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1
Chapitre
1
:
Introduction
à
la
science
économique
Ce
chapitre
va
tour
à
tour
présenter
:
-‐ la
naissance
de
l’économie
politique
comme
science
affranchie
de
la
pensée
philosophique
et
théologique
;
-‐ l’évolution
de
la
pensée
économique
ou
la
manière
dont
le
problème
fondamental
étudié
par
la
nouvelle
science
a
été
perçu
par
plusieurs
écoles
de
pensée
à
travers
l’histoire
;
-‐ les
concepts
de
base
nécessaires
à
l’analyse
du
problème
fondamental
de
la
science
économique
;
-‐ les
approches
alternatives
et
complémentaires
de
l’analyse
économique
;
-‐ la
méthodologie
économique.
1.1
L’économie
politique
Le
mot
économie
dérive
du
grec
oikos
(la
maison
en
tant
qu’unité
d’organisation
sociale)
et
nomos
(la
loi,
l’ordre,
la
norme).
Le
terme
économie
politique
(du
grec
polis,
la
cité)
est
utilisé
pour
la
première
fois
par
Antoine
de
Montchrestien 1
en
1615
dans
son
ouvrage
Traité
d’économie
politique.
Qu’est
ce
que
donc
l’économie
politique
?
Jean-‐Baptiste
Say
y
répond
de
manière
sans
équivoque
:
«
L’économie
politique
n’est
pas
autre
chose
que
l’économie
de
la
société
»2.
De
cette
définition
nous
tirons
que
l’on
parle
d’économie
politique
dès
lors
qu’on
a
à
disserter
de
questions
économiques
qui
se
posent
dans
une
collectivité
(société)
structurée.
Les
questions
économiques
(production,
échange,
consommation)
se
posent
dans
toute
société
humaine,
mais
là
où
les
relations
entre
individus
et
groupes
d’individus
ne
sont
pas
organisées
sous
la
forme
d’un
pouvoir
politique
incontesté,
il
est
difficile
d’isoler
l’économie
de
la
société
et
d’en
faire
un
objet
d’étude.
Pendant
de
nombreux
siècles
et
ce
jusqu’au
Moyen
Âge,
les
problèmes
économiques
sont
étudiés
dans
le
cadre
de
réflexions
philosophiques,
théologiques,
et
morales3.
Ainsi,
bien
que
l’on
trouve
chez
plusieurs
penseurs
des
ébauches
de
discours
économiques,
on
ne
peut
pas
dire
qu’il
ait
existé
une
théorie
économique
avant
le
16ème
siècle.
L’ouvrage
d’Antoine
de
Montchrestien
peut
être
considéré
comme
le
tout
premier
traité
de
ce
qui
va
devenir
la
science
économique.
La
naissance
de
cette
nouvelle
science
est
sans
aucun
doute
due
au
besoin
des
dirigeants
des
Etats
organisés
de
l’époque
et
de
la
nouvelle
classe
des
commerçants
de
disposer
de
règles
pratiques
d’organisation
de
grands
ensembles
politiques
que
sont
les
États-‐nations.
Jean-‐
1
de
Montchrestien,
Antoine
(1575-‐1621)
est
un
poète,
dramaturge,
et
économiste
français,
auteur
d’un
Traité
d’économie
politique
publié
en
1615.
2
Say,
Jean-‐Baptiste
(1852),
Cours
complet
d’Economie
Politique,
Tome
1,
p.
1. Version en ligne sous la
Collection des Principaux économistes, Tome 10, URL : http://www.dauphine.fr/CRJBS/cours1.pdf.
3
On
peut
déjà
trouver
le
terme
économique
dans
les
traités
des
philosophes
grecs
Xénophon
et
Aristote.
Pour
les
penseurs
grecs,
l’économie
se
limite
à
l’art
d’administrer
ses
biens.
Ces
penseurs
s’adonnent
donc
à
formuler
des
lois
présidant
à
la
gestion
des
biens
d’une
unité
de
vie
(oikos,
famille,
clan).
2
Baptiste
Say
précise
:
«
Les
sociétés
politiques,
que
nous
nommons
des
nations,
sont
des
corps
vivants,
de
même
que
le
corps
humain.
Elles
ne
subsistent,
elles
ne
vivent
que
par
le
jeu
des
parties
dont
elles
se
composent,
comme
le
corps
de
l’individu
ne
subsiste
que
par
l’action
de
ses
organes.
L’étude
que
l’on
a
faite
de
la
nature
et
des
fonctions
du
corps
humain,
a
créé
un
ensemble
de
notions,
une
science
à
laquelle
on
a
donné
le
nom
de
physiologie.
L’étude
que
l’on
a
faite
de
la
nature
et
des
fonctions
des
différentes
parties
du
corps
social,
a
créé
de
même
un
ensemble
de
notions,
une
science
à
laquelle
on
a
donné
le
nom
d’Économie
politique,
et
qu’on
aurait
peut-‐être
mieux
fait
de
nommer
Économie
sociale.
»4
La
description
de
JB
Say
est
très
illustrative.
Les
philosophes
anciens
s’évertuaient
en
effet
à
«
imaginer
»,
à
«
concevoir
»
un
ordre
idéal
selon
lequel
devait
fonctionner
les
sociétés.
C’est
ainsi
que
dans
son
ouvrage
«
La
République
»,
Platon
décrit
une
société
idéale
entièrement
vouée
à
la
recherche
de
la
justice.
S’éloignant
de
la
recherche
de
ces
lois
naturelles,
les
économistes
vont
plutôt,
comme
si
bien
décrit
par
JB
Say,
s’atteler
à
disséquer
la
société
(cet
ensemble
constitué
de
différentes
parties),
à
étudier
les
faits.
Vilfredo
Pareto
le
dit
de
manière
plus
claire
encore
:
«
La
science
dont
nous
entreprenons
l'étude
est
une
science
[…]
comme
la
psychologie,
la
physiologie,
la
chimie,
etc.
Comme
telle,
elle
n'a
pas
à
donner
de
préceptes;
elle
étudie
d'abord
les
propriétés
naturelles
de
certaines
choses,
et
ensuite,
elle
résout
des
problèmes
qui
consistent
à
se
demander:
Etant
données
certaines
prémisses,
quelles
en
seront
les
conséquences
"!
Notre
étude
a
pour
objet
les
phénomènes
qui
résultent
des
actions
que
font
les
hommes
pour
se
procurer
les
choses
dont
ils
tirent
la
satisfaction
de
leurs
besoins
ou
leurs
désirs.
Il
nous
faut
donc
d'abord
examiner
la
nature
des
rapports
entre
les
choses
et
la
satisfaction
de
ces
besoins
ou
de
ces
désirs,
et
tâcher
ensuite
de
découvrir
les
lois
des
phénomènes
qui
ont
précisément
ces
rapports
pour
cause
principale.5
Ainsi
naît
la
science
économique.
Dès
cette
période
on
peut
déjà
se
faire
une
idée
de
la
méthode
économique
:
observer
les
faits,
les
phénomènes
et
en
tirer
les
lois
plutôt
que
d’imposer
les
lois
sur
la
société.
Cette
science
naît
au
moment
où
le
rayon
des
échanges
commerciaux
s’élargit
de
plus
en
plus.
Les
commerçants
(mercantilistes)
s’aventurent
de
plus
en
plus
loin
de
leurs
pays
d’origine.
Au
même
moment,
les
États-‐nations
prennent
forme
en
Europe.
La
conjonction
de
ces
deux
mouvements
crée
le
besoin
d’une
discipline
affranchie
de
réflexions
philosophiques
et
morales.
Quel
est
alors
le
problème
fondamental
dans
ces
grands
ensembles
que
sont
les
États-‐nations?
Ce
problème
peut
être
formulé
comme
suit
:
«
qu’est
ce
qui
détermine
la
richesse
d’une
nation
?
»
Celui
qui
est
considéré,
à
juste
titre,
comme
le
père
des
économistes
classiques,
Adam
Smith
a
publié
en
1776
un
ouvrage
intitulé
Recherches
sur
la
nature
et
les
causes
de
la
richesse
des
nations.
Dans
cet
ouvrage,
Adam
Smith
explique
l’origine
de
la
prospérité
économique
dont
jouissaient
certains
Etats,
notamment
l’Angleterre
et
les
Pays-‐Bas.
4
Say,
JB,
op.
cit.
p.
1.
5
Pareto,
Vilfredo
(1896),
Cours
d’Economie
Politique,
Lausanne,
Ed.
F.
Rouge,
pp.
2-‐3.
3
L’enrichissement
des
nations
est
un
problème
capital.
Ce
problème
est
universel
et
atemporel.
Il
se
pose
pour
toute
société
organisée
et
il
est
pertinent
en
toute
période,
même
pour
les
nations
déjà
riches.
Le
problème
peut
être
formulé
alternativement
comme
suit
:
«
pourquoi
certaines
nations
prospères
et
d’autres
pas
?
»
La
connaissance
des
causes
de
la
richesse
des
nations
devrait
permettre
aux
nations
moins
prospères
de
«
rattraper
»
les
nations
avancées.
Pourquoi
cette
question
est-‐elle
importante.
Adam
Smith
répond
à
cette
question
dans
les
termes
qui
suivent
:
«
L’Économie
politique,
considérée
comme
une
branche
des
connaissances
du
législateur
et
de
l’homme
d’État,
se
propose
deux
objets
distincts
:
le
premier,
de
procurer
au
peuple
un
revenu
ou
une
subsistance
abondante,
ou,
pour
mieux
dire,
de
le
mettre
en
état
de
se
procurer
lui-‐
même
ce
revenu
et
cette
subsistance
abondante
;
le
second,
de
fournir
à
l’État
ou
à
la
communauté
un
revenu
suffisant
pour
le
service
public
;
elle
se
propose
d’enrichir
à
la
fois
le
peuple
et
le
souverain.
»6
Examinons
attentivement
cette
phrase.
Nous
en
tirons
les
enseignements
suivants
:
i) Le
législateur
et
l’homme
d’État,
eux
qui
ont
la
charge
de
la
direction
des
affaires
de
l’État,
ont
pour
préoccupations
essentielles
:
a. Comment
s’assurer
que
le
peuple
(qu’ils
dirigent)
ait
des
moyens
abondants
pour
subvenir
à
ses
besoins
;
b. Comment
s’assurer
que
l’État
ait
les
moyens
suffisants
pour
«
payer
»
les
services
publics
?
ii) L’Économie
politique
est
la
science
des
connaissances
que
ces
dirigeants
ont
par
rapport
à
ces
préoccupations.
iii) L’Économie
politique
a
pour
objectif
:
enrichir
à
la
fois
le
peuple
et
l’État.
Comment
s’exprime
la
richesse
d’une
nation
?
Par
la
quantité
des
biens
et
services
(biens
tangibles
comme
le
riz,
les
voitures,
le
manioc,
le
cuivre,
ainsi
que
les
biens
intangibles
comme
les
services
rendus
par
un
transporteur,
un
coiffeur)
produits.
