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MARS 2024

NEWSLETTER # 3
Chers Clients, Chers Amis, Chers Lecteurs,

Nous sommes heureux de partager notre


Newsletter # 3 qui met l’accent sur quelques
points saillants du droit maritime et des transports,
du droit des assurances maritimes et du droit
commercial, auxquels nous avons été confrontés
ces derniers mois. Nous espérons que ces
éléments contribueront à vous donner davantage
de visibilité quant à l’appréciation de vos chances
et aussi de vos risques s’agissant de de la gestion
de vos litiges et de vos recours.

Dans cette Newsletter, nous rendrons compte d’une


sentence arbitrale internationale très riche du point
de vue juridique, rendue sous l’égide de la Chambre
Arbitrale Maritime de Paris (CAMP), et traitant d’un
litige relatif à l’interprétation et à l’application
d’une police d’assurance “commodities”.

Cette sentence traite de questions relatives à


l’extension de la garantie d’assurance dans
l’espace et encore aux pouvoirs de l’Apériteur dans
le cadre de la Follow clause stipulée à la police.
Parmi les questions posées figurait celle de savoir
si les co-assureurs pouvaient être liés par un
règlement ex gratia décidé par l’Apériteur ? Quelles
étaient les limites de ce dernier ?

Nous avons aussi pris la liberté, dans cette troisième édition de notre Newsletter de traiter, de revenir
sur quelques questions d’actualité, notamment géopolitique, impactant le commerce international et le
Shipping.

Pour information, cette Newsletter est également éditée en anglais. Les deux sont diffusées
simultanément.

Comme les précédentes, vous la trouverez aussi sur notre site internet www.lexline.fr

BERTRAND COURTOIS VICTOIRE REVENAZ

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MARS 2024

ASSURANCE MARITIME (COMMODITIES)


EXTENSION DE GARANTIE - FOLLOW CLAUSE

Arbitrage
international
-
Chambre Arbitrale
Maritime de Paris
-
6 octobre 2023

Le 6 octobre 2023, une importante sentence arbitrale a été rendue, au deuxième degré, par un collège
arbitral intervenant sous l’égide de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris (CAMP), saisie d’un litige
relatif à une police d’assurance « commodities » opposant 49% d’une co-assurance et une société
internationale de négoce. Cette dernière recherchait le complément d’indemnisation, qu’elle estimait
dû, au titre d’une perte totale d‘une cargaison de riz, à l’issue d’un long voyage maritime au départ de
l’Inde et de la Birmanie et à destination de Conakry (Guinée).

LES FAITS ESSENTIELS sont les suivants : courant 2018, une société de trading [A] a vendu une
importante cargaison de riz en provenance d’Inde et de Birmanie, à une société guinéenne [B] ; la
marchandise, transportée sur un navire [OP] et assurée auprès d’une co-assurance internationale,
apéritée en France par une compagnie [C], devait être livrée à Conakry.

La police, stipulant une clause compromissoire au profit de la CAMP, était soumise au droit français et,
parmi d’autres conditions, à l’imprimé français « Risques Ordinaires » du 1er juillet 2009. Elle
indiquait couvrir les risques transport de la cargaison de riz au départ de « any point in the world » et
à destination de « Guinea Conakry », lieu de livraison à l’acheteur guinéen. A l’issue du déchargement
de la moitié environ de la cargaison, les Autorités guinéennes ont rejeté l’autre moitié, en invoquant
des problèmes liés au poids et à la qualité de la marchandise.

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MARS 2024

La garantie s’arrêtant à Conakry, l’Apériteur et le


courtier, tous deux français, ont convenu par écrit,
une extension de garantie jusqu’à Lomé, Togo
moyennant le versement d’une prime d’assurance
additionnelle. Une fois le navire [OP] arrivé sur rade à
Lomé, la marchandise a été, à nouveau, rejetée, cette
fois par les Autorités togolaises, sans que les motifs
de ce rejet soient bien clairs.

Tel un vaisseau fantôme, le navire [OP] a navigué


pendant près de deux mois au large des côtes
africaines, en vue de trouver un port de
déchargement. Indiquant avoir trouvé un acheteur en
Côte d’Ivoire, l’assuré et vendeur [A] a donné
instruction au navire de décharger sa marchandise à
Abidjan, laquelle fut rapidement saisie par les
Autorités locales en vue de sa destruction.

