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INGÉNIERIE DES TRANSPORTS

Ti601 - Véhicule et mobilité du futur

Carburants et matériaux allégés


pour véhicule

Réf. Internet : 42629

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Véhicule et mobilité du futur
(Réf. Internet ti601)
composé de  :

Motorisation et dépollution Réf. Internet : 42565

Carburants et matériaux allégés pour véhicule Réf. Internet : 42629

Systèmes de transport intelligents Réf. Internet : 42575

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Véhicule et mobilité du futur
(Réf. Internet ti601)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Pierre DURET
Directeur de l'ENSPM (École nationale supérieure du pétrole et des moteurs)

Serge PÉLISSIER
Directeur de Recherche à l'IFSTTAR, Institut Français des Sciences et
Technologies des Transports, de l'Aménagement et des Réseaux

Gabriel PLASSAT
Ingénieur énergies et prospectives à l'ADEME (Agence de l'Environnement et
de la Maîtrise de l'Énergie)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Laurent ANTONI Bruno GAGNEPAIN Jean-Louis MAGNET


Pour l’article : IN52 Pour l’article : BE8550 Pour l’article : BM2590

Rénal BACKOV Alain GIOCOSA Pierre MALBRUNOT


Pour l’article : IN150 Pour l’article : AM5600 Pour les articles : BE8565 –
BE8566
Laurent BOURNAY Philippe GIRARD
Pour l’article : IN303 Pour l’article : RE110 Renaut MOSDALE
Pour l’article : BM4850
Christophe BOYER Xavier GLIPA
Pour l’article : J6368 Pour l’article : IN52 Cuong PHAM-HUU
Pour l’article : RE86
François BROUST Dominique GRIZEAU
Pour l’article : RE110 Pour l’article : IN201 Nicola PICCIRELLI
Pour l’article : AM5600
Philippe COGNARD Jean-Philippe HÉRAUD
Pour l’article : AM5221 Pour l’article : IN303 Anne-Claire PIERRON
Pour l’article : IN303
Farida DARKRIM-LAMARI Jean JENCK
Pour les articles : BE8565 – Pour l’article : IN201 Jean-Philippe POIROT-
BE8566 CROUVEZIER
Anthony KERIHUEL Pour les articles : D5570 – IN52
Georges DESCOMBES Pour l’article : IN58
Pour l’article : BM2590 Francis ROY
Bertrand LECOINTE Pour l’article : IN52
Moussa DICKO Pour les articles : BM2591 –
Pour l’article : BE8565 BM2592 Richard TILAGONE
Pour les articles : BM2591 –
Philippe DRENO Jack LEGRAND BM2592
Pour l’article : IN201 Pour l’article : IN201
Laurent VAN DE STEENE
Claude DUVAL Anne-Claire LUCQUIN Pour l’article : RE110
Pour l’article : AM3591 Pour l’article : IN303
Gauthier WINE
Pour l’article : RE86

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VI
Carburants et matériaux allégés pour véhicule
(Réf. Internet 42629)

SOMMAIRE

1– Biocarburants Réf. Internet page

Biocarburants BE8550 11

Biocarburants de seconde génération et biorainerie RE110 17

Production de biokérosène et de biogazole par la voie thermochimique IN303 21

Valorisation énergétique de déchets graisseux en biocarburant IN58 27

Valorisation industrielle des microalgues photosynthétiques IN201 29

Conversion du CO2 en hydrocarbures par électroréduction en lux continu RE86 33

Biocatalyseurs enzymatiques supportés dédiés à la production en continu de biodiesel IN150 35

2– Carburants gazeux Réf. Internet page

Moteurs à gaz. État de l'art BM2590 39

Gaz naturel - Énergie fossile BM2591 43

Gaz naturel - Carburant pour véhicule BM2592 47

3– Hydrogène et piles à combustible Réf. Internet page

Piles à combustible appliquées aux véhicules BM4850 55

Transport électrique routier - Véhicules à pile à combustible D5570 61

GENEPAC : pile à combustible à membrane échangeuse de protons PEMFC IN52 69

Hydrogène J6368 73

Combustible hydrogène. Production BE8565 77

Combustible hydrogène. Utilisation BE8566 81

4– Matériaux allégés Réf. Internet page

Les composites dans l'industrie automobile AM5600 87

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VII
Plastiques et automobile. D'aujourd'hui à demain AM3591 91

