui fait l’apport ou réalise l’acquisition.
Toutefois, dans les SNC, SCS, SARL et sociétés civiles, la qualité d’associé peut
être également reconnue au conjoint, pour la moitié des parts souscrites ou
acquises, mais à la condition qu’il notifie à la société son intention d’être
personnellement associé. Cette possibilité n’existe pas, en revanche, pour les SA,
SCA et SAS.
Quand l’époux apporteur a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs,
l’autre, à moins qu’il n’ait ratifié l’acte, peut en demander l’annulation dans un
délai de 2 ans à compter de la découverte de l’acte.
FOCUS
Apport par un époux d’un bien meuble « qu’il détient
individuellement »
Dans le but d’assurer la sécurité des tiers qui contractent avec l’un des époux, l’article 222 du
Code civil édicte une règle, applicable quel que soit le régime matrimonial adopté, selon
laquelle :
« Si l’un des époux se présente seul pour faire un acte d’administration, de jouissance ou de
disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement, il est réputé, à l’égard des tiers de
bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte. »
En conséquence, tout époux qui se présente avec dans ses mains, soit de l’argent, soit des
actions d’une autre société, peut librement entrer seul dans une société. Cet article 222 du
Code civil établit une présomption absolue à l’égard des tiers de bonne foi qui ne sont pas tenus
de rechercher si l’époux avec lequel ils contractent a un réel pouvoir de disposer du bien qui
fait l’objet de cette convention.

2. Les sociétés entre époux


Deux époux peuvent, seuls ou avec des tiers, être associés dans une même
société. Dans ce cas, les deux époux réalisent chacun un apport. Ils peuvent
même être les seuls associés d’une société.

E. LES PERSONNES PARTIES À UN PACS (PACTE CIVIL DE


SOLIDARITÉ)
Le pacte civil de solidarité est un contrat (déposé au tribunal d’instance) conclu
par deux personnes physiques majeures, capables, non mariées, de même sexe ou
de sexe différent afin d’organiser leur vie commune.
Les règles juridiques définissant les relations patrimoniales entre les deux
partenaires de Pacs reposent sur le principe de la séparation des biens (chaque
partenaire est pleinement propriétaire des biens qu’il acquiert durant le Pacs).
Toutefois, les partenaires peuvent opter pour le régime de l’indivision. Le cas
échéant, les biens achetés ensemble ou séparément sont réputés appartenir pour
moitié à chacun des partenaires.
Lorsque les partenaires n’ont pas opté expressément pour l’indivision, l’apport en
société réalisé par l’un d’entre eux peut donc se faire librement, sans qu’il soit
nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’autre partenaire.
Lorsque l’apport réalisé par un partenaire porte sur un bien détenu en indivision,
l’apporteur est tenu d’obtenir l’accord préalable de son pacsé, conformément aux
règles de cogestion des biens indivis.

F. LES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES

L’exercice des activités commerciales est interdit aux membres de certaines


professions afin d’assurer leur indépendance et de les mettre à l’abri des conflits
d’intérêts que peuvent faire naître leurs activités.
Cette interdiction frappe notamment les architectes, experts-comptables,
commissaires aux comptes, avocats, avoués, greffiers des tribunaux de
commerce, huissiers, fonctionnaires, magistrats, notaires, syndicats,
parlementaires (députés et sénateurs), ministres, etc.
L’interdiction d’exercer une activité commerciale prive donc ces membres de
professions libérales de la capacité commerciale exigée pour certaines formes
sociales comme la SNC ou les commandites s’agissant des commandités.
Il sera donc indispensable de vérifier au cas par cas si la personne est apte à avoir
la qualité d’associé dans telle société.

G. LES PERSONNES DE NATIONALITÉ ÉTRANGÈRE


La capacité des étrangers personnes physiques est régie par leur loi nationale et
non pas par la loi française. Pour savoir si un étranger peut devenir membre
d’une société, il faut donc se reporter à la loi de sa nationalité. Toutefois,
l’incapacité résultant de la loi nationale de l’étranger n’est pas opposable à celui
qui l’a ignorée et qui a contracté sans légèreté et sans imprudence.
La capacité d’une personne morale étrangère dépend également de sa loi
nationale, c’est-à-dire de la loi du lieu de son siège social réel.

III. L’objet de la société

A. LA NOTION D’OBJET DE LA SOCIÉTÉ

En l’absence de définition légale, on considère que l’objet de la société (ou objet


social) est le genre d’activité que la société se propose d’exercer pour partager les
bénéfices escomptés ou profiter de l’économie résultant de cette activité.
Si l’objet n’est plus exigé formellement comme condition de validité du contrat
par l’article 1128 du Code civil qui vise désormais le contenu du contrat, les
dispositions qui en traitent dans le Code civil (art. 1833) ou le Code de
commerce (art. L. 210-2) à propos du contrat de société n’ont pas été affectées
par la réforme du droit des contrats.
L’objet social peut conditionner la nature (et donc la forme) de la société. En
effet, l’exercice d’une activité commerciale ne peut pas se réaliser dans le cadre
d’une société civile et devra donc intervenir dans le cadre d’une des six sociétés
commerciales (SNC, SCS, SARL, SA, SCA et SAS). En revanche, l’exercice
d’une activité civile peut se réaliser tant au sein d’une société civile qu’au sein
d’une société commerciale.
L’objet social ne doit pas être confondu avec :
l’activité réellement exercée (objet réel) qui peut être parfois légèrement
différente du programme d’activité fixé initialement par les associés lors de la
création de la société ;
le but de la société (on parlait avant de « cause ») qui correspond au pourquoi
de la création de la société. Selon l’article 1832 du Code civil, la société est
constituée en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui
pourra résulter de l’exercice de l’activité sociale. Outre ce but général, les
associés peuvent poursuivre des motivations particulières ;
l’intérêt social, c’est-à-dire l’intérêt de la personne morale, qui sert
d’impératif de conduite aux dirigeants de la société, dont les actes doivent
toujours être conformes à l’intérêt de la société.
La notion d’intérêt social est difficile à définir. Elle n’a pas été définie par la
loi. Elle est pourtant centrale en droit des sociétés, notamment car elle sert de
boussole à l’action des dirigeants. En effet, le Code de commerce prévoit que
les décisions des dirigeants doivent être conformes à l’intérêt social, ce qui
signifie qu’elles doivent être utiles ou profitables à la société.
L’absence de définition légale a rapidement conduit la doctrine et la
jurisprudence à s’interroger sur les contours de cette notion. La notion d’intérêt
social s’est construite progressivement ; grâce à la jurisprudence9. Toutefois,
celle-ci n’a pas pris la peine de définir précisément cette notion (certainement
pour conserver sa liberté d’analyse). La tentative de définition du concept
d’intérêt social a suscité de nombreuses controverses doctrinales :
certains auteurs ont défendu uneconception contractuellede l’intérêt
social : il se confondrait alors avec l’intérêt des associés unis par le contrat
de société ; dans cette conception, chaque associé a le même intérêt, qui
s’imposerait donc à l’action commune ; cet intérêt, identique pour tous les
associés, serait l’enrichissement par la réalisation de l’objet social. L’action
des dirigeants devrait donc satisfaire l’ensemble des associés, sans
exception, et ne pourrait donc pas être destinée à favoriser l’intérêt égoïste
de quelques-uns, fussent-ils majoritaires,
pour d’autres auteurs, l’intérêt social est unconcept institutionnel :
l’intérêt social ne peut pas se confondre avec l’intérêt personnel des
associés, et encore moins avec l’intérêt personnel des dirigeants. Selon ces
auteurs, la société est une entité autonome, une institution, dont l’intérêt
transcende celui des associés. L’intérêt social est l’intérêt commun des
associés, mais reste supérieur à la somme des intérêts personnels de chacun.
Cette conception institutionnelle est la conception dominante,
enfin, certains juristes ont développé uneanalyse fondée sur la doctrine
de l’entreprise : l’intérêt social ne se limiterait alors pas au seul intérêt de la
société, et imposerait de prendre en considération l’intérêt commun des
différents acteurs de l’entreprise (associés, dirigeants, cocontractants,
salariés, créanciers, clients…). Dans cette conception, l’intérêt social n’est
pas appréhendé uniquement sous un angle strictement juridique : il impose
de regarder la société comme une entité économique.
La loi PACTE semble avoir consacré cette dernière analyse en ajoutant à
l’article 1833 du Code civil « Toute société doit avoir un objet licite et être
constituée dans l’intérêt commun des associés », un deuxième aliéna « La
société est gérée dans son intérêt social, en considérant les enjeux sociaux et
environnementaux de son activité ».
FOCUS
Les entreprises à mission
L’article 176 de la loi PACTE du 22 mai 2019, codifié aux articles L. 210-10 à L. 210-12 du
Code de commerce introduit la qualité de société à mission.
Il s’agit pour une entreprise d’affirmer publiquement sa raison d’être, ainsi qu’un ou plusieurs
objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le
cadre de son activité. Ces éléments doivent être inscrits dans les statuts et déclarés au greffe du
tribunal de commerce. Un organisme tiers indépendant sera alors chargé de vérifier l’exécution
par la société à mission des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés dans les statuts.
Cette nouvelle qualité juridique de société à mission, qui peut s’appliquer quelle que soit la
forme de la société émerge de la réforme de l’objet social.
Les entreprises Danone, Yves Rocher, Camif, Maif, par exemple, ont choisi la qualité de société
à mission. Or, ce choix peut se heurter aux intérêts des actionnaires (Danone).

B. LES CARACTÉRISTIQUES DE L’OBJET SOCIAL

1. L’objet doit être déterminé


La détermination de l’objet social revêt une très grande importance car elle
conditionne la régularité des opérations que la société va effectuer et permet ainsi
d’éviter la requalification en société de fait.
L’objet social est déterminé par la description faite dans les statuts (mention
obligatoire, art. L. 210-2 C. com.) de l’activité que la société décide d’exercer. En
principe, les fondateurs sont libres de définir, comme ils l’entendent, le champ de
cette activité. Ils doivent cependant observer quelques règles :
dans certaines sociétés spécialement réglementées, l’objet social doit être
strictement défini car il est le fondement du statut particulier réservé à ces
sociétés ;
dans toute société, l’objet doit être suffisamment explicite ; une formule vague
concernant « toute opération commerciale, industrielle ou financière », sans
autre précision, serait insuffisante, de même que « tout ce qui n’est pas interdit
par la loi ».
En pratique, l’objet social prévoit le type d’activité (commerciale, industrielle, de
service) qu’entend exploiter la société et est complété d’une clause « parapluie »
visant « toutes opérations financières, civiles et commerciales se rattachant
directement ou indirectement à cette activité ».

2. L’objet doit être possible


Cette règle, évidente par elle-même, n’appelle guère d’explications du point de
vue pratique. Il faut signaler simplement que, lorsque l’un des objets pour
lesquels la société a été créée vient à ne plus être possible, la société ne doit pas
être dissoute du moment que ses statuts prévoyaient d’autres activités réalisables
et effectivement réalisées.

3. L’objet doit être licite


La licéité de l’objet se détermine en principe à partir de l’activité réellement
exercée par la société et non pas à partir de celle indiquée dans les statuts. Il ne
suffit pas que l’objet statutaire soit licite, encore faut-il que l’objet réel le soit
également.
Cependant, dans les sociétés à risque limité, la licéité de l’objet s’apprécie au
regard de l’objet statutaire et non de l’objet réel. En effet, depuis la jurisprudence
Marleasing de la Cour de justice européenne10, il ressort qu’il ne faut pas prendre
en compte l’objet réel de la société mais son objet statutaire pour apprécier la
licéité de l’objet social. L’article 11 de la directive européenne du 14 juin 2017
qui a codifié la directive du 16 septembre 2009, pose ainsi une liste limitative de
causes de nullité dans les sociétés à risque limité qui doit être interprétée
strictement.
D’une façon générale, est illicite toute activité contraire à l’ordre public et aux
bonnes mœurs (art. 6 et 1833 C. civ.) : contrebande, exploitation de maisons de
tolérance, activités ayant pour but l’entrave au libre exercice du commerce et de
l’industrie, etc.
Par ailleurs, même licites, certaines activités ne peuvent être exercées dans
certaines formes de sociétés ou ne peuvent l’être que sous certaines conditions.
D’autres activités sont soumises à la détention d’un diplôme, d’un stage
professionnel, d’un examen professionnel (architecte, commissaire aux comptes,
experts-comptables, etc.).
Pour savoir dans quelles conditions on peut exercer une activité économique, il
convient d’interroger le ministère de tutelle de l’activité considérée.

C. LES INTÉRÊTS PRATIQUES DE L’OBJET

C’est à partir de l’objet social, tel que défini dans les statuts, que s’apprécient :
la capacité de la société ;
l’étendue des pouvoirs des organes de direction à l’égard des tiers, en
particulier s’agissant des sociétés civiles, SNC ;
la dissolution de la société pour réalisation ou extinction de son objet ;
la nécessité de modifier les statuts en cas de changement dans l’activité
poursuivie par la société.

SECTION 2.
Les conditions spécifiques de validité du
contrat de société

Article 1832 du Code civil


« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat
d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice
ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »

Trois éléments constitutifs doivent être réunis pour qu’une société soit instituée :
en principe une pluralité d’associés (I), qui mettent en commun des apports (II)
et qui participent aux résultats (III). Un élément intentionnel s’y ajoute :
l’affectio societatis (IV).
I. La pluralité d’associés
En principe, hormis le cas de certaines SEL, de la SARL et de la SAS qui
peuvent être des sociétés unipersonnelles, la société ne peut exister que si deux
personnes, physiques ou morales, au moins décident de s’associer.
Le décompte des associés, à la constitution mais également en cours de vie
sociale (A), dépend néanmoins de la qualification d’associé. Or, dans certaines
situations, il est délicat d’attribuer la qualité d’associé (B).

A. LE DÉCOMPTE DES ASSOCIÉS

1. Nombre minimum
Lors de la constitution de la société, l’article 1832 al. 1er du Code civil pose en
principe qu’une société exige le concours d’au moins deux personnes.
L’affirmation est exacte pour les sociétés civiles, les sociétés en nom collectif ou
en commandite simple et les sociétés anonymes non cotées.
Pour les sociétés anonymes qui offrent leurs titres au public ou dont les titres sont
admis aux négociations sur un marché réglementé, le nombre d’actionnaires ne
peut être inférieur à sept.
La société en commandite par actions quant à elle doit comprendre quatre
associés au minimum, dont un commandité et trois commanditaires.
La SARL, la SAS ou certaines SEL peuvent n’être constituées qu’avec un
associé.
Exigée lors de la constitution de la société, la pluralité d’associé doit encore se
maintenir tout au long de la vie sociale. En effet, sauf dans les formes sociales
qui peuvent être unipersonnelles, la réunion de toutes les parts ou actions en une
seule main est une cause de dissolution de la société (art. 1844-5 C. civ.). Pour
autant, il ne s’agit pas d’une dissolution de plein droit et l’associé devenu seul
dispose d’un délai de 1 an pour régulariser la situation soit en cédant à un ou
plusieurs tiers des titres sociaux, soit en prononçant la dissolution de la société.
Si la régularisation n’est pas intervenue au bout de 1 an, tout intéressé peut
demander la dissolution de la société.

2. Nombre maximum
Seules les SARL connaissent un maximum : le nombre d’associés ne peut
dépasser 100 (art. L. 223-3 C. com.). Le fait de dépasser le seuil de cent associés
n’est toutefois pas synonyme de disparition immédiate de la SARL. Un délai de
régularisation de 1 an existe. En effet, la dissolution de la société n’est encourue
que si elle n’a pas régularisé sa situation au terme d’un délai de 1 an.
Tableau récapitulatif du nombre d’associés
Nombre min. d’associés Nombre max.
d’associés

SNC 2 Pas de maximum

SCS 1 commandité Pas de maximum


+ 1 commanditaire

SARL 1 100

SA cotée 7 Pas de maximum

SA non cotée 2 Pas de maximum

SCA 1 commandité Pas de maximum


+ 3 commanditaires

SAS 1 Pas de maximum

Société civile de droit 2 Pas de maximum


commun

B. LA QUALITÉ D’ASSOCIÉ

Il n’existe aucune définition légale de l’associé. La jurisprudence est également


muette à ce sujet. Ainsi, seule la doctrine apporte une réponse.
A la qualité d’associé la personne physique ou morale qui réunit en elle-même
les trois autres éléments caractéristiques du contrat de société, c’est-à-dire qui a
fait un apport, qui participe aux bénéfices (ou aux économies) et aux pertes et qui
a eu la volonté de s’associer (affectio societatis).
Dans certaines circonstances, la détermination de cette qualité soulève des
difficultés.

1. L’indivision
Les parts sociales ou actions peuvent faire l’objet d’une indivision légale ou
conventionnelle. L’indivision signifie que le droit de propriété de la chose est
scindé en droits de même nature détenus par plusieurs personnes. L’indivision se
rencontre fréquemment dans le cadre des successions. Tant que les biens
appartenant au défunt n’ont pas fait l’objet d’un partage entre ses héritiers, ceux-
ci sont en indivision entre eux : les biens du défunt forment une masse globale
dont la propriété revient aux héritiers, chaque héritier ayant une quote-part de
cette propriété.
Si, à l’occasion d’un apport d’un bien indivis, les parts sociales ou actions
attribuées en rémunération de cet apport sont partagées entre les indivisaires au
prorata de leurs droits dans l’indivision, chaque indivisaire acquiert alors
personnellement la qualité d’associé et peut exercer toutes les prérogatives qui y
sont attachées.
Si les parts sociales ou actions restent indivises, ou si l’indivision survient en
cours de vie sociale, chaque indivisaire a la qualité d’associé. Néanmoins,
pendant la durée de l’indivision, l’exercice des droits attachés à cette qualité
demeure limité en vertu des règles propres au régime des indivisions. Les
prérogatives sociales seront donc exercées par un mandataire unique,
représentant de l’indivision.

2. Les associés mariés


Pour les époux, l’attribution de la qualité d’associé ne soulève aucune difficulté
lorsque les époux sont mariés sous un régime de séparation de biens ou de
participation aux acquêts. Chacun d’eux, étant libre de disposer de ses biens
personnels, peut librement en faire apport à une société (ou les employer à
l’achat de droits sociaux) et acquérir ainsi seul la qualité d’associé.
Il en est de même en cas de communauté de biens lorsque les époux réalisent des
apports ou achètent des droits sociaux (parts sociales ou actions) au moyen de
leurs biens propres (biens possédés avant le mariage ou reçus pendant le mariage
par succession ou donation).
La question est plus délicate lorsque l’entrée dans la société – qu’elle résulte d’un
apport ou d’un achat de droits sociaux – est réalisée au moyen de biens
communs. Depuis la loi n° 82-596 du 10 juillet 1982 (art. 1832-2 C. civ.), il
convient de faire une distinction selon que la société concernée est ou non une
société par actions.
a. Les sociétés par actions
Lorsque l’apport ou l’achat a été effectué conjointement par les deux époux,
chacun d’eux a la qualité d’associé et exerce personnellement tous les droits
attachés aux actions qui lui ont été attribuées dans l’acte d’apport ou d’achat.
Si l’apport ou l’achat a été réalisé au moyen de biens communs par un seul des
époux, c’est à celui-ci que doit être reconnue la qualité d’associé. Il convient ici
de préciser que l’apport de certains biens est subordonné à l’autorisation du
conjoint (art. 1424 C. civ.). Tel est le cas des immeubles, des fonds de commerce,
des exploitations artisanales, des exploitations agricoles, etc.
b. Les sociétés autres que par actions
Lorsque l’apport ou l’achat a été effectué conjointement par les deux époux,
chacun d’eux a la qualité d’associé et exerce personnellement tous les droits
attachés aux parts sociales qui lui ont été attribuées dans l’acte d’apport ou
d’achat.
Si l’apport ou l’achat est réalisé par un seul des époux, c’est celui des deux époux
qui a fait l’apport ou réalisé l’acquisition qui a la qualité d’associé (art. 1832-2
al. 2 C. civ.).
Toutefois, cette qualité doit aussi être reconnue, pour la moitié des parts sociales
souscrites ou acquises, au conjoint s’il notifie par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception (LRAR) à la société son intention d’être
personnellement associé.
Cette notification (LRAR) peut intervenir lors de la réalisation de l’apport ou de
l’achat des parts sociales, ou ultérieurement.
Pour permettre l’exercice de ce droit de revendication, la loi impose à celui des
époux (mari ou femme) qui envisage de procéder à un apport en société ou à une
acquisition de parts sociales au moyen de biens communs, d’en avertir son
conjoint et de justifier de cette information dans l’acte d’apport ou d’achat
(art. 1832-2 al. 1 C. civ.). Cependant, pour l’apport de certains biens, il ne suffit
pas d’informer le conjoint : il faut obtenir expressément son accord (art. 1424
C. civ.).
Si le conjoint revendique la qualité d’associé lors de l’apport ou de l’acquisition,
il ne lui sera pas nécessaire de solliciter personnellement un agrément par les
associés : l’acceptation ou l’agrément donné à l’apporteur ou à l’acquéreur
vaudra automatiquement pour son conjoint (art. 1832-2 al. 3 C. civ.).
En revanche, si le conjoint revendique la qualité d’associé en cours de vie
sociale, il se heurte aux éventuelles clauses d’agrément contenues dans les statuts
et visant spécifiquement cette situation. Une clause statutaire d’agrément est
valable dès lors qu’elle vise les demandes faites par les conjoints des associés
après la constitution de la société. Le cas échéant, l’entrée du conjoint demandeur
dans la société sera alors subordonnée au vote d’un agrément par les associés (à
l’exclusion de l’époux associé).

3. Le démembrement des droits sociaux


Le droit de propriété se compose de trois éléments : l’usus, le fructus et l’abusus.
Dans la majorité des cas, ces trois éléments sont réunis ; on parle alors
juridiquement de pleine propriété. Toutefois, il est possible que ces trois éléments
soient séparés ; on parle alors de démembrement de propriété. Le démembrement
de propriété peut être voulu ou subi (cas fréquent dans les successions). Lorsque
le démembrement de propriété existe, un seul schéma est possible : l’usus et le
fructus restent ensemble et forment l’usufruit, alors que l’abusus existe de
manière autonome (on parle alors de nue-propriété). Le démembrement de
propriété peut s’appliquer à tous les biens, donc notamment aux droits sociaux
(actions et parts sociales). Dans ce cas, deux personnes au moins disposent de
prérogatives concurrentes mais différentes sur les mêmes parts sociales ou
actions.
Il n’y a pas de doute sur la qualité d’associé du nu-propriétaire. En revanche,
s’agissant de l’usufruitier la doctrine est divisée quant à sa qualité d’associé.
Il ressort de quelques décisions de jurisprudence que l’usufruitier ne s’est pas vu
reconnaître la qualité d’associé. En effet, n’ayant pas la qualité d’apporteur, la
qualité d’associé lui est refusée.
Il en résulte les conséquences suivantes, dont certaines paraîtront rigoureuses :
l’usufruitier ne peut pas être gérant d’une société, ni administrateur ou membre
du conseil de surveillance d’une société anonyme, si les statuts exigent la
qualité d’associé pour exercer ces fonctions ;
pour le calcul de la majorité par tête dans les sociétés en nom collectif, on ne
tient compte que du ou des nus-propriétaires (ex. : si certaines parts sociales
d’une société en nom collectif sont démembrées entre trois nus-propriétaires et
un seul usufruitier, la majorité par tête se calculera en tenant compte des trois
nus-propriétaires et en faisant abstraction de la personne de l’usufruitier) ;
dans le cas où toutes les parts sociales ou actions viendraient à être réunies sur
la tête d’un même nu-propriétaire et quel que soit le nombre des usufruitiers, la
société devrait être considérée comme ne comprenant qu’un seul associé et,
par conséquent, pourrait être dissoute dans les conditions déterminées à
l’article 1844-5 al. 1 du Code civil ;
parce qu’il a la qualité d’associé, le nu-propriétaire doit être convoqué et peut
participer à toutes les assemblées, même celles dans lesquelles, conformément
aux statuts, le droit de vote est exercé par l’usufruitier (cf. art. 1844 al. 1
C. civ. ; Com. 4 janvier 1994, RJDA 5/94 n° 526 ; Com. 2 déc. 2008, n° 08-
13815) ;
le nu-propriétaire est seul tenu aux obligations qui incombent, en vertu de la
loi ou des statuts, à l’associé. Ainsi, c’est lui et non l’usufruitier qui, dans les
sociétés en nom collectif, répond solidairement et indéfiniment des dettes
sociales.
En ajoutant un alinéa 3 à l’article 1844 du Code civil : « Si une part est grevée
d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux
décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour
les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à
l’usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et
l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par
l’usufruitier » ; la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 est venue préciser et
modifier les rapports entre usufruitier et nu-propriétaire. Tout d’abord, le droit de
participer aux décisions collectives, acquis au nu-propriétaire est étendu à
l’usufruitier pour toutes les décisions collectives et quelles que soient leurs
modalités. Il semblerait donc que par cette disposition le législateur ait fait le
choix de ne pas octroyer à l’usufruitier la qualité d’associé. Si l’usufruitier avait
la qualité d’associé, la précision nouvellement insérée serait inutile du fait de
l’alinéa 1er du même article. Les conséquences précédemment énoncées s’en
trouvent confirmées.
FOCUS
La convention de croupier
Un associé peut, sans le consentement de ses coassociés, convenir avec un tiers de partager les
bénéfices et les pertes résultant de sa participation dans la société. Cette convention, appelée
« convention de croupier », revêt le plus souvent la forme d’une société en participation
occulte, c’est-à-dire d’un accord secret entre deux intéressés au terme duquel l’un se présente
aux yeux de la société comme associé et l’autre reçoit de celui-ci les bénéfices à partager et, en
fait, ne participe qu’à la vie financière de la société.
La convention de croupier est sans effet à l’égard de la société. Celle-ci ne connaît que l’associé
déclaré, le croupier n’ayant pas la qualité d’associé. Cette convention n’a d’effet qu’entre les
parties contractantes. Toutefois, la convention de croupier ne doit pas être utilisée pour faire
échec aux dispositions légales ou statutaires concernant l’entrée de nouveaux associés dans la
société.

II. Les apports


Les apports consistent dans les biens (somme d’argent, immeubles, meubles,
valeurs mobilières, fonds de commerce, brevets, marques, etc.) ou l’industrie
dont les associés transfèrent la propriété ou la jouissance à la société, en
contrepartie desquels ils reçoivent des droits sociaux (c’est-à-dire des parts
sociales ou des actions).
Sans apport, il n’est pas de société. Chaque associé doit obligatoirement faire un
apport. Il manifeste ainsi son affectio societatis et permet à la société la
réalisation de l’entreprise commune.

A. LES RÈGLES GÉNÉRALES APPLICABLES AUX APPORTS

1. La nécessité et l’effectivité des apports


L’apport est indispensable pour la création de la société. Chacun des associés doit
obligatoirement avoir fait un apport (art. 1832 C. civ.). Cette règle ne souffre
d’aucune exception, y compris dans les sociétés pour lesquelles la loi ne fixe pas
de capital minimum. Elle vaut pour toute société et notamment :
pour les SARL, SA, SAS, SNC, SCA, SCS et sociétés civiles ;
pour les sociétés en participation (civiles ou commerciales) ;
pour les sociétés créées de fait (civiles ou commerciales) ;
pour les sociétés unipersonnelles (EURL, SASU et certaines SEL).
Le moyen par lequel l’associé est devenu propriétaire du bien qu’il apporte est
sans influence sur la validité de l’apport.
Il n’est pas nécessaire que les apports des associés soient équivalents ou de même
nature.
L’apport doit être effectif, c’est-à-dire réel et sérieux, de nature à procurer à la
société un bien représentant une valeur certaine.
Un apport fictif est celui qui est dénué de toute valeur réelle ou dont la valeur est
ridicule ; il peut entraîner la nullité de la société, sauf s’il s’agit d’une SARL ou
d’une société par actions.
À titre d’exemple, doivent être considérés comme fictifs :
l’apport d’un bien par une personne qui n’en est pas ou qui n’en est plus
propriétaire (car nul ne peut transmettre plus de droits ni de biens qu’il n’en
possède) ;
l’apport d’un bien sans valeur pécuniaire (ex. : un brevet nul ou périmé, ou un
immeuble hypothéqué sur la totalité de sa valeur) ;
l’apport d’un bien grevé d’un passif supérieur à la valeur brute de ce bien (ex. :
apport d’un immeuble hypothéqué dont, par la suite, la vente par les créanciers
de l’apporteur est réalisée à un prix très inférieur à la valeur d’apport).
Pour déterminer si un apport est fictif ou non, il faut se placer au moment de la
constitution de la société, c’est-à-dire, au jour de la signature des statuts ou de
l’augmentation du capital social constatant l’apport.
Il ne faut pas confondre la fictivité d’un apport avec la majoration ou la
surévaluation d’apport qui consiste à donner à un apport réel une valeur
exagérée.
L’apport doit être réalisé. L’apporteur est tenu de remettre à la société les biens
(meubles ou immeubles) qu’il a promis d’apporter (art. 1843-3 al. 1er C. civ.)
Si l’apporteur n’exécute pas son obligation d’apport, les coassociés ou les
créanciers sociaux peuvent l’y contraindre sur décision de justice, voire sous
astreinte (condamnation pécuniaire par jour de retard).
Si l’associé n’exécute pas son apport, la société peut être annulée, sauf s’il s’agit
d’une SARL ou d’une société par actions. La responsabilité personnelle de
l’intéressé peut être engagée et il peut subir une condamnation à des dommages
et intérêts.

2. La rémunération des apports


En contrepartie de son ou de ses apports, l’associé reçoit des droits sociaux, qui
s’appellent parts sociales ou actions selon que les sociétés sont des sociétés de
personnes (SNC, SCS et sociétés civiles) et des SARL ou des sociétés anonymes,
sociétés en commandite par actions et SAS.
Cette rémunération suppose une évaluation préalable tant des biens apportés, s’il
s’agit d’apports en nature, que des droits sociaux attribués en contrepartie de ces
biens, d’où l’intervention obligatoire des commissaires aux apports (qui sont des
commissaires aux comptes ou des experts) pour les apports en nature dans les
sociétés à risque limité.
Lorsque les apports ont été surévalués, il est possible de corriger ultérieurement
cette surévaluation par une réduction du capital social11. S’il apparaît en
revanche, notamment à la suite d’un redressement fiscal, qu’un apport a été sous-
évalué, la réévaluation de cet apport ne peut être décidée qu’avec l’accord de
tous les associés car elle entraîne une modification dans la répartition des droits
sociaux au détriment des associés autres que l’apporteur.

B. LES RÈGLES PARTICULIÈRES À CHAQUE TYPE D’APPORT

Les apports peuvent être en numéraire, en nature ou en industrie. Seuls les


apports en numéraire et en nature sont constitutifs du capital social.

1. Les apports en numéraire


L’apport en numéraire est tout apport d’argent. Toute monnaie est possible car
convertible au regard des opérations de change. Le capital de la société (que les
apports en numéraire contribuent à constituer) doit lui, impérativement être
libellé en euros.
La réalisation d’un apport en numéraire est une opération qui se traduit
juridiquement par deux étapes successives :
d’une part, la souscription de l’apport (c’est-à-dire l’engagement pris par
l’associé, dans les statuts, d’apporter telle somme d’argent à la société) ;
d’autre part, la libération de l’apport (c’est-à-dire le versement effectif de la
somme d’argent au profit de la société).
La date de versement de l’apport en numéraire est librement organisée dans les
statuts. Toutefois, dans les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par
actions (SA, SCA et SAS), le versement de l’apport est étroitement réglementé.
L’apporteur, qui n’a pas versé à l’échéance la somme promise, doit, de plein
droit, les intérêts de cette somme (art. 1843-3 al. 5 C. civ.) au taux légal ou au
taux fixé dans les statuts si celui-ci est différent du taux légal. En outre,
l’apporteur défaillant peut être condamné à des dommages et intérêts si la société
a subi un préjudice par suite du défaut de libération des apports.
ATTENTION
Ne pas confondre les apports en numéraire et les apports en compte courant
Pour permettre à la société de faire face à des besoins de trésorerie momentanés, les associés, au
lieu de faire des apports complémentaires, peuvent consentir à la société des avances ou des
prêts, soit en versant des fonds dans la caisse sociale, soit en laissant à la disposition de la société
des sommes qu’ils renoncent temporairement à percevoir (rémunération, dividende, etc.). Alors
que les véritables apports ont leur contrepartie au bilan dans le compte « Capital », ces avances
ou prêts sont enregistrés en comptabilité sous un compte de passif réel généralement qualifié,
improprement d’ailleurs, de « compte courant ». Dans ce cas, l’associé adjoint à sa qualité
d’associé celle de créancier de la société, au titre des sommes figurant à son « compte courant
d’associé ».

2. Les apports en nature


Tout apport d’un bien (meuble ou immeuble) autre que de l’argent est qualifié
d’apport en nature. Tout bien meuble (corporel ou incorporel) ou immeuble
susceptible d’une évaluation pécuniaire et dont la propriété ou la jouissance sont
transférables peut être apporté en société.
La réalisation d’un apport en nature est une opération se traduisant juridiquement
par les deux étapes suivantes :
d’une part, la souscription de l’apport ;
d’autre part, la libération de l’apport.
Bien entendu, s’agissant d’un bien, la libération de l’apport en nature ne pourra
pas se faire progressivement (contrairement aux apports en numéraire). La
libération d’un apport en nature est nécessairement intégrale.
La difficulté concernant l’apport en nature concerne son évaluation. Les
apporteurs, voire les associés fondateurs, ont tendance à surestimer la valeur des
apports en nature, ce qui lèse les tiers, en particulier les créanciers, mais
également les apporteurs en numéraire. Le principe est donc, dans les sociétés à
risque limité, l’intervention d’un commissaire aux apports12 pour réaliser cette
évaluation et l’engagement des responsabilités civile et pénale des associés qui
procéderaient à une surévaluation, en particulier frauduleuse.
L’étendue des droits conférés à la société sur les biens apportés varie selon que
l’apport est effectué en pleine propriété, en jouissance ou en usufruit.
a. L’apport en pleine propriété
L’apport en propriété est réalisé (art. 1843-3 al. 2 C. civ.) :
par le transfert à la société de la propriété des biens apportés ;
par la mise à disposition effective de la société de ces biens au jour de son
immatriculation au RCS.
Le transfert du droit de propriété
La société personne morale devient seule propriétaire du bien apporté ; les
associés n’en sont pas copropriétaires. En effet, le bien se situe dans le
patrimoine de la société, qui est distinct du patrimoine des différents associés. En
échange de son bien, l’apporteur reçoit des droits sociaux de caractère mobilier,
équivalant à un droit de créance, qui seront soit des parts sociales, soit des
actions selon la forme sociale.
Toutefois le transfert de propriété des biens représentatifs des apports n’intervient
qu’au jour où la société se trouve immatriculée au RCS puisque c’est seulement à
cette date qu’elle acquiert la personnalité morale et peut donc disposer d’un
patrimoine propre. Jusqu’à l’immatriculation de la société, le bien apporté reste
dans le patrimoine de l’apporteur qui doit en assurer la conservation.
L’apporteur est néanmoins lié par le contrat d’apport dès la conclusion du contrat
de société. Il doit donc assurer la conservation des biens apportés et s’abstenir de
tout acte susceptible de faire obstacle au transfert de propriété qu’il a promis.
L’apporteur en pleine propriété est garant envers la société comme un vendeur
envers son acheteur.
Le transfert des risques
Le transfert des risques (c’est-à-dire la perte ou l’endommagement de la chose
apportée) suit le transfert de la propriété du bien apporté. Il en résulte que la
société supporte seule les conséquences de la perte ou de la détérioration des
biens apportés à partir du jour où elle est immatriculée au RCS. En revanche, tant
que la société n’est pas immatriculée au RCS, l’apporteur supporte seul les
risques de disparition des biens qu’il a apportés, même si cette disparition
intervient après la signature des statuts (art. 1196 C. civ.).
b. L’apport en jouissance
L’apport en jouissance est la mise d’un bien à la disposition de la société pour un
temps déterminé sans transfert du droit de propriété au profit de celle-ci.
La société peut user librement de ce bien pendant le délai prévu (généralement, la
durée effective de la société, maximum 99 ans) mais l’apporteur reste
propriétaire du bien.
L’intérêt de cette formule pour l’apporteur tient au fait que celui-ci a l’assurance
de récupérer son bien à la dissolution de la société ; ce bien ne sera pas compris
dans le partage et sera soustrait à l’action des créanciers sociaux puisqu’il ne fait
pas partie (en propriété) du patrimoine social.
L’apport en jouissance peut porter sur les mêmes biens que ceux qui sont
susceptibles de faire l’objet d’un apport en propriété (immeuble, meuble, fonds
de commerce, matériel).
REMARQUE

Si l’apport porte sur des choses fongibles (ex. : des valeurs mobilières) ou
sur tout autre bien normalement appelé à être renouvelé pendant la durée de
la société (ex. : des marchandises), celle-ci devient propriétaire des biens
apportés, à charge pour elle à l’expiration de la période convenue, d’en
rendre une quantité, une qualité et une valeur égales (art. 1843-3 al. 4
C. civ.).

L’apporteur en jouissance doit procurer à la société la jouissance paisible du bien


apporté : il est tenu comme un bailleur envers son preneur (art. 1843-3 al. 4
C. civ.), c’est-à-dire comme un propriétaire envers son locataire.
Les risques de perte ou de détérioration des biens apportés en jouissance restent à
la charge de l’apporteur, sauf s’il s’agit de choses fongibles (dans ce cas, les
risques sont à la charge de la société puisqu’elle est devenue propriétaire de ces
biens).
c. L’apport en usufruit
L’associé démembre alors son droit de propriété (composé de trois éléments :
l’usus, le fructus et l’abusus) portant sur le bien dont il souhaite faire profiter la
société. L’associé conserve la nue-propriété de ce bien (c’est-à-dire l’abusus) et
n’apporte à la société que l’usufruit (= usus + fructus, ces deux éléments étant
indissociables), c’est-à-dire le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les fruits
pendant une durée déterminée (maximum 30 ans).
La société devient donc usufruitière du bien, l’apporteur en conservant la nue-
propriété. La société peut donc ainsi utiliser le bien, mais aussi le louer et en
percevoir les revenus. Dans l’immédiat, l’apporteur ne peut réaliser aucun acte
sur le bien car il n’en a que la nue-propriété (il peut théoriquement vendre son
droit de nue-propriété, mais cela ne devrait a priori intéresser personne).
En contrepartie de l’apport de l’usufruit du bien, l’apporteur reçoit des droits
sociaux (actions ou parts sociales, selon la forme de la société), comme tout
associé. Il est important de souligner ici que les droits sociaux reçus par
l’apporteur sont des droits en pleine propriété. Il sera ainsi titulaire d’actions en
pleine propriété ou de parts sociales en pleine propriété. En effet, l’usufruit
apporté sera valorisé à un certain pourcentage de la valeur de la pleine propriété
du bien. L’apporteur recevra alors des actions ou des parts sociales correspondant
à la valeur de l’usufruit.
À la différence de l’apport en jouissance, l’apport d’un usufruit entraîne transfert
à la société de la propriété d’un droit réel principal dont se dépouille
définitivement l’apporteur au profit de la personne morale.
L’apport peut porter sur un usufruit existant. Dans ce cas, la société ne
bénéficiera des droits de l’usufruitier que jusqu’au décès de celui-ci (droit viager)
ou jusqu’au terme prévu lors de la constitution du droit d’usufruit.
Mais il peut porter sur un usufruit créé au moment de la constitution de la société
ou de l’augmentation de son capital, l’apporteur transférant à la société l’usufruit
d’un bien dont il conserve la nue-propriété ; dans ce cas, l’usufruit ne peut pas
excéder 30 ans (art. 619 C. civ.).
L’apport en usufruit est très souvent utilisé dans des stratégies patrimoniales et
fiscales de transmission de patrimoine.
L’apport d’un usufruit est soumis aux mêmes règles que l’apport en propriété (en
ce qui concerne la transmission du droit, la garantie et les risques).

3. Les apports en industrie


Il y a apport en industrie lorsqu’un associé met à la disposition de la société ses
connaissances techniques, son travail, ses services.
a. La rémunération de l’apport en industrie
N’étant pas susceptible d’une réalisation forcée au profit des créanciers, l’apport
en industrie ne peut pas être un élément constitutif du capital social.
Cependant, les apports en industrie donnent lieu à l’attribution de parts
d’industrie ouvrant droit au partage des bénéfices et de l’actif net, à charge de
contribuer aux pertes (art. 1843-2 al. 2 C. civ.), ainsi qu’au droit de vote.
Il revient aux statuts de déterminer la part de l’apporteur en industrie dans les
résultats de la société, à défaut, à titre de règle supplétive, la loi prévoit qu’il a
droit à la plus petite part des autres apporteurs (art. 1844-1 C. civ.).
L’associé qui réalise un apport en industrie est donc pleinement associé.
Les apports en industrie sont en principe autorisés. Ils sont néanmoins interdits
dans les SA et pour les commanditaires des SCS et des SCA13.
b. Les obligations de l’apporteur en industrie
L’apporteur en industrie doit rendre à la société les services promis et lui verser
tous les gains qu’il pourrait réaliser par l’activité faisant l’objet de son apport
(art. 1843-3 al. 6 C. civ.).
Il ne peut pas exercer une activité concurrente de celle qu’il a promise à la
société.
L’apporteur doit exercer son activité généralement pendant la durée de la société,
mais il est possible de prévoir une période moindre (transcrite par stipulation
expresse dans les statuts).
Si, pour une raison quelconque, l’apporteur ne peut continuer son activité, son
apport est caduc : ses droits envers la société sont alors liquidés dans les
conditions fixées par les statuts.
FOCUS
Pour aller plus loin : Spécificités juridiques de certains apports en
nature
Apport d’immeubles
L’apport d’un immeuble en société doit être publié à la conservation des hypothèques du lieu de
situation de l’immeuble. Cette publication peut être faite avant l’immatriculation de la société
au RCS sous la condition que celle-ci intervienne (art. 1843-1 C. civ.). Dès que la société a
obtenu son immatriculation, les effets de la publication rétroagissent à la date à laquelle celle-ci
a été accomplie (art. 1843-1 C. civ.).
L’acte d’apport, pour être publié, doit avoir été passé en la forme authentique ou avoir été
authentifié par un dépôt aux rangs des minutes d’un notaire par toutes les parties avec
reconnaissance d’écriture et de signature.

Apport du droit au bail d’un local commercial


L’apport d’un droit au bail isolé est, en principe, licite ; mais le plus souvent une clause du bail
subordonne cette opération au consentement préalable et exprès du bailleur.
En revanche, lorsque le droit au bail est apporté en même temps que les autres éléments du
fonds de commerce, aucune clause du bail ne peut interdire l’apport.
Les clauses restrictives du droit de céder le bail – et, par assimilation, de l’apport en société –
sont valables, notamment la clause subordonnant la cession à l’agrément du bailleur. Il est donc
très important, en cas d’apport d’un droit au bail, d’observer les stipulations contenues dans le
contrat de bail : leur méconnaissance peut entraîner la résolution du bail ou le refus de
renouvellement.
Le bailleur appelé à consentir l’apport d’un bail en société ne peut pas refuser abusivement son
accord et les tribunaux ont le droit d’exercer un contrôle sur les motifs de son refus.

Apport d’un fonds de commerce


L’apport en société d’un fonds de commerce est soumis à un régime spécial qui résulte de la
nature toute particulière de ce bien meuble incorporel.
Le fonds de commerce est une universalité, de nature mobilière, constituée par la réunion
d’éléments divers :

d’une part, les éléments incorporels : enseigne, nom commercial, droit au bail, clientèle
(élément déterminant), droits de propriété industrielle (brevets, marques, dessins et
modèles), le cas échéant autorisations administratives (cinéma, théâtre, débit de boissons) ;
d’autre part, les éléments corporels (marchandises, matériels et outillage).
Il n’est pas indispensable que tous ces éléments soient apportés pour qu’il y ait « apport du
fonds de commerce ». En principe, il faut au moins que figure dans cet apport la clientèle ainsi
que tout élément qui conditionne cette clientèle (par exemple, le droit au bail si la situation du
local est déterminante pour conserver la clientèle).
Le transfert de propriété ne peut être réalisé qu’au jour de l’immatriculation de la société au
RCS du lieu du siège social puisque, avant cette date, la société n’a pas la personnalité morale
(elle n’est pas encore sujet de droit). Cependant, il ne saurait être question de cesser toute
activité en attendant l’accomplissement des formalités requises pour cette immatriculation. Le
fonds de commerce continuera donc à être exploité par l’apporteur sous sa responsabilité pour
le compte de la société en formation. Les actes accomplis seront soumis aux associés après
l’immatriculation au RCS.
Pour protéger la société bénéficiaire de l’apport de fonds de commerce, la loi impose un certain
nombre de formalités : l’acte d’apport doit contenir des mentions obligatoires, notamment le
nom du précédent vendeur, la date et le prix de la précédente acquisition, l’état des privilèges et
nantissements, le bail, le chiffre d’affaires et le montant des résultats d’exploitation réalisés au
cours de chacune des 3 dernières années d’exploitation. En cas d’omission de ces mentions, la
société bénéficiaire peut agir en nullité à condition que cette action soit intentée dans le délai de
1 an à compter de la constitution définitive de la société (art. L. 141-1 C. com.).
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » a supprimé ces mentions lorsque
l’apport de fonds de commerce est fait à une société détenue en totalité par l’apporteur.

Apport de droits sociaux


Ces droits étant assimilés à des droits de créance, il faut, en principe, suivre les mêmes
formalités que pour l’apport des créances. En particulier, lorsqu’il s’agit de parts sociales de
sociétés en nom collectif, en commandite simple ou à responsabilité limitée, l’apport doit être
signifié à la société par le dépôt au siège social d’un original de l’acte d’apport.
Mais s’il s’agit d’actions de société anonyme ou en commandite par actions, l’apport se fait par
virement du compte de l’apporteur à celui de la société bénéficiaire de l’apport, dans les livres
de la société émettrice s’il s’agit de titres nominatifs ou dans ceux d’un intermédiaire financier
habilité si les titres sont au porteur.
Par ailleurs, toutes les dispositions législatives ou statutaires imposant l’agrément des associés
en cas de cession de parts ou actions sont applicables en cas d’apport en société.

Apport de brevets d’invention


Sous peine de nullité, la transmission d’une demande de brevet ou d’une licence de brevet doit
être constatée par écrit (art. L. 613-8 al. 5 du Code de la propriété intellectuelle). En
conséquence, les statuts de la société en formation ou l’acte d’apport doivent mentionner le
brevet ou la licence apportés.
En outre, à peine d’inopposabilité aux tiers, l’apport doit faire l’objet d’une demande en quatre
exemplaires d’inscription au registre national des brevets tenu par l’INPI (Institut national de la
propriété intellectuelle) (art. L. 613-9 CPI).

Apport de marque
L’apport en société d’une marque de fabrique, de commerce ou de service doit être constaté par
écrit. Il en est de même de l’apport d’une concession de licence de marque (art. L. 714-1 CPI).
Cet apport doit également être mentionné sur le registre national des marques tenu par l’INPI
(art. L. 714-7 CPI).

Apport de créance
Depuis le 1er octobre 2016, l’apport de créance doit être réalisé par écrit à peine de nullité
(art. 1322 C. civ.). L’opposabilité de la cession au débiteur cédé suppose, s’il n’y a déjà
consenti, une notification ou une prise d’acte. Mais l’intervention d’un huissier ou la rédaction
d’un acte authentique ne sont plus nécessaires.

III. La participation aux résultats


Selon l’article 1832 du Code civil, il est possible de constituer une société soit
pour partager les bénéfices résultant de l’action commune, soit pour tirer profit
des économies qu’elle procure. Cependant, il faut également que les associés
contribuent aux pertes, cette contribution étant la contrepartie indispensable de
leur vocation aux bénéfices ou aux économies.
L’essence même du contrat de société est la participation aux résultats de
l’exploitation.

A. LA PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES OU AUX ÉCONOMIES


Le bénéfice est un gain pécuniaire ou matériel qui s’ajoute à la fortune des
associés (Cass. civ., Ch. réunies 11 mars 1914, Caisse rurale de Manigod). Le
bénéfice peut prendre trois formes :
des dividendes ;
des distributions gratuites de droits sociaux ;
le boni de liquidation.
Les bénéfices sont appelés à être répartis entre les associés. Chaque année, la
collectivité des associés doit statuer sur la part des bénéfices qui sera mise en
distribution lors de l’assemblée générale ordinaire. Cependant, elle peut décider
non pas la distribution immédiate, mais l’affectation à des comptes de réserves.
Depuis la réforme de 1978, les sociétés peuvent être valablement constituées
même si elles ont pour unique objet de permettre à leurs membres d’éviter ou de
réduire des dépenses, à l’exclusion de toute recherche d’un gain positif.

B. LA CONTRIBUTION AUX PERTES

La contribution aux pertes existe dans toutes les sociétés. Elle intervient dans
les rapports entre associés, généralement à la fin de la vie sociale, lors de la
liquidation. Elle est la marque du caractère aléatoire du contrat de société.
Elle ne doit pas être confondue avec l’obligation à la dette qui n’existe que dans
les sociétés à risque illimité. Cette obligation à la dette intervient dans les
rapports entre les associés et les créanciers de la société, à tout moment de la vie
sociale. Elle permet aux créanciers de la société de demander aux associés de
payer la dette sociale à la place de la société défaillante, avec ou sans solidarité
selon que la société est commerciale ou civile.

C. LA VOCATION DES ASSOCIÉS AUX BÉNÉFICES ET LEUR


CONTRIBUTION AUX PERTES

Chaque associé doit avoir vocation aux bénéfices réalisés par la société et doit
contribuer aux pertes.
1. Une règle légale de répartition supplétive de volonté
La part des associés dans les bénéfices et les pertes est presque toujours prévue
dans les statuts.
En principe, cette part est proportionnelle (au prorata) à l’apport effectué par
chaque associé. Cette règle s’impose si les statuts ne l’ont pas écartée.
Toutefois, les associés ont toute liberté pour choisir d’autres clés de répartition
des bénéfices et des pertes.
Cette liberté statutaire n’est cependant pas absolue, le législateur ayant prohibé
les clauses léonines.
Excepté ces clauses léonines réputées non écrites, il est possible de prévoir dans
les statuts, par exemple :
un partage égal des bénéfices et des pertes, malgré une inégalité des apports ;
ou inversement, un partage inégal des bénéfices et des pertes, malgré une
égalité des apports ;
le droit pour certains associés à un premier dividende majoré ;
la limitation de la contribution aux pertes d’un associé au montant de ses
apports ;
l’attribution à l’un ou plusieurs des associés d’une somme forfaitaire chaque
année ;
la suppression, pour l’associé gérant, du droit aux bénéfices sur les dépenses
excédant une somme déterminée.

