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Examen d’aptitude professionnelle

Écrit 2021

Exemple de résolution

Droit social
Le texte ici présenté est considéré comme un bon examen.

Il ne répond pas de manière parfaite à l’ensemble des exigences relatives aux trois parties de
l’exercice, et peut même contenir des erreurs.
Cette copie peut néanmoins servir d’exemple positif de ce que sont les attentes du jury.

Exemple de résolution – Droit civil – Examen d’aptitude professionnelle – Écrit 2021


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I. Les éléments factuels pertinents

a) Les faits pertinents

Les faits tels qu'ils ressortent du dossier de la procédure peuvent être synthétisés de la manière suivante
:

1. Madame JAM. a été engagée par l'ASBL CENTRE HOSPITALIER (ci-après le CHC), en qualité d'infirmière
hospitalière, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à partir du 1er octobre 2011
(pièce 1 du dossier de Madame JAM). Le régime de travail de Madame JAM a évolué au cours de son
occupation par le CHC, alternant des périodes de travail à temps partiel (notamment dans le cadre de
congés parentaux) et de travail à temps plein (pièce 12 du dossier de Madame JAM). Elle travaillait à
temps plein depuis le 1er avril 2018.

Madame JAM a été affectée, à partir du 1er juin 2012, au bloc opératoire d'une clinique du groupe CHC
(Saint-Joseph) (pièce 1B du dossier du CHC). Elle a été transférée au sein d'une autre clinique
(L'Espérance), toujours pour travailler au bloc opératoire, à partir du 1er décembre 2016.

2. Madame JAM a connu plusieurs périodes d'incapacité de travail au cours de sa carrière au sein du CHC
:

- selon le CHC, elle aurait été absente 6 fois entre le 1/01/2012 et le 22/1/2013 (pièce 1B du dossier du
CHC);

- elle a été absente du 12/02/2014 au 15/11/2016 (33 mois) (pièce 9 du dossier de Madame JAM);

- depuis sa reprise du travail, le 16/11/2016, après cette période d'incapacité de longue durée jusqu'à la
fin des relations contractuelles entre les parties, Madame JAM aurait été absente pour cause d'incapacité
de travail à douze reprises (pièce 0ter du dossier du CHC) (à dix reprises selon les explications du CHC -
pièce 5 de son dossier);

- la dernière période d'incapacité de travail de Madame JAM a débuté le 23/05/2018 et devait


théoriquement prendre fin le 10/08/2018.

Madame JAM explique que ses absences sont liées à un état dépressif majeur ainsi qu'à un état de stress
post-traumatique découlant d'attouchements sexuels dont elle a été victime durant son enfance de la
part de son oncle. Elle se plaint également des conditions de travail difficiles au sein du service auprès
duquel elle a été affectée, à partir du 1er décembre 2016, après son absence pour incapacité de 33 mois
(pièce 14 du dossier de Madame JAM).

3. Alors que Madame JAM était en incapacité de travail, le CHC lui a notifié son licenciement moyennant
le paiement d'une indemnité compensatoire de préavis équivalent à 3 mois et 15 semaines de
rémunération, par un courrier recommandé du 19 juin 2019 (pièce 2 du dossier du CHC). Cette notification
écrite a été précédée, le jour même, d'un entretien téléphonique entre Madame JAM et le coordinateur
du département infirmier. Ce dernier a averti la travailleuse de la décision du CHC de rompre son contrat.

4. Madame JAM a sollicité, par un courrier recommandé du 24 juillet 2018, auprès du CHC, la
communication des motifs concrets de son licenciement en application de la CCT n°109 (pièce non
produite par les parties).
2

Le CHC a répondu par un courrier recommandé du 9 août 2018 (pièce 3 du dossier du CHC). Il justifie le
licenciement de Madame JAM par les motifs suivants (pièce 3 du dossier du CHC) :

- constat d'un manque réel d'investissement;

- manque de volonté de progresser dans son travail;

- perte de confiance à son égard de la part de nombreux médecins du bloc opératoire, de ses responsables
hiérarchiques ainsi que de ses collègues;

- avertissement quelques heures seulement avant le début de ses absences pour raison de santé, ce qui
engendrait des irritations chez les personnes devant réorganiser le service.