Collage des composites : constructions aérospatiale, automobile et ferroviaire AM5221 95

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Carburants et matériaux allégés pour véhicule
(Réf. Internet 42629)


1– Biocarburants Réf. Internet page

Biocarburants BE8550 11

Biocarburants de seconde génération et biorainerie RE110 17

Production de biokérosène et de biogazole par la voie thermochimique IN303 21

Valorisation énergétique de déchets graisseux en biocarburant IN58 27

Valorisation industrielle des microalgues photosynthétiques IN201 29

Conversion du CO2 en hydrocarbures par électroréduction en lux continu RE86 33

Biocatalyseurs enzymatiques supportés dédiés à la production en continu de biodiesel IN150 35

2– Carburants gazeux

3– Hydrogène et piles à combustible

4– Matériaux allégés

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Biocarburants
par Bruno GAGNEPAIN
Ingénieur biocarburants
ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), Service bioressources,
Direction production et énergies durables, Angers

Cet article est la réédition actualisée de l’article [BE 8 550] intitulé « Biocarburants » paru en
2009, rédigé par Étienne POITRAT

1. Matières premières utilisables .......................................................... BE 8 550v3 - 2


1.1 Ressources issues de la biomasse .......................................................... — 2
1.2 Aspects qualitatifs et quantitatifs ............................................................ — 2
1.3 Usages de la biomasse............................................................................. — 2
2. Production de biocarburants à partir de la biomasse ................ — 4
2.1 Alcools et éthers........................................................................................ — 4
2.2 Huiles végétales et leurs esters ............................................................... — 8
2.3 Biocarburants liquides ou gazeux de synthèse ...................................... — 8
2.4 Biométhane carburant .............................................................................. — 10
3. Caractéristiques des biocarburants liquides ................................. — 11
4. Utilisation des biocarburants ............................................................ — 12
4.1 Alcools et leurs éthers .............................................................................. — 12
4.2 Huiles végétales et leurs dérivés dans les moteurs Diesel.................... — 15
4.3 Biométhane carburant ou bioGNV .......................................................... — 20
4.4 Interactions entre bilans environnementaux des biocarburants et
changements d’affectation des sols ........................................................ — 22
5. Conclusion............................................................................................... — 22
6. Glossaire .................................................................................................. — 22
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 550v3

n appelle biocarburants, les carburants produits à partir de matières végé-


O tales ou animales non fossiles, encore appelées biomasse.
L’histoire des biocarburants a souvent été ponctuée par les crises énergé-
tiques telles que des chocs pétroliers ou des pénuries de carburants fossiles.
Les gazogènes qui produisent un gaz énergétiquement pauvre se sont ainsi
développés par exemple durant la dernière Guerre mondiale et la plupart des
productions actuelles en Europe, aux États-Unis et au Brésil ont eu comme
origine les crises pétrolières de 1973, 1979 et d’autres crises géopolitiques.
Mais les biocarburants peuvent aussi être valorisés, dans des situations où les
lieux de production ou de distribution des produits pétroliers sont éloignés des
lieux de consommation, conjuguées à l’existence de ressources locales à valo-
riser. Dans ces cas, ils ont une fonction purement énergétique de carburant de
substitution.
Aujourd’hui, d’autres fonctions des biocarburants ont été mises en évidence.
De par leur composition oxygénée, ils peuvent améliorer la combustion des
hydrocarbures et réduire certaines émissions, et aussi pour les dérivés des huiles
végétales, améliorer les capacités lubrifiantes des carburants. On peut parler
dans ces cas de cocarburants ou encore d’additifs selon les quantités utilisées.
Ces composants sont d’autant mieux valorisés que les produits pétroliers
évoluent vers des formulations différentes avec réduction voire suppression de
certains corps ou fractions comme par exemple le plomb, le soufre, les hydro-
carbures aromatiques dont le benzène, etc. Ces dispositions font l’objet d’une
directive européenne évolutive en permanence sur la qualité des carburants.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQV

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BIOCARBURANTS __________________________________________________________________________________________________________________

Les biocarburants sont des énergies renouvelables et, contrairement aux


énergies fossiles, ne contribuent pas à aggraver certains impacts environne-
mentaux globaux, comme par exemple l’effet de serre, à condition que leur
production soit effectuée dans des conditions énergétiques performantes et
sobres en énergies fossiles et de durabilité.