Parallèlement, le courtier a tenté d’obtenir de


l’Apériteur [C] qu’il signe un avenant d’extension de
garantie jusqu’à Abidjan, espérant que la prime
additionnelle relative à la poursuite du voyage jusqu’à
Lomé, vaudrait aussi pour la Côte d’Ivoire.

Après avoir refusé de signer un tel avenant,


notamment pour des raisons juridiques (absence
d’aléa), l’Apériteur a finalement indiqué, par un
court email, que l’extension de garantie jusqu’à
Lomé valait aussi pour Abidjan

A cette date, le sinistre était connu depuis plusieurs


semaines. L’Apériteur et certains co-assureurs ont
réglé le sinistre, à hauteur de leurs parts soit 51%.
Les autres co-assureurs [D], représentant 49% des
risques, ont refusé de suivre l’apériteur, considérant
qu’aucune extension de garantie jusqu’à Abidjan
n’avait été valablement accordée.

C’est l’objet de la procédure d’arbitrage entre la


société de négoce [A] et les 49% de la co-
assurance [D], la première demandant aux
seconds d’exécuter leurs engagements et de
l’indemniser, dans le sillage de l’Apériteur. L’enjeu
financier s’élevait à plusieurs millions de dollars.

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MARS 2024

Deux thèses se sont opposées :

Celle de l’assuré [A] qui prétendait, d’une


première part, que l’extension de garantie
jusqu’à Lomé, ayant donné lieu au versement
d’une prime additionnelle, devait s’appliquer
jusqu’à Abidjan, conformément à un prétendu
principe (inconnu du Code des assurances) dit
de « tenu couvert », permettant d’assurer la
continuité de la garantie d’assurance jusqu’au
complet achèvement du voyage maritime.

L’assuré devait aussi exciper de la notion


d’aggravation des risques en cours de voyage,
telle que prévue par le Code des assurances
(article L 172-3) et surtout de la clause
d’apérition (« Follow clause ») stipulée à la
police obligeant, selon lui, l’ensemble des co-
assureurs à suivre la décision de l’Apériteur,
quelles que soient les circonstances et
partant, à payer leur part du sinistre.

La société de négoce [A], assurée, devait en effet soutenir avec force que les co-assureurs seraient tout
aussi obligés en cas de règlement commercial / ex gratia, au motif que : « les termes de la rédaction de
la Follow clause sont très larges et ne stipulent aucune limite au pouvoir de l’Apériteur d’engager les co-
assureurs…Règlement ex gratia ou non, il est constant que l’Apériteur [C] a indemnisé [A] et que les co-
assureurs [D] se doivent de suivre cette décision ».

Selon l’assuré [A] « l’absence d’exclusion des paiements ex-gratia dans la Follow clause entraîne que
l’Apériteur aurait eu le pouvoir de consentir un tel paiement pour le compte de la co-assurance ».

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De leur côté, les co-assureurs [D] soutenaient qu’il n’y avait pas lieu de ne pas appliquer pour Abidjan
ce qui avait été décidé pour Lomé et que les limites géographiques du voyage assuré faisant partie des
conditions substantielles de la police d’assurance, un accord exprès, non équivoque et valablement
consenti des Assureurs (au moins de la compagnie apéritrice), en vue d’étendre la couverture
d’assurance jusqu’à Abidjan, était absolument nécessaire.

Les co-assureurs [D] devaient enfin insister sur le fait que leur obligation de suivre la décision de
l’Apériteur supposait que celle-ci ait été prise dans le cadre de l’application de la police et de ses
limites, et non au-delà, les co-assureurs ne pouvant aucunement être tenus de suivre une décision de
l’Apériteur d’indemniser en dehors du champ de garantie de la police.

Dit autrement, si l’Apériteur est libre d’envisager un règlement commercial ou ex gratia au profit de
l’assuré, ce règlement ne saurait obliger les co-assureurs, sauf à ce qu’ils aient donné, préalablement,
leur accord.

