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La Revue de médecine interne 31 (2010) S229-S232

ISSN 0248-8663

Décembre 2010
Vol. 31 - Suppl. 2
p. S205-S291

3e Rencontres Multidisciplinaires
sur la maladie de Fabry

Paris, les 23-24 mai 2008

que : Pr Dominique P. Germain


Centre de référence de la maladie de Fabry et des maladies héréditaires
du tissu conjonctif à expression cutanéo-articulaire
Hôpital Raymond Poincaré, Garches, France

Néphrologie

Le diagnostic de la maladie de Fabry : intérêt de l’enquête clinique


Diagnosis of Fabry disease: usefulness of the clinical investigation

R. Demontis
Service de néphrologie-hémodialyse, Centre hospitalier Laennec, Boulevard Laennec, 60100 Creil, France

R É S U M É

Mots clés : La maladie de Fabry, une maladie de surcharge lysosomale liée à l’X et due au déficit en
Maladie de Fabry
Néphropathie alpha-galactosidase A, conduit à l’accumulation de globotriaosylcéramide, à l’origine d’une
Insuffisance rénale affection multi-systémique. Les symptômes de découverte de la maladie ne sont pas spéci-
Cardiomyopathie hypertrophique
fiques conduisant souvent au diagnostic avec retard. Nous rapportons une observation où le
diagnostic a été fait par l’étude des antécédents et la confrontation des différentes atteintes
d’organe. Nous présentons par ailleurs quatre ans de suivi sous enzymothérapie substitutive
(agalsidase β, 1 mg/kg/14 jours).
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

A B S T R A C T

Keywords: Fabry disease, an X-linked lysosomal storage disorder due to alpha-galactosidase A deficiency,
Fabry disease
Nephropathy leads to an accumulation of globotriaosylceramide resulting in a multisystemic disorder. The
Renal failure initial manifestations of the disease are not specific, leading to a delayed diagnosis. We report
Hypertrophic cardiomyopathy
a patient in whom the diagnosis was obtained by family screening and the confrontation
of clinical signs.
We also present a 4 year follow-up under enzyme replacement therapy (agalsidase β,
1 mg/kg/14 days).
© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Correspondance.
Adresse e-mail : renato.demontis@ch-creil.fr (R. Demontis)

© 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
S230 R. Demontis / La Revue de médecine interne 31 (2010) S229-S232