Elle recouvre :
Sigles, notations et symboles
– la biomasse agricole avec les cultures annuelles, produisant
Sigle Développé les éléments de base utilisés tels les sucres, l’amidon, les acides
gras et leurs coproduits (paille, rafles, cannes, fanes, coques...) ;
DME Dimethyl Ether – la biomasse lignocellulosique d’origine agricole ou fores-
tière tels le bois, les déchets de bois, les cultures pérennes (taillis à
CAS Changement d’affection des sols courte rotation TCR, taillis à très courte rotation TTCR, miscanthus,
fétuque...), les cultures annuelles (triticale, sorgho...) et les copro-
FAP Filtre à particules duits ligneux des cultures ;
ETBE Ethyl Tertiobutyl Ether – les déchets organiques avec les effluents des élevages tel le
lisier, les boues des stations d’épuration, les déchets verts ou ani-
OP Oxyde de propylène maux... et les sous-produits organiques ou fermentescibles
des activités industrielles, agroalimentaires, papetières ou de
Huile végétale hydrogénée (Hydrotreated Vegetable transformation du bois ;
HVO
Oil)
– la biomasse issue des algues marines ou aquatiques et
HVP Huile végétale pure des micro-organismes.

BTL Biomass To Liquid


1.2 Aspects qualitatifs et quantitatifs
GNV Gaz naturel pour véhicules
Dans le cadre d’une réduction du contenu carbone de l’offre
EMHV Ester méthylique d’huile végétale énergétique française et pour atteindre l’objectif de 20 % d’éner-
EMAG Ester méthylique d’acide gras gies renouvelables en 2020, le Plan de développement des éner-
gies renouvelables [1] établi dans le cadre de la mise en œuvre de
IOM Indice d’octane moteur la directive 2009/28/CE, a proposé un scénario à 20 Mtep en 2020,
dont les éléments de mobilisation réaliste de la biomasse sont
GES Gaz à effet de serre résumés dans le tableau 1 en ktep.
TBHP Tertio Butyl Hydroperoxyde Les biocarburants représenteraient environ 10 % du potentiel
des ENR (énergies renouvelables) en 2020 (36 121 ktep) ou encore
TBA Tertio Butyl Alcool 16,7 % du potentiel de la biomasse en 2020 (21 950 ktep). Ils néces-
sitent le développement des biocarburants de deuxième géné-
MTBE Methyl Tertiobutyl Ether ration (obtenus à partir de lignocellulose) et des biocarburants
obtenus à partir de déchets et résidus d’origine biologique,
Pouvoir calorifique inférieur/supérieur (MJ/kg afin d’alléger la demande sur les produits agricoles.
PCI/PCS
ou kWh/Nm3)

COVNM Composés organiques non méthaniques


Le potentiel additionnel disponible des ressources bio-
masses françaises est évalué entre 15,7 et 20 Mtep/an,
réparti entre les résidus agricoles pour 4,3 Mtep les déchets
1. Matières premières organiques pour 5,2 à 5,5 Mtep et les ressources sylvicoles
(forestières et autres zones boisées) pour 6,2 à 10,2 Mtep [2].
utilisables
1.1 Ressources issues de la biomasse 1.3 Usages de la biomasse
Les bioénergies obtenues recouvrent :
– les biocarburants pour les moteurs ;
La définition de la biomasse est indiquée par la directive – les biocombustibles pour produire de la chaleur seule ou
européenne 2009/28/CE du 23 avril 2009 [Doc. BE 8 550] : combinée à une production de bioélectricité (cogénération).
« La biomasse est la fraction biodégradable des produits,
De plus, la biomasse peut aussi produire des bioproduits et des
déchets et résidus d’origine biologique provenant de l’agricul-
biomatériaux pour la chimie ou certains secteurs comme par
ture (y compris les substances végétales et animales), de la syl-
exemple, le bâtiment ou les transports (figure 1) [3]. Il est prévu
viculture et de leurs industries connexes y compris la pêche et
que tous ces usages soient en croissance dans les prochaines
l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets
années, compte tenu des conditions de développement durable à
industriels et municipaux ».
appliquer.