Les co-assureurs [D] ont enfin ajouté que leurs engagements ne sauraient excéder les conséquences
financières du rejet de la marchandise par les Autorités guinéennes, telles qu’elles sont prévues par la
police (notamment la dépréciation commerciale de la marchandise, résultant du rejet).

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Les trois Arbitres, statuant au second degré et de manière définitive ont retenu en substance,
s’agissant de l’extension de garantie, que «…aucun accord équivalent à celui qui a été conclu pour
Lomé n'a été consenti, s'agissant d’Abidjan. Dans la mesure où aucune dérogation à l'article 2 de la
police stipulant un élément essentiel de l'accord des Parties, à savoir la destination de la marchandise,
n'est intervenue, le tribunal ne peut que constater l'absence de couverture de la prolongation du
voyage… en outre, la compréhension de la police d'assurance nécessite d'en analyser toutes les clauses
dans le respect des directives exprimées par le Code civil en particulier l'article 1189 al. 1 disposant que
toutes les clauses d'un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le
sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier ».

Enfin, sur la possibilité pour l’Apériteur d’opposer un éventuel règlement ex gratia à la co-assurance,
les Arbitres ont été définitifs, dans la droite ligne de la jurisprudence : « Claim settlement ne s'entend
pas d'une transaction au sens civiliste commun mais du règlement des indemnités dues au titre de la
police, à l'exclusion des paiements réalisés ex gratia au titre d'un geste commercial […] il reste qu'il ne
saurait engager un mandant que si ce dernier l'a spécialement accepté en reconnaissant son propre
engagement sur le fondement d'un tel règlement ».

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Sur la « Follow clause » et le pouvoir de l’Apériteur


d’engager l’ensemble de la co-assurance, le Tribunal
arbitral a retenu que « s'il est vrai que l'Apériteur reçoit,
en application d'une telle clause, une mission de
mandataire, et s'il est vrai que le mandataire, en tant que
représentant, engage son ou ses mandants, cette
représentation n'opère que dans les limites des pouvoirs
confiés (article 1153 du Code civil). Le mandataire ne peut
agir au-delà de ce qui est porté dans son mandat, si bien
que sa mission doit être interprétée strictement ».

Les limites des pouvoirs sont celles de la police.

Allant plus loin dans l’analyse, les Arbitres ont rappelé,


s’agissant de l’Apériteur « qu’il lui appartient, une fois
encore, d'agir, dans les limites de ses pouvoirs. Aucune
décision de novation ne lui est permise, étant rappelé que
le droit positif distingue clairement ce qui relève de la
modification d'un contrat de ce qui a trait à sa novation.
Convenir de nouveaux éléments contractuels lorsque ces
éléments sont essentiels et affectent la structure même du
contrat n'est pas de la compétence du mandataire et
suppose qu'il obtienne le consentement clair et précis de
ses mandants sur ces éléments. Ainsi en est-il dans une
police d'assurance facultés, de la destination de la
marchandise soit en l'espèce la clause 2 de la police
prévoyant précisément et exclusivement comme port de
destination Conakry ».

Il a résulté de cette sentence que les co-assureurs n’étaient tenus d’indemniser, à hauteur de leurs
parts respectives, que le préjudice ayant pour cause le rejet de la marchandise par les Autorités
guinéennes, à savoir la dépréciation commerciale de la marchandise (résultant du rejet initial) puis
sa destruction.

Cette obligation contractuelle devait résulter des clauses 58.1 et 34 de la police, dont le sens
comme l’étendue n’avaient jamais été contestés par les co-assureurs [D], tant il n’était pas
discutable que le rejet initial s’était bien produit à Conakry, lieu faisant partie des limites
géographiques de la police telles que stipulées à son article 2.

Nous avons eu l’honneur et le plaisir de représenter et de défendre les intérêts des co-
assureurs concernés [D] tout au long de la procédure qui a duré plus de trois ans.

Aucun recours en nullité n’a été engagé par la société de négoce [A].