Une
société
organisée
et
complexe
ne
peut
donc
vivre
de
la
simple
cueillette.
Elle
doit
s’engager
dans
des
activités
de
production
des
biens.
Une
fois
encore,
lisons
Adam
Smith
:
«
Le
Travail
annuel
d’une
nation
est
le
fonds
primitif
qui
fournit
à
sa
consommation
annuelle
toutes
les
choses
nécessaires
et
commodes
à
la
vie
;
et
ces
choses
sont
toujours
ou
le
produit
immédiat
de
ce
travail,
ou
achetées
des
autres
nations
avec
ce
produit.
Ainsi,
selon
que
ce
produit,
ou
ce
qui
est
acheté
avec
ce
produit,
se
trouvera
être
dans
une
proportion
plus
ou
moins
grande
avec
le
nombre
des
consommateurs,
la
nation
sera
plus
ou
moins
pourvue
de
toutes
les
choses
nécessaires
ou
commodes
dont
elle
éprouvera
le
besoin.
»7
6
Smith,
A
(1776),
Recherches
sur
la
nature
et
les
causes
de
la
richesse
des
nations,
Traduction
française
de
Germain
Garnier
de
1881,
Edition
électronique,
p.
8.
Disponible
en
ligne
à
l’adresse
http://classiques.uqac.ca/classiques/Smith_adam/richesse_des_nations/Livre_1/richesse_des_nations_1.pdf
7
Smith,
A
(1776),
idem,
p.
12.
4
Une
nation
ne
peut
donc
vivre
que
du
travail.
Tous
les
biens
et
services
qui
rendent
la
vie
agréable
proviennent
du
travail
ou
sont
achetés
d’autres
pays
avec
le
produit
du
travail.
Ainsi,
plus
le
produit
du
travail
est
élevé,
plus
les
citoyens
peuvent
consommer
les
biens
qui
rendent
leur
vie
agréable.
Si
ceci
est
évident,
il
n’en
demeure
pas
moins
vrai
que
les
fortunes
des
nations
diffèrent
:
certaines
sont
plus
riches
que
d’autres.
Pourquoi
ces
différences
?
Comment
une
nation
moins
avancée
(c’est-‐à-‐dire
avec
un
faible
produit)
peut-‐elle
accroître
son
produit
?
Plus
important,
lorsqu’une
nation
est
riche,
l’État
est
aussi
riche
et
peut
ainsi
payer
les
services
publics
qui
rendent
la
vie
des
citoyens
encore
plus
commode8
:
plus
de
sécurité,
meilleur
état
de
santé,
niveau
d’instruction
plus
avancé,
vie
plus
longue,
etc.
La
fortune
des
citoyens
est
donc
intimement
liée
à
celle
de
l’Etat.
1.2
Evolution
de
la
pensée
économique9
Loin
de
présenter
une
Histoire
de
la
pensée
économique,
cette
section
a
un
objet
plus
modeste
:
relater
chronologiquement
la
construction
des
théories
économiques
abordant
le
thème
central
de
l’enrichissement
des
nations.
Il
est
unanimement
admis
qu’Adam
Smith
est
le
premier
à
avoir
«
formaté
»
une
théorie
économique
sur
la
nature
et
les
causes
de
la
richesse
des
nations.
Mais,
avant
lui,
il
y
a
bien
eu
des
précurseurs.
Après
lui
et
la
critique
marxiste,
la
science
économique
va
beaucoup
changer.
On
peut
donc
dire
avec
beaucoup
de
pertinence
qu’Adam
Smith,
le
père
des
«
classiques
»,
est
un
repère
important
en
Sciences
économiques.
Nous
verrons
au
cours
de
cette
section
comment
la
science
économique
que
nous
avons
définie
jusqu’à
présent
comme
la
nouvelle
science,
affranchie
de
la
philosophie
morale,
pour
étudier
la
richesse
des
nations
va
devenir,
sous
la
poussée
des
«
néoclassiques
»
la
science
des
choix
individuels.
Dans
ce
parcours,
on
peut
identifier
les
différentes
écoles
suivantes
:
-‐ les
mercantilistes
(16ème
siècle
à
la
première
moitié
du
20ème
siècle)
;
-‐ les
physiocrates
(seconde
moitié
du
18ème
siècle)
;
-‐ les
classiques
(fin
du
18ème
siècle
au
début
du
19ème
siècle)
;
-‐ les
marxistes
(fin
du
19ème
siècle)
;
-‐ les
néoclassiques
(à
partir
de
la
fin
du
19ème
siècle)
;
-‐ les
keynésiens
(à
partir
de
la
fin
des
années
1930).
Ainsi
que
proposé
par
certains
auteurs10,
ce
parcours
peut
être
subdivisé
en
deux
grands
moments
:
la
«
période
classique
»
qui
s’étale
de
la
fin
du
18ème
siècle
jusqu’à
la
critique
menée
par
Karl
Marx
à
la
fin
du
19ème
siècle
;
et
la
«
période
de
la
révolution
marginaliste
»
qui,
pour
sauver
l’idéal
du
libéralisme
économique
prôné
par
les
classiques
de
la
critique
dévastatrice
8
Cette
assertion
reste
valide
tant
que
le
pays
maintient
une
situation
saine
de
ses
finances
publiques.
9
Cette
section
est
largement
inspirée
de
B.
Teffahi
(2013),
Histoire
de
la
pensée
économique,
mise
en
ligne
le
21
octobre
2013
à
l’adresse
http://fr.slideshare.net/mobile/SlimSOUIHI/histoire_de_la_pense_economique.
10
Deleplace,
G.
et
Lavialle,
C.
(2008)
Histoire
de
la
pensée
économique,
Paris,
Dunod.
5
des
marxistes,
modifie
radicalement
la
problématique
de
la
science
économique
qui,
sur
le
fond
des
concepts
de
l’utilité
et
de
la
rareté,
va
devenir
la
science
qui
étudie
les
choix
individuels.
Au
vu
de
cette
subdivision,
les
mercantilistes
et
les
physiocrates
sont
donc
considérés
comme
les
précurseurs
de
la
science
économique.
1.2.1 Les
mercantilistes
De
l’antiquité
au
Moyen-‐Âge
la
pensée
dominante
chez
les
philosophes
est
celle
qui
consiste
à
condamner
les
pratiques
économiques
sur
la
base
des
notions
morales.
Ainsi,
dans
la
cité
idéale
qu’il
décrit
dans
son
ouvrage
La
République,
Platon
interdit
à
ceux
qui
doivent
la
diriger
de
s’occuper
du
commerce
et
de
manipulations
monétaires.
On
retrouve
les
mêmes
interdits
chez
Aristote
(philosophe
grec
de
l’antiquité,
384
av.
JC
–
322
av.
JC)
et
Saint
Thomas
d’Acquin
(religieux
de
l’ordre
dominicain
et
célèbre
théologien
du
Moyen
Âge,
fondateur
du
thomisme,
1224/1225-‐1274)
qui
s’insurgent
contre
le
prêt
avec
intérêt,
estimant
que
l’accumulation
des
richesses
ne
devrait
être
autorisée
que
tant
que
celles-‐ci
permettent
d’acquérir
les
«
biens
et
services
nécessaires
à
la
vie
».
L’enrichissement
au-‐delà
de
ce
qui
est
requis
pour
vivre
est
donc
jugé
moralement
inopportun.
Ces
idées
contre
les
pratiques
économiques
et
monétaires
vont
subir
de
profonds
bouleversements
à
partir
du
16ème
siècle
avec
le
passage
du
féodalisme
au
capitalisme
et
la
constitution
des
États-‐nations
au
18ème
siècle.
Sur
le
plan
de
la
conception
de
la
politique,
on
assiste
à
la
séparation
entre
la
morale
et
la
politique.
Cette
rupture
est
plus
forte
dans
l’ouvrage
clé
de
Nicolas
Machiavel,
Le
Prince,
paru
en
1513.
Dans
cet
ouvrage,
Machiavel
identifie
l’État-‐nation
à
son
Prince,
entendu
comme
le
souverain
qui
le
dirige
et
à
qui
doivent
être
reconnus
tous
les
droits
absolus.
La
fin
justifiant
les
moyens,
le
Prince
n’a
que
faire
de
se
laisser
«
emprisonné
»
par
des
principes
moraux
quand
il
s’agit
de
gouverner.
Le
seul
principe
de
la
raison
d’État
suffit
pour
le
guider
dans
ses
prises
de
décision.
Le
relâchement
des
principes
moraux
dans
la
conduite
des
affaires
publiques
va
avoir
pour
corollaire
l’épanouissement
des
pratiques
économiques.
Une
nouvelle
classe
de
marchands
s’impose
de
plus
en
plus
dans
certains
pays
européens.
Ces
marchands
identifient
leur
richesse
par
l’accumulation
des
signes
monétaires.
Ils
vont
alors
demander
aux
souverains
de
leur
accorder
les
privilèges
nécessaires
à
la
poursuite
de
leurs
activités
enrichissantes.
L’État-‐nation
étant
assimilé
à
son
Prince,
celui-‐ci
règne
et
gouverne
de
manière
absolue
sur
toute
la
société
et
la
régule
comme
il
l’entend,
puisque
le
bien-‐être
du
Prince
est
le
bien-‐être
de
toute
la
nation.
Libéré
des
principes
moraux,
le
Prince
a
intérêt
à
soutenir
et
à
encourager
les
pratiques
commerciales
et
à
accumuler
la
monnaie,
signe
de
sa
puissance.
C’est
dans
ce
contexte
que
naît
le
mercantilisme.
Ce
mouvement
qui
ne
peut
être
considéré
comme
une
école
de
pensée
au
sens
propre
du
terme,
est
mené
par
des
hommes
politiques
qui
sont
aussi,
pour
certains,
de
grands
commerçants
:
Thomas
Gresham
(marchand
et
financier
anglais,
1519-‐1579)
;
Jean-‐Baptiste
Colbert
(un
des
principaux
ministres
de
Louis
XIV,
1619-‐1683)
;
William
Petty
(économiste,
philosophe,
médecin,
scientifique,
parlementaire
anglais,
1623-‐1687).
Les
mercantilistes
sont
guidés
par
quelques
idées-‐maîtresses,
parmi
les
plus
importantes
:
6
-‐ Rien
ne
devrait
interdire
la
poursuite
de
l’enrichissement.
-‐ La
richesse
d’une
nation
est
mieux
représentée
par
la
quantité
des
métaux
précieux
(or,
argent)
amassée.
-‐ Le
commerce
est
l’activité
économique
par
excellence
pour
accumuler
les
richesses
monétaires.
Il
découle
de
ces
principes
généraux
que,
pour
les
mercantilistes,
le
commerçant
est
l’agent
économique
le
plus
important.
Il
devrait
ainsi
jouir
des
privilèges
lui
conférés
par
le
Prince
souverain,
particulièrement
la
protection
militaire.
