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ENASS

Master Management de l’assurance

Christophe de la Mardière

Fiscalité des assurances

Cours

Année 2022-2023

Tous droits réservés

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Leur utilisation est strictement réservée aux auditeurs du Cnam inscrits à l’Enass. La reproduction, la
communication à des tiers ou la diffusion sur internet des supports sont strictement interdites. Le non-
respect de cette règle conduira à des sanctions disciplinaires ainsi qu'à des poursuites judiciaires.
Bonjour à tous, je m’appelle CLM, je suis professeur de droit, et j’ai le plaisir de vous
proposer un cours de fiscalité des assurances. Les règles fiscales relatives aux assurances sont
peu nombreuses et, pour les comprendre, il faut connaître les règles générales de la fiscalité.
Nous allons donc d’abord étudier ces règles générales, avant de les appliquer au secteur des
assurances.

Si cela peut rassurer certains, nous allons certes manipuler des chiffres, mais nous ne ferons
pas de mathématiques. Le cours comporte en effet pas mal de chiffres, qui de plus changent
souvent d’une année sur l’autre. Par exemple le barème de l’impôt sur le revenu, qui regroupe
l’ensemble des taux applicables, est révisé chaque année pour tenir compte de l’inflation. Je ne
vois pas l’intérêt de vous encombrer la mémoire avec tous ces chiffres. Mais d’un autre côté on
ne peut pas apprendre le cours en faisant abstraction des chiffres qu’il comporte. La solution
que je vous propose est la suivante. Lorsqu’il s’agira d’un chiffre important, par exemple les
taux de de la TVA, je vous le dirai, il faudra donc le souligner dans vos notes.

Il n’existe qu’un seul livre relatif à la fiscalité des assurances et de plus il n’est pas à jour :
F. Douet, M. Thomas-Marotel, Précis de fiscalité des assurances et des indemnités,
LexisNexis, 3e éd., 2015.
Pour les règles générales, je ne peux que vous recommander mon manuel : Ch. de la
Mardière, Droit fiscal de l’entreprise, édité par Bruylant, coll. Paradigme Manuels, 2022, 29
€.

Vous pouvez intervenir en cours, pour faire des remarques, ou poser des questions. Vous
pouvez aussi me joindre à mon adresse électronique : taxman@wanadoo.fr. Ne soyez pas
intimidés par ma froideur naturelle, j’ai du sang anglais, nobody’s perfect.

Nous aurons dans ce cours trois parties. Tout d’abord l’imposition des particuliers, puis
celles des entreprises commerciales, sachant qu’un assureur exerce une activité commerciale,
enfin la TVA et des taxes diverses propres au secteur des assurance.

Première partie. L’imposition des particuliers

Nous ici étudier l’impôt sur le revenu et la CSG, également les droits de succession sur les
indemnités versées à raison d’un contrat d’assurance-vie.

Chapitre 1. L'imposition des revenus

L’impôt sur le revenu (section 1) n’est pas le seul à atteindre celui-ci. S’y ajoutent des impôts
sociaux sur le revenu (section 2), dont le principal est la CSG, contribution sociale généralisée.
On terminera avec l’imposition des revenus issus des contrats d’assurance-vie (section 3).

Section 1. L’impôt sur le revenu

L’IR est un impôt progressif, c’est à dire plus que proportionnel. Le propre de l’impôt
proportionnel est de ne comporter qu’un seul taux. De la sorte son montant est nécessairement
proportionnel à celui de la valeur taxée, ce qu’on appelle la base imposable, ou base
d’imposition. Certains États pratiquent un IR à taux unique. Si par exemple, celui-ci est de 19
%, le contribuable qui gagne 100 et celui qui gagne 200 ne vont bien sûr pas payer le même
impôt, mais cet impôt est invariablement égal à 19 % de 100 et de 200. Or ce système ne permet
pas à tous les contribuables de réaliser le même sacrifice représenté par l’impôt. En effet, il est

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plus pénible pour un pauvre que pour un riche de se priver d’une part proportionnelle de ses
revenus. Car l’impôt retire au pauvre le nécessaire, tandis qu’il n’enlève au riche que le superflu.
Le premier a besoin de tous ses revenus pour (sur)vivre, ce qui n’est pas le cas du second.

Le souci d’une plus grande égalité devant l’impôt a conduit à l’idée de la progressivité.
L’impôt progressif ne retient pas un seul taux, mais plusieurs, qui augmentent en fonction de
l’étendue de la richesse imposable. Ainsi, plus les revenus sont importants plus ils se voient
appliquer des taux élevés. Surtout, l’augmentation des taux est plus que proportionnelle à celles
des revenus. Dans l’impôt proportionnel, celui qui gagne 100 de revenus paie 10, celui qui
gagne 200 paie 20, celui qui gagne 300 paie 30. Dans l’impôt progressif, le contribuable qui a
100 de revenus continue de payer 10, mais celui qui a 200 paie, par exemple, 30 et celui qui a
300 paie 40. De cette façon la progressivité permet de demander aux plus riches un sacrifice
plus grand, car plus que proportionnel. Tandis que les personnes modestes ne paient rient, en
France moins de la moitié des ménages est imposable sur le revenu.

La notion de revenu imposable (§1) va permettre de définir la base imposable à l’IR. Cette
base est elle-même constituée par l’addition des différents gains perçus par le contribuable, il
existe en effet plusieurs catégories de revenus (§2). On verra enfin comment on détermine, on
calcule, l’impôt (§3).

§1. La notion de revenu imposable

Cette notion est définie par des théories du revenu (A). Il ne suffit pas d’identifier un revenu
pour qu’il soit nécessairement soumis à l’impôt. En effet le gain n’est imposable que s’il répond
à certains caractères (B).

A) Les théories du revenu

Exposons ces théories (1°) avant de voir comme le droit fiscal les utilise (2°).

1° Exposé des théories

Il existe deux notions du revenu : la première est juridique, la seconde économique. Au sens
juridique le revenu est inspiré d’un concept du droit civil, le fruit. Il s’agit d’un gain issu d’un
capital ou d’une activité. Par exemple un salarié, outre sa propre résidence, détient la propriété
d’une maison qu’il donne en location. Les loyers sont les fruits issus de cet élément du capital
que constitue l’immeuble. De même les salaires sont les revenus produits par l’activité
professionnelle du contribuable. En conséquence, un revenu forme un gain issu d’une source
de richesse, capital ou activité. Tant que la source existe, qu’elle n’est pas tarie, elle procure des
fruits car ces gains sont susceptibles de se renouveler. Cela rejoint le sens du mot revenu : ce
qui revient, donc périodiquement. Aussi longtemps que la maison est donnée à bail, elle produit
des loyers ; tant que le contribuable travaille, son activité génère des salaires. Cette notion
juridique du revenu, qu’on appelle la théorie de la source, est celle qui domine : par principe un
gain ne sera qualifié de revenu que s’il lui correspond. Mais cette théorie présente un défaut,
elle ne tient pas compte de toute la richesse que peut générer un capital ou une activité.

Si par exemple le contribuable vend la maison jusqu’alors donnée à bail, plus cher qu’il ne
l’a achetée, il réalise une plus-value. Or la vente d’un immeuble, pour un particulier, constitue
une opération exceptionnelle. La plus-value n’est donc pas un revenu au sens de la théorie de
la source car elle n’est pas susceptible de se renouveler. De même si le contribuable perçoit de

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son employeur une prime exceptionnelle : il n’est pas certain qu’il la touchera les années
suivantes. Par souci d’égalité, mais surtout pour élargir l’assiette (base) de l’impôt, une notion
économique du revenu est venue s’ajouter à celle proprement juridique. Il s’agit de la théorie
de l’enrichissement, pour laquelle un gain constitue un revenu dès lors qu’il provoque un
enrichissement du contribuable. Peu importe que ce gain soit susceptible de se renouveler ou
non.

Lorsqu’un particulier reçoit une indemnité d’assurance, en réparation d’un sinistre, la somme
en cause n’est pas imposable car elle ne correspond à aucune des deux théories du revenu. En
effet, d’une part elle n’est pas susceptible de se renouveler, d’autre part elle ne provoque pas
l’enrichissement de l’assuré, le dommage subi par celui-ci étant simplement réparé.

Voyons maintenant comment le droit fiscal utilise les théories du revenu.

2° Utilisation des théories

Le droit fiscal choisit de recourir à l’une ou l’autre des théories selon la nature du revenu en
cause. Il applique ainsi la théorie de la source pour définir les revenus fonciers, ceux tirés d’un
immeuble donné en location. De même s’agissant des revenus de capitaux mobiliers, issus du
capital non plus foncier mais mobilier ; par exemple des actions en bourse, qui peuvent produire
des revenus, les dividendes. À l’inverse la théorie de l’enrichissement s’applique à la catégorie
des plus-values, car le revenu change de nature. En effet, tant que l’on se contente de percevoir
les fruits de son capital, loyers ou dividendes, on est imposé selon la théorie de la source. Dès
lors que l’on cède la maison ou les actions, en réalisant un bénéfice, la notion de revenu n’est
plus la même.

Reste la quatrième et dernière catégorie de revenus des particuliers, celles des traitements et
salaires. Elle correspond aux gains des professionnels dépendants, pour dépendre d’un
employeur. On parle de traitements pour les fonctionnaires et de salaires s’agissant du secteur
privé. Dans cette catégorie on retient par principe la théorie de la source, mais on peut également
recourir à celle de l’enrichissement, par exemple afin d’imposer une prime exceptionnelle.
Identifier un revenu ne suffit pas pour que celui-ci soit imposable, il doit en plus répondre à des
caractères.

B) Les caractères du revenu imposable

Est imposable le revenu qui présente deux caractères : il est disponible et net. Tout d’abord
le contribuable n’est soumis à l’impôt qu’à raison des gains dont il a eu la libre disposition. Le
plus souvent cette disponibilité dépend de l’encaissement d’une somme d’argent. Par exemple
un salarié est payé au moyen de virements bancaires. Lorsqu’il a encaissé son salaire celui-ci
est disponible, l’intéressé peut en faire ce qu’il veut. Mais le contribuable peut être imposable
sur une somme qu’il n’a pas encaissée. Par exemple, un avocat reçoit, le 15 décembre de l’année
N le chèque d’un client en paiement de ses honoraires. Il ne porte le chèque à sa banque que le
4 janvier N + 1. La somme est imposable au titre de N, dès lors que le contribuable en avait la
libre disposition lors de cette année. Car rien ne l’empêchait d’encaisser le chèque plus tôt, cela
ne dépendait que de sa volonté.

Par ailleurs n’est soumis à l’IR que le revenu net, correspondant aux gains perçus moins les
charges qui ont permis leur réalisation. Prenons l’exemple d’un salarié. À raison de son travail,
il doit notamment payer des frais de transport pour se rendre à son bureau. Ces dépenses,

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nécessaires à l’activité professionnelle, viennent en moins des salaires encaissés. La différence
constitue le revenu net, celui imposable. Quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent,
tous les revenus imposables sont nets.

Quelles sont maintenant les catégories de revenus ?

§2. Les catégories de revenus

On distinguera les revenus des particuliers (A) de ceux des entreprises (B).

A) Les revenus des particuliers

On opposera les revenus du travail (1°) à ceux du capital (2°).

1° Les revenus du travail : traitements et salaires (TS)

Les traitements et salaires sont perçus par les professionnels dépendants. Il s’agit des
personnes dont l’activité les place dans un état de subordination vis à vis d’un employeur, et
qui donc se trouvent sous la dépendance de celui-ci. Un salarié, en signant son contrat de travail,
s’engage à suivre les ordres de son patron. De la même façon un fonctionnaire, rémunéré par
des traitements, est soumis à l’autorité hiérarchique de ses supérieurs. Les pensions de retraite
relèvent également des traitements et salaires, quelle que fut la profession exercée : dépendante
ou indépendante. Un avocat à la retraite est taxé en TS.

Par principe toute rémunération est imposable, qu’elle corresponde à la théorie de la source
ou à celle de l’enrichissement. Sont également soumis à l’impôt les avantages en nature, par
exemple un logement ou une voiture de fonction. Les revenus de remplacement, comme les
allocations de chômage, les indemnités pour maladie ou maternité, sont imposables puisqu’ils
remplacent les salaires. En revanche, les sommes qui relèvent de l’aide sociale, telles les
allocations familiales ou les bourses d’étudiants, échappent à l’impôt de manière à apporter
l’aide la plus grande possible. Des gains perçus on déduit les frais professionnels.

Par souci de simplification les frais payés par les salariés au titre de leur profession sont
réputés s’élever à 10 % des rémunérations perçues dans l’année. Il s’agit d’une règle
intéressante pour ceux, nombreux, qui en réalité engagent moins de 10 % de leur salaire au titre
des frais professionnels. Afin que la mesure ne soit pas trop avantageuse, elle est plafonnée à
partir d’un certain niveau de rémunération. Autrement dit, les plus hauts salaires sont certes
diminués de l’abattement de 10 % mais dans la limite du plafond. Il est possible qu’un salarié
engage plus de 10 % de sa rémunération au titre des frais professionnels. Par exemple s’il habite
loin de son lieu de travail. Dans ce cas, il peut renoncer à l’abattement de manière à opter pour
le régime des frais réels. Cela lui permet de déduire les dépenses réellement payées, mais à la
condition de les justifier. Il lui faut en conséquence conserver toutes les factures et pouvoir les
présenter en cas de contrôle.

La catégorie des traitements et salaires représente la très grande majorité des revenus soumis
à l’IR, bien plus grande que celle formée par les revenus du capital.

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2° Les revenus du capital

Il s’agit des revenus fonciers (a), des revenus de capitaux mobiliers (b) et des plus-values
(c).

a) Les revenus fonciers

Les revenus fonciers sont ceux produits par la location d’immeubles au sens juridique
puisqu’il peut s’agir soit de terrains non bâtis, comme les terres agricoles, soit de bâtiments, à
usage professionnel ou d’habitation. On trouve en matière de revenus fonciers un régime
simplifié destiné à alléger les obligations pesant sur les contribuables. Ce régime du micro-
foncier, micro signifiant petit, est réservé aux revenus qui ne dépassent pas un certain montant,
puisque le seuil est fixé à un total de loyers annuels de 15 000 €. Le revenu est constitué par les
loyers encaissés sur l’année d’imposition moins un abattement forfaitaire de 30 %, représentatif
des charges supportées par le propriétaire.

Le micro-foncier est le régime de droit commun, il s’applique par principe. Le contribuable


doit cependant y renoncer si les loyers dépassent 15 000 €. Mais, même s’il se trouve en dessous
de ce seuil, il peut opter pour le régime réel, réel en ce sens qu’il retient les charges réellement
payées. Cette option est intéressante si le propriétaire doit supporter des charges importantes,
comme par exemple des travaux à réaliser dans l’immeuble. L’option dure trois années, durant
lesquelles le contribuable ne pourra plus profiter du régime micro. La loi veut par ce moyen
qu’il puisse déduire des charges bien réelles, qui supposent des investissements effectifs, et non
rechercher le régime fiscalement le plus avantageux.

La deuxième catégorie de revenus du capital est constituée par les RCM.

b) Les revenus de capitaux mobiliers

Les revenus de capitaux mobiliers sont les gains produits par des placements financiers. On
distingue les revenus fixes de ceux variables. Les revenus fixes sont notamment ceux générés
par les obligations, soit des emprunts proposés par des sociétés ou par l’État, et qui produisent
des intérêts dont le montant est garanti. Les placements à revenus variables sont les dividendes,
soit des sommes qui rémunèrent la souscription de titres de sociétés. Par exemple, des actions
en bourse, susceptible de générer des dividendes. Ces revenus sont variables : non seulement il
faut que la société dégage un bénéfice, mais aussi qu’elle prenne la décision de le distribuer, en
totalité ou en partie, sous forme de dividendes.

Les RCM sont imposables à l’IR à un taux proportionnel et faible : 12,8 %. À l’IR s’ajoute
la CSG, au taux de 17,2 %. Le tout forme ce qu’on appelle le prélèvement forfaitaire unique
(PFU) qui s’élève donc à 12,8 + 17,2 = 30 %. Ce taux est faible, il s’agit d’encourager le
contribuable à investir dans des obligations, ou des actions, qui permettent aux entreprises de
se financer. À l’inverse, devenir propriétaire d’un immeuble pour le donner en location est
considéré comme un placement de rentier, pas assez dynamique au plan économique. En
conséquence, les revenus fonciers sont imposables au barème progressif de l’IR, dont le taux le
plus élevé est de 45 %. S’ajoute la CSG au taux de 17,2 %. Un contribuable disposant de très
hauts revenus pourra donc, sur ses revenus fonciers, payer un impôt de 45 + 17,2 = 62,2 %. Il
est donc incité à vendre ses immeubles pour réinvestir les sommes dans des actions ou
obligations. Mais la vente des biens peut dégager une plus-value.

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c) Les plus-values

Nombreux sont les contribuables qui vendent un logement non pour réaliser une plus-value,
mais parce qu’ils doivent déménager, pour des raisons professionnelles par exemple. La plus-
value sur la vente d’une résidence principale est donc exonérée. Il en va de même pour une
résidence secondaire, à la condition que le contribuable en ait détenu la propriété pendant plus
de 22 ans s’agissant de l’IR, et plus de 30 ans pour être exonéré de CSG. Le total représenté par
les deux impôts est de 36,2 %, sachant que le taux proportionnel de l’IR est ici de 19 %. En
revanche, s’agissant d’une plus-value mobilière, sur la vente d’actions ou obligations, on
revient au PFU de 30 %, toujours afin d’encourager le contribuable à acquérir ces valeurs
mobilières.

B) Les bénéfices des entreprises

Sont imposables à l’IR les bénéfices des entreprises individuelles, à savoir toutes celles qui
ne sont pas constituées sous la forme d’une société. Il s’agit de petites entreprises, qui ne
forment pas des personnes juridiques en elles-mêmes, à l’image des personnes morales que sont
les sociétés. Seule existe juridiquement la personne physique qui les dirige, l’exploitant ou chef
d’entreprise. Il revient à l’IR d’imposer les bénéfices dégagés par une personne physique, tandis
que ceux réalisés par une personne morale relèvent de l’IS, impôt sur les sociétés.

Il existe trois sortes de revenus des entreprises imposables à l’IR, selon la nature de l’activité
exercée : les bénéfices non commerciaux (1°), les bénéfices industriels et commerciaux (2°) et
les bénéfices agricoles qu’on laissera ici de côté. En abrégé on parle de BNC, BIC et BA.

1° Les bénéfices non commerciaux

Il s’agit tout d’abord des bénéfices des professions libérales, à savoir celles dont le statut
confère une liberté dans l’exercice de l’activité. Cette indépendance permet de les distinguer
des salariés et fonctionnaires. Par exemple un médecin décide seul des soins à apporter à un
malade. Les professionnels libéraux exercent plusieurs sortes d’activités : juridiques (avocat,
notaire, etc.), médicales, ou encore techniques (experts-comptables, architectes, etc.).

Par ailleurs les BNC constituent une catégorie « balai », où l’on place ce qu’on ne parvient
pas à mettre ailleurs. Tout ce qu’on ne peut pas qualifier de bénéfices industriels et
commerciaux, de bénéfices agricoles, de traitements et salaires ou autre, est imposé, par défaut,
en BNC. Ainsi L’IR respecte le souci de l’égalité devant l’impôt car aucun revenu ne doit lui
échapper.

Les BNC restent proches des revenus des particuliers car le fait générateur de l’impôt y est
également constitué par le paiement. Le fait générateur est l’événement qui fait naître l’impôt.
C’est au jour où le professionnel libéral est payé par un client qu’il doit inscrire les honoraires
en comptabilité. De même une dépense est comptabilisée à la date de son décaissement. Les
obligations comptables sont peu contraignantes dès lors qu’il suffit de tenir ainsi une
comptabilité de caisse. Le bénéfice est égal à la différence entre les recettes encaissées et les
dépenses payées. À l’inverse les commerçants doivent tenir une comptabilité proprement
commerciale.

