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EXPLICATION LINÉAIRE N°7 : LA MORT DE MANON

L'abbé Prévost publie le septième tome des mémoires et aventures d’un


homme de qualité, intitulé. L’histoire du chevalier des Grieux et de Manon
Lescaut en 1731. Ce roman constitue le récit a posteriori du jeune chevalier au
marquis de Renoncour, de sa tumultueuse passion avec Manon. Le texte se
situe à la toute fin de la seconde partie. Manon a été déportée avec un convoi
de filles de joie en Louisiane. Des Grieux l’a suivi. La scène se déroule dans le
désert, où les deux amants ont dû fuir suite à un duel. Manon, épuisée, meurt
dans les bras de son amant. Le chevalier, en fait, le récit au marquis de
Roncourt.

Nous allons procéder désormais à la lecture du texte,


Dans quelle mesure, le récit de la mort de Manon finit par sublimer cette
dernière ?

Donc comme premier mouvement, on a Des Grieux qui partage sa douleur


avec le marquis de Renoncour de la Ligne 1 à 4, ensuite le mouvement 2 qui
correspond au récit de la mort de Manon, allant de la ligne 5 à 13. Et enfin le
troisième mouvement qui est des Grieux, un héros, maudit de la ligne 14
jusqu’à la fin.

Dans le mouvement 1, des Grieux exprime sa grande douleur, suite à la mort


de Manon, à son ami, le marquis de Renoncour.
L’extrait débute par un impératif “pardonnez”, exprimé sur le temps de
l’imploration et s’adresse au marquis et lui demande d’être indulgent à son
égard, “si j’achève un peu de mots” montre que des Grieux a beaucoup de mal
à parler de la mort de manon. Sa douleur est très vive, très forte comme le
témoigne les deux propositions subordonnées relative complément de
l’antécédent, “un récit” (l.1) et “un malheur” (l.1) qui accentuent et donnent plus
de précisions sur la douleur que ressent des Grieux. Il a du mal à prononcer
le mot mort qui est un choix de deux périphrase hyperbole, Le chagrin est tel
qu’il ne laisse aucun répit en chevalier, inconsolable de la mort de son
amante qui le torture constamment : toute ma vie est destiné à le pleurer (l.2),
“un récit qui me tue” (l.1), “un malheur qui n’eut jamais d’exemple” (l.1 à 2), pour
montrer l’impact de la mort de Manon sur lui “me” et sur la terre entière
puisqu’il s’agit à ses yeux du plus grand malheur au monde, malheur
accentuée par l’emploi de la négation, “ne….jamais” (l.2), de plus, cette douleur
est toujours présente en des Grieux, l’emploi du présent de l’indicatif, qui est
une valeur d’intemporalité “je le porte” (l.2) “sans cesse” (l.2 à 3), locution
adverbiale et le “chaque fois que” (l.3) qui indique une répétition.

Tout cela plus aussi bien le champ lexical du récit, “récit”, “raconte”,
“exprimer”, et le champ lexical de la tragédie : “malheur”, “pleurer”, mettent le
lecteur en attente du récit qui narre la mort de Manon,
Mouvement 2 Le récit de la mort de Manon.
Un récit qui se différencie par le temps employé dans le paragraphe
précédent, on passe du présent, temps du aux passé, plus-que-parfait,
“avions passé” (l.5),
imparfait, “croyez” (l.5)
passé simple “m’aperçus” (l.7)
L’emploi de la périphrase “endormie” (l.6), associe, la mort, au sommet, des
Grieux, idéaliste cette mort pour qu’elle lui soit plus supportable.

Cela laisse entrevoir que des Grieux, en tant que narrateur de sa propre
histoire, fait un récit tragique de la mort de Manon.

La mort est non seulement idéalisée par sa douceur, mais également par sa
sérénité, emploi de l’adverbe tranquillement (l.5).

Le champ lexical du sommeil donne une tonalité douce à la mort et pour la


rendre plus acceptable.

La négation syntaxique, “je n’osais” (l.6) et l’expression “dans la crainte” (l.6),


montre que des Grieux est dans le déni, comme un refus d’accepter la réalité,
une mort inévitable, et préfère laisser croire que Manon dort.
Ensuite des Grieux nous entraînes, dans un récit dans l’émotion et dans
l’intimité des corps par le champ lexical du toucher, “touchant” (l.7) , “saisir”
(l.9), cette alliance de mains montre la relation fusionnelle entre des Grieux et
Manon. L’adjectif “froides” (l.7) est un signe prémonitoire de la mort, prémisse
de fin de vie et annonciateur de la mort.