Pour
les
mercantilistes,
la
nation
prospère
est
celle
dont
le
commerce
extérieur
est
florissant
et,
partant,
dont
la
balance
commerciale
est
excédentaire.
Toutefois,
les
politiques
mercantilistes
vont
différer
selon
le
pays.
L’Espagne
préfère
coloniser
les
territoires
riches
en
métaux
précieux
(principalement,
le
Nouveau
Monde),
donnant
ainsi
naissance
au
bullionisme,
cette
conviction
que
la
forme
par
excellence
de
la
richesse
est
la
quantité
des
métaux
précieux
et
qu’il
faut,
par
conséquent,
lutter
contre
la
fuite
des
capitaux
en
empêchant
les
métaux
précieux
entrés
dans
le
pays
d’en
sortir.
Les
mercantilistes
Anglais
vont
eux
réclamer
du
Roi
britannique
des
mesures
protectionnistes,
particulièrement
l’attribution
d’un
monopole
du
transport
maritime
en
faveur
des
britanniques
afin
de
favoriser
les
exportations
et
de
limiter
les
importations.
En
France,
par
contre,
les
idées
de
Jean-‐
Baptiste
Colbert,
ministre
d’Etat
et
contrôleur
général
des
finances,
vont
se
traduire
par
une
forte
intervention
de
l’Etat
dans
les
activités
économiques,
particulièrement
sous
la
forme
des
normes
de
production
très
strictes
pour
les
artisans
et
les
manufactures.
Le
colbertisme
a
été
justifié
par
ses
plus
ardents
défenseurs
comme
la
meilleure
méthode
pour
développer
l’artisanat
et
l’industrie.
Antoine
de
Montchrestien,
l’auteur
du
premier
Traité
d’économie
politique,
fut
un
ardent
défenseur
de
ces
idées.
1.2.2 Les
physiocrates
Le
terme
physiocratie
est
dérivé
des
mots
grecs
phusis
(la
nature)
et
kratein
(gouverner).
François
Quesnay
est
sans
conteste
le
père
fondateur
de
ce
courant
de
pensée
anti-‐
mercantiliste.
L’accent
mis
par
les
mercantilistes
sur
le
commerce
a
conduit,
notamment
en
France,
à
la
négligence
de
l’agriculture
et
du
monde
rural.
Il
en
résulta
une
grave
crise
rurale,
particulièrement
en
France.
Pour
répondre
au
déclin
du
monde
rural,
les
physiocrates
vont
construire
une
école
de
pensée
qui
proclame
:
-‐ la
suprématie
de
l’agriculture
:
la
richesse
n’est
pas
monétaire,
elle
est
réelle
et
elle
provient
exclusivement
du
travail
de
la
terre.
-‐ l’existence
d’un
ordre
naturel
auquel
tout
le
monde,
y
compris
le
Prince,
doit
être
soumis
:
cet
ordre
naturel
est
bâti
sur
un
ensemble
de
droits
naturels
dont
jouissent
les
individus
(droit
de
propriété,
liberté
d’exercer
l’activité
de
son
choix).
L’Etat
ne
devrait
donc
pas
interférer
dans
les
activités
de
production
et
d’échange
des
biens
au
risque
de
perturber
l’ordre
naturel
qui
est
d’ailleurs
clairement
révélé
dans
la
circulation
des
richesses
entre
groupes
sociaux.
7
Le
Tableau
économique
de
François
Quesnay
François
Quesnay
était
aussi
le
médecin
du
roi
Louis
XV.
Certainement
influencé
par
cette
profession,
il
considéra
la
circulation
des
richesses
en
s’inspirant
de
la
circulation
sanguine.
La
société,
selon
les
physiocrates,
est
divisée
en
trois
classes
:
-‐ la
classe
productive
:
composée
des
agriculteurs
qui
travaillent
la
terre
qu’ils
prennent
en
location
auprès
des
propriétaires
fonciers.
Après
avoir
déduit
de
leur
production
annuelle
la
quantité
des
biens
produits
nécessaires
à
leur
autoconsommation
(alimentation
et
semences
futures),
ils
dégagent
un
produit
net
qui
sert
à
payer
la
rente
et
acheter
les
produits
manufacturés.
-‐ la
classe
des
propriétaires
fonciers
:
elle
détient
la
terre
et
tire
ses
revenus
de
la
rente
foncière
lui
payée
par
la
classe
productive.
Elle
affecte
ces
revenus
à
l’acquisition
des
biens
agricoles
et
des
biens
manufacturés.
-‐ la
classe
stérile
:
il
s’agit
des
artisans,
fabricants
et
marchands.
Tout
le
produit
des
ventes
des
biens
manufacturés
est
consacré
à
l’acquisition
des
biens
agricoles.
Dans
son
ouvrage
intitulé
«
Analyse
de
la
formule
arithmétique
du
Tableau
Economique
de
la
distribution
des
dépenses
annuelles
d’une
nation
agricole
»
publié
en
1766,
François
Quesnay
présente
un
tableau
qui
peut,
à
juste
titre,
être
considéré
comme
la
première
ébauche
des
comptes
nationaux,
en
supposant
un
grand
territoire
où
l’agriculture
est
pratiquée
à
son
niveau
le
plus
élevé
et
dont
la
production
agricole
annuelle
est
estimée
à
5
milliards
distribués
comme
suit
:
Classe
productive
Classe
des
propriétaires
Classe
stérile
fonciers
Classe
productive
2
milliards
2
milliards
1
milliard
Autoconsommation
des
Montant
de
la
rente
foncière
Montant
payé
par
les
agriculteurs
agriculteurs
à
la
classe
stérile
Classe
des
1
milliard
1
milliard
propriétaires
fonciers
Montant
payé
par
les
Montant
payé
par
les
propriétaires
fonciers
aux
propriétaires
fonciers
à
la
agriculteurs
classe
stérile
Classe
stérile
2
milliards
Montant
payé
par
la
classe
stérile
aux
agriculteurs
(alimentation
et
matières
premières)
Produit
total
5
milliards
2
milliards
2
milliards
De
ce
tableau,
il
découle
que
la
classe
productive
est
la
seule
qui
réalise
un
produit
net
positif.
Ce
résultat
est
logique
avec
l’ordre
naturel
décrit
par
les
physiocrates,
lequel
ordre
considère
l’agriculture
comme
la
seule
source
des
richesses.
L’école
physiocratique
n’a
pas
duré
longtemps.
Elle
a
toutefois
posé
les
jalons
des
idées
du
libéralisme
économique
et
celles
relatives
à
la
soumission
du
pouvoir
politique
à
l’ordonnancement
des
activités
économique
tel
que
décrit
dans
le
Tableau
économique.
Le
Souverain
n’a
donc
pas
à
imposer
sa
volonté
ou
sa
politique
sur
l’économie.
Au
contraire,
il
doit
se
laisser
guider
par
l’ordre
naturel
qui
est
économique
par
excellence.
Ainsi,
on
doit
à
8
Vincent
de
Gournay,
un
autre
grand
nom
de
l’école,
la
fameuse
maxime
«
laissez
faire
les
hommes,
laissez
passer
les
marchandises.
»
On
peut
donc
affirmer
que
non
seulement
les
physiocrates
constituent
la
première
école
de
pensée
économique,
ils
ont
aussi
posé
les
jalons
du
libéralisme,
ouvrant
ainsi
la
voie
aux
classiques
anglais.
1.2.3 Les
classiques
L’école
classique
voit
le
jour
à
la
fin
du
18ème
siècle
en
Angleterre
en
pleine
révolution
industrielle.
Adam
Smith
(1723-‐1790)
en
est,
sans
conteste,
l’initiateur
et
le
principal
artisan.
Le
mouvement
est
aussi
animé
par
Jean-‐Baptiste
Say11
(1767-‐1832),
David
Ricardo12
(1772-‐
1823),
Thomas
Robert
Malthus13
(1766-‐1834),
et
John
Stuart
Mill
(1806-‐1873).
La
révolution
industrielle
bouleverse
sensiblement
le
tableau
économique.
La
découverte
et
l’utilisation
de
nouvelles
formes
d’énergie
(le
charbon)
conduit
à
la
mécanisation
des
activités
de
production
et
à
la
croissance
rapide
des
activités
manufacturières.
L’industrie
prend
le
dessus
sur
le
commerce.
De
nouvelles
formes
de
relations
sociales
apparaissent,
notamment
de
riches
industriels
et
des
salariés
fraîchement
libérés
par
le
secteur
agricole,
lequel
secteur
jouissait
de
rendements
plus
élevés.
Ayant
subdivisé
la
société
en
trois
classes
(les
propriétaires
fonciers,
les
travailleurs,
et
les
capitalistes),
les
classiques
vont
asseoir
leur
raisonnement
sur
quelques
principes
généraux
de
base
:
-‐ La
liberté
économique.-‐
Prolongeant
les
idées
des
physiocrates,
les
classiques
s’inscrivent
totalement
dans
la
défense
des
libertés
individuelles
(droit
à
la
propriété
privée,
liberté
d’échange,
liberté
d’exercer
la
profession
de
son
choix).
Les
classiques
vont
limiter
le
rôle
de
l’État
à
celui
d’un
État-‐gendarme
assumant
trois
missions
:
o la
justice
;
o la
sécurité
;
o l’ordre
public
et
la
défense
du
territoire.
Rappelant
l’ordre
naturel
suggéré
par
les
physiocrates,
Adam
Smith
invoque
une
main
invisible
qui
assure
la
convergence
des
intérêts
individuels
égoïstes
vers
l’intérêt
général.
Adam
Smith
écrit
:
«
chaque
individu
travaille
nécessairement
à
rendre
aussi
grand
que
possible
le
revenu
annuel
de
la
société.
A
la
vérité,
son
intention,
en
général,
n’est
pas
en
cela
de
servir
l’intérêt
public,
et
il
ne
sait
même
pas
jusqu’à
quel
point
il
peut
être
utile
à
la
société.
En
préférant
le
succès
de
l’industrie
nationale
à
celui
de
l’industrie
étrangère,
il
ne
pense
qu’à
se
donner
personnellement
une
plus
grande
sûreté
;
et
en
dirigeant
cette
industrie
de
manière
à
de
que
son
produit
ait
le
plus
de
valeur
possible,
il
ne
pense
qu’à
son
propre
gain
;
en
cela,
comme
dans
11
De
nationalité
française,
auteur
d’un
Traité
d’économie
politique
(1803),
J-‐B
Say
est
fameux
pour
sa
loi
des
débouchés
(“l’offre
crée
sa
propre
demande”).
12
Auteur
des
Principes
de
l’économie
politique
et
de
l’impôt
(1817),
David
Ricardo
s’est
particulièrement
distingué
par
son
analyse
de
la
répartition
du
revenu.
13
Malthus
est
surtout
célèbre
pour
son
ouvrage
Essai
sur
les
principes
de
population
paru
en
1795.
