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QUATRIÈME DIALOGUE EURO MÉDITERRANÉEN

DE MANAGEMENT PUBLIC

(MED 4)

« Fiscalité et Régionalisation :

Cas de la Taxe sur les Services portuaires au profit de la région au Maroc. »

Article rédigé par :

- Hassan BASSIDI, Université Hassan II, Casablanca, Maroc,


basscom@gmail.com
- Hicham BOUCHARTAT, Abdelali HAJBI et Mounime ELKABBOURI de
l’Université Hassan 1er, Settat, Maroc.
bouchartat@gmail.com , a_hajbi@yahoo.fr , emounime@gmail.com

Résumé :

Le rapport de la Commission Consultative de la Régionalisation a mis l’accent sur la nécessité


de renforcer et d’optimiser la fiscalité locale. En effet, la diversification des ressources
fiscales et parafiscales et la revalorisation et l’amélioration du rendement de la fiscalité locale
permettront aux régions et aux collectivités locales d’accomplir leurs missions en leurs
procurant les ressources appropriées.

Dans ce contexte de projet de régionalisation avancée, nous tenterons d’examiner le lien fort
entre la fiscalité et développement territorial en zoomant sur l’exemple de la taxe sur les
services portuaires au profit de la région. Il s’agit, en effet, d’une taxe dont le taux varie entre
2 et 5% déterminée sur la base du chiffre d’affaires des prestataires de services dans l’enceinte
portuaire et versée trimestriellement au receveur de la région du port concerné.

Nous nous efforcerons d’apporter un examen critique, par le biais d’une méthodologie
comparative, à cette taxe à travers :
- Les règles d’assiette, de taux et de recouvrement ;
- L’exigence d’impliquer les régions et les collectivités locales dans le système de
gouvernance portuaire (ports de pêche, de plaisance …)

Mots-clés : Commission Consultative de la Régionalisation, fiscalité locale, gouvernance


portuaire, projet de régionalisation avancée, taxe sur les services portuaires au profit de la
région.

Abstract :

The report of the Advisory commission of the Regionalization has emphasized the need to
strengthen and enhance the local tax. Indeed, diversification of taxes and quasi-fiscal
resources and upgrading and improving the performance of local taxation will allow the
regions and local authorities to fulfill their missions by providing the appropriate resources.

In this context of regionalization project forward, we attempt to explore the strong link
between taxation and territorial development. We will try to analyze the example of the tax on
port services. It is a tax whose rate varies between 2 and 5% and determined on the basis of
turnover of service providers in the port and paid quarterly to the collector of the port area
concerned.

In practice, we will try, through a comparative methodology, to make a critical examination of


that tax:

- The base rules, rates and collection;

- The requirement to involve the regions and local authorities in the governance system of
Moroccan ports.

Key-words: Regionalization Advisory Commission, local taxes, port governance, advanced


regionalization project, tax on port services.
Introduction :

Le terme de régionalisation couvre deux notions très différentes :


€ La première signification du terme régionalisation désigne une forme de
décentralisation d’un Etat qui transfère des pouvoirs à ses régions, il peut aussi être
une forme de fédéralisme entre des pays géographiquement proches
€ La deuxième signification définit le terme régionalisation comme les mesures prises
par les gouvernements pour libéraliser ou faciliter le commerce à l’échelle régionale,
parfois au moyen de Zones de libre-échange ou d’unions douanières
La notion de régionalisation est souvent comprise dans un sens étroitement institutionnel. On
l’oppose ainsi au régionalisme qui est un courant politique ou idéologique.
La régionalisation peut être définie comme la création d’un échelon dans l’organisation
territorial de l’Etat. La régionalisation peut prendre plusieurs formes en fonction des organes,
des compétences et des pouvoirs de la région, ses institutions se superposent toujours aux
institutions locales existantes.
L’aspect financier d’un mécanisme de régionalisation traduit souvent son ampleur et son
étendue en terme d’attributions régionalisées. Ainsi une région peut être dépendante ou
pseudo-indépendante par rapport au pouvoir central et c’est le ratio de ses propres recettes par
rapport son budget global qui pourrait donner une idée sur le lien de dépendance. Parmi les
recettes des regions ou des collectivités on trouve les recettes liées aux taxes locales. Ces
taxes sont normalement ou logiquement rémunèrent des services assurés par ces instances.
Dans le cadre de ce travail de recherche nous tenterons d’étudier le cas d’une taxe
« régionale » au Maroc en mettant en exergue ses aspects techniques (bases, taux, personnes
et prestations taxables…) et ses fondements en matière de portée régionale (prestations des
régions, relation région-port…).
Avant de présenter notre cas d’étude, nous nous attardons sur les notions de régionalisation et
de finances régionales.

