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UNIVERSITE HASSAN II-CASABLANCA

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES

MOHAMMEDIA

Licence Droit Privé en langue française

Travaux dirigés en procédure pénale- Semestre 6

Pr A.CHAKRI

Thème :

LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Année Universitaire : 2023-2024


LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Étant une action en réparation d’un dommage privé, l’action civile peut,
comme toute autre action en réparation, être intentée devant un tribunal civil.
Mais comme le dommage dont la victime demande réparation n’est pas un
dommage purement civil par son origine, mais puise sa source dans l’infraction
et dans une faute pénale, la victime à la faculté d’exercer son action civile
devant le tribunal répressif.

Elle le fait, soit en joignant cette action à l’action publique exercée par le
ministère public en se constituant partie civile par conclusion, soit en mettant
elle-même l’action publique en mouvement, par citation directe ou par une
constitution de partie civile devant le juge d’instruction.

Le choix qui appartient à la victime entre la juridiction civile et la juridiction


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répressive résulte des articles 3 et 10 du Code de procédure pénale

L’article 9 stipule : « l’action civile et l’action publique peuvent être


exercées en même temps devant la même juridiction répressive saisie de
l’action publique ».

Aux termes de l’art. 10 : « l’action civile peut être exercée séparément de


l’action publique devant la juridiction civile compétente ».

Il résulte de ces deux textes que la victime dispose d’un droit d’option entre
la juridiction civile et la juridiction répressive pour porter son action en
demande d’une réparation.

Ainsi il convient d’étudier dans un premier temps, les conditions de l’option


et ses modalités d’exercice (I), et dans un second temps, les conséquences
inhérentes à cette option (II).

I- LES CONDITIONS DE L’OPTION ET SES MORALITES D’EXERCICE

On examinera dans cette première partie, le fondement et les conditions


du droit d’option (A), ainsi que les modalités d’exercice de l’option (B).

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

A- Fondement et conditions du droit d’option

a- Fondement du droit d’option

Le droit d’option de la partie lésée se justifie par des raisons historiques et


des raisons pratiques.

Au point de vue historique, c’est un vestige du système ancien de


l’accusation privée d’après lequel la mise en mouvement du procès pénal
dépendait de l’action de la victime.

Au point de vue pratique, permettre de demander réparation devant le


tribunal répressif est une solution avantageuse, tout d’abord pour la partie
lésée qui peut ainsi remédier à l'inertie du ministère publique en mettant en
mouvement l’action publique et qui surtout peut faire juger son action civile
plus rapidement ,et à moindre frais, que si elle était portée devant la juridiction
civile, en profitant des preuves plus facilement et plus largement établies en
matière pénale, qu’en matière civile.

Il faut ajouter que la voie répressive, plus rapide et moins couteuse que la
voie civile, permet à la victime de ne se voir opposer l’autorité de la chose
jugée au pénal sur le civil qu’après avoir été entendue au cours du procès
pénal. Par contre, l’action de la victime, si elle est téméraire ou abusive
engage plus facilement sa responsabilité civile, si elle a opté pour la voie
répressive.

Le droit d’option est également avantageux pour la société qui bénéficie


de l’action publique, déclenchée ou renforcée par l’intervention de la partie
civile.

Enfin, cette solution est avantageuse pour l’administration de la justice elle-


même, car en faisant juger l’action civile par le juge répressif, on évite les
contrariétés de jugements qui seraient d’autant plus redoutables que le
tribunal répressif n’est jamais lié, en principe, par ce qui est décidé au civil.

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

b- Les conditions du droit d’option

Pour que la victime d’une infraction puisse exercer son option et agir en
réparation, soit devant le tribunal répressif, soit devant le tribunal civil, plusieurs
conditions doivent être réunies.

1- Ouverture concurrente des deux voies (civile et répressive)

Tout d’abord, il faut que les deux voies civile et répressive soient ouvertes.
Si l’une des deux se ferme, il n’y a plus d’option possible.

 Cas ou la voie civile est fermée

Les juridictions civiles aussi compétentes pour statuer sur l’action civile, ne
peuvent connaitre l’action civile résultant des délits de diffamation prévues par
l’article 442 du Code pénal.