9
beaucoup
d’autres
cas,
il
conduit
par
une
main
invisible
à
remplir
une
fin
qui
n’entre
nullement
dans
ses
intentions.»14
-‐ La
valeur
du
travail.
-‐
Recherchant
les
causes
de
la
richesse,
les
classiques
vont
s’intéresser
à
sa
source
première.
Sur
les
pas
des
physiocrates,
les
classiques
s’accrochent
à
l’idée
que
la
richesse
doit
être
réelle.
Il
ne
pouvait
d’ailleurs
pas
en
être
autrement
car
ces
penseurs
vivaient
dans
une
société
en
pleine
mutation
industrielle,
avec
le
développement
de
l’industrie
manufacturière.
Contrairement
aux
mercantilistes,
ils
ne
voient
pas
la
richesse
dans
le
fait
d’amasser
les
signes
monétaires.
Pour
eux,
d’ailleurs,
la
monnaie
est
neutre
;
elle
n’est
qu’un
«
voile
»
derrière
lequel
se
dessinent
les
vrais
phénomènes
économiques.
Alors
qu’est
ce
qui
procure
de
la
valeur
à
un
bien
?
Pourquoi,
au
moment
de
l’échange,
les
biens
sont
«
valorisés
»
différemment
?
Pour
les
classiques,
ce
qui
donne
de
la
valeur
à
un
bien,
c’est
la
quantité
de
travail
incorporée
dans
ce
bien.
C’est
la
théorie
de
la
valeur-‐travail
dont
David
Ricardo
a
été
le
principal
défenseur15.
Il
n’y
a
donc
pas
de
richesse
sans
travail.
-‐ La
neutralité
de
la
monnaie.
-‐
Pour
les
classiques,
la
monnaie
n’est
qu’un
simple
moyen
d’échange.
Elle
n’est
pas
la
richesse,
elle
n’en
est
pas
non
plus
un
signe.
Les
classiques
considèrent
donc
qu’il
existe
deux
mondes
économiques
:
le
monde
réel
de
la
production
industrielle,
et
le
monde
apparent
représenté
par
la
valeur
des
transactions.
Pour
eux,
il
revient
à
l’économiste
de
lever
le
voile
de
la
monnaie
afin
de
découvrir
les
vrais
phénomènes
économiques,
ceux
de
l’économie
réelle.
Cette
dichotomie
entre
l’économie
réelle
et
le
secteur
monétaire
trouvera
sa
meilleure
formulation
dans
la
fameuse
théorie
quantitative
de
la
monnaie
selon
laquelle
toute
augmentation
de
la
quantité
de
la
monnaie
n’a
aucun
impact
sur
l’économie
réelle
;
elle
est
totalement
absorbée
par
l’augmentation
du
niveau
général
des
prix.
On
comprend
alors
mieux
pourquoi
les
classiques
ont
trouvé
dans
la
valeur-‐travail
la
source
de
valeur
des
biens
car
en
excluant
la
monnaie
de
la
représentation
de
la
valeur
réelle
des
biens,
ils
devaient
trouver
une
autre
mesure
commune
entre
les
biens
échangés.
C’est
sous
les
classiques
que
se
précise
la
méthodologie
économique.
En
effet,
comme
indiqué
précédemment,
les
économistes
classiques,
affranchis
de
limites
de
la
morale,
vont
énoncer
des
lois
économiques
et
construire
des
théories
économiques
complètes,
notamment
la
théorie
de
la
répartition
des
richesses
et
la
théorie
de
la
division
du
travail.
Ces
éléments
constituent
leur
apport
particulier
à
l’édification
de
la
nouvelle
science
économique.
Les
lois
économiques
:
de
la
philosophie
morale
à
l’économie
politique
En
énonçant
des
lois
économiques
qui
ne
dérivent
pas
de
l’ordre
naturel
ou
d’un
quelconque
ordre
moral
des
choses,
les
classiques
ont
bâti
l’économie
politique.
Parmi
les
plus
importantes
lois
économiques
énoncées
par
les
classiques,
on
peut
citer
:
14
Smith,
A
(1776),
Recherches
sur
la
nature
et
les
causes
de
la
richesse
des
nations,
Livre
IV,
Chapitre
11.
15
Les
classiques
étaient
bien
au
fait
de
la
différence
entre
la
valeur
d’échange
(le
prix
du
bien,
la
valeur
à
laquelle
il
s’échange)
et
la
valeur
d’usage
(l’utilité
du
bien,
sa
valeur
lorsqu’on
l’utilise).
Ils
se
sont
toutefois
gardés
de
considérer
la
valeur
d’échange
à
cause
de
la
contradiction
entre
celle-‐ci
et
la
valeur
d’échange,
notamment
dans
le
dilemme
entre
l’eau
et
le
diamant.
L’eau
a
une
valeur
d’usage
plus
élevée
que
celle
du
diamant
mais
une
valeur
d’échange
de
loin
moins
élevée
que
celle
du
diamant.
Reconnaissant
que
tout
bien
doit
avoir
une
valeur
d’usage
(pour
qu’il
soit
échangeable),
ils
ont
trouvé
que
le
point
commun
le
plus
déterminant
entre
les
biens
échangeables
est
le
travail.
10
a)
La
loi
de
la
population
de
Thomas
Robert
Malthus
Selon
Malthus,
la
population
tend
à
croître
de
manière
géométrique
tandis
que
les
subsistances
pour
sa
survie
ont
tendance
à
croître
de
manière
arithmétique
(Figure
1).
Il
résulte
de
cette
disparité
une
situation
d’insuffisance
chronique
de
biens
alimentaires.
Les
classiques
expliquent
la
faible
progression
de
la
quantité
des
subsistances
par
la
loi
des
rendements
décroissants.
Figure
1.
La
loi
de
Malthus
250
200
150
Populaton
50
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
b)
La
loi
des
rendements
décroissants
Due
à
David
Ricardo
qui
l’a
appliquée
à
l’agriculture,
la
loi
des
rendements
décroissants
stipule
qu’en
voulant
satisfaire
les
besoins
d’une
population
de
plus
en
plus
grandissante,
les
capitalistes
propriétaires
terriens
mettront
en
culture
des
terres
de
moins
en
moins
fertiles
résultant
en
une
augmentation
de
la
production
mais
moins
proportionnelle
que
celle
du
facteur
terre.
Le
rendement
de
la
dernière
portion
de
terre
(rendement
marginal)
va
donc
diminuer.
Sur
la
Figure
2,
on
voit
bien
qu’en
accroissant
la
quantité
des
terres
ouvertes
à
l’agriculture,
la
production
totale
(ligne
rouge)
s’accroît
mais,
à
partir
d’un
certain
point,
cette
augmentation
est
moins
rapide
que
celle
des
unités
de
terre.
D’où
le
rendement
marginal
(ligne
verte)
cesse
de
croître
au-‐delà
de
ce
point
et
diminue.
Il
en
résultera
qu’à
terme,
la
production
sera
insuffisante
à
la
demande
de
la
population.
11
Figure
2.
La
loi
des
rendements
décroissants
700
100
400
60
50
300
40
200
30
20
100
10
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
Unités
de
terre
c)
La
loi
des
débouchés
de
Jean
Baptiste
Say
Le
système
économique
décrit
dans
les
deux
précédentes
lois
semble
condamné
au
piège
malthusien
et
certainement
menacé
de
disparition
par
les
contraintes
de
l’offre
qui
est
tendanciellement
inférieure
à
la
demande.
Cependant,
les
classiques
finissent
par
démontrer
que
tel
n’est
pas
le
cas.
Jean
Baptiste
Say
formule
la
loi
des
débouchés
selon
laquelle
«
l’offre
crée
sa
propre
demande
».
Tout
ce
qui
est
produit
devant
trouver
débouché,
les
producteurs
n’ont
pas
à
se
préoccuper
de
la
possibilité
que
leur
production
soit
invendue.
Pour
les
classiques,
la
production
réalisée
génère
pour
chacun
des
trois
facteurs
de
production
(terre,
capital,
travail)
des
revenus
sous
forme,
respectivement,
de
rente
(pour
la
terre),
profit
(pour
le
capital),
et
salaire
(pour
le
travail).
Ces
revenus
sont,
à
leur
tour,
dépensés
par
leurs
détenteurs
sur
les
biens
de
luxe
(pour
les
rentiers),
les
biens
de
capital
(pour
les
capitalistes),
et
les
biens
de
consommation
(pour
les
salariés).
Avec
ces
éléments
en
place,
les
classiques
ont
pu
élaborer
une
théorie
cohérente
démontrant
l’accumulation
des
richesses
dans
un
pays.
Au
cœur
de
cette
théorie,
deux
idées
fondamentales
:
i)
la
division
du
travail
;
et
ii)
la
répartition
des
richesses.
Adam
Smith
et
la
division
du
travail
Pour
Adam
Smith,
«
les
plus
grandes
améliorations
dans
la
puissance
productive
du
travail,
et
la
plus
grande
partie
de
l’habileté,
de
l’adresse
et
de
l’intelligence
avec
laquelle
il
est
dirigé
ou
appliqué,
sont
dues,
à
ce
qu’il
semble,
à
la
division
du
travail
»16
Adam
Smith
voit
donc
dans
la
division
du
travail
l’élément
essentiel
qui
explique
une
productivité
accrue
du
travail.
L’exemple
d’une
manufacture
d’épingles
donné
par
l’auteur
est
désormais
célèbre.
On
peut
lire
dans
le
premier
tome
de
son
ouvrage
:
16
Smith,
A
(1776),
op.
cit.,
Livre
I,
Chapitre
1.
12
«
Prenons
un
exemple
dans
une
manufacture
de
la
plus
petite
importance,
mais
où
la
division
du
travail
s'est
fait
souvent
remarquer
:
une
manufacture
d'épingles.
Un
homme
qui
ne
serait
pas
façonné
à
ce
genre
d'ouvrage,
dont
la
division
du
travail
a
fait
un
métier
particulier,
ni
accoutumé
à
se
servir
des
instruments
qui
y
sont
en
usage,
dont
l'invention
est
probablement
due
encore
à
la
division
du
travail,
cet
ouvrier,
quelque
adroit
qu'il
fût,
pourrait
peut-‐être
à
peine
faire
une
épingle
dans
toute
sa
journée,
et
certainement
il
n'en
ferait
pas
une
vingtaine.
Mais
de
la
manière
dont
cette
industrie
est
maintenant
conduite,
non
seulement
l'ouvrage
entier
forme
un
métier
particulier,
mais
même
cet
ouvrage
est
divisé
en
un
grand
nombre
de
branches,
dont
la
plupart
constituent
autant
de
métiers
particuliers.
Un
ouvrier
tire
le
fil
à
la
bobine,
un
autre
le
dresse,
un
troisième
coupe
la
dressée,
un
quatrième
empointe,
un
cinquième
est
employé
́ à
émoudre
le
bout
qui
doit
recevoir
la
tète.