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2° Les bénéfices industriels et commerciaux

Relèvent des BIC les entreprises dont l’activité est commerciale, industrielle ou artisanale.
Un commerce a pour objet d’acheter des marchandises pour les revendre. L’activité est
industrielle lorsqu’elle consiste à fabriquer des biens pour les vendre. En réalité, c’est quelque
peu abusivement que l’on parle d’industrie s’agissant des entreprises individuelles. Car cela
suppose d’importants moyens matériels : une usine, des machines. Il faut donc réunir des fonds
que seule une société est capable de constituer. En conséquence une véritable activité
industrielle relève souvent de l’IS. L’activité artisanale est celle où le travail manuel est
prépondérant, comme pour un plombier, un électricien ou un maçon. Les titulaires de BIC
doivent tenir une comptabilité commerciale, laquelle est beaucoup plus complexe qu’une
comptabilité de caisse.

Cependant, lorsque les gains sont faibles, il est possible de bénéficier d’un régime très
simplifié. Il s’agit du régime de la micro-entreprise. Pour une entreprise prestataire de services,
il est applicable si le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 72 600 €. Dans cette hypothèse, il
suffit au contribuable de mentionner le total de ses gains sur la déclaration de revenus,
l’administration applique ensuite un abattement de 50 % représentant les charges supportées
par l’entreprise. Celle-ci est donc imposable à hauteur de la moitié de son chiffre d’affaires. Le
régime de la micro-entreprise est également applicable en matière de BNC, mais l’abattement
représentatif des charges n’est que de 34 %. En effet, un avocat, par exemple, a moins de
charges qu’un artisan.

Une fois les différents revenus évalués, on peut procéder à la détermination de l’impôt.

§3. La détermination de l’impôt sur le revenu

L’addition des différents revenus permet d’obtenir le revenu brut global. Brut car on peut en
déduire les charges qui ne se rapportent pas à une catégorie de revenu particulière. C’est par
exemple le cas d’une pension alimentaire, qui bien sûr réduit les ressources de son débiteur.
Après déduction des charges on obtient le revenu net global, soit la base sur laquelle on applique
le barème. Le calcul de l’impôt intègre les charges de famille du contribuable. En effet, la règle
est celle de l’imposition par foyer (A). Le montant obtenu peut enfin être corrigé par les
réductions d’impôt et les crédits d’impôt (B). Reste à payer l’imposition ce qui suppose qu’au
préalable les revenus aient été déclarés (C).

A) L’imposition par foyer

Le contribuable en matière d’IR n’est pas une personne mais un foyer fiscal (1°). Le montant
de la base imposable est diminué, par l’effet du quotient familial (2°), pour tenir compte du
nombre d’enfants à la charge du foyer.

1° Le foyer fiscal

Les revenus de tous les membres de la famille sont additionnés pour donner lieu à un seul
impôt, de même une unique déclaration des gains perçus doit être déposée. Cependant le foyer
est composé d’une seule personne lorsque celle-ci est célibataire, divorcée ou veuve et n’a pas
d’enfant à charge. Les couples mariés ou unis par un Pacs sont imposés ensemble, tandis que
les concubins sont taxés séparément. Donc, si deux personnes mènent une vie commune sans

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être mariées ni pacsées, elles font chacune l’objet d’un impôt sur leurs seuls revenus respectifs
et chaque concubin doit déposer une déclaration.
Quelle que soit la situation maritale de ces personnes : célibat, concubinage, Pacs ou
mariage, on tient compte des enfants qu’elles ont à leur charge, par le mécanisme du quotient
familial.

2° Le quotient familial

Le coût représenté par l’entretien des enfants réduit les revenus réels du foyer. Ces dépenses
sont retenues grâce au système du quotient familial, qui fonctionne avec des parts. Plus le foyer
comporte d’enfants, plus il totalise de parts et plus l’impôt est allégé puisque le revenu net
global est divisé par le nombre de parts. Une personne seule sans enfant à charge représente
une part. Pour elle le quotient familial ne produit pas d’effet car si elle dispose d’un revenu de
100, 100 divisé par 1 cela fait toujours 100. Cette situation n’a rien d’anormal puisque le
contribuable n’a pas à subvenir aux besoins d’un enfant. Mais les célibataires se plaignent d’être
lourdement imposés par rapport aux autres. Un couple marié ou pacsé sans enfant à charge
compte pour deux parts. La situation est avantageuse lorsque l’un seulement dispose de revenus
puisque ceux-ci sont divisés par deux, reste bien sûr à entretenir l’époux ou le partenaire sans
ressources.

Chaque enfant à charge compte pour une demi-part, sauf à partir du troisième et suivant qui
représentent une part entière. La mesure est nataliste, elle encourage les couples à avoir un
troisième enfant, voire davantage. Par exemple un couple marié avec cinq enfants bénéficie de
six parts : une pour chacun des parents et les enfants n° 3, 4 et 5 ; une demi-part pour chacun
des n° 1 et 2. Est considéré comme étant à la charge de ses parents un enfant de moins de 21
ans, moins de 25 ans s’il est étudiant. Mais comme la majorité civile, la majorité fiscale est à
18 ans. À partir de cet âge, l’enfant peut choisir de rester rattaché au foyer fiscal de ses parents,
ou de le quitter pour constituer un nouveau foyer. Bien entendu le détachement n’a d’intérêt
que si l’enfant dispose de ses propres revenus, sinon il ferait perdre à ses parents la demi-part
ou part entière qu’il représente.

Le système du quotient familial est très avantageux puisque la base imposable est divisée
par le nombre de parts. S’il était appliqué en l’état, il suffirait aux hauts revenus d’avoir
beaucoup d’enfants pour échapper à l’impôt. C’est pourquoi il est plafonné : l’avantage en
impôt qu’il représente est limité à un maximum. En effet, le calcul de l’IR va tenir compte de
deux paramètres, le montant du revenu net global et le nombre de parts. Ce calcul permet de
déterminer un premier montant d’impôt, dit brut, car il peut être corrigé grâce aux réductions et
crédits d’impôt.

B) Les réductions et crédits d’impôt

Monsieur Untel est quelqu’un de généreux qui, chaque année, fait un don à la Croix Rouge ;
pour encourager sa générosité, la loi lui fait bénéficier d’une réduction d’impôt, égale à une
partie du don réalisé. Le mécanisme est plus intéressant que celui des charges déductibles et
abattements, qui ne font que diminuer la base, car ici le montant de l’impôt lui-même se trouve
réduit. Cependant, si le cumul des réductions d’impôt est supérieur à l’imposition due, la
différence n’est pas restituée au contribuable.

C’est pourquoi certaines incitations, dont l’État attend une particulière efficacité, prennent
la forme non plus d’une réduction mais d’un crédit d’impôt. En effet, si le total des crédits

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d’impôt dont le contribuable peut bénéficier dépasse le montant de son imposition, le surplus
lui est remboursé. Par exemple, afin de lutter contre le chômage et le travail au noir, un
contribuable qui emploie une personne, telle une garde d’enfant, à son domicile, bénéficie d’un
crédit d’impôt égal à la moitié des salaires et cotisations sociales payées. Ce crédit d’impôt est
également plafonné, de manière ce qu’il n’en abuse pas, par exemple en embauchant un
jardinier, un cuisinier et un chauffeur.

Un plafonnement global des niches fiscales vient s’ajouter au plafond propre à chaque
réduction ou crédit d’impôt. Autrement dit, le total des avantages déjà plafonnés ne peut pas
dépasser un montant maximum et général. Ainsi l’impôt ne saurait être diminué au-delà de la
somme représentée par le plafonnement global, qui s’élève à 10 000 €. Le plafonnement global
permet d’éviter une situation anormale : que des ménages à très hauts revenus échappent
totalement à l’IR en cumulant les réductions et crédits d’impôt.

Une fois les réductions et crédits d’impôt appliqués on obtient le montant définitif de l’IR,
celui qui doit être payé, ce qui suppose au préalable que les revenus aient été déclarés.

C) Déclaration des revenus et paiement de l’impôt

1° Déclaration

Toute personne qui réside sur le territoire français et qui dispose de suffisamment de revenus
pour être imposable doit souscrire, tous les ans, une déclaration d’ensemble des revenus
(imprimé n° 2042). Les gains perçus pendant une année doivent être déclarés lors de l’année
suivante. Ainsi on déclare en mai N+1 les revenus encaissés pendant l’année N.

Les contribuables qui perçoivent des revenus également déclarés par des tiers reçoivent de
l’administration une 2042 préremplie. Ces tiers sont notamment les employeurs, qui doivent
déclarer au fisc les traitements et salaires qu’ils ont versés, et les banques, qui déclarent les
revenus de capitaux mobiliers payés à leurs clients. La 2042 préremplie indique donc déjà les
TS et RCM perçus par le contribuable. Il suffit à ce dernier de vérifier les chiffres, de compléter
la déclaration s’il dispose d’autres revenus, et de la renvoyer à l’administration.

Certains contribuables, pourtant imposables, ne souscrivent aucune déclaration. Il s’agit de


ceux dont tous les revenus sont déclarés par des tiers : employeurs, caisses de retraite ou
banques. Un mois avant la date de dépôt des 2042, l’administration leur adresse un courriel
détaillant les revenus déclarés par les tiers. Si le contribuable n’a aucune correction à apporter
aux éléments ainsi mentionnés, il lui suffit de ne rien faire pour être réputé avoir tacitement
déposé sa déclaration.

Autrefois, après que le fisc avait reçu les déclarations, il entrait les chiffres dans ses
ordinateurs, de manière à calculer l’impôt. Ce travail de saisie était très onéreux en termes de
coûts administratifs. C’est pourquoi la souscription des déclarations par Internet est,
aujourd’hui et en principe, obligatoire. Par exception, peuvent continuer de déposer une
déclaration papier les contribuables qui n’ont pas d’accès Internet ou sont peu familiers de cet
outil, comme certaines personnes âgées.

Une fois que l’administration a calculé l’impôt, elle confectionne un avis d’imposition,
indiquant le montant à payer. Le contribuable reçoit cet avis pendant l’été et se trouve alors
confronté à la question du paiement de l’impôt.

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2° Paiement

Jusqu’en 2018, la France utilisait un système de recouvrement de l’IR qu’elle était


pratiquement la seule au monde à pratiquer. En effet, le contribuable payait directement l’impôt
au Trésor public, la caisse de l’État. L’IR était acquitté avec un an de retard : on payait en N+1
l’impôt correspondant aux revenus encaissés pendant l’année N. Le contribuable devait donc
mettre de l’argent de côté en vue d’acquitter sa dette fiscale.

Depuis 2019, la France a adopté le système du prélèvement à la source (PAS), très répandu
à l’étranger. Désormais, ce n’est plus le contribuable qui s’acquitte de l’IR, mais son
employeur. Celui-ci, tous les 15 du mois, retient l’impôt correspondant au salaire, avant de
payer la rémunération, pour ensuite reverser l’IR au Trésor, le mois suivant. Avec le PAS,
l’imposition est réglée en temps réel, sans décalage d’un an. Par exemple, le salaire de janvier
2019 dû à un contribuable a effectivement été imposé au titre de ce mois ; alors que dans
l’ancien système, il aurait fallu attendre que le salarié déclare, en 2020, les salaires perçus en
2019 et paye l’IR correspondant durant cette même année 2020. Le contribuable n’a donc plus
à épargner de l’argent dans la perspective du règlement de l’impôt

Le PAS ne fonctionne que pour par les traitements et salaires d’une part, les bénéfices des
entreprises et les revenus fonciers d’autre part, mais pas s’agissant des autres revenus. En effet,
ce système ne peut pas être utilisé pour les gains qui ne sont pas réguliers, comme les plus-
values, et qui dès lors ne sauraient faire l’objet d’un prélèvement périodique. Le PAS n’intéresse
donc que les revenus au sens strict du terme : des gains qui reviennent.

a) Traitements et salaires

Une très grande majorité de contribuables ne dispose que de revenus correspondant à des
traitements et salaires. Pour cette catégorie, il revient donc aux employeurs de prélever l’IR
avant même de verser les rémunérations. Le prélèvement ainsi opéré est appelé retenue à la
source.

Comment l’employeur peut-il connaître le niveau d’imposition du salarié ? En mai de


l’année N, le salarié dépose sa déclaration d’ensemble des revenus perçus en N-1.
L’administration calcule l’IR correspondant. Du rapport entre le revenu global et l’IR, elle
détermine un taux moyen d’imposition. Le fisc communique ce taux à l’employeur, qui va
l’appliquer aux salaires versés pendant l’année N+1, de façon à opérer la retenue à la source.
On compare ensuite le total des retenues faites durant l’année N+1 à l’IR dû à raison des revenus
de N-1. Si le total des retenues est supérieur à l’impôt, le Trésor rembourse la différence au
contribuable. Si, à l’inverse, l’impôt est supérieur aux retenues, la différence est prélevée
directement par le Trésor sur le compte bancaire du contribuable.

Qu’en est-il des revenus autres que les TS ?

b) Autres revenus

La retenue à la source suppose l’intervention d’un tiers, elle ne peut donc pas fonctionner
pour des revenus qui ne sont pas versés par un employeur. Une autre technique est dès lors
utilisée pour les bénéfices des entreprises (BIC, BNC, BA) et les revenus fonciers, le système

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des acomptes. Le fonctionnement est le même que celui des TS mais les acomptes sont prélevés
par le Trésor sur le compte bancaire du contribuable.

Les bénéfices des entreprises et les revenus fonciers constituent des gains réguliers, ce qui
explique qu’ils fassent l’objet d’acomptes perçus tous les mois. Ce n’est pas le cas d’une plus-
value, qui représente un gain exceptionnel. Une plus-value sur la vente d’actions par exemple
doit être déclarée par le contribuable et l’impôt directement payé par celui-ci, on continue donc
ici d’appliquer l’ancien système. C’est également le cas pour les revenus de capitaux mobiliers,
qui ne sont pas toujours réguliers. Ainsi des actions peuvent ne pas produire de dividendes, si
la société est déficitaire ou qu’elle a décidé de ne rien distribuer. Les revenus exclus du PAS ne
sont pas retenus pour le calcul du taux moyen d’imposition. Par exemple, un contribuable
perçoit des salaires et des dividendes, son taux est déterminé uniquement à raison des salaires.

L’IR n’est pas le seul impôt sur le revenu, il existe également des impôts sociaux sur le
revenu, dont le principal est la CSG.

Section 2. Les impôts sociaux sur le revenu

L’existence de ces prélèvements s’explique par la nécessité de financer en partie la Sécurité


sociale grâce à l’impôt (§1). Le coût (§2) qu’ils représentent donne une idée des besoins de
financement des régimes de protection sociale.

§1. La fiscalisation de la Sécurité sociale

Les impôts sociaux sur le revenu sont d’un type particulier, car ils ne sont pas entièrement
affectés au budget de l’État mais principalement à celui de la Sécurité sociale. Dans la pratique
on les appelle les prélèvements sociaux, or le terme de prélèvement n’est pas assez précis, ou
encore les contributions sociales, mais cette dénomination n’est pas exacte : au sens strict une
contribution n’est pas un impôt. En effet, on est bien en présence d’impositions, soit donc des
prélèvements dépourvus de contrepartie directe. En conséquence leur paiement ne donne pas
droit aux diverses prestations, en matière de maladie et de retraite essentiellement, au contraire
des cotisations sociales.

Celles-ci constituent le mode normal de financement de la « Sécu », mais elles ne suffisent


pas à couvrir toutes ses charges. Pour tenter de combler les déficits, on a tout d’abord augmenté
les taux des cotisations, à tel point qu’aujourd’hui le budget de la Sécurité sociale est plus élevé
que celui de l’État. Cependant, on ne peut pas accroître indéfiniment le poids, déjà très lourd,
des charges sociales, car cela renchérit également le coût du travail. En effet, une partie des
cotisations est supportée par les employeurs, l’autre par les salariés. Les entreprises hésitent à
embaucher car, outre le salaire, il faudra payer les charges qui l’accompagnent. Ces
prélèvements sont donc une source de chômage.

C’est pourquoi on a eu l’idée de fiscaliser une partie du financement de la Sécurité sociale,


de couvrir partiellement ses charges grâce à l’impôt. C’est ainsi qu’on a prélevé, à partir de
1991, la CSG : contribution sociale généralisée. Au fil du temps, les taux de la CSG ont
augmenté mais, en contrepartie, ceux des cotisations ont baissé. La « contribution » sociale est
dite généralisée car elle atteint tous les revenus, du travail comme du capital, alors que les
cotisations ne portent que sur ceux du travail. Tout le monde profitant de la Sécurité sociale, il
est donc plus juste que chacun participe à son financement.

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Cependant la CSG ne parvient à équilibrer les comptes de la Sécurité sociale que lorsque la
croissance est suffisamment forte. En revanche elle ne permet pas le remboursement des
emprunts qu’il a fallu contracter pour combler les déficits. C’est pourquoi on a créé, en 1996,
la « petite sœur » de la CSG, la CRDS : contribution au remboursement de la dette sociale. Il
s’agit encore d’un impôt affecté au budget de la Sécurité sociale, plus précisément en vue de
rembourser les dettes de celle-ci. Son coût s’ajoute à celui de la CSG pour représenter, avec les
cotisations sociales, des sommes considérables. La France dispose d’un très bon système de
santé, mais qui coûte extrêmement cher. Il faut bien trouver l’argent nécessaire à son
financement.

§2. Le coût des impôts sociaux sur le revenu

Les impôts sociaux ne recherchent pas la justice mais la rentabilité. La CSG, bien qu’elle
atteigne le revenu, n’a pas de seuil d’imposition à partir duquel on devient imposable. Il n’est
pas non plus question de quotient familial, de réduction ou crédit d’impôt. La CSG retient bien
sûr la théorie de l’enrichissement et ignore celle de la source.

Les revenus du travail, que celui-ci soit dépendant ou indépendant, subissent un total
d’impôts sociaux de 9,7 % : 9,2 % de CSG et 0,5 % de CRDS. Les impôts sociaux sur les
traitements et salaires sont prélevés à la source par l’employeur qui les verse à la Sécurité
sociale. Les revenus du capital sont davantage imposés, ce qui n’est pas anormal puisqu’il n’est
pas besoin de travailler pour les percevoir ; le taux de la CSG est majoré et s’y ajoutent, en plus
de la CRDS, une contribution additionnelle, appelé prélèvement de solidarité ; le total s’élève
à 17,2 %.

Appliquons maintenant ces règles générales au domaine de assurances.

Section 3. L’imposition des revenus issus des contrats d’assurance-vie

Nous allons étudier le régime juridique et financier de ces contrats (§1) avant leur régime
fiscal (§2).

§1. Régime juridique et financier

L’assurance-vie est un contrat par lequel un assureur s’engage, en contrepartie du paiement


d’une ou plusieurs primes, à verser un capital ou une rente à un bénéficiaire. Celui-ci va donc
recevoir une somme d’argent, en une seule fois s’il s’agit d’un capital, périodiquement en cas
de rente. Ainsi, une rente viagère est versée régulièrement au bénéficiaire jusqu’à sa mort. Ce
bénéficiaire peut tout d’abord être le souscripteur, autrement dit le client qui signe le contrat
avec l’assureur. On parle à cette occasion de contrat en cas de vie : le souscripteur confie une
ou des sommes d’argent à l’assureur, que celui-ci place ; à la fin du contrat, les sommes
augmentées d’intérêts, qu’on appelle des produits, sont restituées au client. Les contrats en cas
de décès prévoient le versement d’un capital ou d’une rente à la mort du souscripteur ; le ou les
bénéficiaires sont alors, le plus souvent, les héritiers de celui-ci.