1. Introduction Le diagnostic de la maladie de Fabry était confirmé par le


dosage de l’activité leucocytaire de l’alpha-galactosidase A qui
La maladie de Fabry est une maladie rare, héréditaire, dont était effondré. La mutation G328A (mutation sur l’exon 6) qui
la transmission est liée au chromosome X. Elle est caractérisée était identifiée par génotypage du gène GLA a déjà été décrite
par l’accumulation anormale d’un matériel lipidique (globo- chez d’autres malades [3]. La biopsie rénale montrait les dépôts
triaosylcéramide ou Gb3) dans les cellules de l’organisme, caractéristiques de Gb3 au niveau glomérulaire. Ce patient ne
conséquence d’un déficit en une enzyme lysosomale : l’alpha- présentait pas d’atteinte ophtalmologique (de type cornée
galactosidase A [1]. verticillée).
L’atteinte rénale est l’une des complications majeures de la L’enquête familiale révélait que la mère du patient avait
maladie. Elle expose le patient à l’insuffisance rénale terminale et une démence vasculaire et une fibrillation auriculaire. Elle
à ses complications. Souvent le diagnostic est porté avec retard à avait déjà fait des accidents vasculaires cérébraux et avait
un âge moyen de 29 ans [2]. Les symptômes de découverte de la une leucoaraïose. Le patient avait une sœur, née en 1949,
maladie rénale ne sont pas spécifiques et le diagnostic de maladie qui présentait la même mutation G328A. Elle était asymp-
de Fabry est évoqué sur l’étude des antécédents et la recherche tomatique sur le plan cardiaque et néphrologique mais une
d’autres atteintes d’organes. Ce qui conduira chez l’homme au IRM cérébrale systématique montrait quelques lésions de la
dosage enzymatique en α-galactosidase A pour confirmer le substance blanche périventriculaire. La mère de notre patient
diagnostic. avait un frère et une sœur dont le fils unique était décédé de
C’est ce que montre l’observation clinique suivante. cause cardiaque à l’âge de 62 ans. Avait-il une maladie de
Fabry ? Le frère, qui avait trois filles, n’était pas porteur de
la mutation.
2. Observation En juin 2004 au traitement habituel du patient (amiodarone,
clopidogrel, bisoprolol) était ajoutée l’enzymothérapie substi-
M. L. J-C., né en 1948, technicien audiovisuel, était adressé tutive (agalsidase β à la posologie de 1 mg/kg tous les 14 jours)
en 2004 en consultation de néphrologie pour exploration d’une et un traitement anti-protéinurique (ARA 2).
insuffisance rénale, à l’âge de 56 ans. Le diagnostic de néphro- L’évolution cardiologique sur quatre ans était la suivante.
pathie glomérulaire, a priori banale, était confirmé associant Entre 2004 et 2008 les données de l’échocardiographie restaient
une protéinurie et une insuffisance rénale (DFG estimé selon la stables. Le PR qui était court à 100 ms en 2000, s’était quasiment
formule MDRD à 45 ml ml/min/1,73 m2) et l’absence d’hématurie normalisé en 2008 à 168 ms. La fraction d’éjection du ventricule
et d’hypertension artérielle. gauche restait normale. L’oreillette gauche était dilatée à 55 mil-
En 2000, il présentait un flutter auriculaire dont l’explora- limètres ; ces dimensions restaient identiques. On retrouvait
tion permettait d’objectiver une cardiomyopathie hypertro- toujours la CMH. L’électrocardiogramme était par ailleurs
phique (CMH) sans antécédents familiaux. Il ne fumait plus inchangé (bloc de branche droit, troubles de la repolarisation,
depuis 1988. Sur l’électrocardiogramme, en rythme sinusal onde Q de pseudo-nécrose).
après le choc électrique externe, il était noté un PR court à Sur la figure 1 est représentée l’évolution de l’épaisseur
100 millisecondes, un bloc de branche droit, une hypertrophie septale et de la paroi postérieure du ventricule gauche avant
ventriculaire gauche avec des troubles de la repolarisation et et après traitement. Les données échocardiographiques
une onde Q de pseudo-nécrose en D1 et VL. A cette date, la étaient stabilisées par le traitement. Les dernières mesures
fonction rénale était signalée normale. L’échographie cardiaque de 2008 donnaient une épaisseur septale à 21 millimètres et
retrouvait une cmH non obstructive prédominant sur le septum une épaisseur de la paroi postérieure du ventricule gauche à
et l’apex. L’épaisseur septale était de 18 millimètres, celle de la 15 millimètres.
paroi postérieure de 13 millimètres. La fraction d’éjection du Le suivi néphrologique sur quatre ans est illustré par la
ventricule gauche était normale. La coronarographie retrouvait figure 2 qui montre un débit de filtration glomérulaire, estimé
un réseau coronarien athéromateux sans sténose significative. par la formule MDRD, stable avec une valeur moyenne entre 40
La ventriculographie confirmait la cmH. La fonction systolique et 50 ml ml/min/1,73m2. La protéinurie diminuait rapidement
du VG était normale. et fortement sous traitement anti-protéinurique (ARA 2). Elle
A l’âge de 14 ans, avait été posé un diagnostic de spasmo- est exprimée en gramme par mmol de créatinurie entre mars
philie, traitée par du calcibronate. Il s’agissait de douleurs des 2004 et septembre 2008. La normalisation de la protéinurie
extrémités (mains, paumes, voûtes plantaires), invalidantes, n’était pas liée à l’enzymothérapie mais au traitement anti-
perturbant la vie scolaire. Ces douleurs pouvaient durer plu- protéinurique [4]. Elle se maintenait sur 4 ans. Elle était
sieurs jours et étaient déclenchées par l’exercice physique et confirmée en 2008 avec un rapport à 0,02 gramme/mmol de
la fièvre. Celles-ci avaient disparu avec le traitement d’après créatinurie.
le patient. Avant l’enzymothérapie substitutive, le patient n’avait pas
Ce patient ne présentait pas de lésions cutanées. eu d’exploration neurologique approfondie mais il était clinique-
Le diagnostic de maladie de Fabry était évoqué devant ment asymptomatique en 2004. L’IRM cérébrale systématique
l’association d’une CMH, d’une atteinte rénale et de douleurs montrait la présence d’importantes lésions périventriculaires
des extrémités. Les douleurs qu’il présentait étaient typiquement sous la forme d’anomalies du signal de la substance blanche
des acroparesthésies qui avaient disparu non pas sous l’effet (hyperdensités). L’IRM cérébrale était répétée tous les ans sous
du calcibronate mais de manière spontanée à l’adolescence par traitement et les images apparaissaient stables. Sur le plan
destruction des fibres nerveuses périphériques. clinique, il restait asymptomatique.
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Avant enzymothérapie 2008 Mai 2008