Cette
tête
est
elle-‐
même
l'objet
de
deux
ou
trois
opérations
séparées
:
la
frapper
est
une
besogne
particulière
;
blanchir
les
épingles
en
est
une
autre
;
c'est
même
un
métier
distinct
et
séparé
que
de
piquer
les
papiers
et
d'y
bouter
les
épingles;
enfin,
l'important
travail
de
faire
une
épingle
est
divisé
en
dix-‐huit
opérations
distinctes
ou
environ,
lesquelles,
dans
certaines
fabriques,
sont
remplies
par
autant
de
mains
différentes,
quoique
dans
d'autres
le
même
ouvrier
en
remplisse
deux
ou
trois.
J'ai
vu
une
petite
manufacture
de
ce
genre
qui
n'employait
que
dix
ouvriers,
et
où,
par
conséquent,
quelques-‐uns
d'eux
étaient
chargés
de
deux
ou
trois
opérations.
Mais,
quoique
la
fabrique
fût
fort
pauvre
et,
par
cette
raison,
mal
outillée,
cependant,
quand
ils
se
mettaient
en
train,
ils
venaient
à
bout
de
faire
entre
eux
environ
douze
livres
d'épingles
par
jour;
or,
chaque
livre
contient
au
delà̀
de
quatre
mille
épingles
de
taille
moyenne.
Ainsi,
ces
dix
ouvriers
pouvaient
faire
entre
eux
plus
de
quarante-‐huit
milliers
d'épingles
dans
une
journée;
donc,
chaque
ouvrier,
faisant
une
dixième
partie
de
ce
produit,
peut
être
considèré
comme
donnant
dans
sa
journée
quatre
mille
huit
cents
épingles.
Mais
s'ils
avaient
tous
travaillé
à
part
et
indépendamment
les
uns
des
autres,
et
s'ils
n'avaient
pas
été
́ façonnes
à
cette
besogne
particulière,
chacun
d'eux
assurément
n'eût
pas
fait
vingt
épingles,
peut-‐être
pas
une
seule,
dans
sa
journée,
c'est-‐à-‐dire
pas,
à
coup
sûr,
la
deux-‐cent-‐quarantième
partie,
et
pas
peut-‐être
la
quatre-‐mille-‐huit-‐centième
partie
de
ce
qu'ils
sont
maintenant
en
état
de
faire,
en
conséquence
d'une
division
et
d'une
combinaison
convenables
de
leurs
différentes
opérations.
»17
La
division
du
travail
a
trois
avantages,
selon
Adam
Smith
:
i)
elle
accroît
l’habileté
de
chaque
ouvrier
;
ii)
elle
permet
d’économiser
du
temps
que
chaque
ouvrier
perdrait
lorsque
en
effectuant
plusieurs
opérations,
il
passe
d’une
opération
à
l’autre
;
et
iii)
elle
permet
l’invention
d’un
grand
nombre
de
machines
spécialisées
à
des
tâches
particulières.
Fort
de
l’argument
central
selon
lequel
«
le
travail
annuel
d’une
nation
est
le
fonds
primitif
»
qui
fournit
à
sa
population
les
biens
nécessaires
et
commodes
à
la
vie
et
que
ces
biens
sont
soit
produits
soit
achetés
avec
le
revenu
de
la
production
intérieure,
les
classiques,
Adam
Smith
en
tête,
voient
dans
le
commerce
international
la
justification
de
la
division
du
travail.
Une
nation
doit
produire
plus
pour
aspirer
à
la
richesse
et,
pour
ce
faire,
elle
doit
accroître
la
productivité
de
chaque
ouvrier
via
la
division
du
travail.
Dans
l’échange
international,
chaque
nation
doit
se
spécialiser
dans
les
produits
pour
lesquels
elle
a
des
avantages
comparatifs
et
acheter
de
l’étranger
les
produits
pour
lesquels
elle
n’a
pas
d’avantages
comparatifs.
Ainsi,
d’une
part,
à
l’intérieur
de
chaque
nation,
la
division
du
travail
va
permettre
la
spécialisation
de
chaque
ouvrier
à
des
tâches
spécifiques
et
l’augmentation
constante
de
sa
productivité
et,
d’autre
part,
17
Smith,
A
(1776),
op.
cit.,
Livre
I,
Chapitre
1.
13
entre
les
nations
on
aura
aussi
une
division
internationale
du
travail.
Les
classiques
auront
été
de
fervents
défenseurs
du
libre-‐échange,
et
donc
de
la
lutte
contre
toutes
les
entraves
au
commerce.
David
Ricardo
et
la
répartition
des
richesses
Nous
avons
déjà
vu
que
les
classiques
avaient
subdivisé
la
société
en
trois
classes
sociales
:
les
propriétaires
fonciers,
les
travailleurs,
et
les
capitalistes.
Chaque
classe
a
un
type
de
revenu
distinct
:
la
rente
pour
le
propriétaire
foncier
;
le
salaire
pour
le
travailleur
;
et
le
profit
pour
le
capitaliste.
David
Ricardo
a
offert
la
meilleure
formulation
de
la
théorie
de
répartition
des
richesses
dans
la
société.
Dans
la
préface
à
son
ouvrage
Principes
d’économie
politique
et
de
l’impôt,
Ricardo
annonce
l’importance
de
cette
théorie
:
“Les
produits
de
la
terre,
c'est-‐à-‐dire
tout
ce
que
l'on
retire
de
sa
surface
par
les
efforts
combinés
du
travail,
des
machines
et
des
capitaux,
se
partage
entre
les
trois
classes
suivantes
de
la
communauté;
savoir
:
les
propriétaires
fonciers,
-‐
les
possesseurs
des
fonds
ou
des
capitaux
nécessaires
pour
la
culture
de
la
terre,
-‐
les
travailleurs
qui
la
cultivent.
Chacune
de
ces
classes
aura
cependant,
selon
l'état
de
la
civilisation,
une
part
très
différente
du
produit
total
de
la
terre
sous
le
nom
de
rente,
de
profits
du
capital
et
de
salaires,
et
cette
part
dépendra,
à
chaque
époque,
de
la
fertilité
des
terres,
de
l'accroissement
du
capital
et
de
la
population,
du
talent,
de
l'habileté
de
cultivateurs,
enfin
des
instruments
employés
dans
l'agriculture.
Déterminer
les
lois
qui
règlent
cette
distribution,
voilà
le
principal
problème
en
économie
politique.
Et
cependant,
quoique
Turgot,
Stuart,
Smith,
Say,
Sismondi
et
d'autres
auteurs
aient
répandu
beaucoup
de
lumière
sur
cette
science,
leurs
écrits
ne
renferment
rien
de
bien
18
satisfaisant
sur
la
marche
naturelle
des
rentes,
des
profits
et
des
salaires.
»
Ricardo
va
ainsi
énoncer
une
théorie
de
la
manière
dont
le
produit
total
de
la
société
est
réparti
entre
les
trois
classes.
Selon
cette
théorie
:
o Les
travailleurs
recevront
chacun
un
salaire
qui
est
ramené
à
un
niveau
de
subsistance
(c’est-‐à-‐dire
le
niveau
leur
permettant
de
survivre
en
achetant
les
denrées
alimentaires)
par
la
concurrence
entre
eux
(le
nombre
élevé
de
travailleurs
voulant
travailler
aura
tendance
à
maintenir
le
salaire
bas).
o Le
revenu
du
capitaliste,
le
profit,
est
proportionnel
au
montant
qu’il
aura
avancé
dans
le
processus
de
production.
La
concurrence
entre
capitalistes
détermine
le
taux
de
profit.
o La
rente
perçue
par
le
propriétaire
foncier
et
qui
lui
est
versée
par
le
fermier
se
calcule
comme
la
différence
entre
le
prix
de
vente
des
denrées
agricoles
et
le
coût
de
production.
Cette
différence
est
plus
élevée
lorsque
les
terres
sont
fertiles
(parce
que
le
18
David
Ricardo
(1817),
Des
principes
de
l’économie
politique
et
de
l’impôt,
Traduit
de
l’Anglais
par
Francisco
Solano
Constancio
et
Alcide
Fonteyraud.,
1847
à
partir
de
la
3e
édition
anglaise
de
1821.
Version
numérique
par
Pierre
Tremblay,
dans
le
cadre
de
la
collection:
"Les
classiques
des
sciences
sociales"
Site
web:
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html.
14
coût
pour
cultiver
ces
terres
est
moins
élevé
alors
que
le
prix
de
vente
est
fixé
en
fonction
de
cultures
sur
les
terres
les
moins
fertiles).
Pour
Ricardo,
le
revenu
du
travailleur
évolue
inversement
au
revenu
du
capitaliste.
De
cette
relation
inverse
entre
le
profit
et
le
salaire,
Ricardo
va
formuler
une
théorie
complète
de
l’accumulation
des
richesses,
en
d’autres
termes,
une
théorie
de
la
croissance
économique.
La
théorie
se
présente
comme
suit
:
o La
poursuite
de
la
croissance
économique
(accumulation
des
richesses)
dépend
du
taux
du
profit
parce
que
les
capitalistes
doivent
avancer
du
capital
pour
que
la
production
se
poursuive
et
ils
doivent
réinvestir
pour
que
le
progrès
technique
se
réalise.
o Avec
l’accumulation
des
richesses,
la
production
accrue
va
nécessiter
de
plus
en
plus
de
travailleurs.
La
population
va
ainsi
s’accroître.
D’où,
la
nécessité
d’accroître
la
production
des
denrées
alimentaires,
poussant
ainsi
les
fermiers
à
cultiver
des
terres
moins
fertiles.
Or,
la
mise
en
culture
de
ces
terres
se
traduit
par
l’augmentation
du
coût
de
production
et,
partant
du
prix
de
vente.
Il
s’ensuivra
une
augmentation
du
salaire
pour
permettre
aux
travailleurs
qui
sont
payés
au
taux
de
subsistance
de
continuer
à
acheter
les
biens
alimentaires.
o Étant
donné
la
relation
inverse
entre
le
salaire
et
le
profit,
l’augmentation
du
salaire
va
se
traduire
en
une
diminution
du
profit.
La
baisse
progressive
du
taux
de
profit
finira
par
arrêter
le
processus
d’accumulation
des
richesses.
L’économie
atteint
alors
un
état
stationnaire
où
la
richesse
et
la
population
cessent
de
croître.
1.2.4 Les
marxistes
Le
courant
marxiste
doit
son
nom
à
Karl
Marx.
Philosophe
et
auteur
du
célèbre
ouvrage
Le
Capital
publié
en
186719,
Marx
est
le
plus
virulent
critique
du
capitalisme.
Témoin
de
la
misère
des
ouvriers
et
de
leurs
revendications
de
plus
en
plus
violentes
(notamment
la
révolution
française
de
1848),
Karl
Marx
partageait
avec
les
classiques
la
conviction
que
l’évolution
des
sociétés
était
déterminée
par
des
lois.