1.1. Finalités et typologie de la régionalisation


Les finalités de la régionalisation sont multiples et répond à plusieurs objectifs qui peuvent
évoluer avec le temps. On peut distinguer une finalité politique, éventuellement liée aux
particularismes ethniques ou culturels, une finalité économique et une finalité de
rationalisation et de modernisation des structures étatiques.
Au Maroc, Etat unifié et doté d’une administration territoriale structurée sous son autorité et
son contrôle politique. Pour rappel, le mot région fait sa première apparition dans la
constitution de 1992 et 1996, d’abord en accordant à celle-ci le rang de collectivité locale à
l’instar des préfectures, provinces et communes (art 94 de la constitution 1992) ensuite, en
attribuant aux membres élus, la proportion des 3/5 de la totalité des membres de la chambre
des conseillers nouvellement instaurée dans le texte constitutionnel de 1996 (art 38). Aussi, et
en plus de l’article 102 du même texte où il est mentionné que les gouverneurs représentent
l’Etat dans les provinces, les préfectures et les régions, un certain poids est accordé à l’entité
régionale où, pour la première fois, des cours régionales des comptes y sont
constitutionnellement instituées (art 98 de la constitution de 1996).
La loi régionale n° 47-96 peut être conçue comme un stade préliminaire de la régionalisation.
Plus récemment avec la nouvelle constitution de 2011 le rôle de la région est renforcé par
l’implication des différentes parties prenantes au sein de la région dans l’élaboration des
stratégies de développement régional.
Quant aux types de régionalisation, il en existe quatre formes distinctes: la régionalisation
sans création d’un échelon régional, la décentralisation régionale et la régionalisation
politique (ou institutionnelle).
La régionalisation sans création d’un échelon régional
Dans cette situation on assiste à une adaptation des institutions existantes aux finalités de la
régionalisation. L’exemple le plus significatif est celui du Royaume-Uni qui regroupe sous la
même couronne quatre pays distincts : l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irland du
Nord.
Un autre exemple d’un Etat unitaire, celui de la Suède dans lequel existe un système
d’administration locale à deux niveaux, la commune et le comté. Au niveau du comté,
coexistent et coopèrent une collectivité locale et une administration d’Etat, placée sous
l’autorité d’un gouverneur. Les collectivités disposent de compétences et de ressources
financières très importantes.
En Allemagne également la régionalisation est poursuivie par la coopération entre collectivité
locales dans les Länder ; la création d’un échelon régional dans les grands Länder a été
discutée, sous l’influence des collectivités locales, mais les Länder se veulent aussi une
expression régionale et aucun d’entre eux ne s’est réellement engagé dans cette voie. Au
contraire de l’Allemagne qui est un grand Etat fédérale, la Suisse Etat fédérale de petites
unités où la régionalisation conduit au développement de la coopération entre cantons.
La décentralisation régionale
Il s’agit de la création ou la substitution d’une nouvelle collectivité locale au niveau de la
région. Ce mode se caractérise par l’application du régime général des collectivités locales à
la région dans un cadre géographique plus large avec une vocation essentiellement
économique. L’exemple de la France reste le plus significatif qui correspond à ce type de
régionalisation. Du point de vue juridique les régions sont aujourd’hui des collectivités
territoriales au même titre que les communes et les départements, mais sans bénéficier de la
garantie constitutionnelle de leur existence. Le principe de libre administration des
collectivités territoriales n’est pas la source d’un pouvoir réglementaire.
Un autre exemple, celui du Portugal où les régions exerçaient essentiellement des
compétences administratives, à vocation économique, culturelle ou environnementale, pour
lesquelles elles seraient dotées d’un pouvoir réglementaire.
En Pologne, en République tchèque et en Slovaquie, les projets de régionalisation paraissent
proches de ce modèle également. D’autres Etats, ont créé des régions administratives sans
décentralisation, pour les seuls besoins de la planification régionale ou de l’aménagement du
territoire. C’est le cas par exemple de la Grèce.
La régionalisation politique
Ce courant est représenté par le cas de l’Espagne qui s’est inspirée de la constitution italienne.
La Belgique entre également dans ce type, bien qu’elle soit devenue en 1993 un Etat fédéral.
Enfin, la régionalisation politique peut trouver des applications territoriales partielles dans
certains Etats, comme le cas en France et au Portugal.
En Espagne, les communautés autonomes disposent d’une autonomie politique, dans la