Le conseil de Madame JAM a adressé une mise en demeure au CHC, par un courrier recommandé du 29
août 2018, afin de réclamer une indemnité prévue par la loi du 10/05/2007 tendant à lutter contre les
discriminations (soit 6 mois de rémunération) car le licenciement de Madame JAM constituerait un acte
de discrimination en raison d'un handicap (pièce 4 du dossier du CHC).

Le CHC a répondu à cette mise en demeure par un courrier du 3 septembre 2018 (pièce 5 du dossier du
CHC) afin de contester cette demande et le caractère discriminatoire du licenciement de Madame JAM.

5. Madame JAM a ensuite introduite une action devant le Tribunal du travail de Liège, Division Liège, par
une requête envoyée par courrier recommandé au greffe de cette juridiction le 24 janvier 2019 (requête
reçue le 28/01/2019). Elle réclame au CHC :

- une indemnité correspondant à 6 mois de rémunération pour licenciement discriminatoire telle que
prévue à l'article 18, §2, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contrat certaines formes de
discrimination ;

- une indemnité correspondant à 17 semaines de rémunération pour licenciement manifestement


déraisonnable en application de la CCT n°109, ou, à défaut, à titre de dommages et intérêts pour
licenciement abusif.

b) Les antécédents de la procédure

6. À la suite du dépôt de la requête introductive d'instance de Madame JAM (courrier recommandé du


24/01/2019, le Tribunal a convoqué les parties à une audience d'introduction le 19 mars 2019 en invitant
les parties à être présentes en personne afin de recevoir une information concernant le recours aux modes
de résolution amiable du litige.

Par un courriel du 14/02/2019, le conseil du CHC a sollicité que le Tribunal dispense le directeur des
ressources humaines de comparaître en personne, dans la mesure où il avait précédemment déjà reçu
une information relative à la médiation.

7. Lors de l'audience du 19 mars 2019, le CHC était uniquement représenté par son conseil. Aucun
dirigeant n'a comparu personnellement. L'affaire a été remise à une audience du 21 mai 2019 et ensuite
à une audience du 3 septembre 2019 pour permettre aux parties de comparaître personnellement. Les
parties ont finalement déposé, lors de l'audience du 3 septembre 2019, un calendrier de procédure
amiable. Une ordonnance en application de l'article 747, §1er du Code judiciaire a été rendue. L'affaire a
finalement été plaidée à une audience du 1er décembre 2020.
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8. L'Auditorat du travail auquel l'affaire avait été communiquée a informé le Tribunal qu'en application de
l'article 766 du Code judiciaire, il n'émettre pas d'avis dans ce dossier.

II. L'analyse juridique

a) Les pistes envisageables

a.1. Sur le plan de la procédure

9. Les points suivants doivent être vérifiés :

- la compétence matérielle du Tribunal du travail (article 578, 1° et 13° du Code judiciaire) (question
d'ordre public qui doit être vérifiée d'office par le juge);

- la compétence territoriale du Tribunal du travail de Liège, Division Liège (article 627, 9°) (question qui,
en matière de droit du travail, relève du droit impératif ; elle ne doit pas être soulevée d'office par le juge
en l'absence de contestation du défendeur dans une procédure contradictoire);

- l'intérêt et la qualité des parties (articles 17 et 18 du Code judiciaire) (question qui peut mais ne doit pas
être soulevée d'office par le juge) ;

- les formes de l'acte introductif d'instance (article 704, §1 du Code judiciaire en matière de litige relatif à
un contrat de travail - irrégularité à cet égard soumise à la théorie des nullités - articles 860 et suivants du
Code judiciaire);

- la prescription des demandes (article 15 de la loi du 3 juillet 1978) (en matière de contrat de travail, cette
question ne peut pas être soulevée d'office - article 2223 du Code civil);