Il
entreprit
alors
dans
cet
ouvrage
de
trouver
les
lois
qui
devaient
conduire
à
l’autodestruction
du
capitalisme
et
son
remplacement
par
un
système
socialiste
plus
équitable.
La
démonstration
de
Karl
Marx
est
basée
sur
deux
théories
fondamentales
des
classiques
:
la
théorie
de
la
valeur-‐travail
et
la
théorie
de
la
répartition
des
richesses.
C’est
certainement
à
ce
titre
que
plusieurs
auteurs
considèrent
Marx
comme
le
dernier
des
classiques.
Sur
la
base
de
ces
théories,
Marx
va
montrer
que
:
-‐ En
tant
que
marchandise,
la
force
de
travail
(que
les
travailleurs
vendent
au
capitaliste)
a
une
valeur
d’échange
définie
comme
la
quantité
de
travail
nécessaire
pour
la
reproduire.
19
De
son
vivant
Karl
Marx
ne
publia
en
1867
que
le
Livre
I
de
l’ouvrage.
Les
Livres
II
et
III
du
Capital
ont
été
publiés
par
son
ami
Friedrich
Engels,
respectivement
en
1885
et
1894.
15
-‐ Le
revenu
du
capitaliste
(le
profit
ou
plus-‐value)
est
la
différence
entre
la
valeur
de
la
marchandise
produite
par
le
travailleur
(cette
valeur
étant
la
quantité
de
travail
fourni
par
le
travailleur)
et
la
valeur
de
la
force
de
travail
(le
taux
de
subsistance
payé
au
travailleur
pour
sa
survie).
En
s’accaparant
de
ce
profit,
le
capitaliste
exploite
donc
le
travailleur.
L’accumulation
des
richesses
dans
le
système
capitaliste,
selon
Marx,
ne
dépend
donc
que
de
cette
exploitation.
En
effet,
le
capitaliste
cherchera
toujours
à
maintenir
bas
le
taux
de
subsistance
tout
en
cherchant
à
faire
travailler
le
salarié
le
plus
longtemps
possible
et/ou
en
le
remplaçant
par
les
machines.
-‐ Tout
comme
David
Ricardo,
Karl
Marx
va
montrer
que
le
système
capitaliste
est
miné
par
la
baisse
progressive
du
taux
de
profit.
En
maintenant
bas
le
taux
de
subsistance
des
travailleurs,
le
système
capitaliste
les
condamne
à
la
pauvreté.
Ceux-‐ci
étant
de
plus
en
plus
démunis
ne
savent
pas
acquérir
les
biens
produits.
Le
système
souffre
alors
de
surproduction.
D’où
la
confrontation
entre
la
classe
ouvrière
et
la
classe
des
capitalistes
au
terme
de
laquelle
les
ouvriers
(les
prolétaires)
vont
renverser
l’ordre
des
choses
pour
instituer
une
dictature
du
prolétariat.
-‐ A
la
suite
de
la
dictature
du
prolétariat
et
la
fin
de
l’économie
du
marché,
naîtra
le
socialisme,
considéré
comme
la
première
phase
du
communisme.
La
phase
ultime
du
communisme
est
atteinte
lorsque
la
propriété
des
moyens
de
production
est
totalement
collective.
1.2.5 Les
néoclassiques
16
La
valeur
d’un
bien
n’est
plus
déterminée
par
les
caractéristiques
propres
au
bien,
ni
par
la
quantité
de
travail
incorporée
dans
ce
bien.
Elle
est
plutôt
déterminée
par
l’utilité
que
l’utilisateur
du
bien
en
tire.
Or,
l’utilité
est
un
concept
subjectif.
Elle
varie
d’un
individu
à
un
autre.
Par
ailleurs,
en
tant
que
marchandise,
le
travail
cesse
d’être
un
numéraire
et
sa
valeur
dépend
de
son
utilité
et
de
sa
rareté.
Plus
important
encore,
pour
le
même
individu,
l’utilité
n’est
pas
constante.
Elle
varie
aussi
en
fonction
de
la
quantité
de
ce
bien
dont
l’individu
dispose
au
moment
où
il
lui
faut
apprécier
l’utilité.
Les
économistes
néo-‐classiques
ont
démontré
que
l’utilité
marginale,
c’est-‐à-‐dire
l’utilité
de
la
dernière
unité
de
bien
détenue
ne
se
confond
pas
avec
l’utilité
moyenne
de
ce
bien.
L’utilité
marginale
tend
à
décroître
au
fur
et
à
mesure
que
l’on
augmente
les
quantités
disponibles.
La
loi
de
décroissance
de
l’utilité
marginale
est
le
point
de
départ
du
paradigme
marginaliste.
L’individu
qui
doit
à
chaque
instant
apprécier
le
niveau
d’utilité
qu’il
tire
d’un
bien
devient
un
calculateur.
Guidé
par
son
comportement
rationnel,
il
calcule
de
manière
à
chaque
fois
tirer
le
maximum
d’utilité
de
ses
choix
de
biens
et
de
leurs
quantités.
Ce
calcul
est
basé
sur
l’utilité
marginale
d’un
bien,
c’est-‐à-‐dire
l’utilité
de
la
dernière
unité
consommée.
En
introduisant
le
calcul
à
la
marge,
les
néoclassiques
ont
profondément
modifié
la
démarche
intellectuelle
en
science
économique.
Si
depuis
les
physiocrates,
les
économistes
ont
analysé
la
société
en
termes
de
classes
sociales
(Karl
Marx
ira
même
plus
loin,
estimant
que
c’est
finalement
la
lutte
entre
les
classes
sociales
qui
détermine
l’évolution
des
relations
sociales
et
donc
de
toute
la
société),
les
néoclassiques
abandonnent
la
notion
de
classe
sociale
et
mettent
l’individu
au
centre
de
l’analyse
économique.
La
science
économique
est
désormais
l’étude
du
comportement
de
l’individu
calculateur
face
à
son
problème
de
choix.
Dans
cette
nouvelle
direction,
l’instrument
analytique
par
excellence
est
le
calcul
à
la
marge
qui,
de
l’utilité,
sera
étendu
à
d’autres
concepts
comme
le
coût,
le
produit,
la
recette,
etc.
Les
néoclassiques
vont
ainsi
reformuler
le
problème
économique.
Jusqu’aux
classiques
l’unité
d’analyse
des
problèmes
économiques
était
la
collectivité,
la
société
et
la
préoccupation
fondamentale
de
cette
unité,
son
enrichissement.
Les
néoclassiques
vont
modifier
l’unité
d’analyse,
passant
de
la
collectivité
à
l’individu.
Les
néoclassiques
vont
alors
créer
l’axiomatique
de
la
rationalité
de
cet
individu
connu
sous
le
vocable
homo
oeconomicus.
L’homo
oeconomicus
est
un
être
égoïste,
calculateur
et
toujours
rationnel.
Cette
construction
connue
sous
le
vocable
d’individualisme
méthodologique
repose
sur
un
cadre
idéal
au
sein
duquel
l’individu
opère
:
la
concurrence
pure
et
parfaite.
Ce
cadre
défini
par
les
hypothèses23
d’atomicité
du
marché,
d’homogénéité
des
biens,
de
libre
entrée
sur
le
marché,
de
parfaite
transparence
du
marché,
et
de
libre
circulation
des
facteurs
de
production
reprend
l’idée
chère
aux
classiques
de
la
main
invisible.
En
effet,
les
néoclassiques
vont
s’atteler
à
montrer
que
les
actions
d’une
multitude
d’agents
individuels
poursuivant
chacun
son
intérêt
individuel
de
manière
égoïste
résultent
en
un
état
harmonieux,
plutôt
qu’en
une
situation
chaotique.
A
la
base
de
cette
démonstration,
la
proportionnalité
entre
le
rapport
des
utilités
marginales
et
le
rapport
des
prix.
23
Le
lecteur
doit
se
référer
au
Chapitre
2.
17
Cette
loi
de
proportionnalité
est
due
à
Stanley
Jevons.
Si
l’on
suppose
que
l’utilité
d’un
consommateur
dépend
de
quantités
consommées
de
deux
biens
1
et
2,
la
loi
de
proportionnalité
s’énonce
comme
suit
:
U!" P!
=
U!" P!
où
U!"
est
l’utilité
marginale
du
bien
i
et
P!
le
prix
de
ce
bien.
Sur
base
de
cette
loi
de
proportionnalité,
les
économistes
néoclassiques
ont
pu
passer
de
l’analyse
de
l’utilité
(partie
gauche
de
la
relation)
à
l’analyse
des
prix
(partie
droite
de
la
relation).
Et
l’analyse
des
prix
les
a
amené
à
l’étude
de
fonctionnement
du
marché,
notamment
à
la
détermination
des
conditions
d’équilibre
du
marché
entre
l’offre
et
la
demande.
La
généralisation
de
l’équilibre
du
marché
est
l’œuvre
essentielle
de
Léon
Walras.
Inventeur
de
l’équilibre
général,
Léon
Walras
a
profondément
inspiré
la
microéconomie.
Dans
l’un
de
ses
trois
principaux
ouvrages,
Éléments
d’économie
politique
pure,
il
a
décrit
une
économie
de
libre
marché
au
sein
de
laquelle
il
démontre
l’existence
d’un
équilibre
concurrentiel
sur
tous
les
marchés
de
manière
simultanée.
A
partir
des
néoclassiques,
on
peut
affirmer
que
la
préoccupation
fondamentale
de
la
science
économique
est
passée
de
la
richesse
des
nations
(approche
des
classiques)
à
l’étude
des
choix
des
agents
individuels
confrontés
à
la
multitude
des
besoins
à
satisfaire
avec
des
moyens
limités.
On
peut
toutefois
identifier
deux
directions
majeures
prises
par
la
science
économique
à
partir
de
la
révolution
marginaliste
:
-‐ D’une
part,
l’école
anglaise
qui,
à
la
suite
de
Stanley
Jevons,
s’est
construite
essentiellement
autour
d’Alfred
Marshall.
C’est
l’école
de
l’équilibre
partiel
qui
s’efforce
à
étudier
le
fonctionnement
d’un
marché
donné,
en
faisant
peu
de
cas
des
marchés
d’autres
biens.
-‐ D’autre
part,
l’école
de
l’équilibre
général
qui,
à
la
suite
de
Léon
Walras,
s’est
bâtie
autour
de
son
principal
disciple,
Vilfredo
Pareto.
A
partir
de
1930,
grâce
aux
travaux
de
l’économiste
anglais
John
Hicks,
l’école
de
l’équilibre
général
a
pris
le
dessus
sur
l’approche
marshallienne
de
l’équilibre
partiel.
Les
travaux
de
John
Hicks
ont
donné
lieu
aux
riches
apports
de
Paul
Samuelson,
Kenneth
Arrow,
Gérard
Debreu,
et
Franck
Hahn,
définissant
ainsi
les
contours
de
la
microéconomie
telle
qu’elle
est
enseignée
jusqu’à
présent.