2. La prohibition des clauses léonines


Le législateur a interdit les clauses dites « léonines ». Ainsi, il est interdit
d’attribuer à un ou plusieurs associés la totalité des bénéfices ou des pertes ou de
priver un associé de toute part dans les bénéfices ou encore de réduire cette part à
une portion insignifiante. De même, est interdite l’exonération d’un associé de
toute contribution aux pertes (art. 1844-1 al. 2 C. civ.).
Autrement dit, les clauses léonines sont des clauses privant un ou plusieurs
associés de tout droit aux bénéfices ou de toute contribution aux pertes.
Le Code civil envisage expressément quatre types de clauses léonines :
celles qui attribuent à un associé la totalité des bénéfices ;
celles qui exonèrent un associé de toute contribution aux pertes et le placent
ainsi à l’abri des aléas économiques pouvant affecter la société ;
celles qui excluent un associé de la participation aux bénéfices ;
celles qui mettent à la charge d’un associé l’intégralité des pertes de la société,
protégeant ainsi les autres associés contre tout risque financier.
Les clauses léonines ne sont pas frappées de nullité : elles sont simplement
réputées non écrites. On fait comme si elles n’étaient pas transcrites dans les
statuts, on est dispensé d’aller en justice (art. 1844-1 al. 2 C. civ.).

IV. L’affectio societatis


Même s’il ne figure pas dans la définition de la société de l’article 1832 du Code
civil, l’affectio societatis n’en est pas moins une condition essentielle de validité.
En effet, la validité de toute société est subordonnée à l’existence de cet élément
de nature psychologique.
Doctrine et jurisprudence14 définissent l’affectio societatis comme la volonté de
collaborer de façon active et intéressée, sur un pied d’égalité, à la réalisation de
l’œuvre commune.
Il est bien entendu que cette condition de validité de la société ne doit pas être
prise au pied de la lettre et que son contenu varie selon chaque type de société. Il
ne viendrait à l’idée de personne de contester la validité d’une importante société
groupant des milliers d’actionnaires sous prétexte que, de notoriété publique, ces
derniers se soucient peu, pour la plupart, de participer à la vie sociale et n’ont
pour souhait que de percevoir les dividendes ou de réaliser des gains lors de la
revente de leurs titres.
L’intérêt essentiel de la notion d’affectio societatis est de permettre de décider si
la qualification de société doit ou non être retenue dans des cas douteux où, les
parties n’ayant pas manifesté clairement leur volonté, il convient de rechercher, à
travers leur comportement, si elles se sont conduites comme des associés.
Ainsi, c’est surtout dans la reconnaissance des sociétés créées de fait que
l’affectio societatis a une signification et une valeur pratique, car elle est souvent
l’élément qui permet au juge de distinguer la société de contrats voisins tels que
le contrat de travail, l’indivision ou le prêt avec participation aux bénéfices.
Le défaut d’affectio societatis est aussi souvent un moyen d’établir qu’une
société est fictive.
Contrat de société
Conditions générales de validité Conditions spécifiques de validité du
des contrats contrat de société
Article 1128 du Code civil Article 1832 du Code civil

Consentement des parties Associé(s)


+ +
Capacité de contracter Apports
+ +
Contenu licite et certain Partage du résultat
+
Affectio societatis

SECTION 3.
Le non-respect des conditions de validité :
les cas de nullité

La sanction « normale » d’un acte irrégulier est son annulation, avec effet
rétroactif. En matière de société, cette sanction serait particulièrement sévère
pour les tiers de bonne foi qui ont contracté avec elle. Le législateur s’est donc
employé à limiter au maximum les cas de nullité.

I. Les causes de nullité


La nullité a été conçue comme une sanction exceptionnelle. Le principe est
simple : pas de nullité sans texte qui la prévoit expressément. Le non-respect
d’une règle est finalement très souvent sanctionné par une autre sanction que la
nullité.
Les causes de nullité de la société sont déterminées par l’article 1844-10 du
Code civil, aux termes duquel :

Article 1844-10 du Code civil


« La nullité de la société ne peut résulter que de la violation des dispositions de l’article 1832 et
du premier alinéa des articles 1832-1 et 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en
général.
Toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du présent titre dont la violation
n’est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite. »

Et l’article L. 235-1 alinéa 1er du Code de commerce, aux termes duquel :

Article L. 235-1 al. 1er du Code de commerce


« La nullité d’une société […] ne peut résulter que d’une disposition expresse du [Code de
commerce] ou de celles régissant la nullité des contrats. »

A. LES CAUSES DE NULLITÉ ISSUES D’UNE DISPOSITION


EXPRESSE DU CODE DE COMMERCE
Pour les SARL et les sociétés par actions (SA, SCA et SAS), le Code de
commerce ne prévoit aucune cause de nullité de société.
Pour les SNC et les SCS, le Code de commerce sanctionne l’inaccomplissement
total ou partiel des formalités de publicité légale par la nullité de la société.
Cependant, la rigueur de cette règle est à nuancer : la régularisation est toujours
possible par l’accomplissement tardif des formalités de publicité requises pour
éviter la nullité.

B. LES CAUSES DE NULLITÉ ISSUES DES DISPOSITIONS


LÉGALES RÉGISSANT LA NULLITÉ DES CONTRATS

La nullité de la société peut également résulter de la violation des dispositions


qui régissent la nullité des contrats (art. L. 235-1 C. com.)
1. La violation des règles générales de validité des contrats :
article 1128 du Code civil
Il s’agit ici du consentement, de la capacité des associés et du contenu licite et
certain du contrat.
S’agissant du consentement ou de la capacité des associés, dans les SARL et les
sociétés par actions, le vice de consentement ou l’incapacité d’un associé n’est
pas cause de nullité, sauf à ce que l’incapacité n’atteigne tous les associés
fondateurs.
REMARQUE

Fictivité de la société : une société fictive, simple apparence de société, est


en principe une société nulle faute de consentement des associés, mais
également faute de pluralité d’associés et d’affectio societatis, voire
d’apports effectifs selon la jurisprudence de la Cour de cassation.
Cependant, cette cause de nullité ne figure pas dans la liste limitative des
causes de nullité des SARL et des sociétés par actions établie par la
directive européenne du 14 juin 2017. La question de la conformité de la
jurisprudence française au droit de l’Union européenne est donc posée.

REMARQUE

Fraude : selon l’adage fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt toute
chose) une société frauduleuse doit être annulée. Là encore, la fraude ne
figure pas dans la liste des causes de nullité concernant les SARL et les
sociétés par actions du droit européen. Il semblerait donc qu’elle ne puisse
concerner que les sociétés de personnes. Dans les autres hypothèses la
sanction de l’inopposabilité de la société sera retenue.

2. La violation des règles spécifiques de validité du contrat de


société : articles 1832 et 1833 du Code civil
Il s’agit de l’absence d’au moins deux associés, sauf s’il s’agit d’une SARL
unipersonnelle (EURL) ou d’une SASU ; l’absence ou fictivité des apports ; le
défaut d’affectio societatis ; mais également l’illicéité de l’objet ou l’absence
d’intérêt commun.
Ces causes de nullité ne sont applicables en réalité qu’aux sociétés en nom
collectif, aux sociétés en commandite simple et aux sociétés civiles.
En revanche, elles doivent être écartées pour les SARL ou pour les sociétés par
actions, à l’exception de l’illicéité de l’objet social. Néanmoins, selon la
jurisprudence de la CJCE, « l’objet de la société » considéré vise exclusivement
l’objet statutaire de la société et non l’activité réellement poursuivie.
Tableau synthétique des causes de nullité
SNC SCS Sociétés SARL SA SCA SAS
civiles

Causes de Vice du Oui Non


nullité liées consentement
à la
violation Défaut de Oui Uniquement si elle atteint
des règles capacité tous les associés
générales d’un ou plusieurs fondateurs
de validité associés
des contrats
Contenu licite et Oui Uniquement si objet
certain illicite

Causes de Non-respect Oui Non Oui mais Non


nullité liées de la pluralité (min. deux associés) seulement si
à la d’associés la société
violation est composée
des règles d’un seul
de validité associé
spécifiques
au contrat Absence Oui Non
de société ou fictivité
d’un apport

Défaut d’affectio Oui Non


societatis

Les cas de nullité sont donc extrêmement limités pour les SARL et les sociétés
par actions. Cela s’explique par la volonté du législateur de limiter les cas
d’annulation de ces sociétés, qui sont très nombreuses, car la nullité entraînerait
la disparition de la personne morale et affecterait nécessairement la vie
économique en remettant en cause de très nombreux contrats.

II. L’action en nullité


Concernant l’action en nullité, la volonté du législateur est également de
l’enserrer dans des limites très strictes, dont le résultat est un très faible
contentieux en matière de nullité de sociétés.

A. LA QUALITÉ À AGIR

Lorsque la nullité sanctionne l’illicéité de l’objet social (nullité absolue), toute


personne, physique ou morale justifiant d’un intérêt légitime (né et actuel et
légitime) peut agir en nullité. Tel est notamment le cas des associés, des
dirigeants ou des commissaires aux comptes. L’action en nullité ne peut toutefois
pas être invoquée par le responsable de la nullité.
Dans les autres cas de nullité (nullité relative), seule la personne protégée ou son
représentant dont la loi a voulu assurer la protection peut agir en nullité.

B. LA PRESCRIPTION

L’action en nullité est prescrite à l’expiration d’un délai de 3 ans à compter du


jour où la nullité est encourue (art. L. 235-9 C. com.), généralement à compter de
la constitution de la société. Ce délai de prescription pouvant être interrompu ou
suspendu.

C. LA RÉGULARISATION

Toutes les nullités peuvent être régularisées, à l’exception de celles fondées sur
l’illicéité de l’objet social (art. L. 235-3 C. com.). La régularisation d’une nullité
peut intervenir jusqu’à ce que le tribunal (saisi d’une action en nullité) rende sa
décision. Dès lors que la cause de la nullité a disparu, l’action en nullité n’est
plus recevable. De plus, il convient de préciser que le tribunal saisi d’une action
en nullité peut accorder à la société un délai supplémentaire de régularisation,
pour qu’elle puisse couvrir la nullité.

III. Les effets de la nullité


Ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d’une nullité à l’égard des
tiers de bonne foi (art. L. 235-12 C. com.). Il s’ensuit que même si une cause de
nullité existe, cette cause de nullité ne peut pas être mise en œuvre contre un tiers
qui a contracté dans l’ignorance de ladite cause. Une exception existe toutefois
lorsque la nullité est fondée sur l’incapacité d’un associé ou sur un vice du
consentement : l’associé concerné peut invoquer la nullité même à l’encontre
d’un tiers de bonne foi.
La nullité d’une société ne produit pas d’effet rétroactif, contrairement aux
nullités de droit commun. La société annulée doit donc exécuter ses
engagements. De même, les tiers ne peuvent pas invoquer la nullité de la société
pour se soustraire à leurs engagements à l’égard de la société. La nullité
n’entraîne l’anéantissement de la société que pour l’avenir.
L’annulation de la société ou des actes de délibérations peut engager la
responsabilité de leurs auteurs pour le préjudice causé par l’annulation de la
société. Cette action en responsabilité se prescrit par un délai de 3 ans à compter
du jugement prononçant la nullité.
Une société annulée doit faire l’objet d’une liquidation, conformément aux règles
ordinaires de la liquidation des sociétés. Après paiement des dettes de la société
et remboursement du capital, l’actif net sera partagé entre les associés, selon la
clé de répartition des bénéfices.

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CHAPITRE 3.
La société personne morale
La personnalité juridique est l’aptitude à devenir sujet de droits et
d’obligations ; elle appartient aux personnes physiques comme aux
personnes morales. La théorie de la personnalité morale a été construite par
comparaison avec la personne physique et a donné lieu à deux conceptions
opposées :
d’une part, la théorie de la réalité, en vertu de laquelle il est légitime de
reconnaître l’existence d’un groupement dès lors qu’il a un intérêt
collectif distinct de celui de ses membres et dispose d’une certaine
organisation ;
d’autre part, la théorie de la fiction, selon laquelle la personnalité morale
ne peut exister que si elle est reconnue par le législateur. La personnalité
morale ne serait en effet qu’une pure fiction, un procédé de technique
juridique destiné à permettre la réalisation de certains résultats.
Il semble que cette seconde théorie l’ait emporté et l’on pourrait en trouver
une preuve dans l’article 1842 du Code civil qui dispose que « les sociétés
[…] jouissent de la personnalité morale à compter de leur
immatriculation ». La naissance de la personne morale est subordonnée à
une formalité administrative et ne peut donc exister sans la volonté étatique.
Étant une personne juridique, la société est dotée d’attributs patrimoniaux et
extrapatrimoniaux en contrepartie desquels elle a des devoirs, sources de
responsabilité. Si la personnalité morale n’est pas une notion uniforme pour
toutes les sociétés selon leur forme, elle peut se présenter comme un abri
tentant pour certains associés qui souhaiteraient masquer leurs agissements.
Lorsque la société alors créée est fictive ou frauduleuse, il y a abus de la
personnalité morale et les juges n’hésitent pas à le sanctionner.
En tant que personne morale et quelle que soit sa forme juridique, la société
obéit à des règles communes que nous envisagerons chronologiquement,
qui concernent sa naissance (Section 1), son fonctionnement (Section 2) et
ses évolutions (Section 3).
SECTION 1.
La naissance de la société personne
morale

C’est l’immatriculation de la société au RCS qui donne naissance à une


personne juridique nouvelle, autonome, distincte des associés qui la
composent.
Avant son immatriculation, la société est dite en formation. La société en
formation n’a pas la personnalité morale, mais elle a vocation à l’obtenir
après accomplissement des formalités nécessaires (I), ce qui emportera un
certain nombre de conséquences juridiques (II).

I. L’acquisition de la personnalité morale


Un espace de temps plus ou moins long sépare le moment où certaines
personnes appelées « les fondateurs » ont l’idée de constituer une société et
la date à laquelle ont été effectuées toutes les formalités requises pour que
cette société puisse fonctionner et dispose de la personnalité morale (A).
D’ailleurs, durant cette phase de formation, des actes préparatoires ont pu
être conclus pour le compte de cette société, sur le sort desquels il faut
s’interroger (B).

A. LES ÉTAPES DE LA CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ

Cette période, pendant laquelle la société est en formation peut,


schématiquement, être divisée en deux étapes :
au cours de la première, qui s’achève par la signature des statuts, les
fondateurs préparent le contrat de société, autrement dit les statuts, et
effectuent toutes les démarches et formalités préalables à sa signature.
Parallèlement, ils accomplissent les actes les plus urgents indispensables
à la mise en route de l’exploitation sociale : bail des locaux, obtention des
autorisations administratives, etc. ;
au cours de la seconde étape, sont accomplies les diverses formalités
nécessaires pour que naisse la société en tant que personne morale et
qu’elle soit connue des tiers, notamment les mesures de publicité (JAL,
RCS, Bodacc).
Nous examinerons successivement les étapes de la constitution en nous
limitant aux règles applicables à toutes les sociétés. Les règles propres à
chaque type de société seront précisées dans les chapitres qui leur seront
consacrés.

1. La période antérieure à la signature des statuts


a. Les éventuels actes précédant la signature des statuts
Avant la signature des statuts (ou la tenue de l’assemblée générale
constitutive pour les sociétés par actions offrant leurs titres au public), des
pourparlers, démarches, formalités, actes matériels et juridiques, etc., sont
nécessaires à la constitution d’une société.
Les pourparlers
L’initiative, le déroulement et la rupture de simples pourparlers sont libres
mais doivent satisfaire aux exigences de bonne foi en vertu de l’article 1112
al. 1er du Code civil.
La rupture abusive des pourparlers, c’est-à-dire la rupture de négociations
avancées ou sur le point d’aboutir, est considérée comme un manquement à
l’obligation de négocier de bonne foi qui peut engager la responsabilité
extracontractuelle de son auteur. Cependant, l’article 1112 al. 2 du Code
civil précise que la réparation du préjudice n’a pas pour objet de compenser
la perte des avantages attendus du contrat non conclu.
L’article 1112-1 du Code civil, en vigueur depuis le 1er octobre 2016,
introduit une obligation précontractuelle d’information :

Article 1112-1 du Code civil


« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour
le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière
ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »

Ce devoir d’information est d’ordre public, les parties ne peuvent ni le


limiter ni l’exclure. Il porte sur les informations qui ont un lien direct et
nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties et son
manquement engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur.
La promesse de société
Les fondateurs établissent ensemble un projet de société qui doit conduire à
la rédaction des statuts. Ce projet, s’il est suffisamment abouti et contient
les éléments essentiels du contrat, vaudra promesse de société. Cette
dernière peut être tacite ou formalisée par le biais d’un écrit, ce qui sera
particulièrement utile pour s’assurer la maîtrise des conséquences d’un
éventuel désengagement d’un associé. Pour désigner cet écrit, on parle
parfois de protocole d’accord. Le protocole d’accord est un écrit dans lequel
les fondateurs énumèrent les traits caractéristiques de la société à constituer
(forme, durée, objet, capital, apport, projet des statuts, fiscalité, etc.).
Quelles que soient les résolutions prises par les associés dans ce protocole,
une fois la société créée, ce sont seulement les règles qui fixent le régime
applicable à la société, c’est-à-dire les dispositions du Code de commerce,
qui sont applicables.
Si les associés ne respectent pas les engagements qu’ils avaient pris dans le
protocole, cette violation de leurs promesses peut être sanctionnée par une
condamnation à des dommages et intérêts.
b. Les choix à effectuer avant la rédaction des statuts
La détermination de l’objet social
Les fondateurs doivent en premier lieu déterminer exactement en quoi
consistera l’activité de la société, autrement dit son objet social. Si l’activité
envisagée est réglementée, les fondateurs devront veiller scrupuleusement
au respect de cette réglementation, qu’ils peuvent connaître en s’adressant
au ministère dont relève l’activité considérée, auprès des syndicats et des
groupements professionnels.
REMARQUE
Le choix de l’objet social est particulièrement important au regard de
la convention collective applicable et des caisses de retraite.

Le choix de la forme juridique de société à adopter


Les fondateurs doivent arrêter la forme juridique la mieux appropriée au but
de la société en tenant compte des avantages et inconvénients des
différentes possibilités offertes par la législation. Il convient toutefois de
noter immédiatement que, parfois, la liberté de choix est restreinte car la loi
impose certains types de société pour des activités déterminées (ex. : les
sociétés immobilières de gestion doivent être des SARL) ou interdit certains
types de société pour d’autres activités déterminées (ex. : l’assurance pour
une SARL). Ainsi, l’exploitation d’une officine de pharmacie ne pourra
intervenir que par le biais d’un entrepreneur individuel, d’une SNC ou
d’une SARL, ou encore d’une SEL, aucune autre forme sociale n’étant
permise.
Le choix de la forme juridique va conditionner l’organisation de la société.
Cette organisation s’impose aux associés, ils ne peuvent en changer dès lors
qu’ils ont choisi une forme prévue par la loi.
La formation du capital social
Les fondateurs doivent aussi déterminer le montant des capitaux à investir
dans la société et, s’il y a lieu, trouver les apporteurs correspondants.
Il est important de noter que des règles particulières doivent être respectées
en cas d’apports en numéraire dans les SA, SCA, SAS et SARL
(souscription intégrale, libération partielle), ou en cas d’apports en nature
(désignation d’un commissaire aux apports chargé d’apprécier la valeur de
ces apports, qui est un commissaire aux comptes ou un expert).
Le choix du lieu d’activité
Toute création de société soulève un problème de locaux. La société ne peut
être immatriculée au RCS que sur production d’un titre de propriété, d’un
bail, d’un engagement de location ou d’un contrat de prêt à usage ou tout
autre document, justifiant qu’elle a la jouissance privative des locaux dans
lesquels son activité sera exercée. À cet égard, les fondateurs auront à se
préoccuper des règles administratives qui interdisent de s’installer dans
certains lieux ou qui, parfois, favorisent l’implantation dans d’autres lieux.
c. La rédaction des statuts
La nature de l’acte
Le contrat de société doit être établi par écrit (art. 1835 C. civ.). Cet écrit,
qui constate le pacte social, est appelé « statuts ». Les statuts peuvent
prendre la forme d’un acte sous signature privée ou d’un acte authentique
(acte notarié).
Deux observations doivent être faites :
l’intervention d’un notaire est obligatoire lorsque les statuts constatent
l’apport d’un immeuble, d’un droit au bail sur un immeuble d’une durée
supérieure à 12 ans et, d’une manière générale, chaque fois qu’il y a
matière à publicité à la conservation des hypothèques ;
l’intervention d’un notaire est conseillée lorsque deux époux ou
successibles (héritiers) participent à la constitution de la société. En effet,
à défaut, les apports effectués par les époux risqueraient d’être considérés
comme des donations déguisées (art. 1832-1 al. 2 C. civ.) ; par ailleurs, si
l’acte a constaté un avantage au profit des héritiers, cet avantage n’aura
pas à être rapporté lors de l’ouverture de la succession, si les statuts de la
société ont été établis par acte authentique (art. 854 C. civ.).
À défaut d’écrit, la société sera considérée comme une société en
participation ou une société créée de fait et ne pourra acquérir la
personnalité morale.
Les mentions obligatoires
L’article L. 210-2 du Code de commerce impose que des mentions
obligatoires figurent dans les statuts de toute société : la forme, la durée, la
dénomination sociale, le siège social, l’objet social et le montant du capital
social.
De plus, le Code civil impose que les statuts précisent le détail des apports
effectués par chaque associé.
Certaines formes sociales imposent des mentions obligatoires
complémentaires.
Si les statuts ne contiennent pas toutes les énonciations exigées par la loi et
les règlements, il n’en résulte pas l’annulation de la société, mais une action
en régularisation et une action en responsabilité peuvent être introduites par
tout intéressé.
Dans la pratique, les rédacteurs de statuts adoptent une rédaction très
simplifiée et se bornent pour l’essentiel à faire des renvois aux dispositions
législatives et réglementaires.
FOCUS
Le règlement intérieur
Les statuts peuvent être complétés par un acte annexe, couramment appelé règlement
intérieur. Cet acte émane d’un organe social habilité (gérant, conseil d’administration ou
de surveillance, assemblée) et a pour objet de régir les relations sociétaires internes
(entre les associés et les organes de la société). Ce règlement est valable pourvu qu’il ne
contienne aucune disposition contraire à l’ordre public, général ou propre à la législation
des sociétés et aux statuts. Ce règlement est en principe inopposable aux tiers sauf si la
société ou tout autre intéressé prouvent qu’ils en ont eu connaissance. Le règlement
intérieur contraire aux statuts est nul, il n’entraîne pas pour autant la nullité de la société.
Le règlement intérieur n’a rien d’obligatoire et nombre de sociétés s’en passent. Il peut
être intéressant d’inclure dans ce règlement intérieur des règles de fonctionnement
appelées à évoluer fréquemment ; en effet, leur modification ultérieure pourra intervenir
aisément, sur simple décision de l’organe social habilité, contrairement aux
modifications des statuts qui impliquent une très lourde procédure et qui nécessitent
l’accord des associés à des conditions de vote contraignantes.
Ce règlement intérieur, destiné à régir les relations entre les associés et les organes de la
société, ne doit pas être confondu avec le règlement intérieur imposé par le Code du
travail pour les entreprises employant 20 salariés et plus.
La durée de la société

La détermination de la durée de la société


La durée de la société doit être déterminée dans les statuts, c’est une
mention obligatoire (art. L. 210-2 C. com.). Cette durée est déterminée
lorsqu’elle est chiffrée (ex. : 5, 20, 30, 40 ans) ; mais elle l’est aussi même
si elle n’est pas chiffrée, dès lors qu’elle peut être déterminée (ex. : la
société prendra fin le 1er septembre 2016).
En aucun cas, la durée ne peut excéder 99 ans. C’est une durée maximale
quelle que soit la forme de la société. La durée de la société court du jour de
l’immatriculation de celle-ci au RCS du lieu du siège social (art. R. 210-2
al. 1 C. com.).

La prorogation de la durée de la société


Avant l’arrivée du terme fixé aux statuts, les associés peuvent décider en
assemblée générale extraordinaire la prorogation de la société. Ils doivent
être réunis à cet effet 1 an au moins avant la date d’expiration de la société
(art. 1844-6 C. civ.). En décidant la prorogation, les associés peuvent fixer
la nouvelle durée de la société, sans pouvoir, toutefois, retenir une
prolongation supérieure à 99 ans (art. R. 210-2 al. 2 C. com.). Lorsque la
prorogation est décidée, c’est la même personne morale qui continue, la
prorogation n’entraînant pas la formation d’un être moral nouveau
(art. L. 210-6 al. 1 C. com.), cela équivaut cependant à une modification des
statuts.
Si la prorogation de la société n’est pas mise en œuvre, tout associé peut
demander au président du tribunal de commerce du lieu du siège social, sur
requête, la désignation d’un mandataire de justice chargé de provoquer la
consultation des associés et leur accord pour une éventuelle prorogation.
La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 a ouvert une nouvelle faculté de
prorogation de la société par voie judiciaire en ajoutant un alinéa 4 à
l’article 1844-6 du Code civil :

Article 1844-6 al. 4 du Code civil


« Lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à
la demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut
constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre
de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire
de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi
et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par
la société ainsi prorogée. »

Encore faut-il que le juge saisi d’une telle requête constate l’intention des
associés de proroger la société. Il s’agit néanmoins d’une modification
importante de l’état du droit.
Si les associés n’ont pas prorogé la société, volontairement ou par
ignorance, l’arrivée du terme entraîne en principe la dissolution
automatique de la société (art. 1844-6 C. civ.). Reste la possibilité pendant
une année à compter de l’arrivée du terme de demander en justice la
prorogation de la société.

2. La signature des statuts


a. Les signataires des statuts
L’accord donné par une personne physique ou morale à la création de la
société se manifeste par sa signature apposée sur les statuts ; elle matérialise
le consentement.
Cette signature peut être donnée par l’intéressé lui-même ou par son
mandataire qui agit au nom et pour le compte de l’associé. Le mandat de
signer les statuts doit résulter d’une habilitation spéciale et doit être limité à
la constitution de la société.
b. La date de constitution de la société
Le contrat de société est conclu au jour de la signature des statuts qui établit
l’échange des consentements entre les associés. À compter de cette date, la
société est dite « constituée ». C’est donc à cette date qu’il convient de se
placer pour apprécier si les conditions de validité du contrat de société sont
remplies.
REMARQUE

L’expression « société constituée » ne veut pas dire que la société est


immatriculée au RCS et qu’elle est dotée de la personnalité morale. Il
ne faut pas confondre les expressions « société constituée » et
« société immatriculée », elles ne sont pas synonymes. À ce stade du
processus de formation, la société ne constitue donc pas encore une
personne morale. Elle ne sera personne morale que par la suite, une
fois la formalité de l’immatriculation du RCS effectuée.

La date de constitution peut être reculée ou avancée si la société est conclue


sous condition suspensive ou résolutoire. Une telle circonstance est
cependant exceptionnelle en pratique.
Lorsqu’elle est sous condition suspensive, la création de la société dépend
de la réalisation de la condition.
Lorsqu’elle est sous condition résolutoire, la société est définitivement
constituée dès la signature des statuts et, de ce fait, les fondateurs peuvent
immédiatement entreprendre les formalités de publicité et
d’immatriculation du RCS. Mais si la condition résolutoire se réalise, la
société sera rétroactivement annulée.

3. Les formalités postérieures à la signature des statuts


a. L’insertion dans un JAL (journal d’annonces légales)
Après la constitution de toute société (autre qu’une société en participation),
un avis doit être inséré dans un journal habilité par arrêté du préfet du
département à recevoir des annonces légales dans le département du siège
social. Il existe de très nombreux journaux d’annonces légales en France ;
ce sont souvent des quotidiens locaux ou régionaux qui ne consacrent que
quelques pages aux annonces légales.
La loi PACTE a étendu aux services de presse en ligne l’insertion des
annonces légales15.
L’article R. 210-4 du Code de commerce dispose que l’avis d’insertion doit
impérativement contenir certaines mentions : la dénomination et le sigle, la
forme de la société, le montant du capital social, l’adresse du siège social,
l’objet social, la durée de la société, les noms, prénoms et domiciles des
dirigeants, la variabilité éventuelle du capital et le montant en deçà duquel il
ne peut être réduit.
Aucun délai n’est prescrit pour l’insertion dans un JAL de l’avis de
constitution, pas plus d’ailleurs que pour les autres formalités de publicité.
Cependant, la société n’existera qu’à compter de son immatriculation au
RCS du lieu du siège social.
b. L’immatriculation de la société
Le dépôt du dossier d’immatriculation

Le lieu du dépôt
Le dossier d’immatriculation doit être déposé auprès du CFE (centre de
formalités des entreprises) compétent, ou directement au greffe du tribunal
de commerce.
Le CFE permet aux entreprises de souscrire en un même lieu et sur un
même document toutes les déclarations auxquelles elles sont tenues par les
lois et règlements dans les domaines juridique, administratif, social, fiscal et
statistique.
Les sociétés ont également la possibilité de déposer le dossier
d’immatriculation par voie électronique au guichet unique de création
d’entreprise.
FOCUS
Loi PACTE
La loi PACTE du 22 mai 2019 prévoit, pour faciliter la création des entreprises à
moindre coût, la création d’un guichet unique électronique pour l’accomplissement des
formalités. Le dépôt d’un dossier unique sera suffisant pour la création, la modification
de situation ou la cessation des activités. L’INPI a été désigné par un décret du 30 juillet
2020 comme opérateur et gestionnaire du guichet unique électronique.
La loi PACTE autorise le gouvernement à créer par ordonnance un registre unique
dématérialisé des entreprises ayant pour objet la centralisation et la diffusion des
informations les concernant.
Selon l’article 1er de la loi PACTE, ces dispositions16 entreront en vigueur à une date
fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er janvier 2023. Le décret n° 2021-
300 du 18 mars 2021 prévoit une mise en œuvre de ce guichet à compter du 1er avril
2021, avec une période de transition allant jusqu’au 31 décembre 2022.
Ce décret précise : les conditions de dépôt et de transmission par voie électronique du
dossier unique, les relations de l’organisme unique avec le déclarant et les
administrations ou organismes sociaux, les modalités d’accompagnement et d’assistance
des entreprises…
À partir du 1er janvier 2023, seul l’INPI sera compétent pour recevoir les formalités des
entreprises relatives à la création, la modification de situation et la cessation d’activité
des entreprises. À partir de cette même date, les CFE ne pourront plus recevoir les actes
de formalité des entreprises.

Le contenu du dossier
Le dossier d’immatriculation établi sur une « liasse unique » doit contenir à
peine d’irrecevabilité un certain nombre de mentions concernant la société,
ses associés en nom, ses dirigeants et commissaires aux comptes, son
établissement et son activité.
Doivent être joints au dossier les actes destinés à être déposés au greffe du
tribunal de commerce :
un original des statuts rédigés sous signature privée ou une expédition des
statuts établis par acte authentique ;
une copie des actes de nomination des organes de gestion,
d’administration, de direction, de surveillance et de contrôle lorsque cela
ne figure pas dans les statuts ;
un exemplaire du rapport du commissaire aux apports en cas d’apports en
nature dans les SARL et les sociétés par actions ;
la déclaration des bénéficiaires effectifs de la société, c’est-à-dire la liste
des personnes physiques qui en dernier ressort possèdent ou contrôlent la
société ;
divers autres documents : le justificatif concernant le siège social, le
justificatif d’identité du dirigeant, l’attestation sur l’honneur de non-
condamnation du dirigeant, éventuellement les actes conclus pour le
compte de la société en formation, l’information du conjoint en cas
d’apport d’un bien commun, etc.

Le rôle du CFE
Le CFE procède à un contrôle formel des pièces et adresse dans les
24 heures un exemplaire de la liasse unique à chacun des organismes
concernés :
le greffe du tribunal de commerce pour immatriculation ;
l’Insee pour l’inscription sur le répertoire national des entreprises et
l’attribution d’un numéro Siren ;
l’administration fiscale ;
les organismes sociaux.
Le CFE délivre alors gratuitement un récépissé de création d’entreprise dès
le dépôt du dossier d’immatriculation. Le récépissé comportant la mention
« en attente d’immatriculation » permet d’accomplir, sous la responsabilité
de la personne agissant au nom de la société, les demandes nécessaires
auprès des différents organismes (La Poste, EDF, opérateur
téléphonique…).
L’immatriculation de la société
Le greffier, après un contrôle formel, procède à l’immatriculation de la
société au RCS, avec l’attribution d’un numéro d’immatriculation. La
formalité est effectuée gratuitement17. L’immatriculation intervient en
principe dans le délai franc d’un jour ouvrable après réception de la
demande.
Le greffier notifie l’immatriculation ainsi que le numéro Siren au déclarant
dans un extrait K-bis.
c. L’insertion d’un avis au Bodacc
Dans les 8 jours suivant l’immatriculation de la société au RCS, le greffier
du tribunal de commerce du lieu du siège social doit faire paraître au
Bodacc (bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) une
insertion contenant les caractéristiques de la société.

Le contenu du Bodacc est consultable en ligne à l’adresse : www.bodacc.fr

RAPPEL
L’absence de publicité (insertion au JAL, dépôt au greffe, immatriculation au RCS) n’est
une cause de nullité que dans les SNC et les SCS. Dans les autres sociétés, elle donne
lieu à une action en régularisation et une action en responsabilité.

B. LE SORT DES ACTES ACCOMPLIS PENDANT LA


PÉRIODE DE FORMATION

La constitution d’une société peut s’échelonner sur une période plus ou


moins longue de formation. Or, pendant ce temps, la société, qui n’a pas la
personnalité morale, ne peut être titulaire ni de droits ni d’obligations. Les
fondateurs sont pourtant conduits à accomplir des actes au nom et pour le
compte de la société en formation, tels la conclusion d’un bail pour les
locaux, l’ouverture d’un compte courant au nom de la société auprès d’un
établissement bancaire, ou encore l’achat de matériel. Parce qu’elle n’existe
pas encore, la société ne peut être engagée. Qui devra donc supporter les
conséquences de ces actes ?

1. Le principe : l’engagement de ceux qui ont passé les actes


Cette situation est précisément régie par les textes et gouvernée par le
principe suivant : seule la personne qui a accompli un acte au nom et pour
le compte de la société en formation est tenue par l’acte accompli.
Cet engagement peut être provisoire car il existe plusieurs possibilités de
reprise des actes par la société (art. 1843 C. civ. et L. 210-6 C. com.).
Le principe posé par ces textes est celui de l’engagement personnel « de
celui qui a agi au nom de la société en formation ». L’auteur des
engagements apparaît donc comme étant le débiteur, même s’il n’est pas
nécessairement le débiteur définitif de la dette. Si plusieurs personnes ont
« agi », elles seront tenues solidairement lorsque la société en formation est
commerciale (ce qui signifie que le créancier pourra demander à l’une
d’entre elles le paiement de l’intégralité de sa créance, à charge ensuite pour
celui qui a payé de se retourner contre ses codébiteurs pour obtenir
remboursement de la part qu’il n’aurait pas dû payer), conjointement si la
société en formation est civile.
Cependant, ce principe est écarté quand la société « reprend » les actes
accomplis par les fondateurs. La reprise des engagements ne peut intervenir
que lorsque la société a acquis la personnalité morale et aura pour effet de
libérer définitivement les personnes tenues par ces engagements, si
certaines conditions sont réunies.

Article L. 210-6 al. 2 du Code de commerce


« Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la
jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment
responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été
régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces
engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. »

2. L’exception : la reprise des actes accomplis pour le


compte de la société en formation
a. Les conditions et les modalités de la reprise des actes
La société doit être immatriculée au RCS pour que la reprise puisse
s’opérer.
La reprise ne peut porter que sur des actes juridiques conclus pendant la
période de formation, accomplis expressément au nom de la société en
formation et dans son intérêt.
Trois modalités de reprise sont prévues par les textes :
il existe deux modalités de reprise dite « automatique », qui doivent
être anticipées par les futurs associés :
si l’acte a été passé avant la signature des statuts : un état de cet acte
précisant les obligations qui en résultent est présenté aux associés
avant la signature des statuts. S’il est accepté, il sera annexé aux statuts
et leur signature emportera reprise automatique à compter de
l’immatriculation sans autre formalité,
si l’acte a été passé entre la signature des statuts et l’immatriculation de
la société : la reprise automatique suppose ici que la personne qui a agi
l’ait fait en vertu d’un mandat spécial (c’est-à-dire un mandat précis)
donné par les associés, soit dans les statuts, soit dans un autre acte.
Cette automaticité suppose néanmoins que le mandat spécifie le nom
de la personne habilitée à agir pour le compte de la société, et les actes
pour lesquels elle reçoit procuration. Un mandat général serait
inefficace. Selon une jurisprudence récente, ce mandat spécial peut être
donné a posteriori, c’est-à-dire après la réalisation de l’acte concerné,
dès lors que ce mandat reste antérieur à l’immatriculation au RCS. Là
encore, l’immatriculation de la société au RCS emportera reprise
rétroactive de l’engagement sans aucune autre formalité ;
à défaut, une décision spéciale prise à la majorité des associés peut
toujours, postérieurement à l’immatriculation, comporter reprise des
actes, quel que soit le moment où ils sont intervenus. Cette possibilité de
reprise sera particulièrement utile lorsque les conditions de reprise
automatique font défaut. Par définition, elle est aléatoire car elle dépend
de la décision des associés après l’immatriculation.
b. Les effets de la reprise
La reprise des engagements par la société est rétroactive : ceux-ci seront
réputés avoir été conclus dès l’origine par elle. Il y a donc substitution de
débiteur. Pour éviter les éventuelles conséquences défavorables qui
pourraient en résulter pour le créancier, il est fréquemment requis de la
personne qui passe l’acte qu’elle se porte caution de la société en cas de
reprise.
En l’absence de reprise, les tiers ne pourront poursuivre la société ; il faut
alors en effet revenir au principe posé par les articles L. 210-6 du Code de
commerce et 1843 du Code civil : ce sont les personnes qui ont agi au nom
de la société en formation qui sont tenues et qui restent personnellement
responsables de l’acte vis-à-vis des tiers. Seules les personnes qui ont agi
seront alors engagées. Tous les associés fondateurs ne sont donc pas
forcément responsables. Lorsque plusieurs personnes ont agi ensemble et
que la société en formation est commerciale, ces personnes sont
solidairement engagées ; en revanche, si la société en formation est civile,
ces personnes sont soumises à une responsabilité conjointe (aucune
solidarité entre elles).

II. Les conséquences de la personnalité morale


L’attribution de la personnalité morale à la société implique qu’elle puisse
être dotée, à l’instar d’une personne physique, d’éléments distinctifs, qui
sont donc les « attributs de la personnalité morale ». Ces divers éléments
concourent à l’identification de la personne morale (A). Celle-ci, sujet de
droit et d’obligations, dispose d’un patrimoine propre (B), de la capacité
juridique (C) et peut engager sa responsabilité tant sur le plan civil que sur
le plan pénal (D).

A. L’INDIVIDUALISATION DE LA SOCIÉTÉ PERSONNE


MORALE
1. La dénomination ou appellation sociale
a. La liberté de choix de la dénomination sociale
Toute société dotée de la personnalité morale doit avoir un nom précisé
dans les statuts (art. 1835 C. civ.), qui constitue une dénomination sociale.
En principe, les associés peuvent la choisir librement. Il peut ainsi s’agir
d’une dénomination de fantaisie ou d’une appellation tirée de l’objet de la
société ou encore du nom d’un ou de plusieurs associés.
Aux fins de renseignement des tiers, l’appellation sociale doit toujours être
suivie ou précédée de l’indication de la forme de la société à laquelle on
ajoutera, s’agissant d’une des trois sociétés par actions ou d’une SARL,
celle du montant du capital social.
La dénomination sociale peut changer au cours de la vie de la personne
morale, à condition qu’il y ait modification des statuts (d’après des
conditions qui varient selon le type de société) et accomplissement des
diverses formalités légales de publicité (insertion dans un JAL, dépôt au
greffe, inscription modificative au RCS, insertion au Bodacc).
b. Les limites à la liberté de choix de la dénomination sociale
La liberté de choix de la dénomination sociale se heurte cependant à
certaines limites.
En premier lieu, la dénomination ne doit pas être contraire à l’ordre public
et aux bonnes mœurs ou heurter une règle du droit commercial. Il est, par
exemple, interdit, aux termes de l’article L. 310-3, II, du Code de
commerce, d’utiliser le mot « soldes » ou l’un de ses dérivés pour désigner
toute dénomination sociale ou nom commercial qui ne se rapporte pas à une
opération de soldes telle que définie par les textes, et ce sous peine de
sanctions pénales.
En second lieu, sont aussi interdites les appellations comportant un risque
de confusion ou d’atteinte aux droits de tiers.
Ces droits peuvent, par exemple, résulter du dépôt d’une marque ou de
l’utilisation d’un nom comme nom commercial pour exercer une activité.
Le risque de confusion qui résulterait d’une imitation peut faire l’objet
d’une action en concurrence déloyale. Il s’agit d’une action en
responsabilité civile, fondée sur l’article 1240 du Code civil, et qui permet à
la victime de l’agissement déloyal, si elle a subi un préjudice (détournement
de clientèle, affaiblissement de sa marque), de demander réparation sous
forme de dommages-intérêts. En outre, le droit des marques accorde une
protection spécifique liée à l’enregistrement de celle-ci, l’imitation de
marque pouvant tomber sous le coup de la sanction pénale de la
contrefaçon.
Afin de savoir s’il existe un droit de propriété incorporelle antérieur sur une
dénomination ou sur une marque, il conviendra de procéder à une recherche
d’antériorité auprès de l’INPI, à la division des dénominations sociales ou
des marques.
FOCUS
Le nom patronymique utilisé comme dénomination sociale
Le nom patronymique constitue avant tout un droit de la personnalité, inaliénable,
imprescriptible et donc extrapatrimonial. Il peut cependant faire l’objet d’une
exploitation commerciale. Le nom se détache alors de la personne pour devenir un droit
de propriété industrielle distinct de la personne de son titulaire.
En cas de retrait de l’associé qui a donné son patronyme à la société, cet associé ne
pourra pas, sauf convention contraire, exiger la modification de l’appellation sociale car
le nom utilisé est devenu un signe distinctif de la personne morale et un objet de
propriété incorporelle, en raison de son insertion dans les statuts. C’est ce qui a été
décidé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 mars 1985 dans
l’affaire Bordas.
La même chambre a décidé, dans un conflit qui opposait le célèbre chef cuisinier Alain
Ducasse à une société qu’il avait créée avec deux autres associés pour assurer la
diffusion de ses produits, que le consentement donné par un associé fondateur, dont le
nom est notoirement connu, à l’insertion de son patronyme dans la dénomination d’une
société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait, sans accord de sa part et
en l’absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la
société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou
services. L’usage du nom s’il est limité (ici dénomination sociale), ne peut être étendu à
d’autres utilisations commerciales, telles que le dépôt du nom comme marque.
La jurisprudence n’est pas toujours aussi favorable : dans l’affaire Inès de la Fressange
(Cass. com., 31 janv. 2006) ou dans l’affaire Elizabeth Emanuel (Cass. com., 30 mars
2006), les intérêts des personnalités concernées ont cédé devant la nécessité d’assurer la
pérennité de la marque.

2. Le siège social
a. La détermination du siège social
Chaque société doit avoir un domicile, un siège social. Il correspond à
l’endroit où se trouve la direction effective de la société, là où se trouvent
ses organes de direction et les principaux services administratifs. Il ne
coïncide pas nécessairement avec le lieu d’exploitation.
Le choix du siège social
Il est librement déterminé par les associés au moment de la constitution de
la société et doit être impérativement mentionné dans les statuts dont il
constitue une mention obligatoire.
Lorsque le siège social a été fixé fictivement en un lieu différent de celui de
la direction effective, les juridictions disposent d’un pouvoir pour
déterminer quel est le siège réel.
Le changement de siège social
En principe, le transfert de siège social doit être réalisé selon les conditions
prévues par la loi pour toute modification statutaire. La décision du transfert
du siège social incombe donc aux associés réunis en assemblée générale
extraordinaire (ou par consultation écrite si les statuts le permettent). Les
conditions de vote des décisions collectives extraordinaires varient selon la
forme sociale. Si le transfert entraîne un changement de nationalité de la
société, l’unanimité est toujours exigée, quelle que soit la forme sociale.
Cependant, dans les SARL et dans les SA, le transfert du siège social sur
tout le territoire national peut être initié par une décision des dirigeants (le
ou les gérants dans la SARL, le conseil d’administration dans la SA), sous
réserve de ratification de cette décision par la prochaine assemblée générale
ordinaire (art. L. 223-18 C. com. pour les SARL et art. L. 225-36 C. com.
pour les SA).
Dans tous les cas, le transfert du siège social devra faire l’objet de mesures
de publicité pour être opposable aux tiers.
b. Les conséquences attachées à la détermination du siège social
La détermination du siège social permet de préciser :
le lieu d’accomplissement des formalités au RCS ;
le lieu de réunion des assemblées générales et le lieu de communication
des documents sociaux ;
la nationalité de la société ;
le droit fiscal applicable, puisque c’est au lieu du siège social que la
société est fiscalement imposée ;
les tribunaux territorialement compétents en cas de litige ; rappelons
qu’en droit français, le défendeur doit être assigné en principe au lieu de
son domicile, soit le siège social pour une société. Cette règle est écartée
dans deux hypothèses :
en premier lieu, lorsque le siège social réel est ainsi différent du siège
statutaire, aux termes de l’article 1837 al. 2 du Code civil, les tiers
peuvent se prévaloir, soit du siège statutaire, soit du siège réel. La
société ne pourrait, en revanche, écarter la compétence liée au siège
statutaire en se prévalant du siège réel,
en second lieu, lorsque la société a plusieurs centres d’exploitations, en
vertu d’une jurisprudence ancienne dite des « gares principales », la
société pourra également être assignée devant le tribunal du lieu où une
de ses succursales est installée.

3. La nationalité de la société
La nationalité n’a pas la même portée à l’égard d’une personne physique et
à l’égard d’une personne morale. Ce terme exprime ici simplement le
rattachement d’une société à un État. La nationalité d’une société détermine
le droit qui lui est applicable.
Ainsi, en principe, la nationalité se détermine par application du critère du
siège social. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles (temps de
guerre), et pour certains secteurs économiques sensibles, (armement, presse,
banque, etc.), le critère retenu est celui du contrôle : il s’agit alors de
rechercher, derrière l’écran que constitue la personnalité morale, quels sont
les associés et les dirigeants. Si la majorité d’entre eux sont de nationalité
étrangère, la société ne pourra bénéficier, par exemple, des droits accordés
aux seules sociétés nationales. L’utilisation de ce dernier critère reste
exceptionnelle, la préférence allant au critère du siège social.
Le changement de nationalité nécessite en principe une décision prise à
l’unanimité des associés (y compris si ce changement est la conséquence
d’un changement de siège social), notamment parce qu’elle peut aboutir à
modifier l’étendue des engagements des associés. Cette règle est
expressément prévue pour la SARL (art. L. 223-30 C. com.), pour la SCS
(art. L. 222-9 C. com.) et pour la SA (art. L. 225-97 C. com.). À titre
d’exemple, dans les sociétés anonymes, ce transfert est décidé par
l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires à condition que le pays
d’accueil, c’est-à-dire le pays de la nationalité sociale nouvelle, ait conclu
avec la France une convention spéciale permettant aux SA d’acquérir sa
nationalité, et de transférer leur siège social sur son territoire.

B. LE PATRIMOINE DE LA SOCIÉTÉ PERSONNE MORALE

Les attributs de la personnalité morale opèrent un rapprochement entre les


sociétés et les personnes physiques. Ainsi, la société, comme tout individu,
dispose-t-elle d’un patrimoine qui est distinct de celui des associés. C’est
l’autonomie patrimoniale de la société (1). Ce patrimoine ne doit pas être
confondu avec la notion de capital social (2).

1. L’autonomie du patrimoine social


a. Le patrimoine de la société et le patrimoine des associés
La société dotée de la personnalité morale a un patrimoine propre distinct
de celui des associés. Ces derniers ne sont pas copropriétaires des biens
qu’ils ont apportés ; ils ne sont titulaires que de droits sociaux, remis en
échange de leurs apports et dénommés « parts sociales » ou « actions »
selon la forme de la société. Ces droits sociaux comportent à la fois des
prérogatives pécuniaires ou « droits financiers » – droit aux dividendes,
droit au boni de liquidation – et des prérogatives extrapécuniaires ou
« droits politiques » – droit de vote, droit à l’information sur les comptes et
la politique sociale…
Ce patrimoine est par définition mouvant : il est composé d’éléments d’actif
et de passif qui fluctuent en fonction des activités de la société.
b. Le patrimoine de la société et les créanciers sociaux
Le principe de séparation entre le patrimoine d’une société et celui des
associés empêche en principe les créanciers de ces derniers de pouvoir
saisir l’actif social. Les créanciers personnels des associés ne pourront saisir
que les parts ou actions des associés, mais ils n’ont aucun droit sur les actifs
appartenant à la société.
Réciproquement, les créanciers sociaux n’ont en principe aucun droit de
poursuite à l’encontre des patrimoines des associés de la société.
Dans les sociétés de personnes cependant, l’écran de la personnalité morale
est assez perméable : les créanciers sociaux ont un droit de gage sur le
patrimoine personnel de chacun des associés en cas de carence de la société
du fait de la responsabilité indéfinie pesant sur les associés. Il en résulte que
dans les sociétés à risque illimité comme les sociétés civiles ou les sociétés
commerciales de personnes (SNC, SCS), les créanciers sociaux peuvent
également poursuivre le patrimoine personnel des associés. Dans les
sociétés sans personnalité morale (sociétés en participation et sociétés
créées de fait), seuls les associés peuvent être poursuivis par les créanciers,
faute de patrimoine social. L’écran de la personnalité morale est inefficace,
ces sociétés sont dites « transparentes ». Dans ces sociétés, on parle
d’obligation aux dettes incombant aux associés : ceux-ci sont tenus de payer
les dettes de la société si elle n’y procède pas elle-même.
REMARQUE

En principe également, la règle de l’indépendance des patrimoines a


pour conséquence que si la société fait l’objet d’une procédure
collective de traitement des difficultés (sauvegarde, redressement ou
liquidation judiciaires), cette procédure ne s’étend pas aux associés.
Cependant, ce principe est mis en échec en cas de confusion de
patrimoines ou en cas de fictivité de la personne morale qui
permettent d’étendre la procédure de faillite d’une société à d’autres
personnes, ou encore par l’action en comblement de passif qui permet
de mettre une partie de ce passif à la charge d’un ou plusieurs
dirigeants de la société ayant commis des fautes de gestion. (Voir
Cours n° 4)

2. Le patrimoine social et le capital social


Le patrimoine social ne doit pas être confondu avec le capital social qui ne
représente que le montant des apports en nature et en numéraire faits par les
associés lors de la constitution de société. Le capital social est en principe
intangible. Certes, pendant la vie sociale, ce capital social peut être
augmenté, soit par de nouveaux apports, soit par incorporation des
bénéfices non distribués. Il peut aussi être diminué au cours de la vie
sociale par des reprises d’apports notamment. Mais toutes ces modifications
apportées éventuellement au capital constituent des modifications
statutaires soumises au respect de multiples formalités. Dès lors, on peut
dire que le capital social a une relative stabilité.
Patrimoine social et capital social ne coïncident qu’au moment de la
création de la société.
À l’exception des sociétés en participation et créées de fait, le législateur a
fait du capital social un dénominateur commun à toutes les sociétés.

Article 1835 du Code civil


« Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque
associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la
société et les modalités de son fonctionnement. »

Article L. 210-2 du Code de commerce


« La forme, la durée qui ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans, la dénomination
sociale, le siège social, l’objet social et le montant du capital social sont déterminés par
les statuts de la société. »

Le législateur précise parfois le montant du capital social.