• TA = 128/77mmHg • TA = 100/70mmHg
• PR : 100 ms (Année 2000) • PR : 168ms
• Bloc de branche droit HVG électrique • Bloc de branche droit HVG électrique
• Cardiomyopathie hypertrophique non obstructive
• Cardiopathie hypertrophique prédominant sur le septum
• FEVG = 66%
et l'apex
• Absence de dysfonction diastolique
• FEVG = 67%
• Oreillette gauche = 55mm
• Absence de dysfonction diastolique
• Oreillette gauche dilatée (55mm)
26
en mm 25
24
23
22
Epaisseur
21 septale
20
19
18
Epaisseur
17 de la paroi
postérieure
16
15
14
13

12
2000 2003 2005 2006 2007 2008

Fig.1. Suivi cardiologique.

en ml/min/1,73m2 (en gramme/mmol de créatinurie)

0,16
90
0,14
80
70 0,12
60 0,1
50 0,08
40 0,06
30
0,04
20
0,02
10
0
0
janv-04 janv-05 janv-06 janv-07 janv-08
4

7
4

7
04

04

05

05

06

06

07
-0

-0

-0

-0
-0

-0

-0

-0
s-

s-

s-

s-
c-

c-

c-
pt

pt

pt

pt
in

in

in

in
ar

ar

ar

ar


ju

ju

ju

ju
se

se

se

se
m

DFGe Rapport protéinurie / créatinurie

DFGe (MDRD) stable après 4 ans Traitement néphroprotecteur :


sous enzymothérapie contrôle satisfaisant de la protéinurie

Fig. 2. Suivi néphrologique.

3. Discussion 2/ Le traitement anti-protéinurique ne doit pas être oublié dans


la prise en charge de l’atteinte rénale de la maladie de Fabry
Cette observation clinique fait ressortir les éléments puisque lui seul permet la normalisation de la protéinurie [4].
suivants : 3/ Même si le patient est asymptomatique, il est important de
1/ La maladie de Fabry est à évoquer devant toute cardiomyopa- faire une IRM cérébrale systématique, au moins dans le bilan
thie hypertrophique d’étiologie inconnue, a fortiori s’il existe pré-thérapeutique. Celle-ci peut se révéler anormale comme
un PR court. dans l’observation que nous rapportons.
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4/ Dans notre observation, l’enzymothérapie a été bien tolérée. Conflit d’intérêt


On a pu diminuer assez rapidement le temps de perfusion à
90 minutes. Bien que le taux d’alpha-galactosidase A était Aucun.
effondré, il n’y a pas eu de séroconversion. Sur quatre ans, le
traitement a semblé efficace. Références
Cette observation soulève également 2 questions
intéressantes : [1] Desnick RJ, Brady R, Barranger J, Collins AJ, Germain DP, Goldman M, et
1/ Quel suivi recommander chez la sœur ? Faut-il la traiter ? al. Fabry disease, an under-recognized multisystemic disorder: expert
recommendations for diagnostis, management, and enzyme replacement
La sœur ne souhaite pas de traitement substitutif. On n’a pas
therapy. Ann Intern Med 2003;138:338-46.
assez d’arguments d’atteinte d’organe pour le proposer. Un [2] Meikle PJ, Hopwood JJ, Clague AE, Carey WF. Prevalence of lysosomal
suivi tous les deux ans a été programmé. Elle a une fille qui storage disorders. JAMA 1999;281:249-54.
[3] Eng CM, Resnick-Silverman LA, Niehaus DJ, Astrin KH. Nature and fre-
n’a pas encore été explorée tant sur le plan génétique que quency of mutations in the α-Galactosidase A gene that cause Fabry
clinique. disease. Am J Human Genet 1993;53:1186-97.
2/ Fallait-il faire la biopsie rénale dans la prise en charge de ce [4] Tahir H, Jackson LL, Warnock DG. Antiproteinuric therapy and Fabry
nephropathy: sustained reduction of proteinuria in patients receiv-
patient alors que le diagnostic était évident sur les données ing enzyme replacement therapy with agalsidase-β. J Am Soc Nephrol
cliniques et génétiques ? 2007;18:2609-17.

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