Vous êtes sur la page 1sur 8

Incoterms® 2020 : la prophylaxie Laurent FEDI

juridique au service de la vente Professeur associé


Kedge BS - CESIT
internationale

ENGLISH SUMMARY
Incoterms® 2020 entered into force on 1 January 2020. Codified by the Inter-
national Chamber of Commerce (ICC) in Paris since 1936, the standardized ICC
Incoterms have become key legal instruments of international trade and are reco-
gnised worldwide. While the new codification does not constitute a “revolution”, it
reinforces the existing terms with accurate and detailed explanations for parties to
sale and purchase contracts. Moreover, the new version introduces some significant
changes, including a new term called “Delivered at Place Unloaded” (DPU), greater
insurance protection for CIP and a “Bill of Lading option” for FCA. Incoterms® 2020
should reduce the risks of misunderstanding or confusion and provide better legal
protection for international sales.

Introduction
Depuis le 1er janvier, les « Incoterms® 2020 »(1) sont désormais en vigueur et
les opérateurs du commerce international peuvent s’y référer. Outils fondamentaux
des ventes internationales de marchandises, matières premières, produits finis ou
semi-finis, les incoterms facilitent les échanges grâce à leur simplicité d’utilisation.
Pour rappel, les « international commercial terms » ou « INCOTERMS », désignent
différents acronymes de trois lettres tels que les fameux FOB, CFR ou CIF, définissant
les principales obligations des parties au contrat de vente domestique ou internatio-
nale de marchandises. L’achat-vente dans un contexte international demeure toute-
fois le champ d’application « originel » des incoterms.
Codifiés depuis 1936 par la Chambre de Commerce Internationale (ICC) de Paris,
les incoterms sont révisés régulièrement, au rythme d’une décennie en moyenne
depuis 1980. Les incoterms ICC ont acquis une importance grandissante ces der-
nières années quant à leur diffusion sur de grands continents dont l’Asie et l’Amé-
rique du Nord, mais également au regard de leur portée juridique(2). Comparée aux

(1) « Incoterms® 2020 : les règles de l’ICC pour l’utilisation des termes de commerce nationaux et
internationaux » ICC Publication : 723EF, ISBN: 978-92-842-0512-7, 401 pages.
(2) V. Egéa : « La vente maritime internationale : un archipel d’internormativité concrète », Les Cahiers
de droit Volume 59, n° 1, mars 2018, p. 167-197.

204 Lamy Le Droit Maritime Français DMF Nº 822 — Mars —2020

DMF822_2020.indb 204 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

Incoterms® 2010(3), la codification 2020 ne constitue pas en soi une révolution en


profondeur mais plutôt une consolidation du contenu des règles existantes(4). Onze
incoterms sont à nouveau en vigueur dont un seul changement de terme, le « DPU »
ou « Rendu au lieu de destination déchargé ». Au-delà de cette nouvelle règle, les
Incoterms® 2020 comportent également des évolutions importantes qui visent à
renforcer la compréhension des termes et à prévenir les choix erronés ou pour le
moins inappropriés des parties au contrat de vente.
En premier lieu, nous analyserons le caractère particulièrement didactique et
prophylactique des Incoterms® 2020 (I). En second lieu, nous traiterons des modifi-
cations substantielles de la nouvelle codification (II).

I. UNE VERSION 2020 DIDACTIQUE ET PROPHYLACTIQUE


Les Incoterms® 2020 ont pour objectif principal de consolider les règles exis-
tantes. Si la version des Incoterms® 2010 FR-UK comportait environ 300 pages, les
nouvelles règles bénéficient d’une centaine de pages supplémentaires traduisant à
la fois l’effort didactique des rédacteurs (A) et la portée prophylactique de ce millé-
sime 2020 (B).