1.2.6 Les
keynésiens
Bien
avant
la
redécouverte
des
travaux
de
Walras,
la
science
économique
est
dominée
par
l’école
de
l’équilibre
partiel
dont
Alfred
Marshall
est
le
principal
promoteur.
En
1929
éclate
une
grande
crise
qui
affecte
toutes
les
économies
du
monde.
Cette
crise
va
durer
dix
ans.
Elle
va
se
caractériser
par
la
surproduction
et
le
chômage
de
masse.
Bien
que
le
système
capitaliste
était
habitué
à
des
crises
régulières,
l’ampleur
de
celle-‐ci
est
sans
pareil.
Les
économistes
de
l’équilibre
partiel
manquent
de
solution
efficace
à
proposer
pour
arrêter
le
chômage.
18
Conformément
à
l’école
de
l’équilibre
partiel,
il
aurait
fallu
diminuer
le
taux
de
salaire.
Et
pourtant,
cette
mesure
relançait
la
crise
de
plus
belle.
John
Maynard
Keynes
(1883-‐1946),
est
un
économiste
britannique,
dont
le
père,
John
Neville
Keynes,
fut
aussi
un
célèbre
économiste
de
l’Université
de
Cambridge.
Il
publia
en
1936
un
ouvrage
qui
va
révolutionner
l’analyse
économique24.
C’est
la
révolution
keynésienne.
Cette
révolution,
née
près
de
70
ans
après
la
révolution
marginaliste
va
d’abord
donner
naissance
à
une
nouvelle
branche
de
la
science
économique
:
la
macroéconomie.
Elle
va
aussi
marquer
la
rupture
avec
une
idée-‐clé
de
la
pensée
néoclassique,
elle-‐même
issue
des
classiques
:
la
loi
des
débouchés
de
Jean
Baptiste
Say.
En
d’autres
termes,
les
marchés
ne
s’autorégulent
pas
du
tout
en
ajustant
de
manière
quasi
automatique
la
demande
à
l’offre.
Keynes
va
ainsi
conclure
qu’une
économie
de
marché
a,
lorsqu’elle
fait
face
à
des
déséquilibres
de
grande
importance,
besoin
d’être
remise
en
équilibre
par
des
politiques
macroéconomiques.
Keynes
tire
cette
conclusion
de
sa
conviction
qu’il
n’existe
pas
de
mécanisme
automatique
de
régulation
au
sein
des
économies
de
marché
pour
leur
faire
retrouver
l’équilibre
de
plein-‐emploi
lorsque
celui-‐ci
est
rompu.
En
effet,
selon
les
classiques,
en
vertu
de
la
loi
de
JB
Say
selon
laquelle
«
l’offre
crée
sa
propre
demande
»,
il
y
aura
toujours
suffisamment
de
demande
pour
correspondre
à
l’offre
et
ainsi,
tout
chômage
à
long
terme
ne
peut
être
que
volontaire.
Pourtant,
dix
longues
années
durant,
il
n’avait
pas
été
possible
de
contenir
cette
crise
majeure
qui,
partie
du
Royaume-‐Uni
avait
gagné
les
Etats-‐Unis
et
les
autres
économies
développées.
En
s’éloignant
des
idées
des
économistes
libéraux
sur
trois
points
principaux,
Keynes
sera
capable
de
construire
un
nouveau
cadre
théorique
qui
lui
a
permis
de
trouver
une
solution
efficace
à
la
crise.
-‐ Keynes
va
s’engager
à
démontrer
l’existence
d’un
équilibre
de
sous-‐emploi
incapable
toutefois
de
combler
l’écart
entre
l’offre
et
la
demande
(l’offre
restant
supérieure
à
la
demande).
-‐ Par
ailleurs,
si
depuis
les
classiques
les
économistes
considéraient
la
monnaie
comme
simple
voile,
pour
Keynes
la
monnaie
n’est
pas
neutre
à
cause
de
son
triple
rôle
dans
les
activités
économiques
:
(i)
la
monnaie
est
désirée
parce
qu’elle
facilite
les
transactions
(rôle
de
transaction)
;
(ii)
la
monnaie
est
désirée
parce
qu’elle
sécurise
son
détenteur
(rôle
de
précaution)
;
et
(iii)
la
monnaie
est
désirée
parce
qu’elle
peut
générer
des
revenus
d’intérêt
(rôle
de
spéculation).
Sur
la
base
de
la
relation
inverse
entre
l’investissement
et
le
taux
d’intérêt,
Keynes
va
plaider
pour
la
baisse
des
taux
d’intérêt
afin
de
relancer
l’investissement.
-‐ Keynes
va
aussi
s’en
prendre
à
l’hypothèse
de
flexibilité
des
salaires
selon
laquelle
en
cas
de
déséquilibre
entre
l’offre
et
la
demande
sur
le
marché
du
travail,
le
taux
de
salaire
va
varier
jusqu’à
ce
que
l’équilibre
soir
rétabli.
Pour
Keynes,
les
salaires
sont
souvent
rigides
(les
travailleurs
refuseront
d’accepter
une
diminution
de
leurs
salaires).
Ainsi,
le
déséquilibre
va
persister,
entraînant
la
baisse
de
la
demande
globale
des
biens
et
services.
Le
remède
proposé
par
Keynes
est
tout
aussi
révolutionnaire.
Les
classiques
avaient
envisagé
un
État-‐gendarme,
n’intervenant
pas
du
tout
dans
l’activité
économique.
Au
contraire,
Keynes
24
Keynes,
J
M
(1936),
Théorie
générale
de
l’emploi,
de
l’intérêt
et
de
la
monnaie.
19
va
proposer
qu’en
cas
de
crise
de
surproduction
définie
par
lui
comme
un
équilibre
de
sous-‐
emploi,
l’État
intervienne
pour
relancer
la
demande
et,
ce
faisant,
rehausser
l’emploi.
Keynes
va
ainsi
créer
une
autre
forme
de
macroéconomie
:
la
macroéconomie
interventionniste
destinée
à
répondre
aux
défis
posés
par
la
conjoncture.
Cette
forme
de
la
macroéconomie
s’oppose
à
la
macroéconomie
classique
qui
se
limitait
à
une
approche
descriptive
de
l’économie
dans
son
ensemble.
1.3
Concepts
de
base
en
Économie
politique
Nous
avons
décrit
dans
la
section
précédente
l’évolution
de
la
pensée
économique.
Trois
grands
moments
ressortent
de
cette
description
:
-‐ Premier
moment.-‐
La
révolution
classique
fait
de
l’économie
politique
une
science
à
part
entière
détachée
de
la
philosophie
morale.
Libérée
de
contraintes
imposées
par
la
morale,
les
penseurs
ne
recherchent
plus
à
créer
une
organisation
de
l’économie
modelée
selon
les
préceptes
moraux.
Au
contraire,
ils
s’occupent
de
manière
ouverte
de
la
question
de
l’enrichissement
de
la
collectivité.
-‐ Deuxième
moment.-‐
La
révolution
marginaliste
modifie
fondamentalement
la
méthodologie
économique,
en
passant
d’une
analyse
basée
sur
les
classes
sociales
à
une
analyse
basée
sur
le
comportement
de
l’individu.
-‐ Troisième
moment.-‐
La
révolution
keynésienne
introduit
la
nécessité
de
l’intervention
de
l’État
pour
la
régulation
d’une
économie
du
marché.
Dans
cette
section,
nous
allons
examiner
les
principaux
concepts
de
base
tout
en
gardant
à
l’esprit
les
trois
grands
moments
que
nous
venons
d’identifier.
Les
concepts
examinés
sont
:
la
richesse,
la
rareté,
les
besoins,
les
biens,
les
agents
économiques,
et
le
marché.
1.3.1 Richesse
et
bien-‐être
La
richesse
est
sans
nul
doute
l’un
des
critères
fondamentaux
pour
différencier
des
zones
d’habitation
humaine
(pays,
continents).
On
parle
couramment
de
pays
riches,
pays
pauvres,
ou
encore
de
pays
développés,
pays
en
voie
de
développement,
pays
sous-‐développés.
Même
si,
pour
certaines
disciplines
scientifiques
telles
que
l’anthropologie
ou
la
sociologie,
on
ne
peut
différencier
des
groupes
humains
sur
un
simple
critère
d’opulence
matérielle,
il
est
toutefois
établi
que
la
richesse
matérielle
des
nations
détermine
les
conditions
d’existence
humaine,
comme
illustré
dans
les
graphiques
ci-‐après25.
On
y
voit
clairement
que
l’espérance
de
vie
à
la
naissance
est
plus
élevée
dans
les
nations
riches
(Figure
3)
;
la
mortalité
maternelle
et
la
mortalité
infantile
sont
plus
élevées
dans
les
nations
pauvres
(Figures
4
et
5).
Sur
la
Figure
3,
on
ne
peut
déceler
aucune
nation
avec
un
revenu
par
habitant
de
plus
de
30.000$
avec
une
espérance
de
vie
à
la
naissance
inférieure
à
70
ans.
25
Ces
graphiques
ont
été
élaborés
à
partir
de
données
tirées
du
PNUD,
Rapport
mondial
sur
le
développement
humain,
édition
2014.
20
Figure
3.
Relation
entre
le
revenu
et
l’espérance
de
vie
à
la
naissance,
2013
Une
femme
née
et
vivant
dans
une
nation
plus
riche
court
donc
moins
de
risque
de
mourir
en
donnant
naissance
qu’une
femme
vivant
dans
une
nation
moins
riche.
Les
chances
pour
un
enfant
né
dans
une
nation
plus
riche
de
vivre
jusqu’à
l’âge
de
cinq
ans
sont
plus
élevées
que
pour
un
enfant
né
dans
une
nation
moins
riche.
Figure
4.
Relation
entre
le
revenu
et
la
mortalité
maternelle,
2010
21
Figure
5.
Relation
entre
le
revenu
et
la
mortalité
infantile,
2012
On
peut
déduire
de
la
corrélation
entre
la
richesse
d’une
nation
et
les
conditions
d’existence
humaine
de
ses
habitants
qu’il
est
utile
d’approfondir
la
connaissance
sur
les
déterminants
de
la
richesse.
On
entend
par
richesse
l’ensemble
des
biens
et
services
produits
dans
la
nation
et
qui
contribuent
au
bien-‐être
de
ses
habitants.
On
ne
peut
nier
la
tendance
humaine
consistant
à
accroître
le
niveau
de
bien-‐être.
Les
quantités
des
biens
et
services
sont
mesurables
mais
la
notion
de
bien-‐être
fait
référence
à
celle
de
besoin.
Or
le
besoin
est
une
réalité
subjective
non
mesurable.
De
plus,
vu
la
multiplicité
des
besoins
(besoin
de
sécurité,
de
quiétude,
de
nourriture,
de
boisson,
etc.)
et
la
difficulté
de
les
classer,
la
richesse
qui
a
pour
but
de
satisfaire
le
besoin
peut
être
considérée
elle-‐même
comme
étant
relative,
pouvant
varier
d’un
cadre
géographique
ou
culturel
à
un
autre.