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Par un jugement du 21 janvier 2021, le Tribunal de


DROIT MARITIME
commerce de Paris avait condamné la société Worms
Services Maritimes (WSM), en sa qualité de consignataire de
navire à réparer le préjudice prétendument subi par un de
ses clients armateur, la société Comex, du fait d’un retard
Consignataire de navire dans l’attribution d’une autorisation administrative
- nécessaire dans le cadre d’une mission d’inspections de
Responsabilité conduites sous-marines d’hydrocarbures, en Algérie. Nous
- avons interjeté appel de ce jugement pour Worms.
CA Paris, 25 janv. 2024, La Cour d’appel de Paris (Pôle 5, Ch. 5), par un arrêt du 25
RG 21/03773 janvier 2024, a infirmé le premier jugement et fermement
rappelé le régime de responsabilité applicable au
consignataire de navire. WSM a été mise totalement hors de
cause.

En fait, Comex avait requis les services de WSM afin qu’elle l’assiste, comme consignataire du navire «
Janus II », dans différentes démarches administratives (autorisation de navigation en Algérie,
admission temporaire - AT) en plus des tâches incombant de manière plus classique au consignataire
(avitaillement, assistance matérielle etc).

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Alors que WSM avait fait part à son client d’un délai habituel de 3 jours pour obtenir son Admission
Temporaire (AT), cette dernière n’a été accordée qu’au bout de 18 jours, du fait de jours fériés en
Algérie, de changements de personnels auprès des Douanes algériennes et d’exigences infondées
émanant de divers services administratifs.

Reprochant au consignataire WSM le retard éprouvé, la société Comex l’a assigné en responsabilité,
sollicitant qu’il l’indemnise de son préjudice.

Imputant une quasi-obligation de résultat au consignataire de navire, les premiers juges l’avaient
condamné, sans vraiment caractériser la faute alléguée ni le lien de causalité avec le préjudice subi.

Les Juges d’appel ont réformé le jugement en toutes ses dispositions, rappelant que le consignataire de
navire, mandataire salarié (art. L. 5413-1 du Code des transports), ne peut voir sa responsabilité
engagée que selon les règles de droit commun (preuve d’une faute personnelle en relation causale avec
le préjudice).

Retenant que WSM ne pouvait se voir reprocher ni le retard dans la délivrance de l’AT, imputable à
l’administration algérienne, ni davantage les exigences de cette dernière dont le consignataire n’avait
pas à apprécier la pertinence ni le bien fondé, la Cour a écarté toute responsabilité à la charge de WSM,
ce d’autant que cette dernière justifiait de ses diligences continues dans l’exécution de son mandat.

Cet arrêt de la Cour de Paris était le bienvenu dans un domaine assez pauvre en jurisprudence récente.

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TRANSPORT ROUTIER Vol de marchandises


INTERNATIONAL -
Rupture de charge
Par un arrêt du 13 février 2024, la
“cross docking”
Cour d’appel de Paris (Pôle 5, Ch. 16)
-
a été amenée à s’interroger sur le
régime juridique du prestataire en CA Paris, 13 février 2024,
charge de l’opération de “cross- RG 23/04993
docking” (passage à quai des
marchandises, lors d’une rupture de
charge, sans stockage) chez lequel est
survenu un vol de marchandises. Celui-
ci est survenu, à l’issue d’un premier
acheminement terrestre, dans l’attente
de la prise en charge des
marchandises par le transporteur
routier final.

Près de 3 ans après les faits, l’action


en réparation était intentée par le
premier commissionnaire de transport
luxembourgeois et son assureur contre
le prestataire, sur le fondement d’un
prétendu contrat de dépôt. Ce dernier
a opposé la prescription d’un an, ce
qu’a contesté le commissionnaire,
excipant de la prescription de droit
commun de 5 ans.

La Cour d’appel, confirmant les


premiers juges, a donné raison à cet
argument, en rappelant au terme d’une
motivation très complète que la
prestation de transit des marchandises
sur le « cross-dock » d’un entrepôt,
fait partie intégrante du contrat de
transport (dont elle est l’accessoire),
de sorte qu’elle soumise à la
prescription annale. Ce, quand bien
même la prestation ne relèverait pas
d’une partie à la lettre de voiture.

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Dans sa motivation, la Cour a relevé, à juste titre, que le contrat de transport prévoyait comme fin du
transport, la remise physique de la marchandise au destinataire final, sans rupture de charge pendant
le transport, et que le transit constituait ainsi une prestation nécessaire à l’achèvement du transport.