A. Un effort didactique
Le contentieux du contrat de vente internationale démontre régulièrement la
mauvaise utilisation ou compréhension des incoterms que ce soit par de grandes
entreprises ou PME(5). D’une manière générale, les conséquences des « approxima-
tions » dans le recours aux incoterms prennent une acuité particulière lorsque la
marchandise est réceptionnée avec des avaries et que les parties ne trouvent pas
de compromis à l’amiable. Dès lors, la question du respect des obligations et inci-
demment des responsabilités devient déterminante. Or, c’est toute la substance de
l’incoterm que de définir les limites de l’engagement contractuel du vendeur et de
son client acheteur.
Comment améliorer alors la compréhension et renforcer la connaissance des
parties quant à leurs obligations découlant de l’incoterm choisi ? Les rédacteurs de
la codification 2020 ont certainement trouvé une partie de la réponse : proposer
une version plus didactique et pédagogique. Nous pouvons affirmer que l’objectif
est atteint. En effet, les rédacteurs ont élaboré une version très précise complétée
par de nombreux schémas afin que le vendeur et l’acheteur puissent choisir au mieux

(3) L. Fedi : « La nouvelle codification des Incoterms® 2010 : entre simplification et rationalisation de
la vente maritime internationale », DMF n° 724 avr. 2011, p. 303-313 et « Incoterms® 2010 : un tour
d'horizon maritime », Gazette de la Chambre arbitrale de Paris n° 44, Automne 2017, p. 5-7.
(4) L. Fedi : « Incoterms® 2020 : les apports de la nouvelle codification », Gazette de la Chambre arbitrale
de Paris, janv. 2020, n°51, p.2-4.
(5) P. Delebecque : lire les commentaires de jurisprudence au DMF Hors-Série n°21, 22 et 23 notamment.
Du même auteur : « L’entreprise et la vente internationale de marchandises – Cadre juridique », Ed. Créda
2015, 246 pages.

DMF Nº 822 — Mars — 2020 Lamy Le Droit Maritime Français 205

DMF822_2020.indb 205 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

l’incoterm approprié tout en maîtrisant précisément le contenu de leurs obligations


respectives au niveau des coûts et des risques encourus.
Ainsi, les « notes conseils » de chaque règle Incoterms® 2010 sont devenues
des « notes explicatives pour les utilisateurs » comportant plusieurs schémas repré-
sentant les étapes clés de l’expédition des marchandises dont le lieu de livraison, le
transfert des risques et des frais. Lesdits schémas permettent de visualiser aisément
la répartition du « binôme » risques-coûts et de comprendre la logique de l’incoterm
choisi. A la différence de l’unique schéma quelque peu « simpliste » et monochrome
de la version 2010, plusieurs schémas détaillés en couleur sont proposés pour chaque
règle incoterm avec un code couleur attribué aux obligations du vendeur (le bleu),
de l’acheteur (le jaune-or) et le vert lorsque lesdites obligations sont partagées. Les
notes explicatives font désormais partie intégrante des incoterms et acquièrent une
valeur juridique.
En outre, si l’introduction des Incoterms® 2010 comportait seulement 9 pages,
celle des 2020 est beaucoup plus étoffée (19 pages) expliquant la portée des
nouveaux termes. Au-delà du rappel de l’objet des règles incoterms, c’est-à-dire
« qui fait quoi entre le vendeur et l’acheteur » (dont l’organisation du pré-ou post
acheminement, le transport principal, la souscription de l’assurance transport, les
formalités douanières, l’obtention du document de transport, etc.), cette intro-
duction insiste sur ce que les incoterms ne couvrent pas au regard du contrat de
vente. Les rédacteurs rappellent qu’il appartient toujours aux parties de régler les
questions relatives au transfert de propriété, aux modalités de paiement, à la force
majeure ou l’imprévision, au droit applicable ou encore à la méthode de résolution
des litiges.
In fine, cette nouvelle version souligne à nouveau le danger du recours aux va-
riantes d’incoterms où les parties modifient le contenu d’une règle telle que l’« EXW
loaded ». Si cette pratique traduit pleinement le principe de l’autonomie de la volon-
té applicable au contrat de vente internationale, elle doit être utilisée avec prudence
par les cocontractants qui doivent en circonscrire le contenu au niveau des frais et
des risques.

B. Une portée prophylactique


A l’instar de leurs prédécesseurs, les Incoterms® 2020 proposent dix caté-
gories d’obligations à la charge du vendeur (A1-A10) et de l’acheteur (B1-B10).
L’ordre des obligations entre les parties a cependant été réorganisé afin de
mettre en exergue les points essentiels tels que la livraison de la marchandise,
le transfert des risques que peut subir la marchandise pendant les différentes
phases de transport ainsi que le transfert des frais. Désormais, un seul article
compile l’ensemble des coûts à la charge du vendeur (A9) et de l’acheteur (B9).
Cet effort de rationalisation devrait éviter les sources d’erreurs et incidemment
de recours contentieux.
En outre, les Incoterms® 2020 proposent une présentation « horizontale » de
tous les articles similaires (A1, B1, A2, B2, etc.) pour chaque règle avec le détail des