 Cas ou la juridiction répressive est exceptionnellement fermée

Si les juridictions répressives de droit commun sont compétentes pour


connaitre de l’action civile, en même temps que l’action publique, les
juridictions répressives d’exception qui ne jugent que les infractions soumises à
leur connaissance en vertu d’une disposition expresse de la loi, sont
incompétentes pour statuer sur l’action civile.

2- Dommage résultant de l’infraction et ayant pour fondement l’infraction

Pour que la victime puisse faire juger son action civile par le tribunal
répressif, il ne suffit pas que la voie criminelle soit ouverte, il faut encore que
cette action soit une action en réparation d’un dommage, qui trouve sa base
dans l’infraction, et encore, elle ne peut être exercée devant la juridiction
répressive, que si elle prend sa source dans le préjudice résultant de l’infraction
et a pour fondement l’infraction.

 Dommages résultant de l’infraction

L’action civile qui relève de la compétence du tribunal répressif, c’est

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

l’action en réparation résultant du dommage, directement causé par


l’infraction (art. 7, C.P.P). Si le dommage puise sa source ailleurs que dans
l’infraction, la réparation ne peut pas être demandée par la voie pénale, mais
par la voie civile.

 Dommages ayant pour fondement l’infraction

Pour pouvoir être exercée devant le tribunal répressif, l’action civile ne doit
pas seulement poursuivre la réparation d’un dommage résultant directement
de l’infraction, elle doit encore avoir pour fondement le fait délictueux, la faute
pénale, par exemple , le tribunal répressif n’est pas compétent pour statuer sur
une action civile en réparation d’un dommage causé par l’infraction, si cette
action est fondée non pas sur la faute pénale, mais une faute civile identique
à la faute pénale (ex. Faute d’imprudence).

3- Existence de l’action publique

L’action civile exercée en même temps que l’action publique (art. 9,


C.P.P), constitue l’accessoire de celle-ci.

Ainsi, si l’action publique ne peut plus avoir lieu, il n’y a plus d’option
possible, la victime doit agir au civil. L’amnistie, l’abrogation de la loi pénale,
le décès du délinquant, la prescription suppriment définitivement l’exercice de
l’action publique. Donc le tribunal répressif ne reste compétent pour statuer sur
l’action civile que s’il en était saisi en même temps que l’action publique et
que cette dernière subissait une cause d’extinction en cours du procès.

Autrement dit : si l’extinction de l’action publique a lieu avant l’ouverture


de toute procédure, seule l’action civile devant le juge civile est possible.
L’infraction n’existe plus, L’option n’a plus lieu.

B- Les modes d’exercice de l’action civile devant le tribunal répressif

Les modes par lesquels la victime d’une infraction saisit la juridiction


répressive varient suivant que l’action a déjà été engagée ou non par le

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ministère public. Dans le premier cas, elle agit par voie d’intervention, mais dans
le second, par voie d’action.

a- L’intervention

Lorsque le ministère public a déclenché l’action publique, la partie lésée


peut se constituer partie civile par voie d’intervention.

L’intervention peut avoir lieu à toutes les phases de la procédure tant que
la clôture des débats n’a pas été décidée (art. 94, C.P.P).

Mais la partie lésée ne peut jamais intervenir pour la première fois en appel
dans les matières ou il existe, car elle priverait le prévenu en cas de
condamnation à dommage et intérêt du double degré de juridiction.

L’intervention peut avoir lieu soit avant, soit pendant l’audience (art. 350,
C.P.P).

 Avant l’audience, la partie lésée doit déposer sa demande et ses


conclusions, auprès du secrétariat greffe de la juridiction.
 Pendant l’audience, elle doit le faire entre les mains du président de la
juridiction en lui adjoignant le récépissé du paiement de la taxe
judiciaire, ceci avant les réquisitions du ministère public.

Les conclusions doivent respecter certaines règles de forme prescrites par


l’article 350 alinéa 2 du Code de procédure pénale. Elles doivent selon ce texte
contenir, les indications propres à identifier celui qui se porte partie civile,
préciser l’infraction génératrice du préjudice à réparer et faire connaitre le
motif de la demande. Elles doivent contenir en plus élection du domicile dans
le ressort du tribunal saisi, si l’intéressé n’y a pas son domicile réel.

