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DISPOSITIFS, ENJEUX ET CONTEXTES

Anne-Marie Laulan

CNRS Éditions | « Hermès, La Revue »

2004/3 n° 40 | pages 25 à 27
ISSN 0767-9513
ISBN 2271062462
DOI 10.4267/2042/9493
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2004-3-page-25.htm
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I. DISPOSITIFS, ENJEUX ET CONTEXTES

INTRODUCTION
Anne-Marie Laulan

A. DISPOSITIFS
Serge Regourd
Joëlle Farchy
Heritiana Ranaivoson
Patrice Meyer-Bisch
Anne-Marie Laulan
Stélio Farandjis

B. ENJEUX ET CONTEXTES
Jean-Paul Lafrance
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Marek Ziolkowski
Anh Nga Pham Thi
Angela Soltan
Olivier Pulvar
Gilbert Grandguillaume
Luis Bocaz
Eugène Régis Mangalaza

C. LES TERRES CARREFOURS


Vidya Vencatesan
Gaston Kelman
Prince Norodom Sihamoni
Nicole Koulayan
Camélia Beciu
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Anne-Marie Laulan
Université de Bordeaux III

DISPOSITIFS, ENJEUX ET CONTEXTES

Les enjeux de la diversité culturelle induisent des conséquences telles qu’ils ébranlent parfois le fonctionnement des
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plus puissantes institutions. Lors du premier Comité préparatoire du Sommet mondial sur la « société de l’information »,
entre Genève 2003 et Tunis 2005, l’ordre du jour portant uniquement sur les méthodes, l’organisation, les procédures, s’est
vu bousculé (trois heures d’interruption de séance) par le rappel incessant des droits humains, en particulier le droit à
l’expression dans sa propre langue, au respect de sa propre culture, à la sécurité. Ce droit au questionnement par les représentants
accrédités de la société civile, assorti d’une demande de temps de parole accru, a reçu le ferme appui de la délégation
française, amplifié par la déclaration, au nom de l’Union européenne, de l’Irlande. Le Secrétariat des Nations unies devra
donc trancher sur l’organisation initialement proposée de groupes de travail très fermés (petit nombre, délais rapides) que
récusent vigoureusement les délégations du Brésil, de l’Inde, de l’Afrique… Ainsi, les considérations culturelles (au sens
anthropologique) vont-elles enfin acquérir un droit de cité dans l’univers bien protégé de la gouvernance de l’Internet. La
diversité, liée aux droits humains et à la démocratie, fait irruption dans un domaine de l’actualité économique et technique
qui l’ignorait superbement jusqu’à présent.
Cette première partie met d’abord en parallèle les institutions officielles de défense de la diversité culturelle et les
mécanismes plus insidieux liés aux lois du marché. D’où la question de fond : quelle place pour les diverses formes
d’expression linguistique et culturelle dans un univers dominé par des soucis de rentabilité et de gestion optimisée ? N’y
a-t-il pas de l’hypocrisie à vouloir laisser l’espace public culturel en proie et aux prises avec la toute-puissante Organisation
mondiale du Commerce (OMC) ? Quelle autorité serait assez puissante pour réglementer des systèmes de valeur si opposés ?
D’où l’intérêt du recours à l’histoire car ce conflit n’est pas nouveau ; s’il revêt de nos jours une dimension économique, il
procède fondamentalement d’une inégalité d’exercice du pouvoir au long des siècles. En effet, la Francophonie a une histoire
courte, la mondialisation paraît (bien à tort) un phénomène récent ; mais dès que l’on adopte une perspective historique
longue ressurgissent les rêves d’empire d’Alexandre le Grand, passant par la Chine, l’Empire romain, la Grande Russie,
l’Empire ottoman, les conquêtes napoléoniennes, la Reconquista… Si les noms des conquérants et des explorateurs sont à