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___________________________________________________________________________________________________________________ BIOCARBURANTS

Tableau 1 – Mobilisation de la biomasse (ktep) en 2020 selon le PNAER


(Plan national d’actions énergies renouvelables) [1]
Biomasse Situation 2006 Potentiel 2020 Supplément à réaliser
Bois individuel chaleur............................................................. 7 400 7 400 0
Biomasse chaleur ..................................................................... 1 400 5 200 3 800
Biomasse cogénération............................................................
Part ENR des UIOM et bois DIB ..............................................
0
400
2 400
900
2 400
500

Biogaz ........................................................................................ 55 555 500
Total chaleur .......................................................................... 9 255 16 455 7 200
Électricité : biomasse dont biogaz et part ENR des UIOM ..... 240 1 475 1 235
Biocarburants ............................................................................ 680 3 660 2 980
Total .......................................................................................... 10 175 21 590 11 415
ENR : énergies renouvelables.
UIOM : usines d’incinération d’ordures ménagères avec valorisation énergétique.
DIB : déchets industriels banals.
tep : tonne équivalent pétrole (= 4,186 × 1010 J).

AGRICULTURE Parcs et
FORÊT
jardins
Cultures
Cultures dédiées
alimentaires

Coproduits
Industries diffus (paille, Industries
agro-alimentaires BIOCARBURANTS rémanents) de transformation
et autres ; élevage de 1re génération du bois

BIOMATÉRIAUX
TRADITIONNELS
BIOPRODUITS (bois, fibres, papier,
cartons, panneaux)

BIOMATÉRIAUX
(polymères) Biocarburants Coproduits
de 2e fatals
génération
Déchets
Déchets verts
organiques
fatals
fatals
COMBUSTION,
CHAUFFAGE,
COGÉNÉRATION

PRODUCTION DE
BIOGAZ
(par fermentation)

Retour au sol :
ÉPANDAGE ET
COMPOSTAGE

Figure 1 – Principaux usages et provenances de la biomasse non alimentaire [3]

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BIOCARBURANTS __________________________________________________________________________________________________________________

Vu la situation décrite au paragraphe 1.2, il faut donc développer


la production ou la valorisation des ressources et éviter de les gas- L’enthalpie de changement d’état d’un corps correspond à
piller en améliorant l’efficacité énergétique lors de leur production l’énergie nécessaire ou fournie sous forme de chaleur pour
et de leur utilisation, ainsi qu’une valorisation optimale des que ce corps change d’état : elle est positive avec une réaction
déchets (graisses, huiles, fibres, matières organiques...). Des priori- endothermique et négative avec une réaction exothermique.
tés peuvent être fixées, compte tenu que certains vecteurs énergé-
tiques peuvent être obtenus avec certaines ressources et non avec Ces équations sont théoriques et leurs rendements sont appelés
d’autres. C’est notamment le sens de l’accent mis sur certaines rendements de Gay-Lussac. Du fait de la fabrication inévitable

Q matières à développer pour la production de biocarburants avan-


cés dans la directive 2015/1513 [Doc. BE 8 550]. Les biocarburants
constituent encore actuellement de très loin la principale alterna-
de sous-produits divers et de levures, le rendement de Pasteur,
égal à 94,7 % du rendement de Gay-Lussac, définit la production
d’éthanol.
tive, autre que la réduction de la consommation d’énergie et l’amé-
lioration des technologies, des bilans pétroliers, disponible
rapidement à grande échelle dans les transports. Exemple
100 kg de sucre produisent respectivement 48,4 et 50,95 kg
Des critères de durabilité pour la production des biocarburants d’éthanol à partir de glucose ou de saccharose.
ont été définis par la directive européenne 2009/28/CE et sont mis
Ces rendements restent théoriques, les résultats industriels
en œuvre depuis 2010 pour mesurer les impacts environnemen-
variables sont légèrement inférieurs.
taux de ces applications et les réduire au maximum.
Il convient également d’éviter les conflits d’usage avec les autres
filières (alimentaire, papier, bois, matériaux ou énergie...). 2.1.1.2 Matières premières des sucres
Les sucres sont présents à l’état plus ou moins polymérisé dans
le monde végétal.