Dans les SA et les SCA, la loi impose un capital minimum de 37 000 €.
Dans les sociétés de personnes (SNC, sociétés civiles, société en
commandite simple), aucun capital minimum n’est exigé.
Depuis la loi du 1er août 2003, aucun capital minimum n’est exigé dans la
SARL. Il en est de même dans la SAS depuis la loi de modernisation de
l’économie du 4 août 2008.
Il convient de remarquer que dans les sociétés de personnes (sociétés en
nom collectif, société en commandite simple, sociétés civiles) et dans les
SARL, le capital social est divisé en parts sociales qui ne sont ni librement
cessibles – un agrément des autres associés est généralement nécessaire – ni
librement négociables (des formalités d’opposabilité devront être
respectées).
Dans les sociétés de capitaux (sociétés anonymes, sociétés en commandite
par actions et sociétés par actions simplifiées), le capital social est divisé en
actions, qui sont des titres négociables.
Le capital social n’est pourtant pas une notion définie par la loi et la
jurisprudence. Il convient donc de le définir par défaut en le distinguant
d’autres notions (a) et en précisant ses fonctions (b).
a. La notion de capital social
La définition du capital social
Toute société a nécessairement un capital social dont le montant est
déterminé par les statuts. Le capital social est la somme des apports en
numéraire et en nature effectués par les associés, à l’exclusion des apports
en industrie.

Capital social et apports


Les apports sont des biens concrets, matériels, mis à la disposition de la
société. Ces biens qui font l’objet d’apports, sont portés à l’actif du bilan.
Le capital est un concept abstrait. Il figure au passif du bilan. Le passif, qui
figure dans la colonne de droite du bilan, indique l’origine des fonds ayant
permis à la société de constituer son actif. On y trouve les dettes (passif
externe) et les fonds propres (passif interne), c’est-à-dire l’ensemble des
ressources stables mises à la disposition de la société. Le capital social
constitue une dette de la société vis-à-vis des associés puisque ceux-ci ont
vocation à reprendre le montant de leurs apports à la dissolution de la
société ; il s’agit d’une dette de dernier rang puisque les associés ont
vocation à être remboursés après tous les autres créanciers sociaux.
L’identité entre le montant des apports et le montant du capital social
n’existe qu’au jour de la constitution de la société. Ces deux masses que
constituent les apports et le capital social vont évoluer au cours de la vie
sociale de façon distincte.

Capital social et capitaux propres


Les capitaux propres comprennent, outre le montant du capital social, les
réserves antérieurement constituées, le report à nouveau ou les pertes qui
n’ont pas pu être apurées.
Alors que le capital social est une notion abstraite, caractérisée par son
intangibilité, les capitaux propres représentent une réalité concrète soumise
à variations et donnant la mesure de la situation financière réelle de la
société.
Le montant des capitaux propres évolue donc en permanence en fonction
des résultats de la société.

Capital social et comptes courants d’associés


Les avances en compte courant d’associés, encore dénommés apports en
compte courant, constituent des « quasi fonds propres ». Il s’agit de prêts
consentis à la société par les associés eux-mêmes et qui ont pour
caractéristique principale d’être remboursables à tout moment, sauf mesure
de blocage (par affectation d’un terme, par exemple) qui leur ferait suivre
temporairement la règle de l’intangibilité du capital et leur conférerait un
rôle de garantie pour les créanciers sociaux.
La règle de l’intangibilité du capital social

Le principe
Le principe de fixité impose de chiffrer le capital social et de l’inscrire au
passif du bilan, ce qui bloque à l’actif des valeurs d’un montant
correspondant. Ce principe signifie que les associés ne peuvent librement
reprendre le montant de leurs apports durant la vie de la société. Ce droit ne
peut être exercé en principe qu’à la dissolution de la société. Il s’agit d’une
dette de dernier rang puisque les associés ont vocation à être remboursés
après tous les autres créanciers sociaux ; les associés ne pouvant être
remboursés de leurs apports qu’après paiement de toutes les autres dettes
incombant à la société (art. 1844-9 al. 1er C. civ.).
Ce principe a plusieurs conséquences :
en premier lieu, il est interdit de distribuer aux associés des dividendes
par prélèvements d’une somme représentant le capital social ;
en deuxième lieu, les SA, SCA et SAS ont l’obligation de reconstituer
leurs fonds propres lorsqu’ils deviennent inférieurs à la moitié de leur
capital social (art. L. 225-248 al. 1 ; L. 226-1 al. 2 ; L. 227-1 al. 2
C. com.). Cette règle est également applicable dans les SARL
(art. L. 223-42 C. com.) ;
en troisième lieu, le principe d’intangibilité du capital impose
l’accomplissement d’un certain nombre de formalités pour modifier à la
hausse ou à la baisse le montant du capital social. Il faudra en particulier
une décision collective des associés prise à une majorité qualifiée,
précisée en fonction de la forme de la société.

Les tempéraments au principe


Les associés peuvent récupérer dans certaines hypothèses le montant de
leurs apports sans attendre la dissolution de la société.
C’est le cas tout d’abord dans les sociétés à capital variable. Une clause de
variabilité du capital peut être prévue dans les statuts de toutes les sociétés,
sauf dans les SA.
Les sociétés civiles, les sociétés en commandite, les sociétés en nom
collectif, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes
coopératives et les sociétés par actions simplifiées peuvent être constituées
avec un capital variable, c’est-à-dire susceptible d’augmenter ou de
diminuer constamment, soit au moyen de versements effectués par des
associés anciens ou nouveaux, soit par des reprises d’apports résultant du
retrait d’associés. Chaque associé peut se retirer de la société lorsqu’il le
souhaite (art. L. 231-1 à L. 231-8 C. com.). Ce droit de retrait est d’ordre
public.
La clause de variabilité du capital social présente de l’intérêt lorsqu’il se
produit des changements fréquents dans la composition des membres de la
société, car elle permet les admissions et les retraits d’associés sans avoir à
réunir à chaque fois une assemblée générale extraordinaire pour modifier le
capital social, d’où un gain de temps et d’argent non négligeable.
Un autre avantage reconnu à cette clause est la possibilité de prévoir dans
les statuts l’exclusion, sur décision de l’assemblée générale extraordinaire,
d’un associé par mesure disciplinaire ou pour toute autre raison déterminée
(par exemple si l’associé ne répond plus aux conditions requises pour être
membre de la société) (art. L. 231-6 al. 2 C. com.).
La société à capital variable n’est pas un type particulier de société. Elle
reste soumise aux règles générales de droit commun, ainsi qu’à celles
régissant le type sociétaire qu’elle a adopté (SARL, société civile, SNC,
SCS, SCA, SA coopérative, SAS), indépendamment des dispositions qui lui
sont consacrées sur la variabilité du capital (art. L. 231-1 à L. 231-8
C. com.).
La société à capital variable ne peut être valablement constituée qu’après le
versement du dixième du capital social (art. L. 231-5 C. com.).
Une société à capital variable peut parfaitement changer de forme sociale
tout en conservant la clause de variabilité du capital social, à la condition
expresse que la nouvelle forme sociale choisie permette la variabilité du
capital social.
Par ailleurs, dans les sociétés dont le capital n’est pas variable, les associés
peuvent décider, sous certaines conditions, de réduire le capital social. Mais
cette réduction de capital est encadrée. Ainsi, dans la SA, la réduction de
capital qui ne serait pas motivée par des pertes, autorise les créanciers
sociaux à faire opposition de cette opération (art. L. 225-205 C. com.) et ne
peut conduire à conférer à la SA un capital inférieur au minimum imposé
par la loi, sauf si elle est prévue sous la condition suspensive d’une
augmentation destinée à ramener le capital à un montant au moins égal au
minimum légal, augmentation qui peut être réservée à un tiers (technique du
coup d’accordéon).
b. Les fonctions du capital social
Économiquement, le capital social est une source de financement utilisée
non seulement pour démarrer, mais aussi tout au long de la vie sociale.
Juridiquement, c’est une garantie tant pour la société que pour ses
créanciers. Mais il constitue aussi la mesure des droits des associés.
Le capital social, gage des créanciers sociaux
Le capital social constitue une abstraction et seuls les biens figurant à l’actif
du bilan constituent réellement le gage des créanciers. Cette affirmation
signifie en réalité que la société doit maintenir à l’actif du bilan une valeur
correspondant au montant du capital social : cette règle oblige donc la
société à bloquer certains actifs d’une valeur égale au montant du capital
social ; c’est le principe de fixité ou d’intangibilité du capital dont nous
verrons les conséquences.
Cette fonction de gage pour les créanciers sociaux doit cependant être
relativisée :
d’abord, parce qu’initialement la fonction du capital était celle d’un
instrument de financement permettant à la société d’utiliser ses apports
pour se développer ; il ne constituait donc qu’un élément de gage
indirect ;
ensuite, parce que le montant du capital indique seulement la valeur que
la société s’engage, lors de sa constitution, à rendre indisponible vis-à-vis
des créanciers. Mais il s’agit plus d’une garantie de solvabilité apparente
que réelle, dans la mesure où le capital dont dispose effectivement la
société peut être bien inférieur au montant du capital social qui figure aux
côtés de la dénomination de la société sur les documents administratifs et
commerciaux ;
enfin, et surtout parce qu’aujourd’hui l’exigence d’un capital minimum a
été supprimée dans les SARL et les SAS. Or, dans les sociétés de
personnes, si l’absence d’exigence de capital minimum est
« compensée » par la responsabilité illimitée des associés en cas de
carence de la société, ce n’est pas le cas dans les autres sociétés, où la
responsabilité des associés reste limitée. Le capital est alors déconnecté
de sa fonction de gage. La fixation statutaire d’un capital très faible a
pour conséquence concrète que les associés limitent au maximum leur
responsabilité.
Pour conclure sur ce point, la garantie que constitue le capital est
concurrencée par les sûretés réelles (clause de réserve de propriété,
hypothèque, etc.) et personnelles (cautionnement, lettre d’intention, aval,
garantie à première demande, etc.) qui offrent bien plus de sécurité aux
créanciers sociaux.
Le capital social, mesure du pouvoir des associés
La participation des associés dans le capital constitue la mesure de leur
pouvoir politique et financier. En effet, aux termes de l’article 1844-1 du
Code civil, la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution
aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social. Ce
principe souffre des tempéraments, sous réserve de la prohibition des
clauses léonines.
Par ailleurs, si le droit de tout associé de participer aux décisions collectives
est d’ordre public, l’égalité n’est pas le principe, un associé ayant en
principe autant de voix que de titres : celui qui détient la majorité des parts
ou des actions aura la maîtrise du pouvoir de direction.

C. LA CAPACITÉ JURIDIQUE DE LA SOCIÉTÉ PERSONNE


MORALE

La société personne morale a la capacité juridique, c’est-à-dire qu’elle est


apte à être titulaire de droits pécuniaires et extrapécuniaires et à les exercer.
L’article 1145 du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2016-131 consacre le
principe de spécialité et énonce que « la capacité des personnes morales est
limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs
statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles
applicables à chacune d’elles ».
La capacité de jouissance est l’aptitude à être titulaire de droits. L’étendue
de cette capacité est délimitée par le principe de « spécialité ». On distingue
alors :
la spécialité légale : la société est créée en vue de partager des bénéfices
ou de réaliser une économie, elle ne peut agir que dans ce but ;
la spécialité statutaire : la société doit agir dans la limite de l’objet
social inscrit dans le contrat de société. C’est la spécialité visée par le
Code civil.
Cependant, la limite de capacité ainsi fixée par le Code civil ne s’applique
pas pour les SARL et les sociétés par actions. En effet, ces dernières sont
engagées à l’égard des tiers même par les actes de leurs représentants qui ne
relèvent pas de leur objet.
La capacité d’exercice est l’aptitude à exercer personnellement les droits
dont on est titulaire. La capacité d’exercice de la société est nécessairement
réduite en ce qu’elle doit, pour agir, être représentée. Les règles de capacité
doivent donc s’articuler avec les règles de la représentation de la personne
morale.
La société est apte à agir en justice, dès lors qu’elle justifie d’un intérêt
légitime à agir (art. 31 C. proc. civ.).
RAPPEL
Règles régissant la compétence des tribunaux
La compétence matérielle ou compétence d’attribution permet de déterminer quel type
de juridiction est compétent pour trancher un litige (juridiction civile ou commerciale,
par exemple). Elle est en principe fixée en fonction de la qualité de l’acte pour le
défendeur.
Le tribunal de commerce sera compétent dès lors que les deux parties sont
commerçantes ou que l’opération a un caractère commercial pour les deux parties,
qu’elles soient ou non commerçantes. Ainsi, tout litige né à l’occasion d’une cession de
titres d’une société commerciale relève de la compétence des tribunaux de commerce.
De même, l’action en responsabilité intentée contre les dirigeants sociaux d’une société
commerciale relèvera de la compétence des tribunaux de commerce.
Le tribunal judiciaire sera compétent lorsque le défendeur est une personne civile. Celui
vis-à-vis de qui l’acte est civil ne peut être assigné que devant un tribunal judiciaire. En
revanche, le demandeur civil dispose d’une option de compétence et aura le choix
d’assigner soit devant le tribunal de commerce, soit devant le tribunal judiciaire. Ainsi,
lorsque la société est civile, les litiges entre associés relèvent des tribunaux judiciaires.
Si dans un litige le défendeur est une société civile, et le demandeur une société
commerciale, elle devra être assignée devant une juridiction civile. Il existe cependant
des cas particuliers, par exemple, lorsque l’une des parties est une société d’exercice
libéral, même si elle adopte une forme commerciale, le litige relève de la compétence
des tribunaux judiciaires (art. L. 721-5 al. 1 C. com.).

D. LA RESPONSABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ PERSONNE


MORALE

Comme une personne physique, la personne morale peut être poursuivie sur
le fondement de la responsabilité civile, comme de la responsabilité pénale,
avec quelques adaptations.

1. La responsabilité civile
La responsabilité civile d’une société peut être engagée sur le plan
contractuel (art. 1231 C. civ.) comme sur le plan extracontractuel (art. 1240
et s. C. civ.) si les conditions respectives sont réunies.
L’action en responsabilité contractuelle résultera par exemple de
l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’un contrat. Elle suppose
également la démonstration d’un préjudice subi par le cocontractant de la
société poursuivie et d’un lien de causalité.
L’action en responsabilité extracontractuelle fondée sur l’article 1240 du
Code civil, suppose la preuve d’une faute commise par la société en dehors
d’une relation contractuelle, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la
faute et le dommage. Cette faute peut avoir été commise par le représentant
légal de la société. Il peut aussi s’agir de l’agissement d’un préposé (un
employé) de la société, et la responsabilité de cette dernière sera alors
recherchée sur le fondement de la responsabilité du fait d’autrui, et plus
exactement de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés
(art. 1242 al. 5 C. civ.).
Par ailleurs, la responsabilité extracontractuelle de la société peut être
recherchée sur le fondement de la responsabilité des choses dont elle a la
garde, c’est-à-dire sur lesquelles elle exerce un pouvoir de contrôle et de
direction (art. 1242 al. 1er C. civ.). Il s’agit d’une responsabilité sans faute
qui pourrait, par exemple, permettre la réparation des dommages résultant
d’une pollution causée par l’activité industrielle de la société ou encore liés
à l’effondrement d’un bâtiment dont la société est propriétaire.

2. La responsabilité pénale

Article 121-2 du Code pénal


« Les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement […] des
infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants […]. La
responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques
auteurs ou complices des mêmes faits. »

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pour toutes les
infractions quelle qu’en soit la nature.
Pour que la responsabilité pénale de la personne morale puisse être
engagée, il est nécessaire que l’infraction ait été commise par un organe ou
un représentant, c’est-à-dire un dirigeant, un organe de direction ou encore
un salarié titulaire d’une délégation de pouvoirs, pour le compte et dans
l’intérêt de la personne morale.
La procédure et les sanctions ont dû être adaptées : on ne peut ni mettre en
garde à vue ni emprisonner une personne morale. Le Code de procédure
pénale prévoit des règles spécifiques de poursuite, d’instruction et de
jugement des infractions commises par les personnes morales. Quant à la
sanction, elle prend généralement la forme d’une amende (le quintuple de
celle prévue pour les personnes physiques), mais elle peut résider dans
l’interdiction d’exercer certaines activités professionnelles, la publicité de la
décision de condamnation ou encore la dissolution de la personne morale.

SECTION 2.
Le fonctionnement de la société
personne morale

La société, personne morale, ne peut fonctionner que par l’intermédiaire de


personnes physiques qui la représentent et la dirigent. Comme dans une
démocratie, ces représentants sont nommés par les associés et soumis à des
organes de contrôle.
L’organisation de la société est soumise à un principe de hiérarchie des
organes sociaux plus ou moins prononcé selon la forme sociale. Ce principe
signifie que chaque organe de la société dispose de pouvoirs propres et
qu’un organe ne peut empiéter sur les pouvoirs d’un autre.
L’organisation de la société implique l’existence d’organes de gestion, les
dirigeants sociaux (I), placés sous la dépendance des associés dont il faut
étudier les droits (II) et sous le contrôle d’autres organes ou institutions, en
particulier les commissaires aux comptes (III).
FOCUS
Les principes de la gouvernance d’entreprise
La réflexion sur l’organisation des pouvoirs, en particulier dans les sociétés cotées en
Bourse, est née au début des années 1990 aux États-Unis (Corporate governance) et a
été importée en Europe. Sa nécessité a été soulignée par divers scandales financiers dans
les années 2000 : Enron, WorldCom…
L’enjeu était d’assurer une organisation équilibrée et efficace des pouvoirs au sein des
sociétés cotées et d’instaurer ou de restaurer une véritable démocratie des actionnaires.
Cette réflexion s’est traduite en France par la mise en œuvre d’un nouvel équilibre des
pouvoirs, notamment par la loi NRE du 15 mai 2001.
Les contraintes imposées aux mandataires sociaux se sont accrues, en termes de
limitation des cumuls de mandats, de réglementation des conflits d’intérêts,
d’obligations de transparence imposées aux dirigeants. Ces principes ont également
conduit à améliorer le fonctionnement du conseil d’administration dans les sociétés
cotées et à créer des comités chargés de contrôler l’action des dirigeants (comité
d’éthique, comité d’audit, comité de rémunération par exemple). Le rôle des
actionnaires a été réhabilité, notamment par l’amélioration de leurs droits à
l’information, le renforcement de leur participation aux assemblées et des moyens
d’action plus importants.
La loi Sapin 2 de décembre 2016 sur la mise en place du say on pay est également une
étape importante dans cette direction.
La loi PACTE du 22 mai 2019 poursuit ces réformes, s’agissant notamment du contrôle
des rémunérations, de la parité dans les instances dirigeantes et de la présence de salariés
au rang des administrateurs.

I. Les dirigeants sociaux


Les règles qui concernent les organes de gestion sont plus ou moins
complexes selon le type de société. Les textes définissent les modes de
nomination et de révocation des dirigeants sociaux, leurs pouvoirs et leurs
responsabilités. Seront présentés ici les aspects principaux, qui seront
approfondis dans le cadre de l’analyse des différentes formes de sociétés.

A. LA DÉSIGNATION ET LA RÉVOCATION DES


DIRIGEANTS SOCIAUX
Les dirigeants sont certes des organes de la société, mais aussi, sur un
terrain plus contractuel, des mandataires sociaux, nommés et révoqués par
les associés. Les dirigeants sont définis comme les personnes qui prennent
des actes de gestion au nom et pour le compte de la société et dans son
intérêt.
FOCUS
La notion de mandat social
La société personne morale, entité nécessairement abstraite, a besoin d’être représentée
par des organes de gestion. L’exercice des fonctions des organes de gestion est
communément appelé « mandat social ».
Cette appellation n’emporte pour autant pas la qualification juridique du mandat au sens
de l’article 1984 du Code civil, les dirigeants sociaux n’étant en réalité ni les
mandataires des associés, leurs actes ne les engageant pas directement, ni les
mandataires de la société, faute d’être dotée d’une volonté propre.
Les articles 1153 à 1161 du Code civil ont d’ailleurs introduit un régime général de la
représentation, distinct des textes sur le mandat.
En réalité les termes « mandat social » signifient simplement que les dirigeants sociaux
ne sont pas liés à la société par un lien de subordination et qu’ils exercent leur mission
pour le compte de la société au nom de laquelle ils sont habilités à agir par les associés
qui les nomment.

1. La désignation des dirigeants sociaux


Les règles de désignation varient en fonction de la forme juridique de la
société. Néanmoins, en tant que représentant de la société, le dirigeant doit
avoir la capacité juridique. En outre, il ne doit pas être frappé d’interdiction
de diriger, administrer ou gérer une société commerciale [ce qui peut être
vérifié par le greffier en consultant le fichier national des interdits de gérer
mis en place au 1er janvier 2016 (art. L. 128-2 à L. 128-5 C. com.)].
Cette désignation conduit à distinguer deux catégories de dirigeants.
a. Les dirigeants de droit
Les dirigeants de droit sont les dirigeants qui sont régulièrement investis de
leurs pouvoirs par les associés.
Dans la SARL, les gérants sont nommés dans les statuts ou par acte séparé,
à la majorité des parts sociales sur première convocation, et, sauf clause
contraire, à la majorité des votes exprimés sur deuxième convocation
(art. L. 223-29 C. com.). Lors de la constitution de la SARL, le(s)
premier(s) gérant(s) est (sont) nommé(s) à l’unanimité des associés.
Le ou les gérants d’une société civile sont désignés soit dans les statuts, soit
par décision des associés prise à la majorité des parts sociales, sauf
disposition contraire des statuts (art. 1846 C. civ.).
Dans une SNC, tous les associés sont gérants, sauf stipulation contraire des
statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou non, ou en
prévoir la désignation par un acte ultérieur (art. L. 221-3 C. com.). Les
décisions se prennent à l’unanimité des associés, sauf clause contraire des
statuts.
Dans les SA, il existe deux modes de direction : la SA de type classique
avec un conseil d’administration qui nomme son président et un directeur
général si la société a opté pour la dissociation des fonctions de directeur
général et de président du conseil d’administration. Le second mode de
direction repose sur un conseil de surveillance qui nomme les membres du
directoire (ou un directeur général unique), chargés d’exercer les fonctions
de gestion de la société.
La SAS est en principe dirigée par un président, dont la désignation résulte
des statuts (art. L. 227-6 C. com.)
Ces dirigeants peuvent être des personnes physiques ou dans certaines
sociétés des personnes morales (il peut s’agir des membres du conseil
d’administration, du conseil de surveillance dans les SA, des gérants des
sociétés de personnes, ou encore du président de la SAS).
Dénomination selon les formes sociales
SNC, SARL, SCA/SCS, sociétés civiles Gérant(s)

SA …moniste Conseil d’administration

Directeur général

…dualiste Directoire

SAS Président
b. Les dirigeants de fait
Cette notion a été élaborée par la doctrine et la jurisprudence. Le dirigeant
de fait est celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une
activité positive de gestion et de direction sans avoir été désigné à cet effet.
Ce sont les personnes qui, sans avoir reçu un mandat social, réalisent en
toute autonomie des actes de gestion de façon répétée.
De cette qualité découlent de nombreuses responsabilités. En effet, comme
les dirigeants de droit, les dirigeants de fait peuvent voir engagées leurs
responsabilités civile, pénale, fiscale.

2. Le cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail


En principe le cumul des fonctions de dirigeant social avec un contrat de
travail dans la même société est possible, mais il est soumis à certaines
conditions :
tout d’abord, le contrat de travail doit correspondre à un emploi effectif ;
ensuite, le contrat de travail doit correspondre à des fonctions techniques
bien distinctes des fonctions de dirigeant, ce qui suppose notamment une
rémunération distincte ;
enfin, l’intéressé doit être placé dans un état de subordination à l’égard de
la société. Cette dernière condition rend donc le cumul impossible à un
dirigeant associé majoritaire.
Deux précisions s’imposent :
une condition supplémentaire, l’antériorité du contrat de travail au
mandat social, et sous réserve d’exception, est imposée concernant les
administrateurs de sociétés anonymes ;
dans certaines formes sociales, la conclusion du contrat de travail
constitue une convention réglementée soumise à une procédure
spécifique.

3. La révocation des dirigeants sociaux


Tout comme ils ont le pouvoir de nommer les dirigeants sociaux, les
associés ont le pouvoir de les révoquer.
Les dirigeants sociaux sont révocables pour juste motif le plus souvent, ce
qui ne les rend pas « irrévocables » lorsque le juste motif n’existe pas. Cela
signifie seulement qu’en l’absence de juste motif (fautes de gestion, par
exemple), ils auront droit à réparation (la société leur versera des
dommages et intérêts).
Notons toutefois que dans la SA, le président du conseil d’administration,
les administrateurs et les membres du conseil de surveillance sont
révocables ad nutum (sur un simple signe de tête), c’est-à-dire sans que
soient exigés de motifs et sans indemnité.
La révocation judiciaire peut également être demandée par tout associé, qui
devra alors se fonder sur une cause légitime.

4. L’intervention d’un administrateur provisoire


En cas de crise, le juge peut désigner un administrateur provisoire qui se
substituera en tout ou partie aux organes légaux. Il s’agit donc d’une
personne désignée en justice pour diriger la société. Cette mesure n’est pas
prévue par la loi, c’est la jurisprudence qui en a forgé le principe, au nom de
l’intérêt social.
a. Les conditions de nomination d’un administrateur provisoire
La nomination d’un administrateur provisoire est fondée sur la situation de
crise que rencontre la société. Cette immixtion du juge dans la vie de la
société ne peut être justifiée que par une situation grave. Il s’agit d’une
mesure exceptionnelle qui suppose que soit apportée la preuve de
circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et
menaçant celle-ci d’un péril imminent. Il en serait ainsi en cas de
défaillance des dirigeants sociaux, liée à une mésentente entre eux qui
provoque une paralysie du fonctionnement de la société susceptible
d’entraîner à terme sa dissolution.
L’action est ouverte à toute personne ayant un intérêt légitime à la demande,
et sera le plus souvent exercée par les associés minoritaires.
b. La mission de l’administrateur provisoire
L’administrateur provisoire est nommé par décision de justice, par le
tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire ou par son président,
généralement saisi par la voie du référé. C’est la décision judiciaire qui
définit la mission et l’étendue des pouvoirs de l’administrateur.
Ce mandataire judiciaire doit proposer les solutions qui permettent à la
société de surmonter la crise ; les associés restent libres de les rejeter.
Il doit assurer la gestion courante de la société et il peut à cette fin effectuer
tous les actes conservatoires et d’administration ; la solution est beaucoup
plus incertaine en ce qui concerne les actes de disposition (vente
d’immeubles par exemple), pour lesquels il aurait intérêt à se faire consentir
une autorisation judiciaire.

5. Les formalités encadrant la désignation et la révocation


des dirigeants
La désignation des dirigeants comme leur révocation ou leur démission sont
soumises à des mesures de publicité, qui concernent même l’administrateur
provisoire. Elles comprennent une insertion dans un JAL, un dépôt au
greffe du tribunal des actes portant nomination ou révocation des fonctions,
une inscription au RCS, une insertion au Bodacc.
Une fois ces formalités accomplies, ni la société ni les tiers ne peuvent se
prévaloir d’une irrégularité dans la nomination ou la révocation.
Parallèlement, un dirigeant ne saurait, pour échapper à ses responsabilités,
se prévaloir du défaut de publicité de sa désignation.

B. LES POUVOIRS DES DIRIGEANTS SOCIAUX

Les dirigeants assurent la direction économique de la société et sa


représentation juridique. La loi a largement uniformisé les pouvoirs des
organes de gestion dans toutes les sociétés. Il convient de distinguer leurs
pouvoirs dans l’ordre interne (vis-à-vis des associés) et dans l’ordre externe
(vis-à-vis des tiers).

1. Les rapports entre les dirigeants sociaux et les


associés (ordre interne)
Les dirigeants ont tous les pouvoirs pour représenter la société dans l’intérêt
de celle-ci. Dans les rapports avec les associés, les dirigeants d’une société
à risque illimité et ceux d’une SARL peuvent faire tous les actes de gestion
dans l’intérêt de la société ; dans les sociétés par actions, les dirigeants ont
les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la
société.
Les pouvoirs des dirigeants sont toutefois fortement encadrés :
en premier lieu, la loi peut imposer des limites à ces pouvoirs.
Notamment, les dirigeants ne peuvent agir que dans la limite de leurs
attributions et ne doivent en aucun cas exercer des prérogatives qui
relèvent du pouvoir des associés, telles que l’approbation des comptes
sociaux ;
en second lieu, les statuts peuvent contenir des clauses limitatives de
pouvoirs, pour leur interdire, par exemple, de passer certains actes graves
sans l’autorisation des associés.
Ces limitations statutaires sont valables dès lors qu’elles n’aboutissent
pas à retirer l’essentiel de leurs prérogatives aux dirigeants sociaux ;
enfin, le dirigeant doit agir dans la limite de l’objet social ou dans
l’intérêt de la société ; à défaut, il engagerait sur le plan interne sa
responsabilité civile et risquerait une révocation. Le dépassement de
l’objet social peut également avoir de graves conséquences vis-à-vis des
tiers dans les sociétés à risque illimité.

2. Les rapports des dirigeants sociaux avec les tiers (ordre


externe)
Les dirigeants représentent la société vis-à-vis des tiers et engagent la
société par leurs actes. Il importe d’assurer la sécurité de ceux qui
contractent avec la société par l’intermédiaire de son représentant légal. Ce
souci se manifeste à plusieurs égards.
D’une part, les clauses statutaires limitatives de pouvoirs sont toujours
inopposables aux tiers, même lorsque les tiers en ont connaissance. Cela
signifie que la société est engagée même si le dirigeant a méconnu une de
ces clauses.
EXEMPLE
Les statuts de la société X contiennent une clause interdisant au
dirigeant de conclure seul (sans l’autorisation de l’associé
majoritaire) des contrats d’un montant supérieur à 300 000 €. Si le
dirigeant conclut seul un contrat d’un montant de 400 000 € ce
dirigeant aura outrepassé ses pouvoirs et pourra être sanctionné par
les associés ; cependant, la société reste engagée malgré la violation
de la clause statutaire.

D’autre part, des règles encadrent le dépassement de l’objet social, c’est-à-


dire le fait pour le dirigeant de passer un acte qui n’est pas conforme à
l’activité que la société s’est proposée de mener dans ses statuts. Il convient
ici de distinguer les sociétés à risque limité et les autres.
Dans les sociétés à risque limité (SARL, SA, SCA et SAS), la société est
engagée par tous les actes accomplis par les dirigeants, et même par ceux
qui ne relèvent pas de l’objet social. Cette règle particulièrement protectrice
pour les contractants de la société est rendue possible par la limitation de
responsabilité dont bénéficient les associés. Toutefois, en cas de
dépassement de l’objet social, la société ne sera pas engagée si elle prouve
que le cocontractant avait connaissance du dépassement de l’objet ou ne
pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances (étant précisé que la
publication des statuts ne suffit pas à apporter cette preuve).
Au contraire, dans les sociétés à risque illimité, la société n’est pas
engagée par les actes qui ne relèvent pas de l’objet social. Le risque serait
trop grand pour les associés tenus ici au-delà du montant de leur apport.
Cela signifie que le tiers doit vérifier les statuts de la société avec laquelle il
contracte.

C. LA RESPONSABILITÉ DES DIRIGEANTS SOCIAUX

1. La responsabilité civile des dirigeants sociaux vis-à-vis de


la société ou des associés
Les dirigeants sociaux sont responsables pour :
le non-respect des dispositions légales ou réglementaires applicables aux
sociétés ;
la violation des statuts ;
les fautes de gestion qu’ils commettent.
a. La réparation du préjudice social : l’action socialeut universi ou
ut singuli
Si le préjudice est subi par la société elle-même, l’action exercée sera
qualifiée d’action sociale. Ce sont les dirigeants sociaux fautifs qui seraient
théoriquement titulaires de l’action sociale, dans le cadre d’une action
sociale exercée ut universi. Théoriquement, car si les dirigeants sont encore
en fonction, il est évident que l’action risque de ne pas être engagée. C’est
pourquoi a été reconnue aux associés la possibilité d’exercer l’action
sociale ut singuli. L’action est alors exercée par un ou plusieurs associés18
pour le compte de la société en réparation du préjudice subi par la société.
L’action sociale profite uniquement à la société : les dommages-intérêts
auxquels pourraient être condamnés les dirigeants fautifs devront être
versés non pas aux associés qui ont agi mais à la société elle-même.
L’exercice de cette action ne peut être limité par une clause statutaire.
b. La réparation du préjudice de l’associé : l’action individuelle
Si l’action du dirigeant social cause un préjudice à un ou plusieurs associés,
ceux-ci ont vocation à agir en responsabilité civile contre ce dirigeant, à
condition de démontrer l’existence d’un préjudice personnel, distinct du
préjudice social et d’un lien de causalité.
SYNTHÈSE
Les actions en responsabilité civile contre les dirigeants sociaux
Type Personne ayant Personne Conditions particulières
d’action subi le préjudice exerçant à respecter
l’action

Action Un associé L’associé Aucune


individuelle individuellement concerné

Action La société Un des Aucune


sociale dirigeants
de la société

Un associé Aucune

Deux ou En SARL, ils doivent représenter au


plusieurs moins 10 % du capital social.
associés En SA, ils doivent représenter
au moins 5 % du capital social.

2. La responsabilité civile des dirigeants sociaux à l’égard


des tiers
La société est en principe seule responsable des fautes commises par les
dirigeants dans l’exercice de leurs fonctions et causant un préjudice à un
tiers.
Pour que la responsabilité personnelle du dirigeant soit engagée à l’égard
des tiers, il est nécessaire qu’il ait commis une faute détachable de ses
fonctions. Si elle ne peut être prouvée, le dirigeant n’encourt aucune
responsabilité personnelle, seule la société sera responsable.
La faute détachable des fonctions s’entend de toute faute commise
intentionnellement par le dirigeant, d’une particulière gravité et
incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales19.

3. La responsabilité pénale des dirigeants sociaux


La responsabilité pénale des dirigeants sociaux peut être recherchée pour
les actes délictueux qu’ils auraient personnellement commis et qui seraient
qualifiés d’infractions par le Code pénal ou le Code de commerce.
Dans les sociétés à risque illimité, il n’existe pas de délits spécifiques. Seul
le droit pénal général (escroquerie, abus de confiance…) peut être appliqué
à leurs dirigeants.
Dans les sociétés à risque limité, il existe des délits spécifiques institués par
le législateur tels que le délit de présentation ou publication de comptes
annuels inexacts ou encore le délit d’abus de biens sociaux (voir Cours
n° 4).
Le dirigeant pourra néanmoins échapper à sa responsabilité pénale en
apportant la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne dotée de la
compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires. Si les conditions de
validité de cette délégation de pouvoir sont réunies, le délégataire, substitué
au délégant, sera seul responsable pénalement.

4. La responsabilité fiscale des dirigeants sociaux


Lorsque le(s) dirigeant(s), par des manœuvres frauduleuses ou par
l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales, a (ont) rendu
impossible le recouvrement des impôts dus par la société, il(s) peu(ven)t
être condamné(s) solidairement au paiement des sommes ainsi dues
(art. L. 267 LPF).

II. Les associés


Le statut de l’associé varie d’une forme sociale à l’autre. Quoi de commun
entre l’associé d’une petite société de personnes, extrêmement impliqué
dans les affaires sociales, et l’actionnaire petit porteur des titres d’une
grosse société cotée ?
Certes, l’associé a des obligations : celle de libérer l’apport qu’il a promis,
celle de ne pas abuser de certains droits.
Mais ce sont avant tout les droits dont il est titulaire qui révèlent la qualité
d’associé.
A. LE DROIT DE RESTER ASSOCIÉ

Cette prérogative fondamentale résulte du socle contractuel de la société : la


contrepartie essentielle de son engagement réside dans le droit de rester
associé, afin de pouvoir bénéficier des autres droits, d’ordres politique,
financier et patrimonial qui lui sont reconnus.
Aussi les hypothèses dans lesquelles le droit de prononcer l’exclusion d’un
associé peut être reconnu sont extrêmement réduites. Trois exemples :
l’exclusion d’un associé est possible dans une société par actions
simplifiée, aux termes de l’article L. 227-16 du Code de commerce ou
dans une société à capital variable si une clause statutaire le prévoit ;
l’exclusion est possible lorsque l’incapacité ou le vice du consentement
d’un associé risque d’entraîner la nullité de la société (art. L. 235-6
C. com.) ;
dans les sociétés cotées, les actionnaires qui ne représentent pas plus de
5 % du capital ou des droits de vote peuvent être l’objet d’un retrait forcé
à la demande de l’actionnaire majoritaire (règlement général AMF,
art. 237-1).
FOCUS
La validité des clauses d’exclusion
Lorsque la loi n’a pas expressément prévu la possibilité d’insérer une clause
d’exclusion, la jurisprudence a pris le relais. La validité de ce type de clause ne fait plus
de doute. Malgré tout, elles sont étroitement contrôlées.
Les conditions de fond de l’exclusion, les événements qui vont permettre le retrait forcé
de l’associé doivent être objectivement et clairement précisés, pour éviter tout arbitraire.
La clause et ses conditions de mise en œuvre peuvent être insérées dans les statuts ou
résulter d’une consultation postérieure prise à l’unanimité des associés20. En effet,
l’article 1836 du Code civil, dans son alinéa 2, décide qu’« en aucun cas, les
engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci »,
le contrat de société étant la loi des parties.
Les juges vérifieront également que la mise en œuvre de l’exclusion a respecté le
principe du contradictoire et qu’a été laissée à l’associé potentiellement exclu la
possibilité de présenter ses observations sur les faits qui lui seraient éventuellement
reprochés.
De plus, l’associé doit pouvoir participer au vote se prononçant sur la décision de son
exclusion. Il ne peut être privé de son droit de vote dans ce cas car non prévu par la loi.
B. LE DROIT DE PARTICIPER AUX AFFAIRES SOCIALES

Ce droit constitue une manifestation de l’affectio societatis et comporte


deux éléments : un droit d’information sur les comptes et la politique menée
par la société et une prérogative fondamentale, le droit de vote.

1. Le droit d’information de l’associé


Le droit d’information de l’associé comporte quatre prérogatives, qu’il peut
exercer selon des modalités qui dépendent de la forme de la société :
le droit d’obtenir communication des comptes sociaux et du rapport de
gestion avant l’assemblée générale d’approbation des comptes ;
le droit d’obtenir communication des livres et documents sociaux de
façon permanente ;
le droit de poser des questions écrites sur la gestion sociale ;
le droit de demander la nomination d’un expert de gestion dans les SA et
les SARL.
FOCUS
Le droit de demander la désignation d’un expert de gestion
Le droit de demander la nomination d’un expert de gestion est attribué à certains
associés par les textes dans la SARL et dans la SA. Il peut être également prévu dans la
SAS.
Aux termes de l’article L. 225-231 du Code de commerce, dans une SA, l’actionnaire
possédant au moins 5 % du capital social peut poser, par écrit au président du conseil
d’administration ou au directoire, des questions sur une ou plusieurs opérations de
gestion de la société. À défaut de réponse dans un délai de 1 mois ou à défaut de
communication d’éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander,
en référé, la désignation d’un ou plusieurs experts, chargés de présenter un rapport sur
une ou plusieurs opérations de gestion (ce qui recouvre les décisions prises par les
organes de gestion et non par l’assemblée générale des actionnaires).
Le droit à l’expertise de gestion est aussi ouvert dans une SARL (art. L. 223-37 C. com.)
à l’associé détenant 10 % du capital selon une procédure un peu plus simple que celle
prévue pour la SA.

2. Le droit de vote
a. Une prérogative essentielle
Aux termes de l’article 1844 du Code civil, applicable à toutes les sociétés,
tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Il s’agit d’un
droit d’ordre public et nul ne pourrait l’en priver.
Le respect de cette prérogative essentielle est parfois assuré pénalement. Il
peut s’agir de préserver l’exercice du droit de vote. Ainsi, dans les SA, SCA
et SAS, aux termes de l’article L. 242-9, 1° du Code de commerce, le fait
d’empêcher un actionnaire de participer à une assemblée d’actionnaires est
puni d’un emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 9 000 €.
Il peut également s’agir de préserver la liberté du droit de vote. Pour les SA,
l’article L. 242-9 du Code de commerce prévoit, dans son 3°, que le fait de
se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un
certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder,
garantir ou promettre ces avantages sera puni de la même peine.
Dans les SARL et les SA, les droits des associés dépendent du nombre de
titres qu’ils possèdent. Cependant, le droit de vote peut être déconnecté du
nombre de titres dans les SA où il est permis de limiter statutairement le
nombre de voix (art. L. 225-125 C. com.) ou, au contraire d’accorder un
droit de vote double dans les sociétés cotées, plural dans les sociétés non
cotées (art. L. 225-123 C. com.).
Dans les sociétés de personnes (SNC et sociétés civiles, principalement), le
vote se fait par tête (et non en fonction du nombre de titres possédés), sauf
clause contraire des statuts.
L’exercice du droit de vote se fait par des décisions collectives.
Dans les sociétés par actions, ces décisions collectives sont prises en
assemblée générale. Il s’agira d’une assemblée générale extraordinaire
(AGE) pour les décisions entraînant modifications des statuts ou d’une
assemblée ordinaire (AGO) dans les autres cas. Les règles de quorum
(nombre d’actions présentes ou représentées ayant le droit de vote) et de
majorité varient selon la nature de l’assemblée.
Le quorum correspond à une exigence de représentativité de l’assemblée
générale. En exigeant qu’un certain quorum soit atteint, le législateur exige
qu’un certain nombre de droits de vote soient présents ou représentés. Si le
quorum n’est pas atteint, l’assemblée générale est ajournée : les débats ne
peuvent pas avoir lieu (et, partant, le vote non plus). Il conviendra donc de
procéder ultérieurement à une nouvelle convocation de l’assemblée
générale sur le même thème, en espérant que le quorum soit atteint cette
fois-là.
Si le quorum est atteint, cela signifie que l’assemblée générale sera
suffisamment représentative des droits de vote existants. L’assemblée
générale se tient alors comme prévu.
Dans les autres sociétés, les statuts peuvent prévoir que les décisions seront
prises en assemblée, par consultation écrite ou pourront résulter du
consentement de tous les associés exprimé dans un même acte (art. 1853
et 1854 C. civ. ; art. L. 223-27 C. com. pour la SARL). Dans certains cas,
un quorum pourra être exigé.
Si les droits sociaux font l’objet d’un démembrement de propriété (part
sociale grevée d’un usufruit), le droit de vote est réparti entre le nu-
propriétaire et l’usufruitier :
pour toutes les sociétés sauf la SA, l’article 1844 al. 3 et 4 précise que le
droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions
concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier.
Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier
peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier21. Les
statuts peuvent déroger à cette disposition ;
dans la SA, la répartition du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire est soumise à une règle différente : l’usufruitier dispose du
droit de vote pour toutes les AGO (et pas seulement pour l’AGO annuelle
d’approbation des comptes) alors que le nu-propriétaire a le droit de vote
pour toutes les AGE, toute clause contraire étant possible (à la condition
de ne pas priver l’usufruitier de son droit de vote pour l’AGO annuelle
d’approbation des comptes). Il semble que la possibilité d’organiser
conventionnellement l’exercice du droit de vote par l’usufruitier en cas
de démembrement de propriété des actions puisse également s’appliquer
aux SA. La coexistence des dérogations statutaires et des conventions
relatives au droit de vote risque d’être délicate en pratique.
b. Les limites à l’exercice du droit de vote justifiées par le respect de
l’intérêt social
L’exercice du droit de vote est susceptible d’abus et les juges ont choisi de
sanctionner ce qui constituerait un abus de majorité ou un abus de minorité.
L’abus de majorité
Dans la plupart des sociétés, les décisions collectives se prennent à la
majorité (les modalités précises de cette majorité pouvant varier d’un cas à
l’autre : majorité absolue, majorité simple ou relative, double majorité en
nombre et en capital…). La règle démocratique prévoit donc que les
décisions prises par les majoritaires s’imposent aux minoritaires, les
majoritaires devant utiliser à bon escient le pouvoir de décision qui leur est
confié. Toutefois, l’exercice abusif de leur droit de vote par les majoritaires,
dans un sens contraire à l’intérêt de la société, est une hypothèse qui peut
parfois se rencontrer.
Afin de protéger les associés minoritaires contre d’éventuels usages abusifs
de leur droit de vote par les majoritaires, la jurisprudence a construit la
notion d’abus de majorité.
L’abus de majorité est admis lorsqu’a été prise (à la majorité, donc par les
majoritaires) une décision collective contraire à l’intérêt social, dans
l’unique dessein de favoriser les majoritaires au détriment des minoritaires.
La jurisprudence subordonne l’abus de majorité à deux conditions
cumulatives (Cass. com., 18 avr. 1961) :
l’existence d’une décision collective contraire à l’intérêt social (il peut
être difficile en pratique d’apprécier cette condition) ; la mise en réserve
systématique des bénéfices, qui conduit à ne pas distribuer de dividendes,
pourrait en constituer un exemple ;
et une rupture d’égalité entre les actionnaires au profit des majoritaires, la
décision litigieuse devant favoriser l’intérêt personnel des majoritaires au
détriment de celui des minoritaires.
Le juge qui constaterait un tel abus pourrait prononcer la nullité de la
décision adoptée lors de l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire et
une condamnation à verser des dommages et intérêts aux minoritaires (si
ceux-ci peuvent démontrer que la décision litigieuse leur a réellement causé
un préjudice).
L’abus de minorité
Les actionnaires minoritaires pourraient aussi se voir reprocher un
comportement abusif et être condamnés au paiement de dommages-intérêts.
En effet, certaines décisions sociales, notamment celles qui modifient les
statuts, ne peuvent être prises qu’à une majorité dite qualifiée (par exemple,
la majorité des 2/3 dans les SA). Les associés qui disposent de la minorité
de blocage (un peu plus d’un tiers des droits de vote dans la SA) peuvent
donc s’opposer efficacement à toute décision collective nécessitant cette
majorité qualifiée. S’ils utilisent leur minorité de blocage pour empêcher la
prise de décisions pourtant nécessaires pour la société, leur comportement
abusif doit être sanctionné.
C’est à cet effet que la jurisprudence a également construit la notion d’abus
de minorité. Un minoritaire commet un tel abus si son attitude est contraire
à l’intérêt général de la société en ce qu’elle interdit la réalisation d’une
opération essentielle pour celle-ci, et ce dans l’unique dessein de favoriser
ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés (Cass.
com., 9 mars 1993).
La sanction prononcée sera le versement de dommages-intérêts par le
minoritaire. Le juge ne peut en effet décider que le jugement reconnaissant
l’existence de l’abus de minorité vaut adoption de la résolution à l’occasion
de laquelle l’abus s’est réalisé. Il ne peut se substituer aux organes sociaux
légalement compétents ; il lui est simplement possible de désigner un
mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à
une nouvelle assemblée et aux fins de voter en leur nom des décisions
conformes à l’intérêt social dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à
l’intérêt légitime des minoritaires.

C. L’INTERDICTION D’AUGMENTER LES ENGAGEMENTS


DE L’ASSOCIÉ

En vertu du principe de la force obligatoire du contrat de société qui lie les


associés, chacun d’entre eux connaît la nature et les obligations qui
découlent de son engagement. C’est pourquoi l’article 1836 du Code civil
dispose :
Article 1836 du Code civil
« En aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le
consentement de celui-ci. »

Par conséquent, toutes les modifications statutaires qui emporteraient


aggravation ou modification des engagements des associés doivent être
adoptées à l’unanimité.

D. LE DROIT DE PARTICIPER AUX BÉNÉFICES ET AU


BONI DE LIQUIDATION

Ce droit est inhérent à la qualité d’associé. Les associés reçoivent, en


principe, des dividendes qui correspondent à la répartition du bénéfice
distribuable. Cette distribution se fait en principe proportionnellement à
leurs parts ou actions (art. 1844-1 C. civ.). Les statuts peuvent cependant
prévoir un mode de traitement inégalitaire, dans la limite de l’interdiction
des clauses léonines.
Cette vocation aux bénéfices se prolonge, en cas de liquidation, par le droit,
en cas de solde disponible après la clôture de la liquidation, de procéder au
partage du boni de liquidation, qui est également réparti
proportionnellement aux apports en principe, sauf clause contraire des
statuts.

E. LE DROIT DE CÉDER SES PARTS SOCIALES OU


ACTIONS

Il s’agit du droit de ne plus avoir la qualité d’associé, du droit de sortir de la


société. En principe, l’associé ne peut être prisonnier de ses titres.
Le droit de retrait de l’associé peut être prévu dans certaines sociétés dotées
d’un fort intuitus personæ (ex. : les sociétés civiles en vertu de l’art. 1869
C. civ.) ou encore dans les sociétés à capital variable.
Dans les autres sociétés, seule une cession des titres permet la sortie de
l’associé. L’opération de cession sera plus ou moins aisée selon le type de
société et la forme des titres.
Les sociétés de capitaux (SA, SCA et SAS) dont le capital est divisé en
actions, sont par définition des sociétés « ouvertes » : les actions peuvent en
principe être cédées sans l’agrément des autres actionnaires et selon des
modes simplifiés, puisque les formalités de la cession de créance n’ont pas
à être respectées.
Il est cependant possible aux autres actionnaires, sous certaines conditions,
de contrôler l’entrée de nouveaux associés par le biais de clauses
d’agrément en vertu desquelles l’entrée d’une nouvelle personne au sein de
la société doit être acceptée par les autres associés, ou d’une clause de
préemption par laquelle est donnée la préférence à un bénéficiaire
déterminé en cas de cession des titres. Cependant, les clauses d’agrément
sont interdites dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations
sur un marché réglementé. (Voir Cours n° 2)
Dans les sociétés dont le capital est divisé en parts sociales (SNC, SARL,
etc.), la cession est moins aisée, ce qui s’explique par l’intuitus personæ qui
caractérise les relations entre les associés de ces sociétés dites « de
personnes ».
En premier lieu, un agrément devra être généralement obtenu pour
transférer la propriété des parts sociales. Ainsi, dans la SARL, les parts
sociales ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément des autres associés
lorsque la cession va aboutir à l’entrée d’un tiers dans la société ; les
cessions entre associés ou à caractère « familial » sont en principe libres,
sauf clause contraire des statuts (art. L. 223-16 C. com. pour la SARL). La
SNC a un caractère encore plus fermé puisque les cessions à quelque
personne que ce soit, même entre associés, ne sont autorisées qu’avec le
consentement unanime des associés (art. L. 221-13 C. com.). À défaut
d’accord, l’associé peut rester prisonnier de ses titres.
En second lieu, la cession des parts sociales doit être formalisée par un écrit
et être signifiée à la société par le dépôt d’un original de l’acte au siège
social contre remise d’une attestation de ce dépôt par le gérant de la société
(art. 1323 C. civ.)22.
Le transfert de propriété des droits sociaux fera l’objet d’une analyse
détaillée à l’occasion de l’étude du droit spécial des sociétés.