La grande majorité des assurances-vie sont dites mixtes, pour constituer des contrats à la fois
en cas de vie et en cas de décès. Le souscripteur poursuit alors une double finalité : se constituer
une épargne et transmettre son patrimoine à ses futurs héritiers. Le capital ou la rente lui sera
versé s’il est en vie à la fin du contrat, au(x) bénéficiaire(s) qu’il aura désigné(s) dans
l’hypothèse inverse. Tous les contrats mixtes comportent une valeur de rachat, à savoir que le

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souscripteur peut récupérer son argent avant la fin du contrat. Ces contrats relèvent plus du
placement financier que de l’assurance, puisqu’en toute hypothèse l’assureur devra payer.
Pourtant, ils se voient appliquer le régime de l’assurance pour comporter un aléa (risque) : la
date du rachat ou celle du décès du souscripteur. En pratique, la durée du contrat est le plus
souvent reconduite automatiquement, le contrat ne prend donc réellement fin qu’en cas de
rachat total par le souscripteur et ou de mort de celui-ci.

Du point de vue financier, il existe deux grandes catégories d’assurances-vie. Celles en euros
correspondent à des placements sans risque, principalement des obligations, des emprunts
proposés par l’État ou des sociétés. Mais le rendement des assurances-vie en euros est faible.
Celui des assurances-vie en unités de compte est plus élevé, mais ces placements sont risqués,
en ce sens que le souscripteur peut perdre l’argent qu’il a confié à l’assureur. Les unités de
compte sont le plus souvent des parts de Sicav ou de fonds communs de placement. Il s’agit
d’intermédiaires qui achètent des actifs financiers pour le compte de leurs clients, en particulier
des actions de sociétés, qui permettent à celles-ci de se financer.

§2. Régime fiscal

L’impôt sur le revenu taxe les produits des contrats en cas de vie ; et ceux des contrats
mixtes, en dehors de l’hypothèse de la mort du souscripteur. Les sommes que ce dernier confie
à l’assureur, ce qu’on appelle le capital, ne sont jamais imposables, puisque qu’elles seront
restituées à l’assuré pour le même montant, donc sans enrichissement du client. Seuls les
produits sont taxables. On distinguera l’imposition à la CSG (A), puis à l’IR (B), enfin ou
prendra un exemple (C).

A) CSG

En l’absence de rachat, les produits générés par les contrats d’assurance-vie sont exonérés
d’IR. En revanche, ils sont soumis chaque année à la CSG (au sens large) pour les seuls contrats
en euros, au taux de 17,2 % puisqu’il s’agit de revenus du capital. L’impôt est prélevé par
l’assureur, qui le verse à la Sécurité sociale. Les contrats en unités de compte ne donnent pas
lieu à ces prélèvements annuels au titre de la CSG. On veut ainsi encourager le risque qu’ils
comportent, également le fait qu’ils favorisent le financement des entreprises. La CSG ne sera
due qu’en cas de rachat, en revanche celui-ci n’aura pas de conséquence pour les contrats en
euros, puisque l’impôt a déjà été payé. Il demeure que ce régime fiscal est plus favorable aux
contrats en unités de compte, car en l’absence de prélèvements annuels, les produits sont
calculés sur des sommes plus élevées que s’agissant des contrats en euros.

B) IR

Si un rachat est opéré par le client, rachat total ou partiel, les produits sont soumis à l’IR.
Cette imposition se réalise en deux temps. L’année du paiement des produits, l’assureur opère
un prélèvement forfaitaire non libératoire. En d’autres termes, avant de verser les sommes au
client, il retient un impôt, pour le verser au Trésor. Le prélèvement est de 12,8 % si le contrat
date de moins de huit ans, de 7,5 % s’il est égal ou supérieur à huit ans. Il s’agit d’encourager
le client à maintenir son investissement sur le long terme. L’impôt représenté par le prélèvement
n’est pas libératoire en ce sens qu’il n’est pas définitif. En effet, et c’est le second temps, le
client doit déclarer (sur la 2042) les produits versés durant l’année N lors de l’année suivante,
N+1. Le prélèvement permet de limiter la fraude si le client ne déclare pas le revenu.

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Les sommes déclarées par le client sont à nouveau soumises à l’impôt, alors que celui-ci a
déjà été payé par l’assureur. Pourquoi ? Parce qu’une option est ouverte au client, un choix lui
est proposé : soit il est taxé aux taux forfaitaires de 7,5 % ou 12,8 % ; soit il choisit d’être
imposé au barème progressif de l’IR. Cette option est intéressante lorsque le contribuable n’est
pas imposable, faute de revenus suffisants. Dans ce cas le Trésor lui rembourse le prélèvement.
En effet, celui-ci est opéré systématiquement par l’assureur, car ce dernier ne peut pas savoir si
le client est imposable ou non. Grâce à la déclaration l’administration saura qu’un prélèvement
a été effectué et pourra le rembourser. Si le client choisit l’imposition forfaitaire, les taux sont
les mêmes que ceux du prélèvement : 12,8 % pour les contrats de moins de huit ans ; 7,5 %
pour ceux égaux ou supérieurs à huit ans.

Les produits sont diminués d’un abattement, dont le but est d’épargner les produits de faible
montant, de façon à ce qu’ils échappent à l’impôt. Il s’élève 4 600 € pour une personne seule et
le double (9 200 €) pour un couple marié ou pacsé. Cet abattement ne s’applique cependant
qu’aux contrats détenus depuis au moins 8 ans, toujours pour encourager les investissements
longs.

Enfin, de l’IR dû par le contribuable est retiré le prélèvement non libératoire, de manière à
éviter une double imposition.

C) Exemple

M. Léconome, célibataire, a souscrit un contrat mixte d’assurance-vie en unités de compte


le 2 janvier de l’année N, il a versé ce même jour une prime de 100 000 €. Le 27 décembre de
l’année N+8, il procède au rachat total du contrat. Les produits s’élèvent à un total de 28 000
€. En N+8, l’assureur opère le prélèvement non libératoire au taux de 7,5 % puisque le contrat
a plus de 8 ans (N à N+8 = 9 ans) : 28 000 x 7,5 % = 2 100 €. En plus du capital de 100 000 €,
M. Léconome perçoit donc la somme de 28 000 – 2 100 = 25 900 €.

En N+9, le client déclare le produit payé en N+8, il choisit l’imposition forfaitaire et non le
barème progressif de l’IR, sachant qu’il dispose d’importants revenus. Le produit imposable,
soit 28 000 € est diminué de l’abattement de 4 600 € puisque M. Léconome est célibataire et
que le contrat a plus de 8 ans : 28 000 – 4 600 = 23 400 €. Cette somme est à soumise à l’IR au
taux de 7,5 % : 23 400 x 7,5 % = 1 755 €. S’ajoute la CSG qui elle ne prévoit pas d’abattement :
28 000 x 17,2 % = 4 816 €. Le total de l’IR de M. Léconome est de 67 500 €, sachant qu’il
atteint le taux marginal de 45 %. De cette somme on retire le prélèvement non libératoire : 67
500 – 2 100 = 65 400 €.

Quel est le coût fiscal du contrat souscrit par le client ? Le produit total a été soumis au
prélèvement non libératoire, à la CSG puis à l’IR, enfin celui-ci a été diminué du prélèvement
non libératoire : 2 100 + 4 600 + 1 755 – 2 100 = 6 355 €. Soit un taux d’imposition global de
6 355 / 28 000 = 22,70 %. Ce qui est beaucoup plus intéressant que le barème progressif.

Lorsque la fin du contrat d’assurance-vie est causée par la mort du souscripteur, un autre
impôt entre en scène : les droits de succession.

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Chapitre 2. Les droits de succession

Après une présentation de l’impôt (A), on verra que par principe les sommes versées en
application d’un contrat d’assurance-vie sont exonérées, mais à ce principe il existe des
exceptions (B), enfin on prendra un exemple (C).

A) Présentation

La mort d’une personne a pour effet automatique la transmission de son patrimoine au profit
de ses héritiers. Ceux-ci peuvent devoir payer un impôt sur la valeur de ce patrimoine. Il s’agit
des droits de succession, droit étant synonyme d’impôt. Plus encore que les autres impôts, les
droits de succession sont mal considérés par l’opinion publique. Tout d’abord parce qu’il s’agit
d’une imposition à cause de mort, dont le fait générateur est provoqué par le décès d’une
personne, ce qui n’est pas joyeux. Par ailleurs, nombreux sont les contribuables à penser que
des parents devraient, sans que cela donne lieu à l’impôt, pouvoir transmettre à leurs enfants un
patrimoine qui peut représenter le travail de toute une vie.

En conséquence, rares sont les successions en ligne directe qui sont imposables. Il s’agit de
celles entre parents et enfants. Le patrimoine alors transmis doit être élevé pour conduire au
paiement effectif de l’impôt. En revanche, dès que l’on sort de la ligne directe, donc que l’on
hérite par exemple d’un frère, d’une tante, ou d’un ami, les droits de succession sont très lourds.
Ils tendent ainsi à réduire les inégalités entre les contribuables qui ont eu la chance de percevoir
un gros héritage et ceux qui ont peu ou rien reçu.

Les droits de succession forment une imposition sur le capital, le patrimoine, et non sur le
revenu. À la suite du décès, les héritiers doivent déposer une déclaration de revenus au nom du
défunt, pour notamment y déclarer les produits versés en application d’un contrat en cas de
décès ou d’un contrat mixte. Le capital, autrement dit les primes versées, peuvent être
imposables aux droits de succession.

B) Principe de l’exonération et exceptions

1° Principe

Pourtant, par principe, les sommes en cause échappent à l’impôt. En effet, l’assurance-vie
forme un régime de prévoyance, qui permet de protéger ses proches contre les drames de la
vie ; par exemple un accident de voiture qui prive de jeunes enfants de leurs parents. De plus,
les indemnités versées par un assureur ont pour objet de réparer un préjudice ; elles
n’enrichissent donc pas la victime, puisque celle-ci reçoit seulement la compensation du
dommage subi, en l’occurrence la perte d’un être cher. La loi veut cependant éviter qu’une
personne place toute sa fortune dans des contrats d’assurance-vie, pour épargner les droits de
succession à sa famille.

2° Exceptions

Deux mesures sont prévues, en conséquence, pour limiter les effets de l’exonération. Tout
d’abord, l’indemnité due au bénéficiaire est soumise à un prélèvement de 20 % si elle excède
152 500 €. Le taux monte à 31,25 % dans l’hypothèse où le montant imposable est supérieur à
700 000 €. Si, par exemple, le bénéficiaire reçoit une indemnité de 840 000 €, on commence
par retrancher de cette somme la partie non imposable : 840 000 – 152 500 = 687 500 €. Ce

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montant étant inférieur à 700 000 €, il donne lieu à une imposition de 687 500 x 20 %
= 137 500 €. Les prélèvements sont opérés par l’assureur, qui les verse au Trésor. Le
bénéficiaire reçoit donc une indemnité nette des sommes ainsi payées, mais qui n’a pas à être
incluse dans la base des droits de succession, autrement dit la valeur servant au calcul de
l’impôt. Ces prélèvements sont donc libératoires, de l’impôt.

Il demeure qui si le bénéficiaire perçoit du défunt un montant inférieur ou égal à 152 500 €,
aucune imposition n’est due. Ce régime est d’autant plus intéressant qu’il ne tient pas compte
de l’éventuel lien de parenté entre le souscripteur et le bénéficiaire. Celui-ci peut donc être un
parent éloigné ou un ami, qui aurait subi une imposition très lourde si la transmission avait été
faite en dehors de l’assurance-vie. Dans l’hypothèse où le défunt a souscrit plusieurs contrats
désignant des bénéficiaires distincts, chacun de ceux-ci profite de l’exonération à hauteur de
152 500 €. Ce régime cesse de s’appliquer lorsque le souscripteur a plus de 69 ans au jour du
versement de la prime.

Pour la seconde mesure également, il est indifférent qu’un lien familial unisse ou non
souscripteur et bénéficiaire. Elle n’intéresse que les primes versées par le défunt après la date
anniversaire de ses 70 ans. Là encore, mais plus strictement, il s’agit de dissuader une personne,
au soir de sa vie, d’abuser de l’assurance-vie. En effet, ce n’est plus l’indemnité due au
bénéficiaire qui est imposable, elle ne fait d’ailleurs l’objet d’aucun prélèvement. Ce sont les
primes que le défunt a versées sur le contrat qui vont entrer dans la base de sa succession. Par
hypothèse, les indemnités sont plus élevées que les primes puisqu’elles comprennent les
produits versés par l’assureur. Mais la règle a pour but de dissuader le souscripteur, de son
vivant, de placer trop d’argent sur le contrat. En effet, les sommes en cause seront imposables
sur la tête de ses héritiers, après application d’un abattement de 30 500 €. De surcroît, si
plusieurs contrats ont été souscrits, au profit de bénéficiaires différents, ceux-ci doivent se
partager l’abattement au prorata (à proportion) des primes versées sur le contrat les désignant.

C) Exemple

Par exemple, Juan, espagnol vivant à Paris depuis de longues années, y est mort à l’âge de
90 ans. Célibataire endurci, il a néanmoins connu deux grands amours dans sa vie, Elvire et
Charlotte. La rupture avec la seconde fut très violente, celle avec la première beaucoup plus
paisible. Juan a souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie, à prime unique, désignant les deux
dames comme bénéficiaires :

Contrat Âge de Juan au Bénéficiaire Prime versée Indemnité due


jour du paiement
de la prime
A 60 ans Elvire 400 000 € 760 000 €
B 69 ans Charlotte 40 000 € 65 200 €
C 72 ans Elvire 30 000 € 46 200 €
D 86 ans Charlotte 20 000 € 22 400 €

S’agissant des contrats A et B, donc souscrits avant les 70 ans de Juan, l’indemnité perçue
par Charlotte échappe à toute imposition puisqu’elle est inférieure à 152 500 €. Celle revenant
à Elvire, à l’inverse, est imposable : (760 000 – 152 500) x 20 % = 121 500 €. Ce montant doit
être payé au Trésor par l’assureur, qui versera à Elvire une indemnité nette de 760 000 – 121
500 = 638 500 €, somme qui n’entrera pas dans la base imposable de la succession de Juan.

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Pour ce qui est des contrats C et D, conclus après les 70 ans du défunt, ce ne sont plus les
indemnités perçues qui sont imposables mais les primes versées. Celles-ci s’élèvent à un total
de 30 000 + 20 000 = 50 000 €. Les deux bénéficiaires se partagent l’abattement de 30 500 €
au prorata des primes versées sur leur contrat respectif. La somme placée sur le contrat C est
ainsi diminuée de 30 500 x (30 000 / 50 000) = 18 300 €, Elvire est donc imposable sur la
succession de Juan à hauteur de 30 000 – 18 300 = 11 700 €. La prime payée à raison du contrat
D donnant lieu à une part d’abattement de 30 500 x (20 000 / 50 000) = 12 200 €, Charlotte est
taxable sur la somme de 20 000 –12 200 = 7 800 €. Sachant que Juan n’avait aucun lien de
parenté avec Elvire et Charlotte, celles-ci seront imposées au taux de 60 %.

2e partie L’imposition des entreprises commerciales

Les entreprises d’assurance sont commerciales. Très peu sont constituées par des entreprises
individuelles, peut-être quelques courtiers. On trouve surtout des sociétés, par principe les
bénéfices des personnes morales sont soumis à l’IS, impôt sur les sociétés ; tandis que ceux des
entreprises individuelles, dirigées par une personne physique, l’exploitant, relèvent de l’IR.
Pour autant, les BIC forment des règles communes aux entreprises individuelles et sociétés
commerciales, mises à parts quelques règles propres à l’IS. À titre principal, retenons que l’IS
est un impôt proportionnel, dont le taux normal est de 25 %, les petites sociétés peuvent
néanmoins bénéficier d’un taux réduit de 15 %. À l’inverse, les BIC forment une catégorie de
revenus imposables à l’IR, lequel forme un impôt progressif.

Les BIC sont régis par des principes, ils concernent le résultat courant de l’entreprise, celui
résultant de son activité habituelle, mais aussi le résultat exceptionnel, autrement dit les plus-
values.

Chapitre 1. Les principes des BIC

Les BIC suivent trois principes, celui de la comptabilité d’engagement, la théorie du bilan et
le passage du résultat comptable au résultat fiscal.

Section 1. Le principe de la comptabilité d’engagement

Les entreprises commerciales doivent tenir une comptabilité d’engagement, encore appelée
comptabilité commerciale. Pour définir la logique de celle-ci, le droit civil et le droit comptable
sont entrés en conflit (§ 1). L’enjeu de cette bataille fut le principe d’indépendance des exercices
comptables (§ 2). On se demandera enfin quel est l’intérêt de cette comptabilité
d’engagement (§ 3) et pourquoi l’on contraint les étudiants à l’apprendre.

§ 1. Le conflit entre le droit civil et le droit comptable

De la bataille (A) qui a opposé le droit civil au droit comptable, ce dernier est sorti
vainqueur (B).

A) La bataille

Pour définir le principe de la comptabilité d’engagement, on a tout d’abord retenu les règles
du droit civil. Selon celui-ci, une créance est née au jour où les parties à un contrat se sont
engagées l’une envers l’autre. Autrement dit deux personnes, en concluant cet accord, se sont

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entendues pour que chacune respecte des obligations, consistant en deux créances réciproques.
Par exemple, dans le contrat de vente, le vendeur s’engage à livrer le bien vendu à l’acheteur ;
en parallèle, celui-ci s’oblige à en payer le prix. En droit civil, la vente est « parfaite », réalisée,
et les obligations sont nées, dès qu’il y a accord entre les parties sur la chose et sur le prix. On
s’est entendu pour se vendre tel bien, pour tel prix. Le transfert de la propriété de la chose, du
vendeur à l’acheteur, s’opère dès ce double engagement, même si le bien n’a pas encore été
livré, ni le prix encore payé. Pour le droit civil donc, il faudrait comptabiliser une créance au
jour de la conclusion du contrat.

Au droit civil se sont opposées les règles de la comptabilité. En effet, le principe comptable
de prudence interdit de comptabiliser un profit tant que celui-ci n’est pas encore réalisé. Le
profit est contenu dans le prix, car celui-ci, outre les frais d’acquisition du bien vendu, comporte
une marge bénéficiaire. C’est précisément ce bénéfice qui permet au commerçant de vivre et
sur lequel porte l’impôt. Pour le droit comptable, le profit n’existe que du jour où l’engagement
pris dans le contrat a été tenu. S’agissant de la vente, le vendeur a respecté son obligation à la
date où il a livré le bien. Il détient alors une créance certaine sur l’acheteur, qui est d’autant plus
contraint de payer le prix, lequel contient le profit. Au regard du droit comptable donc, c’est au
jour de la livraison du bien vendu qu’une créance a véritablement pris naissance, et qu’il faut
l’inscrire dans les comptes.

L’idée est la même pour les services. Par exemple, un plombier, Mario, obtient un gros
chantier : il doit refaire tous les travaux de plomberie d’une vieille maison. Selon le droit civil,
une créance existe au jour où le contrat est conclu. Il est vrai qu’à la date où Mario et son client
ont échangé leur consentement, deux créances réciproques ont pris naissance : Mario doit
réaliser les travaux et le client est tenu de payer le prix. Mais le droit comptable dit : « Attention,
prudence » ; qu’arriverait-il si le plombier, en perçant les murs de la maison, pour y faire passer
ses tuyaux, faisait écrouler le bâtiment ? Le client, très mécontent, n’aurait plus aucune
intention de payer le prix. C’est pourquoi il faut attendre que les travaux soient terminés pour
comptabiliser la créance que détient Mario, et donc le profit qui lui correspond. Le droit
comptable ne nie pas l’existence civile des créances, il soutient seulement que ce n’est pas parce
qu’une créance existe que l’entreprise va nécessairement réaliser un bénéfice. C’est lui qui a
remporté la victoire.