2. Production de Les plantes dites sucrières ou saccharifères (betteraves à


sucre, canne à sucre) produisent directement du saccharose et
biocarburants dans ce cas, le sucre fermentescible est extrait par diffusion.
Les plantes amylacées telles les céréales produisent de l’amidon
à partir de la biomasse qu’il est nécessaire d’hydrolyser par des enzymes, les amylases. Les
sucres obtenus sont alors un mélange de glucose et de maltose.
Selon la directive européenne 2003/30/CE du 8 mai 2003, reprise L’éthanol produit actuellement en France pour un usage de bio-
par la directive 2009/28/CE, la définition des biocarburants est la carburants provient essentiellement de betteraves à sucre et de
suivante : blé. Ces filières génèrent aussi des coproduits tels :
« combustibles liquides ou gazeux utilisés pour le transport – les vinasses, fraction liquide de la distillation ; issues de la bet-
et produit à partir de la biomasse », donc obtenus à partir des terave, elles sont utilisées comme fertilisants de par leur richesse
matières organiques végétales et animales non fossiles. en matières minérales ; issues de céréales, elles sont recyclées
dans le procédé ou utilisées en alimentation animale ;
La même directive cite également 10 produits considérés
comme biocarburants : bioéthanol, biodiesel (esters d’huile – les pulpes de betteraves bien valorisées par les ruminants ;
végétale ou animale), biogaz, biométhanol, biodiméthyléther – les drèches de blé riches en protéines et utilisées en alimentation
(bio-DME), bio-ETBE, bio-MTBE, biocarburants synthétiques, animale.
biohydrogène, huiles végétales pures. Les vinasses peuvent être également méthanisées et valorisées
énergétiquement sous forme de biogaz ou être utilisées directement
comme combustibles après leur concentration. Pour ce dernier
La figure 2 [2] présente un aperçu des différents procédés de usage, des essais effectués en mélange avec du fioul lourd en ont
production de biocarburants à partir de différentes biomasses. démontré la faisabilité industrielle.
Les sucres issus de ressources lignocellulosiques (§ 2.1.1.3.1)
font partie des substrats visés pour élargir la production d’éthanol
2.1 Alcools et éthers au-delà des seules ressources d’origine agricole, ainsi que ceux
issus d’algues dans un horizon plus lointain.
2.1.1 Alcool éthylique ou éthanol
2.1.1.3 Technologie
2.1.1.1 Principes de base
Tous les sucres en C6 fermentescibles, principalement le 2.1.1.3.1 Hydrolyse
glucose, et aussi le saccharose, peuvent être convertis en éthanol
L’hydrolyse est appliquée industriellement à l’amidon des
et en dioxyde de carbone après fermentation. La réaction est anaé-
céréales avec deux procédés :
robie et catalysée par une enzyme produite par une levure, Saccha-
romyces Cerevisiae, qui est la plus couramment utilisée. – la voie humide : les grains sont trempés dans une solution
aqueuse contenant de l’acide sulfurique pour faciliter la séparation
Les équations des réactions de fermentation sont les des composants. Le grain est ensuite moulu et ses constituants
suivantes : (son, gluten, amidon...) sont séparés de façon classique pour le
son et en partie par lavage. Seul l’amidon est traité au cours de
l’hydrolyse enzymatique puis fermenté. Les coproduits (exemple :
huile ou gluten) sont vendus séparément sur des marchés spéci-
fiques (exemple : alimentation humaine ou animale) ;
– la voie sèche : le grain est également moulu et la totalité de
ses constituants subit l’hydrolyse enzymatique et la fermentation.
Le débouché du coproduit principal, les drèches DDGS (Dried
avec ΔH enthalpie massique. Distiller Grain and Solubles ) est très important.

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___________________________________________________________________________________________________________________ BIOCARBURANTS

Digestion anaérobie Biométhane


de bioréactifs)

Biohydrogène
(utilisation
Biochimie

Séparation
Production autotrophe Biohydrogène
Épuration

Lipides

Récolte et Lipides Estérification



Biodiesel
Extraction Décarboxylation Biokérosène

Biomasse
terrestre Sucres Bioéthanol
Hydrolyse Fermentation Biobutanol
et
aquatique Lipides, hydrocarbures

Fermentation Bioéthanol
Bioalcools

Gazéification Syngaz
Fischer-Tropsch Biodiesel
et épuration Biokérosène
(haute température)
Thermochimie

Méthanol
Catalyse Éthanol
BioGNV

Pyrolyse, torréfaction, Biobruts Biokérosène


Raffinage Biohuiles
conversionhydrothermale Biohuiles
Biogazole

Figure 2 – Procédés de production de biocarburants à partir de différentes biomasses [2]