Les gestes de tendresse et d’amour, “je les approchai de mon sein, pour les
réchauffer” (l.8) de la part de des Grieux.

Manon sensible à toute l’attention que lui produit des Grieux répond à ses
gestes tendres. “Elle sentit ce mouvement et faisant un effort pour saisir les
miennes” (l.8 à 9).
Les dernières paroles échangées entre les deux amants se font au discours
indirect. Il préfère reprendre les dernières paroles qu’il a échangées avec elle
car les mots lui manquent pour dire sa douleur.
Manon semble plus consciente de ce qu’il va se passer, “qu’elle croyait à sa
dernière heure” (l.9 à 10), l’épithète “faible” est annonciateur de la mort qui
guette Manon, elle évoque sa mort par périphrase. “Sa dernière heure” (l.10),
Des Grieux explique le faux jugement face à l’approche de la mort “je ne pris
d’abord ce discours” (l.10), la négation restrictive “ne….que” plus un langage
ordinaire, puisqu’il minimise ce qu’il se passe, il est suivi par une autre
restrictive “Je n’y répondis que” (l.11).

Les dernières paroles échangées entre les deux amoureux sont chargées
d’amour, tendres consolations d’amour” (l.11).
Toutefois, on assiste à une prise de conscience de des Grieux qu’il s’agit de la
fin pour Manon. Cette prise de conscience se mord sur la présence d’une
conjonction de coordination, “mais” (l.11), qui vient montrer une rupture face à
l’attitude de Manon “soupirs” (l.11), “silence” (l.12), “serment” (l.12), on constate
une gradation dans la disparition progressive du personnage. Tous ces
signes sont annonciateurs de la mort et des Grieux semble enfin le
comprendre “me firent connaître” (l.13), comprendre que Manon va mourir
avec emploi de la périphrase de l’euphémisme, “la fin des malheurs”, pour
parler de la mort, mais aussi pour lui faire comprendre que Manon n’a
malheureusement eu que des malheurs et enfin la mort va libérer de tous ces
malheurs.

Le troisième mouvement formé de deux SS et qui va de la ligne 14 à La ligne


20 exprime l’impossibilité pour des Grieux de poursuivre son récit. La douleur
de la remémoration, du souvenir de la mort de Manon lui est presque plus
insupportable que la mort elle-même, ce mouvement commence par un
impératif comme le début du premier mouvement, “N’exigez point de Moi”, À la
forme négative. Il s’adresse au marquis, les verbes, “décrire” et “rapporter”
sont à la forme négative, ce qui annule tout envie de raconter chez des
Grieux. La mort entraîne un silence définitif chez le chevalier. La mort est
évoquée en trois mots, “je la perdis” (l.15) alors qu’elle l’aimait sincèrement,
“j’ai reçu d’elle des marques d’amour” (l.15). Le champ lexical de la tragédie est
toujours présent “fatal” (l.16).
Il exprime dans le dernier SS son désir de la rejoindre. Il explique le fait de
rester vivant comme une punition céleste. “Le ciel ne me trouve point, sans
doute assez rigoureusement puni” (l.18 à 19), un vocabulaire religieux qui
clôture cet extrait.
Des Grieux est présenté comme un condamné, un pêcheur puni par Dieu. Il
est donc condamné à une vie “misérable” (l.19). Il décide d’abandonner la vie et
de se retirer, “je renonce volontairement à l’amener jamais plus heureuse”
(l.20), c’est un acte qu’il décide de lui-même. Il ne se donne plus le droit au
bonheur.

Cette scène essentielle du roman dans laquelle l’héroïne meurt permet de


réhabiliter le personnage de la femme tentatrice et manipulatrice qu’était
Manon. Le récit qu’en fait des Grieux, tout en pudeur et en suggestions reflète
l’attachement réciproque des amants. Manon meurt sublimée dans le
bonheur d’un amour partagé. Ce roman sur la passion, en fait à la fois son
éloge et son blâme. En effet, la beauté du sentiment amoureux est décrite à
chaque page, tout en faisant la démonstration de la perte de l'être soumis à
la force foudroyante de la passion. En ce sens, l’Abbé Prévost s’inscrit dans la
lignée des auteurs classiques et de leur devise : plaire et instruire.

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