mesure où leurs statuts constitutifs ont en même temps fixé leur organisation et leurs
compétences, dans les limites définies par la constitution, sous réserve de leur approbation par
les Cortes generales, et où elles exercent un pouvoir législatif dans les matières de leurs
compétences.
Etat fédéral et régionalisation
L’Etat fédéral est une union d’Etat qui est lui-même une entité politique qui n’est pas
nécessairement homogène. Dans ce courant l’exemple de la Suisse, des Etat-Unis d’Amérique
ou de l’Allemagne où le fédéralisme est justifié par l’autonomie politique qu’il accorde aux
unités fédérées. Au niveau de L’Etat fédéral les attributs de l’Etat sont partagés entre deux
degrés l’Etat fédéral et les Etats fédérés, ces derniers participent sous une forme ou sous une
autre à l’exercice des compétences étatiques à l’échelle fédérale. Au contraire les régions
politiques ne sont pas des collectivités étatiques, n’ont pas de pouvoir constituant, et ne
participent pas à l’exercice des compétences étatiques à l’échelle régionale.
1.2. L’aspect financier et fiscal de la régionalisation :
Les collectivités locales et régionales jouent un rôle de premier ordre en tant qu'espace pour la
promotion du développement. Une concurrence accrue entre régions est même encouragée
dans beaucoup de pays afin de drainer l’investissement avec tous les effets
d’accompagnement qui s’en suivent (emplois, recettes fiscales…). Elles disposent
généralement de quatre sources de recettes :
€ Recettes fiscales directes : ce sont des taxes dont les bases sont locales et les taux fixés
localement (Taxe ordures ménagères) ;
€ Recettes fiscales locales indirectes : Ce sont des taxes dont les bases sont locales mais
les taux sont fixés centralement (Ex droits d’enregistrement) ;
€ Fractions de recettes fiscales nationales : Ce sont des taxes avec des bases nationales et
des taux nationaux ;
€ Dotations de l'État : l’Etat renfloue les collectivités locales par des dotations
budgétaires.
De loin, la fiscalité locale ou régionale demeure une source privilégiée de recettes pour ces
collectivités locales. Elle poursuit généralement un certain nombre d’objectifs :
€ Respecter les grands équilibres financiers entre régions (dotations de l’Etat…) ; ainsi,
de nombreux pays (dont le Maroc) octroient des avantages fiscaux en fonction de la
classification des régions en zones prioritaire, normale ou développée (Turquie, Israël,
Corée) ;
€ Minimiser tout « financement central » en provenance de l’État et favoriser le
financement local ;
€ Permettre aux collectivités de faire un arbitrage entre la fiscalité des entreprises et la
fiscalité des ménages selon les spécificités de chacune d’elles ;
€ Doter chaque collectivité de la liberté de gérer le rendement de chacun des impôts
(bases, taux …) suivant les décisions prises localement.
La fiscalité locale marocaine est caractérisée par un nombre assez important de taxes (37 au
total) qui induit une complexité de gestion et une pression dont se plaignent les opérateurs
économiques. Ce sont les services du ministère de l’intérieur qui la gèrent. La direction
générale des impôts (DGI) du ministère des finances ne fait que gérer au nom des
Collectivités locales un certain nombre de ces taxes (taxe professionnelle, Taxe Urbaine et la
Taxe d'Edilité…).
Par ailleurs, un bon aménagement du territoire implique de prendre en considération les
inégalités en termes de développement entre régions afin d’agir en conséquence. Ces
inégalités induisent aussi des inégalités budgétaires interrégionales. Celles-ci constituent un
signe manifeste du dysfonctionnement territorial des finances locales pour différents pays.
Elles peuvent être subies ou choisies volontairement par les pouvoirs publics.
Ces inégalités peuvent être mesurées sur la base des impôts acquittés par les contribuables
légaux (qui paient et supportent en totalité et en définitive l’impôt), ou sur la base des
contribuables ultimes (les contribuables légaux peuvent transférer grâce à l'échange tout ou
partie de la charge fiscale sur d'autres agents). Cette question est d’autant importante qu’elle
permet de réellement mesurer la pression fiscale. En effet, dire qu’une commune taxe ses
redevables sept fois plus qu’une deuxième commune peut s’avérer faux si les redevables de la
deuxième commune peuvent répercuter ces taxes.
Par ailleurs, la théorie économique nous apprend que les impôts peuvent être répercutés soit
en amont (producteurs, revenus du travail et du capital…) sous condition de mesurer les
élasticités-prix et revenu et d’étudier les fonctions d'offre et demande de biens et de services
et de facteurs. Si c’est le cas, la charge fiscale locale affecte tous les secteurs, tous les produits
et tous les facteurs. Ce phénomène est d’autant plus accentué par la mobilité des facteurs et
l’interdépendance des régions.