L’hydrolyse de la cellulose et des hémicelluloses est possible 2.1.1.3.3 Séparation de l’éthanol


et a fait l’objet d’importants travaux de recherches dans le monde Le fractionnement du vin obtenu après l’étape de fermentation
entier. Les rendements matières (par rapport à la matière sèche) conduit à séparer l’éthanol du reste des constituants. La technologie
prévus en 2020 sont de l’ordre de 12 à 16 % et l’efficacité énergé- appliquée comprend deux étapes : la distillation et la déshydratation.
tique entre 25 et 30 % [2]. Les procédés enzymatiques et/ou combi-
nés à des prétraitements physiques, thermiques et/ou chimiques La distillation usuelle permet d’obtenir une concentration en
ont fait ou continuent à faire l’objet de pilotes de démonstration. éthanol de 96 % en masse, voisine de l’azéotrope (97,1 %). Une
Depuis fin 2013, la transition vers le stade commercial de la pro- distillation des vins par une colonne à double effet nécessite
duction d’éthanol lignocellulosique s’est amorcée avec les toutes 114 kg de vapeur/hL d’alcool pur et une consommation d’électricité
premières inaugurations d’installations industrielles de taille de 2 kWh/hL d’alcool pur. Les variantes de combinaison avec la
commerciale en Amérique (États-Unis et Brésil) et en Europe concentration des vinasses non recyclées, l’existence de multiples
(Italie) [4]. En parallèle, les travaux de R&D se poursuivent dans effets et la distillation sous vide partiel permettent encore d’amé-
l’optique de continuer à réduire les coûts des réactifs (enzymes liorer ces consommations énergétiques.
notamment) et d’élargir leurs fonctionnalités vis-à-vis de panels de La déshydratation conduit à l’éthanol anhydre (99,7 % minimum
ressources biomasse plus étendus. en masse, spécification officielle et 99,9 % pour la synthèse de
l’ETBE). Plusieurs techniques sont utilisées à l’échelle industrielle :
2.1.1.3.2 Fermentation – la distillation azéotropique à pression atmosphérique, en
La fermentation traditionnelle des sucres en C6 (hexoses) par la présence de cyclohexane (en général) comme solvant d’entraîne-
levure citée dans le paragraphe 2.1.1.1 reste la voie industrielle ment, accompagnée de recompression mécanique de vapeurs.
principale de production de l’éthanol. De nombreux travaux de D’autres techniques sous vide partiel peuvent être appliquées,
recherche ont abordé des fermentations différentes avec des bac- elles sont à ce jour peu répandues dans les procédés industriels de
téries, d’autres levures, voire même des champignons et la fer- traitement de l’éthanol ;
mentation des sucres en C5 (pentoses). Quelques voies de – le tamisage moléculaire qui consiste à adsorber et désorber
fermentation conjointe de sucres en C5 et C6 semblent intéres- l’eau sur un support tel des zéolites synthétiques, ou des silico-
santes, débouchant sur des démonstrations de procédés [5], mais aluminates métalliques, à structure cristalline tridimensionnelle
elles n’ont pas encore trouvé de concrétisations industrielles per- poreuse. Actuellement, presque toutes les unités industrielles en
mettant de produire de l’éthanol dans des conditions suffisamment exploitation en France utilisent ce procédé pour traiter le bioéthanol.
performantes et compétitives.
Une troisième technique a été appliquée pendant quelque
Au plan industriel, la principale distinction est à opérer entre les temps, mais n’a pas été suffisamment adaptée à l’alcool de bette-
procédés discontinus et les procédés continus de fermentation. raves. Il s’agit de la pervaporation par membrane, très perfor-
Ces derniers (le procédé Speichim et le procédé Biostil) sont plus mante au plan énergétique et qui s’applique à d’autres alcools. Elle
productifs, avec un rendement supérieur de 1 à 6 % aux procédés est rarement utilisée seule, mais plutôt en complément de tamis
discontinus, mais ils sont aussi nettement plus sensibles aux moléculaire pour le prétraitement d’alcools riches en eau. Des
contaminations bactériennes. travaux de R&D se poursuivent pour améliorer ces techniques

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BIOCARBURANTS __________________________________________________________________________________________________________________

Tableau 2 – Ordres de grandeur de consommations énergétiques spécifiques de la déshydratation


de l’éthanol à 96 % vol. [6]
Membrane de
Consommation d’énergie Distillation azéotropique Tamis moléculaire
pervaporation

55 à 62
Vapeur (kg vapeur/hL d’alcool pur) 105 35 pour les unités les plus 11
performantes

Q Électricité (kWh/hL d’alcool pur) 0,4 0,41 2,9

Données observées sur des unités françaises de production d’éthanol.

