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paternelle
Serge Mori
Dans Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2015/1
(n° 54), pages 135 à 144
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1372-8202
ISBN 9782807300774
DOI 10.3917/ctf.054.0135
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 27/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 165.51.61.72)
Résumé
Les récits de vie ont une influence directe sur notre vie familiale. En fait,
on peut même affirmer que les récits « sont » la famille. Quand une famille recom-
posée consulte en thérapie narrative, c’est qu’elle est coincée devant une impasse
inhérente au récit qui guide sa vie. Le thérapeute narratif cherchera donc la zone
où les membres de cette famille peuvent bouger dans leur récit. La perspective
proposée est la suivante : la famille est « prise » par le problème, enfermée dans
un récit. Selon Michael White, « La famille n’est pas réduite à son problème. La
famille n’est pas le problème, le problème est le problème. La famille [...] a plu-
tôt une relation avec le problème [...], alors la relation peut changer ». Dans cet
article nous abordons également l’importance de la fonction paternelle dans une
famille recomposée et l’histoire que nous pourrions nous raconter les uns avec
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136 Serge Mori
Mots-clés
Thérapie narrative – Famille recomposée – Fonction paternelle –
NarrActeur – Externalisation du problème – Carte de l’exception.
Key words
Narrative therapy – Stepfamilies and the role of the father – NarraActor –
Outsourcing the problem – Except map.
ci-dessous résume les narrations de cet enfant de 11 ans, que j’ai reçu en
consultation pour le motif suivant : « Baptiste est toujours en colère ». Il est
adressé par l’école qui le menace d’exclusion définitive. Baptiste a rencon-
tré plusieurs professionnels qui ont relevé la présence chez lui de troubles
de l’attention et de la concentration. Un pédopsychiatre l’a diagnostiqué en
expliquant aux parents qu’il souffrait d’hyperactivité.
Je reçois d’abord Madame (la mère de Baptiste) qui se présente avec
son conjoint actuel, Nicolas. Le père n’a pas pu se libérer pour notre première
rencontre. Je recevrais Monsieur, le père de Baptiste, lors de la consultation
suivante, accompagné de sa conjointe Lætitia. L’ensemble de la constellation
familiale (famille recomposée) aura accès aux recueils de données cliniques
que j’aurai regroupées au fil des séances. Cet exemple a pour but d’illustrer la
manière dont le thérapeute narratif extériorise le problème avec les patients,
mais également la manière dont il procède pour éviter d’étiqueter l’enfant
sous un diagnostic qui peut enfermer et catégoriser un être en souffrance.
Voici les éléments concernant notre rencontre clinique.
La narration de Baptiste est la suivante lorsque la vie lui semble in-
juste et que son récit concernant ces expériences ressemble à une version
négative : « Je suis tout seul dans la cour et personne ne souhaite jouer avec
moi. Je suis toujours en colère car ce que l’on me dit reste toujours dans ma
tête. J’ai de la peine pour le divorce de mes parents et ça aussi, ça reste dans
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Histoire
Dominante
Saturée
Je suis mal chez
Solitude maman
La thérapie narrative doit donc aider les membres d’une famille recom-
posée à entrer en contact avec l’Histoire Alternative qui est propre à leur récit,
et les cartes d’exceptions peuvent être un vecteur fort utile dans ce cadre.
Cela est d’autant plus nécessaire dans les familles recomposées pour
lesquelles une perte de repères peut découler du fait qu’il n’existe pas, au
niveau sociétal, de règles « prescriptives » de ce que « doit » être et devrait
« faire » une famille de ce type.
Nous pouvons entendre les termes « perte de repères » comme « re-
père » au sens de « encore le père », « encore du père ». Mais que veut on
dire lorsqu’on parle de la fonction paternelle ? Ces repères dont chaque
enfant a besoin pour se construire passent-ils forcément par le rôle du père
ou bien par cette fonction paternelle que nous pouvons retrouver dans toutes
les configurations familiales, fussent-elles recomposées ou pas ?
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les
fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent
devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes
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une histoire, un roman familial. Pour s’inscrire dans cette narration, il n’est
nullement besoin d’être le père « géniteur » de ses enfants puisqu’il s’agit
d’une fonction et du sens que l’on accorde à cette fonction et à cette place.
Nous pourrions faire le récit suivant qui consiste à dire que la fonction pater-
nelle du XXIe siècle sera de plus en plus appelée à assurer en plus d’une
sécurité physique, une sécurité émotionnelle non seulement pour ses Enfants
(ses beaux-fils et ses belles-filles étant à inclure et à entendre comme ses En-
fants avec un grand « E »), mais aussi pour sa compagne (c’est d’ailleurs là
l’une des principales demandes de la femme postmoderne). La femme et les
Enfants veulent pouvoir compter sur cette fonction paternelle. Pour se faire,
le Père doit évidemment être présent, physiquement et psychologiquement, et
être valorisé dans cette fonction. La fonction paternelle pourrait être décrite
comme celle d’un « passeur » ; elle doit faciliter aux Enfants l’apprentis-
sage du contrôle de soi, leur apprendre à renoncer à la satisfaction immédiate
de leurs besoins et désirs et leur enseigner la patience. Elle doit surtout les
aider à canaliser leur agressivité vers une expression positive et constructive
de celle-ci. Il est évident que ce faisant, cette fonction paternelle incarnée par
une voix, une instance et surtout une personne, apprend, elle aussi, à mieux
gérer ses propres besoins et sa propre agressivité. Mais n’est-ce pas en ensei-
gnant qu’on apprend à enseigner ? Le Père, c’est également l’initiateur car
il a comme fonction d’humaniser l’enfant à la frustration et au manque, afin
de pouvoir l’intégrer dans le monde adulte et le monde social, comme cela
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Conclusion
Références
ANDERSON H. & GOOLISHIAN H. (1992) : The client is the expert. In Gergen
K. & McNamee S. (Eds.) : Therapy as Social Construction (pp. 25-38). Thou-
sand Oaks, CA : Sage Publications.
ELKAÏM M. (1995) : Panorama des thérapies familiales. Éditions du Seuil, Paris.
GERGEN K. & GERGEN M. (2006) : Le constructionisme social un guide pour
dialoguer. Éditions Satas. Bruxelles.
GOLDBETER-MERINFELD É. (1998) (dir.) : Constructivisme et construction-
nisme social : En route pour de nouvelles aventures ? Cahiers Critiques de
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