- la communication de la cause à l'Auditorat du travail (article 764, 12°, du Code judiciaire);

- la possibilité pour le juge d'ordonner la comparution personnelle des parties et l'information en matière
de règlement amiable des litiges (article 730/1 du Code judiciaire).

a.2. Sur le plan du fond

1) Remarque à titre liminaire

10. Compte tenu du principe dispositif (article 1138, 2°, Code civil), il convient d'examiner les deux
demandes introduites par Madame JAM, sous réserve du pouvoir de juge, compte tenu de la conception
factuelle de la cause et de l'objet, d'envisager des dispositions juridiques ou des fondements légaux non
envisagés par les parties, dans le respect du contradictoire.

2) Le licenciement de Madame JAM peut-il être qualifié de discriminatoire au sens de la loi du 10 mai
2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination en raison du handicap allégué par la
travailleuse ?

10. Concernant la demande d'indemnité liée à une éventuelle discrimination sur la base du handicap, la
premier question à trancher est de savoir si Madame JAM souffre d'un handicap au sens de la loi du 10
mai 2007, notion telle qu'interprétée par la jurisprudence de la CJUE (la loi, transposant une Directive
européenne, doit être interprétée à la lumière de cette dernière, a fortiori dans la mesure la loi belge ne
définit pas le terme de "handicap").
4

Le CJUE définit le handicap comme "une limitation de la capacité, résultant notamment d'atteintes
physiques, mentales ou psychiques durables, dont l'interaction avec diverses barrières peut faire
obstacles à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base
de l'égalité avec les autres travailleurs" (CJUE, 9 mars 2017, C-409-15 et CJUE, 18 janvier 2018, C-270/16).

Madame JAM peut soutenir que son état dépressif majeur ainsi que son état de stress post-traumatique
constituent des atteintes psychiques durables qui font obstacle à sa participation pleine et effective à la
vie professionnelle par rapport aux autres travailleurs.

Le CHC pourrait en revanche considérer que les troubles psychiques de Madame JAM ne répondent pas à
la définition de "handicap" tel que fixée par la CJUE.

11. Si l'on considère que Madame JAM souffre d'un handicap, il convient ensuite de déterminer si son
licenciement constitue une distinction directe ou indirecte, dans le cadre des relations de travail.

12. Il faut ensuite déterminer si cette distinction directe ou indirecte peut être justifiée ou non, en tenant
compte des motifs de justification légalement admis (articles 8 ou 9 de la loi du 10 mai 2007) ainsi que
des règles en matière de charge de la preuve (article 28 de la loi du 10 mai 2007).

En matière de handicap, un employeur peut notamment démontrer qu'une distinction indirecte n'est pas
discriminatoire car aucun aménagement raisonnable ne peut être mis en plus. Il peut également établir
que la différence de traitement est justifiée par un but légitime et que les moyens mis en place pour
atteindre cet objectif sont appropriés et nécessaires (article 9 de la loi du 10 mai 2007).

13. L'on pourrait également envisager la question de la discrimination sur la base d'un autre critère
protégée par la loi du 10 mai 2007 qui est celui de "l'état de santé actuel et futur" (dont les justifications
admises en matière de relations de travail et de discrimination directe diffèrent de celles relatives au
handicap). Il faudrait toutefois, le cas échéant, inviter les parties à exposer leurs arguments à ce sujet,
dans le cadre d'une réouverture des débats.

14. Si une discrimination est constatée, la question du montant de l'indemnisation doit être examinée
(article 18 de la loi du 10 mai 2007).

Madame JAM réclame une indemnité équivalente à 6 mois de rémunération, en application de l'article
18, §2, 2°, de la loi du 10 mai 2007).

Le CHC pourrait toutefois soutenir que la décision de licenciement de Madame JAM serait intervenue
même en l'absence de discrimination. Si cette preuve est apportée, l'indemnité serait limitée à 3 mois de
rémunération.

3) Si oui, Madame JAM peut-elle cumuler l'indemnité qu'elle pourrait obtenir en application de la loi du
10 mai 2007 avec une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable en application de la
CCT n°109 ?