Tableau 3 – Production et rendement du bioéthanol [7]

Quantité de matière première Rendement de matière première Rendement en éthanol


Matières premières
(t/t d’éthanol) (t/ha) (t d’éthanol/ha)

Blé 3,24 à 3,53 7,77 2,2 à 2,4

Maïs 2,59 à 2,93 8,8 3 à 3,4

Betterave (1) 11,7 à 12,8 79,4 6,2 à 6,8

Canne à sucre (2) 0,07 87 6,1

Lignocellulose (3) 6,25 10 1,6

(1) valeurs exprimées avec un taux moyen en sucre de 18 % en masse.


(2) valeurs exprimées avec un taux moyen en sucre de 14,5 % en masse.
(3) par prétraitements et hydrolyse enzymatique, la production dépend de la teneur en cellulose qui peut varier de 33 à 50 %.

membranaires (pervaporation, perméation) afin de favoriser leurs


applications industrielles. Tableau 4 – Bilan des flux de matières
et de consommables pour la production de l’ETBE
Le tableau 2 indique les performances énergétiques industrielles avec le procédé de l’IFP
indicatives de trois procédés.
Matières ou énergies Production 1 kg ETBE
utilisées (98,5 %)
2.1.1.3.4 Production et rendement du bioéthanol
Le tableau 3 présente, pour différentes matières premières, les Éthanol (99,7 %) .................. (kg) 0,47
rendements obtenus. Isobutène ............................. (kg) 0,53

Vapeur .................................. (kg) 0,69 à 0,7


2.1.2 Alcool méthylique ou méthanol
Électricité.......................... (kWh) 0,053 à 0,056
Cet alcool figure ici pour mémoire, il est traité au
paragraphe 2.3.3 comme biocarburant liquide de synthèse.
massique moyenne du produit obtenu est de 98,5 % d’ETBE et de
1,5 % d’éthanol.
2.1.3 ETBE (éthyl-tertiobutyl-éther)
Le bilan des flux est présenté dans le tableau 4 [9].
L’ETBE peut être produit industriellement avec différentes
matières premières et différents procédés à partir d’éthanol et La même réaction de production d’ETBE peut être mise en
d’isobutène selon la réaction suivante : œuvre par un procédé chimique (exemple de LyondellBasell à
Fos-sur-Mer) à partir d’isobutène obtenu par une transformation
chimique du butane, transformé en isobutane puis en TBA (ter-
tio-butyl-alcool) déshydraté, selon le schéma détaillé dans le
tableau 5.
L’isobutène est obtenu en raffinerie de pétrole (TOTAL) à partir
de la coupe en C4, par craquage catalytique du naphta ou par cra- 2.1.4 Alcool butylique ou butanol
quage à la vapeur après extraction du butadiène. Le procédé de
l’IFP (Institut français du Pétrole) [8] comprend des réacteurs à lit Le butanol est obtenu par une fermentation anaérobie de nom-
fixe ou à lit expansé et une distillation réactive et assure une breux sucres monomères, appelée acétonobutylique qui produit
conversion de la plupart de l’isobutène (figure 3). La composition du butanol, mais aussi de l’acétone et de l’éthanol en moindre

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RECHERCHE

Biocarburants de seconde
génération et bioraffinerie Q
par François BROUST
Dr, CIRAD PERSYST, Unité Biomasse Energie, Montpellier
Philippe GIRARD
Dr, CIRAD, Kasetsart University, Bangkok, Thaïlande
et Laurent VAN DE STEENE
Dr, CIRAD PERSYST, Unité Biomasse Énergie, Montpellier

Résumé : Le principal atout des biocarburants de seconde génération tient au fait


que leurs procédés d'obtention doivent permettre de convertir l’intégralité de la bio-
masse. La compétition entre usage alimentaire et non alimentaire des produits
agricoles est limitée. La plante complète est valorisée ; à terme, une valorisation de
nombreux résidus et déchets organiques peut même être envisagée y compris pour la
synthèse de nombreux produits chimiques et de molécules plateformes, précurseur de
nombreuses applications chimiques.
Abstract: The main interest to the second generation biofuels is due to the capability
of these technologies to convert the whole biomass into useful energy. This characte-
ristic will reduce the potential competition which may exist between food and non-food
applications of agri-based products. Depending on the technology used, all kind of bio-
mass, including residues and waste could be converted into biofuels as well as
chemicals and platform molecules.
Mots-clés : biomasse lignocellulosique ; biocarburants ; thermochimique ; biochimique ;
bioraffinerie.
Keywords: lignocellulosic biomass; transport biofuel; thermochemical; biochemical;
biorefinery.