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Dispositifs, enjeux et contextes

peu près connus, peu de traces subsistent, sinon dans la mémoire collective, des vols, viols, destructions culturelles et identitaires
massives, parfois sacrilèges, qui en tous temps accompagnent ces actions guerrières. Nombre de travaux d’historiens se
consacrent à des inventaires, favorisent la création de musées, pendant que des juristes calculent le montant et la forme des
nécessaires réparations.
La mondialisation (mécanisme économique) et la globalisation (modification des circuits d’information et de culture)
sont couramment en position d’accusées, face à la montée des nationalismes, au recours aux communitarismes, aux
revendications identitaires et linguistiques. N’oublions pourtant pas que les torts causés jadis sont à l’origine de l’écart qui
se creuse continuellement entre le monde occidental, héritier politique et bénéficiaire financier des exactions commises
dans le passé, et le reste du monde. Pour retrouver un mode de fonctionnement démocratique parce qu’équitable, dans un
monde plus juste, il convient de s’interroger sur les fondements de ces revendications culturelles, sur les actions croisées et
parfois contradictoires entreprises aux plans juridique, politique, économique, institutionnel en cours.
Cette première partie s’efforce donc de rappeler la genèse des législations et réglementations concernant la diversité
culturelle. Serge Regourd souligne la dimension politique et idéologique des décisions en ce domaine, y compris celles
qu’inspirent les intellectuels consultés par les « décideurs » ; il montre que les vicissitudes des politiques culturelles sont
largement antérieures à l’apparition de la mondialisation, voire remises en cause par elle.
Dans une analyse économique, Joëlle Farchy souligne que la loi du marché mène inévitablement à la standardisation
des produits, circuits de diffusion, modes d’expression et parle même de schizophrénie quand on réclame de la diversité
culturelle tout en maintenant l’Organisation mondiale du Commerce.
Ce pessimisme n’est pas de mise pour le Québécois Jean-Paul Lafrance qui montre qu’à long terme « l’industrie culturelle
diversifiée peut être rentable. » Anne-Marie Laulan relate les combats, non dépourvus d’idéologie ni de préoccupations
marchandes, qui se déroulent à l’Unesco, soucieuse de proclamer la légitimité de la diversité culturelle et de prévoir des
sanctions en cas de manquement au libre fonctionnement des expressions différentes, sur tous les continents. Sur un plan
philosophique et juridique, Patrice Meyer-Bisch affirme que les valeurs universelles telles que l’État de droit et les droits
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de l’homme sont une réponse démocratique à la mondialisation. Valoriser, partout, la diversité, c’est reconnaître que
l’Autre, en sa culture, constitue une valeur. Dans sa contribution, Stelio Farandjis, acteur de premier plan de la Francophonie,
livre quelques jalons sur son histoire, souligne au passage ses connotations bien différentes, mais remarque que l’institution
Francophonie est un exemple vivant du mariage de l’unité et de la diversité : depuis 1984, les grandes fêtes francophones
se sont métissées. À ses yeux, la Francophonie « sauvage » déborde et précède parfois les objectifs des institutions.
D’où l’intérêt, dans un deuxième mouvement, d’examiner comment se pratique la diversité culturelle, sous forme de
francophonie, dans des contextes géographiques et politiques différents, mais où le poids du passé colonial se fait ressentir.
La recherche de l’identité aux Antilles (grâce à la langue créole), le refus du français par fidélité aux racines arabes en
Algérie, les vexations linguistiques subies en Moldavie, le déchirement identitaire dans le sud du Cameroun, autant
d’indicateurs rattachant l’emploi d’une langue à un choix de valeurs bien déterminées.
Plusieurs autres contributions venues de Chine, Madagascar, Vietnam… soulignent l’importance de la création
artistique pour cette réconciliation entre oppresseurs et dominés, entre Occident et reste du monde. Sous d’autres latitudes,
c’est l’apport littéraire et philosophique venu de France qui permet ou a permis de « résister » à l’hégémonie de très puissants
voisins (Chili, Inde, Moldavie, Pologne).
À la lecture de l’ensemble des contributions, surgit la conviction que la langue (souvent enrichie, métissée) est un
excellent révélateur des prises de conscience politiques, démocratiques par des catégories sociales ou parfois des individus
à la recherche de leur identité, souvent recomposée, par des méthodes ou des dispositifs sans cesse revisités.
Ainsi, étudier la diversité culturelle et ses dispositifs institutionnels, à travers la Francophonie, revient à se doter d’un
observatoire de la démocratisation en dépit des craintes qu’inspire la mondialisation. Combat d’actualité, quand surgissent
en permanence de nouvelles menaces.

HERMÈS 40, 2004 27

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