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IV
1) Introduction
Jean Le Rond d'Alembert est un mathématicien, physicien, philosophe français (1717- 1783) qui a
marqué son époque par de nombreuses contributions scientifiques dans différents domaines. Ses
recherches de mécanique, d'acoustique et d'astronomie le conduisent à approfondir et à perfectionner
l'outil analytique de son siècle. Il montre que le corps ℂ des nombres complexes suffit à tous les besoins
de l'analyse et donne une démonstration, la première, du théorème fondamental de l'algèbre (1746).
Premier à utiliser un développement de Taylor avec reste explicité sous forme d'intégrale (1754), il
trouve la solution générale d'une équation aux dérivées partielles (Recherches sur les cordes vibrantes,
1747) et propose une méthode de résolution des systèmes d'équations différentielles. En 1752, il établit
les équations rigoureuses et générales du mouvement des fluides. En 1768, il utilise, dans un cas
particulier, le critère de convergence des séries qui porte son nom.
Dans ce chapitre, on est particulièrement intéressé par son fameux « principe de d'Alembert » énoncé dans
son Traité de dynamique (1743) et qui affirme que l'ensemble des forces de contrainte d'un système ne
travaille pas lors d'un déplacement virtuel compatible avec les contraintes imposées au système. Cette
formulation analytique proposée par D’Alembert pour la mécanique classique était la première
approche systématique pour la modélisation de la dynamique d’un système mécanique, permettant de
prendre en compte des interdépendances éventuelles entre les mouvements des différentes
composantes du système en éliminant les forces de contraintes des équations de Newton. Pour mettre
en œuvre son principe, D’Alembert a généralisé l’utilisation du principe des travaux virtuels en
l’appliquant à la dynamique en introduisant la notion de force d’inertie ainsi, il a réussi à ramener les
problèmes de dynamique à des problèmes de statique. Il permet ainsi d’étendre le champ d’application
des lois de Newton à des repères non galiléens.
Malgré les différences existantes dans les approches de mise en œuvre du principe de d’Alembert et des
lois de newtons, on peut aisement montrer l’équivalence existante entre eux que ce soit en statique ou
en dynamique. D’ailleurs, certains scientifiques considèrent que le principe de d’Alembert n’est qu’une
combinaison originale des lois fondamentales de Newton et n’apporte aucune nouveauté aux lois déjà
existantes.
Les contraintes mécaniques sont des relations entre les coordonnées qui traduisent le fait qu’elles
n’évoluent pas indépendamment les unes des autres. Les forces de contraintes (de liaison) sont les forces
s’appliquant au système matériel faisant qu’il respecte ses propres contraintes. Notons, dans ce qui suit,
𝐹⃗ la force de contrainte agissant sur la particule i.
Rappelons que les contraintes reliant les 3N coordonnées sont dites holonomes lorsqu’elles s’expriment
sous forme d’un certain nombre, disons K, d’équations algébriques faisant intervenir les coordonnées
et, éventuellement, le temps:
𝐶 (𝑟⃗ , … , 𝑟⃗ , 𝑡) = 0 ( j = 1, … , 𝐾) (1)
Principe de D’Alembert 1
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𝑞 𝑞 (𝑟⃗ , … , 𝑟⃗ , 𝑡) ( 𝑖 = 1, … , 𝑛) (2)
L’inversion de (2), compte tenu des contraintes (1), nous permet d’écrire les coordonnées physiques en
fonction des n coordonnées généralisées comme suit
𝑟⃗ 𝑟⃗ (𝑞 , … , 𝑞 , 𝑡) ( 𝑖 = 1, … , 𝑁) (3)
Un déplacement virtuel est un déplacement instantané et infinitésimal des points matériels respectant
les contraintes imposées. C’est une variation de la position qui est compatible avec les contraintes mais
qui ne provient pas de forces extérieures appliquées au système. Le déplacement infinitésimal réel de
la particule i pendant le temps dt prenant en compte les contraintes (eq. (1)), peut s’écrire :
𝒓⃗𝒊 𝒓⃗𝒊
𝑑𝒓⃗𝒊 = ∑ 𝑞 + 𝑑𝑡 (4)
Principe de d’Alembert:
Lors d’un déplacement virtuel 𝛿𝑟⃗, en l’absence des frottements, le travail des forces de liaison 𝐹⃗ d’un système
matériel est nul, donc l'ensemble des forces de contraintes appliquées 𝐹⃗ à un système matériel ne travaille pas
lors des déplacements virtuels 𝛿𝑟⃗ considérés,
Attention, c’est la somme des travaux qui est nulle et non pas chaque produit 𝐹⃗ . 𝛿𝑟⃗=0, i.