15. Madame JAM sollicite, sans préciser s'il s'agit d'une demande introduite à titre principal ou subsidiaire,
outre une indemnité en application de la loi du 10 mai 2007, une indemnité en application de la CCT n°109.
5

Le CHC pourrait opposer à Madame JAM que, s'il est fait droit à sa demande d'indemnité sur la base de la
loi du 10 mai 2007, elle ne peut demander en plus une indemnité en application de la CCT n°109. Un tel
cumul serait interdit en application de l'article 9, §3, de la CCT n°109.

Madame JAM pourrait tenter d'établir qu'il s'agit d'indemnités ayant un objet et une cause différents. Le
cumul serait donc autorisé.

16. En revanche, si aucune indemnité sur la base de la loi du 10 mai 2007 n'est accordée à Madame JAM,
l'article 9, §3, de la CCT n°109 ne serait pas un obstacle à l'examen de la demande d'indemnité pour
licenciement manifestement déraisonnable.

4) Si le cumul visé au point 3) ci-dessus ne peut être admis, l'indemnité éventuellement due en
application de la loi du 10 mai 2007 peut-elle être cumulée avec une indemnité pour licenciement abusif
en application du droit commun ?

17. Madame JAM indique dans sa requête introductive d'instance que sa demande d'indemnité pour
licenciement manifestement déraisonnable est soit fondée sur la CCT n°109 soit sur le droit commun du
licenciement abusif.

Madame JAM pourrait soutenir que si un cumul entre l'indemnité sur la base de la loi du 10 mai 2007 n'est
pas possible, alors sa demande doit être envisagée sur la base du droit commun du licenciement abusif.

Madame JAM devait alors établir une faute dans le chef du CHC, un dommage (et son montant) distinct
de celui réparé par l'indemnité compensatoire de préavis ainsi que de celui réparé par l'indemnité
obtenue le cas échéant en application de la loi du 10 mai 2007 et un lien causal entre la faute et le
dommage (il est traditionnellement admis que le licenciement abusif de droit commun est fondé sur
l'article 1134 de l'ancien Code civil).

18. Le CHC pourrait quant à lui affirmer que le seul aspect pour lequel Madame JAM pourrait solliciter une
indemnité concerne les circonstances du licenciement. Le dommage éventuel lié aux motifs aurait quant
à lui été réparé par l'indemnité octroyé en application de la loi du 10 mai 2007. Or, le CHU n'aurait commis
aucune faute dans la manière dont il a rompu le contrat de Madame JAM.

b) La solution juridique retenue

b.1. Sur le plan de la procédure

Le Tribunal du travail de Liège, Division Liège, est matériellement (litige en matière de contrat de travail
et contestation fondée sur la loi du 10 mai 2007 en matière de relation de travail - article 578, 1° et 13°
du Code judiciaire) et territorialement (Madame JAM travaillait au sein d'une clinique du groupe CHC
située dans l'arrondissement judiciaire de Liège - article 627, 9°, du Code judiciaire) pour connaître du
litige.

Madame JAM a intérêt et qualité pour introduire une action à l'encontre de son ancien employeur pour
lui réclamer les indemnités litigieuses (articles 17 et 18 du Code judiciaire).

La procédure a été introduite dans les formes légales (requête contradictoire en application de l'article
704, §1 du Code judiciaire respectant les règles des articles 1034bis à 1034 sexies du Code judiciaire).
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L'action de Madame JAM introduite dans l'année de la rupture du contrat (rupture le 19/06/2018 et
courrier recommandé afin de déposer la requête du 24/01/2019) (article 15 de la loi du 3 juillet 1978).

La cause devait être communiquée, à peine de nullité, à l'Auditorat du travail s'agissant d'une matière
visée à l'article 764, 12°, du Code judiciaire, ce qui a été le cas en l'espèce. Toutefois, l'Auditorat pouvait
légalement décider qu'il n'était pas nécessaire d'émettre un avis et il en a avisé le greffe avant l'audience,
conformément à l'article 766, §1er, alinéa 5, du Code judiciaire).