Pour retenir que le transit des marchandises de quelques heures ne pouvait être séparé du contrat de
transport de bout en bout, la Cour a également pris en compte le fait qu’aucun contrat distinct n’avait
été conclu (ni aucune facture émise) par le prestataire assigné, au titre d’une prestation de dépôt
séparée.

Ce rappel de la jurisprudence relative à l’entreposage, comme opération accessoire au contrat de


transport, était bien utile !

PROCÉDURE CIVILE

Péremption d’instance
-
Délai audiencement
-
Cass. Civ.2e., 7 mars 2024,
RG 21-23.270

Les praticiens du droit ne peuvent que saluer


l’important et récent revirement de
jurisprudence de la Cour de Cassation, au
sujet de la délicate question de la péremption
d’instance (article 386 du CPC), visant à
sanctionner les parties à une procédure
lorsqu’elles s’abstiennent d’accomplir,
pendant un délai de 2 ans, les diligences
susceptibles de faire évoluer le procès.

En pratique, l’encombrement des cours


conduisant parfois à un délai d’audiencement
supérieur à 2 ans, contraignait les parties, en
état de plaider, à solliciter la fixation auprès
du Conseiller de la mise en état, dans le seul
but (artificiel mais nécessaire) d’éviter la
péremption d’instance.

La Cour de Cassation est venue au secours des justiciables et de leurs Conseils en ces termes : « une
fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court
plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir
une diligence particulière ».

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MARS 2024

COMMISSION DE TRANSPORT

Par un intéressant arrêt du 25 janvier 2024, la


Cour d’appel de Paris (Pôle 5, Ch. 5) est venue
Article L 133-8 du Code de
statuer sur la disparition d’une semi-remorque,
livrée par un 1er transporteur et stationnée dans Commerce
l’entrepôt du commissionnaire dans l’attente de sa -
prise en charge le lendemain par un 2nd Faute inexcusable
transporteur en vue de la livrer au destinataire -
final. CA Paris, 25 janv. 2024,
RG no 21/03700
Assigné par les intérêts marchandises, le
commissionnaire de transport avait engagé une
action en garantie contre son substitué (le 1er
voiturier). La Cour l’a débouté en retenant que le
Le commissionnaire de transport a été
(premier) transport avait pris fin, de sorte que la
doublement sanctionné : outre le fait d’avoir
semi-remorque était placée sous la garde du
été débouté de son action en garantie contre
commissionnaire, dont la seule responsabilité
son substitué, la faute inexcusable - retenue
pouvait être engagée.
par les premiers juges - a été confirmée par
la Cour d’appel, au motif qu’il connaissait la
nature et le poids de la marchandise présente
dans la remorque, de sorte qu’il pouvait en
déduire sa valeur et, partant, son caractère
sensible.

La Cour a également jugé, dans le cadre de


son appréciation souveraine des faits, que le
commissionnaire de transport avait
délibérément laissé la remorque dételée, sans
antivol sur le pivot d'attelage, sur un site non
fermé, aisément accessible, dépourvu de
gardiennage et de système de sécurité, alors
qu'un précédent vol de remorque avait eu lieu
deux ans auparavant, et ce alors qu’il n’avait
aucune raison valable de ne prendre aucune
mesure de sécurité.

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MARS 2024

RETOUR SUR LES ASSISES DE L’ÉCONOMIE DE LA MER


28-29 NOVEMBRE 2023
La présence du Président de la République aux Assises de l’Économie de la Mer, fin novembre 2023 à
Nantes, a mis en évidence l’importance du secteur maritime, toutes activités confondues, pour
l’économie française. Parmi les nombreux thèmes qui ont été traités et débattus, deux ont
particulièrement retenu notre attention : la décarbonation dans le secteur du transport maritime et la
lutte contre les trafics de drogue dans les ports.