B) La victoire

En effet, le droit comptable est sorti vainqueur du conflit : une créance doit être
comptabilisée au jour de la livraison s’agissant d’une vente, à la date d’achèvement des travaux
pour une prestation de service. Le droit commercial a retenu ces règles et le droit fiscal n’a fait
que suivre le Code de commerce. Cette solution a le mérite de faire coïncider les règles
comptables et fiscales : une créance est imposable lorsqu’elle est comptabilisée, en ce sens
qu’elle vient s’ajouter au bénéfice qui sera soumis à l’impôt.

La prudence comptable l’a donc emporté sur l’optimisme civil. Le droit civil a suffisamment
confiance en l’homme pour croire que celui-ci, dès lors qu’il a conclu un contrat, va tenir ses
engagements. Le droit comptable est plus sceptique, il attend que l’obligation soit exécutée pour
reconnaître l’existence d’un profit. Mais on notera que tant les règles civiles que comptables
sont finalement optimistes, car la comptabilité fait également un pari sur l’avenir : elle accepte
de reconnaître l’existence d’un profit alors même que le paiement n’est pas encore intervenu.
Or, bien évidemment, le bénéfice n’aura de réelle certitude qu’au jour de ce paiement.

19
Heureusement, la très grande majorité des clients acceptent de payer le prix d’un bien qu’ils ont
acheté, surtout s’ils en ont reçu livraison.

L’enjeu de la bataille entre le droit civil et le droit comptable est mis en évidence par le
principe d’indépendance des exercices comptables.

§ 2. Le principe d’indépendance des exercices comptables

L’exercice comptable est formé d’une période de douze mois successifs. À la fin de cette
durée, l’entreprise arrête ses comptes et dresse le bilan, qui permet de calculer le résultat :
bénéfice ou déficit. Chaque opération réalisée par l’entreprise doit être rattachée à un seul
exercice. Cette obligation est posée par le principe d’indépendance, encore dit de spécialité, des
exercices comptables. Il rejoint le principe d’annualité de l’impôt : l’IR, comme l’IS, doit être
payé tous les ans.

L’enjeu pratique du débat entre le droit civil et le droit comptable, pour savoir quand
comptabiliser une créance, se rencontre à propos d’une opération réalisée en fin d’exercice (A).
Si l’entreprise doit respecter le principe d’indépendance, elle peut choisir le point de départ de
son exercice (B).

A) Fin d’exercice

Par exemple, un contrat de vente est conclu en décembre de l’année N, et la chose vendue
est livrée en janvier de l’année N + 1. Cette opération doit être inscrite en comptabilité au titre
de N + 1, puisque la livraison est intervenue pendant cette année. Mais l’entreprise qui réalise
cette vente est en mauvaise santé. Il est impérieux, pour qu’elle survive, que sa banque continue
de lui prêter de l’argent. L’année N se termine et l’exploitant réalise que l’exercice va se solder
par un lourd déficit. Pour réduire celui-ci, il comptabilise la vente en décembre et non en janvier.
Ainsi, il pourra présenter à son banquier des comptes moins mauvais que prévu et continuer
d’obtenir son soutien financier.

En sens inverse, une entreprise très bénéficiaire conclut un important contrat de vente le
15 décembre de l’année N, la livraison a lieu le 30 décembre suivant. L’exploitant comptabilise
la créance en janvier N + 1, de manière à payer moins d’impôts sur l’année N.

Ce genre de pratiques, que l’entreprise soit déficitaire ou bénéficiaire, est évidemment


interdit. En cas de contrôle fiscal, l’administration va rétablir la situation qui aurait dû être celle
de l’entreprise et, le cas échéant, appliquera des sanctions.

En revanche, l’entreprise est libre de fixer le point de départ de son exercice comptable.

B) Point de départ de l’exercice

Le plus souvent, le point de départ de l’exercice coïncide avec l’année civile. Dans ce cas, il
se situe au 1er janvier, tandis que le point d’arrivée est fixé au 31 décembre. Mais l’entreprise
peut choisir une période différente, mieux adaptée à son activité, surtout si celle-ci n’a pas la
même intensité sur l’année civile. Par exemple, pour un hôtel situé sur la Côte d’Azur, il est
plus logique, économiquement, de fixer le point de départ au 1er octobre et le point d’arrivée au
30 septembre. Car l’essentiel de l’activité de cette entreprise se termine à la fin de l’été. On dit,
dans une telle hypothèse, que l’exercice comptable est « à cheval » sur deux années civiles.

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Au titre de l’IR et de l’IS, impôts annuels, l’entreprise doit déclarer le résultat dégagé par
l’exercice clos au cours de l’année civile. Pour les entreprises dont l’exercice coïncide avec
celle-ci, il s’agit du bénéfice dégagé au 31 décembre. S’agissant de notre hôtel, il lui faut
déclarer, au titre de l’année N par exemple, le résultat obtenu au 30 septembre de cette même
année.

La comptabilité d’engagement a l’avantage de donner une image précise de la situation de


l’entreprise.

§ 3. L’intérêt de la comptabilité d’engagement

Toutes les entreprises doivent en principe tenir une comptabilité, grâce à laquelle on
détermine leur résultat. Mais cette comptabilité n’est pas la même selon que l’entreprise est
commerciale ou non. Les professions libérales, pour exercer une activité civile, relèvent des
bénéfices non commerciaux (BNC). Elles doivent tenir une comptabilité de caisse, qui prend
en considération les paiements effectués. Un avocat, par exemple, comptabilise ses recettes, les
honoraires, au jour où ceux-ci sont payés par les clients ; de même, il inscrit ses dépenses
professionnelles à la date où il les règle. Il faut reconnaître à cette comptabilité de caisse le
mérite d’être simple.

Au contraire, le paiement, dans la comptabilité d’engagement, on l’a vu, n’a pas d’incidence
s’agissant d’inscrire une créance ou une dette dans les comptes. Cette comptabilité commerciale
est plus précise que celle de caisse, elle traduit mieux l’activité de l’entreprise.

Reprenons l’exemple du plombier Mario qui doit refaire tous les travaux de plomberie d’une
vieille maison. Ce chantier commence en juin de l’année N et se termine en décembre de cette
même année, mais Mario n’est payé qu’en janvier N + 1. Si le plombier ne devait tenir qu’une
comptabilité de caisse, ce gros chantier n’apparaîtrait pas dans les comptes de l’année N. Il ne
figurerait que dans ceux de N + 1, puisque le paiement a lieu lors de cette année. Mais, parce
qu’il relève des BIC, Mario doit tenir une comptabilité d’engagement, qui le contraint à inscrire
sa créance au jour où celle-ci est née, soit à la fin de l’exécution des travaux, en décembre de
l’année N. Donc la comptabilité d’engagement de N fera apparaître le chantier – qui a occupé
le plombier une bonne partie de l’année – là où une comptabilité de caisse l’aurait passé sous
silence.

Le second principe des BIC est constitué par la théorie du bilan.

Section 2. La théorie du bilan

En BIC également, on a fait application de la théorie de la source et de celle de


l’enrichissement.

§1. Théorie de la source

À l’origine, pour calculer un BIC, on recourait à la théorie de la source. En application de


celle-ci, on a défini le BIC comme correspondant à la différence entre les produits et les charges.
Ceux-ci, dans la comptabilité d’engagement, correspondent aux recettes et dépenses de la
comptabilité de caisse. Mais, nous avons vu qu’en matière de BIC, contrairement aux BNC, le

21
paiement est indifférent pour reconnaître l’existence d’une créance et donc d’un profit. Les
produits et charges sont des créances acquises et des dettes certaines.

Une créance acquise est celle que détient Mario après avoir exécuté un travail, par exemple
chez une cliente, Mme Mouchabeuf. La baignoire de celle-ci fuyait, et pour cause, elle datait
d’avant-guerre. Le plombier la remplace par une neuve. Après avoir réalisé les travaux, il
détient une créance sur la cliente, car celle-ci ne l’a pas encore payé. Mario doit rentrer à son
atelier et demander à sa femme, Maria, qui tient la comptabilité, de rédiger et d’envoyer une
facture. Maria comptabilise un produit, une créance acquise, car si le travail a été fait, il n’est
pas encore payé.
Auparavant, Mario avait commandé à son fournisseur, Luigi, une baignoire neuve, pour
l’installer chez Mme Mouchabeuf. Cet achat a été comptabilisé en charges au jour de la livraison
de la baignoire. Là encore, si Luigi a respecté son engagement en livrant la chose, au jour de la
livraison Mario ne l’avait pas encore payé. Donc le plombier a envers le fournisseur une dette
certaine.

Une créance ou une dette n’est acquise que du jour où elle est certaine dans son principe et
son montant. La créance que Mario détient sur Mme Mouchabeuf est certaine dans son principe
puisque le travail est fait, la baignoire a été installée. Elle l’est également dans son montant, car
Mario a calculé le coût de la baignoire et des travaux d’installation. À ce montant il a ajouté sa
marge bénéficiaire. Donc le prix est déterminé.

Les produits et les charges, autrement dit les créances acquises et les dettes certaines, sont
regroupés dans un document comptable appelé compte de résultat. Celui-ci permet de
déterminer le résultat de l’entreprise, bénéfice ou déficit.
À l’origine, donc, on se contentait de cette définition du BIC : il s’agit d’un bénéfice
déterminé grâce au compte de résultat et correspondant à la différence entre les produits et les
charges. Le revenu réalisé découle de l’activité exercée, source de fruits. Puis, on s’est rendu
compte que cette définition ne retenait pas tous les moyens dont dispose l’entreprise pour
s’enrichir. On a donc ajouté à la théorie de la source celle de l’enrichissement.

§2. Théorie de l’enrichissement

Nous avons vu que cette théorie permet de taxer les plus-values réalisées par l’entreprise. En
matière de BIC, elle est appelée théorie du bilan. Elle a pour résultat que l’article 38 du Code
général des impôts comporte deux définitions du BIC, l’une découlant de la théorie de la source,
l’autre de la théorie de l’enrichissement.

A) La théorie du bilan mise en pratique

En effet, c’est grâce au bilan que l’on peut mesurer l’enrichissement réalisé. Le bilan
comporte deux parties, l’actif et le passif. L’actif regroupe tous les éléments positifs de
l’entreprise, tout ce que celle-ci possède, notamment les créances acquises. Le passif rassemble
tous les éléments négatifs, tout ce que l’entreprise doit, entre autres les dettes certaines.

Pour mesurer l’enrichissement de l’entreprise, on procède à la comparaison de deux bilans,


dressés à la clôture de deux exercices comptables successifs. On compare donc le bilan de
l’exercice N à celui de l’exercice N + 1. Si, en l’espace d’un an, l’entreprise s’est enrichie, c’est
qu’elle a dégagé un bénéfice. Si, à l’inverse, elle s’est appauvrie, c’est qu’elle a accusé un
déficit.

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Plus précisément, lorsque l’on rapproche ainsi les deux bilans, on procède à la comparaison
de leurs actifs nets. L’actif net correspond aux capitaux propres, c’est-à-dire l’actif moins les
dettes de l’entreprise ; il est égal à la richesse nette de celle-ci.

C’est l’une des méthodes que retient l’article 38 du Code général des impôts pour définir le
BIC.

B) L’article 38 du CGI

En effet, cet article 38 donne deux définitions du BIC. Ce qui est a priori surprenant, car une
seule devrait suffire. Ces deux définitions sont la conséquence de l’histoire. La première
correspond à la théorie de la source et retient le bénéfice ou le déficit dégagé par le compte de
résultat. La seconde est issue de la théorie du bilan et s’attache au profit ou à la perte qui découle
de celui-ci.

Bien entendu, ce résultat est le même, qu’il ressorte du compte de résultat ou du bilan. Mais
la méthode employée est différente, selon que l’on utilise l’un ou l’autre des documents
comptables. Elle est analytique et dynamique avec le compte de résultat, qui retient chaque
opération réalisée pendant l’exercice. Elle est synthétique et statique lorsque l’on compare deux
actifs nets issus de deux bilans successifs.

Prenons un exemple de plus-value, le plombier Mario vend son atelier, qu’il juge trop petit,
pour en acheter un autre, plus grand. Son entreprise comptabilise un produit égal au prix de la
vente, dans notre exemple celui auquel Mario cède son atelier. Tandis qu’il faut inscrire une
charge correspondant au coût d’acquisition de l’immeuble, soit la somme que Mario avait
déboursée, à l’origine, pour acquérir l’atelier. La différence entre le produit et la charge
constitue la plus-value, qui est donc bien comprise dans le bénéfice de l’entreprise. Celui-ci est
dès lors formé de l’addition du résultat courant et du résultat exceptionnel.

Le dernier principe des BIC tient dans le passage du résultat comptable au résultat
comptable.

Section 3. Le passage du résultat comptable au résultat comptable

La détermination du BIC repose très essentiellement sur le résultat ressortant de la


comptabilité. Si bien que le bénéfice soumis à l’impôt est largement calculé en application des
règles comptables. D’ailleurs, le droit fiscal suit par principe les normes de la comptabilité, sauf
s’il décide d’y faire exception. Les liens étroits entre comptabilité et fiscalité se remarquent
également dans les obligations déclaratives. Ainsi, lorsque l’entreprise déclare son bénéfice ou
déficit, elle dépose une déclaration de résultat composée du bilan et du compte de résultat. S’y
ajoutent des tableaux qui viennent préciser certains postes de ces deux documents. Le tout est
assez épais, si bien que la déclaration de résultat s’appelle également la liasse fiscale, même si
elle se compose, très majoritairement, de documents comptables.

Mais, il existe, dans la liasse, un tableau d’une grande importance fiscale, l’état n° 2058 A,
intitulé : « Détermination du résultat fiscal ». Ce tableau, ou état, n° 2058 A permet de passer
du résultat comptable au résultat fiscal. Autrement dit, il autorise des corrections fiscales du
bénéfice, ou déficit, ressortant de la comptabilité. Ces rectifications sont opérées après la clôture
de l’exercice, une fois le résultat comptable de celui-ci connu. Les corrections fiscales, encore

23
dites extracomptables, sont soit des réintégrations, soit des déductions. Les réintégrations
viennent majorer le résultat comptable, tandis que les déductions le minorent. En effet, une
déduction est le plus souvent relative à un produit, dont l’annulation permet de réduire le
résultat. Tandis qu’une réintégration se rapporte en général à une charge, elle la neutralise, donc
augmente le résultat. On dit que ces produits et charges sont extournés, autrement dit annulés.

Par exemple, Par exemple, une entreprise relevant de l’IS dépose en retard sa déclaration de
résultat. Elle subit de ce fait une majoration de 10 % de l’impôt en cause. Cette sanction doit
bien sûr être comptabilisée, car elle existe bel et bien. Mais la charge qu’elle représente n’est
pas déductible au plan fiscal, elle ne peut donc pas venir diminuer le résultat. La loi veut par
cette mesure que la sanction soit dissuasive : non seulement il faut payer la majoration, mais de
plus celle-ci ne réduit pas le bénéfice imposable. L’entreprise doit donc réintégrer les 10 % sur
le tableau n° 2058 A, de manière à fiscalement neutraliser la charge passée en comptabilité.

On l’a vu, le bénéfice imposable de l’entreprise est égal à la somme du résultat courant et du
résultat exceptionnel.

Chapitre 2. Le résultat courant

Ce résultat est égal à la différence entre les produits (section1) et les charges (section 2).

Section 1. Les produits

Il s’agit de répondre concrètement à la question posée dans les principes des BIC : à quel
moment une créance est-elle acquise, autrement dit, quand devient-elle un produit ? Il faut
distinguer selon que l’on a affaire à une vente (§1) ou à une prestation de service (§2).

§1. Les ventes

Nous savons que c’est au jour de la livraison du bien vendu qu’une créance devient acquise,
en conséquence le produit lui correspondant doit être comptabilisé. Ce produit devient du même
coup imposable, en ce sens qu’il vient s’ajouter au bénéfice qui sera soumis à l’impôt. La
livraison correspond à la remise matérielle du bien vendu à l’acheteur.

Si le client a versé un acompte lors de la commande du bien, ce versement ne peut traduire


l’existence d’un produit dès lors que la livraison n’est pas encore intervenue. De plus, dans la
comptabilité d’engagement, le paiement est indifférent pour reconnaître l’existence d’une
créance. L’acompte est inscrit dans un compte d’attente, qui sera soldé, clôturé, lorsque le
paiement définitif interviendra.

Le régime des services est plus complexe que celui des ventes.

§2. Les prestations de services

Par principe, une prestation de service doit être comptabilisée au jour où elle est achevée ;
lorsque le travail est terminé, le service rendu. Peu importe la date à laquelle le prix est payé. Il
faut cependant distinguer les prestations à exécution instantanée (A), qui supposent des
interventions limitées dans le temps, de celles à exécution continue (B), où le service est
permanent, par exemple celui que procure un fournisseur d’accès à Internet.

24
A) Prestations à exécution instantanée

Aucune difficulté ne se présente avec une prestation à exécution instantanée. Par exemple,
le plombier Mario répare une conduite d’eau, le produit doit être inscrit en comptabilité au jour
où le travail est fait, achevé.

Certaines prestations à exécution instantanée peuvent cependant être rendues sur la durée de
plusieurs exercices comptables. On parle alors de prestations à échéances successives. Par
exemple, le contrat d’entretien d’une machine, conclu pour plusieurs années. Il n’y a pas plus
de difficultés dès lors que les prestations restent instantanées. Le prestataire, celui qui rend le
service, doit rattacher à chaque exercice comptable tous les produits correspondants aux travaux
exécutés pendant cet exercice. Dans notre exemple, il facture les interventions faites au cours
de l’année pour l’entretien de la machine.

À l’opposé des prestations à exécution instantanée, on trouve celles à exécution continue.

B) Prestations à exécution continue

Elles obligent le prestataire à fournir en permanence des services. Par exemple, un contrat
de location, de fourniture d’énergie (électricité, gaz), ou d’assurance. Ces conventions ne posent
pas de difficultés lorsqu’elles sont signées pour une durée inférieure à celle d’un exercice
comptable : il convient alors de comptabiliser les produits qui sont nés pendant cet exercice.
Quand, à l’inverse, les contrats sont conclus sur la durée de plusieurs exercices, on prend en
compte leur exécution partielle sur chacun des exercices. Ainsi, pour une entreprise
d’assurance, on comptabilise les primes qui ont couru pendant chaque exercice, jusqu’à la
clôture de celui-ci.

Par exemple, une entreprise d’assurance, dont l’exercice comptable correspond à l’année
civile, conclut un contrat d’une durée d’un an, moyennant une prime totale de 12 000 €. Il s’agit
d’assurer les risques d’un chantier. Le contrat commence le 1er juin de l’année N pour se
terminer le 31 mai de l’année N+1. Au titre de l’exercice N, l’entreprise va comptabiliser un
produit égal à 12 000 x 7/12 mois (de juin à décembre) = 7 000 €. Pour l’exercice N + 1, le
produit va s’élever à 12 000 x 5/12 mois (de janvier à mai) = 5 000 €. On vérifie que 5 000 + 7
000 = 12 000.

Les produits sont diminués des charges.

Section 2. Les charges

On distingue deux sortes de charges ; celles courantes, qu’on appelle les frais généraux
(§1), par exemple les achats de marchandises ou la facture de téléphone ; et des charges conçues
pour anticiper des coûts futurs, ce sont les amortissements (§2) et les provisions (§3).