206 Lamy Le Droit Maritime Français DMF Nº 822 — Mars —2020

DMF822_2020.indb 206 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

obligations des parties(6). Cette synthèse très détaillée permet de mieux comprendre
et de connaître précisément le contenu des obligations des parties au contrat de
vente. De manière générale, cette synthèse devrait s’avérer fort utile pour les opé-
rateurs qui ne maîtrisent pas bien les incoterms et de leur permettre d’évaluer avec
exactitude les différences d’une règle à l’autre.
A fortiori, les rédacteurs ont rappelé comment intégrer les Incoterms® au
contrat de vente : « [règle Incoterms choisie] [port, lieu ou endroit désigné] Inco-
terms 2020 » ex. « CIF Le Havre Incoterms® 2020 ». L’incoterm doit en effet être
toujours suivi du lieu convenu afin de déterminer précisément le point de transfert
des coûts et / ou de livraison selon la règle choisie. A fortiori, il est conseillé de ne
pas omettre la référence à la codification ICC en particulier lorsqu'une des parties
réside dans un pays régi par la loi anglaise. Bien qu’ils pratiquent les Incoterms ICC,
nos amis Anglo-Saxons ont un cadre juridique bien spécifique eu égard aux ventes
internationales notamment en ce qui concerne les ventes maritimes(7).
Par ailleurs, les informations relatives à la dichotomie existante entre livrai-
son - transfert des risques et transfert des frais pour les incoterms de la famille
« C » n’ont jamais été aussi explicitées(8) et on doit saluer cette initiative tant
les risques de confusion sont fréquents pour ces incoterms(9). Les opérateurs ont
trop souvent tendance à confondre la livraison du contrat de vente et celle du
contrat de transport(10). Enfin, il est à nouveau conseillé aux parties de se référer
à cette dernière codification dans la mesure où elle est censée correspondre aux
évolutions récentes des pratiques et de s’assurer de l’application des dispositions
standardisées ICC.
De manière synoptique, les Incoterms® 2020 sont toujours classés en fonction
de leur adaptation aux différents modes de transport :

Incoterms Maritimes et Fluviaux (hors conteneurs et unités standardisées)

Incoterm Description

FAS Free Alongside Ship – Franco le long du navire


FOB Free On Board – Franco à bord
CFR Cost and Freight – Coût et fret
CIF Cost Insurance and Freight – Coût assurance et fret

(6) Incoterms® 2020 : « Texte des règles article par article » p. 147-196.
(7) F. Lorenzon : « Sassoon C.I.F and F.O.B contracts », Sweet & Maxwell, Sixth Edition, 796 p. et L. Fedi :
« Sassoon: CIF and FOB Contracts, le droit anglais des ventes maritimes », DMF n°802 mai 2018, p. 412-420.
(8) Lire notamment l’introduction des Incoterms® 2020, p. 3.
(9) B. Dreyer : « Les incoterms du groupe C : un vilain petit canard ? », Mélanges C. Scapel, 2013, p. 179-186.
(10) CA de Lyon (3ème Ch. A) - 15 septembre 2016 N° 15/02547, commentaires L. Fedi : « De l’intérêt de
bien choisir son incoterm », DMF n° 795 oct. 2017, p. 826 -831.

DMF Nº 822 — Mars — 2020 Lamy Le Droit Maritime Français 207

DMF822_2020.indb 207 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

Incoterms Multimodaux (applicables à tout mode de transport)

Incoterm Description

EXW Ex Works – A l’usine


FCA Free Carrier – Franco transporteur
CPT Carriage Paid To – Port payé
CIP Carriage and Insurance Paid To – Port payé assurance comprise
DAP Delivered at Place – Rendu au lieu de destination
DPU Delivered at Place Unloaded – Rendu au lieu de destination dé-
DDP chargé
Delivered Duty Paid – Rendu droits acquittés

Pour rappel, les Incoterms sont divisés en quatre groupes : E, F, C et D. Le groupe