En application de l'article 730/1, §2, le Tribunal pouvait ordonner la comparution personnelle des parties
afin de les interroger sur la manière dont elles ont tenté de résoudre le litige à l'amiable avant
l'introduction du litige et les informer des possibilités d'encore résoudre le litige à l'amiable. Le Tribunal
devait, en toute hypothèse, à peine de nullité, faire précéder les débats d'une tentative de conciliation,
s'agissant d'un litige visé à l'article 578 du Code judiciaire (article 734 du Code judiciaire).

b.2. Sur le plan du fond

1) Le licenciement de Madame JAM peut-il être qualifié de discriminatoire au sens de la loi du 10 mai
2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination en raison du handicap allégué par la
travailleuse ?

19. Compte tenu de la définition large de la notion de handicap retenue par la CJUE, la situation de
Madame JAM pourrait effectivement être qualifiée de handicap au sens de la loi du 10 mai 2007.

Ses problèmes de santé sont durables, comme le confirme les attestations médicales produites par
Madame JAM (pièces 2, 4 et 11 de son dossier). Le nombre et la durée de ses absences, notamment celle
de 33 mois, démontrent l'impact des atteintes psychiques dont elles souffrent font obstacle à sa
participation pleine et effective à la vie professionnelle par rapport aux autres travailleurs.

20. Son licenciement peut être analysé comme une distinction indirecte. Le CHC motive la rupture du
contrat par un manque d'investissement mais le seul exemple cité concerne les absences de Madame
JAM. Sur la base d'un critère a priori neutre (manque d'investissement et absentéisme), la décision du
CHC est d'entrainer un désavantage particulier aux personnes telles que Madame JAM qui souffre d'un
handicap. Ces derniers sont susceptibles d'être plus souvent absents.

21. Le CHC ne démontre pas que cette différence de traitement serait justifiée par un motif légitime et
que le licenciement de Madame JAM serait une mesure nécessaire et proportionné. Les tensions qui
existeraient au sein de l'équipe ne sont démontrées que par des attestations qui ne respectent pas le
prescrit du Code judiciaire et établies postérieurement au litige. La désorganisation n'est pas démontrée.
Aucun avertissement écrit n'a été adressée à Madame JAM avant la rupture concernant la qualité de son
travail ou son (manque) investissement.

22. Le CHC n'établit pas non plus que le traitement préjudiciable serait intervenu même en l'absence de
discrimination. Une indemnité équivalente à 6 mois de rémunération doit donc être accordée à Madame
JAM.

2) Si oui, Madame JAM peut-elle cumuler l'indemnité qu'elle pourrait obtenir en application de la loi du
10 mai 2007 avec une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable en application de la
CCT n°109 ?
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23. L'indemnité due à Madame JAM en application de la loi du 10 mai 2007 ne peut se cumuler avec une
indemnité en application de la CCT n°109 (article 9).

Cette demande sur cette base n'est pas fondée.

3) Si le cumul visé au point 2) ci-dessus ne peut être admis, l'indemnité éventuellement due en
application de la loi du 10 mai 2007 peut-elle être cumulée avec une indemnité pour licenciement abusif
en application du droit commun ?

24. En application du droit commun du licenciement abusif, la demande de dommages et intérêts de


Madame JAM n'est pas fondée.

Elle n'établit pas de faute dans le chef du CHC au niveau des circonstances de son licenciement.

En toute hypothèse, elle ne prouve pas un préjudice qui ne serait pas déjà couvert par l'indemnité
compensatoire de préavis ou l'indemnité en application de la loi du 10 mai 2007.

III. Les aspects humains et sociétaux du cas pratique

a) Réflexions sur le plan humain et sociétal

Le cas pratique suscite les réflexions suivantes :

1) La place et la protection des personnes souffrant d'un handicap sur le marché du travail

25. La place des personnes souffrant d'un handicap sur le marché du travail fait l'objet d'une attention
particulière de la part du législateur national mais également européen.