III. Les organes de contrôle externes


Dans la société, il appartient aux associés, réunis en assemblées générales,
d’apprécier la gestion des dirigeants sociaux. Pour autant, les dirigeants,
voire certains associés, peuvent être tentés de profiter de leur position dans
la société pour en tirer un profit personnel au détriment de la société, et par
voie de conséquence des autres associés, des créanciers et des tiers. C’est
pourquoi certains actes sont interdits. D’autres, par nature suspects, seront
soumis à une procédure particulière d’autorisation. Il s’agit de la procédure
des conventions réglementées qui sera présentée lors de l’étude des sociétés
à responsabilité limitée et des sociétés par actions.
Le législateur a considéré que le contrôle des associés pouvait s’avérer
insuffisant et a largement développé le rôle des commissaires aux comptes
(A). Limité aux sociétés qui offrent leurs titres au public, le contrôle de
l’AMF mérite également d’être souligné (B).

A. LES COMMISSAIRES AUX COMPTES

La loi PACTE du 22 mai 2019 a réformé en profondeur la profession de


commissaire aux comptes et leur présence dans les sociétés en harmonisant
le périmètre de leur intervention.

1. Le statut professionnel des CAC


Les commissaires aux comptes sont investis d’une mission d’intérêt général
de contrôle et de surveillance au profit non seulement des associés ou
actionnaires, mais aussi de toutes les personnes intéressées par la société
(créanciers, fournisseurs, banquiers, investisseurs, salariés).
La profession de commissaire aux compte est une profession règlementée
par des textes législatifs et règlementaires rassemblés dans le livre VIII du
Code de commerce notamment. Elle est protégée pénalement par le délit
d’exercice illégal de la profession de commissaire aux comptes (puni de
1 an de prison et de 15 000 € d’amende)23.
a. Les conditions d’exercice de la profession de CAC
Selon l’article L. 822-1 du Code de commerce, les fonctions de
commissaire aux comptes sont exercées par des personnes physiques ou par
des sociétés inscrites sur une liste établie par le Haut conseil du
commissariat aux comptes.
Les fonctions conférées à une société de commissaires aux comptes doivent
être exercées par des commissaires personnes physiques agissant au nom et
pour le compte de la société, mais ces personnes ne peuvent représenter
qu’une seule société. En revanche, rien ne s’oppose à ce qu’une personne
inscrite sur la liste des commissaires aux comptes participe, comme simple
associée ou actionnaire, à plusieurs sociétés de CAC et que, par ailleurs,
elle exerce sa profession individuellement.
FOCUS
Pour aller plus loin
Le Code de commerce, soumet les sociétés de commissaires aux comptes à un régime
particulier destiné à préserver leur caractère professionnel.

Article L. 822-1-3 du Code de commerce


« Pour être inscrite sur la liste des commissaires aux comptes, une société doit remplir
les conditions suivantes :
1° La majorité des droits de vote de la société sont détenus par des commissaires aux
comptes ou des sociétés de commissaires aux comptes inscrits sur la liste prévue au I de
l’article L. 822-1 ou des contrôleurs légaux des comptes régulièrement agréés dans un
autre État membre de l’Union européenne. Lorsqu’une société de commissaires aux
comptes détient une participation dans le capital d’une autre société de commissaires
aux comptes, les actionnaires ou associés, non commissaires aux comptes, ne peuvent
détenir plus de la majorité de l’ensemble des droits de vote des deux sociétés ;
2° Les fonctions de gérant, de président, de président du conseil d’administration ou du
directoire, de directeur général unique, de président du conseil de surveillance, de
directeur général et de directeur général délégué sont assurées par des commissaires aux
comptes inscrits sur la liste prévue au I de l’article L. 822-1 ou régulièrement agréés
dans un autre État membre de l’Union européenne pour l’exercice du contrôle légal des
comptes ;
3° La majorité au moins des membres des organes de gestion, d’administration, de
direction ou de surveillance doivent être des commissaires aux comptes inscrits sur la
liste prévue au I de l’article L. 822-1 ou régulièrement agréés dans un autre État membre
de l’Union européenne pour l’exercice du contrôle légal des comptes. Les représentants
permanents des sociétés de commissaires aux comptes associés ou actionnaires doivent
être des commissaires aux comptes inscrits sur la liste prévue au I de l’article L. 822-1
ou régulièrement agréés dans un autre État membre de l’Union européenne pour
l’exercice du contrôle légal des comptes. »

Article L. 822-9 al. 2 et 3 du Code de commerce


« En cas de décès d’un actionnaire ou associé commissaire aux comptes, ses ayants droit
disposent d’un délai de deux ans pour céder leurs actions ou parts à un commissaire aux
comptes.
L’admission de tout nouvel actionnaire ou associé est subordonnée à un agrément
préalable qui, dans les conditions prévues par les statuts, peut être donné soit par
l’assemblée des actionnaires ou des porteurs de parts, soit par le conseil d’administration
ou le conseil de surveillance ou les gérants selon le cas. »
b. L’indépendance des CAC
Les fonctions de commissaire aux comptes sont incompatibles avec toute
activité ou tout acte de nature à porter atteinte à l’indépendance de
l’intéressé, avec toute activité commerciale exercée directement ou par
personne interposée ou tout emploi salarié24.
L’inobservation de ces incompatibilités générales est sanctionnée
pénalement par un emprisonnement de 6 mois et/ou une amende de 7 500 €
(art. L. 820-6 C. com.).

2. La nomination des CAC


a. Conditions de nomination
Nomination obligatoire
La loi PACTE a harmonisé le périmètre d’intervention des commissaires
aux comptes à toutes les sociétés qui dépasseraient deux des trois seuils
fixés par décret25 :
4 M€ de bilan HT ;
8 M€ de CAHT ;
50 salariés.
Les obligations de désignation d’un commissaire aux comptes en raison de
la forme de la société ont été supprimées26. Il en est de même de
l’obligation faite aux SAS qui contrôlent ou sont contrôlées par d’autres
sociétés de désigner un commissaire aux comptes.
Lorsque la société, quelle que soit sa forme juridique, remplit les conditions
précitées, elle est dans l’obligation de désigner un commissaire aux
comptes. Ce nombre est porté à deux CAC lorsque la société a des filiales
ou des participations et est astreinte à publier des comptes consolidés. Ces
deux CAC doivent être indépendants l’un par rapport à l’autre, ce qui exclut
qu’ils puissent appartenir au même cabinet.
La société devra aussi nommer un ou plusieurs commissaires aux comptes
suppléants appelés à remplacer les titulaires en cas de refus,
d’empêchement, de démission ou de décès de ces derniers (art. L. 823-1 al.
2 C. com.).
Le défaut de désignation d’un commissaire aux comptes lorsque les
conditions requises sont remplies, expose les dirigeants sociaux à des
sanctions pénales : 2 ans et/ou 30 000 € d’amende (art. L. 820-4 C. com.).
Nomination facultative
Lorsqu’elle n’est pas obligatoire, la désignation d’un commissaire aux
comptes peut aussi être demandée en justice par tout associé d’une SNC27
et par un ou plusieurs associés représentant au moins de dixième du capital
social d’une SARL28, d’une SAS29 ou d’une SA30. Cette demande est
formulée au président du tribunal de commerce statuant en la forme des
référés.
Pour toutes les sociétés, la désignation optionnelle d’un commissaire aux
comptes avec une mission classique de certification des comptes est
possible.
Certaines sociétés qualifiées de petites entreprises au sens des nouveaux
textes de 2019 peuvent souhaiter que leurs comptes continuent d’être
certifiés par un CAC. Celui-ci pourra alors réaliser un « audit légal petite
entreprise » (ALPE), prévu à l’article L. 832-12-1 du Code de commerce.
Incompatibilités spéciales
Afin de préserver l’indépendance des commissaires aux comptes à l’égard
de la société, le Code de commerce interdit expressément aux anciens
dirigeants et aux anciens salariés d’une société d’en devenir CAC moins de
5 ans après la cessation de leurs fonctions de dirigeants ou de leurs
fonctions salariées (art. L. 822-13 al. 1er C. com.). A fortiori, les dirigeants
en poste et les salariés actuels ne peuvent pas être nommés commissaires
aux comptes de la société dans laquelle ils exercent leurs fonctions.
De plus, les anciens dirigeants et anciens salariés d’une société ne peuvent
pas non plus devenir commissaire aux comptes :
de sociétés détenant au moins 10 % du capital de la société dans laquelle
ils exerçaient leurs fonctions ;
des sociétés filiales dont le capital est détenu à au moins 10 % par la
société dans laquelle ils exerçaient leurs fonctions.
Les commissaires aux comptes ne peuvent, moins de 3 ans31 après
l’expiration de leurs fonctions, devenir administrateurs, directeurs
généraux, membres du directoire ou salariés (art. L. 822-12 C. com.) :
des sociétés qu’ils contrôlent ;
des sociétés possédant une part importante du capital de la société
contrôlée ou des sociétés dans lesquelles la société contrôlée possède une
part importante du capital.
b. Modalités de nomination
Les associés peuvent désigner un commissaire aux comptes dans les statuts,
ainsi que son suppléant s’il s’agit d’une personne physique ou d’une société
unipersonnelle. Ils doivent en désigner deux si la société doit présenter des
comptes consolidés.
En cours de vie sociale, c’est l’assemblée générale ordinaire qui nomme sur
proposition du dirigeant. La nomination des commissaires aux comptes doit
figurer à l’ordre du jour de l’assemblée. À défaut, la décision de nomination
serait nulle.
L’acceptation de leurs fonctions par les CAC peut être constatée, soit au
moyen de la signature du procès-verbal de nomination, soit au moyen d’une
lettre séparée adressée au représentant de la société.
La nomination est ensuite publiée : insertion dans un JAL, dépôt au greffe,
inscription au RCS et insertion au Bodacc.
FOCUS
La récusation des CAC
La loi permet de demander en justice (référé devant le tribunal de commerce) la
récusation pour justes motifs d’un ou plusieurs CAC désignés par l’assemblée générale
et la désignation d’un ou plusieurs autres CAC qui exerceront leurs fonctions aux lieu et
place des CAC récusés. Cette faculté ne peut être exercée que dans des conditions
strictement définies par la loi (art. L. 823-6 C. com.).

3. La mission des CAC


a. Les obligations des CAC
Une obligation de contrôle
Les CAC ont pour mission permanente de vérifier les valeurs et les
documents comptables de la personne ou de l’entité dont ils sont chargés de
vérifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité avec les
règles en vigueur (art. L. 823-10 C. com.).
Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes
annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil
d’administration, du directoire ou de tout organe de direction.
Les commissaires aux comptes ne doivent en aucun cas s’immiscer dans la
gestion sociale.
Les certifications
Les commissaires aux comptes doivent certifier que les comptes annuels
(bilan, compte de résultat, annexe) sont réguliers et sincères et qu’ils
donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice social
écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la
fin de cet exercice social (art. L. 823-9 al. 1er C. com.).
Si les commissaires refusent de certifier la régularité et la sincérité des
documents précités, ils font état, dans leur rapport à l’assemblée générale,
des motifs pour lesquels ils ont cru devoir refuser cette certification.
L’assemblée générale ordinaire reste libre néanmoins d’approuver les
comptes. Pour éviter cette conséquence extrême, il arrive que les
commissaires certifient avec réserve ou sous condition.
Une obligation d’information
Les commissaires aux comptes doivent porter à la connaissance, selon le
cas, de l’organe collégial chargé de l’administration ou de l’organe chargé
de la direction et de l’organe de surveillance :
le programme de travail mis en œuvre et les différents sondages ;
les contrôles et vérifications auxquels ils ont procédé ;
les observations sur les modifications leur paraissant devoir être
apportées aux postes du bilan et aux documents comptables ;
les irrégularités et les inexactitudes qu’ils auraient découvertes ;
les conclusions auxquelles conduisent les observations et rectifications
ci-avant (art. L. 823-16 C. com.).
Une obligation d’alerte
Lorsque les commissaires aux comptes relèvent à l’occasion de l’exercice
de leur mission, un fait de nature à compromettre la continuité de
l’exploitation, ils doivent en avertir les dirigeants. En l’absence de réaction
des dirigeants ou de réponse insuffisante, ils doivent en informer les
associés. Le président du tribunal de commerce est tenu informé de la
procédure d’alerte.
Une obligation de révélation des faits délictueux
Les commissaires aux comptes doivent, sous peine de sanctions pénales,
révéler au procureur de la République du lieu du siège social les faits
délictueux dont ils ont eu connaissance (art. L. 820-7 et L. 823-12 al. 2
C. com.).
Une obligation au secret professionnel
Les commissaires aux comptes ainsi que leurs collaborateurs sont tenus au
secret professionnel pour tous les faits, actes ou renseignements dont ils ont
pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions (art. L. 822-15 al. 1er
C. com.).
La violation de cette obligation au secret professionnel est sanctionnée par
une peine de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (art. L. 802-5
C. com.).
La mission d’ALPE
Créée par la loi PACTE, cette mission d’audit légal des petites entreprises
repose sur une base volontaire pour une durée de 3 ans et consiste, pour
l’essentiel, en une certification des comptes annuels. Le CAC devra
également rédiger un rapport sur les risques financiers, comptables et de
gestion auxquels la société est exposée.
b. Les droits des CAC
De nombreuses dispositions du Code de commerce prescrivent aux
dirigeants sociaux de communiquer aux commissaires aux comptes
éventuellement présents dans la société, certains documents sur la situation
de la société :
les comptes annuels (bilan, compte de résultat, annexe) et,
éventuellement, les comptes consolidés ;
le rapport de gestion ;
les documents de gestion prévisionnelle et les rapports du conseil
d’administration ou du directoire analysant ces documents ;
les réponses aux questions écrites des associés ou des actionnaires sur les
faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation sociale ;
les demandes d’explication du comité social et économique en cas
d’évolution préoccupante de la situation de la société, et des réponses
fournies à ces demandes ;
le rapport du ou des experts chargés d’examiner une ou plusieurs
opérations de gestion.
Les droits d’investigation
Les commissaires aux comptes, agissant ensemble ou séparément, peuvent,
à toute époque de l’année, opérer les vérifications ou contrôles qu’ils jugent
opportuns. Ils peuvent se faire communiquer sur place les pièces qu’ils
estiment nécessaires et ils ont la faculté, sous leur responsabilité, de se faire
assister ou représenter par des experts ou collaborateurs de leur choix
(art. L. 823-13 al. 1er C. com.).
Les investigations prévues ci-avant peuvent être faites, tant auprès de la
société que des sociétés mères ou filiales (art. L. 823-14 al. 1er C. com.).
Les commissaires aux comptes peuvent aussi recueillir toutes informations
utiles à leur mission auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le
compte de la société (art. L. 823-14 al. 2 C. com.). Le secret professionnel
ne peut pas être opposé aux commissaires aux comptes, sauf par les
auxiliaires de justice (art. L. 823-14 al. 3 C. com.).
Le droit de participer aux réunions des organes sociaux
Les commissaires aux comptes sont convoqués à toutes les réunions du
conseil d’administration ou du directoire et du conseil de surveillance, ou
de l’organe collégial d’administration ou de direction et de l’organe de
surveillance qui examinent ou arrêtent des comptes annuels ou
intermédiaires, ainsi qu’à toutes les assemblées d’actionnaires ou d’associés
au cours desquelles sont examinés ou arrêtés les comptes de l’exercice
social écoulé ou intermédiaires, qu’il s’agisse soit des comptes annuels, soit
des comptes consolidés (art. L. 823-17 C. com.).
Les commissaires aux comptes doivent être convoqués à toutes les
assemblées générales par LRAR, dans les mêmes délais que les
actionnaires, sous peine de sanctions pénales : emprisonnement de 2 ans et
une amende de 30 000 € (art. L. 820-4 C. com.).
Le pouvoir exceptionnel de convocation des assemblées
En cas de carence des dirigeants sociaux, les commissaires aux comptes
sont habilités à convoquer les actionnaires en assemblée générale. De
même, ils peuvent procéder à cette convocation, s’ils constatent que, malgré
les décisions prises par les dirigeants sociaux, la continuité de l’exploitation
demeure compromise.
c. La rémunération des CAC
La rémunération des commissaires aux comptes est déterminée à la
vacation en fonction du nombre d’heures de travail consacrées au contrôle.
Les honoraires des commissaires aux comptes sont à la charge des sociétés
contrôlées.
À cet effet, les commissaires aux comptes doivent établir par écrit un
programme de travail annuel tenant compte de la forme juridique de
l’entreprise, de la nature des activités et éventuellement du contrôle exercé
par l’autorité publique.
Le montant des honoraires des commissaires aux comptes est fixé
globalement quel que soit le nombre des commissaires et est établi en
fonction d’un barème des heures de travail fixé par décret. Celui-ci n’est
pas applicable aux missions particulières. En cas de pluralité de
commissaires, ceux-ci se répartissent entre eux ces honoraires comme ils
l’entendent.
d. Les responsabilités des CAC
La responsabilité civile
Les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la
société que des tiers, des conséquences dommageables résultant des fautes
ou des négligences commises dans l’exercice de leurs fonctions (art. L. 822-
17 C. com.).

EXEMPLE
Condamnations de commissaires aux comptes pour malversations de
la part d’un employé ou pour défaut d’intervention utile pour la
société.

En outre, les commissaires aux comptes sont civilement responsables des


infractions commises par les administrateurs (ou les membres du directoire)
lorsque, en ayant eu connaissance, ils ne les ont pas révélées dans leur
rapport à l’assemblée générale (art. L. 822-17 al. 3 C. com.).
Le commissaire aux comptes ne peut être responsable de plein droit de
toutes les irrégularités commises dans la société, mais il est responsable des
manquements à ses obligations de contrôle. Pour cette mission, il n’est tenu
que d’une obligation de moyens.
La responsabilité pénale
Les commissaires aux comptes sont exposés à être condamnés pénalement
pour les infractions suivantes :
incompatibilités ;
rapport incomplet ;
faux, fraude fiscale ;
informations mensongères sur la situation de la société ;
indications inexactes en cas de suppression du droit préférentiel de
souscription ;
non-révélation des faits délictueux au procureur de la République ;
non-respect du secret professionnel.
La responsabilité pénale du commissaire aux comptes peut également être
recherchée au titre de la complicité d’une infraction commise par le ou les
dirigeants sociaux. Ce sera souvent le cas en matière d’abus de biens
sociaux.

4. La cessation des fonctions des CAC


a. L’arrivée du terme
Les commissaires aux comptes (titulaires et suppléants), désignés lors de la
constitution de la société par les statuts ou par l’assemblée générale
constitutive ou postérieurement, sont nommés pour six exercices
(art. L. 823-3 al. 1er C. com.). La nomination statutaire pour une durée
inférieure à 6 années est irrégulière et entraîne la nullité de la décision.
Leurs fonctions prennent fin après la réunion de l’assemblée générale ayant
statué sur les comptes du sixième exercice. Ils doivent donc exercer leur
mission jusqu’à cette réunion.
b. La démission
Le commissaire aux comptes doit en principe exercer sa mission jusqu’à
son terme puisqu’il en a pris l’engagement.
Toutefois, il peut démissionner de ses fonctions pour motifs légitimes, à
condition de ne pas exercer ce droit d’une manière préjudiciable à la
société.

EXEMPLES
Quelques motifs légitimes
Motif personnel impérieux (l’état de santé notamment), difficultés
rencontrées dans l’accomplissement de la mission lorsqu’il n’est pas
possible d’y remédier, survenance d’une incompatibilité, refus de
tenir compte d’observations répétées, défaut de paiement des
honoraires dus.

Toute démission intempestive, préjudiciable à la société, devra être réparée


par le versement de dommages et intérêts.
c. La demande de relèvement judiciaire
En cas de faute (inexécution ou mauvaise exécution de ses obligations) ou
d’empêchement, les commissaires aux comptes peuvent être relevés de
leurs fonctions avant l’expiration normale de celles-ci mais seulement par
décision de justice. Le commissaire commet une faute lorsqu’il n’exécute
pas ou exécute mal sa mission.
Le relèvement du commissaire aux comptes peut intervenir sur demande
(art. L. 823-7 C. com.) : de l’organe collégial chargé de l’administration, de
l’organe chargé de la direction, d’un ou plusieurs actionnaires ou associés
représentant au moins 5 % du capital social, du comité social et
économique, du ministère public ou de l’Autorité des marchés financiers
pour les personnes dont les titres financiers sont admis aux négociations sur
un marché réglementé et entités.
d. Les autres causes de cessation des fonctions des CAC
Les fonctions d’un commissaire aux comptes peuvent prendre fin par la
survenance d’une incapacité ou d’une incompatibilité, la dissolution de la
société, l’absorption, ou des sanctions disciplinaires prises à l’encontre du
commissaire aux comptes (suspension, radiation de la liste des
commissaires aux comptes).
En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la
société contrôlée, les fonctions du commissaire aux comptes subsistent.
REMARQUE

Les formalités de publicité à effectuer lors de la cessation de fonctions


des commissaires aux comptes sont les mêmes que pour leur
nomination (obligation de respecter le parallélisme des formes).
Lorsqu’un commissaire aux comptes fait l’objet d’une révocation
judiciaire, le greffier du tribunal de commerce du lieu du siège social
a l’obligation d’en informer le conseil régional dans les 8 jours de la
décision judiciaire par LRAR.

B. L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS32

L’AMF (Autorité des marchés financiers) veille à la protection de l’épargne,


à l’information des investisseurs et à la régularité des opérations boursières
menées par les sociétés cotées.
C’est une autorité administrative indépendante, dotée de trois pouvoirs :
pouvoir normatif : l’AMF édicte des règles s’appliquant aux acteurs et
produits du secteur qu’elle est chargée de réguler ;
pouvoir de surveillance des informations données sur les marchés et
d’enquête ;
pouvoir d’injonction et de sanction. Les sanctions peuvent être
disciplinaires (interdiction définitive d’exercer son activité) et pécuniaires
(jusqu’à 100 M€ ou le décuple des profits réalisés par l’auteur du
comportement illicite).

SECTION 3.
Les évolutions de la société personne
morale

En cours de vie sociale, divers événements peuvent affecter la société


personne morale. Elle peut être transformée en une société d’une autre
forme (I) ou bien être dissoute (II), ce qui entraîne sa liquidation.
I. La transformation de la société
Par « transformation », on désigne le changement de forme sociale : une SA
se transforme en SAS, une SARL en SA, etc. Il ne s’agit pas ici de
modifier, simplement, le mode d’organisation ou de direction de la société ;
il ne s’agit pas non plus d’une dissolution de la société puisqu’il y a
continuité de la personnalité morale.
La transformation peut permettre à la société de s’adapter à un contexte
économique, de permettre l’arrivée d’un nouveau partenaire dans la société
ou encore de répondre à la nécessité de remplir les conditions de validité de
sa forme sociale (en termes de nombre d’associés, de capital social…) pour
éviter que la société ne soit dissoute par la survenance d’un événement non
prévu.

EXEMPLES
Dans la SNC, le décès de l’un des associés en nom met en principe
fin à la société, à moins que sa continuation avec les héritiers de
l’associé décédé ne soit stipulée par le contrat de société
(art. L. 221-15 C. com.). Dans ce cas, si un ou plusieurs des
héritiers sont mineurs, la société en nom collectif doit être
transformée dans le délai de 1 an à compter du décès, en société en
commandite simple par exemple où les héritiers mineurs
deviennent associés commanditaires.
Dans la SARL, si le nombre des associés dépasse la limite de
100 associés, la société dispose d’un délai de 1 an pour se
conformer à ce maximum ou se transformer. À défaut, la société
est dissoute.

L’assouplissement du régime de la SAS a eu pour conséquence de


nombreuses transformations de SARL ou de SA.
Aux termes de l’article 1844-3 du Code civil, applicable à toutes les
sociétés, la transformation régulière d’une société en une société d’une
autre forme n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle.
De ce principe de maintien de la personnalité morale de la société découlent
plusieurs conséquences :
les associés, à compter de la décision de transformation, sont associés de
la société dans sa nouvelle forme et seront soumis à toutes les règles de la
société transformée ;
la situation des créanciers sociaux n’est donc pas affectée par la
transformation : ils conservent leurs droits à l’égard de la société et des
associés.
Les créanciers auront toujours les mêmes créances à l’égard de la société
puisque c’est la même personne morale qui continue. Lorsqu’une société
civile, une société en nom collectif ou une société en commandite se
transforme en SARL ou en société par actions, les associés restent tenus
indéfiniment des dettes nées avant la transformation.
Les créanciers conservent le bénéfice des sûretés qui ont pu être
consenties avant la transformation ;
en ce qui concerne les salariés, leur situation ne subira aucune
modification du fait de la transformation. Du principe du maintien de la
personnalité morale de la société transformée découle celui de la
continuation des contrats de travail, en écho à l’article L. 1224-1 du Code
du travail qui dispose que « s’il survient une modification dans la
situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente,
fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de
travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel
employeur et le personnel de l’entreprise » ;
les dirigeants, en revanche, ne pourront conserver leur statut que s’ils
sont désignés comme tels dans la nouvelle forme sociale et selon les
conditions qu’elle impose. La transformation met automatiquement fin à
leur mandat de direction. La jurisprudence a précisé que cette fin de leur
mandat ne peut pas être analysée comme une révocation sans juste motif ;
dès lors, ils ne peuvent prétendre au versement de dommages et intérêts.
De plus, pour les sociétés commerciales, le Code de commerce contient des
dispositions particulières à chaque type de société.
II. La dissolution de la société
La dissolution de la société met un terme à l’existence de celle-ci. Elle peut
être causée par différents événements qui affectent la vie des sociétés, ou
encore être provoquée par les associés ou même prononcée par un juge.
Quelle qu’en soit la cause, la dissolution produit les mêmes effets : la
personnalité morale va disparaître, entraînant la liquidation et le partage de
son patrimoine, ainsi que des conséquences fiscales parfois lourdes.

A. LES CAUSES DE DISSOLUTION

1. Les causes de dissolution communes à toutes les sociétés

Article 1844-7 du Code civil


« La société prend fin :
1° Par l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée
conformément à l’article 1844-6 ;
2° Par la réalisation ou l’extinction de son objet ;
3° Par l’annulation du contrat de société ;
4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour
justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de
mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à
l’article 1844-5 ;
7° Par l’effet d’un jugement ordonnant la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ;
8° Pour toute autre cause prévue par les statuts. »

a. Les causes de dissolution de plein droit


L’arrivée du terme
Aux termes de l’article 1838 du Code civil, la durée de la société est au
maximum de 99 ans. Cette durée, qui doit être fixée par les statuts, court à
compter de l’immatriculation de la société.
Une fois le terme survenu, la société est automatiquement dissoute, à moins
que les associés, avant l’échéance du terme, aient pris une décision de
prorogation.
L’article 1844-6 du Code civil prévoit que 1 an au moins avant la date
d’expiration de la société, les associés doivent être consultés à l’effet de
décider si la société doit être prorogée. La prorogation de la société est
décidée à l’unanimité des associés ou, si les statuts le précisent, à la
majorité prévue pour la modification de ceux-ci.

Article 1844-6 du Code civil


« La prorogation de la société est décidée à l’unanimité des associés, ou, si les statuts le
prévoient, à la majorité prévue pour la modification de ceux-ci.
Un an au moins avant la date d’expiration de la société, les associés doivent être
consultés à l’effet de décider si la société doit être prorogée.
À défaut, tout associé peut demander au président du tribunal, statuant sur requête, la
désignation d’un mandataire de justice chargé de provoquer la consultation prévue ci-
dessus.
Lorsque la consultation n’a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la
demande de tout associé dans l’année suivant la date d’expiration de la société, peut
constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre
de régularisation dans un délai de trois mois, le cas échéant en désignant un mandataire
de justice chargé de la provoquer. Si la société est prorogée, les actes conformes à la loi
et aux statuts antérieurs à la prorogation sont réputés réguliers et avoir été accomplis par
la société ainsi prorogée. »

La réalisation ou l’extinction de l’objet social


Dans le premier cas, le projet que la société s’était proposé de mener, et
pour lequel elle avait été constituée, est réalisé. Dans le second, il n’est plus
possible de le poursuivre. La dissolution intervient alors de plein droit.
Cette hypothèse joue cependant rarement dans la mesure où l’objet
statutaire est généralement rédigé dans des termes larges et que la
modification de l’objet est possible en cours de vie sociale.
L’annulation du contrat de société
Le législateur, pour éviter les conséquences très lourdes de l’annulation
d’une société tant pour les associés que pour les tiers, a considérablement
réduit les possibilités de prononcer une telle sanction.
La clause des statuts prévoyant la dissolution de la société
Cette faculté pour les associés est peu pratiquée.
La liquidation judiciaire
Une procédure de liquidation judiciaire peut être ouverte lorsque la société
est en état de cessation des paiements et que son redressement est
manifestement impossible.
La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l’activité
de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession
globale ou séparée de ses droits et de ses biens (voir Cours n° 4).
La réunion de toutes les parts en une seule main
Lorsque toutes les parts ou actions sont réunies en une seule main à la suite
d’une cession ou d’une transmission successorale, la société ne comporte
plus qu’un seul associé. Cette situation est interdite pour un certain nombre
de formes sociales. La société n’est pas dissoute de plein droit. Un délai de
1 an est accordé à la société pour qu’elle opère sa régularisation.
Il existe deux cas particuliers : en effet, la SARL et la SAS ne sont jamais
dissoutes dans une telle hypothèse, car ces deux sociétés peuvent être
unipersonnelles.
Depuis la loi NRE (nouvelles régulations économiques) du 15 mai 2001, les
effets de la dissolution d’une société dont toutes les parts sociales ou les
actions sont réunies en une seule main sont les suivants : si l’associé unique
est une personne morale, la dissolution de la société entraîne transmission
universelle du patrimoine de la société à l’associé unique et ce, sans
liquidation. L’article 1844-5 du Code civil prévoit, en revanche, que si
l’associé unique est une personne physique, la dissolution de la société
n’entraîne pas transmission universelle du patrimoine. Elle a pour effet la
liquidation obligatoire de la société.

Article 1844-5 du Code civil


« La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n’entraîne pas la dissolution
de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation
n’a pas été régularisée dans le délai d’un an. Le tribunal peut accorder à la société un
délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la
dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu. […]
En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la
société à l’associé unique, sans qu’il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire
opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de
celle-ci. Une décision de justice rejette l’opposition ou ordonne soit le remboursement
des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées
suffisantes. La transmission du patrimoine n’est réalisée et il n’y a disparition de la
personne morale qu’à l’issue du délai d’opposition ou, le cas échéant, lorsque
l’opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a
été effectué ou les garanties constituées.
Les dispositions du troisième alinéa ne sont pas applicables aux sociétés dont l’associé
unique est une personne physique. »

b. La dissolution par décision des associés


Il s’agit d’une forme de dissolution anticipée qui repose sur l’idée que la
société est fondée sur un contrat qui peut être rompu par la volonté des
associés.
Aux termes de l’article 1844-7, 4° du Code civil, les associés peuvent, en
cours de vie sociale, décider la dissolution anticipée de la société ; cette
décision sera prise dans les conditions fixées pour la modification des
statuts. La dissolution anticipée ne doit cependant pas être inspirée par une
intention frauduleuse ou par l’intention de nuire à la minorité. Elle aboutira
à la liquidation de la société et peut éviter les conséquences d’une
liquidation judiciaire imposée.
c. La dissolution judiciaire
Aux termes de l’article 1844-7, 5° du Code civil, la dissolution anticipée
peut être prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour juste
motif, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou
de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.
Le juste motif est apprécié souverainement par les tribunaux.
La dissolution peut être prononcée à la demande de tout associé, sans
aucune exigence de capital social ; il est cependant exclu que l’associé qui
est à l’origine de la mésentente puisse solliciter la nullité.

2. Les causes de dissolution propres à chaque type de


société
Ces causes sont simplement évoquées ici et seront reprises à l’occasion de
l’étude de chaque type de société.
a. La société civile
Elle est dissoute :
en l’absence du gérant depuis plus de 1 an (art. 1846-1 C. civ.) ;
en cas de révocation du gérant (art. 1851 al. 3 C. civ.) si les statuts de la
société prévoient la dissolution en pareille circonstance ou si les autres
associés décident la dissolution lorsque cet événement se présente.
b. La société en nom collectif
Elle peut être dissoute :
en cas de révocation du gérant associé statutaire (art. L. 221-12 C. com.)
sauf en cas de clause contraire des statuts ou si la continuation de la
société est décidée à l’unanimité par les autres associés ;
en cas de décès d’un associé (art. L. 221-15 al. 2 C. com.) sauf clause
contraire des statuts (aucune décision, même prise à l’unanimité, ne peut
décider de cette continuation) ;
en cas de jugement de liquidation judiciaire, d’interdiction ou
d’incapacité frappant un associé (art. L. 221-16 C. com.) sauf clause
contraire des statuts ou si la continuation d’activité est décidée à
l’unanimité par les autres associés.
c. La société anonyme
Elle peut être dissoute :
si le nombre d’actionnaires d’une SA non cotée devient inférieur à deux
et à sept pour les sociétés cotées. Un délai de régularisation de 1 an
existe ;
si le capital social passe en dessous du minimum légal (37 000 €) ;
si, en raison des pertes réalisées, le montant des capitaux propres de la
société devient inférieur à la moitié du capital social (art. L. 225-248
C. com.). Le texte prévoit des possibilités de régularisation.
d. La SARL
Elle peut être dissoute :
si le plafond de 100 associés est dépassé ;
si, en raison des pertes réalisées, le montant des capitaux propres de la
société devient inférieur à la moitié du capital social (art. L. 223-42
C. com.). Il existe des possibilités de régularisation.

3. La publicité de la dissolution
La dissolution entraîne immédiatement la liquidation de la société, mais elle
n’a d’effet à l’égard des tiers qu’après sa publication.
Les formalités de publicité sont le parallèle des formalités de constitution :
insertion dans un JAL du lieu du siège social, dépôt au greffe du tribunal de
commerce des actes décidant la dissolution, inscription modificative au
RCS, publicité de la dissolution au Bodacc.
L’opposabilité de la dissolution aux tiers dépend de l’accomplissement des
formalités exposées. Il sera ajouté à la dénomination sociale la mention
« société en liquidation ».
Quelle que soit la cause de la dissolution, elle produit les mêmes effets.

B. LES EFFETS DE LA DISSOLUTION

La dissolution entraîne en principe la liquidation de la société.


La liquidation est l’ensemble des opérations qui ont pour objet de régler le
passif, de convertir les éléments d’actif en argent, en vue de procéder au
partage entre les associés de l’actif net subsistant, ou, à défaut, de
déterminer la part de chaque associé dans le passif. Elle est réglementée par
les articles L. 237-2 à L. 237-31 du Code de commerce.
Cette notion de liquidation est à ne pas confondre avec la notion de
liquidation judiciaire. La liquidation judiciaire est un mécanisme spécifique
aux entreprises en difficulté, ne visant donc que des entreprises connaissant
de graves difficultés financières sans espoir de redressement. En revanche,
la liquidation dont nous parlons ici peut parfaitement correspondre à des
sociétés viables financièrement.
Lorsque la société dissoute est une société unipersonnelle dont l’associé
unique est une personne morale, la dissolution entraîne alors transmission
universelle du patrimoine de la société dissoute à la personne morale sans
qu’il y ait de liquidation.

1. La liquidation

Article 1844-8 du Code civil


« La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à
l’article 1844-4 et au troisième alinéa de l’article 1844-5. Elle n’a d’effet à l’égard des
tiers qu’après sa publication.
Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de
ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n’ont pu procéder à cette
nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes
conditions. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu’à compter de
leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs
engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du
liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la
publication de la clôture de celle-ci.
Si la clôture de la liquidation n’est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de
la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait
procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement. »

Article 1844-9 du Code civil


« Après paiement des dettes et remboursement du capital social, le partage de l’actif est
effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux
bénéfices, sauf clause ou convention contraire.
Les règles concernant le partage des successions, y compris l’attribution préférentielle,
s’appliquent aux partages entre associés.
Toutefois, les associés peuvent valablement décider, soit dans les statuts, soit par une
décision ou un acte distinct, que certains biens seront attribués à certains associés. À
défaut, tout bien apporté qui se retrouve en nature dans la masse partagée est attribué, sur
sa demande, et à charge de soulte s’il y a lieu, à l’associé qui en avait fait l’apport. Cette
faculté s’exerce avant tout autre droit à une attribution préférentielle.
Tous les associés, ou certains d’entre eux seulement, peuvent aussi demeurer dans
l’indivision pour tout ou partie des biens sociaux. Leurs rapports sont alors régis, à la
clôture de la liquidation, en ce qui concerne ces biens, par les dispositions relatives à
l’indivision. »

a. Les effets de la liquidation


La liquidation vise l’ensemble des opérations qui doivent être accomplies
postérieurement à la dissolution : il faut régler le passif existant et recouvrer
les créances de la société afin de partager le boni de liquidation entre les
associés ou, lorsque la société est déficitaire, de déterminer le montant du
passif qui sera à la charge des associés dès lors que ceux-ci sont
indéfiniment responsables.
La liquidation correspond à :
la réalisation des actifs sociaux destinée au paiement des créanciers
sociaux ;
la récupération des créances ;
la reprise des apports par les associés ;
le partage des biens sociaux entre les associés, qui s’effectue en principe
selon les règles applicables au partage des successions. L’article 1844-9
al. 3 du Code civil précise que les associés peuvent décider que certains
biens leur seront attribués.
La survie de la personnalité morale
Aux termes de l’article 1844-8 al. 3 du Code civil, il y a survie de la
personnalité morale pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication
de la clôture de celle-ci (qui est en principe fixée au jour où elle est
constatée par l’assemblée des associés ou par décision de justice).
Le liquidateur ne peut mener que des opérations destinées à la liquidation
parce que la société doit disparaître : la capacité juridique de la société sera
limitée aux seules opérations qui se rattachent directement à la liquidation
(réalisation de l’actif, recouvrement des créances impayées, paiement des
dettes de la société).
Il s’ensuit :
que pendant le temps de sa liquidation, la société continue d’être
désignée par sa dénomination sociale, mais cette dénomination doit
désormais être suivie de la mention : « société en liquidation » ;
qu’elle conserve, pendant ce même temps, son siège social ; celui-ci peut
même être transféré pendant la période de liquidation, les associés
pouvant décider de fixer en un autre lieu le siège de la liquidation ;
que sa capacité survit, mais uniquement pour les besoins de sa
liquidation ; elle ne peut ainsi être transformée en une société d’une autre
forme, ni entreprendre une nouvelle activité, mais elle peut terminer les
affaires en cours ;
que la société jouit de son patrimoine social qui demeure le gage de ses
seuls créanciers à l’exclusion des créanciers personnels des associés ;
que les baux en cours continuent et ne sont pas résiliés de plein droit ;
que pendant la liquidation les associés conservent leurs droits sociaux.
Le sort des dirigeants sociaux
Les pouvoirs du directeur général, du conseil d’administration, du directoire
ou des gérants prennent fin à la date de la dissolution de la société tant dans
l’ordre interne que dans l’ordre externe. En effet, le liquidateur se substitue
aux organes de gestion et de direction et devient donc le seul représentant
légal de la société.
La dissolution de la société ne met pas, en principe, fin aux fonctions du
conseil de surveillance dans une SA, ni aux fonctions des commissaires aux
comptes.
b. Le statut du liquidateur
Un ou plusieurs liquidateurs sont désignés dans les statuts, à défaut par les
associés (art. L. 237-1, L. 237-18 C. com.). Le liquidateur peut être choisi
parmi les associés ou les tiers (mandataire judiciaire par exemple). Ses
fonctions sont limitées à 3 ans, en principe (art. L. 237-21 C. com.).
Si les associés n’ont pas pu nommer un liquidateur, celui-ci est désigné par
le président du tribunal de commerce statuant sur requête de tout intéressé
(art. L. 237-19 C. com.)
Il est soumis à certaines interdictions et incompatibilités, sous peine de
sanctions pénales (voir Cours n° 4).
L’acte de nomination du liquidateur doit faire l’objet des mesures
habituelles de publicité légale (art. L. 237-3 C. com.). À défaut, le ministère
public ou toute personne intéressée peut demander au tribunal compétent
statuant en référé d’enjoindre au liquidateur, le cas échéant sous astreinte,
de procéder à cette publication.
Dans les 6 mois de sa nomination, le liquidateur doit convoquer les associés
en assemblée générale, pour leur présenter un rapport sur la situation active
et passive de la société ainsi que sur les opérations de liquidation
envisagées et le délai nécessaire pour les terminer.
Il doit dresser un inventaire de l’actif et du passif, recouvrer les créances
sociales, réaliser l’actif, payer les créanciers de la société.
Le liquidateur doit convoquer une assemblée des associés pour statuer sur
les comptes annuels au moins une fois par an, dans les 6 mois de la clôture
de l’exercice.
La responsabilité civile du liquidateur peut être engagée pour toutes les
fautes dommageables qu’il aurait commises, le préjudice pouvant avoir été
subi par les tiers, la société et même par les associés (art. L. 237-12
C. com.). Le délai de prescription est de 3 ans à compter du fait
dommageable.

2. La clôture de la liquidation
En fin de liquidation, tous les associés doivent être convoqués par le
liquidateur, à défaut par un mandataire judiciaire, pour statuer sur le compte
définitif, sur le quitus de la gestion du liquidateur et la décharge de son
mandat. L’assemblée constate également la clôture de la liquidation.
Aux termes de l’article 1844-8 al. 4 du Code civil, tout intéressé peut saisir
le tribunal aux fins de faire procéder à la liquidation ou à son achèvement
lorsque la clôture n’est pas intervenue dans un délai de 3 ans à compter de
la dissolution.
La clôture de la liquidation devra faire l’objet de mesures de publicité
légale (insertion dans un JAL). À compter de cet avis, la personnalité
morale de la société disparaît. Le liquidateur doit procéder à la radiation de
la société du RCS dans le délai de 1 mois à compter de la publication des
opérations de liquidation. À défaut, elle sera radiée d’office dans un délai de
3 ans à compter de la mention au RCS de sa liquidation.

3. Le partage du patrimoine
Une fois les opérations de liquidation achevées, la répartition des biens
sociaux restant a lieu entre les associés. Les règles concernant le partage des
successions vont s’appliquer (art. 1844-9 C. civ.).
Le partage est généralement amiable. Il peut être judiciaire si les associés ne
s’entendent pas.
a. La reprise des apports effectués par les associés
S’agissant des apports en numéraire, les associés obtiennent le
remboursement du montant nominal de leurs actions ou parts sociales.
S’agissant des apports en industrie, il ne peut y avoir de reprise des apports.
S’agissant des apports en nature, en principe, et sauf décision contraire des
associés, les apports en nature se retrouvant en l’état dans le patrimoine de
la société doivent être restitués aux apporteurs eux-mêmes, à condition
qu’ils en fassent la demande.
b. La répartition du boni de liquidation
Si l’actif est supérieur au montant du passif, il subsiste un boni de
liquidation qui sera réparti entre les associés dans la même proportion que
leur participation dans le capital de la société, à moins que les statuts n’en
disposent autrement.

4. La situation des créanciers sociaux


Pendant le déroulement des opérations de liquidation, les créanciers sont
payés au fur et à mesure où ils se présentent. Mais lorsque la liquidation est
terminée, les créanciers n’ont plus qu’une action directe contre les associés
si l’actif a été partagé alors qu’ils n’ont pas été désintéressés.
Cette action ne sera efficace dans les sociétés à risque limité (SARL et les
trois sociétés par actions), que si les associés ont obtenu le remboursement
de leurs apports (ils ne peuvent être tenus au-delà). En effet, dans ces
sociétés, si les associés n’ont pas obtenu le remboursement de leurs apports,
les créanciers ne pourront donc pas exercer d’actions en paiement contre
eux.
Cette action est plus intéressante dans les sociétés où les associés sont tenus
de façon indéfinie au passif social, soit de façon conjointe (société civile),
soit de façon solidaire (société en nom collectif).
En tout état de cause, l’action des créanciers, aux termes de l’article L. 237-
13 du Code de commerce, se prescrit par 5 ans à compter de la publicité de
la dissolution.

EXERCICE
ÉNONCÉ
M. Dupont et Mlle Durant, concubins, souhaitent constituer leur société.
Leur projet est le suivant :
la société sera une société en nom collectif ;
le capital sera de 2 000 € ;
M. Dupont est médecin ;
Mlle Durant est infirmière et est placée sous curatelle ;
l’objet de la société est l’exploitation d’un cabinet médical.
En réalité, M. Dupont souhaite, au travers de cette structure, favoriser la
vente d’enfants et se faire rémunérer de ses services.
M. Dupont apporte à la société un immeuble hypothéqué pour une valeur
supérieure à sa valeur marchande.
Mlle Durant est exonérée de toute participation aux pertes.
Le climat entre les deux concubins futurs associés se dégrade de jour en
jour, la collaboration devient inexistante, la signature du contrat doit
intervenir dans 8 jours…
Travail à faire
Que pensez-vous de ce projet de constitution ? Quelles sont vos
observations à présenter aux associés ?

CORRIGÉ

Les souhaits de M. Dupont et de Mlle Durant ne sont pas réalisables et,


ce, pour différentes raisons. En effet, on ne peut constituer une société
avec les éléments cités dans ce projet.
1. On ne peut constituer une société en nom collectif dont l’objet est la
médecine, car la médecine est une profession libérale qui est interdite à
toute société commerciale. Ici, la société choisie est une SNC, une des
six sociétés commerciales, au sein de laquelle chaque associé a la qualité
de commerçant, ce qui est interdit pour un médecin et une infirmière.
2. Mlle Durant est en curatelle, donc incapable majeure. Le majeur en
curatelle ne peut pas faire de commerce ; dans la SNC, tout associé a la
qualité de commerçant ; Mlle Durant ne peut donc pas être associée dans
une SNC.
3. L’objet de cette société consiste en la vente d’enfants, activité qui est
contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs (art. 6 C. civ.). Cette
activité est illicite et constitue une infraction sanctionnée par le Code
pénal.
4. M. Dupont, qui apporte à la société un immeuble hypothéqué pour
plus de sa valeur, ne fait en réalité qu’un apport fictif, car cet immeuble
est un bien grevé (d’une hypothèque) pour un passif supérieur à la valeur
brute du bien apporté.
Un apport fictif est nul et va entraîner la nullité de la société pour
violation des règles spécifiques au contrat de cette société.
5. Mlle Durant, dans ce projet de contrat, est exonérée de participer aux
pertes. Cette clause est une clause léonine réputée non écrite (art. 1844-1
al. 2 C. civ.). Cette disposition statutaire s’appliquant à la répartition des
bénéfices et des pertes entre les associés est prohibée.
6. Les concubins sont en conflit, la collaboration semble inexistante, en
conséquence l’affectio societatis n’existe pas en l’espèce.
L’étude approfondie de cette constitution de société démontre que l’on
n’a pas respecté les règles générales de validité des contrats (art. 1128
C. civ.) ; plus particulièrement, les règles relatives au contenu du contrat
de société, mais également les règles spécifiques du contrat de société
(du fait de l’apport fictif et de l’absence d’affectio societatis).
Cette constitution, si elle se poursuit, entraînera automatiquement la
nullité de la société (art. 1844-10 C. civ.).
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PARTIE 2
La société en nom collectif
La SNC (société en nom collectif) est l’archétype des sociétés de
personnes33. Les associés sont appelés « associés en nom ».
C’est la société dans laquelle les associés ont « tous la qualité de
commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes
sociales » (art. L. 221-1 al. 1 C. com.). Être solidairement responsable
implique qu’un créancier de la société peut demander à l’un quelconque des
associés de payer la totalité de la dette de la société.
Les textes régissant spécialement la SNC sont les articles L. 221-1 à
L. 221-17 du Code de commerce34.
La société en nom collectif est toujours commerciale quel que soit son objet
(art. L. 221-1 al. 2 C. com.). Elle a pour caractéristique essentielle de
reposer sur un intuitus personæ très fort, c’est-à-dire que la personnalité de
chaque associé (personne physique ou morale) joue un rôle déterminant
dans la constitution, le fonctionnement et la dissolution de la société.
Les associés de la SNC ayant tous la qualité de commerçant, toute personne
ne peut donc pas devenir associé d’une telle société. Ainsi, les personnes ne
répondant pas aux exigences requises pour être commerçant sont exclues
des SNC.
La société en nom collectif est dirigée par un ou plusieurs gérants,
personnes physiques ou personnes morales, pris parmi les associés ou en
dehors d’eux conformément aux règles statutaires.
Cette forme de société convient lorsque les associés sont en petit nombre et
qu’ils sont disposés personnellement à participer activement à l’exploitation
sociale. La SNC est soumise à des règles simples et peu coûteuses, mais
toutes les cessions de parts sociales doivent être autorisées à l’unanimité. Le
régime fiscal est très peu différent de celui applicable aux entrepreneurs
individuels.
Le recours à cette forme sociale est souvent justifié par la souplesse tant
pour sa constitution que pour son fonctionnement. Elle représente moins de
2 % du total des sociétés.

Avantages Inconvénients

Petit nombre d’associés Responsabilité indéfinie


Intuitus personæ très fort, confiance des et solidaire
associés Règle de l’unanimité
Caractère fermé empêchant l’entrée pour de nombreuses
d’indésirables décisions
Règles de fonctionnement simples qui peut paralyser la
Règles de fonctionnement souples prise de décision
Place importante à la volonté des parties du Agrément à l’unanimité
fait de la responsabilité des associés qui en cas de cessions de
protège les tiers parts
Crédit facile du fait de la responsabilité des
associés
Discrétion : les comptes ne sont pas publiés
Translucidité fiscale
Que l’associé soit une personne physique
ou que la société relève d’un groupe de
sociétés, les déficits sont imputables au
niveau de l’impôt de l’associé

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CHAPITRE 1.
La constitution d’une SNC
La constitution de la SNC doit répondre aux exigences du droit commun
des constitutions de sociétés. Reste que s’agissant des formalités de
publicité, elles sont prescrites à peine de nullité de la société (art. L. 235-2
C. com.). Quelques précisions s’imposent concernant les conditions de fond
(Section 1) comme les conditions de forme et les formalités de publicité
(Section 2).

SECTION 1.
Les conditions de fond

Les SNC doivent respecter les conditions générales de validité des contrats
(art. 1128 C. civ.) et les conditions spécifiques du contrat de société
(art. 1832 C. civ.). Certaines conditions méritent quelques développements.

I. Les associés
Le nombre d’associés est au minimum deux, personnes physiques ou
morales, aucun maximum n’étant exigé par la loi.
L’associé qui entre dans une SNC devient un commerçant. Il doit donc
disposer de la capacité commerciale. On exige de lui les mêmes conditions
que celles auxquelles on soumet une personne physique qui veut devenir
commerçante à titre individuel (art. L. 121-1 C. com.).
Les associés de SNC doivent avoir la capacité requise pour faire le
commerce. Cette exigence revient à exclure certaines personnes. En effet,
toutes les personnes n’ont pas la capacité commerciale. Ainsi, ne peuvent
pas être associées d’une SNC, les personnes privées de la capacité
commerciale :
les majeurs sous tutelle ;
les majeurs sous curatelle ;
les mineurs non émancipés ;
les mineurs émancipés n’ayant pas obtenu judiciairement la capacité
commerciale ;
les personnes frappées d’une incompatibilité : experts-comptables,
notaires, parlementaires, ministres, fonctionnaires, médecins, architectes,
etc. ;
les personnes frappées d’une interdiction d’exercer le commerce :
sanction pénale complémentaire et facultative pouvant être prononcée par
le juge pénal pour compléter une peine d’amende ou d’emprisonnement
dans le cadre de certains délits ;
les sociétés civiles.
REMARQUE

Depuis 2011, les mineurs émancipés peuvent obtenir la capacité


commerciale par voie d’autorisation judiciaire. S’ils formulent leur
demande lors de leur émancipation, c’est le juge des tutelles qui
décide s’il délivre la capacité commerciale. Si la demande de capacité
est faite après le jugement d’émancipation, c’est le président du
tribunal judiciaire qui est compétent.