Pourtant,
la
plupart
des
comparaisons
internationales
utilisent
le
Produit
Intérieur
Brut
par
habitant
comme
une
mesure
de
la
production
moyenne
des
biens
et
services
dans
une
nation
au
cours
d’une
année.
1.3.2 Rareté
et
besoins
La
science
économique
n’existerait
certainement
pas
si
tous
les
biens
étaient
libres
(c’est-‐à-‐
dire
accessibles
sans
coût)
et
toujours
en
quantité
suffisante.
Lorsqu’on
est
sur
la
planète
terre
l’air
est
disponible
en
quantité
suffisante
et
n’importe
qui
y
a
accès
sans
coût.
Dans
ces
conditions,
l’air
n’est
pas
un
bien
rare.
Ce
n’est
pourtant
pas
le
cas
de
la
plupart
de
biens
économiques.
La
science
économique
a
une
préoccupation
centrale
:
les
besoins
à
satisfaire
pour
produire
du
bien-‐être
sont
en
grand
nombre
alors
que
les
biens
pour
les
satisfaire
sont
limités.
Il
y
a
donc
un
lien
direct
entre
les
besoins
et
les
biens.
Un
besoin
reste
insatisfait
tant
que
le
bien
22
susceptible
de
le
combler
n’est
pas
consommé
par
l’individu.
Or,
si
les
besoins
sont
illimités
(l’individu
ressent
plusieurs
besoins
à
la
fois
–
besoin
de
manger,
de
boire,
de
s’informer,
de
se
mouvoir,
etc.)
et
naissants
(après
avoir
satisfait
le
besoin
de
manger,
l’individu
ressent
le
même
besoin
quelques
heures
après),
les
biens
sont
quant
à
eux
rares.
Le
besoin
peut
être
défini
comme
une
sensation
de
manque
qui
ne
peut
s’éteindre
que
lorsque
la
personne
qui
ressent
le
manque
consomme
le
bien
rare
approprié.
La
sensation
de
manque
(par
exemple
le
manque
de
nourriture
(la
faim),
le
manque
de
boisson
(la
soif))
naît
justement
parce
que
le
bien
est
rare.
On
ne
ressent
pas
la
sensation
de
manque
d’air
(l’étouffement)
dans
un
environnement
où
l’air
est
toujours
disponible
en
quantité
suffisante.
Les
besoins
sont
subjectifs
:
la
sensation
de
manque
varie
d’un
individu
à
un
autre
et
pour
un
même
individu,
elle
varie
d’un
moment
à
un
autre.
Toutefois,
dans
les
sociétés
modernes
certains
besoins
ont
tendance
à
être
homogènes
pour
un
large
nombre
d’individus
sous
l’effet
de
l’influence
de
la
mode.
On
peut
d’ailleurs
dire
que
dans
les
sociétés
modernes
de
consommation
de
masse,
les
médias
et
la
force-‐marketing
des
entreprises
sont
capables
de
susciter
des
besoins
uniformisés.
En
économie,
nous
étudions
tous
les
besoins
mais
il
existe
des
besoins
universels,
c’est-‐à-‐dire
qui
sont
besoins
pour
tout
le
monde
(par
exemple,
manger,
dormir,
boire,
…).
En
économie
on
prend
les
besoins
tels
qu’ils
s’expriment
sans
discrimination.
La
seule
question
qui
se
pose
à
l’économiste
est
celle
de
savoir
«
comment
satisfaire
le
besoin
qui
s’exprime
?
».
1.3.3 Biens
Les
biens
économiques
sont
soit
des
marchandises
(biens
matériels),
soit
des
services
(biens
immatériels)
nécessaires
à
la
satisfaction
des
besoins.
L’économie
traite
généralement
de
biens
économiques,
c’est-‐à-‐dire
ceux
dont
les
prix
sont
strictement
positifs.
On
peut
classifier
les
biens
sur
la
base
de
plusieurs
critères
:
i) En
fonction
de
leur
destination
:
on
distingue
les
biens
de
consommation
et
les
biens
de
production.
Les
biens
de
production
servent
à
produire
d’autres
biens,
par
exemple,
une
presse
à
huile
est
une
machine
(un
bien)
qui
sert
à
produire
de
l’huile.
Les
biens
de
consommation
ont
pour
finalité
de
satisfaire
directement
le
besoin
de
l’individu,
par
exemple
le
jus
de
fruit
est
destiné
à
satisfaire
le
besoin
de
boisson.
ii) En
fonction
de
leur
durée
de
vie
:
on
distingue
les
biens
durables
et
les
biens
non-‐durables.
Un
bien
durable
a
une
durée
de
vie
plus
longue,
par
exemple
une
table
est
destinée
à
être
utilisée
pendant
plusieurs
années.
Un
bien
non-‐durable
a
une
plus
courte
durée
de
vie.
iii) En
fonction
de
leur
«
marchandisation
»
:
on
distingue
les
biens
marchands
(ou
biens
privatifs)
et
les
biens
non-‐marchands.
Les
biens
marchands
font
l’objet
d’échanges
entre
agents
économiques
à
un
coût
déterminé
sur
le
marché.
Les
biens
non-‐marchands,
par
contre,
sont
généralement
offerts
par
les
administrations
(essentiellement
les
administrations
publiques),
par
exemple
la
sécurité
publique.
23
Un
agent
économique
est
une
unité
de
décision
autonome,
par
exemple
le
ménage
ou
la
firme.
Chaque
agent
est
considéré
comme
un
individu
se
livrant
à
des
activités
économiques
de
manière
intéressée.
Il
y
a
donc,
dans
le
chef
de
chaque
agent
économique,
un
intérêt
précis
dans
chaque
activité
économique
réalisée.
Si
au
niveau
microéconomique,
on
distingue
essentiellement
le
consommateur
et
le
producteur
comme
principaux
agents
économiques,
au
niveau
macroéconomique,
la
science
économique
distingue
cinq
agents
économiques,
chacun
avec
un
rôle
économique
précis
:
• Les
firmes
:
produisent
les
biens
et
services
en
combinant
des
facteurs
de
production,
notamment
le
travail
dont
elles
sont
demandeurs.
• Les
ménages
:
consomment
les
biens
et
services
qu’ils
acquièrent
sur
le
marché,
notamment
avec
le
revenu
du
travail
dont
ils
sont
offreurs.
• Les
administrations
publiques
:
offrent
des
services
non-‐marchands.
• Les
institutions
financières
:
créent
la
monnaie,
collectent
l’épargne,
et
financent
les
agents
en
besoin
de
financement.
• Le
Reste
du
monde
:
l’ensemble
d’agents
économiques
vivant
en
dehors
du
pays
considéré
et
avec
lesquels
les
agents
du
pays
engagent
des
transactions
d’import-‐export.
Les
cinq
types
d’agents
économiques
se
livrent
à
trois
types
d’activités
économiques
:
• La
production
:
l’ensemble
des
opérations
visant
à
créer
des
biens
et
des
services
en
combinant
d’autres
biens
(facteurs
primaires
et
autres
biens).
• La
consommation
:
l’affectation
des
biens
à
la
satisfaction
des
besoins.
• L’échange.
1.3.5 Marché
Le
marché
est
le
lieu
de
rencontre
entre
l’offre
et
la
demande
d’un
bien
ou
d’un
service,
et
sur
lequel
se
fixent
les
conditions
de
l’échange
(prix
et
quantité).
On
peut
donner
au
marché
deux
sens
:
• Le
sens
concret
:
le
marché
est
un
lieu
réel
où
se
rencontrent
acheteurs
et
vendeurs
de
biens
et
services.
Exemple
:
le
marché
Gabela
à
Kinshasa,
etc.
• Le
sens
abstrait
:
le
marché
est
un
lieu
de
rencontre
fictif.
Exemple
:
le
marché
de
change.
Le
marché
a
trois
composantes
principales
:
l’offre,
la
demande,
et
le
prix.
• L’offre
d’un
bien/service
:
quantité
du
bien
que
les
offreurs
sont
disposés
à
céder
à
un
certain
prix.
24
Généralement,
la
quantité
offerte
augmente
avec
le
prix.
D’où
La
courbe
de
l’offre
a
une
pente
positive.
Figure
6.
Courbe
de
l’offre
Prix
Courbe
de
l’offre
Quantité
• La
demande
d’un
bien/service
:
quantité
du
bien
que
les
demandeurs
sont
disposés
à
acquérir
à
un
certain
prix.
25
Figure
8.
Equilibre
du
marché
Prix
Courbe
de
l’offre
P !
Courbe
de
la
demande
Q!
Quantité
Sur
le
graphique
ci-‐dessus,
Pe
est
le
prix
qui
égalise
la
quantité
que
l’offreur
est
disposé
à
céder
et
celle
que
le
demandeur
est
disposé
à
acquérir.
26
qui
a
duré
jusqu’au
début
des
années
1980.
Depuis
lors,
le
lien
entre
les
deux
branches
est
plus
prononcé.
1.5 Méthodologie
économique
L’étude
de
la
méthodologie
nous
permet
de
voir
comment
les
économistes
abordent
les
problèmes
étudiés
par
leur
science.
Les
économistes
ont
suivi
deux
pistes
:
l’économie
positive
et
l’économie
normative.
• L’économie
positive
décrit
et
explique
comment
les
agents
économiques
recherchent
l’atteinte
de
leurs
objectifs.
Les
questions
étudiées
sont
de
type
:
Quoi
produire/consommer
?
Combien
d’unités
produire/consommer
?
• L’économie
normative,
quant
à
elle,
suggère
les
voies
et
moyens
par
lesquels
les
objectifs
de
la
collectivité
peuvent
être
atteints
de
manière
la
plus
efficace.
Les
questions
étudiées
sont
de
type
:
Que
faudrait-‐il
faire
?
Que
devrait-‐on
faire
?
Si
l’économie
positive
est
descriptive
et
explicative
en
décrivant
ce
qui
est
ou
ce
qui
doit
être,
l’économie
normative,
quant
à
elle,
donne
lieu
à
des
jugements
de
valeurs.
En
ce
qui
concerne
les
méthodes
d’analyse,
la
science
économique
combine
la
méthode
déductive
et
la
méthode
inductive.
La
méthode
déductive
consiste
à
partir
du
général
au
particulier.
Elle
permet
d’émettre
des
hypothèses
réfutables
à
partir
d’une
théorie.
Ces
hypothèses
sont
alors
confrontées
aux
données
en
vue
de
confirmer
ou
d’infirmer
leur
validité.
Théorie
à
priori
Hypothèses
réfutables
Test
d’hypothèses
avec
les
données
Dans
la
méthode
inductive
on
part
du
particulier
au
général.
Cela
se
fait
en
collectant
les
données,
les
analysant,
dans
le
but
de
découvrir
les
relations
entre
variables.
27