Dans les deux cas, le tribunal appréciera la recevabilité de la constitution


de partie civile. L’irrecevabilité peut d’ailleurs, être soulevée par tout intéressé
(ministère public, prévenu ou inculpé, autres parties civiles, tiers civilement
responsable, etc.).

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

b-L’action

Lorsque le ministère public n’a pas exercé l’action publique, la partie civile
peut tout de même porter son action civile devant la juridiction répressive, mais
dans ce cas, elle agit alors par voie d’action. Elle a pour cela un moyen à sa
disposition ; la plainte avec constitution de partie civile (art. 92 et ss, C.P.P).

II- LES CONSEQUENCES DE L’OPTION

Une fois la partie lésée a exercé son option entre la voie civile et la voie
criminelle, il ne lui est plus possible de revenir en arrière, d’abandonner la
juridiction saisie pour s’adresser à l’autre, c’est le sens de la maxime bien connu
« electa una via, non datur recursus ».

A- L’irrecevabilité de l’option

a- Le fondement de l’irrévocabilité

L’article 11 du Code de procédure pénale constitue un fondement légale


suffisant pour justifier l’irrecevabilité de l’option. Il énonce que la partie lésée
qui exerce son action civile devant la juridiction civile compétente ne peut plus
la porter devant la juridiction répressive. Ce texte s’inspire du droit français. Il
trouve son corollaire dans l’article 5 du Code de procédure pénale français,
inspiré lui-même du principe fondé sur l’humanité et la justice qui ne
permettent pas qu’on traine un accusé d’une juridiction à l’autre.

b-L ’application de l’irrévocabilité de l’option

Si l’option est en principe irrévocable, l’application de cette règle


comporte cependant, certains tempéraments.

1- L’option en faveur de la voie civile

L’option n’est irrévocable que si la partie lésée a d’abord choisi la voie


civile (art. 11, C.P.P). Lorsque la partie civile a porté son action civile d’abord
devant le tribunal civil, elle ne peut en principe se désister pour la porte ensuite
devant la juridiction répressive. La règle electa una via est une faveur pour le
prévenu ou l’inculpé ; la partie lésée ne peut pas par son fait, lui retirer cette

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

faveur et la jurisprudence considère que la voie civile est plus favorable au


prévenu que la voie criminelle qui est rigoureuse.

2- L’option en faveur de la voie répressive

Si la partie lésée a d’abord opté pour la voie pénale, plus sévère, elle peut
abandonner cette voie et revenir à la voie civile, qui place le prévenu ou
l’inculpé dans une situation meilleure, à moins bien évidement que la juridiction
répressive saisie la première, n’ait déjà statué au fond.

B-L’issu de l’option

a- Avantages et inconvénients de l’option en faveur de la voie


répressive
1- Avantage

L’option en faveur de la voie répressive offre de multiples avantages.

Elle permet d’obtenir justice avec une plus grande rapidité que devant le
juge civil.

Le choix de la voie répressive procure d’autre part, des facilités de preuves


incontestables. En utilisant la voie répressive, la victime profite des moyens
énergiques et coercitifs dont les juges (et notamment le juge d’instruction),
disposent pour rechercher les preuves et parvenir à la manifestation de la
vérité : constatations sur place, perquisitions, saisies, etc.

Il faut ajouter enfin, que l’option en faveur de la voie répressive permet


d’éviter que l’action civile ne se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée
à une décision pénale, sans que la victime ait pu défendre ses intérêts.

2- Inconvénients

L’option en faveur de la voie répressive n’est cependant pas sans présenter


certains inconvénients.

La partie civile étant partie à l’instance ne peut plus être entendue comme
témoin à l’instruction, ni aux débats. Elle sera bien souvent le principal témoin

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

à charge ; son absence risque alors d’affaiblir l’accusation et de conduire à


un acquittement qui aurait pu être évité si elle avait été entendue.

D’autre part, elle risque l’éventualité de poursuite et condamnation à


dommages et intérêts pour constitution de partie civile téméraire ou abusive
en application de l’article 98 du code de procédure pénale).

b- L’exercice de l’action civile devant le juge civile

Lorsqu’elle est intentée devant le tribunal civil, soit parce que le tribunal
répressif n’est pas compétent (action publique éteinte), soit parce que, usant
de son droit d’option, la partie lésée a préféré la juridiction civile, l’action civile
donne lieu à un procès purement civil tout à fait distinct du procès pénal, c’est-
à-dire., que l’action civile est soumise aux règles de compétence et de
procédure civile, applicables en matière civile.