Deux époux peuvent être associés d’une SNC. La loi n° 85-1372 du


23 décembre 1985 permet à deux époux, seuls ou avec des tiers, d’être
associés dans une même société. Lorsqu’un époux se présente seul pour
entrer dans une SNC à l’aide de biens communs, il doit se soumettre aux
exigences de l’article 1832-2 du Code civil, qui lui impose d’informer son
conjoint, lequel a la possibilité de revendiquer la qualité d’associé pour la
moitié des parts souscrites.
La capacité d’un étranger, personne physique, dépend de sa loi nationale et
non de la loi française. En principe, l’étranger qui désire exercer une
activité commerciale en France doit en faire la déclaration au préfet du
département dans lequel il envisage d’exercer. Sont dispensés de cette
autorisation les ressortissants des pays membres de l’Union européenne, des
États parties à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la
Confédération suisse.
Une même personne, physique ou morale, peut être associée de plusieurs
SNC et engager sa responsabilité indéfinie et solidaire dans plusieurs SNC.

II. Les apports et le capital social

A. LES APPORTS

Tous les apports sont permis : en numéraire (argent), en nature (biens) et en


industrie (compétences, savoir-faire…).
Seuls les apports en numéraire et en nature composent le capital social. Les
associés décident librement de leur libération, immédiate ou échelonnée, et
qui n’est pas obligatoire. La loi n’exige aucune valeur nominale minimale
des parts sociales.
Les apports en industrie donnent droit à l’attribution de parts sociales, mais
exclusivement des parts d’industrie, pas des parts de capital. Pour autant, le
titulaire de parts sociales d’industrie reste un associé à part entière : comme
tous les autres associés, il détient un droit sur les bénéfices et voit sa
responsabilité indéfinie et solidaire engagée au titre de l’obligation aux
dettes sociales et de la contribution aux pertes.
B. LE CAPITAL SOCIAL

La loi ne fixe aucun capital minimum. Si le capital social peut être


symbolique, il doit néanmoins exister, ce qui rend impossible la constitution
d’une SNC avec uniquement des apports en industrie. Dans la SNC, le
capital social a moins pour fonction d’assurer le gage des créanciers, dont le
crédit est assuré par la règle de la responsabilité indéfinie et solidaire des
associés, que de mesurer le pouvoir des associés.
Le capital social est divisé en parts sociales.

III. L’objet de la société


La SNC est toujours commerciale, quel que soit son objet. Elle est
commerciale par la forme.
Sous réserve qu’il soit possible et licite, l’objet social est librement
déterminé par les associés. Sa rédaction revêt une très grande importance
car il conditionne la compétence des gérants. En effet, les pouvoirs des
gérants sont limités aux actes entrant dans l’objet social, tant à l’égard des
associés qu’à l’égard des tiers.
Certaines activités sont interdites aux SNC (assurance, analyses médicales),
d’autres font l’objet d’une réglementation spécifique (pharmacie, débit de
tabac, agence de voyages).

SECTION 2.
Les conditions de forme et les formalités
de publicité
I. Les statuts
Les statuts de la SNC doivent être établis par écrit, soit sous la forme
authentique, soit sous signature privée. Le recours à la forme authentique
est obligatoire dès lors qu’un bien nécessitant un enregistrement à la
conservation des hypothèques est apporté (bien immobilier) et fortement
recommandé lorsque la société est constituée entre époux ou entre
successibles.
L’absence d’écrit peut entraîner la nullité de la société car elle rend
impossible l’accomplissement des formalités de publicité prescrites à peine
de nullité dans la SNC (art. L. 235-2 C. com.).
Les statuts sont plus ou moins détaillés selon la volonté des associés.
Cependant, les mentions suivantes doivent obligatoirement y figurer
(art. L. 210-2 C. com.) :
la forme juridique adoptée ;
la durée (maximum 99 ans à compter du jour de l’immatriculation au
RCS) ;
la dénomination sociale ;
le siège social ;
l’objet social ;
le montant du capital social.
Il y a lieu d’ajouter l’identité des associés (nom, prénom, profession,
domicile, nationalité, état civil) ainsi que le détail des apports effectués par
chacun.
Les statuts de la SNC doivent être rédigés avec soin car une grande liberté
est laissée à leurs rédacteurs. En effet, certaines règles prévues par la loi ne
revêtent pas un caractère impératif et ne s’appliquent qu’en l’absence de
dispositions contraires des statuts. Il peut être donc important de préciser
par des clauses statutaires appropriées le régime juridique applicable à la
société. Ainsi en est-il :
du choix du ou des gérants ;
de la détermination des pouvoirs des gérants, avec des limitations
possibles ;
du mode de consultation des associés (en assemblée, par
correspondance…) ;
des modalités de liquidation de la société ;
de la continuation de la société en cas de décès d’un associé.
Dans les statuts, les associés doivent donc se prononcer sur ces questions
pour déterminer s’ils suivent les règles légales ou s’ils adoptent leurs
propres règles dans la limite de la liberté statutaire offerte par le Code de
commerce.
Le nombre d’exemplaires originaux des statuts sous signature privée est
fixé à :
un pour le dépôt au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège
social ;
un pour l’INPI (en cas d’apport de brevet ou de marque) ;
un pour chaque associé ;
un pour les archives sociales.
En cas d’omission ou d’irrégularité dans les statuts, tout intéressé peut agir
en régularisation et en responsabilité.

II. Les formalités de publicité


Il est obligatoire de procéder aux formalités de publicité suivantes :
insertion dans un JAL du lieu du siège social (support habilité par le
préfet du département à passer les annonces légales) ;
dépôt au greffe du tribunal de commerce des documents composant le
dossier d’immatriculation, dont le formulaire d’immatriculation et de
l’acte de nomination du ou des gérants ;
immatriculation de la société au RCS du lieu du siège social ;
Ces deux dernières formalités sont effectuées à compter du 1er janvier
2023 par le dépôt du dossier d’immatriculation auprès du guichet unique
électronique.
insertion au Bodacc effectuée à la diligence du greffier du tribunal de
commerce du lieu du siège social.
Le défaut d’immatriculation au RCS empêche la société d’acquérir la
jouissance de la personnalité morale, et donc de devenir sujet de droit. Par
ailleurs, le défaut d’accomplissement des formalités de publicité entraîne la
nullité de la société qui peut être demandée par tout intéressé (ayant un
intérêt à agir), cependant une régularisation même tardive permet
d’échapper à cette nullité.

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CHAPITRE 2.
Le fonctionnement de la SNC
La loi a laissé une très grande souplesse dans l’organisation et le
fonctionnement de la SNC. Cette souplesse, cette liberté statutaire est la
contrepartie de l’engagement indéfini et solidaire des associés. Néanmoins,
il convient d’étudier la gérance de la SNC (Section 1), le contrôle dont elle
peut faire l’objet (Section 2) et les décisions collectives (Section 3).

SECTION 1.
La gérance

Les règles applicables à la gérance de la SNC sont relativement nombreuses


mais essentiellement supplétives, ce qui laisse aux statuts une large liberté
pour l’organisation de la gérance, particulièrement la nomination et la
révocation des gérants.

I. La nomination des gérants

A. LA LIBERTÉ DE CHOIX

Les associés jouissent d’une très grande liberté pour choisir le gérant
(art. L. 221-3 C. com.). Ils peuvent ainsi :
désigner le ou les gérant(s) soit dans les statuts (on parlera alors de
« gérant statutaire »), soit par un acte ultérieur (acte sous signature privée
ou notarié, ou décision prise en assemblée générale ; on parle alors de
« gérant non statutaire ») ;
désigner un ou plusieurs gérants ;
choisir le gérant parmi les associés ou non ;
créer un collège de gérance ;
il n’est pas interdit de désigner comme gérant une ou plusieurs personnes
morales ou physiques ;
le gérant peut être de nationalité étrangère ; s’il n’est pas associé, il n’a
pas besoin d’être titulaire d’une carte de séjour temporaire, ni de faire une
déclaration en préfecture.
Dans le silence des statuts, tous les associés sont gérants (art. L. 221-3 al. 1
C. com.) ; chacun dispose alors de la signature sociale et peut engager la
société.
Il en sera de même si tous les gérants de la société ont démissionné de leurs
fonctions sociales et n’ont pas été remplacés (Cass. com., 24 oct. 1977, JCP,
1977, IV, 310).
Aucun texte ne l’interdisant, une même personne peut en principe assumer
consécutivement plusieurs gérances dans plusieurs SNC. En effet, une
même personne peut cumuler en même temps un nombre illimité de
mandats de gérant de SNC.
Il faut cependant se reporter soit aux statuts, soit à l’acte de nomination, qui
peuvent l’un comme l’autre restreindre cette liberté, et établir par exemple
que le gérant devra consacrer tout son temps aux affaires sociales (ce qui lui
interdirait d’assumer d’autres fonctions sociales pour d’autres sociétés).

B. LA CAPACITÉ DES GÉRANTS

Le gérant, s’il est associé, doit avoir la capacité commerciale (être majeur et
capable).
Le gérant non associé, en revanche, n’a pas à satisfaire à cette capacité, la
capacité civile suffit. En effet, il n’est pas commerçant : il faut bien
comprendre que ce sont les associés qui sont commerçants et pas le gérant
en tant que tel ; par conséquent, si le gérant n’est pas associé, il n’est pas
commerçant ; ainsi un mineur émancipé qui n’a pas obtenu judiciairement
la capacité commerciale peut être gérant non associé d’une SNC, alors qu’il
ne peut pas être associé d’une SNC.
Le gérant est soumis aux règles concernant les interdictions, les
incompatibilités et les déchéances des dirigeants.

C. LE CUMUL DES FONCTIONS DE GÉRANT AVEC UN


CONTRAT DE TRAVAIL

Le gérant d’une société n’est pas, en cette qualité, salarié de la société. Il


n’est donc pas lié à la société par un contrat de travail, mais par un mandat.
On qualifie d’ailleurs souvent les dirigeants de sociétés de « mandataires
sociaux ». Toutefois, le gérant peut souhaiter exercer, en plus de ses
fonctions de direction, des fonctions salariées au sein de cette même
société. Dans ce cas, il serait amené à conclure un contrat de travail avec la
société.
La question qui se pose est alors la suivante : dans quelle mesure le gérant
d’une SNC peut-il conclure un contrat de travail avec cette société ?
Si le gérant est associé
La jurisprudence semble considérer que la qualité d’associé de SNC est
incompatible avec la qualité de salarié. En effet, elle relève que les
associés ont d’une part le statut de commerçant et d’autre part une
responsabilité indéfinie et solidaire. On peut noter par ailleurs, que les
décisions sociales étant prises, sauf clause contraire, à l’unanimité, le
pouvoir dont dispose chaque associé de la société est inconciliable avec
le lien de subordination inhérent au contrat de travail.
Si le gérant n’est pas associé
Le cumul du mandat de gérant avec un contrat de travail est licite si les
trois conditions suivantes sont réunies :
le contrat de travail doit correspondre à un emploi effectif ;
il doit exister une nette distinction entre la fonction de gérant et celle
de salarié ;
le gérant doit être dans un état de subordination à l’égard de la société.

D. LA RÉMUNÉRATION DES GÉRANTS

Aucune disposition législative ni réglementaire ne détermine les modalités


de fixation de la rémunération des gérants.
Par conséquent, il revient aux statuts, à l’acte de nomination ou à une
décision collective des associés, de fixer librement la rémunération du
gérant.
Si aucune rémunération n’a été fixée et qu’il n’a pas été précisé que les
fonctions du gérant seraient gratuites, les tribunaux peuvent déterminer sa
rémunération, au besoin après avoir ordonné une expertise.
REMARQUE

La rémunération du gérant n’est pas un salaire au sens juridique du


terme. En conséquence, le gérant ne peut pas se prévaloir du privilège
des salariés et lorsqu’il est révoqué, il ne peut pas prétendre à une
indemnité de licenciement. Cette rémunération peut se cumuler avec
celle qui relève de sa qualité d’associé (les dividendes).
Le gérant non associé peut, en plus de son mandat de gérant, être lié à
la société par un contrat de travail pourvu que les conditions de cumul
soient remplies. Dans ce cas, en sa qualité de salarié, il percevra alors
un salaire (en complément de sa rémunération de gérant).

II. La cessation des fonctions des gérants


Les fonctions du gérant peuvent s’achever lorsque le terme fixé à son
mandat vient à échéance (expiration du temps fixé par les associés) ou
lorsque survient un événement personnel qui l’empêche d’exercer ses
fonctions, tels le décès, la survenance d’une incapacité ou d’une interdiction
de gérer, le prononcé de la faillite personnelle, la survenance d’une
incompatibilité, d’une interdiction ou de tout événement (maladie,
incarcération).
Le gérant frappé d’une mesure d’interdiction ou d’incompatibilité qui ne
démissionnerait pas s’exposerait à des sanctions pénales et à une révocation
pour juste motif.
Deux causes de cessation des fonctions appellent quelques
développements : la révocation (A) et la démission (B).

A. LA RÉVOCATION DES GÉRANTS

1. La révocation du gérant par décision des associés


Dans tous les cas, lorsque le gérant, associé ou non, est révoqué, sa
révocation, si elle est décidée sans juste motif, peut donner lieu à
dommages-intérêts (art. L. 221-12 al. 4 C. com.). De plus, le gérant révoqué
dans des conditions abusives ou vexatoires, quand bien même sa révocation
serait fondée sur un juste motif, pourra intenter une action en justice devant
le tribunal de commerce du lieu du siège social, afin d’y réclamer les
dommages-intérêts.
Toutefois, le tribunal ne pourra qu’exiger le versement de dommages-
intérêts par la société au gérant ; il ne pourra pas annuler la décision de
révocation.
Les associés peuvent donc décider de révoquer le gérant même en l’absence
de juste motif, mais ils doivent alors s’attendre à devoir lui verser des
dommages et intérêts.
Si un gérant associé est révoqué, la révocation ne porte que sur sa qualité de
gérant : il demeurera associé.
Les conditions à remplir pour révoquer le gérant, changent en fonction des
situations suivantes :
a. Si tous les associés sont gérants ou si la gérance est exercée par un
associé (ou certains associés) désigné dans les statuts (gérance
statutaire)
La révocation de l’un d’entre eux ne peut résulter que d’une décision
unanime des autres associés (art. L. 221-12 al. 1er C. com.). Cette
révocation entraîne, si les statuts ne comportent pas de clause contraire ou si
les associés ne prennent pas concomitamment à la révocation une décision
de continuation, la dissolution anticipée de la société. À défaut de
dissolution, le gérant révoqué peut se retirer de la société en demandant aux
autres associés le remboursement de ses parts sociales.
b. Si la gérance est exercée par un associé (ou certains associés) non
désigné dans les statuts
Le ou les gérants peuvent être révoqués dans les conditions prévues par les
statuts (à la majorité par exemple même si, compte tenu du silence des
statuts, la nomination a été faite à l’unanimité), ou à défaut par une décision
des autres associés, gérants ou non, prise à l’unanimité (art. L. 221-12 al. 2
C. com.).
Cette révocation n’entraîne ni la dissolution de la société ni la possibilité
pour le gérant révoqué de se retirer de la société.
c. Si la gérance est exercée par un tiers
Les gérants non associés peuvent être révoqués dans les conditions prévues
par les statuts. À défaut de clause statutaire, il suffit d’une décision des
associés prise à la majorité calculée par tête (art. L. 221-12 al. 3 C. com.).
Tableau récapitulatif
Modalités Effets

Gérant associé Vote unanime des autres Dissolution de la


statutaire ou gérance associés (révocation société sauf :
accomplie par tous impossible si seulement clause contraire des
les associés deux associés) statuts ;
décision unanime
des autres associés.
En cas d’absence de
dissolution
de la société, le gérant
peut se retirer.

Gérant associé non Vote unanime des autres Absence de


statutaire associés ou majorité dissolution de la
prévue par les statuts société

Gérant non associé, Selon les statuts ou Absence de


statutaire ou non majorité des associés dissolution de la
société

2. La révocation du gérant (associé ou non) par décision


judiciaire
La révocation du gérant peut être demandée en justice par l’un des associés,
à condition qu’il justifie d’une cause légitime : abandon des fonctions,
gérant qui n’assiste plus aux assemblées, majeur placé sous curatelle…
Aucun texte n’envisage expressément cette procédure de révocation.
Cependant, par analogie avec les règles applicables aux sociétés civiles et
aux SARL, il semble légitime d’admettre cette solution. La Cour de
cassation l’a implicitement validée (Cass. Com. 8 fév. 2005, RJDA 2005,
n° 582).
B. LA DÉMISSION DES GÉRANTS

Aucun texte ne traite nulle part de la démission d’un dirigeant de société.


En conséquence, le gérant, statutaire ou non, associé ou non, peut en
principe démissionner librement de ses fonctions, sous réserve de respecter
les statuts qui peuvent exiger le respect d’un délai de préavis. Toutefois, il
s’expose à des dommages-intérêts envers la société s’il démissionne sans
juste motif et si cette démission cause un préjudice à la société.
La démission produit effet dès qu’elle a été notifiée (lettre recommandée
avec avis de réception) aux autres associés. En conséquence :
elle n’a pas à être acceptée par les associés ;
elle ne peut pas faire ultérieurement l’objet d’une rétractation de la part
du gérant démissionnaire ;
elle a un caractère définitif.
Si le gérant est statutaire (nommé dans les statuts), la mention de son nom
dans les statuts devient automatiquement caduque.
Lorsque tous les gérants ont démissionné de leurs fonctions et qu’il n’a pas
été procédé à leur remplacement, tous les associés deviennent de plein droit
cogérants de la société.

C. LES CONSÉQUENCES DE LA CESSATION DES


FONCTIONS DU GÉRANT

Toute révocation par les associés ou judiciaire, comme toute démission, doit
faire l’objet des mesures de publicité légales :
insertion dans un JAL du lieu du siège social ;
dépôt au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social et
inscription modificative au RCS ;
insertion au Bodacc à la diligence du greffier.
La cessation des fonctions ne porte que sur le mandat de gérant. Si ce gérant
est également associé de la société, il demeure associé malgré la cessation
de son mandat de dirigeant.

III. Les pouvoirs des gérants

A. LES POUVOIRS DES GÉRANTS DANS LEURS RAPPORTS


AVEC LES ASSOCIÉS

Les associés déterminent librement dans les statuts les pouvoirs des gérants
(art. L. 221-4 al. 1 C. com.). Ils peuvent donc limiter leurs pouvoirs sans
pour autant les réduire à néant. Si le gérant viole une clause restreignant ses
pouvoirs, il doit des dommages-intérêts aux associés, ou à la société, si cette
violation leur a causé un préjudice ; il peut également être révoqué pour
juste motif.
Lorsque les associés ont désigné plusieurs gérants, ils peuvent fixer les
pouvoirs de chacun. À défaut, chaque gérant peut faire tous les actes de
gestion dans l’intérêt de la société et chaque gérant a le droit de s’opposer à
toute opération projetée par un autre.
Toutefois, les comptes sociaux et le rapport de gestion doivent être établis
par tous les gérants (art. L. 221-7 al. 1er C. com.). En cas de désaccords
entre eux, ceux-ci doivent être portés dans le rapport de gestion.
Si les statuts ne comportent aucune disposition statutaire, le Code de
commerce considère que le gérant peut accomplir tous les actes de gestion
dans l’intérêt de la société.

B. LES POUVOIRS DES GÉRANTS DANS LEURS RAPPORTS


AVEC LES TIERS
Le gérant engage la société à l’égard des tiers uniquement par les actes qui
entrent dans l’objet social.
Les clauses statutaires limitant ses pouvoirs sont inopposables aux tiers
(art. L. 221-5 al. 1 et 3 C. com.).
Le caractère inopposable des clauses statutaires limitatives de pouvoirs
implique que la SNC se retrouve engagée à l’égard des tiers, même si le
gérant a accompli un acte qui lui était interdit par les statuts, à partir du
moment où cet acte entre dans l’objet social (cette violation des statuts
constitue une faute du gérant, susceptible d’aboutir à des sanctions internes,
comme la révocation, mais elle n’a aucun impact sur l’engagement de la
société à l’égard du cocontractant dès lors que l’acte accompli entre dans
l’objet social).

EXEMPLE
Les statuts de la société X contiennent une clause interdisant au
gérant de conclure seul (sans l’autorisation de l’associé majoritaire)
des contrats d’un montant supérieur à 300 000 €. Si le gérant conclut
seul un contrat d’un montant de 400 000 €, il aura outrepassé ses
pouvoirs et pourra être sanctionné par les associés ; cependant si le
contrat entre dans l’objet social, la société reste engagée malgré la
violation de la clause statutaire.

La société est également engagée par les actes qui entrent dans l’objet
social, même s’ils sont contraires à l’intérêt social.
En cas de pluralité de gérants, ceux-ci peuvent séparément engager la
société par les actes entrant dans l’objet social. Même si un gérant s’oppose
aux actes d’un autre gérant, cette opposition est sans effet à l’égard des
tiers, à moins qu’il ne soit établi qu’ils en ont eu connaissance avant la
conclusion de l’acte (art. L. 221-5 al. 2 C. com.).
Sauf clause contraire des statuts, le gérant peut déléguer à d’autres
personnes le pouvoir d’accomplir certains actes déterminés, par exemple
ceux relevant de la direction technique, administrative, comptable ou
financière.
IV. Les responsabilités des gérants

A. LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES GÉRANTS

Les gérants sont responsables individuellement ou solidairement à l’égard


des associés et à l’égard de la société des fautes qu’ils commettent dans
l’exercice de leurs fonctions. Si ces fautes personnelles entraînent des
dommages, ils doivent les réparer sous la forme de versement d’indemnités
dites dommages-intérêts.
Ces fautes peuvent être des infractions aux dispositions législatives ou
réglementaires, la violation des statuts ou des fautes de gestion.
L’action en réparation du préjudice subi par la société en raison de fautes
commises par ses gérants, dite action sociale, obéit aux règles fixées par
l’article 1843-5 du Code civil.
L’action sociale peut être exercée, non seulement par le représentant légal
de la société (le nouveau gérant contre l’ancien) (action sociale ut universi),
mais aussi par un ou plusieurs associés35 (action sociale ut singuli)
(art. 1843-5 al. 1er C. civ.). Elle nécessite la preuve d’un préjudice effectif.
Cette action sociale se prescrit par un délai de cinq ans36.
En cas de condamnation, les dommages-intérêts doivent être alloués à la
société et non pas aux demandeurs (art. 1843-5 al. 1er C. civ.).
Toute clause statutaire ayant pour effet de subordonner l’exercice de
l’action sociale à l’avis préalable ou à l’autorisation de l’assemblée générale
ou qui comporterait par avance renonciation à l’exercice de cette action est
réputée non écrite (art. 1843-5 al. 2 C. civ.). De même l’action en
responsabilité est recevable même si les associés ont donné quitus au
gérant.
En cas de pluralité de gérants, chacun répond de ses propres fautes. Il en est
de même si les tâches sont divisées entre les gérants. Toutefois, si les
gérants ont commis une faute en commun ou si les statuts les obligent à agir
en commun, chacun peut être poursuivi pour la totalité du préjudice.
B. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES GÉRANTS

Le gérant d’une société en nom collectif est pénalement responsable en


vertu soit du droit commun (Code pénal) soit de quelques dispositions
particulières du droit des sociétés.
Ainsi, il peut être pénalement condamné pour : abus de confiance (art. 314-
1 et s. C. pén.), escroquerie (art. 313-1 et s. C. pén.), infraction aux
dispositions relatives à la nomination et à l’exercice des fonctions des
commissaires aux comptes, infraction à la réglementation des participations
réciproques, infraction aux obligations pour les filiales et participations,
émission irrégulière de valeurs mobilières37.
Si une personne morale est gérante, ses dirigeants personnes physiques
encourent les mêmes responsabilités pénales que s’ils étaient gérants en leur
nom propre (art. L. 221-3 al. 2 C. com.).
Les délits d’abus de biens sociaux et de présentation de compte infidèles ne
s’appliquent pas aux SNC. Ils ne concernent que les SARL et les sociétés
par actions.

SECTION 2.
Le contrôle de la gestion

Les associés des sociétés en nom collectif sont tenus de désigner (pour un
mandat de 6 ans) un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire
aux comptes suppléant si, à la clôture d’un exercice social, leur société
dépasse deux au moins des trois seuils suivants (art. L. 221-9 al. 2 et
art. R. 221-5 C. com.).
total du bilan (actif ou passif) : 4 M€ ;
chiffre d’affaires hors taxes : 8 M€ ;
nombre moyen de salariés : 50.
Cette obligation disparaît si la société n’a pas dépassé deux des trois seuils
indiqués ci-avant, pendant les deux exercices précédant l’expiration du
mandat du commissaire aux comptes (6 ans) (art. R. 221-5 al. 2 C. com.).
De même, la désignation est obligatoire si une clause statutaire en fait état,
les statuts étant la loi sociale.
Si la société ne dépasse pas au moins deux seuils sur les trois indiqués ci-
avant, la désignation d’un commissaire aux comptes est facultative.
La désignation d’un commissaire aux comptes peut être demandée en
justice par tout associé, même si les seuils ne sont pas atteints.
Enfin, sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes,
pour un mandat de trois exercices et une mission d’ALPE, les sociétés dont
un ou plusieurs associés représentant au moins le tiers du capital en font la
demande motivée auprès de la société (art. L. 221-9 al. 4 C. com. issu de la
loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019).

SECTION 3.
Les décisions collectives

I. Le mode de consultation des associés


Les associés doivent être consultés obligatoirement en assemblée générale
dans deux cas :
pour l’approbation annuelle des comptes (art. L. 221-7 al. 1 C. com.) ;
lorsque la réunion a été demandée par l’un des associés (art. L. 221-6
al. 2 C. com.), aucune forme particulière n’étant imposée, la demande
peut donc être verbale, par lettre recommandée, par LRAR, ou par
huissier, sous réserve de respecter les statuts de la société.
Dans tous les autres cas, les statuts peuvent prévoir une consultation par
correspondance (art. L. 221-6 al. 2 C. com.).
Seuls les associés peuvent participer à l’assemblée générale, ils ne peuvent
se faire représenter par un mandataire que si les statuts le permettent. En cas
d’usufruit ou de parts sociales indivises, il y a lieu de faire application de
l’article 1844 du Code civil.
Ce sont les statuts qui fixent le régime et les formes de la convocation de
l’assemblée. Toutefois, la loi a précisé le droit d’information des associés.
Ceux-ci ont le droit d’obtenir communication des documents énumérés par
l’article L. 221-7 du Code de commerce : rapport de gestion, inventaire,
bilan, compte de résultat et annexe, texte des résolutions proposées.
L’inventaire doit être tenu à la disposition des associés 15 jours avant
l’assemblée au siège social.
Lorsque la consultation a lieu par correspondance (rappel : les statuts
doivent prévoir expressément cette possibilité), ce sont aussi les statuts qui
en fixent le régime.
Chaque associé doit recevoir le texte des résolutions proposées,
expressément formulées, et émettre par écrit un vote qui doit s’exprimer par
oui ou non. Il doit disposer d’un délai de réponse suffisamment long.
Le gérant a seul qualité pour procéder à cette consultation par
correspondance.
La lettre recommandée doit être employée tant pour l’envoi des résolutions
que pour le vote, afin d’établir la preuve de la consultation.

II. Le régime des décisions collectives


Certaines décisions doivent obligatoirement être prises à l’unanimité et
cette disposition doit être respectée par la rédaction des statuts. Ce sont
celles relatives :
à la révocation d’un gérant associé lorsque tous les associés sont gérants
ou lorsque le gérant associé révoqué était désigné dans les statuts ;
à la continuation de la société malgré la révocation de ce gérant ;
aux cessions de parts sociales ;
à la transformation de la société en société par actions simplifiées ;
à la continuation de la société malgré la « faillite », l’interdiction
d’exercer une profession commerciale ou l’incapacité frappant l’un des
associés.
Dans tous les autres cas, ce sont les statuts qui fixent les conditions de
majorité à observer.
Les décisions régulièrement prises s’imposent à tous les associés, même
dissidents. Les associés entrés dans la société postérieurement à une
décision sociale sont tenus de la respecter comme s’ils l’avaient eux-mêmes
votée.
Les décisions prises par les associés sont consignées dans des procès-
verbaux qui doivent être établis sur un registre spécial tenu au siège social
et coté et paraphé soit par un juge du tribunal de commerce ou judiciaire,
soit par le maire ou son adjoint.
Toute modification des statuts ainsi que la nomination et la cessation des
fonctions des gérants nécessitent les formalités de publicité habituelles.
Le défaut de publicité entraîne en principe la nullité de l’acte.

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CHAPITRE 3.
Les associés de la SNC
La caractéristique fondamentale est que tous les associés en nom doivent
avoir la qualité de commerçant (art. L. 221-1 al. 1er C. com.) et donc la
capacité commerciale.
Par conséquent, l’associé en nom doit être majeur capable ou mineur
émancipé ayant obtenu judiciairement la capacité commerciale, et ne subir
aucune incompatibilité, interdiction ou déchéance.
Cependant, l’associé en nom n’est pas personnellement inscrit au RCS.
S’agissant des associés de SNC, il convient de préciser leurs droits et
obligations (Section 1) avant de s’intéresser aux parts sociales qu’ils
détiennent (Section 2).

SECTION 1.
Les droits et obligations des associés

Les associés de SNC disposent de droits renforcés du fait de la


responsabilité indéfinie qui pèse sur eux et de l’intuitus personæ qui
caractérise la société.

I. Les droits des associés

A. LE DROIT D’INTERVENTION DANS LA VIE SOCIALE


Outre le droit d’information annuelle en rapport avec la tenue de
l’assemblée générale ordinaire chargée d’approuver les comptes annuels,
les associés peuvent exiger deux fois par an des informations sur les affaires
sociales dans les conditions suivantes :
droit de consulter au siège social tous les documents établis par la société
ou reçus par elle (inventaire, grand-livre, journal, contrats, factures,
correspondances, procès-verbaux, relevés de comptes bancaires, etc.)
l’associé ayant la faculté de se faire assister par un expert ;
droit de poser par écrit, (deux fois par an) à propos de la gestion sociale,
des questions auxquelles il doit être répondu également par écrit
(art. L. 221-8 C. com.), en vertu de la règle du parallélisme des formes.
L’associé a aussi le droit :
de participer aux assemblées générales ou d’être consulté par écrit par
correspondance (si les statuts de la SNC prévoient expressément cette
possibilité, art. L. 221-6 al. 2 C. com.) ;
de voter ;
d’accomplir les actes conservatoires du patrimoine social (interrompre
une prescription, apposer des scellés, souscrire une assurance) ;
d’exercer certaines actions en justice (action en responsabilité contre les
gérants par exemple, action en révocation du gérant, action en dissolution
de la société) ;
de demander la dissolution anticipée de la société (art. 1844-7 C. civ.).

B. LES DROITS PÉCUNIAIRES

Les associés ont droit aux bénéfices sociaux dont la répartition est fixée
librement par les statuts et au remboursement de leur apport et du boni de
liquidation (excédent du fonds social au jour de la liquidation).
Les sociétés en nom collectif ne sont pas tenues de constituer une réserve
légale.
Les clauses d’intérêt fixe (attribution d’un dividende fixe même en
l’absence de bénéfices) sont interdites.
La mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximal
de 9 mois après la clôture de l’exercice, sauf prolongation de ce délai par
décision de justice.

II. Les obligations des associés

A. L’OBLIGATION AUX DETTES SOCIALES

Les associés répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.


L’obligation aux dettes sociales doit être distinguée de la contribution aux
pertes.
L’obligation aux dettes sociales concerne les rapports de la société avec ses
créanciers, des tiers ; la contribution aux pertes joue dans les rapports des
associés entre eux. Cette dernière, en tant que caractéristique fondamentale
de la société, existe dans toutes les sociétés ; alors que l’obligation aux
dettes ne concerne que les sociétés à risque illimité.
L’obligation aux dettes existe notamment dans les SNC. Cela signifie que
les associés de la SNC sont tenus de payer les dettes sociales aux créanciers
de la SNC si la société n’y procède pas elle-même.
Les associés répondent tous indéfiniment et solidairement des dettes
sociales (art. L. 221-1 al. 1er C. com.). Cette obligation incombe, en cas de
démembrement du droit de propriété, au nu-propriétaire (celui qui a
l’abusus) qui a seul la qualité d’associé dans la SNC, et non à l’usufruitier
(qui a le fructus et l’usus). Cette obligation ne peut pas être écartée par les
statuts.
Toute condamnation prononcée contre la société est exécutoire de plein
droit contre les associés, même si le jugement n’a pas expressément fait état
de l’engagement de ces derniers.
L’associé qui se retire de la société reste tenu, à l’égard des tiers, de la
totalité des dettes sociales nées avant la publication de son départ au RCS.
En revanche, l’associé n’est pas, en principe, tenu des dettes sociales
contractées postérieurement à la publication de son départ. Cependant, il
peut avoir à en répondre dans les deux cas suivants : s’il n’a pas fait publier
son départ dans les formes prescrites par la loi ou encore si, ayant cautionné
les dettes de la société sans limitation de durée, il n’a pas pris soin de
dénoncer son engagement au moment de son retrait, ou encore si, lors de
son retrait, il a souscrit une garantie de passif 38.
Le nouvel associé qui entre dans la SNC en cours de vie sociale est tenu de
tout le passif social, même antérieur à son entrée. C’est pourquoi les
cessionnaires (acheteurs) tentent d’obtenir des cédants (vendeurs) des
garanties de passif (voir infra dans la rubrique cessions de parts).
Les créanciers sociaux ne peuvent demander à un associé de payer les
dettes sociales que lorsqu’ils ont mis la société en demeure par acte
extrajudiciaire (exploit d’huissier) et que celle-ci n’a pas exécuté le
paiement dans les 8 jours qui suivent la mise en demeure (art. L. 221-1 al. 2
C. com.). La responsabilité des associés est dite subsidiaire.
En principe, la solidarité ne joue pas dans les rapports des associés entre
eux. C’est-à-dire que lorsqu’un associé qui a payé à un créancier pour le
tout, réclame aux autres associés leur part (action récursoire), il ne peut
demander qu’une fraction de la dette en rapport avec les droits qu’ils ont
dans la société : c’est-à-dire en proportion de leur participation au capital
social.
Pour résumer, l’obligation aux dettes sociales des associés de SNC est :
légale ;
indéfinie ;
solidaire ;
subsidiaire.

B. LA CONTRIBUTION AUX PERTES

La contribution de chaque associé au règlement des pertes sociales peut être


aménagée dans leurs rapports internes par les statuts.
La règle en matière de contribution aux pertes est celle de la
proportionnalité : chaque associé est, en principe, tenu des pertes
proportionnellement à sa participation dans le capital social. Néanmoins,
cette règle légale figurant dans le Code civil est supplétive de volonté. Cela
signifie que les statuts peuvent l’écarter et choisir une autre clé de
répartition des pertes entre les associés. Cependant, cette liberté statutaire
n’est pas absolue et se heurte à la prohibition des clauses léonines.

SECTION 2.
Les parts sociales

Les parts sociales des sociétés en nom collectif ne peuvent pas être
représentées par des titres négociables, c’est-à-dire des titres à ordre ou au
porteur (art. L. 221-13 al. 1 C. com.). Leur cession doit résulter
nécessairement d’un acte écrit, notarié ou sous signature privée (art. L. 221-
14 al. 1 C. com.).
Toute cession de parts sociales, même entre associés, doit être autorisée à
l’unanimité, toute clause contraire des statuts est réputée non écrite
(art. L. 221-13 C. com.).
Il est interdit aux sociétés en nom collectif d’offrir leurs titres au public,
cette interdiction étant sanctionnée par la nullité des contrats conclus et des
titres émis irrégulièrement (art. 1841 C. civ.).

I. Le droit sur les parts sociales


Il convient ici d’envisager deux situations particulières très fréquentes en
pratique.
A. LE DÉMEMBREMENT DE LA PROPRIÉTÉ DES PARTS
SOCIALES

L’usufruitier a droit aux fruits de la part sociale, c’est-à-dire aux dividendes


procurés par la part sociale, et il ne peut participer, en principe, qu’au vote
des décisions concernant l’affectation des bénéfices (art. 1844 al. 3 C. civ.),
toutes les autres décisions étant prises par le nu-propriétaire sauf clause
statutaire contraire ou convention particulière entre lui et le nu-propriétaire
des parts sociales.
L’usufruitier s’est vu reconnaître par la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019,
le droit de participer aux décisions collectives (art. 1844 al. 3 C. civ.). Il doit
donc être informé et convoqué à toutes les assemblées générales quelle que
soit la modalité de prise de décision retenue, quand bien même il n’y
disposerait pas du droit de vote.
Le nu-propriétaire a droit au remboursement des apports, aux distributions
de réserves et au boni de liquidation. Ayant seul la qualité d’associé, il a
vocation à participer à la vie sociale mais sa participation effective est
limitée par les droits statutairement ou conventionnellement reconnus à
l’usufruitier. C’est lui qui, en principe, exerce le droit de vote pour toutes
les décisions collectives autres que l’affectation des bénéfices. Toutefois,
d’une part, les statuts peuvent en disposer autrement ; d’autre part,
l’usufruitier et le nu-propriétaire peuvent convenir que l’usufruitier exercera
le droit de vote pour toutes les décisions autres que l’affectation des
bénéfices.

B. L’INDIVISION DES PARTS SOCIALES

Chaque coïndivisaire a la qualité d’associé, mais les parts sociales sont


généralement rendues, par une clause des statuts, indivisibles, c’est-à-dire
que les indivisaires doivent désigner un indivisaire ou un associé chargé de
les représenter auprès de la société, c’est le mandataire commun. Cette
représentation est prévue par l’article 1844 al. 2 du Code civil.
En cas de désaccord sur la désignation du mandataire commun, celui-ci est
désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce, en référé, à
la demande du copropriétaire le plus diligent (art. 1844 al. 2 C. civ.).
Toutefois, les statuts peuvent déroger aux dispositions ci-dessus et exiger
que le mandataire soit pris parmi les indivisaires ou permettre que ce
mandataire soit choisi même en dehors des associés.

II. La cession et la transmission des parts sociales


Il convient de distinguer deux situations différentes : la cession entre vifs (le
cédant et le cessionnaire sont vivants lors de cette cession) (A) et la
transmission intervenant par le décès de l’associé (B).

A. LA CESSION ENTRE VIFS

1. Les règles générales


Comme pour tout contrat de vente (art. 1128, et 1582 et s. C. civ.), la
cession des parts sociales suppose un consentement libre et éclairé, la
capacité du vendeur et de l’acheteur, un contenu (la chose vendue) licite et
l’existence d’un prix déterminé. Il est à noter que le prix peut être fixé
valablement par un tiers (expert).
Le prix peut aussi être indexé pourvu que l’indice choisi soit en rapport
avec l’activité de l’associé.
Lorsque la cession porte sur la totalité des droits sociaux (parts sociales ou
actions) d’une société, cette cession peut être considérée juridiquement et
fiscalement comme la cession de l’entreprise elle-même.
La cession des parts sociales doit être constatée par un acte écrit
(art. L. 221-14 al. 1er C. com.), soit sous signature privée, soit authentique.
Pour que cette cession soit opposable à la société, elle doit lui être notifiée
officiellement. Pour cela un original de l’acte de cession doit être déposé au
siège social contre remise d’une attestation de ce dépôt par le gérant
(art. L. 221-14 al. 1er C. com.). Ce dépôt peut également être effectué par
voie électronique (art. L. 221-14 al. 2 C. com.)39.
Pour que cette cession soit opposable aux tiers, il est indispensable, en plus
de la notification officielle faite à la société, de réaliser les deux étapes
suivantes :
assurer la publicité de l’acte de cession au RCS ;
publier les statuts modifiés au RCS.
Si ces formalités ne sont pas accomplies, la cession n’aura aucun effet à
l’égard des tiers. En l’absence de publication des statuts modifiés au RCS,
le cédant ou le cessionnaire peut, après mise en demeure du gérant
d’effectuer cette publication, restée vaine au terme d’un délai de 8 jours, et
en justifiant de la saisine du président du tribunal, déposer contre récépissé
l’acte de cession de parts sociales au RCS. À titre conservatoire et jusqu’à
la décision du tribunal, ce dépôt rend la cession opposable aux tiers, sous
réserve de l’accomplissement des formalités (art. R. 221-9 C. com.).
Toutefois, dans les rapports entre les parties, la cession est parfaite dès
l’échange des consentements, même si aucun acte n’a été signé.
La cession entraîne transfert de la propriété des parts sociales. Pour éviter
toute difficulté sur le sort des dividendes, il est recommandé au rédacteur
des actes de cession de préciser quel sera le sort des dividendes de
l’exercice social en cours et des exercices antérieurs si ceux-ci n’ont pas
encore été payés40.
Il convient aussi, dans l’acte de cession, de fixer l’obligation de non-
concurrence éventuellement imposée au cédant, qui sera applicable à
compter de la cession.
Il est d’usage aussi de demander au cédant de garantir le passif de la société
qui pourrait se manifester après la cession, ce qui engage le cédant à
prendre en charge le montant des dettes qui pourraient ainsi être révélées
ultérieurement.

2. L’agrément de la cession
La société en nom collectif étant fondée sur l’intuitus personæ, toute
cession de parts sociales, même entre associés, doit être autorisée par les
associés statuant à l’unanimité (art. L. 221-13 C. com.). Les statuts ne
peuvent pas prévoir de clause contraire (art. L. 221-13 al. 1 C. com.).
REMARQUE

Certaines cessions peuvent être sujettes à autorisation délivrée par une


personne extérieure à la SNC (ex. : donations, échanges, liquidation
de communauté de biens entre époux).

Cet agrément ne peut pas être donné à l’avance pour tout acquéreur
éventuel non individualisé. Le cédant ne saurait se prononcer contre
l’agrément de l’acquéreur : en cas d’opposition de sa part, il serait possible
d’obtenir en justice que son vote soit réputé favorable à l’admission du
cessionnaire.
L’acte de cession est nul pour contenu ou but illicite en l’absence
d’agrément, qu’il soit refusé ou n’ait pas été demandé. Les clauses
statutaires prévoyant le rachat des parts de l’associé désirant céder sa
participation et n’ayant pas obtenu l’agrément à l’unanimité semblent
interdites.
L’associé de SNC qui n’obtient pas l’agrément unanime pour céder ses
parts reste prisonnier de ses titres. Aucune obligation de rachat n’est prévue
par la loi et ne peut être prévue par les statuts. Une solution légale consiste
alors à demander la dissolution judiciaire de la société pour juste motif, ce
qu’il n’est pas certain d’obtenir et qui peut représenter un coût fiscal
important. Une solution conventionnelle consiste à conclure une convention
de croupier41 avec un tiers qui reste inconnu de la société mais qui prend
part aux bénéfices comme aux pertes.

B. LA TRANSMISSION PAR DÉCÈS


En principe, le décès d’un associé met fin à la société, sauf clause contraire
des statuts prévoyant sa continuation (art. L. 221-15 C. com.) soit :
entre les seuls associés survivants ;
avec les héritiers ou des tiers ;
avec certains héritiers.
La clause peut également prévoir un choix fait lors du décès.
Seule une clause des statuts permet d’éviter la dissolution de la société à
l’occasion du décès d’un associé. Une décision des associés, même à
l’unanimité, ne peut décider de la continuation de la société en cas de décès
d’un associé.

1. La continuation de la société entre les seuls associés


survivants
Dans ce cas, les héritiers qui sont exclus de la société ont droit à une
indemnisation qui doit être fixée à dire d’expert, désigné par les parties ou à
défaut par ordonnance du Président du tribunal de commerce du lieu du
siège social statuant en la forme des référés (art. 1843-4 C. civ.).
L’indemnisation qui correspond à la valeur des droits sociaux est
déterminée au jour du décès d’un commun accord entre les parties ou à dire
d’expert.

2. La continuation de la société avec les héritiers ou des


tiers
Les statuts peuvent prévoir par une stipulation expresse que la société
continuera soit avec :
le ou les héritier(s) de l’associé décédé (solution qui serait applicable
automatiquement si les statuts se bornaient à indiquer que la société ne
sera pas dissoute par la mort d’un associé) ;
le conjoint survivant ;
un ou plusieurs des héritiers ;
toute personne désignée dans l’acte de société ou, si les statuts
l’autorisent, désignée par une disposition testamentaire particulière
(art. L. 221-15 al. 2 et 3 C. com.).
Dans tous ces cas, les statuts peuvent prévoir que les héritiers appelés à
entrer dans la société devront être agréés. En cas de refus d’agrément, les
héritiers exclus ont droit à une indemnité fixée à dire d’expert, à défaut
d’accord entre les parties. Cette indemnité correspond à la valeur des droits
sociaux de leur auteur. L’agrément des héritiers ne devra intervenir que si
les statuts le prévoient expressément. En l’absence de précision des statuts,
aucun agrément n’est donc exigé.

3. La continuation de la société avec des héritiers mineurs


En cas de continuation de la société et si l’un ou plusieurs des héritiers de
l’associé sont mineurs non émancipés, ceux-ci ne répondent des dettes
sociales qu’à concurrence des forces de la succession de leur auteur, c’est-à-
dire dans la limite des parts sociales qu’ils recueilleront dans la société
(art. L. 221-15 al. 7 C. com.).
En outre, la société doit, dans le délai de 1 an à compter du décès, être
transformée en une société en commandite (simple ou par actions) dont le
mineur devient obligatoirement commanditaire. À défaut, elle est dissoute.
Il est à noter que si les textes visent expressément la transformation en SCS
ou SCA, la jurisprudence admet la transformation en toute autre société
dans laquelle la capacité commerciale n’est pas exigée (SA, SARL…).
Bien que l’article L. 221-15 du Code de commerce ne l’envisage pas
expressément, il semble que ces règles doivent être étendues aux mineurs
émancipés. Toutefois, nous rappelons ici que les mineurs émancipés
peuvent désormais obtenir la capacité commerciale par décision judiciaire.
Le cas échéant, leur intégration dans la société en qualité d’associé ne pose
aucun problème et n’impose pas à la société de se transformer.

4. Les clauses d’option


Il est parfois prévu dans les statuts la faculté pour les associés d’opter, au
moment du décès :
pour la continuation de la société entre eux (à l’exclusion des héritiers du
prédécédé) ;
pour la continuation de la société avec les héritiers ;
ou pour la dissolution immédiate de la société.
Cette clause a été reconnue valable par la jurisprudence. L’option peut
parfaitement être reconnue aux héritiers eux-mêmes.

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CHAPITRE 4.
La transformation et la dissolution de
la SNC

SECTION 1.
La transformation de la SNC

La décision de transformation en SAS doit être prise à l’unanimité.


La décision de transformation en une autre forme sociale doit être prise aux
conditions de majorité prévues dans les statuts ou, en l’absence de clause
contraire, à l’unanimité.
La transformation ne produit d’effet que pour l’avenir. En cas d’adoption
d’une forme juridique dans laquelle la responsabilité des associés est
limitée au montant de leurs apports, les associés restent tenus solidairement
et indéfiniment de toutes les dettes contractées par la société avant sa
transformation.
Transformation imposée
En cas de décès d’un associé, si une clause de continuation est prévue
avec les héritiers, et qu’un héritier au moins est mineur.
Transformation volontaire
Par décision prise à l’unanimité des associés. N’est possible que si la
situation de la société est compatible avec les dispositions en vigueur
applicables à la nouvelle forme sociale.

SECTION 2.
La dissolution de la SNC

Toutes les causes de dissolution, déjà envisagées dans les règles communes
à toutes les sociétés, sont applicables (art. 1844-7 C. civ.), aux sociétés en
nom collectif.
Mais dans ces sociétés, il faut ajouter à ces causes générales, les causes
particulières ou spéciales suivantes :
le décès de l’un des associés, sauf si les statuts ont écarté expressément la
dissolution dans ce cas ;
en cas de continuation de la société après décès, lorsque l’associé défunt
a laissé des héritiers mineurs non émancipés et que la SNC n’a pas été
transformée en société en commandite ;
la révocation de l’un des gérants, lorsque tous les associés sont gérants ou
lorsqu’un ou plusieurs associés ont été désignés comme gérants dans les
statuts, sauf disposition contraire des statuts ou décision unanime des
autres associés prise sur-le-champ ;
la mesure d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou mesure
d’incapacité prononcée à l’égard d’un associé. Par mesure
« d’incapacité » il faut entendre la mise de l’associé en tutelle ou en
curatelle. Cependant, les statuts ou une décision unanime des autres
associés peuvent écarter la dissolution, l’associé qui se trouve dans l’un
des cas visés étant alors exclu de la société et indemnisé de la valeur de
ses droits sociaux (valeur fixée à dire d’expert à défaut d’accord entre les
parties).
La dissolution de la société doit faire l’objet de diverses mesures de
publicité :
insertion de la décision dans un JAL du lieu du siège social ;
dépôt de la décision au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège
social ;
inscription modificative au RCS ;
insertion au Bodacc à la diligence du greffier du tribunal de commerce du
lieu du siège social.
Enfin, il faudra procéder à la liquidation de la société. La liquidation est
l’ensemble des opérations qui après la dissolution ont pour objet de réaliser
les éléments d’actif et le paiement des créanciers sociaux, en vue de
procéder au partage entre les associés de l’actif subsistant.

EXERCICE
ÉNONCÉ
La société Obélix est une SNC au capital de 100 € créée en janvier 2000,
les parts sociales sont de 10 € chacune. M. Dupont possède cinq parts
sociales, Mme Dupont cinq parts sociales aussi. L’objet de cette SNC est
l’exploitation d’un laboratoire d’analyses médicales.
Mme Dupont a été placée en curatelle par une décision du juge des tutelles
prononcée le 20 mars 2019, le juge ayant accepté qu’elle puisse conserver
sa qualité d’associée.
M. Durand, gérant de la SNC Obélix, est décédé ce matin.
Travail à faire
Que pensez-vous de cette société Obélix ? Vous semble-t-elle en
conformité avec les dispositions légales et réglementaires sur les sociétés
commerciales ? Analysez tous les éléments de ladite société et justifiez
point par point vos réponses.

CORRIGÉ

1. La société Obélix dispose d’un capital social de 100 € ; ce montant est


parfaitement valable, la loi n’exigeant aucun capital social minimum.
2. Les parts sociales sont de 10 € chacune. Ce montant nominal minimal
de la part sociale est correct car la loi n’exige aucune valeur nominale de
la part sociale dans une SNC.
3. La SNC Obélix se compose de deux associés ; la loi exige deux
associés au moins, ce nombre d’associés est donc licite.
4. Les associés sont M. Dupont et Mme Dupont, deux personnes
mariées, donc époux. Au regard de l’article 1832-1 al. 1er du Code civil,
deux époux peuvent, seuls ou avec des tiers, être associés dans toute
société. Les deux époux peuvent donc être associés dans la SNC Obélix.
5. L’objet de la SNC Obélix est l’exploitation d’un laboratoire d’analyses
médicales. Cette activité est une activité interdite aux SNC. En
conséquence, cet objet social est impossible à mettre en œuvre sous la
forme juridique d’une SNC.
6. Mme Dupont est en curatelle. Elle se trouve donc qualifiée
d’incapable majeur ; de ce fait, elle ne peut en principe être associée
dans la SNC Obélix, sauf si le juge des tutelles lui reconnaît la capacité
de demeurer dans la SNC Obélix ; ce qui est le cas en l’espèce.
7. Décès du gérant de la SNC Obélix, M. Durand, non associé.
Les deux associés, M. et Mme Dupont, doivent désigner un nouveau
gérant, soit choisi parmi les associés (donc parmi eux deux), soit en
dehors d’eux, et ils doivent satisfaire aux publicités légales, à savoir :
insertion dans un JAL du lieu du siège social ;
dépôt au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social ;
insertion modificative au RCS ;
insertion au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales
(Bodacc) à la diligence du greffier du tribunal de commerce.