« E » se résume à un seul terme de vente « A l’usine » (EXW) qui devrait être réservé
aux ventes domestiques car le vendeur ne se charge pas du dédouanement export.
Pertinent pour les expéditions au sein de l’Union européenne où il n’y a pas de for-
malités douanières entre les Etats membres, cet incoterm « refuge » des primo-ex-
portateurs ou des entreprises qui exportent des produits fragiles, doit être utilisé
avec prudence en particulier en ce qui concerne les opérations de manutention des
marchandises vendues(11) mais également par rapport à la nécessité de justifier la
vente hors-taxes auprès de l’administration fiscale(12). Dans le groupe « F » pour les
« Franco », le vendeur dédouane à l’exportation, ne contracte pas le transport prin-
cipal mais s’occupe généralement du pré-transport (FCA, FAS, FOB) bien que nous
verrons plus loin que le FCA peut être « usine ». Ensuite, le groupe « C » pour les
« Coût » ou « Port Payé » (CPT, CIP, CFR, CIF) qui engage le vendeur à organiser
le transport jusqu’au lieu convenu (port, aéroport, etc.) mais n’en assume pas les
risques dans la mesure où la livraison s’effectue avant le transport principal dans le
pays du vendeur en général.
Enfin, le groupe « D » pour les « Rendu » (DAP, DPU, DDP), en vertu desquels le
vendeur s’engage à livrer dans le pays de l’acheteur et assume les risques afférents
jusqu’au point de destination convenu qui peut être les locaux de l’acheteur. Le choix
d’une règle de ce groupe implique davantage d’obligations et donc de responsabili-
tés pour le vendeur. Le recours à un commissionnaire de transport est en l’espèce,
fortement recommandé sans négliger pour autant la souscription d’une assurance
transport.

(11) CA Paris (Pôle 2, 5ème Ch.) – 21 mai 2019 n° 18/15764, lire commentaires L. Fedi : « L’incoterm EXW :
le faux ami de la vente internationale », DMF n° 817 oct. 2019, p. 828-833.
(12) Conformément à l’art. 262-I du CGI, l’exonération de TVA ne concerne que les ventes ou transports
à destination de pays tiers à l’Union européenne. Pour bénéficier de l’exonération, le vendeur doit fournir
une preuve de la réalité de la sortie du territoire de l’UE. Il s’agit en général d’un justificatif tel que
l’exemplaire papier n° 3 de la déclaration douanière (DAU) ou de sa certification électronique validée
dans le cadre du dispositif ECS (art. 74 Annexe III CGI).

208 Lamy Le Droit Maritime Français DMF Nº 822 — Mars —2020

DMF822_2020.indb 208 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

II. LES MODIFICATIONS SUBSTANTIELLES DE LA CODIFICATION 2020


Au-delà des efforts de clarification et de pédagogie, la nouvelle codification
propose un certain nombre de modifications qui méritent d’être mentionnées et
d’autres davantage substantielles qu’il convient d’analyser. En ce qui concerne les
premières, deux points sont à relever. Tout d’abord, les Incoterms® 2020 prévoient
désormais que le transport de la marchandise puisse être effectué par les moyens
propres du vendeur ou de l’acheteur notamment en FCA, DAP, DUP et DDP. Bien que
silencieux sur les responsabilités encourues, il ne fait pas de doute que la partie en
charge dudit transport devra assumer les conséquences d’une prestation défaillante.
En second lieu, par rapport à la version 2010, les exigences des règles de sûreté sont
mieux généralisées au regard de leur répartition et de leurs coûts relatifs.
Nous concentrerons notre analyse sur les changements apportés à trois règles
existantes : le nouveau terme « DPU » en remplacement du DAT (A), l’option
connaissement pour le FCA (B) et l’assurance « tous risques » pour le CIP (C).