L'extension de la définition de la notion de handicap par la CJUE est de nature à accroitre les situations
qui peuvent entrer dans le champ d'application de la loi du 10 mai 2007 et ainsi permettre de lutter contre
les discriminations. La loi belge prévoit différents mécanismes (renversement de la charge de la preuve,
action en cessation, nullité des clauses contractuelles contraires à la loi, intervention d'UNIA) venant en
aide aux personnes souffrant d'un handicap. Ces derniers sont de plus en plus mis en œuvre devant les
juridictions du travail.

La question des aménagements raisonnables dont les personnes handicapées peuvent solliciter est un
élément important de la protection. Le refus de tels aménagements peut constituer une discrimination.

Le Constituant belge a d'ailleurs l'intention de renforcer la protection des personnes handicapées en


intégrant prochainement un nouvel article dans la Constitution à ce sujet. Il est possible que seule une
obligation de standstill ne soit reconnue à cette nouvelle disposition (à l'instar de celle découlant de
l'article 23 de la Constitution). Le principe de standstill constitue un instrument juridique - certes
imparfait- qui peut être mobilisé utilement par les juridictions du travail et les Auditorats.

2) La gestion des ressources humaines au regard de la problématique de l'absentéisme auquel doivent


faire face certains employeurs

26. Certains employeurs sont confrontés à des problèmes d'absentéisme parfois important, notamment
dans des secteurs générateurs de beaucoup de stress au travail comme le secteur hospitalier.
8

Le bien-être des travailleurs est primordial. Il convient néanmoins d'avoir également égard à l'impact que
ces absences peuvent avoir sur l'organisation d'une entreprise ou d'une institution. Une mauvaise gestion
de ce type de situation peut avoir des répercutions en cascade (entrainent une surcharge de travail pour
le personnel présent).

La CJUE, dans son arrêt du 18 janvier 2018 C-270/16, reconnaît d'ailleurs que la lutte contre l'absentéisme
est un objectif légitime en matière de politique de l'emploi (considérant 44).

Il faut trouver un point d'équilibre entre les mesures nécessaires et proportionnées qu'un employeur peut
prendre face à un phénomène d'absentéisme et la protection des travailleurs dont l'absentéisme est
parfois causé par ses conditions de travail.

3) Les modes alternatifs de règlement des litiges et l'office du juge à cet égard

27. Le Code judiciaire permet au juge d'avoir un rôle actif afin de s'assurer que les parties ont été
correctement informées des différentes possibilités de résoudre de manière amiable leur litige (article
730/1 du Code judiciaire). Il s'agit d'une évolution qui me semble positive car certaines affaires en matière
de droit du travail sont propices au recours à la médiation.

Les parties et leurs conseils y sont parfois réticents, notamment en raison du coût de cette procédure et
des crispations qui peuvent résulter des échanges en phase précontentieuse. L'initiative des juridictions
du travail liégeoises de systématiquement convoquer les parties en personne pour recevoir une
information relative à la médiation doit être saluée. Les parties peuvent changer d'avis concernant la
médiation après avoir pu s'entretenir avec un médiateur.

Néanmoins, dans certains cas, exiger la comparution personnelle des parties, en remettant, le cas
échéant, l'affaire à plusieurs reprises, peut s'avérer contreproductif.

b) Efficacité sociale de la solution juridique retenue

28. La solution juridique que je propose de retenir permet d'assurer l'effectivité de la protection des
personnes handicapées prévues par la loi du 10 mai 2007.

La lutte contre l'absentéisme est un motif légitime dans le chef d'un employeur. Elle ne peut toutefois pas
justifier toutes les mesures, sans distinction quant à l'origine de cet absentéisme.

L'absence d'éléments probants objectifs concernant les manquements reprochés à la travailleuse et la


désorganisation du travail allégué a fait pencher la balance de l'analyse en faveur de la travailleuse.

La solution retenue permet par ailleurs d'éviter que la partie demanderesse n'obtienne une double
indemnisation pour un même préjudicie ou une indemnisation pour un dommage qui n'est pas établi.

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