EXERCICE
ÉNONCÉ
La SNC (société en nom collectif) Camembert de Normandie, créée en
1930, est une société spécialisée dans les fromages. Elle emploie plus de 80
salariés. Elle a son siège social à Pont-l’Évêque (14) au numéro 25 de la rue
du Général-de-Gaulle et a un capital de 20 000 €, divisé en parts sociales
égales de 10 € chacune.
Le capital social de la société est réparti comme suit :
M. Jean Camembert, célibataire majeur : 1 500 parts sociales ;
Mme Bernardine Brie, célibataire majeure : 400 parts sociales ;
M. Émile Cantal, célibataire majeur : 100 parts sociales.
Le gérant de la SNC Camembert de Normandie est M. Pierre Rondelet.
Travail à faire
1. M. Pierre Rondelet, célibataire majeur, est non associé. Un gérant de
SNC peut-il être non-associé ?
2. Il a été nommé ce matin par un simple acte sous signature privée signé
par tous les associés. Est-ce possible ?
3. M. Pierre Rondelet se demande quelle est la nature du contrat qui va le
lier à la société. Vous préciserez, en outre, le mode de révocation du
gérant non associé.
4. Il souhaite également être salarié de la SNC Camembert de
Normandie : ce souhait est-il réalisable ?
5. M. Pierre Rondelet vient de recevoir les comptes annuels, il s’interroge
sur le fait de les faire approuver par acte sous signature privée : est-ce
possible ?
M. Pierre Rondelet constate à la lecture des comptes sociaux que le chiffre
d’affaires de la SNC Camembert de Normandie s’élève au 31 décembre
2016 à 8 500 000 €. Il est ravi de ce constat car sa rémunération de gérant
comporte un pourcentage de 10 % sur le chiffre d’affaires.
6. Au regard notamment du montant du chiffre d’affaires, la société sera-
t-elle tenue à une obligation particulière ?
7. La rémunération du gérant, fondée sur un pourcentage du chiffre
d’affaires, est-elle valable ?

CORRIGÉ

1. M. Pierre Rondelet, célibataire majeur, est non associé. Un gérant


de SNC peut-il être non associé ?
Problème de droit
Une personne non associée peut-elle être nommée gérant d’une SNC ?
Règles applicables
L’article L. 221-3 du Code de commerce laisse une très grande liberté
aux associés afin de procéder à la nomination du ou des gérants de SNC.
En conséquence, les associés peuvent parfaitement nommer un gérant
non associé.
Application à l’espèce
M. Pierre Rondelet, peut parfaitement être nommé gérant de la SNC
CAMEMBERT DE NORMANDIE.
2. Il a été nommé ce matin par un simple acte sous signature privée
signé par tous les associés. Est-ce possible ?
Problème de droit
Quelles sont les conditions de désignation d’un gérant de SNC ?
Règles applicables
Mis à part certaines décisions visées par la loi qui nécessitent la réunion
d’une assemblée générale (approbation des comptes notamment), les
décisions sont prises conformément aux règles fixées dans les statuts.
Les décisions sociales peuvent donc être prises par correspondance ou
par participation des associés à un acte authentique ou sous signature
privée.
Application à l’espèce
La nomination du gérant par un acte sous signature privée est
parfaitement valable.
3. M. Pierre Rondelet se demande quelle est la nature du contrat qui
va le lier à la société. Vous préciserez, en outre, le mode de
révocation du gérant non associé.
Problème de droit
Quelle est la nature du contrat qui lie le gérant de SNC à la société et
comment peut-il être rompu ?
Règles applicables
Les dirigeants sociaux sont liés à la société par un mandat social.
S’agissant de la révocation, elle dépend du statut du gérant. Si le gérant
n’est pas associé, qu’il soit mentionné dans les statuts ou non, il est
révocable aux conditions prévues dans les statuts, à défaut à la majorité
des associés.
Application à l’espèce
Pierre Rondelet, mandataire social, sera révocable par une décision des
associés prise à la majorité, sauf clause contraire des statuts.
4. Il souhaite également être salarié de la SNC CAMEMBERT DE
NORMANDIE : ce souhait est-il réalisable ?
Problème de droit
Un gérant non associé de SNC peut-il cumuler son mandat social avec
un contrat de travail ?
Règles applicables
Aucune disposition n’interdit le cumul d’un mandat de gérant non
associé de SNC et d’un contrat de travail. Cependant, le contrat de
travail devra respecter les trois conditions suivantes : le contrat doit
correspondre à un emploi effectif, les fonctions doivent être bien
distinctes des fonctions de direction (rémunérations distinctes) et le
gérant doit être placé en état de subordination par rapport à la société.
Application à l’espèce
Pierre Rondelet pourra conclure un contrat de travail avec la SNC si les
trois conditions précédemment énoncées sont respectées.
5. M. Pierre Rondelet vient de recevoir les comptes annuels, il
s’interroge sur le fait de les faire approuver par acte sous signature
privée : est-ce possible ?
Problème de droit
Quelles sont les modalités d’approbation des comptes annuels dans une
SNC ?
Règles applicables
Comme dans toute société commerciale, les comptes annuels doivent
être approuvés par la collectivité des associés dans le délai de 6 mois de
leur clôture.
En vertu de l’article L. 221-7 al. 1er du Code de commerce, la réunion
d’une assemblée générale est obligatoire pour approuver les comptes
annuels. Cette disposition étant d’ordre public, les statuts ne peuvent en
disposer autrement.
Application à l’espèce
Les comptes annuels de la SNC CAMEMBERT DE NORMANDIE ne
peuvent pas être approuvés par un acte sous signature privée. Il faut
réunir une AG.
6. Au regard notamment du montant du chiffre d’affaires, la société
sera-t-elle tenue à une obligation particulière ?
Problème de droit
À quelles conditions la SNC est-elle tenue de désigner un CAC ?
Règles applicables
La SNC est tenue de désigner un CAC dans les conditions de droit
commun, c’est-à-dire quand à la clôture d’un exercice social elle dépasse
deux des trois seuils suivants :
total du bilan : 4 M€ ;
CAHT : 8 M€ ;
nombre moyen de salariés : 50.
Cette obligation disparaît si, à la clôture des deux derniers exercices
sociaux précédant l’expiration du mandat des CAC, la SNC ne répond
plus aux conditions ci-avant.
Application à l’espèce
La SNC CAMEMBERT DE NORMANDIE emploie plus de 80 salariés
et, à la fin de l’exercice social, le CAHT est de 8,5 M€. Les associés sont
donc tenus de désigner un CAC titulaire et un suppléant.
7. La rémunération du gérant, fondée sur un pourcentage du chiffre
d’affaires, est-elle valable ?
Problème de droit
Comment la rémunération du gérant de SNC est-elle fixée ?
Règles applicables
La loi ne comporte aucune disposition concernant la rémunération du
gérant. Celle-ci est donc librement fixée par les statuts ou par une
décision collective des associés. Le gérant peut, en sa qualité de
mandataire social, percevoir un fixe ou un pourcentage du CA ou les
deux.
Application à l’espèce
Pierre Rondelet, en sa qualité de gérant peut, pour sa rémunération,
percevoir un pourcentage du chiffre d’affaires de la SNC CAMEMBERT
DE NORMANDIE.

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PARTIE 3
La société à responsabilité limitée
La SARL (société à responsabilité limitée) est la société constituée entre un
ou des associés (personnes physiques ou morales) qui ne supportent les
pertes qu’à concurrence de leurs apports (art. L. 223-1 C. com.), et dont le
capital social est divisé en parts sociales égales.
La SARL est régie par les articles L. 223-1 à L. 223-43 du Code de
commerce42.
La caractéristique essentielle de cette société est donc en principe la
limitation de la responsabilité des associés. Cependant, il faut
immédiatement prendre garde de ne pas se fier à cette limitation, car
d’autres dispositions, notamment sur la sauvegarde, le redressement et la
liquidation judiciaires (en cas de faute de gestion des dirigeants associés)
ont pour effet de lui retirer la plus grande partie de sa portée. De même, la
limitation de la responsabilité s’avère illusoire pour les associés ou gérants
qui acceptent de s’engager, à l’égard des créanciers de la SARL, comme
caution des engagements de la société. Il en va de même pour ceux qui
peuvent être qualifiés de dirigeant de fait (au regard de l’apparence).
La SARL convient aux petites et moyennes entreprises, en particulier
familiales. Elle est incontestablement, de toutes les sociétés, la plus
répandue en France (50 % des sociétés). En effet, il suffit d’un capital social
minime et librement fixé dans les statuts ; la société peut se créer avec un
seul associé (personne physique ou morale) ; une même personne peut gérer
un nombre illimité de SARL.
Du fait de ses caractéristiques, la SARL a la capacité de s’adapter à des
projets économiques assez divers en fournissant aux chefs d’entreprise une
structure juridique performante et relativement sécurisée.
La SARL est toujours commerciale quel que soit son objet (art. L. 210-1
al. 2 C. com.).
Cette société n’est ni une société de personnes (du genre de la société civile
ou de la SNC) ni une société de capitaux (du genre de la SA, de la SCA ou
de la SAS). C’est un type original de société dont les règles de constitution
et de fonctionnement sont inspirées tantôt des premières (sociétés de
personnes) tantôt des secondes (sociétés de capitaux).

Avantages Inconvénients

Capacité civile suffisante Appel à des capitaux limité car pas


pour être associé d’offre de titres au public
Responsabilité limitée au Formalisme de fonctionnement
montant des apports Cession des parts sociales
Pas de capital minimum Sanctions pénales propres à la SARL
Peut être unipersonnelle
Formalisme allégé par
rapport aux SA
Très adapté aux PME
familiales
Statut attractif du gérant

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CHAPITRE 1.
La constitution d’une SARL
La constitution d’une SARL doit répondre aux exigences du droit commun
de constitution des sociétés. Quelques précisions s’imposent concernant les
conditions de fond (Section 1) comme les conditions de forme et les
formalités de publicité (Section 2).

SECTION 1.
Les conditions de fond

La constitution de la SARL est largement dominée par le droit commun des


sociétés. Les conditions générales de validité du contrat posées par
l’article 1128 du Code civil, comme les conditions spécifiques propres au
contrat de société de l’article 1832 du Code civil doivent être respectées.
La SARL est constituée pour une durée maximale qui peut être fixée à
99 ans. Cette durée doit être indiquée dans les statuts et court à compter de
l’immatriculation de la société au RCS du lieu du siège social.
La constitution obéit néanmoins à quelques règles spécifiques concernant
son objet, les associés, les apports et le capital social, règles qui sont
guidées par la responsabilité en principe limitée des associés.

I. L’objet de la société
Certaines activités sont interdites à la SARL, précisément en raison de la
limitation de responsabilité et d’un moindre contrôle exercé sur leur
constitution. C’est le cas des entreprises d’assurances, de capitalisation et
d’épargne (art. L. 223-1 C. com.). De ces activités interdites à la SARL, il
faut rapprocher celles qui sont formellement réservées par la loi à un autre
type de société, par exemple à la SA (entreprise de crédit différé, société
d’investissement, société à objet sportif).
D’autres activités ne peuvent être exercées en SARL que si les intéressés se
sont conformés à une réglementation spéciale : c’est le cas pour les sociétés
exploitant une officine de pharmacie, les sociétés d’expertise comptable, les
sociétés d’architecture, les sociétés d’exercice libéral, les sociétés de
géomètres experts. En revanche, les sociétés immobilières de gestion
doivent revêtir obligatoirement la forme SARL.
L’objet social de la SARL ne déterminant pas les pouvoirs du gérant à
l’égard des tiers, il est souvent rédigé en termes généraux, ce qui limite tout
de même la mise en jeu de sa responsabilité dans l’ordre interne.
La SARL est commerciale par la forme, quel que soit son objet.

II. Les associés


Il n’est pas nécessaire que les associés aient la capacité de faire le
commerce. La capacité civile de jouissance suffit. Toutes les personnes
physiques ou morales peuvent être associées dans la SARL.
Une SARL peut être valablement constituée avec un seul associé
(art. L. 223-1 al. 1er C. com.), soit une personne physique, soit une personne
morale. On parlera alors d’EURL (entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée) ou, de plus en plus en pratique, de SARLU.
La SARL est la seule société dont le nombre maximum des associés est fixé
par la loi : il ne peut dépasser cent ; si le nombre des associés devient
supérieur à 100, la SARL dispose d’un délai de 1 an pour faire cesser cette
situation. À défaut de régularisation dans le délai prescrit, la société se
trouve automatiquement dissoute (art. L. 223-3 C. com.).
III. Les apports

A. LES APPORTS EN NUMÉRAIRE

1. Le dépôt des fonds


Les associés ne sont pas obligés de libérer intégralement leurs apports en
numéraire à la constitution, mais seulement une fraction correspondant au
moins au cinquième de leur montant. Le versement du surplus doit
intervenir sur appel(s) de fonds émanant du gérant, ce dernier devant
effectuer ce ou ces appels de fonds dans le délai de 5 ans à compter de
l’immatriculation de la société au RCS.
Les statuts peuvent valablement exiger le versement immédiat d’une
fraction plus importante que le cinquième.
Les fonds correspondant aux apports en numéraire doivent, dans les 8 jours
de leur réception, être déposés pour le compte de la société en formation par
les personnes qui les ont reçus (généralement le futur gérant), soit à la
Caisse des dépôts et consignations, soit chez un notaire, soit dans une
banque (art. L. 223-7 al. 4 C. com. et R. 223-3 al. 1 C. com.).
La mention du dépôt des fonds doit figurer dans les statuts (art. R. 223-3
al. 2 C. com.). Il en résulte que ce dépôt doit être préalable à la signature
des statuts. Les fonds déposés sont indisponibles jusqu’à l’immatriculation
de la société au RCS. Il s’ensuit qu’ils ne peuvent faire l’objet ni d’une
saisie de la part des créanciers personnels des apporteurs, ni d’une
compensation (extinction partielle ou totale de deux obligations) avec une
dette de l’apporteur à l’égard du dépositaire des fonds.

2. Le retrait des fonds


Le retrait des fonds déposés ne peut avoir lieu qu’après l’immatriculation de
la société au RCS du lieu du siège social et sur présentation du certificat du
greffier du tribunal de commerce attestant de cette immatriculation
(art. R. 223-4 C. com.), soit l’extrait K-bis.
Si la société n’est pas constituée dans un délai de 6 mois à dater du jour du
premier dépôt de fonds ou si elle n’est pas immatriculée au RCS dans le
même délai, les apporteurs peuvent (art. L. 223-8 al. 2 C. com.) :
soit demander, individuellement, en justice l’autorisation de retirer leurs
dépôts ;
soit désigner à l’unanimité un mandataire les représentant, afin que celui-
ci procède au retrait des fonds (dans ce cas, aucune autorisation judiciaire
n’est alors nécessaire).

B. LES APPORTS EN NATURE

Tout bien, meuble ou immeuble, corporel ou incorporel (fonds de


commerce ou artisanal), peut être apporté en SARL. Mais chaque apport en
nature doit faire l’objet d’une évaluation dans les statuts. Les associés ne
peuvent en principe fixer la valeur de ces apports qu’au vu d’un rapport
établi par un commissaire aux apports, ce rapport étant lui-même annexé
aux statuts.
Le principe est celui de l’intervention obligatoire du commissaire aux
apports.
Le commissaire aux apports doit être choisi parmi les commissaires aux
comptes inscrits sur la liste établie par le Haut conseil du commissariat aux
comptes, ou parmi les experts inscrits sur l’une des listes établies par les
cours et tribunaux (art. R. 223-6 C. com.). Le commissaire aux apports est
nommé à l’unanimité des futurs associés ou, à défaut d’unanimité, par
ordonnance du président du tribunal de commerce statuant sur requête du
futur associé le plus diligent (art. L. 223-9 al. 1 et R. 223-6 al. 1 C. com.).
Les associés ne sont pas tenus de suivre l’évaluation du commissaire aux
apports. Mais, s’ils retiennent une valeur supérieure à celle proposée par lui,
ils sont pendant 5 ans solidairement responsables de cette valeur à l’égard
des tiers (art. L. 223-9 al. 4 C. com.). Cette même responsabilité est
applicable lorsque ces apports n’ont pas fait l’objet d’une vérification par
un commissaire aux apports. Il s’agit d’une obligation de garantie légale
indépendante de toute idée de faute. Si la surévaluation est frauduleuse, les
associés encourent alors des sanctions pénales très lourdes.
Toutefois, une exception existe au principe de l’intervention obligatoire
du commissaire aux apports. Les associés peuvent décider à l’unanimité
de se passer de l’intervention d’un commissaire aux apports (art. L. 223-9
al. 2 C. com.) lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
aucun apport en nature n’a une valeur supérieure à 30 000 € ;
et, en outre, la valeur totale de l’ensemble des apports en nature non
soumis à l’évaluation d’un commissaire aux apports n’excède pas la
moitié du capital social.
Il conviendra alors d’annexer le procès-verbal de cette décision aux statuts
de la société.

C. LES APPORTS EN INDUSTRIE

Les apports en industrie (mise à disposition de connaissances, d’expérience,


de savoir-faire, d’un fichier de clientèle), c’est-à-dire ceux consistant en une
simple activité, peuvent être rémunérés par des parts sociales d’industrie
(art. L. 223-7 al. 2 C. com.), mais ces parts sociales d’industrie ne
concourent pas à la formation du capital social (art. 1843-2 al. 2 C. civ.).
Les statuts doivent déterminer les conditions dans lesquelles les parts
sociales représentatives d’apports en industrie sont souscrites et
rémunérées.
Il faut bien comprendre que le titulaire de parts sociales d’industrie reste un
associé à part entière : comme tous les autres associés, il détient un droit sur
les bénéfices et voit sa responsabilité engagée au titre de la contribution aux
pertes sociales.
REMARQUE

Comme dans toute société, les associés doivent tous participer aux
bénéfices (ou aux économies) et aux pertes (art. 1832 C. civ.). Il faut
cependant noter que la participation des associés n’est pas
obligatoirement proportionnelle aux apports. Les statuts sont, en effet,
libres de déterminer une autre clé de répartition des bénéfices et des
pertes, dans la limite des clauses léonines.

IV. Le capital social


La SARL doit avoir un capital social, qui est librement fixé dans les statuts
(dans la mesure où il n’existe plus aujourd’hui de montant minimum du
capital social pour ce type de sociétés).
La SARL peut être constituée avec un capital variable (art. L. 231-1
C. com.) ; celui-ci va varier en fonction de l’entrée ou de la sortie
d’associés.
Le capital social doit être divisé en parts sociales ; toutes les parts sociales
doivent avoir la même valeur nominale (art. L. 223-2 al. 1 C. com.). Les
parts sociales doivent être souscrites en totalité par les associés et libérées :
intégralement pour les apports en nature ;
à concurrence d’au moins un cinquième pour les apports en numéraire,
lors de la constitution de la société, c’est-à-dire lors de la signature des
statuts (art. L. 223-7 al. 1 C. com.).
La valeur nominale minimale des parts sociales est librement fixée dans les
statuts, de même que la répartition des parts sociales entre les associés.
Le capital social, l’objet social, l’adresse du siège social, la durée de la
société ainsi que la forme et la dénomination sociale sont des mentions
obligatoires, qui doivent être portées dans les statuts et dans tous actes ou
documents émanant de la société et destinés aux tiers notamment les lettres,
factures, annonces et publications diverses (art. L. 210-2 C. com.).

SECTION 2.
Les conditions de forme et les formalités
de publicité

I. Les statuts
Les statuts doivent être établis par écrit authentique ou sous signature privée
(support papier ou électronique avec signature électronique).
Cependant, dans certains cas, la forme notariée est obligatoire (en cas
d’apport d’immeubles ou de droit au bail de plus de 12 ans), et dans
d’autres cas, elle est conseillée (notamment en cas de société entre époux ou
entre successibles).
L’absence d’écrit n’entraîne pas la nullité de la société pour la SARL
(contrairement au droit commun des sociétés). Pour ce type de société, en
l’absence d’écrit, il y a obligation de régularisation, à défaut on se
trouverait en présence d’une société créée de fait.
Les statuts sont plus ou moins détaillés selon le désir des associés.
Cependant, les mentions suivantes doivent obligatoirement y figurer
(art. L. 210-2, L. 223-7, L. 223-9 et R. 223-3 C. com.) :
le dépôt des fonds correspondant aux apports en numéraire ;
la forme juridique adoptée ;
la durée ;
la dénomination sociale ;
le siège social ;
l’objet social ;
le montant du capital social ;
l’évaluation de chaque apport en nature ;
la répartition des parts sociales entre les associés ;
la libération des parts sociales.
Il y a lieu d’ajouter l’identité des associés (nom, prénoms, profession,
domicile, nationalité, état civil).
Outre les mentions obligatoires rappelées ci-avant, les statuts doivent
contenir toutes les clauses nécessaires pour assurer le bon fonctionnement
de la société :
le choix du ou des gérants ;
la détermination des pouvoirs des gérants vis-à-vis des associés et des
tiers ;
la transmission des parts sociales ;
le mode de consultation des associés ;
la majorité requise pour l’adoption des décisions collectives ;
la démission du gérant ;
la date d’ouverture et de clôture des exercices sociaux ;
la répartition des bénéfices et du boni de liquidation ;
les modalités de dissolution et de liquidation de la société.
Si les statuts sont établis par un acte sous signature privée, il doit y avoir
autant d’originaux que de parties à l’acte, plus un pour les formalités de
publicité, et un pour les archives sociales. Ces actes sont signés par tous les
associés ou leurs mandataires munis d’un pouvoir spécial.
Tout intéressé ayant un intérêt (né, actuel, et légitime) à l’action peut agir en
régularisation et en responsabilité.

II. Les formalités de publicité


Il est indispensable de procéder aux formalités de publicité suivantes :
insertion de l’avis de constitution dans un JAL du lieu du siège social ;
dépôt au greffe du tribunal de commerce pour l’immatriculation au RCS ;
insertion au Bodacc effectuée à la diligence du greffier du tribunal de
commerce.

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CHAPITRE 2.
Le fonctionnement de la SARL
La loi a précisément organisé la gestion de la SARL (Section 1) tout en
prenant garde à instaurer des procédures de contrôle (Section 2) et en
laissant une place importante aux décisions collectives prises par les
associés (Section 3).

SECTION 1.
La gérance de la SARL

La SARL est une structure légère et attractive. Elle est dirigée par une
gérance qui concentre entre ses mains le pouvoir de diriger la société. Il
n’existe donc qu’un seul type d’organe de direction, le ou les gérants, dont
on examinera le statut (I), les pouvoirs (II) et les responsabilités (III).

I. Le statut des gérants


L’organisation de la gérance n’est pas imposée par le Code de commerce et
est donc librement définie par les associés dans les statuts.
Selon l’article L. 223-18 du Code de commerce, « la société est gérée par
une ou plusieurs personnes physiques ». Les statuts sont donc libres
d’organiser la gestion par un ou plusieurs gérants, voire de mettre en place
un conseil de gérance.
A. LA NOMINATION DES GÉRANTS

Seules les personnes physiques peuvent assumer la fonction de gérant de


SARL. Le nombre de gérants est librement fixé dans les statuts (art. L. 223-
18 al. 1er C. com.).
Lorsqu’il existe plusieurs gérants associés ou non associés, il est parfois
constitué un conseil de gérance. Les modalités de fonctionnement de cet
organe, qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit, sont
librement fixées dans les statuts : répartition des tâches, majorités requises
pour les décisions à prendre. À défaut de précision dans les statuts, chacun
des gérants peut agir séparément.
Le ou les gérants peuvent être choisis parmi les associés ou en dehors
d’eux. Pour être gérant, il suffit d’être capable et de jouir de la capacité
civile, car le gérant n’est pas un commerçant. Même s’il accomplit
régulièrement des actes de commerce, ceux-ci sont accomplis au nom et
pour le compte de la société. Cependant, si le gérant est une personne de
nationalité étrangère, il doit se conformer aux mêmes règles que celles
applicables à l’associé de nationalité étrangère ; pour déterminer les
exigences qu’il devra respecter, il convient donc de se demander si ce
gérant de nationalité étrangère souhaite résider sur le territoire français ou
non.
En outre, le gérant ne devra pas présenter un empêchement quelconque
(incompatibilité, interdiction, déchéance) lui interdisant d’assumer sa
fonction.
Les statuts peuvent imposer des compétences ou des qualifications
particulières.
Aucune limite d’âge n’est prévue par la loi, mais une limite peut être
imposée par les statuts.
Les gérants, exclusivement des personnes physiques, sont nommés par les
associés dans les statuts ou dans un acte postérieur (AGO, acte sous
signature privée ou notarié, consultation par correspondance) (art. L. 223-
18 al. 2 C. com.). On distingue ainsi le gérant statutaire du gérant non
statutaire. L’acceptation de ses fonctions par le gérant peut être expresse ou
tacite. Ainsi, la liberté des associés dans le choix du ou des gérants est très
importante, la seule contrainte étant de désigner une personne physique.
La nomination des gérants en cours de vie sociale peut être décidée à la
majorité absolue, soit plus de la moitié des parts sociales (art. L. 223-18
al. 2 C. com.), sur première convocation. Si la majorité n’est pas atteinte et
que les statuts ne l’interdisent pas, une seconde consultation peut avoir lieu,
au cours de laquelle la nomination des gérants interviendra à la majorité
simple (c’est-à-dire la majorité des voix présentes ou représentées).
Les dispositions légales ne fixent pas la durée du mandat de gérant. Il
revient donc aux statuts de la SARL de déterminer cette durée. À défaut de
précision dans les statuts, on doit considérer que le gérant est nommé pour
la durée de vie de la société (art. L. 223-18 al. 3 C. com.).
Qualification de gérance majoritaire : sont considérés comme majoritaire
le ou les gérant(s), de droit et de fait, son conjoint et ses enfants mineurs
non émancipés qui ont la majorité du capital. La gérance est dite minoritaire
dans les autres cas.
La reconnaissance du caractère majoritaire de la gérance, tenant compte des
parts détenues par le cercle familial proche a son importance s’agissant
notamment de la possibilité de conclure un contrat de travail avec la société.
Toute nomination, ou révocation, est soumise aux formalités de publicité
(JAL, dépôt au greffe du tribunal de commerce, inscription au RCS,
insertion au Bodacc à la diligence du greffier du tribunal de commerce).
Celles-ci sont indispensables afin de rendre opposable aux tiers la
nomination du gérant ou la fin des fonctions.

B. LE CUMUL DES FONCTIONS SOCIALES AVEC UN


CONTRAT DE TRAVAIL

La question fondamentale qui occupe la pratique est de savoir si le gérant


de SARL peut cumuler ses fonctions de gérant (mandat social) avec une
fonction salariale (contrat de travail) dans la même société.
En l’absence de dispositions contraires dans la loi, le cumul des fonctions
de gérant avec celles de salarié dans la même société est licite dans la
mesure où :
d’une part, le contrat de travail correspond à un emploi effectif et n’a pas
été conclu en vue de tourner les règles relatives à la révocation ;
d’autre part, il existe une très nette distinction entre la gérance (le mandat
social), qui comporte la direction générale de la société, et les fonctions
techniques (direction commerciale, juridique…) qui sont la conséquence
d’un contrat de travail spécialisé ; de plus les rémunérations doivent être
distinctes ;
enfin, l’intéressé est placé dans un état de subordination à l’égard de la
société, ce qui implique notamment qu’il ne soit pas associé majoritaire.
Ce contrat de travail constitue une des conventions visées par l’article
L. 223-19 du Code de commerce, il doit donc être approuvé par la
collectivité des associés au titre de la procédure relative aux conventions
réglementées. Le gérant, s’il est associé, ne peut pas participer au vote et
ses parts sociales ne sont pas prises en compte dans le calcul de la majorité.
S’il remplit toutes ces conditions, qui sont cumulatives, le gérant a alors une
double qualité : celle de « mandataire social », révocable à tout moment par
les associés, et celle de salarié, qualité pour laquelle il pourra obtenir tous
les avantages du statut de salarié, notamment une indemnité de
licenciement. En cas de cessation de ses fonctions de gérant pour une cause
quelconque (révocation ou démission), il conserve le bénéfice de son
contrat de travail.

C. LA RÉMUNÉRATION DES GÉRANTS

Le Code de commerce ne contient aucune disposition relative à la


rémunération des gérants dans la SARL. C’est donc la jurisprudence qui a
progressivement élaboré le régime applicable aujourd’hui à cette question.
Après une période d’hésitation, la Cour de cassation avait affirmé, en 2009,
que la rémunération du gérant de SARL ne pouvait pas faire l’objet d’une
fixation judiciaire, dans la mesure où « le juge ne peut se substituer aux
organes sociaux légalement compétents » (Cass. com., 31 mars 2009, n° 08-
11860).
Dans un arrêt de principe (Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-22754), la Cour
de cassation a rappelé très clairement que « la rémunération du gérant
d’une société à responsabilité limitée est déterminée soit par les statuts, soit
par une décision de la collectivité des associés ».
Il est important de rappeler ici que cette rémunération ne constitue pas
juridiquement un salaire, car le gérant n’est pas (en cette qualité de gérant)
salarié de la société. Il est mandataire social.
Lorsque les statuts fixent la rémunération du gérant, ils peuvent prévoir
différentes formules. Cette rémunération peut être soit fixe, soit
proportionnelle aux bénéfices ou au chiffre d’affaires, soit à la fois fixe et
proportionnelle. Le gérant peut bénéficier, indépendamment de sa
rémunération de gérant, d’avantages en nature (logement, voiture), de
remboursement de frais engagés pour exercer sa mission (sur présentation
de justificatifs), et des indemnités et gratifications exceptionnelles en fin
d’exercice social.
Le plus souvent, les statuts ne font que prévoir le principe de la
rémunération du gérant et confient à l’assemblée générale des associés la
tâche de déterminer les modalités de calcul et le montant de cette
rémunération.
Si le gérant est associé, peut-il participer au vote de l’assemblée générale
statuant sur sa propre rémunération ?
Cette question est restée sans réponse claire pendant de très nombreuses
années. Depuis un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation en 2010,
l’interrogation n’a plus lieu d’être. La Cour de cassation a, en effet, très
clairement affirmé que « la détermination de la rémunération du gérant
d’une société à responsabilité limitée par l’assemblée des associés ne
procédant pas d’une convention [réglementée], le gérant peut, s’il est
associé, prendre part au vote » (Cass. com., 4 mai 2010, n° 09-13.205). Le
raisonnement de la Cour de cassation (déjà présent auparavant dans
certaines décisions de jurisprudence) est le suivant : dans la mesure où elle
émane directement de l’assemblée générale des associés, cette décision doit
être analysée comme un acte unilatéral et ne constitue donc pas un contrat
entre la société et son gérant. En effet, la fixation est une décision imposée
au gérant par la collectivité des associés. Ce faisant, elle échapperait à la
procédure de ratification des conventions réglementées (pour laquelle
l’associé concerné par la convention ne peut pas participer au vote).
Naturellement, dans l’hypothèse où le gérant est associé majoritaire, il est
évident que son poids politique au sein de l’assemblée générale lui permet
de définir sa propre rémunération. Le cas échéant, il convient donc de
s’assurer que son vote ne constitue pas un abus de majorité. Il semble
également qu’une rémunération excessive puisse être considérée par la
jurisprudence comme une faute de gestion du gérant susceptible d’engager
sa responsabilité civile, voire sa responsabilité pénale pour abus de biens
sociaux.

D. LA CESSATION DES FONCTIONS DES GÉRANTS

Les fonctions des gérants cessent avec l’arrivée du terme ou la survenance


d’un événement personnel empêchant les gérants d’exercer leurs fonctions
(décès, incapacité, interdiction de gérer, longue maladie, incompatibilité,
déchéance, incarcération) ou leur révocation (par les associés ou
judiciairement) et leur démission.
Le non-renouvellement du mandat d’un gérant arrivé à échéance ne saurait
s’analyser en une révocation nécessitant un juste motif.
Le gérant frappé d’une mesure d’interdiction ou de déchéance qui ne
démissionnerait pas, s’exposerait à des sanctions pénales et à une
révocation judiciaire pour cause légitime.
En cas de vacance de la gérance, pour quelque cause que ce soit, tout
associé ou le commissaire aux comptes a la faculté de convoquer
l’assemblée générale à seule fin de le remplacer en respectant le délai de
convocation de 8 jours et les mêmes formes que pour toute assemblée
(art. L. 223-27 al. 6 C. com.). La même règle a été introduite à propos du
gérant unique placé sous tutelle.
Deux catégories de cessation des fonctions méritent une attention
particulière :
la révocation du gérant ;
la démission du gérant.

1. La révocation des gérants par décision des associés


a. Les modalités de la révocation
Sauf clause contraire portée dans les statuts et exigeant une majorité plus
forte, les gérants sont révocables sur décision des associés représentant plus
de la moitié des parts sociales (art. L. 223-25 al. 1er C. com.) (majorité
absolue), quel que soit leur nombre sur première convocation. Si la majorité
n’est pas atteinte et que les statuts ne l’interdisent pas, une seconde
consultation peut avoir lieu, au cours de laquelle la révocation du gérant
interviendra à la majorité simple. La mise en œuvre de cette règle peut
soulever certaines difficultés pratiques :
consultation des associés : en cas de pluralité des gérants, l’un d’entre
eux pourra toujours convoquer l’assemblée ou consulter les associés par
correspondance (si stipulé expressément dans les statuts) sur la
révocation d’un ou plusieurs des autres gérants. Mais s’il n’existe qu’un
seul gérant, il est peu vraisemblable que celui-ci prenne l’initiative de la
consultation. Dans ce cas, les associés demandeurs doivent s’adresser au
président du tribunal de commerce, statuant en référé, pour obtenir la
désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale ;
vote de l’assemblée : en l’absence de toute disposition légale contraire, le
gérant, s’il est associé, participe au vote de l’assemblée.
La révocation du gérant produit effet dès la décision des associés ; en tout
état de cause, elle ne peut être rétroactive. Lorsque le nom du gérant figure
dans les statuts, la mention de ce nom devient caduque dès le jour du
prononcé de la révocation.
La clause des statuts qui imposerait la révocation du gérant par une décision
prise à l’unanimité des associés est nulle car elle rend le gérant irrévocable
s’il est par ailleurs associé.
b. Les conséquences d’une révocation non motivée
Le gérant a la possibilité de demander en justice (tribunal de commerce du
lieu du siège social) des dommages et intérêts s’il estime que la révocation a
été décidée sans juste motif (art. L. 223-25 al. 1er C. com.).
FOCUS
Notion de juste motif
La faute commise par le gérant constitue un juste motif de révocation. Mais constitue
aussi un juste motif, la révocation qui correspond au désir des associés d’améliorer la
gestion sociale ou de l’orienter dans un sens déterminé auquel le gérant se révélerait
nettement opposé, ou encore à l’absence de tenue régulière de la comptabilité et la
création d’un passif important. Plus généralement la notion de juste motif se définit non
pas seulement en fonction de l’activité ou du comportement du gérant, mais aussi en
fonction de l’intérêt social.
En revanche, la révocation n’est pas justifiée par exemple :

lorsqu’elle repose sur la volonté arbitraire des associés : en cas de changement de


majorité, en cas de désir des nouveaux associés de nommer un gérant de leur choix :
parent, ami, époux, pacsé…
lorsqu’elle est motivée par des divergences d’appréciation sur la conduite des
affaires sociales qui n’ont qu’une importance secondaire et qui auraient pu être
surmontées à l’amiable.
Même non motivée, la décision de révocation ne peut être contestée si elle a
été prise régulièrement. Le juge ne peut pas l’annuler.
Les tribunaux n’ont qu’à statuer sur l’allocation éventuelle de dommages et
intérêts au gérant révoqué. Ce dernier devra établir la faute commise par la
société (l’absence de juste motif à sa révocation) et prouver qu’il subit un
préjudice personnel. Les dommages et intérêts sont en principe à la charge
de la société.

2. La révocation judiciaire des gérants


Tout associé peut demander en justice la révocation du ou des gérants pour
une cause légitime (art. L. 223-25 al. 2 C. com.). La révocation judiciaire ne
sera prononcée que si une cause légitime existe.
En cas d’urgence, la révocation peut être décidée par le président du
tribunal de commerce du lieu du siège social, statuant en référé.

EXEMPLES
Causes légitimes
Un gérant abandonne ses fonctions et emporte un carnet de
chèques de la société, dont il se sert pour des motifs personnels
(TC Paris 18 juin 1974, Bull. Joly 1974, p. 596).
Un gérant d’une SARL exploitant une parapharmacie déménage à
500 kilomètres du lieu d’exploitation de la SARL et perd, de ce
fait, tout contact avec la clientèle, à tel point qu’il en est réduit à se
faire remplacer (pour la gérance de la société) par des vendeuses de
la parapharmacie (CA Paris 6 mars 2003, RJDA 12 mars, n° 1191).

3. La démission des gérants


La loi n’a rien prévu au sujet de la démission du gérant. En conséquence, on
fait ici application des mêmes règles que celles qui ont été exposées à
propos de la démission des gérants des sociétés en nom collectif. La
notification de la démission rend celle-ci définitive et le gérant ne peut plus
revenir dessus.
En pratique, il est parfois demandé au gérant lors de sa nomination de
signer une lettre de démission en blanc, c’est-à-dire non datée. La validité
des démissions en blanc appelle de sérieuses réserves car elles tournent les
dispositions légales. En effet, le gérant n’exprime pas ainsi une volonté
réfléchie et consciente de donner sa démission. Saisie de telles situations,
les juridictions apprécient les circonstances de la démission et jugent
généralement qu’il s’agit d’une révocation et non d’une démission, ouvrant
droit à des dommages et intérêts si elle n’est pas fondée sur un juste motif.
En l’absence de clauses statutaires, le gérant peut démissionner de ses
fonctions à tout moment, qu’il soit associé ou non. Mais la démission ne
doit pas être donnée de manière intempestive ou à contretemps. Dans cette
hypothèse, la société a droit à des dommages-intérêts au regard du préjudice
qu’elle subit.

4. Les conséquences de la cession des fonctions de gérants


Il faut ici se souvenir que toute cessation des fonctions qui n’est pas publiée
au RCS du lieu du siège social n’a aucun effet à l’égard des tiers qui
continuent de pouvoir mettre en cause le gérant et de considérer qu’il est
toujours dans l’exercice de ses fonctions de mandataire social.
L’ancien gérant peut obtenir des dommages-intérêts s’il a été révoqué sans
juste motif ou si la révocation a été prise dans des conditions abusives,
vexatoires, injurieuses à condition de saisir le tribunal de commerce et que
ce dernier lui donne satisfaction en reconnaissant l’absence de juste motif
de révocation ou des conditions de révocation abusives. Dans le cas où il
bénéficierait d’un contrat de travail, la cessation de ses fonctions de gérant
ne lui fait pas perdre le bénéfice de son contrat de travail qui se poursuit
comme précédemment.
Si le gérant est un associé de la SARL, la cessation de ses fonctions de
gérant ne remet pas en cause sa qualité d’associé.
Lorsque le gérant cesse ses fonctions, il doit néanmoins rendre compte de sa
mission lors de l’assemblée générale ordinaire obligatoire qui approuve les
comptes de l’exercice social au cours duquel cette cessation de fonctions est
intervenue.

II. Les pouvoirs des gérants


L’article L. 223-18 du Code de commerce énonce les pouvoirs des gérants
de SARL.
L’étendue de ces pouvoirs doit être définie de deux manières, qui sont
complémentaires :
d’une part, dans les rapports du gérant avec les associés (dans ce qu’on
appelle « l’ordre interne »), ce qui revient à se demander si les associés
ont autorisé le gérant à accomplir tel ou tel acte ;
d’autre part, dans les rapports du gérant avec les tiers (ce qu’on appelle
« l’ordre externe »), ce qui revient à se demander si la société est engagée
par l’acte accompli par le gérant.
A. LES POUVOIRS DES GÉRANTS DANS LEURS RAPPORTS
AVEC LES ASSOCIÉS

L’article L. 223-18 alinéa 4 du Code de commerce laisse aux associés le


soin de fixer dans les statuts comme ils l’entendent l’étendue des pouvoirs
du gérant. Les statuts peuvent ainsi limiter ces pouvoirs et imposer une
autorisation préalable de la collectivité des associés pour la conclusion de
certains contrats ou la réalisation d’opérations jugées trop importantes pour
être laissées à la seule initiative du ou des gérants (emprunts autres que les
crédits en banque, hypothèque sur les immeubles sociaux ou nantissement
du fonds de commerce, apports en société, vente de certains éléments de
l’actif immobilisé, engagements excédant une somme fixée dans les statuts,
etc.).
Si le gérant viole une clause restreignant ses pouvoirs, la société reste
engagée par l’acte mais les associés pourront lui demander réparation du
préjudice subi de ce fait ; ils pourront aussi le révoquer et prétendre
valablement que la méconnaissance des statuts constitue un juste motif
privant le gérant de revendiquer devant le juge tout droit à dommages-
intérêts.
Si les statuts ne contiennent pas de clause déterminant les pouvoirs du
gérant, celui-ci peut accomplir « tous actes de gestion dans l’intérêt de la
société » (art. L. 221-4 al. 1er C. com. sur renvoi de l’art. L. 223-18 al. 4
C. com.). Les actes « de gestion » doivent être entendus dans un sens large.
Ils peuvent comprendre des actes de disposition (vente) des biens sociaux,
dans la mesure où ceux-ci concernent l’exploitation de l’entreprise, aussi
bien que des actes de simple administration (donner à bail un local, louer
des locaux, payer une facture).
Lorsqu’il existe plusieurs gérants et que les statuts n’ont pas déterminé leurs
fonctions respectives, ni précisé qu’ils doivent agir conjointement, chacun
des gérants peut agir séparément, mais les autres ont la possibilité de
s’opposer à toute opération non encore conclue (art. L. 221-4 al. 2 C. com.
sur renvoi de l’art. L. 223-18 al. 7 C. com.).
L’opposition peut être faite sous une forme quelconque, pourvu qu’elle soit
nettement affirmée et notifiée par acte extrajudiciaire (exploit d’huissier),
lettre LRAR ou même déclaration devant témoins.
L’opposition d’un gérant à un acte que se propose de passer un autre gérant
permet au premier de dégager sa responsabilité à l’égard des associés.
En cas pluralité de gérants, les comptes sociaux et le rapport de gestion
doivent être établis par tous les gérants (art. L. 223-26 C. com.).

B. LES POUVOIRS DES GÉRANTS DANS LEURS RAPPORTS


AVEC LES TIERS

À l’égard des tiers, le gérant est le représentant légal de la société. Il est


« investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au
nom de la société » (art. L. 223-18 al. 5 C. com.).
Toute clause statutaire limitant les pouvoirs des gérants est inopposable aux
tiers (art. L. 223-18 al. 6 C. com.) même si ces derniers avaient
connaissance de l’existence d’une telle clause.
Dire que la clause est inopposable aux tiers signifie que cette clause ne
produit aucun effet à l’égard des tiers. En conséquence, la société est
engagée par l’acte accompli par le gérant, même si la réalisation de cet acte
lui était interdite par une clause des statuts.

EXEMPLE
Les statuts de la société X contiennent une clause interdisant au
dirigeant de conclure seul (sans l’autorisation de l’associé
majoritaire) des contrats d’un montant supérieur à 300 000 €. Si le
dirigeant conclut seul un contrat d’un montant de 400 000 €, ce
dirigeant aura outrepassé ses pouvoirs et pourra être sanctionné par
les associés ; cependant, la société reste engagée malgré la violation
de la clause statutaire !

La société est engagée même si les actes accomplis par le gérant n’entrent
pas dans l’objet social, « à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que
l’acte dépassait cet objet social ou qu’il ne pouvait l’ignorer, compte tenu
des circonstances » (art. L. 223-18 al. 5 C. com.). Il est bien évident qu’une
telle preuve sera, dans la généralité des cas, très difficile à apporter, d’autant
plus que l’article L. 223-18 al. 5 du Code de commerce écarte pour cela la
possibilité de faire état de la seule publication des statuts.
Les pouvoirs du gérant d’engager la société à l’égard des tiers ne sont pas
absolus. En aucun cas le gérant ne peut accomplir un acte pour lequel la loi
attribue expressément compétence aux associés (par exemple modifier les
statuts) (art. L. 223-18 al. 5 C. com.).
En cas de pluralité de gérants, chacun d’eux peut agir séparément
(art. L. 223-18 al. 7 C. com.). L’opposition d’un gérant à un acte accompli
par un autre gérant n’a aucun effet à l’égard des tiers (la société est donc
engagée par l’acte), sauf s’il est prouvé que les tiers ont eu connaissance de
cette opposition.

C. LE POUVOIR SPÉCIFIQUE DU GÉRANT EN MATIÈRE DE


TRANSFERT DU SIÈGE SOCIAL

En principe, le transfert du siège social est décidé par les associés. Cette
décision collective est soumise aux conditions de vote des décisions
collectives ordinaires (bien qu’il s’agisse d’une modification des statuts).
Cependant, le déplacement du siège social sur le territoire français peut être
décidé par le ou les gérants, sous réserve de ratification de cette décision
par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts
sociales.
REMARQUE

De la même façon, le gérant a le pouvoir de mettre seul les statuts en


conformité avec les dispositions impératives de la loi et des
règlements.
Tableau récapitulatif des pouvoirs des gérants de SARL
Effets à l’égard de la Effets à l’égard des tiers
société et/ou des associés

Règles Les statuts définissent Il engage la SARL par tous ses


générales librement les pouvoirs actes, y compris ceux qui
du gérant. À défaut de dépassent l’objet social, sauf si
clause statutaire les tiers connaissaient ou
contraire, il peut auraient dû connaître ce
accomplir « tous actes dépassement (la publication des
dans l’intérêt de la statuts est insuffisante à établir
société »(1). une telle preuve) et sous réserve
En cas de violation des pouvoirs que la loi attribue
d’une clause limitative aux autres organes.
de ses pouvoirs, il Clauses statutaires limitatives de
risque la révocation pouvoir inopposables aux tiers,
(pour juste motif) et même si ceux-ci en avaient
l’engagement de sa connaissance. La société reste
responsabilité civile. donc engagée.

Règles Dans le silence des statuts, Possibilité pour chacun des


propres à chacun peut agir gérants d’agir séparément.
la séparément, sauf à ce que Absence d’effet à l’égard des
cogérance les autres s’opposent à son tiers de l’opposition d’un gérant
opération avant qu’elle ne au projet d’acte d’un autre, sauf
soit conclue. Opposition connaissance de cette opposition
qui permet au gérant de par les tiers avant conclusion de
dégager sa responsabilité l’acte.
à l’égard des associés.
1. Acte de gestion dans l’intérêt de la société : payer des fournisseurs, embaucher du personnel,
gérer la trésorerie, vendre des biens de la société, etc.

III. Les responsabilités des gérants


A. LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES GÉRANTS

Les gérants sont responsables individuellement ou solidairement, selon le


cas, envers la société, les associés, voire les tiers, des fautes qu’ils peuvent
commettre dans l’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire des négligences
ou des imprudences ainsi que des manœuvres frauduleuses qui peuvent
entraîner des dommages, notamment pour la société. La responsabilité
civile personnelle du gérant n’est généralement engagée qu’à l’égard de la
société ou d’un associé. En effet, le gérant n’est responsable
personnellement envers les tiers qu’en cas de « faute détachable de ses
fonctions » (ce qui constitue une hypothèse assez rare). Les tiers qui
subissent un préjudice en raison d’un acte commis par le gérant au nom de
la société, engageront directement la responsabilité civile de la société.
Trois catégories de fautes du gérant sont définies par le Code de
commerce :
infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux
SARL ;
violation des statuts ;
faute de gestion.

EXEMPLES
Fautes de gestion
Commande trop importante passée par le gérant alors que la
société est déficitaire.
Absence d’assurance des locaux de la société.
Défaut de surveillance d’un cogérant ayant détourné des fonds
sociaux.
Assurances insuffisantes.
Conclusion d’un bail dans des conditions préjudiciables à la
société.
Absence d’avis aux associés sur la gravité de la situation financière
de la société.
Défaut de paiement des cotisations de Sécurité sociale alors que la
trésorerie le permettait.
Fraude fiscale.
Prêt consenti à des particuliers alors que l’objet social ne prévoyait
pas une telle possibilité.

Outre la faute commise par le gérant, il faut encore démontrer l’existence


d’un préjudice (subi par la société ou par un associé individuellement), ainsi
que l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
Il faut ajouter que le gérant peut aussi être déclaré fiscalement et
socialement responsable du non-paiement des impôts et des cotisations de
Sécurité sociale. Il devra en ce cas les payer personnellement ainsi que les
pénalités.
Deux types d’actions en responsabilité civile peuvent être engagés contre le
gérant :
soit l’action sociale (en cas de préjudice subi par la société) ;
soit l’action individuelle (en cas de préjudice individuel, subi par un
associé personnellement).
L’action sociale peut être exercée, au nom de la société, en cas de préjudice
subi par celle-ci, par plusieurs personnes :
soit tout associé, quelle que soit sa part dans le capital social ;
soit un groupe d’associés représentant au moins le dixième du capital
social ;
soit un autre gérant (généralement un cogérant ou le nouveau gérant).
En aucun cas, la mise en cause de la responsabilité du gérant ne peut être
écartée même si une assemblée donne quitus au gérant de sa gestion.
Dans l’hypothèse où l’action sociale est exercée par un associé ou un
groupe d’associés, il est bien évident que cette action est exercée au nom de
la société (et non au nom des associés agissant). Par conséquent, si l’action
aboutit, les dommages-intérêts seront versés à la société (et non pas aux
associés personnellement).
L’action individuelle est exercée par l’associé qui a personnellement subi le
préjudice. Comme cette action est exercée à titre personnel, les dommages-
intérêts auxquels pourra être condamné le gérant seront versés à l’associé
qui a subi le préjudice personnel.
L’action en responsabilité contre les gérants se prescrit par 3 ans. Ce délai
court à compter de la date du fait dommageable ou, si celui-ci a été
dissimulé, de sa révélation (art. L. 223-23 C. com.). Toutefois, lorsque le
fait dommageable constitue une infraction qualifiée de crime, l’action se
prescrit par 10 ans (art. L. 223-23 C. com.).
Les dirigeants sociaux contre lesquels sont exercées des actions mettant en
cause leur responsabilité civile à titre personnel ne peuvent pas faire
supporter par la société les frais de justice inhérents à ces actions.

B. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES GÉRANTS

Le délit majeur dont un gérant peut se rendre coupable est le délit d’abus de
biens sociaux. Ce délit sera commenté avec l’exposé de la responsabilité
pénale des administrateurs et dirigeants de sociétés anonymes dans le Cours
n° 4. La responsabilité pénale sera recherchée également en cas de
répartition de dividendes fictifs, présentation des comptes annuels ne
donnant pas une image fidèle du résultat de l’exercice social, émission de
valeurs mobilières quelconques hormis les titres obligataires permis par la
loi.
Les infractions pénales prévues à l’encontre des gérants sont applicables à
toute personne qui, directement ou par personne interposée, aura exercé la
gestion d’une SARL sous couvert ou au lieu et place de son gérant légal
(art. L. 241-9 C. com.). Les personnes punissables sont les gérants de droit
ou de fait et toute personne interposée.

SECTION 2.
Le contrôle de la gestion
Le contrôle exercé par les associés porte sur les conventions conclues entre
la société et l’un de ses gérants ou associés, et sur les comptes sociaux (I).
C’est aussi l’intervention d’un commissaire aux comptes (II).
Les associés ont également la possibilité de demander en justice la
nomination d’un expert chargé d’examiner les comptes de la société afin de
se munir de preuves en vue d’un éventuel litige : l’expertise de gestion
(III).

I. Les conventions conclues entre la société et l’un


de ses gérants ou associés
Pour éviter que certaines personnes tirent un avantage particulier de la
société du fait de leur qualité, associé ou gérant, la loi a instauré une
procédure de contrôle pour les contrats conclus entre la société et ces
personnes. Trois types de conventions existent : les conventions interdites
(A), les conventions réglementées (B) et les conventions libres (C).

A. LES CONVENTIONS INTERDITES

Il est interdit aux gérants ou aux associés personnes physiques de


contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts (obtenir une
somme d’argent) auprès de la société, de se faire consentir par elle un
découvert (forme de crédit) en compte courant d’associé ou autrement, ainsi
que de faire cautionner (second débiteur de la dette) ou avaliser
(engagement à payer le montant d’un effet de commerce) par elle leurs
engagements personnels envers des tiers.
L’inobservation de ces dispositions est sanctionnée par la nullité absolue du
contrat (art. L. 223-21 al. 1er C. com.).
Cette interdiction s’applique également :
aux représentants légaux des personnes morales associées ;
aux conjoints, ascendants et descendants des gérants, des associés ou des
représentants permanents des personnes morales associées ;
ainsi qu’à toute personne interposée.
En revanche, l’interdiction est écartée si l’associé est une personne morale
(art. L. 223-21 al. 1er C. com.). Il en va de même, si la société exploite un
établissement financier.
La nullité prévue par l’article L. 223-21 du Code de commerce est une
nullité absolue qui peut être invoquée non seulement par les associés, mais
aussi par les tiers y ayant un intérêt (né, actuel, légitime), et les créanciers
sociaux lésés pourvu que ceux-ci soient en mesure de justifier d’un intérêt
légitime.
Sur le plan pénal, des sanctions sont possibles si la convention interdite
constitue un détournement de fonds.

B. LES CONVENTIONS RÉGLEMENTÉES

1. Le domaine de la réglementation
Il existe deux catégories de conventions réglementées, soumises au contrôle
des associés (art. L. 223-19 al. 1 C. com.) :
toutes les conventions intervenues directement ou par personne
interposée entre la société et l’un de ses gérants ou associés ;
les conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment
responsable (société civile, SNC, associés commandités des SCS et des
SCA) ou un dirigeant est simultanément gérant ou associé de la SARL
(art. L. 223-19 al. 5 C. com.).

2. La procédure applicable
En principe, le contrôle est effectué a posteriori par la collectivité des
associés sur rapport préalable du gérant ou, s’il en existe un, du
commissaire aux comptes.
La procédure est la suivante :
lorsqu’il existe un commissaire aux comptes, le gérant doit aviser celui-ci
de la convention projetée ou de la convention intervenue (dans le délai de
1 mois à compter de la conclusion de ladite convention) ;
le gérant ou s’il en existe un, le commissaire aux comptes, établit un
rapport sur la convention contenant un certain nombre de mentions
(art. L. 223-19 al. 1 et R. 223-17 C. com.) qui sont :
l’énumération des conventions soumises à l’approbation de
l’assemblée des associés,
le nom des gérants ou associés intéressés,
la nature et l’objet desdites conventions,
les modalités essentielles de ces conventions,
l’importance des fournitures livrées ou des prestations de service
fournies ;
ce rapport est présenté à l’assemblée générale ordinaire ou joint au
document adressé aux associés en cas de consultation écrite ;
la collectivité des associés statue sur ce rapport et approuve ou
désapprouve les conventions ; le gérant ou l’associé intéressé ne peut pas
prendre part au vote (ses parts sociales ne sont pas prises en compte pour
le calcul de la majorité).
Cependant, lorsque le gérant est un tiers et que la SARL ne comporte pas de
commissaire aux comptes, la procédure de contrôle est préalable à la
conclusion de la convention. Dans ce cas, l’assemblée générale des associés
doit donc se tenir avant la conclusion de la convention. La procédure est
alors la même que celle décrite ci-dessus. Si les associés désapprouvent le
projet de convention, celle-ci ne pourra donc en principe pas être conclue.

3. Les conséquences du vote des associés


Le refus de ratification ou d’autorisation préalable par les associés
n’entraîne pas la nullité des conventions en cause, mais toutes les
conséquences dommageables pouvant en résulter pour la société restent à la
charge du gérant et, s’il y a lieu, de l’associé contractant. Si la convention
est passée par plusieurs gérants ou associés, leur responsabilité est solidaire
(art. L. 223-19 al. 4 C. com.).
L’action en responsabilité doit être intentée dans un délai de 3 ans à
compter de la conclusion de la convention ou, si elle a été dissimulée, à
compter de sa révélation.

C. LES CONVENTIONS LIBRES

Les contrats entrant en principe dans la catégorie des conventions


réglementées, sont qualifiés de conventions libres lorsqu’ils portent sur des
opérations courantes et qu’ils sont conclus à des conditions normales. Les
conventions libres ne sont pas soumises à la procédure de contrôle
(art. L. 223-20 C. com.).
Par opérations courantes, il faut entendre celles effectuées dans le cadre de
son activité par la société (objet social) et par conditions normales, celles
habituellement pratiquées par la société (conditions économiques et/ou
juridiques).

II. Les commissaires aux comptes


Les SARL sont tenues d’avoir au moins un commissaire aux comptes (un
titulaire, plus un suppléant) si, à la clôture d’un exercice social, elles
dépassent deux au moins des trois seuils suivants (art. L. 223-35 C. com.) :
total du bilan : 4 M€ ;
chiffre d’affaires hors taxes : 8 M€ ;
nombre moyen de salariés : 50.
Si la SARL ne dépasse pas au moins deux seuils sur les trois indiqués ci-
avant, la désignation d’un commissaire aux comptes est facultative.
L’obligation de désignation d’un commissaire aux comptes peut aussi
résulter d’une clause expresse des statuts ou être imposée par ordonnance
du président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés à la
demande d’un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du
capital social (art. L. 223-35 al. 3 C. com.).
Sont également tenues de désigner un commissaire aux comptes, pour un
mandat de trois exercices, les sociétés dont un ou plusieurs associés
représentant au moins le tiers du capital en font la demande motivée auprès
de la société (art. L. 223-35 al. 4 C. com., issu de la loi du 19 juillet 2019).
La SARL tenue à cette obligation de désigner un commissaire aux comptes
et dont les comptes des trois derniers exercices sont approuvés peut émettre
des obligations nominatives.
La société n’est plus tenue d’avoir un commissaire aux comptes dès lors
qu’elle n’a plus rempli les conditions ci-avant pendant les deux exercices
sociaux précédant l’expiration du mandat des commissaires aux comptes
(art. L. 221-5 al. 2 C. com.).

III. L’expertise de gestion


Il s’agit d’une mesure d’instruction par un technicien désigné par le juge.
Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième (10 %) du capital
social peuvent soit individuellement, soit en se groupant sous quelque
forme que ce soit, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs
experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de
gestion (art. L. 223-37 C. com.).
Cette demande peut aussi être présentée par le ministère public et le comité
social et économique (CSE) (art. L. 223-37 C. com.).
Contrairement aux règles gouvernant l’expertise de gestion dans la SA,
celles applicables à la SARL sont moins contraignantes : les associés de
SARL peuvent directement agir en justice pour obtenir la désignation d’un
expert de gestion, sans avoir à interroger au préalable le gérant sur
l’opération de gestion litigieuse.
Outre cette différence liée à la procédure, une autre différence mérite d’être
soulignée : dans les SARL, l’action en demande d’expertise de gestion est
ouverte à un ou plusieurs associés représentant au moins 10 % du capital
social, alors que dans les SA le seuil de détention est de 5 %.
Le rapport du ou des experts devra être déposé au greffe du tribunal de
commerce du lieu du siège social, et adressé par les soins du greffier au
demandeur, au gérant, au ministère public, au CSE et au commissaire aux
comptes s’il existe. Il devra, en outre, être annexé à celui établi par le
commissaire aux comptes en vue de l’assemblée générale suivante et
recevoir la même publicité (art. L. 223-37 al. 4 et R. 223-30 C. com.).

SECTION 3.
Les décisions collectives

La loi donne aux associés un pouvoir décisionnel de façon à prendre part au


fonctionnement de la SARL. Pour prendre leurs décisions, ils sont
consultés, dans des conditions qui laissent une certaine souplesse aux
statuts.

I. Les dispositions générales


En principe, les décisions collectives sont prises en assemblées générales
(art. L. 223-27 al. 1 C. com.). Ce mode de consultation est même
obligatoire dans deux cas :
pour l’approbation annuelle des comptes (art. L. 223-27 al. 1 C. com.) ;
lorsque la réunion a été demandée par un ou plusieurs associés
représentant au moins, soit à la fois le dixième (10 %) en nombre des
associés et le dixième (10 %) des parts sociales, soit seulement la moitié
des parts sociales (art. L. 223-27 al. 4 C. com.).
Dans tous les autres cas, les statuts peuvent prévoir que les décisions
collectives seront prises par une consultation par correspondance des
associés ou qu’elles pourront résulter du consentement de tous les associés
(par un acte sous signature privée ou notarié) (art. L. 223-27 al. 1 C. com.).
Les statuts peuvent également limiter cette consultation par correspondance
à certaines décisions.

A. LES ASSEMBLÉES

1. La convocation des assemblées


a. Le droit de convocation
Le soin de convoquer les assemblées générales incombe à la gérance. S’il y
a pluralité de gérants, le droit de convocation peut être librement fixé dans
les statuts et confié soit à chaque gérant, soit à tous les gérants agissant
collectivement.
En cas de carence du gérant, c’est au commissaire aux comptes, s’il en
existe un, qu’il appartient de faire le nécessaire ; cette compétence est
seulement subsidiaire de celle de la gérance.
En cas de vacance de la gérance pour quelque cause que ce soit ou du
placement sous tutelle du gérant unique, la convocation relève soit de tout
associé, soit du commissaire aux comptes, mais à seule fin de le remplacer.
Dans ce cas, le délai de convocation est réduit à 8 jours.
Tout associé peut aussi demander au président du tribunal de commerce du
lieu du siège social statuant par ordonnance en référé, la désignation d’un
mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour
(art. L. 223-27 al. 5 et R. 223-20 al. 5 C. com.) ainsi que la date et le lieu de
la réunion.
Les convocations doivent être adressées à chacun des associés par lettre
recommandée (art. R. 223-20 al. 1 C. com.) 15 jours au moins avant la date
de la réunion. Ce délai est un minimum, les statuts pourraient en prévoir un
plus long. Cependant, une convocation verbale est admise si tous les
associés sont présents ou représentés.
La société qui entend recourir à la communication électronique en lieu et
place d’un envoi postal en soumet la proposition aux associés soit par voie
postale, soit par voie électronique. Chaque associé peut donner son accord
écrit par lettre recommandée ou par voie électronique, au plus tard 20 jours
avant la date de la prochaine assemblée des associés. En cas d’accord, la
convocation et les documents et renseignements sont transmis à l’adresse
indiquée par l’associé (art. R. 223-20 al. 2).
b. L’ordre du jour
L’ordre du jour de l’assemblée générale doit être indiqué dans les lettres de
convocation. Les questions inscrites à l’ordre du jour doivent être libellées
de telle sorte que leur portée et leur contenu apparaissent clairement, sans
qu’il y ait lieu de se reporter à d’autres documents. La rubrique « Questions
diverses » est admise mais elle ne peut recouvrir que des sujets de minime
importance (art. R. 223-20 al. 4 C. com.).
L’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures
facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des
sociétés, prise en complément de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016,
dite « Sapin 2 », ouvre le droit pour les associés minoritaires de contribuer à
la fixation de l’ordre du jour de l’assemblée générale. Ce droit est ouvert à
un ou plusieurs associés détenant 5 % des parts sociales et toute clause
contraire est réputée non écrite, ce qui garantit l’effectivité de ce droit
d’intervention dans l’ordre du jour.
c. Le lieu de la réunion
En l’absence de dispositions légales ou réglementaires à cet égard, les
associés fixent librement dans les statuts le lieu de réunion des assemblées
générales. Il est donc nécessaire de se reporter à la loi sociale que
constituent les statuts.
En vertu de la règle du parallélisme des formes, l’auteur de la convocation a
le pouvoir d’ajourner l’assemblée. De même, les associés peuvent en séance
décider l’ajournement notamment en raison d’incidents imprévus ou de
l’impossibilité d’épuiser l’ordre du jour.

2. Le droit de communication des associés


a. Le droit de communication préalable à l’assemblée générale
annuelle
L’étendue du droit de communication
Le gérant doit communiquer aux associés les documents suivants
concernant l’exercice social écoulé (art. L. 223-26 al. 2 C. com.) 15 jours
avant l’assemblée annuelle :
inventaire ;
comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) ;
rapport du gérant sur sa gestion qui doit être suffisamment complet ;
texte des résolutions proposées ;
rapport du commissaire aux comptes s’il en existe ;
les comptes consolidés et le rapport sur la gestion du groupe quand la
société doit les tenir.
Il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire qui oblige le gérant à
communiquer tant le rapport spécial du gérant que celui du commissaire
aux comptes sur les conventions intervenues entre la société ou l’un de ses
gérants ou associés.
Les modalités d’exercice du droit de communication
Il appartient au gérant d’envoyer aux associés les documents ci-avant, à
l’exception de l’inventaire, 15 jours au moins avant l’assemblée générale
annuelle. Quant à l’inventaire, il doit être tenu au siège social à la
disposition des associés pendant un délai de 15 jours avant l’assemblée
annuelle (art. R. 223-18 al. 2 C. com.).
L’injonction de faire
Si un associé ne parvient pas à obtenir les documents auquel il a droit, il
peut demander au président du tribunal de commerce du lieu du siège social
statuant en référé, soit d’enjoindre sous astreinte au gérant de les
communiquer, soit de désigner un mandataire chargé d’effectuer cette
communication (art. L. 238-1 al. 1 C. com.).
Au regard de l’article L. 223-26 al. 3 du Code de commerce, à compter de
la date de communication des documents, tout associé a la faculté de poser
par écrit des questions auxquelles le gérant est tenu de répondre au cours de
l’assemblée générale.
b. Le droit de communication préalable aux assemblées autres que
l’assemblée générale annuelle
En cas de convocation d’une assemblée autre que l’assemblée ordinaire
annuelle, les documents suivants doivent être adressés aux associés,
15 jours au moins avant la date de réunion (art. R. 223-19 al. 1 C. com.) :
texte des résolutions proposées ;
rapport des gérants ;
le cas échéant, rapport du commissaire aux comptes.
Ces mêmes documents doivent être tenus également pendant les 15 jours
qui précèdent l’assemblée, au siège social à la disposition des associés, qui
pourront ainsi en prendre connaissance ou copie (art. R. 223-19 al. 2
C. com.).

3. La tenue des assemblées


a. La participation aux assemblées
Aucun associé ne peut être exclu de l’assemblée. Toute clause des statuts
qui limiterait l’accès aux assemblées, en le subordonnant par exemple à la
propriété d’une fraction déterminée des parts sociales, serait réputée non
écrite (art. L. 223-28 al. 5 C. com.). Ainsi, le nu-propriétaire peut-il
participer à toutes les assemblées, même celles dans lesquelles le droit de
vote est exercé par l’usufruitier43.
Les personnes morales associées sont valablement représentées par leurs
représentants légaux (gérant, président, administrateur, directeur général,
etc.).
Le commissaire aux comptes, s’il en existe un, a également accès à toutes
les assemblées générales (art. L. 223-39 al. 1 C. com.).
Depuis le 1er janvier 2009, les associés peuvent, sous certaines conditions,
participer aux assemblées générales par visioconférence (art. L. 223-27 al. 3
C. com.).
Toutefois, cette participation par visioconférence est limitée :
d’une part, elle n’est possible que si les statuts l’ont expressément
prévue ;
d’autre part, même si les statuts admettent expressément ce mode de
participation, la visioconférence ne peut pas être utilisée lorsque
l’assemblée générale délibère sur les comptes annuels du dernier exercice
(comptes individuels de la SARL ou comptes consolidés si la SARL est à
la tête d’un groupe de sociétés) ;
enfin, la clause statutaire autorisant expressément le recours à la
visioconférence pour participer à une assemblée générale peut parfois
s’avérer inefficace. En effet, ces mêmes statuts peuvent reconnaître à un
certain nombre d’associés un droit d’opposition, leur permettant de faire
obstacle à la participation d’autres associés par visioconférence pour une
délibération déterminée. Ce droit d’opposition n’est donc pas général, car
il ne peut être mis en œuvre que délibération par délibération et suppose
d’avoir été expressément prévu par les statuts. Le législateur a précisé
qu’il pouvait être reconnu « au profit d’un nombre déterminé
d’associés » : cette expression ne semble pas signifier que ce droit peut
être réservé à certains associés nommément identifiés, mais que
l’exercice de ce droit peut être subordonné à la détention d’un nombre
minimum de parts sociales.
Lorsque des associés participent à une assemblée générale par
visioconférence, leurs parts sociales sont donc prises en compte tant pour le
calcul du quorum que pour le calcul de la majorité. Ces associés sont donc
réputés être présents.
Bien entendu, le recours à la visioconférence est subordonné au respect
d’exigences techniques de fiabilité. Le décret n° 2009-234 du 25 février
2009 a déterminé la nature et les conditions d’application de la
visioconférence permettant de garantir l’identification des associés. Il est
notamment exigé une retransmission continue et simultanée des
délibérations de l’assemblée générale, transmettant la voix des
participants44.
b. Le mandat (pouvoir d’agir au nom et pour le compte de l’associé)
Nonobstant toute clause contraire, les associés peuvent se faire représenter
aux AG par un mandataire de leur choix (personne ayant le pouvoir d’agir
au nom et pour le compte de l’associé) : article L. 223-28 C. com.
Le mandataire peut être le conjoint à condition que les époux ne soient pas
les seuls associés.
Le mandataire peut être un associé à condition que la société comporte plus
de deux associés.
Le mandataire peut être un tiers à condition que la possibilité soit prévue
par les statuts.
Le mandat permanent est prohibé.
En outre, le mandat doit être global, c’est-à-dire porter sur la totalité des
parts sociales.
c. La feuille de présence
Bien qu’aucun texte ne l’exige, il est à conseiller de préparer une feuille de
présence pour l’assemblée et de la faire signer par les associés ou leurs
mandataires ; celle-ci doit mentionner le nom des associés présents ou
représentés et celui des mandataires.
d. La présidence de l’assemblée
L’assemblée est présidée en principe par le gérant ou l’un des gérants
(art. R. 223-23 al. 1 C. com.).
Toutefois, si aucun des gérants n’est associé, elle est présidée par l’associé,
présent et acceptant, qui possède ou représente le plus grand nombre de
parts sociales (art. R. 223-23 al. 1 C. com.).

4. Le vote
Chaque associé dispose d’un nombre de voix égal au nombre de parts
sociales qu’il possède (art. L. 223-28 al. 1 C. com.). Il est interdit de créer
des parts sociales à droit de vote plural.
Le droit de vote ne peut être exercé que par l’associé ou son mandataire
muni d’un pouvoir spécial.
En cas d’usufruit, l’usufruitier n’est autorisé en principe à voter que sur la
délibération d’affectation des bénéfices. Toutefois, ces dispositions n’étant
pas impératives, les statuts peuvent y déroger et organiser de manière
différente la répartition du droit de vote (art. 1844 C. civ.). Par ailleurs, les
conventions particulières conclues entre nus-propriétaires et usufruitiers
sont désormais autorisées et peuvent étendre le droit de vote des usufruitiers
à toutes les décisions sociales.
En cas d’indivision, les indivisaires doivent se faire représenter par un
mandataire unique qui doit être choisi parmi les indivisaires ou en dehors
d’eux.
5. Les procès-verbaux
Comme dans toutes les sociétés commerciales, les procès-verbaux des
assemblées doivent être établis sur un registre spécial, coté et paraphé ou
sur des feuilles mobiles également cotées et paraphées soit par un juge du
tribunal judiciaire ou de commerce, soit par le maire ou un adjoint de la
commune du lieu du siège social. En outre, les procès-verbaux doivent
comporter un certain nombre de mentions, notamment :
la date et le lieu de la réunion ;
les noms, prénoms des associés présents ou représentés, avec l’indication
du nombre de parts sociales détenues par chacun d’eux ;
les documents et les rapports soumis à l’assemblée ;
le texte des résolutions mises aux voix ;
le résultat des votes.
Les procès-verbaux sont établis et signés par les gérants et, le cas échéant,
par le président de séance lorsque, aucun gérant n’étant associé, il a été
nécessaire d’en désigner un. Si la société est en liquidation, cette
certification incombe au liquidateur (art. R. 221-4 C. com.).

B. LA CONSULTATION PAR CORRESPONDANCE

Les statuts peuvent stipuler qu’à l’exception de l’approbation annuelle des


comptes, toutes les décisions ou certaines d’entre elles pourront être prises
par consultation écrite des associés (art. L. 223-27 al. 1 C. com.).
En cas de consultation écrite, le gérant doit communiquer le texte des
résolutions proposées ainsi que les documents nécessaires à l’information
des associés, par lettre recommandée (art. R. 223-22 al. 1 C. com.). Par
documents nécessaires, on entend les mêmes documents que ceux qui sont
communiqués aux associés avant la réunion l’assemblée générale.
Les associés disposent d’un délai minimal de 15 jours à compter de la date
de réception des projets de résolution pour émettre leur vote par écrit
(art. R. 223-22 al. 2 C. com.). Le droit de voter appartient à tous les
associés, même ceux investis de la fonction de gérant ou de liquidateur.
Les procès-verbaux des consultations écrites sont établis et signés par les
gérants, en outre ils doivent mentionner que la délibération a eu lieu par
voie de consultation écrite.

C. L’ACTE SOUS SIGNATURE PRIVÉE OU NOTARIÉ

Depuis la loi n° 94-126 du 11 février 1994, les décisions collectives, autres


que celles concernant l’approbation annuelle des comptes, peuvent
valablement résulter d’un acte sous signature privée ou notarié signé par
tous les associés (c’est la manifestation de leur consentement à l’acte)
(art. L. 223-27 al. 1 C. com.).
Ce procédé ne peut être utilisé que s’il est prévu par les statuts. Il présente
de l’intérêt dans les sociétés groupant un petit nombre d’associés et permet
de prendre des décisions sans délai, ni formalisme dès lors que tous les
associés sont d’accord. Mais cet acte n’est opposable à la société qu’à partir
du moment où son gérant, s’il n’est pas associé, en a eu connaissance.

II. Les décisions collectives ordinaires


Les décisions collectives ordinaires ont pour but de statuer sur les comptes
de l’exercice social écoulé, d’autoriser la gérance à effectuer telle ou telle
opération subordonnée dans les statuts à l’accord préalable des associés, de
procéder à la nomination ou au remplacement des gérants et des
commissaires aux comptes, d’approuver les conventions règlementées et,
plus généralement de statuer sur toutes les questions qui n’entraînent pas
modification des statuts.
Toutefois, une décision modifiant les statuts est désormais soumise aux
conditions de vote des décisions collectives ordinaires : le transfert du siège
social. En effet, depuis la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, le
déplacement du siège social est décidé par un ou plusieurs associés
représentant plus de la moitié des parts sociales.

A. LA MAJORITÉ REQUISE

Étant rappelé que chaque part sociale donne droit à une voix, les décisions
ordinaires sont valablement adoptées :
sur première consultation, par un total de voix correspondant à plus de la
moitié des parts sociales (majorité absolue), que ce résultat soit obtenu
par le vote d’un seul ou de plusieurs associés ; ce calcul tient donc
compte de toutes les parts sociales composant le capital social, et non pas
uniquement de celles des associés présents ou représentés ;
sur seconde consultation, par la majorité des voix émises (majorité
relative) par les associés présents et représentés, quelle que soit la
fraction du capital détenue par ces associés ayant participé au vote.

EXEMPLE
Une SARL a un capital social de 20 000 €, divisé en 2 000 parts
sociales de 10 € chacune.
Nous rappelons que dans les SARL chaque part sociale donne
toujours droit à une voix. Il y a donc ici 2 000 voix. La majorité
absolue est donc atteinte lorsque plus de 1 000 voix se prononcent
dans le même sens.
Si, par exemple, seulement 800 voix se sont prononcées en faveur
d’une décision collective ordinaire, la majorité absolue n’est donc pas
atteinte et cette décision n’est pas adoptée. Si les statuts ne
l’interdisent pas, il peut donc y avoir une seconde consultation. Dans
le cadre de cette seconde consultation, si 700 voix sont présentes et
120 sont représentées, la majorité sera calculée au regard de ces voix
présentes et de ces voix représentées. On fera donc abstraction des
voix qui ne sont pas présentes et qui ne sont pas représentées. La
majorité dite relative sera donc atteinte si plus de la moitié de ces
820 voix se prononcent dans le même sens.
Toutefois, les statuts peuvent, par une stipulation expresse, écarter cette
seconde consultation et imposer la majorité absolue pour toutes les
décisions ordinaires (art. L. 223-29 C. com.).
Le non-respect des règles de majorité des assemblées d’associés est
sanctionné d’une nullité facultative.

B. LES RÈGLES PROPRES À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE


ORDINAIRE ANNUELLE

1. L’établissement du bilan et des comptes annuels


À la clôture de chaque exercice social, les gérants doivent établir les
documents suivants (art. L. 232-1 C. com.) :
inventaire ;
comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) ;
rapport de gestion.
Les gérants qui n’auraient pas établi à l’issue de chaque exercice social ces
documents s’exposeraient à une amende de 9 000 € (art. L. 241-4 al. 1
C. com.).

2. Le contenu du rapport de gestion


Les gérants doivent établir un rapport exposant la situation de la société
durant l’exercice social écoulé, son évolution prévisible, les événements
importants survenus entre la date de la clôture de l’exercice social et celle à
laquelle le rapport est établi, ainsi que les activités de la société en matière
de recherche et de développement (art. L. 232-1 C. com.).
Des informations complémentaires doivent figurer le cas échéant : la
modification dans la présentation des comptes sociaux, les dividendes
versés au titre des trois exercices précédents, la prise de participation
significative ou de contrôle, l’activité des filiales, la régularisation des
participations croisées.
3. L’époque de réunion de l’assemblée
L’assemblée ordinaire annuelle doit être réunie dans les 6 mois de la clôture
de chaque exercice social. Au cours de cette assemblée, les documents
énumérés concernant l’exercice social écoulé doivent être soumis aux
associés (art. L. 223-26 al. 1 C. com.).
Si l’assemblée n’a pas été réunie dans ce délai, le ministère public
(procureur et substituts du procureur) ou toute personne intéressée peut
exercer une action en justice (en référé) visant, soit à enjoindre au gérant de
convoquer au plus vite l’assemblée, soit à désigner un mandataire dont le
rôle sera la convocation de cette assemblée (art. L. 223-26 al. 1 C. com.).

III. Les décisions collectives extraordinaires

A. LES RÈGLES GÉNÉRALES

1. Le cas particulier du déplacement du siège social


Le transfert du siège social est une décision modifiant les statuts, mais
soumise aux conditions des décisions ordinaires. En effet, depuis la loi
n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, le déplacement du siège social sur le
territoire français est décidé par un ou plusieurs associés représentant plus
de la moitié des parts sociales. De plus, cette décision peut être prise par le
gérant, à condition qu’elle soit ensuite ratifiée par les associés, aux
conditions de vote des décisions collectives ordinaires (renvoi à
l’art. L. 223-29 C. com. par l’art. L. 223-18 C. com.).

2. Les règles de vote des décisions collectives


extraordinaires
Pour les sociétés constituées jusqu’au 3 août 2005, les modifications des
statuts sont décidées par les associés représentant au moins les 3/4 des parts
sociales. Il n’est pas possible d’aggraver, dans les statuts, ces conditions de
majorité (art. L. 223-30 al. 2 C. com.).
Pour les sociétés constituées à compter du 4 août 2005, les assemblées ne
délibèrent valablement pour la modification des statuts que sous réserve du
respect des conditions de quorum et de majorité (art. L. 223-30 al. 3
C. com.).
Quorum exigé (pour s’assurer que l’assemblée générale est suffisamment
représentative des associés) :
sur première convocation, au moins un quart des parts sociales doivent
être présentes ou représentées ;
sur seconde convocation, au moins un cinquième des parts sociales
doivent être présentes ou représentées.
Les statuts peuvent valablement prévoir des quorums plus élevés.
Majorité : les décisions sont valablement décidées à la majorité des deux
tiers des parts sociales détenues par les associés présents ou représentés.
Cependant, les statuts peuvent prévoir une majorité plus élevée, sans
toutefois exiger l’unanimité.

EXEMPLE
Une SARL a un capital social de 20 000 €, divisé en 2 000 parts
sociales de 10 € chacune. Nous rappelons que dans les SARL chaque
part sociale donne toujours droit à une voix. Il y a donc ici
2 000 voix.
Si la SARL a été constituée avant le 4 août 2005, les décisions
modificatives des statuts nécessitent qu’au moins 1 500 voix
approuvent la décision.
Si la SARL a été constituée à partir du 4 août 2005, il faut tout
d’abord s’interroger sur le respect du quorum. L’AGE ne peut donc
avoir lieu que si, sur première convocation, au moins le quart des
parts sociales sont présentes ou représentées, soit ici au moins
500 parts sociales (ou 500 voix, ce qui revient au même). Tel sera le
cas si, par exemple, 400 parts sociales sont présentes et 120 sont
représentées. En revanche, si les parts présentes et les parts
représentées n’atteignent pas ici ce seuil de 500, l’AGE ne pourra pas
avoir lieu. Il faudra alors envisager une seconde consultation (cette
fois, le quorum exigé ne sera que d’un cinquième ; il suffira donc
qu’au moins 400 parts sociales soient présentes ou représentées pour
que l’AGE puisse se tenir). Dès lors que le quorum est atteint, soit sur
première convocation, soit sur seconde convocation, l’AGE peut se
tenir et se pose alors la question de la majorité : la majorité exigée
sera ici de 2/3 des parts présentes et des parts représentées. Si, par
exemple, 700 parts sont présentes et 245 représentées, la décision
sera adoptée si 2/3 des 945 parts l’approuvent (soit au moins 630).

Toutefois :
l’unanimité est requise pour le changement de nationalité, la
transformation en société en nom collectif ou en commandite simple, la
transformation en société par actions simplifiée et l’augmentation des
engagements des associés ;
une double majorité en nombre et en parts sociales est exigée en cas de
cession de parts à des tiers ; cependant, les statuts peuvent valablement
contenir des exigences de majorité plus strictes ;
la majorité absolue est exigée pour révoquer un gérant, même s’il est
statutaire (les statuts pouvant exiger une majorité plus élevée) ;
la majorité simple suffit pour transformer la SARL en société anonyme,
sous réserve que les capitaux propres figurant au dernier bilan excèdent
750 000 € ;
enfin, en cas d’augmentation de capital par incorporation de réserves, ou
de bénéfices, la décision peut être prise par des associés représentant
seulement la moitié des parts sociales.
Le non-respect des règles de majorité des assemblées d’associés est
sanctionné d’une nullité facultative.

B. LES PRINCIPALES DÉCISIONS EXTRAORDINAIRES

1. L’augmentation du capital social


a. L’agrément des nouveaux associés (personnes physiques ou
morales)
Lorsque les parts sociales nouvelles sont souscrites par des personnes non
associées, il faut considérer que celles-ci doivent être agréées par les autres
associés dans les mêmes conditions que si leur entrée dans la société
résultait d’une cession de parts sociales, c’est-à-dire à la majorité par tête
des associés représentant la moitié des parts sociales.
b. L’existence de réserves
Les réserves sont des bénéfices affectés durablement à la société, jusqu’à
une nouvelle décision. Lorsqu’il existe des réserves ou des plus-values
latentes, les associés qui ne participent pas à l’augmentation de capital
social au prorata du nombre de leurs parts sociales risquent de se trouver
lésés si l’on ne tient pas compte de l’écart existant entre la valeur réelle et la
valeur nominale des parts attribuées à l’occasion de cette augmentation de
capital social.
Par ailleurs, dans les sociétés de famille, cet avantage consenti aux
nouveaux associés peut constituer une donation déguisée.
Deux procédés peuvent être employés, au besoin cumulativement, pour
équilibrer l’opération : la création d’un droit préférentiel de souscription
réservé aux anciens associés ; la fixation d’une prime d’émission qui vient
s’ajouter à la valeur nominale des parts nouvelles, cette prime d’émission
étant versée à la société et non aux associés.
c. Les apports
Les apports sont réalisés à l’occasion de l’augmentation du capital social
comme au moment de la constitution de la société.
S’agissant d’une augmentation de capital par apport en nature, la présence
d’un commissaire aux apports est en principe requise.
Le commissaire aux apports est désigné à l’unanimité des associés ou, à
défaut, par la voie judiciaire à la demande d’un associé ou du gérant.
Alors que la présence d’un commissaire aux apports était requise quelle que
soit la valeur des biens apportés, la loi Sapin 2, n° 2016-1691 du
9 décembre 2016 a étendu les exceptions prévues à l’article L. 223-9 du
Code de commerce pour la constitution de la SARL aux apports en nature
réalisés dans le cadre d’une augmentation de capital. Ainsi donc, si la
valeur du bien est inférieure à 30 000 € et si la totalité des apports en nature
n’excède pas la moitié du capital social, les associés peuvent décider à
l’unanimité de ne pas recourir à l’évaluation par un commissaire aux
apports.
Si les associés ne font pas intervenir de commissaire aux apports ou s’ils
retiennent une valeur différente de celle proposée par le commissaire aux
apports, le gérant de la SARL et les personnes ayant souscrit à
l’augmentation de capital sont solidairement responsables pendant 5 ans, à
l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature.
S’agissant d’une augmentation de capital par apports en numéraire, elle ne
peut avoir lieu qu’à la condition que le capital antérieur ait été
intégralement libéré. Les parts sociales nouvelles représentatives d’apports
en numéraire doivent être libérées d’au moins un quart de leur valeur
nominale, la libération du surplus devant intervenir, en une ou plusieurs
fois, sur appel de fonds de la part du gérant au cours des 5 années suivantes.
d. L’incorporation des réserves ou des bénéfices
Par analogie aux règles applicables aux SA, la décision d’augmentation du
capital social par incorporation de réserves ou de bénéfices peut désormais
être prise par des associés représentant seulement la moitié des parts
sociales existantes (art. L. 223-30 dernier al. C. com.).
L’opération peut être réalisée :
soit par la création de parts nouvelles de même montant nominal que les
anciennes ;
soit par l’élévation du montant nominal des parts sociales.

2. La réduction du capital social


La réduction du capital social est une opération très risquée pour les
créanciers puisqu’elle leur fait perdre une partie du gage sur lequel ils
pouvaient compter. C’est pourquoi la loi la réglemente sérieusement. Elle
sera mise en place par l’assemblée générale extraordinaire des associés
statuant à la majorité des 3/4 des parts sociales pour les sociétés constituées
jusqu’au 3 août 2005, et de deux tiers pour les sociétés constituées après
(sauf clause contraire des statuts exigeant une majorité plus élevée), sous
réserve du respect du quorum.
a. L’intervention des commissaires aux comptes
S’il existe des commissaires aux comptes, le projet de réduction du capital
social doit leur être communiqué 45 jours au moins avant la consultation
des associés pour qu’ils fassent connaître leurs observations sur les
conditions et causes de la réduction (art. L. 223-34 al. 2 C. com.).
b. L’opposition des créanciers
En cas de réduction du capital social non motivée par des pertes, les
créanciers dont le titre est antérieur à la date du dépôt au greffe du procès-
verbal de la délibération peuvent former opposition à la réduction dans le
délai de 1 mois à compter de la date de ce dépôt. Cette opposition doit être
signifiée par acte extrajudiciaire à la société et portée devant le tribunal de
commerce (art. R. 223-35 al. 2 C. com.).
c. Les modalités de la réduction du capital social
Trois procédés peuvent être utilisés :
premier procédé : réduction du nominal des parts sociales ;
deuxième procédé : diminution du nombre des parts ;
troisième procédé : achat par la société des parts sociales pour les
annuler.
Le capital social peut être réduit à un montant inférieur au minimum
statutaire par l’assemblée générale extraordinaire des associés statuant à la
majorité des 3/4 des parts sociales pour les SARL constituées jusqu’au
3 août 2005 et à la majorité des 2/3 des parts sociales présentes ou
représentées (sauf clause statutaire exigeant une majorité plus élevée) pour
les SARL constituées après cette date.

3. La perte de la moitié du capital social


Si, du fait de pertes, le montant des capitaux propres de la société devient
inférieur à la moitié du capital social, le gérant doit, dans les 4 mois qui
suivent l’approbation des comptes en assemblée générale ordinaire ayant
fait apparaître ces pertes, consulter les associés sur l’opportunité de
prononcer la dissolution anticipée de la société (art. L. 223-42 al. 1
C. com.). Le détail de cette question, qui se présente dans les mêmes termes
dans les sociétés anonymes, sera examiné à cette occasion (voir Cours
n° 2).

IV. Les assemblées d’obligataires


Au regard de l’article L. 223-11 du Code de commerce, il est possible pour
les SARL de créer des obligations nominatives sous certaines conditions.
Cette faculté est offerte aux SARL satisfaisant les deux critères cumulatifs
suivants :
être tenue de désigner un commissaire aux comptes (car au moins deux
seuils sur les trois cités par l’article L. 223-35 du Code de commerce sont
dépassés) ;
et avoir fait approuver régulièrement les comptes des trois derniers
exercices de 12 mois par les associés.
Lors de chaque émission d’obligations, la SARL doit mettre à la disposition
des souscripteurs ou leur expédier, avant toute souscription :
d’une part, une notice relative aux conditions de l’émission ;
d’autre part, un document d’information.

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CHAPITRE 3.
Les associés de la SARL
Les associés de SARL ne sont pas commerçants. Ils peuvent exercer une
activité salariée au sein de leur société et recevoir en contrepartie une
rémunération, sous réserve d’un travail effectif, d’une distinction des
fonctions et d’un lien de subordination.
En qualité d’associés, ils ont des droits et des obligations (Section 1) liés à
leurs parts sociales (Section 2).

SECTION 1.
Les droits et obligations des associés

I. Les droits des associés

A. LE DROIT D’INTERVENTION DANS LA VIE SOCIALE

Les associés ont le droit de recevoir les documents qui ont été
précédemment cités, de participer aux décisions collectives, d’être consultés
par correspondance et de donner leur accord par acte sous signature privée
ou notarié signé par tous les associés si ces modes de consultation sont
stipulés dans les statuts. Tout associé non gérant peut, deux fois par an,
poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation (art. L. 223-36 C. com.). La
réponse du gérant est ensuite communiquée au commissaire aux comptes.
Tout associé, dès lors qu’il représente au moins le dixième du capital social,
peut demander en justice la désignation d’un expert chargé de présenter un
rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion (art. L. 223-37 C. com.).
Les associés peuvent demander au président du tribunal de commerce,
statuant en référé, d’enjoindre sous astreinte au gérant de respecter ses
obligations légales et statutaires.

B. LES DROITS PÉCUNIAIRES

Les associés ont droit aux bénéfices sociaux (dividendes) et au boni de


liquidation, ainsi qu’au remboursement de leur apport.

II. Les obligations des associés


Les associés doivent respecter leur obligation de libération des apports.
À l’égard des tiers, les associés ne sont tenus du passif social que dans la
limite du montant de leurs apports. Il n’existe pas d’obligation aux dettes
dans les SARL : les associés de SARL ne sont donc pas tenus de payer les
dettes de la société si elle n’y procède pas elle-même. Leur obligation
financière relève de la contribution aux pertes : les pertes finales de la
société (lors de sa liquidation) doivent être réparties entre les associés,
chaque associé n’y étant tenu qu’à hauteur de son apport.
Toutefois, ils peuvent être tenus au-delà de ce montant :
si des apports en nature ont été effectués à l’occasion de la constitution de
la société ou lors d’une augmentation de capital : responsabilité solidaire
pendant 5 ans, soit en raison de l’absence d’intervention d’un
commissaire aux comptes, soit parce que la valeur retenue diffère de celle
proposée par le commissaire aux comptes ;
s’ils se sont comportés comme des gérants de fait ;
s’ils ont cautionné une ou plusieurs dettes de la société.
En outre, dans certains cas, la responsabilité pénale des associés peut être
recherchée, pour délit de recel d’abus des biens sociaux, ou délit de
majoration frauduleuse d’un apport en nature, etc.

SECTION 2.
Les parts sociales

Il est interdit aux SARL d’émettre des valeurs mobilières, c’est-à-dire des
titres nominatifs ou au porteur ; sauf, sous certaines conditions, des titres
obligataires.
Toutes les parts sociales doivent être de valeur nominale égale, cette valeur
étant librement fixée dans les statuts. Il est interdit aux SARL d’offrir ses
titres au public.
Les parts sociales représentatives d’apports en nature ou en numéraire
doivent être souscrites et libérées :
en totalité pour les apports en nature ;
pour 1/5 pour les apports en numéraire lors de la constitution de la
société, mais pour 1/4 lors d’une augmentation de capital.
Si d’aventure on procédait à la création de titres négociables dans une
SARL, la nullité des titres serait prononcée par le tribunal saisi et des
sanctions pénales encourues par les dirigeants.

I. Le droit sur les parts sociales

A. EN CAS D’USUFRUIT DES PARTS SOCIALES


L’usufruitier a droit aux fruits de la part sociale, c’est-à-dire aux dividendes.
L’article 1844 du Code civil lui reconnait expressément le droit de
participer à la vie sociale. Il ne dispose en principe du droit de vote que
pour les décisions relatives à l’affectation des bénéfices votées en
assemblée générale. Cependant, une clause des statuts peut lui reconnaître
un droit de vote pour d’autres décisions collectives, tout comme une
convention particulière entre lui et le nu-propriétaire peut lui octroyer le
droit de voter toutes les décisions collectives.
Le nu-propriétaire vote à toutes les autres assemblées (sauf clause contraire
des statuts ou convention particulière) et a droit au remboursement de
l’apport, au boni de liquidation et aux distributions de réserves. Il peut
participer à toutes les assemblées, même celles dans lesquelles le droit de
vote est exercé par l’usufruitier.

B. EN CAS D’INDIVISION DES PARTS SOCIALES

Chaque coïndivisaire a la qualité d’associé. Cependant, il est d’usage


d’établir dans les statuts que les parts sociales sont indivisibles. En
conséquence, les coïndivisaires doivent se faire représenter, aux conditions
établies par les statuts, par un seul d’entre eux et, à défaut d’accord, par un
mandataire commun désigné en justice.
Toutefois, cette clause ne concerne que les rapports des coïndivisaires avec
la société et pour le fonctionnement de celle-ci.

II. La transmission des parts sociales


Les parts sociales de SARL sont cessibles sous réserve de respecter
certaines conditions. Il est à rappeler que les parts d’industrie ne sont pas
cessibles.
A. LES CESSIONS ENTRE VIFS

1. Les conditions de fond


Les particularités concernant les SARL sont relatives à l’agrément des tiers
acquéreurs (art. L. 223-14 al. 1 C. com.). La procédure d’agrément est
d’ordre public. Toute clause contraire au cadre fixé par la loi est donc
réputée non écrite.
a. La cession à un tiers
Toute cession à une personne étrangère à la société doit être autorisée par la
collégialité des associés.
En principe, le tiers ne peut entrer en société que s’il est agréé à la majorité
des associés représentant la moitié des parts sociales (soit une double
majorité : en nombre d’associés et en parts sociales).
Cependant, les statuts peuvent exiger une majorité plus élevée.

EXEMPLE
Une SARL a un capital social de 20 000 €, divisé en 2 000 parts
sociales de 10 € chacune. Si cette société comporte huit associés, la
double majorité requise pour la cession à un tiers sera atteinte si au
moins cinq associés représentant ensemble plus de 1 000 parts
sociales se prononcent en faveur de la cession. La double majorité
correspond à la majorité en nombre des associés, lesquels doivent
représenter au moins la moitié des parts sociales.

L’associé qui désire céder ses parts sociales doit donc notifier, à la société et
aux associés, son projet par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception (art. L. 223-14 al. 2 C. com.), afin que les
autres associés puissent se prononcer sur l’agrément.
À la suite de ces notifications, trois hypothèses sont envisageables :
soit l’assemblée générale (ordinaire) des associés délivre l’agrément,
permettant ainsi de réaliser la cession souhaitée ;
soit l’assemblée générale (ordinaire) des associés ne fait pas connaître sa
décision dans les 3 mois qui suivent la dernière des notifications ; ce
silence vaut acceptation tacite : l’agrément est considéré comme obtenu
et la cession souhaitée peut donc se réaliser ;
soit l’assemblée générale (ordinaire) des associés refuse de délivrer
l’agrément : le Code de commerce a alors prévu une procédure
impérative.
Si l’agrément est refusé, les associés ont l’obligation de faire procéder, dans
les 3 mois du refus, au rachat des parts sociales de l’associé cédant, à moins
que ce dernier ne décide d’abandonner son projet de cession. Nous
constatons donc que l’associé cédant se voit proposer une solution et qu’il
n’est donc pas prisonnier de la société. Dans le cadre de ce rachat de parts
sociales, la valeur de ces parts est fixée par un expert indépendant. Le
rachat peut intervenir de trois manières :
soit les parts sont rachetées par les autres associés (tous ou certains
d’entre eux) ;
soit les parts sont rachetées par un tiers agréé par les autres associés ;
soit les parts sociales sont rachetées par la société, qui les annule
immédiatement et réduit donc corrélativement le montant de son capital
social (à hauteur de la valeur nominale des parts rachetées et annulées) ;
toutefois, cette solution requiert le consentement de l’associé cédant (ce
qui, généralement, ne pose aucun problème lorsqu’il souhaite vraiment
quitter la société).
Si, dans les 3 mois du refus de l’agrément, aucune de ces trois solutions n’a
été proposée à l’associé cédant, celui-ci peut réaliser la cession au profit de
l’acquéreur souhaité (malgré l’absence d’agrément).
Toutefois, il convient de souligner l’existence d’une limite importante au
droit de l’associé cédant d’obtenir le rachat de ses parts sociales et de se
retirer de la société. En effet, le législateur a conçu le droit au rachat comme
une sorte de « récompense » de l’ancienneté de l’associé cédant. Cette
limite se traduit concrètement par deux règles :
d’une part, le rachat des parts sociales par des associés ou par un tiers
agréé par eux ne peut intervenir que si l’associé cédant détient ses parts
sociales depuis au moins 2 ans (ce délai de 2 ans ne s’appliquant
cependant pas si l’associé cédant a reçu ses parts sociales par succession,
liquidation de communauté de biens entre époux, ou par donation faite
par son conjoint, un ascendant ou un descendant) ;
d’autre part, le droit de réaliser la cession au profit de l’acquéreur n’ayant
pas reçu d’agrément lorsqu’aucune solution de rachat ne lui a été
proposée dans le délai de 3 mois suivant le refus de l’agrément, n’est
reconnu à l’associé cédant que s’il détient ses parts sociales depuis au
moins 2 ans (ce délai de 2 ans ne s’appliquant cependant pas si l’associé
cédant a reçu ses parts sociales par succession, liquidation de
communauté de biens entre époux, ou par donation faite par son conjoint,
un ascendant ou un descendant).
b. La cession au conjoint, à un ascendant ou à un descendant, à un
coassocié
Pour faciliter les cessions dans la famille des associés, l’agrément n’est pas
nécessaire lorsque les parts sont transmises au conjoint, aux ascendants ou
aux descendants. Mais les statuts peuvent l’exiger.
Il en va de même pour les cessions réalisées entre associés.

2. Les conditions de forme


La cession des parts sociales de SARL est soumise aux mêmes conditions
de forme que celles applicables aux SNC.
La cession des parts sociales doit être constatée par un acte écrit
(art. L. 221-14 al. 1er C. com. sur renvoi de l’art. L. 223-17 C. com.), soit
sous signature privée, soit authentique.
Pour que cette cession soit opposable à la société, elle doit lui être notifiée
officiellement. L’opposabilité à la société est réalisée par le dépôt d’un
original de l’acte de cession au siège social contre remise d’une attestation
de ce dépôt par le gérant (art. 1323 C. civ.).
Il ne peut pas être passé outre la notification de la cession à peine de nullité
de cette dernière.
Pour que cette cession soit opposable aux tiers, il est indispensable, en plus
de la notification officielle faite à la société, de réaliser les deux étapes
suivantes :
assurer la publicité de l’acte de cession au RCS ;
publier les statuts modifiés au RCS.

B. LA TRANSMISSION PAR DÉCÈS

Au décès d’un associé, ses parts sociales sont librement transmissibles par
voie de succession. Cependant, les statuts peuvent stipuler que le conjoint
ou un héritier, un ascendant ou un descendant ne deviendra associé qu’après
avoir été agréé (art. L. 223-13 al. 1 C. com.). Les statuts peuvent également
prévoir que la SARL continuera seulement avec les associés survivants
(art. L. 223-13 al. 2 C. com.).

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CHAPITRE 4.
La transformation et la dissolution de
la SARL

SECTION 1.
La transformation de la SARL

La transformation de la SARL est soumise aux règles prescrites pour la


modification des statuts. La SARL doit alors respecter les conditions
requises pour la validité de la société sous sa nouvelle forme (capital,
nombre d’associés, CAC…).
La transformation de la SARL, en une société d’une autre forme quelle
qu’elle soit, doit être précédée du rapport d’un commissaire aux comptes
sur la situation financière de la société (art. L. 223-43 al. 3 C. com.). Le
commissaire aux comptes doit alors s’assurer que la continuité de
l’exploitation n’est pas compromise. Dans le silence des statuts, la
désignation du commissaire aux comptes appartient au gérant et si la SARL
dispose déjà d’un commissaire aux comptes, rien ne s’oppose à ce qu’il
établisse ce rapport.
Le défaut de rapport entraîne la nullité de la transformation, mais le tribunal
peut accorder un délai de régularisation à la société.