Si les contraintes ne varient pas au cours du temps (contraintes scléronomes), alors le déplacement
virtuel est équivalent à un déplacement réel. Si les contraintes dépendent du temps, le déplacement
virtuel n’est plus équivalent à un déplacement réel et Le principe de d'Alembert n’est plus vérifié car le
travail des forces de contraintes n’est plus nul.
Dans le cas général, le principe de d’Alembert ne se vérifie que par l’expérience. Pour se convaincre
malgré tout de sa validité, examinons quelques cas :
1er Cas: la table sur laquelle est posé un objet est passive, elle n'oppose que des forces de réaction au
corps et ne va pas lui fournir une quelconque accélération ni énergie.
2ème Cas: Une boule roulant sans glisser sur un plan peut se déplacer selon deux directions x et y. La
force de liaison qui l’empêche de glisser est dirigée selon l’axe z et ne va donc pas engendrer de travail
(en fait, l’approximation ”sans glissement” signifie qu’on néglige toute forme de dissipation par rapport
à l’énergie cinétique de la boule).
Principe de D’Alembert 2
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3ème Cas : considérons un pendule simple. Les seuls déplacements possibles de la particule s’effectuent
selon un angle θ. Lors d’un déplacement virtuel δθ, la tension de la tige exerce un travail nul
(déplacement perpendiculaire à la force de liaison).
Si la longueur du pendule est l, la particule est repérée par 𝑟⃗ = 𝑙𝑒⃗ où 𝑒⃗ est un vecteur unitaire radial.
Le déplacement virtuel est alors donné par: 𝛿𝑟⃗ = 𝑙𝑑𝜃𝑒⃗ est compatible avec les deux contraintes :
𝑓 = 𝑥 +𝑦 +𝑧 −𝑙 =0
𝑓 =𝑧=0
qui imposent une évolution de la masse dans le plan selon un cercle de rayon l. La force de contrainte
est, quant à elle, donnée par: 𝐹⃗ = 𝑐 𝑒⃗ + 𝑐 𝑒⃗ ; on peut l’imaginer comme une force maintenant la
particule dans le plan xOy à une distance l de l'origine. On a bien: 𝐹⃗ . 𝛿𝑟⃗ =0.
Les contraintes (1) prescrites aux N points matériels du système sont imposées en fait par des forces,
dont la valeur dépend du mouvement réalisé ces points. On peut imaginer ces contraintes comme la
conséquence de forces de rappel qui ramènent toujours les particules à la hyper-surface définie par le
système d’équations (1). Si l’on suppose que ces forces de rappel dérivent d’un potentiel qu’on notera
𝑉 (𝑟⃗ ). La force de contrainte agissant sur le ième point matériel est alors :
𝐹⃗ = − ⃗
Le potentiel Vc a pour particularité qu’il ne s’exprime qu’en fonction des contraintes Cj , j=1,…,K (donc
Ci sont considérées dans la suite comme des variables). On a alors:
𝜕𝑉 𝜕𝑉 𝜕𝐶 𝜕𝐶
𝐹⃗ = − =− =− (7)
𝜕𝑟⃗ 𝜕𝐶 𝜕𝑟⃗ 𝜕𝑟⃗
où les constantes λj sont a priori inconnues, mais peuvent être obtenues une fois connue la solution des
équations du mouvement donnant l’évolution de 𝑟⃗ (𝑡). Ceci est vrai même si l’équation de la contrainte
dépend explicitement du temps.
𝜕𝑉 𝜕𝒓⃗𝒊 𝜕𝑉
𝐹⃗ 𝛿𝑟⃗ = − 𝑞 = − 𝑞 = 0 (8)
𝜕𝑟⃗ 𝜕𝑞 𝜕𝑞
puisque Vc ne dépend pas des 𝑞 , il ne s’exprime qu’en fonction des contraintes Cj , j=1,…,K.