En outre, La littérature en la matière met l’accent sur l’influence des inégalités des potentiels
fiscaux entre régions. Le potentiel fiscal mesure le montant par tête des taxes directes
qu'obtiendrait une région si les taux moyens nationaux étaient substitués à ses propres taux
d'imposition. Le potentiel fiscal caractérise par conséquent la richesse fiscale par habitant de
la localité. C’est un instrument de comparaison des richesses fiscales.
En considérant la mobilité des agents, la théorie économique nous enseigne qu’il faut taxer
une nouvelle entreprise ou ménage qui décide de migrer vers une commune au coût marginal
d'urbanisation et de congestion provoqué par sa décision d'implantation. Ces droits d’entrée
peuvent être soit capitalisés ou récurrents (annuels ou périodiques). Une solution alternative
serait de répartir les coûts globaux au niveau national des différents agents mobiles entre les
différentes collectivités. Mais, cette deuxième forme a l’inconvénient d’encourager les agents
à migrer davantage, sachant que toute la difficulté dans l’une ou l’autre cas est de cerner les
coûts marginaux.
La mobilité des facteurs et des agents nécessite une intervention étatique pour redistribuer les
richesses sous forme de dotations. Les communes résidentielles recevraient une allocation
compensatrice d'externalité fiscale pour les salariés habitant sur leur territoire mais travaillant
dans un groupement voisin. Aussi, le financement doit provenir d'un partage d'impôts
nationaux entre l'Etat et les régions. La superposition fiscale (et non la spécialisation) est ici la
règle. Mais, il est souvent difficile de définir les règles du partage (bases, produits…).

Afin de corriger ces inégalités, des réformes s’imposent. Si les réformes fiscales locales mises
en place par différents pays entendent toutes mettre en place plus de justice entre
contribuables, d'améliorer la compétitivité des entreprises, de favoriser le développement
local ou encore de promouvoir un aménagement cohérent du territoire, il n’en demeure pas
moins que les notions d'équité, d'efficacité, de compétitivité, de développement local ou
d'aménagement du territoire ne veulent pas dire la même chose pour tout le monde. Plus
généralement, nous proposons les réformes suivantes :
€ Poursuivre des politiques d’harmonisation de la fiscalité ;
€ Mettre en place des mesures d’accompagnement (élargissement et modernisation de
l’assiette, simplification, renforcement du contrôle, limitation des exonérations…) ;
€ Assurer un partage efficace de certains impôts nationaux ;
€ Faire de la péréquation un élément de base pour la gestion de la fiscalité locale ;
€ Améliorer la gouvernance fiscale : clarifier la répartition des pouvoirs fiscaux entre les
différents niveaux de collectivités territoriales et mettre en place des mesures qui
pourraient utilement moderniser la gestion financière locale (placements
financiers,…).
Dans le deuxième paragraphe de cette communication nous traiterons un aspect particulier de
la finance régionale. Il s’agit d’une taxe instaurée au Maroc au profit des régions et qui a
comme assiette le volume global des services assurés dans les ports existants dans chaque
région.

2. Cas de la fiscalité régionale : la taxe sur les services portuaires au profit de la région

Nous tenterons de décrypter la portée régionale d’une mesure fiscale ; en l’occurrence la taxe
sur les services portuaires au profit de la région, entrée en vigueur au Maroc en 1998. Cette
taxe appliquée à toute prestation portuaire est instituée pour alimenter les budgets des régions
à partir des services assurés par les ports qui appartiennent à ces régions.
Les questions que nous tenterons d’aborder sont :
- Cette taxe répond-elle à la logique de gestion régionale ?
- Les régions jouent-elles réellement un rôle dans la gestion et l’administration des
ports ?
- Quelles mesures peut-on envisager pour améliorer l’apport de cette taxe aux finances
des régions et au mode de gouvernance portuaire ?