La transformation en SNC et société en commandite


Cette transformation nécessite l’accord unanime des associés car elle
entraîne une augmentation de leurs engagements. En outre, les associés
appelés à devenir des associés en nom ou des commandités doivent avoir la
capacité commerciale.
La transformation en SA
Lorsque la SARL n’a pas de commissaire aux comptes, la nomination d’un
ou de plusieurs commissaires aux comptes est obligatoire. Ils sont chargés
d’apprécier la valeur des biens composant l’actif social et les avantages
particuliers.
Lorsque la SARL dispose d’un commissaire aux comptes, elle est dispensée
de faire évaluer les biens composant son actif (art. L. 224-9 C. com. modifié
par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016).
Le rapport doit également attester que le montant des capitaux propres est
au moins égal à celui du capital social.
La SARL doit disposer d’un capital minimum de 37 000 €. L’activité
exercée ne doit pas être une activité interdite aux sociétés anonymes.
Le vote se fait en principe aux conditions prévues pour la modification des
statuts. Par exception, si le montant des capitaux propres figurant au dernier
bilan est supérieur à 750 000 €, la décision peut être prise par les associés
représentant la majorité des parts sociales.
Lorsqu’il existe dans la SARL des parts d’industrie, la transformation
entraîne l’exclusion de l’apporteur en industrie. La liquidation préalable de
ses droits nécessite son accord.

La transformation en SAS
La décision doit être prise à l’unanimité des associés. En effet, même si la
responsabilité des associés de SAS est limitée au montant de leurs apports,
le jeu des clauses statutaires peut conduire à l’augmentation de leurs
engagements.

La transformation en société civile


Cette transformation n’est possible qu’avec l’accord unanime des associés
car elle entraîne une augmentation de leurs engagements. Il faut également
que la société ait un objet civil.

La transformation en GIE (groupement d’intérêt économique)


Cette transformation n’est possible que si l’objet de la SARL correspond à
la définition légale du groupement (voir Cours n° 3) et sur décision
unanime des associés.
REMARQUE

À chaque modification apportée aux statuts, il y a lieu de satisfaire


aux formalités de publicité.

SECTION 2.
La dissolution de la SARL

La dissolution de la SARL peut intervenir :


pour l’une des causes de dissolution communes à toutes les sociétés,
envisagées par l’article 1844-7 du Code civil, à l’exclusion de la réunion
de toutes les parts sociales en une même main (pas de dissolution dans ce
cas pour la SARL puisqu’elle peut n’avoir qu’un seul associé) ;
ou pour l’une des causes de dissolution spécifiques à la SARL :
lorsque la société a plus de 100 associés mais ne s’est pas transformée
en une autre forme dans le délai de 1 an,
lorsque les associés n’ont pu délibérer valablement sur la décision à
prendre à la suite de la perte de la moitié du capital social, ou n’ont pu
régulariser la situation de la société dans le délai de deux exercices.
En revanche, la SARL n’est pas dissoute par la liquidation judiciaire, la
faillite personnelle, l’interdiction de gérer ou une mesure d’incapacité,
frappant l’un des associés, sauf clause contraire des statuts.
Elle n’est pas non plus dissoute par le décès d’un associé, sauf stipulation
contraire des statuts (art. L. 223-41 C. com.).
La dissolution de la société doit faire l’objet de diverses mesures de
publicité. Celles-ci sont identiques à celles mises en place lors de la
constitution de la société, ce qui respecte la règle du parallélisme des
formes. La dissolution n’est qu’une étape pour parvenir à la liquidation de
la société qui a pour objet la réalisation de l’actif et le paiement des
créanciers sociaux.

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CHAPITRE 5.
L’EURL (entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée)
Afin de restreindre les risques encourus par les entrepreneurs individuels
qui sont tenus des dettes de leur entreprise sur la totalité de leur patrimoine
et qui, de ce fait, sont tentés de limiter cette responsabilité par le biais de la
création de sociétés fictives dont ils détiennent en fait la totalité du capital,
la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 a autorisé la création d’« entreprises
unipersonnelles à responsabilité limitée » (EURL) dont l’unique associé ne
supporte en principe les dettes sociales qu’à concurrence du montant de ses
apports.
La pratique a tendance, de plus à plus, à parler de SARLU, par référence à
la SASU et pour éviter les confusions avec l’EIRL.
L’EURL trouve son existence légale à l’article 1832 al. 2 du Code civil
modifié par conséquent et qui dispose que « la société peut être instituée
dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ».
Toutefois, il ne s’agit pas d’une nouvelle forme de société commerciale.
L’EURL est une SARL (art. L. 223-1 C. com.) ; elle est donc soumise à
toutes les règles applicables à la SARL sous réserve de quelques
adaptations rendues nécessaires par l’existence d’un « associé » unique. Il
s’ensuit notamment que le passage de l’EURL à la SARL pluripersonnelle
ou inversement s’effectue par simple voie de cession ou mutation des parts
sociales et ne constitue pas une transformation de société au sens juridique
du terme.
Les entrepreneurs individuels peuvent donc désormais exploiter leur
entreprise en société tout en demeurant l’unique associé de celle-ci. Mais
avant de se prononcer en faveur de cette forme d’exploitation, ils doivent
apprécier les avantages et les inconvénients qu’elle offre par rapport à
l’entreprise individuelle.
Avantages
La limitation de responsabilité.
La possibilité, en cas de décès de l’entrepreneur, de répartir les parts
sociales entre ses héritiers et d’éviter ainsi que le respect du principe
d’égalité des droits des héritiers ne conduise, comme le révèle
l’expérience, à la vente de l’entreprise.
Une gestion comptable et financière plus rigoureuse, liée à la
séparation des patrimoines.
La possibilité d’obtenir, par une simple augmentation de capital, les
concours financiers dont l’entreprise peut avoir un besoin urgent.
La possibilité pour l’associé unique d’organiser son désengagement
progressif de la société par des cessions successives de parts sociales.
La possibilité pour une personne qui désire placer les capitaux,
d’acquérir un fonds de commerce et de le faire gérer par un tiers en
limitant sa responsabilité et sans avoir recours au salariat ou à la
location-gérance.
Lorsque l’associé unique est une personne physique et assure lui-même
la gérance de l’EURL, les formalités de publicité sont désormais
allégées.
Inconvénients
Le fonctionnement d’une société est plus contraignant que l’exercice
d’une activité à titre personnel (constatation des engagements dans un
registre spécial, obligation de nommer un commissaire aux comptes le
cas échéant, dépôt au greffe des comptes annuels, etc.).
La limitation de responsabilité de l’associé unique au montant de ses
apports peut s’avérer illusoire en raison notamment des garanties
personnelles qu’exigent souvent les créanciers sociaux ou du risque
d’action en responsabilité pour insuffisance d’actif si la société vient à
déposer son bilan, ou encore du fait de la confusion de patrimoine.
Le régime fiscal de l’EURL diffère selon que l’associé unique est une
personne physique ou une personne morale :
si l’associé unique est une personne physique, la société est soumise au
régime fiscal des sociétés de personnes. Les bénéfices sociaux sont donc
directement imposables à l’impôt sur le revenu entre les mains de
l’associé unique, avec possibilité pour l’intéressé d’adhérer à un centre de
gestion ou à une association agréée, et de bénéficier ainsi des mêmes
abattements qu’un entrepreneur individuel.
Toutefois, l’associé unique peut opter pour l’assujettissement à l’impôt
sur les sociétés ;
si l’associé unique est une personne morale et quelle que soit la forme
juridique de celle-ci, la société est de plein droit passible de l’impôt sur
les sociétés sans possibilité d’option pour le régime fiscal des sociétés de
personnes.
Sur le plan social, la situation de l’associé unique est identique à celle d’un
entrepreneur individuel : application des régimes de protection des
travailleurs non-salariés des professions non agricoles (art. 11 de la loi
n° 86-75 du 17 janvier 1986).
FOCUS
De l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée)
au nouveau statut d’entreprise individuelle
La notion d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est née de la loi n° 2010-658
du 15 juin 2010 introduisant en droit français le patrimoine d’affectation. Ainsi,
l’article L. 526-6 du Code de commerce dispose-t-il que « tout entrepreneur peut
affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine
personnel, sans création d’une personne morale ». Depuis le 1er janvier 2013, il était
loisible à l’entrepreneur individuel de créer autant de patrimoines affectés qu’il avait
d’activités distinctes.
L’émergence de cette structure hybride résulte d’un double constat. Socioéconomique
d’abord, la moitié des entreprises françaises sont créées sous la forme individuelle ;
juridique ensuite, ces mêmes entreprises engagent dans leur activité la totalité du
patrimoine de leur titulaire, alors même que le droit français ne semble plus aussi attaché
que par le passé au principe d’unicité du patrimoine. Elle est censée incarner le slogan
« entreprendre sans risque ».
L’idée n’est pas neuve. Elle présidait en son temps à la création de l’EURL, société
personne morale à responsabilité limitée à associé unique, qui condamnait officiellement
l’adoption en droit français du patrimoine d’affectation. Pour autant, l’EURL n’a pas
rencontré le succès escompté. Coût, complexité, réticence à constituer une personne
morale sont autant de raisons invoquées pour expliquer cet échec, même si celui-ci tient
pour l’essentiel à l’imperfection de la protection offerte, aisément contournée par des
créanciers en demande de garanties.
Puis, le législateur a tenté de préserver certains biens de l’entrepreneur des actions des
créanciers professionnels. Ainsi, la loi sur l’initiative économique du 2 août 2003 a-t-
elle créé la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur,
déclaration étendue par la loi sur la modernisation de l’économie du 4 août 2008 à
l’ensemble des biens fonciers bâtis ou non bâtis non affectés à un usage professionnel.
Là encore le succès est mitigé alors même que les critiques de coût et de complexité ne
sont pas de mise.
Or, le succès de l’entreprise individuelle, accentué par le nouveau régime de
l’autoentrepreneur, ne se dément pas. Il semble donc que les entrepreneurs français aient
la volonté de s’engager pleinement dans leur entreprise, alors même que le législateur
n’en finit pas de vouloir les protéger. C’est dans ce contexte qu’est adopté le texte relatif
à l’EIRL.
Si quelque 10 000 EIRL ont vu le jour, cela ne représente pas plus de 5 % des
entreprises individuelles. L’EIRL n’a donc pas rencontré le succès escompté et n’a pas
été en mesure de concurrencer, du point de vue de la simplicité et de la sécurité
juridique, l’EURL, ni a fortiori la SASU.
C’est ainsi que la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l’activité
professionnelle indépendante, a supprimé le statut de l’EIRL. Cette suppression donne
lieu à la création d’un nouveau statut d’entreprise individuelle unique, en vigueur à
compter du 15 mai 2022, régi par les articles L. 526-22 et s. C. com., qui comporte de
nombreux avantages :

un patrimoine professionnel est automatiquement créé, sans aucune démarche, et


constitué des biens utiles à l’activité professionnelle. La loi permet cependant à
l’entrepreneur d’opter pour la renonciation à cette distinction en faveur d’un
créancier professionnel, pour un engagement spécifique ;
l’entreprise individuelle peut opter pour l’IS ;
les droits des créanciers professionnels sont limités au patrimoine professionnel ; les
droits des créanciers personnels s’exercent d’abord sur le patrimoine personnel mais
peuvent s’étendre au patrimoine professionnel dans la limite du bénéfice réalisé au
cours du dernier exercice clos ;
le transfert du patrimoine professionnel, en particulier à une société, est facilité.
Les EIRL constituées avant le 16 février 2022 restent soumises à l’ancien régime codifié
aux articles L. 526-6 et s. C. com.

SECTION 1.
La création de l’EURL
L’EURL peut résulter :
soit de la constitution d’une société unipersonnelle en vue de l’exercice
d’une activité nouvelle ou de la reprise par cette société d’une entreprise
individuelle existante ;
soit de la réunion dans une même main (personne physique ou morale) de
toutes les parts d’une SARL.

I. La constitution d’une société unipersonnelle


Les règles applicables à la constitution d’une EURL sont les mêmes que
celles prévues pour la constitution d’une SARL pluripersonnelle ; la seule
différence majeure repose sur le fait qu’un seul associé, personne physique
ou morale, détient la totalité des parts sociales.
L’EURL est ouverte, en effet, à toute « personne » sans distinction
(art. L. 223-1 C. com.).
L’associé unique peut être soit une personne physique, soit une personne
morale.
Quant à l’associé personne physique, il peut être mineur non émancipé âgé
de plus de 16 ans. Cependant, dans cette situation, il doit avoir
l’autorisation de son ou de ses administrateurs légaux pour les actes
d’administration et ne peut effectuer seul des actes de disposition, ce qui
peut être source d’insécurité juridique pour les tiers.
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « loi Sapin 2 », a simplifié les
formalités de l’apport d’un fonds de commerce à une société unipersonnelle
détenue par l’apporteur et supprimé l’obligation d’information des tiers. En
outre, la présence d’un commissaire aux apports n’est plus requise si
l’associé unique est une personne physique qui a exercé son activité
professionnelle en nom propre avant la constitution de la société et qu’il
apporte des éléments qui figuraient dans le bilan de son dernier exercice
(art. L. 223-9 C. com. modifié par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre
2016). Néanmoins, le texte n’impose pas de retenir la valeur indiquée dans
le bilan. En cas de surestimation, l’associé engage sa responsabilité civile
pendant 5 ans et éventuellement sa responsabilité pénale dans les conditions
de droit commun.
Quant à l’associé personne morale, il peut, depuis l’ordonnance du 31 juillet
2014, être une autre EURL.
Depuis la loi n° 94-126 du 11 février 1994, une personne physique ou
morale peut être associée unique de plusieurs EURL. Cette possibilité lui
permet, lorsqu’elle a plusieurs activités, de les isoler dans une structure
juridique particulière.
Toutes les autres conditions de fond et de forme d’une EURL sont celles
des SARL.
Compte tenu de l’existence d’un associé unique, il n’y a pas d’affectio
societatis à proprement parler puisque cette notion suppose une pluralité
d’associés. Toutefois, lorsqu’il crée une EURL, l’associé unique doit
prendre conscience de la nécessité pour lui d’adopter un nouveau
comportement dans la gestion de son entreprise. Il doit avoir la volonté de
se comporter comme un « associé », c’est-à-dire, ici, comme le membre
d’une personne morale, en respectant l’objet social de celle-ci dans sa
gestion quotidienne et en veillant à éviter toute confusion entre les biens qui
composent le patrimoine social et ses biens personnels.
Il faut noter que si la constitution d’une EURL résulte d’une décision
unilatérale, il n’en est pas moins nécessaire de rédiger des statuts, par acte
sous signature privée ou par acte authentique. À cet égard, la loi n° 2008-
776 du 4 août 2008 dite « loi de modernisation de l’économie », propose un
modèle de statuts types de SARL dont l’associé unique assume
personnellement la gérance (annexe 2-1 du Livre II de la partie
réglementaire du Code de commerce). Il peut néanmoins être pertinent de
rédiger des statuts plus polyvalents qui permettent aisément le passage en
SARL pluripersonnelle.

II. La réunion de toutes les parts sociales d’une


SARL en une seule main
La création de l’EURL peut aussi résulter de la réunion de toutes les parts
sociales d’une SARL (par hypothèse composée de plusieurs associés) en
une même main d’une personne physique ou morale.
Dans ce cas, contrairement au régime de droit commun, il n’est pas possible
à tout intéressé de demander en justice la dissolution de la société si celle-ci
n’est pas redevenue pluripersonnelle à l’expiration du délai de 1 an
(art. L. 223-4 C. com.).
Le passage de la SARL pluripersonnelle à l’EURL est réalisé dès que la
cession de parts entraînant réunion de tous les droits sociaux dans une
même main devient opposable aux tiers, c’est-à-dire après signification et
dépôt au greffe du tribunal de commerce de deux exemplaires de l’acte
constatant la cession (art. L. 221-14 C. com. sur renvoi de l’art. L. 223-17
C. com.).

SECTION 2.
Le fonctionnement de l’EURL

I. La gérance
L’associé unique personne physique peut se désigner lui-même comme
gérant ou confier la gérance à un tiers, personne physique.
Lorsque l’associé unique est une personne morale, les fonctions de gérant
doivent obligatoirement être exercées par un tiers puisque seules les
personnes physiques peuvent assumer de telles fonctions (art. L. 223-18
al. 1er C. com.).
Les règles applicables à la gérance d’une EURL sont celles de toutes les
SARL.
II. Les commissaires aux comptes
L’EURL étant une SARL, les règles relatives aux commissaires aux
comptes sont celles applicables à toutes les SARL.
Pour mémoire, l’EURL doit désigner un commissaire aux comptes lorsqu’à
la clôture de l’exercice elle dépasse deux des trois seuils prévus par les
textes ; ou si les statuts l’exigent.

III. Les décisions sociales


L’associé unique exerce les pouvoirs qui sont dévolus à la collectivité des
associés dans les SARL pluripersonnelles (art. L. 223-1 al. 2 C. com.). Il ne
peut pas déléguer l’exercice de ses pouvoirs d’associé.
Il lui appartient donc de se prononcer, sous la forme de décisions
unilatérales, sur tout ce qui relève de la compétence des associés de SARL.
Ces décisions concernent non seulement le fonctionnement courant de la
société (approbation annuelle des comptes, affectation du résultat,
nomination du gérant et des commissaires aux comptes le cas échéant,
renouvellement de leurs fonctions, etc.) mais aussi les modifications des
statuts (augmentation ou réduction du capital, changement de dénomination
ou de siège social, modification de l’objet, admission de nouveaux associés,
dissolution de la société, etc.).
Les règles relatives à la tenue des assemblées (convocation, vote, majorité)
ne sont évidemment pas applicables à l’EURL (art. L. 223-31 al. 1
C. com.). L’associé unique prend lui-même toutes les décisions sociales.
Pour l’approbation des comptes annuels, si l’associé unique est le seul
gérant, le dépôt des comptes et de l’inventaire au RCS vaut approbation de
ces comptes.
Cependant, les décisions prises par l’associé unique doivent, à peine de
nullité, être répertoriées dans un registre (art. L. 223-3 al. 3 et 4 C. com.),
qui est tenu au siège social ; il doit être coté et paraphé par un juge.
Lorsque l’associé unique modifie les statuts ou la composition des organes
sociaux, il doit satisfaire aux obligations de publicité. De même, il doit
publier les comptes sociaux de l’EURL.

SECTION 3.
Les droits et obligations de l’associé
unique

I. Le droit à l’information
Lorsqu’il n’est pas gérant, indépendamment de son droit d’information
préalable à l’approbation des comptes annuels, l’associé unique jouit du
même droit de communication permanent de certains documents sociaux
concernant les trois derniers exercices sociaux que tout autre associé de
SARL (art. L. 223-31 al. 1 et L. 223-26 al. 4 C. com.).

II. L’appropriation des bénéfices


Comme dans toute autre SARL, l’associé unique est tenu d’affecter une
fraction (5 % au moins) du bénéfice social, diminué, le cas échéant, des
pertes antérieures, au compte « Réserve légale ». Cette obligation cesse
lorsque la réserve atteint le dixième du capital social.
L’inobservation des dispositions légales relatives à la dotation de la réserve
légale entraîne la nullité de la décision prise irrégulièrement.
Le surplus du bénéfice est affecté dans les conditions prévues par les statuts
(réserve statutaire).
III. La responsabilité de l’associé unique
En principe – et c’est l’un des principaux avantages de l’EURL sur
l’exploitation individuelle – l’associé unique n’est tenu des dettes sociales
qu’à concurrence du montant de ses apports. Ses biens personnels, autres
que ses parts sociales de l’EURL, ne sont pas affectés par les engagements
de la société à l’égard des tiers. Mais ce principe comporte d’importantes
exceptions indiquées ci-après.

A. LE CAUTIONNEMENT ET AUTRES GARANTIES

Il est de pratique courante pour les principaux créanciers (banquiers


notamment) des sociétés n’ayant qu’une faible « surface » financière
d’exiger des dirigeants et principaux associés une garantie personnelle, le
plus souvent un cautionnement ou une garantie à première demande, de
sorte qu’à l’égard de ces créanciers puissants, la séparation des patrimoines
voulue par le législateur, reste souvent lettre morte.

B. LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE DE LA SOCIÉTÉ

En principe, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à


l’encontre de l’EURL devrait être sans conséquence pratique sur le
patrimoine personnel de l’associé unique. La réalité risque d’être différente
surtout si l’associé unique est gérant de droit ou de fait de l’EURL. En effet,
conformément au droit commun du redressement judiciaire :
il peut être condamné à supporter personnellement tout ou partie des
dettes sociales s’il a commis une faute de gestion ayant contribué à
l’insuffisance d’actif ;
il peut être personnellement l’objet d’une procédure de redressement
judiciaire s’il a disposé des biens sociaux comme des siens propres, s’il a
abusé des biens et du crédit de l’EURL dans un intérêt personnel, s’il a
poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait
conduire qu’à la cessation des paiements, etc. (voir Cours n° 4)

IV. La cession des parts sociales


L’associé unique peut céder à un tiers tout ou partie de ses droits sociaux.
Dans ce cas, la procédure d’agrément n’est évidemment pas applicable
(art. L. 223-14 al. 2 C. com.).
En revanche, comme dans les autres SARL, les cessions de parts sociales
doivent être constatées par un écrit, acte sous signature privée ou notarié.

V. Le décès de l’associé unique


Sauf clause contraire des statuts, le décès de l’associé unique ne met pas fin
à la société (art. L. 223-41 al. 2 C. com.). Celle-ci continue de plein droit
avec le ou les héritiers du défunt qui reçoivent les parts de ce dernier au
prorata de leurs droits dans la succession.
Lorsqu’il existe plusieurs héritiers, la société devient pluripersonnelle et se
trouve soumise au régime de droit commun des SARL.
Le ou les héritiers qui ont participé à la mise en valeur de l’entreprise
exploitée par l’EURL peuvent demander l’attribution préférentielle des
parts sociales du défunt, à charge pour eux d’indemniser, s’il y a lieu, les
autres héritiers.

SECTION 4.
La dissolution de l’EURL
Les causes de dissolution communes à toutes les sociétés sont applicables
aux EURL à l’exception de celles qui supposent une pluralité d’associés ce
qui est le cas, par exemple, de la dissolution pour mésentente entre les
associés (art. 1844-7 C. civ.).
Ainsi l’EURL peut être dissoute par l’arrivée du terme fixé dans les statuts,
la réalisation ou l’extinction de l’objet social, la non-régularisation de la
situation de la société en cas de perte de la moitié du capital social. Elle
peut aussi être dissoute sur décision de l’associé unique ou sur décision de
justice.
La SARL unipersonnelle n’est pas dissoute par le jugement de liquidation
judiciaire, la faillite personnelle, l’interdiction de gérer ou une mesure
d’incapacité qui est prononcée à l’encontre de l’associé unique.
S’agissant des conséquences de la dissolution de l’EURL, il faut distinguer
selon que l’associé unique est une personne physique ou une personne
morale.
Si l’associé unique est une personne physique, la dissolution de l’EURL est
suivie de sa liquidation dans les conditions de droit commun. Ainsi, sa
personnalité morale survit-elle pour les besoins de la liquidation jusqu’à sa
clôture. Les fonctions du gérant cessent et il est remplacé par un liquidateur
chargé des opérations de liquidation.
Si l’associé unique est une personne morale, la dissolution de l’EURL n’est
pas suivie de liquidation. Elle entraîne appropriation par l’associé unique de
l’ensemble du patrimoine de la société dissoute (transmission universelle du
patrimoine), sauf la possibilité pour les créanciers sociaux de faire
opposition à la dissolution dans les 30 jours de la publication de celle-ci.

EXERCICE
ÉNONCÉ
Julie et Adrien Leroy ont hérité de leurs parents d’une exploitation de
champagne dans la région de Reims. Ils décident de poursuivre l’activité
familiale ensemble dans le cadre d’une SARL. Dans cette SARL LEROY,
ils possèdent chacun 20 % des parts sociales et leurs frères et sœurs (Marie,
Pierre et Antoine) détiennent ensemble les 60 % restant.
Julie est gérante de la société. Elle décide, en accord avec son frère Adrien,
d’effectuer des travaux dans le hall de réception de l’exploitation pour un
montant de 50 000 € alors même qu’une clause statutaire interdit au gérant
de conclure des contrats d’un montant supérieur à 35 000 € sans
l’autorisation de la majorité des associés. Pierre et Antoine s’opposent au
contrat conclu par Julie avec un architecte d’intérieur spécialisé dans
l’aménagement de locaux professionnels.
Travail à faire
1. L’opération effectuée par le gérant est-elle valable ? Les associés
peuvent-ils s’y opposer ?
2. Pour quels types de fautes, la responsabilité civile du gérant peut-elle
être engagée ? Qui peut l’engager ? Quel est le délai de prescription de
l’action en responsabilité ?
3. Déterminez les conditions et modalités de révocation du gérant.

CORRIGÉ

1. L’opération effectuée par le gérant est-elle valable ? Les associés


peuvent-ils s’y opposer ?
Problème de droit
Quelle est l’étendue des pouvoirs du gérant de SARL ?
Règles applicables
Distinction des pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les associés et
dans ses rapports avec les tiers.
Dans les rapports avec les associés : l’article L. 223-18 al. 4 du Code de
commerce considère que les pouvoirs sont librement fixés par les statuts.
Dans le silence des statuts, le gérant peut faire tous les actes de gestion
dans l’intérêt de la société. Cependant, les statuts peuvent limiter les
pouvoirs du gérant et subordonner la conclusion de certains contrats,
considérés comme importants pour la société, à l’autorisation des
associés. Les statuts peuvent également interdire au gérant
l’accomplissement de certains actes.
Dans les rapports avec les tiers : selon l’article L. 223-18 al. 5, le gérant
de SARL est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute
circonstance au nom de la société sous réserve des pouvoirs
expressément attribués aux associés.
Toute clause statutaire limitant ses pouvoirs est inopposable aux tiers
(art. L. 223-18 al. 6) même si ceux-ci en avaient connaissance.
La société est engagée même pour les actes accomplis par le gérant qui
n’entrent pas dans l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers
savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte
tenu des circonstances (étant précisé que la publication des statuts n’est
pas une preuve suffisante).
Application à l’espèce
En l’espèce, une clause statutaire limite les contrats conclus par le gérant
à 35 000 €. Le contrat conclu par Julie est de 50 000 € ; elle a dépassé
ses pouvoirs et n’a pas demandé l’autorisation des autres associés.
Cependant, dans les rapports de la société avec son cocontractant, la
société reste engagée malgré la violation de la clause statutaire limitative
de pouvoirs ; l’acte reste valable car les clauses statutaires limitant les
pouvoirs du gérant sont toujours inopposables aux tiers.
2. Pour quels types de fautes, la responsabilité civile du gérant peut-
elle être engagée ? Qui peut l’engager ? Quel est le délai de
prescription de l’action en responsabilité ?
Problème de droit
Conditions et mise en œuvre de la responsabilité civile du gérant de
SARL.
Règles applicables
Les fautes du gérant et l’étendue de sa responsabilité sont fixées dans
l’article L. 223-22 al. 1 du Code de commerce :
« Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement selon
le cas, envers la société ou envers les tiers :
soit des infractions aux dispositions législatives et réglementaires
applicables aux sociétés à responsabilité limitée ;
soit des violations des statuts ;
soit des fautes commises dans leur gestion. »
Deux types d’actions en responsabilité sont possibles :
l’action individuelle, qui peut être engagée, en son nom personnel, par
toute personne (associé, tiers) qui a subi un préjudice personnel. La
réparation du dommage sous forme de dommages et intérêts est
accordée à la victime et non à la société.
l’action sociale, qui peut être engagée, au nom de la société, par :
un associé agissant individuellement (action ut singuli),
ou par un groupe d’associés représentant le dixième du capital.
Les dommages et intérêts alloués à la société réparent le préjudice subi
par la société.
La prescription de l’action en responsabilité civile contre le gérant est de
3 ans à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa
révélation (art. L. 223-23 C. com.).
Application à l’espèce
En l’espèce, la gérante a commis une faute résultant de la violation des
statuts : Julie a conclu un contrat sans respect de la clause statutaire qui
prévoyait l’autorisation des associés pour les actes supérieurs à 35 000 €.
La responsabilité civile de Julie peut être engagée si un associé a subi un
préjudice personnel (action individuelle) ou si la société a subi un
préjudice (action sociale).
Il faut vérifier que le délai de prescription (3 ans) ne soit pas dépassé.
3. Déterminez les conditions et modalités de révocation du gérant.
Problème de droit
Quelles sont les conditions et les modalités de révocation d’un gérant de
SARL ?
Règles applicables
L’article L. 223-25 du Code de commerce distingue deux possibilités de
révocation du gérant :
la révocation par décision des associés : aux termes de l’article L. 223-
25 al. 1er du Code de commerce, le gérant est révocable par décision
des associés représentant plus de la moitié des parts sociales (majorité
absolue). Cependant, les statuts peuvent exiger une majorité plus
élevée. Si la révocation est décidée sans juste motif, le gérant peut
obtenir des dommages et intérêts mais ne peut pas être réintégré dans
ses fonctions. Il est à préciser que le gérant, s’il est associé, vote sur la
décision de sa révocation ;
la révocation par décision du tribunal (art. L 223-25 al. 2 C. com) :
« Le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la
demande de tout associé. » L’existence d’une cause légitime est
indispensable pour qu’un tribunal prononce la révocation.
Application à l’espèce
En l’espèce, la gérante ayant commis une faute (violation d’une clause
des statuts), elle peut être révoquée par les autres associés détenant la
majorité des parts sociales, sous réserve qu’ils votent la révocation à la
majorité absolue.
Julie est associée, elle prend part au vote ; cependant étant associé
minoritaire, sa révocation semble probable. Le vote d’Adrien en faveur
de sa sœur, ne remet pas en question la révocation de cette dernière : en
effet, il possède une minorité de parts sociales.

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Bibliographie générale
J.-F. Bocquillon, E. Grosjean, P. David, Droit des sociétés et des
groupements d’affaires, Dunod, 4e éd., 2022-2023.
L. Bataille, S. Bonan, Droit des sociétés et des groupements d’affaires
(UE2), éd. Fontaine-Picard, 2021.
F. Guiramand, Droit des sociétés DCG2 – Tout l’entraînement, 11e éd.,
Dunod, coll. « Tout en un », 2019.
P. David, E. Grosjean-Leccia , Droitdes sociétés et des groupements
d’affaires, Fiches de révision, éd. Dunod, 3e éd., 2021-2022.
E. Béal, M. Suzuki-Caumartin, C. Trévisan, Droit des sociétés et des
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L. Got, Droit des sociétés et autres groupements UE2 du DCG, Énoncés,
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D. Burglé, Droit des sociétés et des groupements d’affaires, éd. Vuibert,
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M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, 34e éd.,
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P. Merle, A. Fauchon, Droit commercial – Sociétés commerciales,
25e éd. Dalloz, 2021-2022.
B. Dondero, P. Le Cannu, Droit des sociétés, 9e éd. LGDJ, coll. « Précis
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J.-M. Moulin, Droit des sociétés et des groupes, 15e éd., Gualino,
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B. Dondero, Droit des sociétés, 7e éd. Dalloz-Sirey, coll. « Hypercours »,
2021.
V. Magnier, Droit des sociétés, 10e éd. Dalloz-Sirey, coll. « Cours
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J. Bonnard, Droit des entreprises en difficulté, 7e éd. Hachette, coll. « Les
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P. Petel, Procédures collectives, 10e éd. Dalloz, coll. « Cours Dalloz »,
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L.-C. Henry, Droit des sociétés et procédures collectives, L’harmattan,
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P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd.
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T. Mastrullo, N. Borga, A. Jacquemont, Droit des entreprises en
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L. Antonini-Cochin, L.-C. Henry, Droit des entreprises en difficulté, éd.
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M. Jeantin, P. Le Cannu, D. Robine, Droit des entreprises en difficulté,
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A. Lepage, P. Maistre du Chambon, R. Salomon, Droit pénal des affaires,
6e éd. Lexinexis, 2020.

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Index
Les chiffres renvoient aux occurrences où la notion fait l'objet d'un
développement.
Abus de majorité : 1
Abus de minorité : 1
Action sociale : 1
Administrateur provisoire : 1
Affectio societatis : 1, 2
Agrément : 1, 2
AMF (Autorité des marchés financiers) : 1
Apport : 1, 6
– en industrie : 1, 2
– en nature : 1, 2
– en numéraire : 1, 2
– fictif : 1
Assemblée générale : 1
Assemblées : 1
Association : 1
Associé : 1, 2, 3
– SNC : 1
Augmentation du capital social : 1
Biens communs : 1
Capacité : 1, 2
Capacité commerciale : 1
Capital social : 1, 2, 3
Causes de nullité : 1
Cession et transmission des parts sociales : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
CFE (centre de formalités des entreprises) : 1
Clause d’exclusion : 1
Clauses léonines : 1
Commissaire aux apports : 1
Commissaire aux comptes : 1, 2, 3
Compte courant d’associé : 1
Consentement : 1
Continuation de la société : 1
Contrat de travail : 1, 2
Contribution aux pertes : 1, 2
Convention de croupier : 1
Conventions interdites : 1
Conventions libres : 1
Conventions réglementées : 1
Cumul avec un contrat de travail : 1
Décisions collectives extraordinaires : 1
Décisions collectives ordinaires : 1
Démembrement de propriété : 1
Démembrement des droits sociaux : 1
Démission des gérants : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
Dénomination sociale : 1
Dirigeants de fait : 1
Dirigeants sociaux : 1
Dissolution : 1
– EURL : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
Dol : 1
Droit de communication : 1
Droit de vote : 1
Droit d’information : 1
Durée de la société : 1
EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) : 1, 2
Entreprise individuelle : 1
Époux : 1, 2, 3
Erreur : 1
EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) : 1
Expertise de gestion : 1
Fiducie : 1
Fondation : 1
Formalités de publicité : 1
Fraude : 1
Gérance : 1
– EURL : 1
– SNC : 1
Gérance majoritaire : 1
Immatriculation : 1
Indivision : 1, 2, 3
Intérêt social : 1
Intuitus personæ : 1, 2, 3
Liquidation : 1
Loi PACTE : 1
Majeurs incapables : 1
Majorité : 1, 2
Mandat social : 1
Mineurs : 1
Nationalité : 1
Objet social : 1, 2, 3
Obligation à la dette : 1
Obligation aux dettes : 1
Pacs (pacte civil de solidarité) : 1
Participation aux résultats : 1
Parts sociales : 1, 2
Patrimoine : 1
Personnalité morale : 1
Pourparlers : 1
Pouvoirs des dirigeants sociaux : 1
Pouvoirs des gérants : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
Prête-nom : 1
Promesse de société : 1
Quorum : 1, 2
Réduction du capital social : 1
Rémunération des gérants : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
Reprise des actes accomplis pour le compte de la société en formation : 1
Responsabilité civile : 1
Responsabilité pénale : 1
Responsabilités des gérants : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
Révocation : 1
Révocation des gérants : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
SARL (société à responsabilité limitée) : 1
Siège social : 1, 2
Simulation : 1
SNC (société en nom collectif) : 1
Société : 1, 10
– à risque illimité : 1
– à risque limité : 1
– classifications : 1
– commerciale : 1
– créée de fait : 1
– définition : 1
– en formation : 1, 2
– en participation : 1
– fictive : 1, 2
Statuts : 1, 2
Transformation : 1
– SARL : 1
– SNC : 1
Transmission des parts sociales : 1
– SARL : 1
Unanimité : 1
Usufruit : 1
Violence : 1

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Devoir 1
À envoyer à la correction
Laetitia Tomasini

EXERCICE 1 CAS PRATIQUE (16 POINTS)


Pierre vient d’hériter d’un terrain sur lequel est érigé un hangar à proximité
de La Baule, en Loire-Atlantique. C’est l’occasion rêvée pour mettre un
terme à sa carrière de directeur administratif et financier dans une grande
société parisienne, et d’envisager une retraite active. Passionné de voitures
depuis toujours, il a en effet pour projet de développer une activité de
gardiennage/conciergerie de véhicules pour des particuliers, notamment des
véhicules de collection. Ainsi, proposerait-il le stockage des voitures d’une
clientèle, notamment de parisiens, qui viendraient pour le week-end ou les
vacances dans la région, en train ou en avion. Leur véhicule les attendrait à
leur arrivée, entretien effectué, et serait récupéré à leur départ. Toute une
gamme de services serait également proposée : nettoyage, entretien,
réparations, recherche de pièces d’origine… Le secteur, qui accueille de
nombreux rassemblements automobiles, est tout à fait propice.
Pierre a donc décidé de s’associer à deux de ses fils, Jean et Antoine. Son
fils aîné, Louis, vit actuellement à l’étranger et n’est, pour l’heure, pas
décidé à s’investir dans le projet.
Pierre apporterait son terrain avec le hangar, tandis que Jean et Antoine
investiraient à hauteur de 10 000 € chacun. Ils décident tout naturellement
de constituer une SNC dont Jean serait le gérant statutaire. Les statuts de la
SNC CARSTARS sont signés le 5 septembre 2020 et la société est
immatriculée au RCS de Saint-Nazaire le 10 octobre 2020.
Profitant de la liquidation d’un garage voisin, Antoine se porte acquéreur
pour le compte de la SNC en formation, le 30 août 2020, d’un pont
élévateur et de nombreux outils pour un montant total de 18 000 €. Son
frère Jean commande, quant à lui, pour le compte de la SNC en formation
pour 1 200 € de supports de communication, flyers, affiches et cartes de
visite aux nom et logo de la SNC CARSTARS, le 1er octobre 2020. Début
décembre, aucun de ces deux règlements n’a été effectué, le liquidateur du
garage et l’imprimeur commencent à s’impatienter.
Pourtant, dès l’automne 2020, l’activité démarre bien avec une trentaine de
véhicules. Pour améliorer et augmenter les conditions de stockage, Jean
passe un contrat avec un couvreur de la région pour un montant de 24 000 €
afin d’agrandir le hangar. Pierre et Antoine s’inquiètent et souhaiteraient
s’opposer à cet engagement pour lequel ils n’ont pas été consultés
conformément aux statuts. Pierre est d’autant plus inquiet qu’il a reçu
personnellement une mise en demeure de payer une commande d’huile de
vidange passée par la SNC pour un montant de 1 200 €. Pierre et Antoine se
demandent alors s’ils ne pourraient pas révoquer Jean.
Travail à faire
1. La SNC CARSTARS est-elle régulièrement constituée ? (2,5 points)
2. La SNC CARSTARS est-elle tenue au paiement des créances du
liquidateur du garage et de l’imprimeur ? (2 points)
3. Pierre et Antoine peuvent-ils s’opposer au contrat passé avec le
couvreur ? (1,5 point)
4. Pierre doit-il régler la commande d’huile de vidange pour un montant
de 1 200 € ? (1,5 point)
5. À quelles conditions Jean pourrait-il être révoqué ? Y a-t-il des
précautions à prendre ? (2 points)
Après une longue explication entre Pierre et ses fils, les choses rentrent
dans l’ordre et Jean conserve son mandat de gérant. Louis, le fils aîné enfin
rentré de l’étranger, s’intéresse de près à l’affaire à laquelle il aimerait
finalement bien participer. Son épouse, commune en biens, Louise, n’est de
son côté pas très enthousiaste à l’idée de ce projet et préférerait que la
société soit transformée en SARL avant que Louis s’y investisse.
6. Comment expliquez-vous les craintes de Louise ? (1,5 point)
7. À quelles conditions la SNC peut-elle se transformer en SARL ?
Quelles sont les conséquences de cette transformation sur la
responsabilité des associés ? (2 points)
La SNC CARSTARS transformée en SARL CARSTARS a continué à se
développer et a ouvert deux nouveaux établissements, l’un en banlieue
parisienne, et l’autre à proximité de Marseille. Pierre est resté en Loire-
Atlantique avec Jean tandis qu’Antoine se déplace régulièrement dans les
nouveaux établissements. Louis, qui est devenu associé en faisant un apport
de 10 000 €, est très occupé par ailleurs et s’intéresse finalement assez peu à
l’affaire familiale. C’est avec beaucoup de surprise que Jean découvre que
Louis a fait une demande auprès du tribunal de commerce en vue d’obtenir
la désignation d’un expert de gestion. Ce dernier informe par ailleurs son
père et ses frères de son intention de céder ses parts de la SARL
CARSTARS.
8. À quelles conditions la demande de Louis auprès du tribunal de
commerce peut-elle aboutir ? (1 point)
9. À quelles conditions Louis peut-il céder ses parts sociales ? (2 points)

Extrait des statuts de la SNC CARSTARS

Article 4 : Nomination du gérant


Jean G. est nommé gérant de la SNC pour une durée de 5 ans.

Article 5 : Pouvoirs du gérant


Les actes et décisions énumérées ci-après, bien qu’entrant dans l’objet
social, ne sauraient être pris par le gérant sans l’autorisation préalable
des associés en la forme d’une décision ordinaire :
tout échange, acquisition, apport en société ou vente d’un bien ou droit
immobilier ;
toute prise d’intérêt dans d’autres sociétés ;
toute souscription d’un prêt bancaire ou de prêts d’autre nature dont la
valeur serait supérieure à 50 000 € ;
tout engagement pour un montant supérieur à 15 000 €.
EXERCICE 2 ANALYSE DE DÉCISION DE JUSTICE
(4 POINTS)

Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et


économique
Audience publique du 4 novembre 2020, N° de pourvoi 1820409
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Reims, 29 mai 2018), la SARL […] (la société)
a pour associés quatre frères, MM. E…, K…, W… et F… O…, le
premier détenant 40 % du capital et les trois autres associés 20 %
chacun. MM. W… et F… O… sont cogérants de la société. Chacun des
associés est salarié de la société.
2. Reprochant à ses frères d’avoir décidé, au cours des assemblées
générales de 2010 à 2016, l’affectation systématique des bénéfices en
réserves, M. E… O… les a assignés, ainsi que la société, en paiement de
dommages-intérêts pour abus de majorité et en réparation de son
préjudice moral.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. M. E… O… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/que M. E… O… soutenait que les importantes augmentations de
salaires ne pouvaient trouver une justification dans les heures
supplémentaires effectuées par ses trois associés dès lors qu’en leur
qualité de « cadres dirigeants », ils ne pouvaient, sauf à méconnaître
l’article L. 31112 du Code du travail, s’octroyer une rémunération à
raison de ces heures de travail supplémentaires ; que la cour d’appel, qui
n’a pas répondu à ces conclusions de nature à établir un abus de
majorité, dès lors que ces importantes augmentations – concomitantes à
une mise en réserve systématique des bénéfices –, ne trouvaient pas
d’autres justifications, a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ que l’abus de majorité est caractérisé dès lors que les associés
majoritaires salariés mettent systématiquement en réserve les bénéfices
de la société tout en augmentant très fortement leurs salaires –, ce qui
prive de tout revenu l’associé minoritaire non salarié –, sans qu’importe
la circonstance inopérante prise de ce que les réserves viennent garantir
les investissements réalisés par la société ; que la cour d’appel, qui a
pourtant constaté une mise en réserve systématique des bénéfices depuis
l’exercice 2009, concomitante à des augmentations de salaires très
élevées des trois associés, privant ainsi M. E… O… de tout revenu
provenant de la société, ne pouvait, dès lors qu’étaient sans importance
les besoins de garantir les investissements réalisés, écarter tout abus de
majorité sans violer les articles 1382 devenus 1241, 1832 et 18441 du
Code civil. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir énoncé que l’abus de majorité est caractérisé lorsque la
décision d’assemblée générale contestée est contraire à l’intérêt social et
qu’elle a pour but de favoriser les associés majoritaires au détriment des
associés minoritaires, l’arrêt relève que la société avait entrepris des
travaux de construction d’une centrale d’assainissement, projet pour
lequel elle avait souscrit, en 2013, un emprunt de 1,7 million d’euros sur
quinze ans, garanti par une hypothèque et par un nantissement sur le
compte-titres de la société à hauteur d’un million d’euros et dont M. E…
O…, qui l’avait initié lorsqu’il était gérant, ne contestait pas le grand
intérêt. L’arrêt retient ensuite qu’il était nécessaire, pour obtenir le prêt,
et au vu du montant de l’investissement et des revenus de la société, que
cette dernière mette en réserve ses bénéfices, afin d’offrir des garanties
aux banques puis, qu’une fois le prêt obtenu, il était de bonne et prudente
gestion de continuer à mettre en réserve les bénéfices afin d’assurer à la
société une capacité de remboursement sûre et durable, et ce d’autant
plus qu’il était établi que dès l’année 2000, la société avait également
conclu des contrats de crédit-bail pour financer l’acquisition de
nouveaux véhicules.
5. En l’état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que
les décisions de mise en réserve des bénéfices n’étaient pas contraires à
l’intérêt social, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre aux
conclusions, dès lors inopérantes, invoquées par la première branche, a
pu retenir que l’abus de majorité allégué n’était pas constitué.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

Travail à faire
1. Exposez les faits à l’origine de cette affaire. (1 point)
2. Quel est le problème de droit soulevé ? (1 point)
3. Quels sont les arguments de l’auteur du pourvoi ? (0,5 point)
4. Quelle est la solution de la Cour de cassation ? (1 point)
5. Qu’en déduisez-vous ? (0,5 point)

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Notes
1. Le Cannu P., Dondero B., Droit des sociétés, 7e éd. 2018, LGDJ Coll.
Précis Domat, préface.
2. Nicolas Molfessis, Le chameau vu pour la première fois, JCP G 2019,
act. 528.

3. Depuis le 1er janvier 2022, le taux de l’impôt sur les sociétés est
désormais de 25 % pour toutes les sociétés concernées. Le taux réduit de 15
% est maintenu et élargi à toutes les entreprises sont le CAHT ne dépasse
pas 10 M€ au cours de l’exercice et dont le capital est détenu par des
personnes physiques à 75 % minimum. Ce taux réduit de 15 % s’applique
aux 38 120 premiers euros de bénéfices.

4. Depuis le 1er novembre 2019, les travailleurs indépendants dont


l’activité a cessé peuvent bénéficier de l’allocation des travailleurs
indépendants (ATI) de 800 € par mois pendant 6 mois. Plusieurs conditions
sont nécessaires : avoir exercé son activité non salariée pendant 2 ans en
continu, qu’elle ait cessé pour cause de liquidation ou de redressement
judiciaire, justifier au minimum de 10 000 € de revenus perçus au titre de
cette activité et disposer de ressources inférieures au RSA.
5. Même si une reconnaissance du groupe existe en droit comptable, en
droit fiscal et en comptabilité.
6. Ces caractéristiques de la société de personnes ne sont aujourd’hui
pleinement consacrées que dans les sociétés en nom collectif et les sociétés
en commandite simple. Depuis la loi du 4 janvier 1978, ce n’est plus le cas
pour la société civile où le cédant de parts sociales peut obtenir le rachat de
ses parts sociales par les autres associés si ceux-ci ont refusé d’agréer le
cessionnaire, et où, sauf clause contraire des statuts, le décès d’un associé
n’entraîne pas en principe la dissolution de la société.

7. Cozian M., Viandier A., Deboissy F., Droit des sociétés, 31e éd. 2018,
Lexinexis, n° 40.
8. Art. 177 loi n° 2019-486 du 22 mai 2019.
9. Le débat a plus souvent lieu dans les prétoires que dans les sociétés :
P. Merle, A. Fauchon, Droit commercial, Sociétés commerciales, 22e éd.
Dalloz, 2018-2019.
10. CJCE 13 novembre 1990 Marleasing SA, aff. C-106/89, Revue des
Sociétés 1991, p. 532, note Y. Chaput. La CJCE pose en principe que « le
caractère illicite de l’objet de la société est une cause de nullité
expressément visée ; mais l’objet doit être entendu tel qu’il est défini dans
les statuts et non comme l’activité réelle exercée par la société ».
11. S’agissant d’une surévaluation frauduleuse d’un apport en nature
donnant lieu à une infraction pénale, la réduction du capital ne pourra la
faire disparaître.
12. Il existe des exceptions au recours au commissaire aux apports selon le
montant de l’apport dans les SARL et les SAS ou s’il y a eu une évaluation
récente dans les SA. Ces exceptions seront étudiées dans le cadre des
formes sociales concernées.
13. Autrement dit les apports en industrie sont autorisés dans les SNC, les
SARL, les SAS et les sociétés civiles. Les associés commandités des SCS et
des SCA peuvent également réaliser des apports en industrie.
14. Com. 3 juin 1986, RS 1986, p. 585, note Y. Guyon.
15. Le décret n° 2020-106 du 10 février 2020 a modifié l’article R. 210-3
C. com. en remplaçant le terme « journal » par « support » : « un avis est
inséré dans un support habilité à recevoir les annonces légales dans le
département du siège social. »
16. Art. L. 123-32 et L. 123-33 C. com.
17. Le paiement à effectuer concerne l’insertion au Bodacc.
18. Sous condition de détention d’un certain pourcentage du capital,
variable selon les formes sociales.
19. Cass. com. 20 mai 2003, D. 2003, p. 2623, note Dondero ; RS 2003,
p. 479, note Barbiéri.
20. À la majorité dans les SAS depuis la réforme du 19 juillet 2019.
21. Loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019.
22. Les formalités de la cession de créance prévues par l’article 1690 du
Code civil jugées trop lourdes ont été abandonnées par l’ordonnance du
10 février 2016.
23. Art. L. 820-5 C. com.
24. Voir art. L. 822-10 C. com. Une exception est cependant envisagée
pour les activités d’enseignement se rattachant à l’exercice de la profession
ou un emploi rémunéré chez un commissaire aux comptes ou chez un
expert-comptable.
25. Décret n° 2019-514 du 24 mai 2019.
26. Elles concernaient les sociétés par actions : SA et SCA.
27. Art. L. 221-7 C. com.
28. Art. L. 223-35 C. com.
29. Art. L. 227-9-1 C. com.
30. Art. L. 225-218 C. com.
31. Le délai a été réduit à 3 ans contre 5 ans auparavant par l’ordonnance
n° 2016-315 du 17 mars 2016, permettant une mise en conformité avec le
droit européen.
32. L’étude de l’AMF sera développée dans la partie consacrée aux valeurs
mobilières dans le Cours n° 2.
33. La catégorie des sociétés de personnes comprend : les SNC, les SCS et
les sociétés civiles. L’étude des sociétés en commandite et des sociétés
civiles sera menée dans le Cours n° 3.
34. Et les articles R. 221-1 à R. 221-10 C. com.
35. Sans exigence de détention de capital social, contrairement aux sociétés
à responsabilité limitée ou par actions.
36. Faute d’un délai de prescription abrégé de 3 ans prévu par la loi comme
c’est le cas pour les SARL ou les sociétés par actions, c’est le délai de droit
commun qui s’applique, donc 5 ans.
37. Art. L. 221-13 C. com. issu de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019.
38. Par la garantie de passif, le cédant s’engage à prendre à sa charge tout
ou partie des dettes existant antérieurement à la cession et qui se
révèleraient postérieurement à celle-ci.
39. Les formalités de la cession de créance prévues par l’article 1690
C. civ. antérieurement en vigueur et jugées trop lourdes, ont été
abandonnées par l’ordonnance du 10 février 2016.
40. À défaut, les dividendes reviennent à celui qui a la qualité d’associé au
jour de la distribution.
41. Renvoi partie 1, chapitre 2, section 2.
42. Et les articles R. 223-1 à R. 223-36 C. com.
43. L’usufruitier s’est vu reconnaitre par la loi du 19 juillet 2019 le droit de
participer à toutes les décisions, quand bien même il n’y exercerait pas le
droit de vote (art. 1844 C. civ.).
44. Des dispositions dérogatoires de réunions et de délibérations des
assemblées et des organes collégiaux à cause de la Covid 19 avaient été
prises par l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 et reconduites
jusqu’au 31 juillet 2021.

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Crédits
L’auteur :
Laetitia Tomasini : agrégée d’économie et gestion, normalienne, diplômée
des facultés de droit, responsable pédagogique de l’UE de droit des sociétés
au Cnam-Intec.

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