§1. Les frais généraux

Après avoir défini la notion de frais généraux (A), on verra quelles sont les conditions de
leur déduction (B), avant d’étudier les frais généraux en matière d’assurance (C).

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A) La notion de frais généraux

Les frais généraux se distinguent des stocks, autrement dit les marchandises fabriquées par
l’entreprise ou achetées pour être revendues, et des immobilisations (1°). On illustrera cette
distinction avec les dépenses d’entretien et de réparation (2°).

1° Frais généraux, stocks et immobilisations

Le propre des frais généraux, lorsque l’entreprise les engage, est de provoquer une
diminution de l’actif net (a). Il importe de bien comprendre ce point avant de distinguer frais
généraux, stocks et immobilisations, puis d’étudier les règles qui leur sont applicables (b).

a) Diminution de l’actif net

L’engagement de ces charges courantes que sont les frais généraux conduit à une diminution
de l’actif net, donc du résultat. Si, par exemple, la charge est payée par chèque, elle va affecter
le compte banque. Lorsque celui-ci est créditeur, en ce sens qu’il ne fait pas apparaître de
découvert, il figure à l’actif du bilan, car l’argent sur le compte constitue une créance que
l’entreprise détient sur la banque. Le paiement de frais généraux vient donc diminuer le compte
banque, et en conséquence l’actif, sans qu’aucune autre écriture ne vienne modifier le même
actif.

À l’inverse, l’achat d’une immobilisation réduit également le compte banque, mais conduit
en plus à majorer le compte d’actif correspondant au bien acquis. On dit alors que ce bien est
immobilisé, à savoir inscrit à l’actif parmi les valeurs dont l’entreprise fait un usage durable.
Si, par exemple, une société acquiert une nouvelle machine, elle doit en inscrire le prix à l’actif
immobilisé, car le bien représente une valeur positive et constante de l’entreprise. La diminution
du compte banque et la majoration de l’actif immobilisé ont pour résultat que le total de l’actif
n’est pas modifié.

Au plan économique, on comprend pourquoi l’entreprise s’appauvrit lorsqu’elle engage des


frais généraux, tandis qu’elle s’enrichit quand elle achète des immobilisations. Elle investit dans
une nouvelle machine, qui va produire des biens dont la vente va également l’enrichir. À
l’inverse, lorsqu’il s’agit de payer la note d’électricité, l’entreprise perd de l’argent et n’en
gagne pas.

Mais la distinction entre frais généraux et immobilisations est bien relative car, par exemple,
l’électricité permet de faire tourner les machines qui, elles, vont conduire à dégager des profits.
Il importe néanmoins de faire cette distinction, car on applique aux frais généraux et aux
immobilisations des régimes différents.

b) Distinctions et régimes

On opposera les immobilisations aux stocks (I) d’une part et aux frais généraux (II) d’autre
part, car les régimes (III) applicables sont distincts.

I. Immobilisation et stock

Une immobilisation se distingue du stock dès lors que l’entreprise l’a acquise non pour la
revendre mais en vue d’en faire un usage durable. C’est par exemple le cas d’un immeuble

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qu’une société fait construire afin d’y installer ses bureaux, ou encore d’un camion pour une
entreprise de transport. En principe, une immobilisation est un bien affecté à l’exploitation
pendant plus d’un exercice comptable, donc plus d’un an.

Les biens susceptibles de constituer des immobilisations varient selon l’activité de


l’entreprise. Ainsi, aux yeux d’un marchand de biens, commerçant de l’immobilier, un
immeuble constitue du stock ; de même pour un camion fabriqué par un constructeur de
véhicules industriels.

Distinguons maintenant immobilisation et frais généraux.

II. Immobilisation et frais généraux

Les frais généraux peuvent être également constitués par l’achat de biens qui seront
durablement utilisés par l’entreprise. Par exemple, une société a pour objet la vente de jouets.
Elle achète pour son directeur commercial une agrafeuse d’une valeur de 10 €. Ce bien ne peut
constituer du stock puisque l’entreprise ne vend pas d’agrafeuses. Même s’il sera utilisé de
façon durable, il ne peut pas non plus former une immobilisation, car son prix est trop faible.
En effet, une immobilisation est par principe un bien d’une valeur élevée, car elle constitue en
elle-même une source de richesse, comme une machine, qui permet de produire des
marchandises dont la vente génère des profits. L’agrafeuse doit donc être comptabilisée en frais
généraux.

La frontière entre immobilisations et frais généraux est fixée à 500 € HT. Si le bien est d’une
valeur inférieure ou égale à 500 €, il relève des frais généraux. Si son prix est supérieur à 500
€, c’est une immobilisation.
Cependant, la règle des 500 € ne s’applique pas aux biens sur lesquels porte l’activité même
de l’entreprise. Par exemple, une société a pour objet de donner des outils en location ; tous les
articles sont des immobilisations, même si leur valeur est inférieure ou égale à 500 €. En effet,
dans cette hypothèse, chacun des outils forme une source de richesse : plus il sera loué, plus il
permettra de dégager des bénéfices.

Il faut distinguer frais généraux, stocks et immobilisations, car on leur applique des régimes
différents.

III. Régimes

Les frais généraux sont immédiatement déductibles, pour la totalité de leur coût d’acquisition
HT. Au contraire, une immobilisation ne peut faire l’objet que d’un amortissement. Celui-ci
permet de déduire le coût d’acquisition d’un bien, mais pas en une seule fois, seulement sur sa
durée d’utilisation. En effet, une machine, par exemple, n’est pas uniquement utilisée lors de
son année d’acquisition, mais sur plusieurs exercices. Au titre de chacun de ceux-ci, l’entreprise
déduit une charge égale au prix d’achat de l’immobilisation divisé par le nombre d’années de
son utilisation. Par ailleurs, la cession d’une immobilisation conduit à suivre le régime des plus
et moins-values, au contraire de la vente des autres biens de l’entreprise.

On peut illustrer la distinction entre frais généraux et immobilisations corporelles avec les
dépenses d’entretien et de réparation.

27
2° Les dépenses d’entretien et de réparation

Il est naturel qu’une entreprise entretienne ses locaux, de même, elle répare une machine
lorsque celle-ci tombe en panne. Par principe, les dépenses d’entretien et de réparation
constituent des frais généraux, donc immédiatement déductibles pour la totalité de leur montant.
Il en va néanmoins différemment lorsque les dépenses en cause ont pour effet d’augmenter
notablement la valeur d’une immobilisation et/ou d’en prolonger la durée d’utilisation. Ce que
nous allons voir avec la rénovation d’un immeuble

Une société achète un immeuble pour y installer ses bureaux. Il s’agit d’un bâtiment du XIXe
siècle, qui jusqu’alors était destiné à l’habitation. L’immeuble, à l’intérieur, est en piteux état :
il est sale, les peintures sont écaillées et l’installation électrique doit être mise aux normes.
Première hypothèse, l’entreprise se contente de faire réaliser des travaux de remise en état :
repeindre et rénover le système électrique ; il s’agira de frais généraux, immédiatement et
intégralement déductibles.

Seconde hypothèse, la société décide de transformer les locaux, pour les rendre plus
fonctionnels, mieux adaptés au monde des affaires. Outre les travaux de peinture et d’électricité,
elle installe alors des faux plafonds, pour y faire passer des câbles ; elle cloisonne les pièces, de
manière à multiplier les bureaux. Dans cette seconde hypothèse, il n’est pas douteux que les
travaux ont accru la valeur du bien, car de bâtiment d’habitation il a été transformé en immeuble
de bureau. Il faut dès lors immobiliser et amortir les travaux qui ont augmenté la valeur du
bâtiment.

Donc seules constituent des frais généraux les dépenses qui maintiennent une immobilisation
dans sa consistance initiale, sans accroître notablement sa valeur, ni prolonger sa durée
d’utilisation. La même question se pose avec les échanges standard.

Maintenant que nous avons identifié les frais généraux, voyons dans quelles conditions on
peut les déduire.

B) La déduction des frais généraux

Si les frais généraux sont par principe déductibles, des conditions sont cependant posées à
cette déduction. En effet, trois conditions cumulatives sont posées à la déduction des frais
généraux, elles doivent donc être remplies toutes les trois. Tout d’abord, comme on l’a vu, ces
charges doivent provoquer une diminution de l’actif net. Ensuite, il leur faut être engagées dans
l’intérêt de l’entreprise, ce qui exclut les actes anormaux de gestion (1°). Enfin, les frais
généraux doivent être correctement comptabilisés (2°).

1° L’exclusion des actes anormaux de gestion

Pour être déductibles les charges doivent être engagées dans l’intérêt de l’entreprise, lui être
utiles. Par exemple, s’agissant d’une entreprise de transport, l’achat de carburant est
évidemment utile, car cela permet de faire rouler les camions. À l’inverse, une charge étrangère
à l’intérêt de l’exploitation réduit irrégulièrement l’actif net et donc le résultat.

Dès lors que la dépense n’est pas utile à l’entreprise, c’est qu’elle profite à quelqu’un d’autre.
Ce tiers peut tout d’abord être constitué par le dirigeant, qui fait supporter à l’entreprise une
dépense personnelle ; par exemple, il lui fait acheter une télévision qu’il installe à son domicile.

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Le tiers peut être également un parent ou un ami du dirigeant, auquel celui-ci fait bénéficier
d’un avantage sans contrepartie. Ainsi, l’entreprise accorde au tiers le prêt d’une somme
d’argent, sans lui réclamer le paiement d’intérêts. Tous ces actes relèvent d’une gestion
anormale, car le but d’une entreprise est de réaliser des bénéfices, pas de faire le bonheur
d’autrui.

Lorsqu’à l’occasion d’un contrôle, l’administration fiscale découvre un acte anormal de


gestion, elle procède en premier lieu à une rectification du résultat de l’entreprise. Autrement
dit, elle rehausse son bénéfice, et donc majore l’impôt, à hauteur, soit de la charge déduite à
tort, soit du manque à gagner. Dans cette seconde hypothèse, pour reprendre l’exemple du prêt,
le résultat est accru du montant des intérêts que l’entreprise aurait dû réclamer à l’emprunteur.
En second lieu, le bénéficiaire de l’avantage indu fait lui aussi l’objet d’une rectification. Il est
en effet imposable à l’IR à hauteur de l’avantage dont il a bénéficié.

Dernière condition, seuls des frais généraux régulièrement comptabilisés sont déductibles.

2° La comptabilisation des frais généraux

Comme toutes les charges, seuls sont déductibles les frais généraux correctement
comptabilisés, autrement dit, inscrits dans un compte qui leur correspond. Cette condition
élémentaire peut s’illustrer par une tentation de l’entreprise : « passer une immo en charges ».
Il s’agit d’acquérir un bien d’une valeur supérieure à 500 € HT, bien appelé à rester dans
l’entreprise mais, au lieu de l’immobiliser et de l’amortir, l’entreprise choisit de le comptabiliser
en frais généraux. De cette façon, la valeur du bien est immédiatement et intégralement déduite,
alors que l’amortissement ne permet d’en déduire le coût que sur sa durée d’utilisation.

Cette pratique est évidemment prohibée et, en cas de contrôle fiscal, coûte cher. En effet,
l’administration va rejeter les frais généraux des charges déductibles, ce qui augmentera le
résultat. L’entreprise ne peut alors prétendre à l’amortissement qu’elle aurait dû pratiquer, car
le bien acquis n’a pas été correctement comptabilisé. L’administration admet cependant que si
l’entreprise s’est seulement trompée, donc involontairement, en « passant l’immo en charges »,
elle peut déduire l’amortissement. Celui-ci n’est perdu que si elle a agi volontairement. Si, par
exemple, plusieurs immobilisations, sur plusieurs exercices, ont été passées en charges pour des
sommes importantes, on ne peut pas douter que l’entreprise ait agi volontairement.

Il ne suffit pas qu’une charge soit correctement comptabilisée pour ouvrir droit à déduction.
Elle doit aussi être appuyée d’un justificatif suffisant. Il s’agira le plus souvent d’une facture, à
l’appui de laquelle l’écriture comptable est passée. Le libellé de la facture, autrement dit la
description du bien livré ou du service rendu, doit être suffisamment explicite. Par exemple,
une société de services informatiques indiquera qu’elle a changé la carte mère de tel ordinateur.
De cette façon, l’entreprise cliente pourra justifier qu’elle a eu raison de déduire la charge en
cause, car celle-ci lui a été utile. Si l’administration fiscale soutient le contraire, il lui revient
d’en apporter la preuve.

La variété des frais généraux est infinie, car ces charges son très diverses selon les
entreprises. Prenons un exemple, avec les frais d’assurance supportés par les entreprises.

29
C) Les frais généraux en matière d’assurance

L’entreprise peut tout d’abord contracter une assurance de dommages. Celle-ci la protège
contre plusieurs risques : vol, incendie, inondation, responsabilité, voire grèves et impayés. Il
est évidemment dans l’intérêt de l’entreprise de se couvrir contre ces risques, ce qui explique
que les primes sont déductibles. L’entreprise peut également contracter une assurance-vie, dont
les primes annuelles, par principe, ne sont pas déductibles (1°). Mais à tout principe il existe
des exceptions (2°).

1° Principe de non-déductibilité des primes annuelles d’assurance-vie

Un contrat d’assurance-vie constitue davantage un placement financier qu’une mesure de


prévoyance. L’entreprise confie des sommes d’argent à l’assureur, qui les fait fructifier. À la
fin du contrat, les primes ainsi payées, augmentées des intérêts, sont restituées, sous la forme
d’une indemnité. Mais l’entreprise peut profiter du contrat pour également se prémunir contre
un risque : le décès du dirigeant, événement qui lui causerait un préjudice certain. Dans ce cas,
le contrat présente une nature mixte : à la fois assurance-vie et assurance-décès. En application
d’un contrat mixte, l’argent fructifié sera restitué soit à la date où le risque se réalise, la mort
du dirigeant, soit à l’échéance (fin) du contrat si le risque n’advient pas.

Même dans cette hypothèse où l’assurance-vie couvre un éventuel dommage, elle demeure
avant tout un placement financier. En conséquence, les primes payées au titre de chaque
exercice ne sont pas déductibles, il faut donc les réintégrer sur le tableau n° 2058 A. En effet,
l’entreprise se contente de placer son argent : ce placement constitue un emploi des bénéfices
dégagés et non une charge ayant permis leur réalisation. Cependant, que le contrat soit mixte
ou non, l’année où l’indemnité est versée, la somme reçue constitue un produit, qui augmente
le résultat, alors qu’aucune charge n’a été déduite. À titre de compensation, lors de ce même
exercice, les primes antérieurement payées deviennent déductibles en bloc, déduction à opérer
sur le tableau n° 2058 A. Le produit n’est donc imposable qu’après déduction des charges qui
ont permis sa réalisation.

Par exemple, une entreprise, lors de l’année N, contracte une assurance-vie pour placer ses
excédents de trésorerie. Elle profite de ce contrat pour se prémunir contre le décès de son
dirigeant. La prime annuelle est de 3 000 €. En N + 5, le dirigeant trouve la mort dans un
accident de voiture et l’entreprise reçoit de l’assureur une indemnité de 18 360 €.
Chaque année, l’entreprise comptabilise la prime en charges et la réintègre fiscalement
puisqu’elle n’est pas déductible. En N + 5, l’indemnité reçue constitue un produit qui,
comptabilisé comme tel, est imposable. Or, il ne peut y avoir de produit taxable là où il n’y a
pas de charges à déduire. Les primes deviennent donc déductibles en bloc. Il convient dès lors
de procéder à une déduction fiscale de 3 000 × 6 ans (de N à N + 5) = 18 000 €.

Il existe cependant deux hypothèses où les primes annuelles d’assurance-vie sont


déductibles, au titre de chacun des exercices inclus dans la durée du contrat.

2° Exceptions

D’une part, lorsque l’entreprise souscrit un emprunt auprès de sa banque, il est fréquent que
celle-ci exige la souscription d’une assurance-décès sur la tête du dirigeant. Si celui-ci meurt
avant que l’emprunt ne soit entièrement remboursé, l’assureur verse à la banque les sommes
restant à payer. Ici les primes annuelles sont déductibles car l’entreprise n’a pas souscrit

30
volontairement le contrat d’assurance-vie, comme elle le ferait pour placer de l’argent, elle y a
été contrainte par la banque.

D’autre part, l’entreprise peut contracter une assurance-vie « homme clé ». Il s’agit
uniquement de se prémunir contre le risque de décès ou d’invalidité du dirigeant ou d’une
personne déterminante pour l’activité (par exemple le styliste vedette d’une maison de couture).
Dans cette hypothèse, les primes annuelles sont déductibles car le contrat est bien plus proche
de l’assurance de dommages que de l’assurance-vie. Il s’agit en effet, et seulement, de se
prémunir contre le risque de pertes de produits d’exploitation causées par la mort ou l’invalidité
de l’homme clé.
Au contraire, dans l’hypothèse examinée plus haut où l’entreprise profite d’un contrat
d’assurance-vie pour se protéger contre le risque de décès du dirigeant, on est bien davantage
en présence d’un placement financier que d’une assurance de dommages.

Une précision, enfin, pour laquelle nous allons momentanément quitter les charges pour
retourner aux produits. Qu’il s’agisse d’un contrat « homme clé » ou d’une assurance
garantissant le remboursement d’un emprunt, la perte d’une personne déterminante de
l’entreprise est toujours un événement difficile pour celle-ci. La loi en tient compte en offrant
un régime de faveur s’agissant du produit représenté par l’indemnité versée par l’assureur.
L’entreprise peut étaler ce produit sur cinq ans : l’année de perception de l’indemnité et les
quatre exercices suivants. À l’inverse, une entreprise déficitaire pourra choisir de renoncer à ce
régime de faveur, pour comptabiliser la totalité du produit sur le seul exercice de perception de
l’indemnité.

Nous avons évoqué, à plusieurs reprises, la question des amortissements. Il est temps
d’approfondir ce point.

§2. Les amortissements

L’entreprise, grâce à l’amortissement, doit tenir compte de la dépréciation de ses


immobilisations. On verra pourquoi et selon quelles conditions (A). Il existe plusieurs modes,
ou techniques, pour calculer un amortissement (B), de manière à déduire les charges qu’il
représente (C).

A) Le fondement et les conditions de l’amortissement

Pourquoi faut-il pratiquer un amortissement sur les immobilisations, quelle en est la raison,
le fondement (1°) ? Quels sont les biens et valeurs qu’il convient d’amortir (2°) ?

1° Le fondement de l’amortissement

L’amortissement est une mesure de bonne gestion. Il consiste à prévoir le renouvellement à


terme des immobilisations qui se déprécient avec le temps. Chaque année, l’entreprise déduit
une charge, appelée annuité ou dotation. Cette charge annuelle vient réduire le bénéfice soumis
à l’impôt. Elle permet donc à l’entreprise de conserver une part de ses profits pour être en
mesure de remplacer une machine, par exemple, le jour où celle-ci deviendra hors d’usage car
totalement usée. L’annuité correspond à la valeur du bien divisée par le nombre d’années de
son utilisation. Ainsi, une entreprise achète une machine qu’elle prévoit d’utiliser pendant cinq
ans ; le coût de l’immobilisation est divisé par cinq, ce qui correspond à chacune des annuités
déduites sur les cinq années.

31
Outre l’usure matérielle, une immobilisation peut également se déprécier par obsolescence,
c’est-à-dire une usure technologique. Ainsi, une machine en état de marche mais dépassée
techniquement est remplacée par une autre, plus moderne, de manière à atteindre une plus
grande compétitivité.