Il y a lieu à distinguer deux hypothèses :

1- Avant la mise en mouvement de l’action publique

Ce n’est pas à dire pourtant que le procès sur l’action civile distinct du
procès pénal en soit complétement indépendant. Sans doute le procès pénal
a-t-il une indépendance absolue par rapport à un procès pénal, lorsqu’il est
jugé par le tribunal civil avant la mise en mouvement de l’action publique, le
juge civil peut statuer aussitôt sans attendre l’engagement et le jugement de
l’action publique, et il a toute liberté d’appréciation et de décision. Du reste
son jugement sur l’action civile n’aura aucune influence sur celui que le juge
répressif pourra être appelé à rendre postérieurement sur l’action publique, car
la chose jugée au civil n’a pas d’autorité au criminel.

2- Après la mise en mouvement de l’action publique

Il n’en est plus de même lorsque le procès civil est engagé après la mise en
mouvement de l’action publique. Dans ce cas, le procès civil se trouve par son
rang et son jugement sous la dépendance du procès pénal. Cette
dépendance tient à ce que l’action civile est une action en réparation du

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

dommage pénal, qui a son origine dans l’infraction à la loi pénale.

C’est ainsi que le tribunal civil est obligé de sursoir à statuer sur l’action civile
tant que le tribunal répressif saisi avant ou pendant l’instance civile n’a pas lui-
même statué sur l’action publique (art. 10, C.P.P). C’est le sursis au jugement
de l’action civile qui résulte de la règle « le criminel tient le civil en état ».

D’autre part, le tribunal qui statue après le jugement rendu par le tribunal
répressif sur l’action publique est tenu de respecter, dans une certaine mesure,
ce qui a été décidé par le juge répressif ; il ne peut se mettre en contradiction
avec lui. C’est le principe jurisprudentiel de l’autorité sur le civil de la chose jugée
au criminel.

c-Les conséquences du sursis au jugement

Lorsque les conditions de sursis se trouvent réunies, le tribunal civil doit


seulement attendre pour statuer sur l’action civile que le tribunal répressif ait
statué sur l’action publique. ; En un mot, il ne s’agit que d’un sursis au jugement.

1- Durée du sursis

L e sursis doit se prolonger tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement
sur l’action publique. Mais pour ne pas faire durer le sursis jusqu’à l’expiration
du délai de prescription de l’action publique, les auteurs et la jurisprudence
considèrent comme des décisions définitives à cet égard, les ordonnances de
non-lieu ainsi que les décisions rendues par défaut ou par contumace.

2- Caractère d’ordre public du sursis

Quoi qu’il en soit, aussi longtemps qu’une décision définitive n’a pas été
rendue, le juge civil ne peut statuer sous peine de nullité absolue de la
procédure. C’est qu’en effet le sursis, qui a été institué, non dans l’intérêt
particulier des plaideurs, mais en vue de protéger l’ordre respectif des
juridictions civiles et répressives et d’empêcher, notamment qu’une décision
civile ne contredise une décision pénale, revêt un caractère d’ordre public.

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Il en résulte que le tribunal civil doit sursoir à statuer d’office, à quelque


moment de la procédure où il soit arrivé, que le sursis s’impose non seulemen t
au juge, mais aux parties qui ne peuvent y renoncer.

Or, si la jurisprudence a aussi reconnu un caractère d’ordre public au sursis,


c’est parce que le sursis doit permettre à une décision répressive qui
interviendra la première, d’exercer son autorité sur la décision civile qui sera
résolue la seconde.

3- L’autorité sur le civil de la chose jugée au criminel

Dans tous les cas, lorsqu’il statue après le tribunal répressif, le tribunal civil,
encore qu’il juge une action distincte de l’action publique, ne jouit pas
cependant d’une liberté entière d’appréciation et de décision, il est lié dans
une certaine mesure par ce qui a été décidé par le tribunal répressif. Les arrêts
affirment : « qu’il n’est pas permis au juge civil de méconnaitre ce qui a été
nécessairement et certainement décidé par le juge criminel sur l’existence du
fait incriminé qui forme la base commune de l’action pénale et de l’action
civile ».

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