Pour avoir le second énoncé du principe de d'Alembert dévoué à la dynamique on doit introduire les
quantités suivantes :
alors, et en utilisant le Principe fondamental de la dynamique PFD, on peut écrire pour le ième point du
système matériel:
𝑚 𝑎⃗ = 𝐹⃗ + 𝐹⃗ d’où 𝐹⃗ = 𝑚 𝑎⃗ − 𝐹⃗ (9)
Principe de D’Alembert 3
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En sommant pour l’ensemble des points matériels, pour tout déplacement virtuel (𝛿𝑟⃗) ∈ du système
matériel considéré, on obtient l’autre forme (2ème énoncé) du principe de D'Alembert en relation avec le
PFD :
∑ 𝐹⃗ 𝛿𝑟⃗=∑ 𝑚 𝑎⃗ − 𝐹⃗ 𝛿𝑟⃗ =0
∑ 𝐹⃗ − 𝑚 𝑎⃗ 𝛿𝑟⃗ =0 (10)
Pour l’ensemble des points matériels constituant le système étudié, la quantité ∑ 𝐹⃗ représente des forces
intérieures et/ou extérieures au système, ce qui nous amène à dire que :
le travail des forces extérieures et intérieures d’un système lors d’un déplacement virtuel est égal au travail
virtuel de la quantité des accélérations.
Par ailleurs, pour un corps rigide, le PFD peut s’écrire sous la forme du principe de d’Alembert comme
suit:
∑ 𝐹⃗ − 𝑚𝑎 ⃗ = ∑ 𝐹⃗ + 𝐹⃗ = 0⃗ (11)
𝐹⃗ = −𝑚𝑎 ⃗ est appelée force d’inertie, cette force imaginaire introduite par d’Alembert est opposée à
l’accélération et permet d’avoir un équilibre imaginaire (certains auteurs disent qu’on a un équilibre
dynamique). Ecrit sous cette forme (∑ 𝐹⃗ + 𝐹⃗ = 0⃗), l’exploitation du PFD se ramène aux cas abordés
en statique, la force d’inertie étant assimilée à une force extérieure. Toutes les méthodes et théorèmes
abordés en statique sont donc utilisables : isolement du solide, etc.
⃗
∑ 𝐹⃗ − 𝑚 𝑎⃗ 𝛿𝑟⃗ = ∑ 𝐹⃗ − 𝑚 𝑎⃗ ∑ 𝛿𝑞 (13)
⃗ ⃗
= ∑ ∑ 𝐹⃗ 𝛿𝑞 − ∑ ∑ (𝑚 𝑎⃗) 𝛿𝑞 = 0,
i=1,…,p, j=1,…,n
On introduit maintenant les forces généralisées 𝑄 définies comme suit :
⃗
𝑄 = ∑ 𝐹⃗ (14)
Le premier terme devient alors :
⃗
∑ ∑ 𝐹⃗ 𝛿𝑞 = ∑ 𝑄 𝛿𝑞 (15)
A noter que le terme 𝑄 𝛿𝑞 a la dimension d’un travail donc, si 𝛿𝑞 a la dimension d’un déplacement
alors, 𝑄 a la dimension d’une force. De même si 𝛿𝑞 a la dimension d’un angle alors, 𝑄 a la dimension
d’un moment.
⃗
Regardons maintenant de près le second terme : ∑ ∑ (𝑚 𝑎⃗) 𝛿𝑞
Soit l’accélération généralisée 𝐴 :
⃗
𝐴 = ∑ (𝑚 𝑎⃗) (16)
Alors, en utilisant les n coordonnées généralisées qj , le principe de D’Alembert s’écrit :
∑ 𝑄 − 𝐴 𝛿𝑞 = 0 (17)
Où Qj et Aj sont, respectivement, les forces et accélération généralisées.
Principe de D’Alembert 4
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On montre que l’accélération généralisée 𝐴 est issue de l’énergie cinétique comme suit:
𝐴 = ̇
− (19)
D'où, si la force est conservative, c'est-à-dire qu’elle dérive d’un potentiel, alors:
𝑄 =− et ̇
=0
5) Exemples d’application
Exemple 1 : étude de la cabine d’ascenseur
Un homme de 80 kg se tient debout sur une balance dans une cabine d’ascenseur à l’arrêt (Fig.1). Le
moteur de l’ascenseur est mis en marche et la tension T du câble de levage atteint la valeur de 900 daN
pendant les trois premières secondes. Si l’accélération est supposée constante, quelle lecture peut-on lire
sur la balance? la masse de l’ensemble (cabine + balance) est de 720 kg.