L’amortissement permet également de traduire au plan comptable la réalité économique de


l’entreprise. En effet, si le bilan ne faisait apparaître que la valeur d’acquisition des
immobilisations, il serait inexact s’agissant des investissements anciens. Car la valeur réelle
d’une machine, par exemple, ce n’est pas son coût d’acquisition, mais ce coût moins le temps
passé depuis son achat, moins les annuités comptabilisées. L’amortissement permet donc de
garantir la sincérité du bilan en évitant qu’une immobilisation y figure pour une valeur qui n’est
plus la sienne.

Quels sont maintenant les biens et valeurs que l’on peut amortir ?

2° Les biens amortissables

Seule une immobilisation peut être amortie, à savoir un bien affecté à l’exploitation pendant
plus d’un an et dont la valeur est supérieure à 500 € HT. Seule l’entreprise qui détient la
propriété d’une immobilisation peut amortir celle-ci. Ainsi, lorsqu’un bien est donné en
location, l’amortissement est pratiqué par le propriétaire, tandis que le locataire déduit les
loyers. Seule une immobilisation inscrite à l’actif du bilan peut être amortie.

Enfin, et bien sûr, seules les immobilisations qui se déprécient avec le temps sont
susceptibles de faire l’objet d’un amortissement. Rares sont les immobilisations qui ne perdent
pas de valeur avec le temps. Ce sont notamment les terrains lesquels, a priori, ne peuvent pas
« s’user ». Un bâtiment est censé se déprécier. Par exemple, on peut concevoir, dans une usine
de produits chimiques, que des projections de substances corrosives, comme de l’acide,
viennent détériorer les murs. Mais s’agissant d’un magasin, cette dépréciation est toute
théorique, car si l’immeuble est bien situé, dans une rue commerçante, il ne peut normalement
que prendre de la valeur. Malgré cela, il faut amortir les immeubles commerciaux, mais sur une
période pouvant aller jusqu’à 50 ans. De même, un immeuble de bureaux doit être amorti.

Il existe plusieurs techniques, ou modes, pour calculer un amortissement.

B) Les modes d’amortissement

L’entreprise peut choisir entre deux modes de calcul des annuités d’amortissement. Le
premier correspond à l’amortissement linéaire, autrement dit constant, invariable ; le second se
rapporte à l’amortissement dégressif, ce qui signifie décroissant. Dans le mode linéaire, les
annuités sont toutes les mêmes, tandis que dans le mode dégressif, les premières sont plus
élevées que les suivantes.

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Le trait continu représente l’amortissement linéaire : les annuités demeurent constantes sur
la durée d’utilisation du bien. Le mot linéaire est l’adjectif du terme ligne. L’amortissement
dégressif correspond au trait en pointillé : le montant des annuités décroît sur la durée
d’utilisation. On devine que le mode dégressif est plus avantageux que celui linéaire, car le
premier permet de déduire les dotations aux amortissements plus rapidement que le second. Il
a pour but d’inciter l’entreprise à investir dans certains biens. Il s’agit, de manière générale,
d’immobilisations qui vont renforcer la capacité de production de l’entreprise ; par exemple
une machine, un ordinateur, un camion.

Si les amortissements et les provisions ont en commun d’anticiper des coûts futurs, une
différence fondamentale les oppose. En effet, les premiers constituent des charges définitives,
tandis que les secondes ne sont que provisoires.

§3. Les provisions

Étudions le régime général des provisions (A), avant d’examiner celles propres au secteur
des assurances (B).

A) Le régime général des provisions

Il va s’agir tout d’abord de définir ce qu’est une provision, d’en dégager la notion (1°), avant
de voir dans quelles conditions elle peut être déduite (2°). Une provision étant une charge
provisoire, viendra nécessairement un jour où il faudra l’annuler, en procédant à sa reprise (3°).

1° La notion de provision

Le concept de provision (a) conduit l’entreprise à devoir anticiper une perte ou une charge
(b).

a) Concept

Les provisions sont des charges dont le but est de faire face à des coûts futurs et probables.
Le concept n’est pas étranger à la vie de tous les jours. Par exemple un père de famille, prudent
et avisé, s’inquiète de voir son fils étudiant passer son temps à des jeux vidéo. Doutant que le
fils ait ses examens, le père met de l’argent de côté pour être en mesure de payer une nouvelle
année d’études. De même une entreprise constitue une provision, donc se réserve une somme,
de manière à pouvoir supporter une perte ou charge probable.

Par exemple, une entreprise craint que l’un de ses clients ne paye pas la facture qu’elle lui a
adressée, car il rencontre des difficultés financières. Elle doit comptabiliser une provision pour

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anticiper la perte que constituerait le non-paiement de la facture. Dans cette hypothèse, on parle
de provision pour créance douteuse. Le jour où la probabilité se réalise, le client est
effectivement incapable de payer sa dette, la perte envisagée devient certaine. Il faut donc
reprendre la provision, l’annuler en comptabilisant un produit de même montant, et constater la
perte en passant une charge, cette fois définitive.

Il faut distinguer selon que la provision a pour but d’anticiper une perte ou une charge.

b) Perte ou charge

I. Provision pour charge

Une provision suppose une incertitude, soit dans le principe, soit dans le montant d’une perte
ou charge, ou encore les deux à la fois. Par exemple, un camion de l’entreprise est accidenté à
la fin de l’exercice N. La décision est prise de le faire réparer, mais on ne sait pas encore quel
en sera le coût précis. Il faut donc provisionner en N le montant des travaux qui seront payés
en N+1. Il s’agit d’une provision pour charge, laquelle porte sur des coûts certains dans leur
principe (le camion sera réparé), mais pas dans leur montant (pour quelle somme ?). On parle
également de charge car le coût envisagé va permettre de bénéficier d’une contrepartie : même
si les travaux coûtent cher, l’entreprise va récupérer un camion en état de marche. De la même
façon, si l’entreprise paye des charges comme l’acquisition de stocks, cela représente un coût,
mais qui offre une contrepartie : les marchandises achetées.

II. Provision pour perte

À l’inverse, une provision pour perte présente une incertitude à la fois sur le principe et le
montant du coût envisagé, et ne permet pas de profiter d’une contrepartie.

Par exemple, une usine de produits chimiques se voit reprocher par ses voisins de les rendre
malades. L’entreprise estime qu’elle devra probablement indemniser les victimes et passe donc
une provision, autrement dit, la comptabilise. Ici, l’incertitude porte tant sur le principe du coût
envisagé (l’entreprise est-elle responsable de la maladie des voisins ?), que sur son montant (si
la responsabilité de l’entreprise est établie, à combien vont s’élever les indemnités ?). On parle,
dans cette hypothèse, de provision pour perte, car le coût envisagé ne permet pas de bénéficier
d’une contrepartie : l’entreprise va probablement devoir payer sans profiter en retour d’aucun
avantage. Il est question ici de perte au sens large.

Toujours au sens large, une perte peut également consister dans une dépréciation. Par
exemple, la créance douteuse de l’entreprise, telle qu’elle figure à l’actif de son bilan, doit être
dépréciée, car les chances qu’elle soit payée sont faibles. Là encore, l’entreprise risque de subir
un coût dépourvu de contrepartie. L’incertitude porte également sur le principe de la perte, car
il est possible que le débiteur acquitte la totalité de sa dette ; dans l’hypothèse inverse, le
montant qui sera payé reste incertain et l’on se rapproche alors de la provision pour perte au
sens étroit.

Au sens strict, une perte est un déficit, à savoir un solde négatif dégagé par une opération
qui conduit à engager plus de charges que de produits perçus. Par exemple, une entreprise creuse
un terrain dans l’espoir d’y trouver des métaux précieux. Or, à la fin de la première année
d’exploitation, très peu de métaux ont été découverts. Lorsque le chantier sera terminé, il est
probable que l’opération se solde par une perte. Pour autant, il existe une contrepartie aux

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travaux engagés : l’entreprise va tout de même trouver quelques métaux, qu’elle va pouvoir
vendre et ainsi dégager des produits. Mais le total de ceux-ci sera probablement inférieur aux
charges engagées, d’où le risque de déficit. C’est ce qui distingue la provision pour perte au
sens large de celle au sens strict : dans la première il n’existe aucune contrepartie, au contraire
de la seconde, mais le montant de cette contrepartie n’est pas suffisant pour éviter un déficit,
une perte.

Voyons maintenant dans quelles conditions on peut déduire une provision.

2° La déduction des provisions

Pour être en droit de déduire des provisions, l’entreprise doit respecter des conditions de
fond (a) et de forme (b).

a) Conditions de fond

L’article 39-1-5° du Code général des impôts autorise la déduction des « provisions
constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des
événements en cours rendent probables ». Le risque encouru doit donc être apprécié et évalué
de façon précise (I). La perte ou charge doit ensuite résulter d’un fait intervenu pendant
l’exercice comptable au titre duquel la provision est constituée (II). S’ajoute une condition qui
n’est pas explicitement prévue par l’article 39-1-5°, car elle est générale : l’entreprise ne peut
déduire qu’une provision qui se rapporte à des pertes ou charges elles-mêmes déductibles (III).
Par exemple, une provision relative à une sanction ne saurait être déduite.

I. Des pertes ou charges nettement précisées

Cette condition se rapporte tant au principe qu’au montant des pertes ou charges. Quant à
leur principe, les coûts envisagés doivent être probables et non simplement éventuels. La
probabilité se situe entre la certitude et l’éventualité. Une charge ou perte certaine doit être
comptabilisée à titre définitif. Un coût simplement éventuel ne doit pas apparaître dans les
comptes, car il n’est pas suffisamment probable pour exister. Enfin, une perte ou charge
probable, vraisemblable, doit faire l’objet d’une provision.

Quant à leur montant, les pertes ou charges valablement provisionnées sont celles évaluées
de façon précise. Autrement dit, il convient de calculer le coût qu’elles peuvent représenter avec
une approximation suffisante. Même s’il n’est pas besoin d’aboutir à un calcul à l’euro près,
cette évaluation peut être difficile. Ainsi, dans l’exemple du terrain de métaux précieux, la perte
envisagée est particulièrement délicate à calculer. Il convient néanmoins de déterminer ces
coûts avec la plus grande précision possible.

Le montant des provisions doit donc faire l’objet d’un examen au cas par cas. Mais, le
recours à des statistiques est autorisé. Par exemple, une entreprise qui fabrique des appareils
électro-ménagers sait que certains produits seront défectueux. Dans cette hypothèse, les clients
feront jouer la garantie et il faudra réparer ou remplacer les articles en cause. Dès lors que
l’entreprise tient chaque année des statistiques précises sur le nombre d’appareils défectueux,
elle peut déduire une provision déterminée à partir de ces calculs.

Par ailleurs, n’est déductible que la provision qui trouve son origine dans l’exercice
comptable en cours.

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II. Rattachement à l’exercice en cours

Le principe d’indépendance des exercices comptables oblige l’entreprise à rattacher les


produits et les charges à un exercice déterminé. Les provisions sont soumises à cette règle
puisqu’elles constituent des charges. On ne peut donc pas déduire une provision qui résulte d’un
fait intervenu après la clôture de l’exercice.

Par exemple, une entreprise détient une créance sur un client qui a déposé son bilan le 1er
décembre de l’exercice N. Ledit client s’étant lui-même déclaré en situation de faillite, la
créance devient douteuse et doit être provisionnée au titre de cet exercice. Mais si la procédure
collective (de faillite) se poursuit lors de l’exercice N+1, voire les années suivantes, la provision
doit être maintenue tant que la créance reste douteuse.

Enfin, les provisions ne sont déductibles que si elles se rapportent à des pertes ou charges
elles-mêmes déductibles.

III. Des pertes ou charges déductibles

Une provision ayant pour but d’anticiper un coût, elle ne peut être déduite que si elle se
rapporte à des pertes ou charges qui seront elles-mêmes déductibles quand elles deviendront
définitives. Par exemple, une entreprise sait, peu de temps avant la clôture d’un exercice, qu’elle
va subir une amende dont le montant n’est pas encore déterminé. Elle doit comptabiliser une
provision en retenant le chiffre le plus vraisemblable. Mais, une sanction prévue par la loi
n’étant pas déductible, la provision doit être réintégrée sur le tableau n° 2058 A.

Aux conditions de fond pour être en droit de déduire une provision, s’ajoutent des conditions
de forme.

b) Conditions de forme

L’article 39-1-5° du CGI n’admet la déduction que des provisions comptabilisées d’une part,
à raison d’une écriture régulière d’autre part. De plus, les charges en cause doivent être
mentionnées sur un tableau de la liasse fiscale consacré aux provisions. Ce document a pour
but de faciliter le travail de l’administration qui, en l’examinant, peut s’assurer que le total des
provisions n’est pas anormal, voire abusif. Si une provision n’apparaît pas sur le tableau, cela
ne fait pas obstacle à sa déduction, mais l’entreprise s’expose à une amende.

Une provision étant une charge provisoire, viendra nécessairement un jour où il faudra la
reprendre.

3° La reprise des provisions

En passant une provision, l’entreprise n’a fait qu’anticiper l’avènement d’un risque. Si celui-
ci se réalise, il faudra quitter le provisoire pour rejoindre le définitif. Par exemple, la créance
douteuse ne sera effectivement pas payée. La provision doit être reprise, ce qui conduit à
comptabiliser un produit, lequel vient annuler la charge qui fut initialement déduite pour
constater la provision. De cette façon, le provisoire est effacé de la comptabilité. Reste le
définitif, à savoir que la perte anticipée est devenue certaine : la créance ne sera pas payée. Il
convient alors de la comptabiliser comme telle, sous la forme d’une charge, définitive.

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Qu’en est-il si le risque ne se produit pas ? Par exemple, contre toute attente, la créance
douteuse est payée, intégralement. Dans cette hypothèse, il convient également de reprendre la
provision. En revanche, il n’est pas besoin de comptabiliser une perte puisque celle-ci,
finalement, n’existe pas.

Une provision peut et doit être reprise par l’entreprise qui l’a passée, mais aussi par
l’administration en cas de contrôle fiscal. Une provision irrégulière sera alors rejetée des
charges et viendra donc augmenter le résultat.
La provision peut être irrégulière dès l’origine, n’ayant pas respecté les conditions de
déduction. Par exemple, elle se rapporte à une sanction, sans avoir fait l’objet d’une
réintégration fiscale.
La provision peut également devenir sans objet. Dans cette hypothèse, elle était régulière à
l’origine, mais le risque qu’elle a anticipé s’est réalisé, ou au contraire n’est pas advenu.
L’entreprise aurait dû alors reprendre la provision, ce qu’elle n’a pas fait, l’administration va
donc procéder elle-même à cette reprise.

B) Les provisions propres au secteur des assurances

Ces provisions (1°) font l’objet d’une taxe spéciale (2°).

1° Les provisions

Certaines grandes entreprises disposent des moyens financiers pour comptabiliser des
provisions de propre assureur. En d’autres termes, plutôt que de souscrire des contrats
d’assurance, elles se prémunissent elles-mêmes contre les risques d’incendie, vol, inondation,
etc. Ces provisions ne sont pas déductibles car les pertes ou charges envisagées ne sont
qu’éventuelles et générales, elles ne résultent pas de faits précis dont l’avènement est probable.
À l’inverse, les primes versées en application d’un contrat d’assurance sont déductibles.

L’assureur peut quant à lui déduire des provisions pour sinistres à payer. Ces provisions sont
comptabilisées à la fin de l’exercice en cours (N) à raison des sinistres nés pendant cet exercice
mais qui seront indemnisés en N+1. Les coûts que devra supporter l’assureur sont certains dans
leur principe mais pas dans leur montant. Il revient à l’assureur de calculer les indemnités les
plus précises possibles. À ces indemnités s’ajoutent les frais de gestion des sinistres, ce qu’on
appelle dans le secteur des assurances le chargement. Les provisions pour sinistres à payer sont
des charges, qui viennent réduire les bénéfices et donc l’impôt. Il serait dès lors tentant pour
l’assureur de déduire des provisions excessives. C’est pourquoi il existe une taxe sur les
excédents de provisions pour sinistres.

2° Taxe spéciale

Cette taxe est due par toutes les entreprises d’assurances de dommages, ce qui exclut
l’assurance-vie. Par ailleurs les entreprises en cause doivent être soumises à l’IS et exercer une
activité en France. La base de la taxe porte donc sur les excédents de provisions. Par exemple,
un sinistre a lieu en novembre de l’année N, il sera indemnisé en N+1. L’assureur estime qu’il
devra verser une indemnité de 1 000 €. Il provisionne donc cette somme au titre de l’exercice
N. En N+1, après instruction du dossier, assureur et assuré s’entendent sure une indemnité de
800 €. Toujours au titre de N+1, l’assureur reprend la provision de 1 000 et passe une charge
définitive de 800. L’excédent est donc de 200. Il est corrigé cette même année N+1, puisqu’en

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N l’assureur a déduit une provision de 1 000, qu’il a reprise en N+1 pour le même montant. Il
reste que l’assureur a profité d’un avantage de trésorerie de 200 au titre de l’année N.

Pour calculer la base à partir de laquelle on calcule la taxe, on retient le taux de l’IS, en
estimant que l’excédent a permis à l’assureur de faire une économie temporaire de cet impôt.
Dans notre exemple, la base est donc 200 x 25 % = 50. Il existe cependant une franchise de 3
%, qui correspond en d’autres termes à une marge d’erreur. Sachant que l’évaluation des
indemnités est difficile, la loi reconnaît que l’assureur peut se tromper dans la mesure de 3 %.
La base est donc réduite de 50 – 3 % = 48,5.

Le taux de la taxe est de 0,40 % par mois écoulés entre la clôture des deux exercices. Dans
notre exemple il y a donc 12 mois. Le taux applicable à notre exemple est donc de 12 x 0,40 %
= 4,8 %. La taxe s’élève à 48,5 x 4,8 % = 2,33 €.

Imaginons maintenant que l’assuré soit en désaccord avec l’indemnité proposée par
l’assureur. Après de longues discussions, l’assureur parvient à convaincre le client, en N+2, du
bien-fondé de l’indemnité de 800 €. Sachant que 24 mois séparent les années N et N+2, le taux
applicable est de 24 x 0,40 % = 9,6 % et le montant de la taxe s’élève à 48,5 x 9,6 % = 4,66 €.
L’assureur paye deux fois plus cher alors qu’il ne s’est pas trompé sur le montant de l’indemnité,
mais il a profité de l’avantage de trésorerie pendant 24 mois au lieu de 12.

La taxe doit être payée avec la TVA du mois d’avril de chaque année.

3e partie. TVA et taxes diverses

Les entreprises d’assurance paient très peu de TVA, l’activité d’assurance en elle-même, on
le verra, étant exonérée. En revanche, elles sont soumises à cet impôt pour nombre de leurs
activités annexes, par exemple une compagnie qui procède à de la gestion de patrimoine. Les
expertises d’assurance sont imposables à la TVA, dès lors qu’elles sont menées par des
personnes indépendantes, autrement dit, se trouvant à la tête d’une entreprise.
La place que laisse la TVA est occupée par d’autres taxes.

Titre 1. La TVA

Après être remonté aux origines de la TVA, qui permettent de comprendre son mécanisme
(chapitre 1), on étudiera le champ d’application de l’impôt (chapitre 2), autrement dit les
opérations qui y sont soumises, puis on verra comment on calcule la TVA (chapitre 3).

Chapitre 1. Les origines et le mécanisme de la TVA

Le chemin qui conduisit le système fiscal français à adopter la TVA fut long et complexe,
on ne peut ici qu’en présenter un tableau simplifié. Ce sont les ancêtres de la TVA (section 1),
particulièrement les défauts qui les caractérisaient, qui ont fait naître cet impôt (section 2),
lequel eut le mérite de corriger leurs imperfections.