A. Un nouveau venu : le DPU


Les Incoterms® 2020 proposent une nouvelle règle : le DPU « Rendu au lieu de
destination déchargé ». Ce nouveau terme vient remplacer le DAT « Rendu au termi-
nal » apparu lors de la codification 2010. En DPU, le vendeur accomplit son obliga-
tion de livraison lorsque les marchandises, une fois déchargées du moyen de trans-
port, sont mises à disposition de l’acheteur au lieu désigné. De manière implicite, la
livraison en DPU peut s’effectuer dans n’importe quel lieu, et donc plus loin qu’au
terminal d’arrivée (portuaire, aéroportuaire, routier…). Si les coûts et les risques de
manutention ne doivent pas être négligés, le vendeur devra s’assurer de la faisabilité
du déchargement à destination via son organisateur de transport ou le transporteur
en charge du post-acheminement jusqu’au lieu de destination convenu. En outre, le
vendeur peut disposer de ses propres moyens de transport avec l’équipement appro-
prié pour le déchargement.
Toutefois, on peut regretter la suppression de l’incoterm DAT. Les infrastructures
portuaires et aéroportuaires étant organisées en terminaux depuis de nombreuses
années, il semblait cohérent de disposer d’un incoterm spécifique adapté à ces ins-
tallations d’autant que la définition de « terminal » était très large : « tout lieu qu’il
soit couvert ou non, tel un quai, un entrepôt, un parc de conteneurs ou un terminal
routier, ferroviaire ou aérien »(13). Certes, d’un point de vue contractuel, les parties
peuvent continuer à utiliser cet incoterm si elles le souhaitent mais la portée de cette
règle est à présent fortement amoindrie dans la mesure où elle est remplacée par le
DPU. Il sera intéressant d’observer la pratique des entreprises dans les mois à venir.

B. Le renforcement de la couverture d’assurance en CIP


Avec la codification 2020, l’assurance transport pour la règle CIP – « Port payé
assurance comprise jusqu’au lieu de destination désigné » – doit être souscrite en

(13) Notes-conseils du « DAT Rendu au terminal » in « Incoterms® 2010 », p. 183 – 189.

DMF Nº 822 — Mars — 2020 Lamy Le Droit Maritime Français 209

DMF822_2020.indb 209 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

« All risks », c’est-à-dire correspondant aux clauses « A » de l’Institute Cargo Clauses


(ICC - LMA /IUA)(14) ou aux « Tous risques » des polices françaises d’assurance ma-
ritime sur facultés(15). A contrario, ce renforcement de la couverture d’assurance ne
s’applique pas au CIF où la protection minimale est toujours requise (clause « C »
anglaise ou « FAP Sauf » des polices françaises).
Considérant le caractère très restrictif de l’assurance minimum, ce traitement
différencié est critiquable car l’acheteur CIF devrait bénéficier du même niveau de
protection que son homologue CIP. L’argument du renchérissement du coût des ma-
tières premières transportées par voie maritime(16) n’est guère pertinent au regard
des risques non-assurés avec les polices « FAP sauf » et au demeurant, le CIF reste
encore utilisé pour des expéditions conteneurisées avec de fortes valeurs. En pra-
tique toutefois, les parties restent libres d’ajuster le choix de la police et l’acheteur
ne doit pas hésiter à demander une couverture étendue à son fournisseur quand bien
même il en assume les frais afférents.
Par ailleurs, l’assurance doit toujours être contractée auprès d’un courtier ou
d’une compagnie de bonne réputation, son quantum demeure à hauteur de 110% de
la valeur de la marchandise et le certificat doit être libellé dans la devise du contrat
permettant un recours direct de l’importateur à destination(17).

C. L’option connaissement « embarqué » « en FCA


La règle FCA permet aux parties d’envisager deux lieux de livraison : soit dans les
« locaux du vendeur » soit dans « un autre lieu », à savoir un port, aéroport, plate-
forme logistique, gare routière, etc.(18). Ainsi, il est possible que les parties décident
d’un « FCA port d’embarquement ». Dans cette seconde hypothèse, bien que la li-
vraison ait lieu lors de la mise à disposition des marchandises au transporteur - donc
avant leur mise à bord du navire -, il est désormais possible que le vendeur fournisse
à son acheteur le connaissement ou « Bill of Lading » (B/L). Cette option vient satis-
faire en particulier les ventes sous couvert de crédit documentaire dans lesquelles
un B/L avec la mention « on board » (« embarqué ») est exigé dans l’accréditif. C’est
l’acheteur en charge de la conclusion du contrat de transport maritime, qui doit de-
mander à la compagnie choisie d’émettre le B/L et de le remettre au vendeur qui en
aura besoin pour son paiement. Cependant, le vendeur n’est censé assumer aucune
obligation - et donc responsabilité - en ce qui concerne les conditions du contrat de
transport.
Toutefois, la prise de risques pour le vendeur est considérable car notamment,
si le B/L comporte des mentions inexactes au regard de l’accréditif, le vendeur verra
son paiement « gelé », tout autant que si le navire est retardé, le vendeur risque de
ne pas respecter la date limite d’expédition du crédit documentaire et donc d’être

(14) J. Franck : « Policy updates brings cargo into modern era », Lloyd’s List du 26 mars 2009.
(15) J.-P. Thomas : « Modification de la police française d’assurance maritime sur facultés », DMF 2009,
p. 675.
(16) « Incoterms® 2020 » : lire p. 16-17.
(17) « Incoterms® 2020 » : CIP voir p. 62 et pour le CIF p. 140.
(18) « Incoterms® 2020 » : FCA p. 33 et suiv.