LA DÉCARBONATION

Sur ce sujet ô combien prioritaire, M. Rodolphe Tel est le cas de PONANT, propriété d’Artémis,
Saadé, président de la CMA CGM, a indiqué holding de contrôle du groupe Kering, première
poursuivre un objectif « zéro carbone » à entreprise française à bénéficier de cette
horizon 2050, et recourir massivement à certification qui oblige l’armateur à faire preuve de
l’intelligence artificielle en vue de réduire les progrès significatifs en matière de décarbonation,
émissions de carbone des 650 navires ce à intervalle régulier.
comprenant la flotte de son groupe. Les
investissements consacrés par la CMA CGM à M. Hervé Gastinel, Président de PONANT a exposé
cette question s’élèvent à près de 15 milliards travailler sur un projet de 14ème navire « zéro
d’euros. émission » et au lancement d’ici 3 ans d’un voilier
de 200 mètres à propulsion vélique et hydrogène.
Le danois MAERSK, premier transporteur
mondial de conteneurs va dans la même Comme pour les automobiles, la nécessité pour les
direction, à l’instar des armateurs de paquebots navires de pouvoir se brancher électriquement et
qui s’efforcent d’être certifiés Green Marine. directement à quai a été évoquée. Aujourd’hui,
50% des paquebots sont en mesure de le faire.

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MARS 2024

LES PORTS, POINTS D‘ENTRÉE STRATÉGIQUES DE


LA DROGUE EN EUROPE

La lutte contre l’importation clandestine de


drogues illicites, notamment de cocaïne, dans les
grands ports français comme Le Havre, est
conduite par les Douanes maritimes en
coordination avec la Marine Nationale (Préfecture
Maritime – Action de l’État en mer) et les services
de Police et de Gendarmerie Maritime. Pas moins
de 85% de la consommation de drogues illicites est
importée en France par voie maritime et 75% via
les grands ports, lesquels constituent les derniers
remparts contre les narcotrafics.

Si le marché de la cocaïne a explosé ces dernières


années, c’est en raison de l’attractivité du marché
européen dont les prix payés par les
consommateurs sont beaucoup plus élevés qu’aux
Etats-Unis.

Comme l’a expliqué M. Ronan Boillot, Directeur


national de la Garde-côtes des Douanes (photo),
aux côtés de M. Didier Lallement, Secrétaire général
de la mer, 75% des saisies sont réalisées dans les
ports et la marchandise illicite est le plus souvent
dissimulée dans des conteneurs en voie
d’importation.

Il arrive aussi que les substances illicites soient cachées au niveau de la coque des navires (« Sea Chest
») quand elles ne sont pas directement jetées à la mer, sous forme de ballots, en vue d’être récupérées
par des petites embarcations. Des quantités importantes sont parfois retrouvées sur les plages de la
Manche ou de l’Atlantique, ainsi que la presse s’en fait régulièrement l’écho.

Les méthodes de lutte contre ces importations dans les ports sont de plus en plus sophistiquées,
incluant l’usage de scanners mobiles permettant de détecter, en deux minutes à peine, des
marchandises suspectes dissimulées dans des conteneurs.

Plus que jamais, la question de la traçabilité par géolocalisation des conteneurs et de la détection
d’incidents en cours de voyage, notamment les ouvertures de conteneurs, à l’insu des chargeurs, est
d’actualité. La société Traxens, qui a inventé le concept des « conteneurs intelligents » ou digitalisés au
moyen de capteurs de suivi de fret maritime, apporte son expertise dans ce domaine sensible.

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MARS 2024

LE SHIPPING À L’ÉPREUVE DE LA GÉOPOLITIQUE ET DU CLIMAT

REVERS DE FORTUNE (PROVISOIRE) POUR LES GRANDS ARMATEURS

L’atonie des échanges internationaux à


laquelle s’ajoutent les difficultés
géopolitiques, qu’il s’agisse de la
guerre en Ukraine, des tensions au
proche et moyen Orient et encore des
attaques répétées et de plus en plus
graves, contre les navires de
commerce en mer Rouge affectent très
significativement les comptes des
grands armateurs.

La CMA CGM a ainsi annoncé une perte


de 90 millions de dollars au quatrième
trimestre 2023 (tandis que la perte de
MAERSK pour la même période était de
450 millions de dollars).

Pour autant, CMA CGM a réalisé un


bénéfice de 3,6 milliards de dollars au
cours de l’exercice 2023, certes 7 fois
inférieur à ce qu’il était en 2022,
année record !