Section 1. Les ancêtres de la TVA

Le premier ancêtre de la TVA est apparu en 1917, en plein conflit mondial, où l’effort de
guerre conduisait à engager des dépenses publiques considérables. Face à ces besoins, l’État
décide d’instaurer un impôt général sur la dépense : la taxe sur les paiements. Cette imposition

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portait sur toutes les ventes au détail, elle venait s’ajouter au prix des biens vendus et était
supportée par le consommateur. Elle avait l’avantage d’être simple, mais souffrait d’un très
gros défaut : la fraude. En effet, si la vente n’était pas déclarée, l’État ne percevait rien.

En 1920, on eut l’idée de la remplacer par une taxe cumulative. C’est-à-dire une imposition
qui n’est pas seulement acquittée par le consommateur à la fin du circuit économique, mais par
tous les acteurs de ce circuit. Prenons l’exemple de la vente d’une baguette de pain achetée par
un consommateur. On distingue quatre acteurs dans ce circuit : l’agriculteur, qui cultive le blé ;
le meunier, qui moud le grain pour obtenir de la farine ; le boulanger, qui transforme la farine
en pain ; et le consommateur, qui achète la baguette. Pour réduire les risques de fraude, on
demande à chacun des acteurs d’acquitter l’impôt, lors des ventes successives de blé, de farine
et de pain. Cette imposition cumulative fut appelée la taxe sur le chiffre d’affaires. Le chiffre
d’affaires est constitué par l’ensemble des ventes réalisées par une entreprise. Aujourd’hui
encore, la TVA fait partie de cette famille d’impôts qu’on continue d’appeler taxes sur le chiffre
d’affaires, dès lors que leur base est constituée par le total des ventes.

Si la taxe cumulative permettait de limiter la fraude, en revanche elle souffrait également


d’un gros défaut, celui de provoquer une forte hausse des prix. Car toutes les entreprises du
circuit économique répercutaient l’imposition sur le prix de vente. L’agriculteur payait la taxe
et en majorait le prix du blé. Le meunier vendait la farine augmentée de la taxe également due
par lui, mais dans le prix de cette farine on trouvait celle acquittée par l’agriculteur. Enfin le
boulanger vendait le pain en ajoutant la taxe dont il était redevable. Si bien que le prix final
comportait les impositions payées par l’agriculteur, le meunier et le boulanger. Donc on assistait
à un phénomène de taxes en cascade, encore appelé effet boule de neige.

Non seulement ce système était inflationniste, mais de plus il faussait la concurrence. Car
plus le circuit économique était long, plus le prix final des marchandises était augmenté, par
l’effet en cascade. Si, par exemple, le meunier recourait à un grossiste pour distribuer sa farine
auprès des boulangers, le prix du pain en était accru, car s’y ajoutait la taxe payée par un acteur
supplémentaire. Un grossiste est un marchand en gros, qui sert d’intermédiaire entre le
producteur et le détaillant. Au contraire, le pain vendu à la fin d’un circuit qui ne comportait
pas de grossiste était moins cher. Pour réduire ces effets antiéconomiques, on a inventé le
système de la déduction, laquelle caractérise la TVA. La taxe sur la valeur ajoutée est née avec
le mécanisme de la déduction.

Section 2. La naissance de la TVA

Reprenons l’exemple de la baguette de pain. Le meunier a acheté du blé à l’agriculteur pour


600 €. Lors de cette vente le paysan doit acquitter une taxe de 10 %, soit 60 €, qu’il répercute
sur le prix du blé. Donc au total le meunier lui paye son blé 660 € TTC (toutes taxes comprises),
ou 600 € HT (hors taxes). Le meunier transforme le blé en farine et la vend à un boulanger pour
1 000 € HT ; lui-même doit payer sur cette vente une taxe de 10 %, soit 100 €. Au lieu de devoir
verser ces 100 € au Trésor, le système de la déduction lui permet de retirer de cette somme la
taxe répercutée par l’agriculteur. Donc le meunier va payer un impôt de 100 – 60 = 40 €.

Ce montant de 40 € est appelé TVA nette, laquelle correspond à la différence entre la TVA
brute (ou collectée) et la TVA déductible. La TVA brute est celle que le professionnel facture
à son client, en plus du prix des marchandises : elle est collectée auprès de ce client. Le
boulanger achète la farine au meunier pour un prix HT de 1 000 €, plus une TVA collectée de
100 €, soit 1 100 € TTC. La TVA déductible correspond à la taxe que le meunier a lui-même

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dû débourser pour acheter le blé à l’agriculteur, soit 60 €. La TVA nette est donc de 100 – 60 =
40 €.

Le meunier HT TVA TTC TVA brute TVA déductible TVA nette


achète 600 60 660 - 60 100 - 60
vend 1 000 100 1 100 100 - = 40

C’est le système de la déduction qui a fait naître, en 1954, la taxe sur la valeur ajoutée. La
valeur ajoutée est la richesse créée par un professionnel. Par exemple le meunier ajoute de la
valeur au blé dès lors qu’il le transforme en farine, ce qui explique que la farine soit plus chère
que le blé. La TVA ne va atteindre que cette valeur et non le prix de vente du produit. Donc elle
ne provoque pas d’effet cumulatif, elle est peu inflationniste. De plus elle est neutre
économiquement : qu’importe la longueur du circuit économique, dès lors que la TVA atteint
uniquement la valeur que chaque entreprise ajoute au produit, et non son prix de vente. À raison
de ses grandes qualités, de nombreux pays dans le monde ont adopté le système de la TVA,
notamment les États membres de l’Union européenne. Si bien qu’aujourd’hui la TVA est très
largement régie par le droit communautaire ou droit de l’Union européenne. Le succès de la
taxe sur la valeur ajoutée s’explique avant tout par sa rentabilité, due à un champ d’application
très large.

Chapitre 2. Le champ d’application de la TVA

Ce champ permet de distinguer les opérations imposables à la TVA (section 1) de celles qui
n’y sont pas soumises (section 2).

Section 1. Les opérations imposables

Elles sont définies par un texte fondamental, l’article 256 I du Code général des impôts :
« Sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre
onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ». En apparence cette définition semble
constituer une tautologie. C’est-à-dire une sorte de pirouette intellectuelle qui, pour répondre à
une question, renvoie à la question elle-même. En effet, les opérations imposables sont définies
comme celles effectuées par des personnes assujetties, c’est-à-dire soumises à la TVA. Tandis
que les assujettis sont identifiés comme des personnes réalisant des opérations imposables à la
TVA. Bref on tourne en rond. Il faut donc approfondir les notions d’assujetti (§1) et d’opération
imposable (§2).

§1. La notion d’assujetti

Une opération imposable à la TVA est celle réalisée lors d’une activité économique, c’est-
à-dire une activité menée par un professionnel indépendant. Celui-ci est constitué par une
personne se trouvant à la tête d’une entreprise, pour la diriger librement et qui est seule
responsable des décisions prises en son nom. À l’inverse un professionnel dépendant est par
exemple un salarié, tenu par son contrat de travail de respecter les instructions que lui donne
son employeur ; il se trouve donc sous la dépendance de celui-ci. Fiscalement, on entend par
entreprise toutes les entités économiques indépendantes qui exercent une activité industrielle,
commerciale, agricole ou libérale. Cela englobe donc les commerçants et artisans, les sociétés
industrielles et commerciales, les agriculteurs et les professions libérales.

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Ces professionnels indépendants ont la qualité d’assujetti dès lors qu’ils réalisent des
opérations qui entrent dans le champ d’application de la TVA. Ils perdent cette qualité s’ils
accomplissent des actes qui se situent hors de ce champ. C’est pourquoi l’article 256 I précise
qu’il doit s’agir d’assujettis agissants en tant que tels. Par exemple un plombier, notre ami
Mario, installe une baignoire chez un client. Dans cette situation il se comporte comme un
assujetti, il exerce une activité économique. À l’inverse, si Mario se rend à un vide-greniers –
une brocante d’amateurs – pour y vendre la baignoire de sa grand-mère qui traînait dans son
garage depuis 30 ans, il n’agit plus à titre de professionnel indépendant mais comme un
particulier. S’il vend la baignoire de sa grand-mère, cette cession ne sera pas soumise à la TVA,
car il ne s’agit pas d’une opération imposable.

§2. La notion d’opération imposable

Sont imposables à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services (A) réalisées
à titre onéreux, c’est-à-dire moyennant une contrepartie. Le concept de contrepartie a été précisé
par celui de lien direct (B).

A) Livraison de bien ou prestation de service

Toutes les opérations effectuées par les entreprises ne sont pas soumises à la TVA. Seules
sont imposables les livraisons de biens et les prestations de service. Les livraisons de biens sont
le plus souvent des ventes, c’est-à-dire des contrats qui prévoient le transfert de la propriété
d’un bien moyennant le versement d’un prix. Les prestations de services sont définies comme
englobant toutes les opérations qui ne constituent pas des livraisons de biens. Cette définition
négative permet de donner à la TVA le champ d’application le plus large possible. Par exemple,
sont des services les transports, les locations, les activités des professions libérales ou encore
des artisans, ces derniers se définissant à raison d’une activité essentiellement manuelle.

Les prestations de service, comme les livraisons de biens, ne sont imposables que si elles
sont effectuées à titre onéreux, c’est-à-dire moyennant une contrepartie. Au contraire une
opération réalisée à titre gratuit n’est pas imposable, car elle ne peut correspondre à une activité
économique. Le plus souvent la contrepartie est constituée par le versement d’un prix,
correspondant à une vente ou un service. Mais le champ d’application de la TVA s’étend à toute
opération qui présente une contrepartie. Par exemple une entreprise verse une somme d’argent
à une agence de publicité, contre l’engagement de celle-ci de ne pas travailler pour une autre
entreprise concurrente. La rémunération de cette obligation de ne pas faire constitue une
opération imposable. Le concept de contrepartie a été précisé avec la notion de lien direct.

B) Lien direct

Ce lien direct suppose que la personne qui verse la contrepartie bénéficie en échange d’un
avantage individualisé. Il faut donc être en présence d’un engagement de fournir un bien ou un
service déterminé à une personne précise. Celle-ci profite donc d’un avantage direct.

Prenons un exemple tiré de la réalité. Cela se passait aux Pays-Bas, dans la rue, où se
répandait le son joyeux d’un orgue de barbarie. Le joueur d’orgue avait disposé devant lui une
soucoupe pour recevoir un peu d’argent. Or un fonctionnaire des impôts passait par là et
entendit soumettre le musicien à la TVA, en considérant qu’il réalisait une opération entrant
dans le champ d’application de l’impôt. L’affaire alla jusque devant le juge qui donna tort à
l’administration fiscale. En effet, il n’existait aucun contrat conclu entre le joueur et les

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passants. Les piétons ne versaient d’argent qu’à titre volontaire et à raison de sommes dont le
montant était décidé par eux seuls.

Par ailleurs, le juge souligna l’absence de lien direct entre la prestation musicale et l’argent
versé. Car les passants n’avaient pas demandé que la musique fût jouée à leur profit. S’ils ont
pu donner de l’argent au joueur ce n’était pas seulement à raison de la prestation réalisée par
celui-ci, mais aussi pour des raisons subjectives, telle que la sympathie que leur inspirait le
musicien, ou le petit singe grimpé sur son épaule. Les versements étant purement gracieux,
volontaires, le juge en a déduit que la prestation musicale n’était pas une opération imposable
à la TVA.

Section 2. Les opérations non soumises à la TVA

Parmi ces opérations qui ne donnent pas lieu au paiement de la TVA, il faut bien distinguer
celles qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’impôt (§1) de celles qui en sont
exonérées (§2).

§1. Les opérations hors du champ d’application de la TVA

N’entrent pas dans le champ d’application de la TVA les opérations qui ne correspondent
pas à une activité économique. Ce sont avant tout celles réalisées par les particuliers (A), mais
aussi les opérations faites à titre gratuit (B).

A) Les opérations des particuliers

Les livraisons de biens et les prestations de service faites par des particuliers, même à titre
onéreux, ne donnent pas lieu à une TVA collectée, mais elles n’autorisent pas non plus la
déduction de la TVA. Nous savons qu’un assujetti peut se comporter comme un particulier dès
lors qu’il n’agit pas en tant que professionnel indépendant – en tant que tel. Les particuliers sont
aussi appelés des consommateurs finaux : ils se trouvent à la fin d’un circuit économique,
comme la vente d’une baguette de pain dans notre exemple. Ils payent la TVA lorsqu’ils
consomment – quand ils acquièrent un bien ou un service. La TVA est un impôt sur la
consommation, car elle est supportée par le consommateur final sur le prix de vente du produit.

À l’inverse chaque assujetti du circuit économique paye au Trésor une TVA qui n’est pas
calculée sur le prix des biens vendus ou des services réalisés, mais seulement sur la valeur
ajoutée qu’il a produite. C’est pourquoi il est plus intéressant d’être assujetti que particulier ou
encore professionnel exonéré, comme un médecin. En effet, dès lors que l’assujetti sert de
collecteur d’impôt au profit du Trésor, on rémunère le service qu’il rend en ne l’imposant que
sur sa valeur ajoutée Les autres opérations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la
TVA sont celles réalisées à titre gratuit.

B) Les opérations faites à titre gratuit

Les personnes qui agissent à titre gratuit ne sont pas soumises à la TVA, car celle-ci suppose
nécessairement une opération faite à titre onéreux. Ainsi les personnes publiques,
essentiellement l’État et les collectivités locales, ne sont normalement pas sujettes à la TVA
car, en principe, les services publics sont gratuits. Leurs opérations ne sont imposables que si
elles sont réalisées à titre onéreux et qu’elles entrent en concurrence avec une activité identique
exercée par des personnes privées. On ne veut pas, en effet, qu’une activité soit moins chère

42
qu’une autre parce qu’elle ne supporte pas de TVA, alors que les conditions de leur exercice
sont les mêmes. Par exemple les droits d’inscription à l’Université ne sont pas soumis à la TVA,
car ils sont réclamés par une personne publique pour les besoins d’un service public. À l’inverse
des activités de recherche menées par une université, dès lors qu’elles sont commandées par
une entreprise et facturées à celles-ci, supportent de la TVA. En effet un laboratoire privé
pourrait rendre la même prestation.

Les associations se situent par principe en dehors du champ d’application de la TVA, car
normalement leurs opérations sont faites à titre gratuit. Cependant, si elles réalisent des
opérations à titre onéreux qui font concurrence à des entreprises, elles entrent dans le champ
d’application de l’impôt. Leur activité est alors imposable à la TVA de manière à ce que les
prix qu’elles pratiquent soient les mêmes que ceux du secteur marchand.

Il faut bien distinguer les opérations non imposables, pour ne pas entrer dans le champ
d’application de la TVA, et celles qui sont exonérées de l’impôt. En effet, les opérations qui ne
sont pas dans le champ de la TVA ne peuvent jamais donner lieu à une déduction, contrairement
à celles exonérées. On en prendra un exemple un peu plus loin avec les cessions de fonds de
commerce.

§2. Les opérations exonérées de TVA

Nous savons qu’un assujetti est une personne qui réalise des opérations entrant dans le champ
d’application de la TVA. Pourtant certains assujettis sont exonérés : leur activité est
normalement imposable, pour se situer dans le champ de l’impôt, mais une disposition expresse
de la loi, une règle issue de celle-ci, prévoit qu’elle ne supporte pas de TVA. Dans cette
hypothèse on sera en présence d’assujettis non redevables. Deux raisons principales conduisent
la loi à décider d’une exonération : des motifs sociaux (A) et le souci d’éviter une double
imposition (B). Par ailleurs les plus petites entreprises sont exonérées de TVA, de manière à
alléger leurs obligations, également parce qu’elles ne sauraient produire des rentrées fiscales
importantes. Enfin on examinera plus loin une exonération tout à fait particulière, celle profitant
aux exportateurs.

A) Exonérations motivées par des raisons sociales

Des motifs sociaux expliquent l’exonération des activités médicales. Il s’agit de rendre les
soins moins chers pour les patients et de soulager les finances de la Sécurité sociale qui, si la
TVA s’appliquait, devrait la rembourser aux malades. Cependant on verra plus tard que la vente
de médicaments est imposable à la TVA. Les médecins se plaignent de leur exonération, car
celle-ci constitue un cadeau empoisonné. En effet, être redevable de la TVA oblige certes à
verser au Trésor l’impôt collecté sur les clients, mais cela permet aussi de déduire la TVA
acquittée sur les charges.

Pour le comprendre prenons l’exemple d’un médecin, donc exonéré, et d’un avocat,
redevable. Tous les deux choisissent d’engager une dépense : l’achat de cartouches d’encre,
pour alimenter des imprimantes. Chacune des acquisitions est réalisée pour le même prix de
100 €. Par ailleurs l’avocat et le médecin facturent des honoraires à un client pour un même
montant de 150 €. Toutes les opérations en cause sont soumises au taux normal de la TVA de
20 %.

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L’avocat HT TVA coût de l’impôt
facture 150 € collectée : 150 x 20 % = 30 € 30 – 20 =
achète 100 € déductible : 100 x 20 % = 20 € 10 €

L’avocat, redevable, doit collecter 30 € de TVA ; mais il peut déduire 20 € sur l’achat du
vêtement professionnel. La TVA lui coûte 10 €.

Le médecin HT TVA coût de l’impôt


facture 150 0 (exonération) 20 – 0 =
achète 100 20 20

Le médecin, exonéré, ne facture pas de TVA à son client, cependant il ne peut pas déduire
la taxe qu’il a dû payer lors de l’achat des cartouches. La TVA lui coûte 20 €. Il trouve une
consolation lorsqu’il s’agit de calculer son bénéfice imposable à l’IR. Ce bénéfice est égal aux
recettes encaissées moins les dépenses payées au titre de l’activité professionnelle. N’étant pas
redevable, le médecin peut déduire ses dépenses TTC, au contraire de l’avocat qui les déduit
HT. À raison du même achat, le bénéfice imposable du médecin sera réduit de 120 € ; contre
100 € pour l’avocat.

Ce sont également des motifs sociaux qui expliquent que certaines activités d’enseignement
sont exonérées. Il s’agit des enseignements scolaires et universitaires. Lorsqu’ils donnent lieu
au paiement d’un prix, celui-ci a l’avantage de ne pas comporter de TVA. Mais la générosité
fondée sur des motifs sociaux trouve rapidement ses limites, car des cours de langue, de sport,
ou de conduite automobile, dès lors qu’ils sont donnés en dehors du cadre scolaire ou
universitaire, sont imposables. D’autres exonérations permettent d’éviter une double
imposition.

B) Exonérations tendant à éviter une double imposition

Cette double imposition serait produite par l’application de la TVA et, en plus, d’une autre
imposition qui porte spécifiquement sur l’activité en cause. Ainsi les opérations d’assurance
font l’objet d’une imposition spéciale, la taxe sur les conventions d’assurance, à ce titre elles
sont exonérées de TVA. En effet la TVA ne serait pas adaptée à ces activités, dans lesquelles
la valeur ajoutée est difficile à déterminer. Comment la calculer quand une compagnie
d’assurance indemnise un client à raison d’un sinistre, sachant que le risque est mutualisé entre
tous les assurés ? On a donc préféré soumettre le secteur des assurances à une imposition mieux
adaptée à sa spécificité.

Les cessions de fonds de commerce, par lesquelles on vend une entreprise, sont des
opérations entrant dans le champ d’application de la TVA. Mais elles sont exonérées parce
qu’elles subissent une autre imposition, les droits d’enregistrement. Cependant le vendeur et
l’acheteur, même s’ils réalisent une opération exonérée, gardent la qualité d’assujetti. Ils
peuvent donc déduire la TVA sur les frais occasionnés par cette cession. Par exemple, si le
vendeur a fait appel à un agent immobilier pour rechercher un acheteur, la TVA facturée par
l’intermédiaire est déductible. À l’inverse, le particulier qui a recours au même intermédiaire
pour vendre un immeuble ne peut en aucun cas procéder à cette déduction. C’est toute la
différence entre l’opération exonérée et celle qui se situe hors champ : si la première ne fait pas
toujours obstacle à une déduction de TVA, la seconde l’interdit absolument.