210 Lamy Le Droit Maritime Français DMF Nº 822 — Mars —2020

DMF822_2020.indb 210 9/3/20 9:51


NTG / doctrine

en défaut vis-à-vis de l’exécution de ce contrat très rigoureux(19). Dans la mesure où


le connaissement constitue un reçu de la marchandise et permet de garantir que la
marchandise a été effectivement chargée avec la mention « on board » (20), cette
option si utile soit-elle pour l’acheteur, ne sera pas simple à mettre en musique. Le
FOB est dans cette hypothèse beaucoup plus cohérent car la livraison s’effectue à
bord du navire et la remise du B/L par le vendeur s’impose logiquement, ce qui n’est
pas le cas pour le FCA.

Conclusion
Les « fuites » du Comité de rédaction des Incoterms® annonçaient des change-
ments significatifs par rapport à la version 2010. Ainsi, la suppression de l’EXW et du
FAS ne semblait plus faire de doute tout autant que la création d’une nouvelle règle
entre le FOB et le CFR : le « CNI » – coût et assurance. Mais l’ère des « fake news » af-
fecte également le domaine juridique…. Ces changements ne sont pas intervenus et
c’est donc une codification « douce » qui entre en vigueur. Elle n’en reste pas moins
empreinte de sagesse car, de manière incontestable, c’est la prophylaxie juridique
qui caractérise les Incoterms® 2020 et on ne peut que s’en réjouir. Beaucoup plus
explicite que les précédentes versions, la nouvelle codification devrait satisfaire les
opérateurs du commerce international tout en renforçant la prévention des risques
contractuels liés à l’achat – vente de marchandises.
Toutefois, si on peut regretter la non-intégration de l’obligation de déclaration
VGM(21) pour les conteneurs pleins, l’absence de couverture « Tous risques » pour le
CIF, certains apports, dont le FCA option B/L ou le déchargement en DPU, ne man-
queront pas de poser certaines difficultés pratiques et contentieuses. Un retour d’ex-
périence s’impose à leur égard. En attendant, une période de transition commence
mais l’acculturation aux nouvelles règles devrait être relativement rapide.
Enfin, si cette nouvelle mouture des Incoterms® a gagné en pédagogie et prophy-
laxie, la formation des opérateurs du commerce international reste déterminante.
Les incoterms sont à la disposition des entreprises mais encore faut-il que leur conte-
nu soit maîtrisé. A ce égard, les CCI de l’hexagone proposent régulièrement des jour-
nées de formation et il est fortement conseillé d’y participer. Ne dit-on pas en effet
que « plus faibles sont les risques, meilleure est l’entreprise » ?

(19) CA Paris (Pôle 5 – Ch. 6) - 15 janvier 2016 n° 14-17486 ; Voir commentaires L. Fedi : « Crédit
documentaire irrévocable et confirmé : un double contrat rigoureux », DMF n°780 mai 2016, p. 405 - 417.
(20) P. Bonassies et C. Scapel : « Traité de droit maritime », 3ème éd., point. 936, p. 726-727.
(21) L. Fedi : « La mise en œuvre du VGM en France : premiers résultats ». Gazette de la Chambre arbitrale
de Paris n° 43, p. 6. Lire également : O. Lasmoles : « Les commissionnaires de transport et la pesée des
conteneurs : difficultés et solutions », DMF n° 790 avr 2017, p. 201-301 et L. Fedi, A. Lavissière, D. Russell,
et D. Swanson : « The facilitating role of IT systems for legal compliance: the case of port community
systems and container Verified Gross Mass (VGM) », Supply Chain Forum: an International Journal, Vol. 20,
No. 1, 2019, 29–42.

DMF Nº 822 — Mars — 2020 Lamy Le Droit Maritime Français 211

DMF822_2020.indb 211 9/3/20 9:51

Vous aimerez peut-être aussi