Hypothèse : Les frottements sont négligés ainsi que l’action des rails,
Solution
Principe de D’Alembert 5
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Remarque : pour le mouvement inverse (aG = - 1,44 m.s-2), avec freinage, la masse fictive de l’individu
serait 80 - 11,74 = 68,26 kg.
Attention, 𝑥, 𝑦, 𝑧 ne sont pas indépendant car le point n’a que deux degrés de liberté sur la surface.
Ceci nous incite à introduire les coordonnées généralisées (q1, q2) du point matériel, notamment (q1,q2)
= (d,) qui nous permettent d’écrire :
Principe de D’Alembert 6
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𝑥 = 𝑑 cos 𝜑
𝑦 = 𝑑 sin 𝜑
𝑧 = 𝑑 𝑐𝑜𝑡𝛼
𝛿𝑥 = 𝛿𝑑 cos 𝜑 − 𝑑 𝛿𝜑 sin 𝜑
𝛿𝑦 = 𝛿𝑑 sin 𝜑 + 𝑑 𝛿𝜑 cos 𝜑
𝛿𝑧 = 𝛿𝑑 𝑐𝑜𝑡𝛼
Exemple 3 : Le Cric
Un cric est un mécanisme articulé destiné à soulever
de lourdes charges, représenté sur la figure 3. Il est
constitué de deux plateaux rigides (l'un prenant appui
sur le sol, l'autre soutenant la charge de poids P)
articulés à un losange déformable de côté 𝑙, par
l'intermédiaire d'une tige filetée de pas ℎ h, (l'entraxe
du cric change d'une longueur ℎ en un tour de
manivelle) actionnée par une force 𝐹 exercée sur une
manivelle de bras 𝑎.
Principe de D’Alembert 7
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Solution
Application numérique
- Avec a =20 cm, h = 0,2 cm et tan = 0,577, on trouve P / F = 363, ce qui permet de maintenir soulevée
une voiture de 16000 N avec une force de seulement F = 11 N (n'oublions pas que P = 16000 / 4 dans ce
cas).
On néglige la masse du fil, les frottements et la résistance de l'air et on admet que le fil ne glisse pas sur
la poulie.
1) Calculer l’accélération de ces masses en utilisant le principe de d’Alembert
2) Trouver la tension dans la corde
Principe de D’Alembert 8
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Les forces qui s’appliquent au système sont, en plus de la tension du câble 𝑇⃗, les poids 𝑃⃗ et 𝑃⃗, les
forces d’inertie.
Les deux variables y1 et y2 sont dépendantes vu que la longueur de la corde est fixe : 𝑦 + 𝑦 = 𝑐𝑠𝑡𝑒.
Cette contrainte est maintenue grâce à la tension du câble 𝑇⃗ qui est une force de contrainte. On a une
contrainte holonome alors, le système a un seul ddl.
Donnons à la masse m1 un déplacement virtuel 𝛿𝑟⃗ tel que : 𝛿𝑟⃗ = 𝑦. ⃗ȷ, alors vu la contrainte alors :
𝛿𝑟⃗ = −𝑦. ⃗ȷ,
Figure 6.
Selon D’Alembert, Le travail virtuel de la tension de câble 𝑇⃗ est nul car c’est une force liaison et elle ne
travaille pas pour le déplacement virtuel 𝑦 compatible avec notre liaison. Aussi le travail des forces de
frottement est nul. Le bilan de tous les travaux restant est comme suit :
Principe de D’Alembert 9
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−𝑚 𝑦̈ − 𝑚 𝑦̈ −𝑚 𝑔+𝑚 𝑔 = 0
Pour retrouver l’expression de la tension dans la corde on choisit un déplacement virtuel non
compatible avec la liaison, notamment : 𝛿𝑟⃗ = 𝛿𝑟⃗ = −δz ⃗ȷ, pour lequel la tension va travailler.
N.B. : Les mêmes résultats peuvent être obtenus en utilisant les équations de Newton.
Remarque finale :
Un ouvrage n’atteint jamais la perfection, ni dans la forme, ni dans le fond. Si, malgré le soin apporté par l’auteur dans la rédaction, vous
repérez des erreurs, des imperfections ou des incohérences, je vous serais très reconnaissant de me les signaler sur l’adresse
électronique suivante : tahachettibi@gmail.com
Principe de D’Alembert 10