Le grand armateur français devrait


atténuer la baisse de ses chiffres tirés
du transport maritime de conteneurs
grâce à son importante diversification
dans le domaine de la logistique. Son
acquisition de BOLLORÉ LOGISTICS,
quelques années après celle de CEVA,
vient d’être validée par la Commission
européenne avec quelques réserves
concernant les Antilles. Concurrence
oblige !

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MARS 2024

DANS UN MONDE MALMENÉ, LES PRIMES D’ASSURANCE SUIVENT


L’AUGMENTATION DES RISQUES

L’attaque récente du navire « Rubymar » dans le M. Mathieu Berrurier, président de l’Union des
golfe d’Aden, illustre l’augmentation brutale des courtiers d’assurances maritimes et transports
risques maritimes en ce début d’année 2024. (Ucamat), explique dans une interview du 22
Frappé par un missile balistique antinavire des février 2024 au journaliste économique Éric Revel
rebelles houthis du Yémen, le cargo exploité par que l’augmentation des primes est cependant plus
une société libanaise et chargé de 21,000 tonnes importante pour les navires et cargaisons à
d’engrais à base de sulfate de phosphate destination ou au départ de la mer Noire que ceux
d’ammonium, a coulé, causant un risque réel en transit par la mer Rouge (100 fois la prime de
pour l’environnement. base à l’année contre 10 à 20 fois).

Selon le FMI, ces attaques répétées ont eu pour


Les tensions actuelles en mer Rouge
effet de réduire d’un tiers le transport de
désorganisent cependant les flux de marchandises
conteneurs par la mer Rouge, en ce début
dans les ports de destination, en ce qu’elles
d’année comparé à l’année passée, sachant que
incitent les navires à contourner le continent
près de 20,000 navires transitent chaque année
africain par le cap de Bonne-Espérance, ce qui, à
par le Canal de Suez (20% du trafic mondial).
défaut d’augmentation massive des primes
Cette aggravation des risques maritimes d’assurance, a pour effet de rallonger les temps de
résultant aussi bien de la guerre en Ukraine que voyage de 15 jours environ et d’alourdir les coûts
des attaques des Houthis entre le canal de Suez de transport.
et le détroit de Bab al-Mandeb a pour effet
d’augmenter les primes d’assurance maritime Pour l’heure, la mer de Chine et les zones de
risques de guerre (RG), aussi bien pour les navigation autour de Taïwan ne sont pas
marchandises que les corps de navires. surprimées, explique Monsieur Berrurier.
Jusqu’à quand ?

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MARS 2024

LORSQUE LE CANAL DE PANAMA EST À SEC, LE RAIL PREND LE RELAIS !

Alimenté par plusieurs lacs, le canal de


Panama de 80 kilomètres de long, qui relie
l’océan Atlantique au Pacifique, est touché
depuis plusieurs semaines par une
importante sécheresse. Le principal
réservoir du canal, le lac Gatún, a atteint
un niveau particulièrement bas. La
situation pourrait être préoccupante
sachant que le passage de chaque navire
nécessite que soient déversés près de 200
millions de litres d’eau douce. Cette eau
est obtenue à partir d’un bassin
hydrographique formé par les lacs.

Depuis janvier 2024 et en attendant une


remontée des niveaux d’eau, le nombre de
passages de navires est passé à 24 / jour
au lieu de 40 auparavant. Pour remédier à
cette situation, le gouvernement panaméen
songerait à construire de nouveaux
réservoirs d’eau permettant d’alimenter le
canal. En attendant de meilleures
conditions, les délais de passage des
navires ont été doublés passant, en
moyenne de 7 à 16 jours.

Pour contourner ces difficultés et protéger


les chaînes d’approvisionnement de
certains de ses clients, le danois MAERSK a
décidé de recourir au chemin de fer afin d’y
transporter ses conteneurs, sur une
distance de 70 kilomètres environ, depuis
Balboa, port du sud du Panama jusqu’à
Colon, port des Caraïbes, en vue d’y être
chargés sur ses navires à destination,
notamment de la côte est des Etats-Unis.

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