2.1. Définition et champ d’application


La loi 47-06 sur la fiscalité des collectivités locales a repris et modifié les articles de la loi 47-
96, notamment son chapitre 39 relatif à la taxe sur les services portuaires au profit de la région
en stipulant :
- Il est appliqué au profit de la région une taxe due par les organismes concernés sur
les services portuaires rendus dans l’enceinte du port relevant du ressort territorial
de la région, à l’exclusion des services liés au transport international relatifs aux
marchandises en transit non destinés au marché national (article 121). Ce qui est
de nature à exclure les prestations réalisées au port de Tanger-Med sur le
transbordement de marchandises. Le transbordement est le déchargement des
marchandises d’un navire et son rechargement sur un autre navire.
- la taxe sur les services portuaires qui est à la charge des usagers, est assise sur le
montant global des services rendus visés à l’article 121 ci dessus, même en cas de
leur exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (article 122).
- Le taux de la taxe est à fixer par les conseils régionaux de 2% à 5% du chiffre
d’affaires hors taxe sur la valeur ajoutée (article 123) et la taxe est perçue par
l’organisme prestataire de services (article 124) ;
- Les organismes chargés du prélèvement de la taxe sont tenus de déposer une
déclaration établie selon un imprimé-modèle de l’administration, avant le premier
avril de chaque année auprès du service d’assiette de la région indiquant le chiffre
d’affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, réalisé par l’organisme concerné au
cours de l’année écoulée.
Le montant de la taxe est versé spontanément à la caisse du régisseur de la région,
trimestriellement avant l’expiration du mois suivant chaque trimestre, sur la base
du chiffre d’affaire, hors taxe sur la valeur ajoutée, réalisé durant cette période et
au vu d’un bordereau de versement, établi selon un imprimé-modèle de
l’administration (article 125) .
2.2. Examen critique de la TSP :
L’analyse des textes de lois cités ci-dessus et leur confrontation avec le mode de gouvernance
des ports marocains permets de conclure qu’il reste des points restent encore à clarifier pour
admettre la logique régionale de cette taxe à savoir :
(1).La non implication directe ou indirecte des régions dans la gestion portuaire. En
effet et à titre d’exemples, les instances de la région ne sont présentes dans les ports
alors que:
€ Le volet administratif des ports relève de l’Agence Nationale des Ports (Gestion
administrative, domaine public, police et autorité portuaire,…) ;
€ Le volet commercial est assuré par des opérateurs privés (SODEP, SOMAPORT,
MASS CEREALES,…) ou à défaut par l’ANP ;
€ La gestion de ports de pêche et de halles aux poissons relevant des attributions de
l’ONP (Office National des Pêches) ;
€ La coordination et le contrôle des exportations sont assurées par l'EACCE qui est
chargé principalement de :
- Garantir la conformité des produits alimentaires marocains destinés à
l'exportation aux exigences réglementaires des marchés internationaux et de
s'assurer du bon respect de toutes les dispositions obligatoires liées au risque
de la santé humaine,
- Coordonner l'activité d'exportation des produits soumis à son contrôle
technique par une gestion concertée et valorisante de nos exportations.
(2).Il s’agit d’une taxe sans contrepartie palpable de la part de la région, ce qui est
contraire à la logique de la définition d’une taxe : « une taxe est un prélèvement
obligatoire perçu d'autorité à l'occasion d'un service rendu». Aussi peut-on se
permettre de la qualifier d’impôt qui a comme définition « L'impôt constitue un
prélèvement obligatoire effectué par voie d’autorité par une administration (État,
collectivités territoriales, régions, communes etc.) sur les ressources des personnes
vivant sur son territoire ou y possédant des intérêts pour être affecté aux services
d'utilité générale ».
A titre d’exemple de taxe en vigueur, on peut citer la taxe sur les services communaux
qui rémunère les services assurés par la commune (telle que la collecte des déchets, la
mise à disposition de décharges publics,…). La taxe de promotion de l’espace
audiovisuel qui a pour contrepartie la gratuité des deux chaines de télévision (TVM et
2M),….
(3).Il s’agit d’une taxe sur le chiffre d’affaires sans aucune possibilité de récupération de
taxes payées en amont par les prestataires de services portuaires. Ceci conduirait à une
situation de surenchérissement du service portuaire, alors que l’état a entrepris une
série de réforme durant le début du 21éme siècle ayant pour principal objectif « la
baisse du coût de la logistique et l’amélioration de la compétitivité des ports du
Royaume ».
(4).L’importance de la fourchette du taux à appliquer « entre 2% et 5% », le taux est à
fixer par la région. Certaines régions ont procéder à la revue à la hausse de ce taux. A
titre d’exemples :
€ Région de l’Oriental : le taux est passé de 2% à 2,5% ;
€ Région de Guelmim-Es Smara : ce taux est passé de 4% à 5% ;
€ Région de Dakhla Oued Eddahab : le taux est passé de 3% à 5%.
Pour les autres régions, le taux n’a pas subi de modification et il s’établit, à titre
d’exemple, à 2% pour la région du Grand Casablanca.