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Maintenant que nous savons quelles sont les opérations soumises à la TVA, voyons comment
on calcule l’impôt.

Chapitre 3. Le calcul de la TVA

La différence entre la TVA collectée (section 1) et la TVA déductible (section 2) aboutit à


la TVA nette, celle devant être versée au Trésor par le redevable (section 3).

Section 1. La TVA collectée

Trois éléments sont nécessaires à sa détermination. Tout d’abord le temps, car il faut savoir
quand la TVA doit être payée. Pour se situer dans le temps fiscal, on dispose de deux
instruments : le fait générateur et l’exigibilité de l’impôt (§1). Le deuxième élément est
constitué par la base imposable, à savoir le prix du bien livré ou du service rendu. Il suffit
d’appliquer le taux sur la base pour obtenir le montant de la TVA. Mais il existe plusieurs taux,
il faut en conséquence savoir quel est celui applicable à l’opération en cause. Le taux (§2) forme
donc le troisième et dernier élément.

§1. Fait générateur et exigibilité

Le fait générateur est l’événement qui donne naissance à la dette d’impôt. L’exigibilité est
la date à compter de laquelle le Trésor est en droit de réclamer le paiement de sa créance. En
pratique l’exigibilité permet de déterminer la période d’imposition à laquelle il convient de
rattacher une opération imposable. De même c’est au moment où la TVA devient exigible pour
le fournisseur que le client pourra la déduire.

S’agissant des ventes, l’exigibilité coïncide avec le fait générateur : tous les deux sont
constitués par le même événement, la livraison. Par exemple une entreprise livre des
marchandises à une autre le 10 mars, le fait générateur et l’exigibilité sont réalisés ce même
jour. Le vendeur devient redevable de la TVA collectée, sa dette doit être rattachée au mois de
mars, qui constitue la période d’imposition. De même l’acheteur pourra déduire la TVA,
toujours au titre de ce même mois.

En matière de prestations de services les règles sont différentes. En effet, par nature un
service est immatériel, on ne peut donc parler de la livraison d’un service. Il a dès lors fallu
retenir un autre fait générateur, celui de l’exécution. C’est une fois le service exécuté, achevé,
que la dette de TVA prend naissance. De plus, le fait générateur et l’exigibilité ne coïncident
pas : l’exigibilité intervient lors du paiement du prix par le client. En retenant cette règle du
paiement on a voulu prendre une garantie supplémentaire : dès lors que le client a payé, on est
assuré que le service a bien été rendu. Pour calculer sa TVA collectée, le prestataire va donc
additionner chaque mois tous les paiements qu’il a reçus de ses clients. Reste à savoir quel est
le taux applicable.

§2. Les taux de la TVA

Le taux normal de 20 % est celui de droit commun, de principe. Toute opération soumise à
la TVA est donc passible du taux normal, sauf si la loi prévoit expressément l’application d’un
autre taux, alors moins élevé. Dans cette hypothèse, en effet, il s’agit de corriger l’injustice que
représente la TVA, laquelle réclame le même sacrifice fiscal pour l’achat du même bien ou
service, sans tenir compte de la plus ou moins grande richesse du consommateur. La loi prévoit

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en conséquence l’application de taux minorés, dont le but est de rendre moins chers certains
biens ou services. Il s’agit du taux réduit de 5,5 % (A), du taux intermédiaire de 10 % (B) et du
taux spécial de 2,1 % (C). Seuls relèvent de ces taux réduits les biens et services visés par la
loi. Il convient de retenir tous ces taux : 20 %, 10 %, 5,5 % et 2,1 %.

A) Le taux réduit de 5,5 %

Ce premier taux réduit permet de fortement baisser le prix des biens et services visés, car le
consommateur n’a pas à payer un prix de vente majoré d’une TVA de 20 %, mais seulement de
5,5 %. Ainsi les appareils et équipements pour personnes handicapées relèvent du premier taux
réduit. C’est également le cas de la culture, de manière à en favoriser la diffusion ; les livres et
les spectacles (cinémas, théâtres, concerts, etc.) sont donc taxés à 5,5 %.

Mais le tarif de 5,5 % vise surtout ces produits de première nécessité que sont les aliments,
tout le monde devant se nourrir, ne serait-ce que pour survivre. Il s’agit donc de rendre la
nourriture moins chère pour les pauvres, même si les riches en profitent aussi. Cependant, tous
les aliments ne relèvent pas du taux de 5,5 %. Ainsi le caviar est taxé à 20 % car, si tout le
monde doit se nourrir, il n’est pas indispensable de le faire en consommant ce nectar très
coûteux. Bien qu’il constitue un aliment, le caviar n’est donc pas un produit de première
nécessité. Le même raisonnement est suivi pour le chocolat. Celui dit ménager, que l’on utilise
pour la cuisine, est taxé au premier taux réduit. En revanche, le « chocolat de plaisir »,
notamment sous forme de tablette, relève du taux normal, car on le consomme davantage pour
se faire du bien que pour se nourrir. Le même motif explique que l’on taxe également la
confiserie à 20 %. L’alcool relève aussi de ce taux, car on ne souhaite pas en encourager la
consommation.

B) Le taux intermédiaire de 10 %

Le second taux réduit, de 10 %, est plus connu sous le nom de taux intermédiaire. Son but
est là encore de minimiser le coût de certains biens ou services, mais dans une moindre mesure
que le taux de 5,5 %. Par exemple, le transport de personnes relève du taux intermédiaire, de
façon à encourager l’utilisation des transports en commun. Alors que le transport de
marchandises forme une prestation de service comme une autre, donc imposable à 20 %.
L’hébergement de personnes est également taxé à 10 %, qu’il s’agisse des hôtels, gîtes ou
campings. Dernier exemple : la restauration relève du taux intermédiaire, donc les cafés et
restaurants, sauf s’agissant de l’alcool, qui continue de relever du taux normal.

C) Le taux spécial de 2,1 %

Ce taux dit super réduit est spécial car il s’applique à deux catégories de biens seulement.
Tout d’abord les journaux, ou plus généralement les périodiques (quotidiens, magazines,
revues), donc tout ce qui est publié périodiquement, y compris sur Internet. Cette aide
économique en faveur des entreprises de presse poursuit un but de pluralisme politique : plus il
existe de journaux, plus il y a d’opinions émises.

Sont également soumis au taux de 2,1 % les médicaments remboursés par la Sécurité sociale.
Il s’agit de soulager les finances de celle-ci, qui ne doit ainsi supporter qu’une TVA minime.
Les médicaments non remboursables sont imposés à 10 %.

De la TVA collectée le redevable retire la TVA déductible.

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Section 2. La TVA déductible

Le mécanisme même de la TVA permet de déduire la taxe payée par l’entreprise sur ses
dépenses. Ainsi le redevable n’est imposé que sur la valeur ajoutée qu’il produit. Cette logique
explique que là où il n’y a pas de TVA collectée, il ne peut y avoir de TVA déductible. De
même qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Pour exercer le droit à déduction, autrement dit celui
de déduire de la TVA, il faut être à la fois assujetti et redevable. Ce droit est soumis à des
conditions (§1) que l’entreprise doit respecter. S’il est général, s’il concerne toutes les charges
ayant supporté de la TVA, il existe cependant des exceptions à ce principe (§2).

§1. Les conditions du droit à déduction

La TVA n’est déductible que si elle a été acquittée sur des biens ou des services qui seront
eux-mêmes utilisés pour les besoins d’une opération imposable. Chez un commerçant, par
exemple, la TVA grevant le prix des marchandises achetées est déductible, car l’objet d’un
commerce est d’acheter des biens pour les revendre. Il y a donc une correspondance entre la
TVA que l’entreprise a payée en amont et celle qu’elle va collecter en aval. Autrement dit, la
TVA relative aux achats présente un lien immédiat avec celle portant sur les ventes. Si en
revanche le commerçant fait payer par l’entreprise un bouquet de fleurs qu’il offre à son épouse,
la TVA n’est pas déductible. Car les fleurs ne sont pas utilisées pour les besoins d’une opération
imposable, d’une vente réalisée par l’entreprise.

Par principe le droit à déduction est général, il porte sur l’ensemble des charges exposées
par l’entreprise qui ont supporté de la TVA. Mais à ce principe, il existe des exceptions.

§2. Les exceptions au droit à déduction

Certains biens et services n’ouvrent pas droit à déduction, par exemple ceux relatifs au
transport des personnes. Ainsi lorsqu’une entreprise achète un véhicule de tourisme, la TVA
sur cette acquisition n’est pas déductible. Un véhicule de tourisme correspond à une voiture
ordinaire, par opposition à un véhicule utilitaire, comme un camion. De même les frais
d’entretien ou de réparation de la voiture n’ouvrent pas droit à déduction. Dans le même ordre
d’idée, un redevable ne peut déduire la TVA lorsqu’il prend le train, ou un taxi, même s’il s’agit
se rendre chez un client. L’État soutient que les dépenses en cause ne sont pas strictement
professionnelles, puisqu’un particulier peut également se déplacer. Cette explication n’est guère
convaincante. En réalité, il s’agit d’éviter des déductions importantes qui pourraient
compromettre la rentabilité de l’impôt. Ainsi une entreprise n’est pas encouragée à acquérir une
voiture de tourisme coûteuse dès lors qu’elle ne peut déduire la TVA. De même, elle fera
voyager ses salariés en seconde classe plutôt qu’en première.

En soustrayant la TVA déductible à la TVA collectée, on obtient la TVA nette, celle qu’il
faut verser au Trésor.

Section 3. Le paiement de la TVA

Par principe la TVA doit être payée chaque mois. Seules les entreprises dont le chiffre
d’affaires est faible n’ont à la verser que tous les semestres. Les redevables totalisent leur TVA
collectée et déductible et déterminent ainsi le montant de l’impôt à verser au Trésor. Ces travaux
d’assiette et de liquidation, autrement dit le calcul de la base et de l’impôt, sont consignés dans

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une déclaration, souscrite auprès du fisc en même temps que le versement de la TVA.
Aujourd’hui, la transmission de la déclaration et le règlement de l’impôt se font par Internet.

Un redevable peut n’avoir rien à payer s’il dispose d’un crédit de TVA (§1), ou encore s’il
s’agit d’un exportateur (§2).

§1. Les crédits de TVA

Il arrive qu’un redevable n’ait rien à payer. Cela se produit lorsque sa TVA déductible est
supérieure à celle collectée. Par exemple une entreprise achète une machine, coûteuse ; elle
déduit à ce titre une TVA supérieure à la TVA collectée du mois d’acquisition du bien. Dans
cette hypothèse l’entreprise dispose d’un crédit de TVA, à raison duquel les rôles sont inversés :
le redevable n’est plus le débiteur du Trésor, il devient son créancier. Le crédit dégagé au titre
d’un mois est reportable sur la TVA nette des mois suivants jusqu’à épuisement. Autrement dit,
la créance vient s’imputer sur la dette représentée par la TVA nette à venir, jusqu’à sa
disparation.

Par exemple, durant le mois de janvier de l’année N, une entreprise achète une machine sur
laquelle elle déduit une TVA de 60 000 €. Au titre de ce même premier mois de l’année, elle a
collecté une TVA de 25 000 €, et dégagé une TVA déductible de 5 000 € sur ses charges
courantes. Elle dispose donc d’un crédit de (25 000 – 5 000) – 60 000 = - 40 000 €. Bien entendu,
toujours à raison de ce mois de janvier, elle n’a aucune TVA à payer, puisque sa situation est
créditrice. En février de l’année N, l’entreprise dégage une TVA nette de 15 000 €, qu’elle
impute sur le crédit, soit 15 000 – 40 000 = - 25 000 €. Ici encore, pour le mois de février, elle
n’a rien à payer dès lors qu’elle demeure créditrice. En mars, sa TVA nette s’élève à 30 000 €.
Le crédit reportable vient s’imputer sur cette somme : 30 000 – 25 000 = 5 000 €. La créance
est épuisée, la société doit payer, au titre du mois de mars, une TVA nette de 5 000 €.

Mais l’entreprise peut également choisir, si le crédit dépasse une certaine somme, de se le
faire rembourser par le Trésor. On remarquera que les entreprises sont encouragées à investir :
si elles font l’acquisition d’une nouvelle machine, plus performante que l’ancienne, elles sont
provisoirement dispensées de payer de la TVA et peuvent même recevoir de l’argent du Trésor.
Le régime des exportations est encore plus favorable.

§2. Les exportations

Certains assujettis, les exportateurs, sont en situation de crédit permanent. Dans la logique
de la TVA, impôt sur la dépense, les exportations sont exonérées car la consommation n’a pas
lieu dans le pays de départ des marchandises, mais dans celui d’arrivée. À l’inverse les
importations sont imposables, puisque les produits sont consommés dans l’État d’arrivée.
Normalement, si une exonération dispense de collecter la TVA, elle ne permet pas de la déduire.
Or, pour inciter les entreprises à exporter, les ventes vers l’étranger sont effectivement
exonérées, mais le droit à déduction est conservé, sur l’ensemble des charges de l’entreprise.
Autrement dit, on déroge à un principe fondamental : pas de TVA déductible sans TVA
collectée. Pour les entreprises exportatrices, il y a donc de la fumée sans feu. L’entorse est
tellement énorme, que certains auteurs soutiennent qu’il ne s’agit pas d’une exonération, que
les exportations sont imposables mais au taux zéro. En réalité, dès lors que ce taux n’existe pas,
du moins en France, il s’agit bien d’une exonération, mais particulière, c’est le moins que l’on
puisse dire.

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Les entreprises dont la totalité ou une part importante du chiffre d’affaires est constituée par
des exportations bénéficient donc d’une situation très avantageuse. En effet, elles n’ont pas ou
peu de TVA collectée, alors qu’elles disposent d’une TVA déductible, d’où une situation de
crédit permanent. Il ne sert à rien de reporter cette créance, car tous les mois sont créditeurs.
C’est pourquoi les entreprises exportatrices se font régulièrement rembourser leur crédit de
TVA. Il est clair ici que le Trésor subventionne les exportations.

Titre 2. Autres taxes

Si les entreprises d’assurance paient très peu de TVA, elles sont cependant redevables
d’autres impositions : la taxe sur les salaires et la taxe sur les conventions d’assurance.

A) La taxe sur les salaires

Cette taxe fait partie d’une famille d’impositions qu’on appelle taxes assises sur les salaires.
Comme leur nom l’indique, elles sont calculées à partir des rémunérations versées par
l’entreprise. La base est calculée sur les salaires bruts, autrement dit cotisations sociales
comprises. Outre la taxe sur les salaires, il existe trois autres impositions assises sur les salaires.
Il s’agit de la taxe d’apprentissage, de la participation à la formation professionnelle continue
et de la participation à la construction de logements. Les deux premières impositions ont pour
but d’obliger les entreprises à investir dans la formation professionnelle, qu’elle soit continue
ou initiale s’agissant de l’apprentissage. La formation continue est proposée au salarié tout au
long de sa carrière, dans le but d’améliorer ses aptitudes professionnelles. L’apprentissage est
une formation de base, en vue d’acquérir une qualification professionnelle, et qui alterne
enseignements théoriques et stages pratiques. Bien entendu, les salariés de l’entreprise sont les
premiers à bénéficier des dépenses de formation. L’investissement obligatoire dans la
construction contraint les entreprises à participer à la création de logements sociaux, sachant la
pénurie, en France, d’habitations à faible loyer.

Si l’entreprise investit effectivement dans la formation professionnelle et la construction de


logements, les dépenses ainsi réalisées sont dites « libératoires ». À savoir qu’elles dispensent
de devoir payer les taxes au Trésor. C’est seulement dans l’hypothèse où lesdites dépenses ne
sont pas engagées, ou insuffisamment, qu’il faudra acquitter les taxes.

La taxe sur les salaires est en principe due par tous les organismes privés qui emploient des
salariés, mais en réalité très peu la paient. En effet, elle n’est exigible que pour les entreprises
qui ne sont pas soumises à la TVA, particulièrement les banques et les compagnies
d’assurances. Comme la nature, l’impôt a horreur du vide, si bien que la place laissée vacante
par la TVA est occupée par la taxe sur les salaires. Celle-ci applique plusieurs taux (4,25 % ;
8,50 % et 13,60 %), qui augmentent à mesure de l’importance de chaque rémunération versée.

Une difficulté se présente avec les entreprises partiellement soumises à la TVA : elles
exercent plusieurs activités, dont certaines relèvent de cet impôt et d’autres pas. Toutefois, par
mesure de simplification, la taxe sur les salaires n’est pas due lorsque le chiffre d’affaires de
l’entreprise soumis à la TVA est égal ou supérieur à 90 % des recettes totales. Si la proportion
est inférieure à ce seuil, il faut calculer la part occupée respectivement par la taxe sur les salaires
et la TVA. Par exemple, une entreprise réalise un chiffre d’affaires total de 400, dont 180
correspondent à une activité non soumise à la TVA. Le rapport d’assujettissement à la taxe sur
les salaires est de 180 / 400 = 45 %. Il convient donc de calculer la taxe et de multiplier le
montant obtenu par 45 % pour aboutir à l’imposition finalement due.

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B) La taxe sur les conventions d’assurance

Cette taxe vise toutes les conventions d’assurance que celles-ci soient signées avec un
assureur français ou étranger. Elle est due dès lors que le risque est situé en France, par exemple
un immeuble assuré contre l’incendie et construit sur le territoire national, ou encore un assuré
ayant son domicile en France. Pour une entreprise, on retient le lieu de son principal
établissement, celui où les décisions les plus importantes sont prises. Par exemple, une société
dispose d’un siège à une adresse prestigieuse à Paris, mais également d’un immeuble en
banlieue, où elle réunit son conseil d’administration. Son principal établissement est situé dans
cette banlieue.

La base, ou valeur, à partir de laquelle est calculée la taxe est le montant des primes arrivées
à échéance, autrement dit celles dont la date de paiement est atteinte ou expirée. Cela signifie
que même si la prime n’est pas payée, alors qu’elle aurait dû l’être, la taxe qui s’y rapporte est
due. Ce qui peut causer des difficultés de trésorerie à l’assureur, car il doit verser la taxe même
s’il n’a pas encaissé la prime.

L’assureur ou courtier doit la payer chaque mois au Trésor. Depuis le 1er janvier dernier, le
télérèglement est obligatoire, autrement dit le paiement doit être fait en ligne. En même temps
que l’assureur ou courtier paye, il doit déposer une déclaration, souscrite par voie électronique.

Les taux sont très variables. Il existe tout d’abord un tarif de principe de 9 %, qui s’impose
à défaut de l’application d’un autre taux. En matière d’incendie, le taux est de 30 %, mais il
descend à 7 % s’il s’agit d’assurer des biens appartenant à une entreprise ou une collectivité
locale. En matière automobile, il est de 18 % (15 % pour les camions).

Les exonérations sont tout aussi nombreuses. On notera les principales. Tout d’abord les
assurances-vie, sauf celles souscrites en garantie d’un prêt. Les assurances de groupe, souscrites
au profit de l’ensemble des membres d’un groupe ; par exemple une entreprise qui fait
bénéficier ses salariés d’une assurance maladie complémentaire. Dernier exemple, les contrats
souscrits par les agriculteurs, à l’exception des véhicules agricoles.

Enfin, il existe des contributions additionnelles à la TCA, dont la finalité est le plus souvent
d’alimenter des fonds de garantie. Par exemple, le fonds de garantie des assurances obligatoires
de dommages est financé par un prélèvement supplémentaire de 2 % s’agissant des
automobiles ; l’assureur doit donc verser au Trésor, la TCA au taux de 18 % plus la contribution
additionnelle de 2 %.

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