Aussi, l’existence de taux différents par région n’est-elle pas un facteur d’iniquité
fiscale ?

(5).Les prestataires de service qui facturent cette taxe, la collectent et la reversent à la


caisse de la région ne perçoivent pas une rémunération et encourent les pénalités et les
majorations en vigueur en matière de défaut de déclaration, de déclaration tardive…
(6).Cette taxe est non exonérée expressément par le CGI (Code Général des Impôts), de
taxe sur la valeur ajoutée qui stipule dans son article 96 « …le chiffre d'affaires
imposable ( à la TVA) comprend le prix des marchandises, des travaux ou des services
et les recettes accessoires qui s'y rapportent, ainsi que les frais, droits et taxes y
afférents à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée … ». Cela risquerait d’inclure la
TSPP dans la base de la TVA (taxe sur la taxe).

2.3. Suggestions :
Au terme de notre analyse nous avons dresse quelques axes d’amélioration des textes
régissant cette taxe pour en faire un vrai vecteur d’ancrage du rôle que peut jouer la notion de
régionalisation dans le développement d’une activité aussi névralgique que l’activité
portuaire :
(1).Impliquer les régions dans la gestion ou l’administration des ports (ports de pêche,
ports de plaisance) ;
(2).Sensibiliser la région sur la nécessité de développer l’attractivité commerciale des
ports. Ce développement induira une amélioration de recette en TSP ;
(3).Fixer un taux maximum unique avec une marge de manœuvre (à la baisse) (5% par
exemple) laissée à l’application des services régionaux en perspectives d’actions
promotionnelles.
(4).Prévoir un mécanisme de rémunération des services des prestataires qui collectent
cette taxe au profit des régions ;
(5).Exonérer expressément cette taxe de la TVA.

Conclusion :
La politique financière et fiscale apporte une bonne traduction de la vision globale et générale
adoptée en matière de centralisation, décentralisation ou régionalisation. En effet, la fiscalité
joue un rôle central dans l’accomplissement de tout projet de régionalisation puisqu’elle
permet de procurer aux régions des ressources financières nécessaires au bon fonctionnement
à l’achèvement de leurs projets.
Néanmoins, un parallélisme entre contribution et rétribution devrait être observé pour les
recettes escomptées aient comme contrepartie une implication des instances régionales dans le
fonctionnement des ports. a travers l’examen du mode de gouvernance actuellement en
vigueur dans les ports marocains, on peut conclure que la région est quasi-absente.
Par ailleurs, dans le projet de régionalisation avancée, les régions sont appelées à jouer un rôle
catalyseur dans le développement des activités économiques et sociales. Elles sont sollicitées
à se procurer et développer les ressources nécessaires à l’accomplissement des missions qui
leurs sont dévouées. C’est dans cette logique que la taxe sur les services portuaires au profit
de la région devrait être perçue comme un produit à développer et non pas une recette à
recouvrer. Ce changement de perception impliquerait un effort commercial à déployer par la
région pour drainer davantage de trafics portuaires et développer les activités commerciales
des ports qui en dépondent.

Biblio :

- Code général des impôts ;


- Lois 47-06 et 30-89 sur la fiscalité des collectivités locales ;
- Loi 47-96 sur les régions au Maroc ;
- Bouchartat H., Hajbi A. and Abbar H. (2011) “Governance of the maritime and
port sector: Morocco as example” Journal of US-China Public Administration.
N° 8 Vol 7.
- Site de l’EACCE : web2.eacce.org.ma
- World Bank « Logistics and Trade Competitiveness in Morocco».
- Gilbert (Guy) et Guengant (Alain) (1989), La fiscalité locale en question, Paris,
Montchrestien, 160p.
- Guengant (Alain) (1992), Taxe Professionnelle et intercommunalité, Paris,
LGDJ.

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