Points clés
Domaine : Énergétique
Degré de diffusion de la technologie : Émergence I Croissance I Maturité
Technologies impliquées : gazéification, fermentation, hydrolyse, catalyse
Domaines d’application : carburants liquides et produits chimiques
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : TENERDIS, DERBI, AXELERA, AGRIMIP, CAPENERGIES,
IAR pour les principaux.
Centres de compétence :
GAYA (AMI ADEME) : biométhane de seconde génération
BioTFuel (AMI ADEME) : production industrielle de biodiesel et biokérosène de
seconde génération par voie thermochimique
FUTUROL (OSEO/IAR) : plateforme de bioéthanol de seconde génération par voie
biologique
Xyloforest (EQUIPEX 2010) : Plateforme d’innovation « Forêt-Bois-Fibre-Bio-
masse du Futur »
GENEPI (EQUIPEX 2012) : Équipement de gazéification pour plateforme inno-
vante dédiée aux énergies nouvelles
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQS

Organismes de recherche : CIRAD, CNRS, CEA, FCBA, IFPEN, IFREMER, INRA,


IRSTEA, Universités, ONF

2-2013 © Editions T.I. RE 110v2 - 1

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RECHERCHE

1. Intérêt des biocarburants Les biocarburants conventionnels comme les huiles


végétales brutes, l’éthanol et les esters d’huiles végétales,
de seconde génération sont dits de première génération dans la mesure où ils sont


déjà disponibles sur le marché et que les techniques de pro-
La demande mondiale en énergie est croissante et très lar- duction ont atteint un niveau de maturité technologique qui ne
gement dépendante des sources d’énergie fossiles. Il est laisse plus espérer que de faibles gains de rendement ou de
admis qu’une part significative de la progression de cette productivité. Ils n’utilisent qu’une fraction mineure de la
demande sur le court et moyen terme concernera le secteur plante : sucre et amidon pour l’éthanol, huiles végétales pour
des transports, notamment en provenance des pays émer- les esters.
gents [1]. Selon la même source, en 2030, ce secteur devrait Par opposition, les biocarburants de seconde génération
être responsable du tiers des émissions mondiales de CO2. ne sont, quant à eux, pas encore disponibles sur le marché et
Cette considération, conjuguée à l’augmentation importante et les technologies de conversion dont ils sont issus en sont
soutenue du prix du pétrole, explique l’intérêt croissant que encore au stade soit de la recherche, soit du pilote industriel.
portent tous les pays, et notamment les pays non producteurs Leur principal atout, qui justifie les programmes de recherche
de pétrole, aux biocarburants. mis en œuvre (encore bien timides au regard des enjeux),
Il existe un nombre important d’options de carburants alter- tient au fait que ces procédés doivent permettre de convertir
natifs pour les transports comme l’illustre la figure 1. Ces l’intégralité de la biomasse et notamment de ses constituants
solutions ont atteint des degrés de maturité divers et certai- lignocellulosiques. La biomasse en effet, dans sa grande majo-
nes d’entre elles font l’objet d’importantes recherches au rité, est constituée de lignine (15 à 20 %), de cellulose (35 à
50 %) et d’hémicellulose (20 à 30 %) plus ou moins intime-
niveau international comme c’est le cas des biocarburants
ment liés. La composition de quelques biomasses lignocellulo-
(aussi appelés agrocarburants dans la mesure où les biocarbu-
siques susceptibles d’être utilisées pour la production de
rants actuellement utilisés sont élaborés à partir de produits
biocarburants est donnée dans le tableau 1.
agricoles). L’objet de cet article est de dresser un rapide état
des lieux des filières technologiques de production des carbu- Si l’usage des biocarburants s’est considérablement accéléré
rants de seconde génération, dont nous préciserons plus loin ces dernières années, leur part relative au niveau de la
la définition, de présenter leurs avantages et les verrous tech- consommation mondiale reste somme toute limitée et ce, pour
nologiques existants afin de dégager les opportunités et les deux raisons essentielles, leur coût tout d’abord, mais surtout
besoins de recherches encore nécessaires pour amener ces pour ce qui constitue indiscutablement le principal inconvé-
nient des biocarburants actuels, une faible productivité rame-
technologies à maturité.
née à l’hectare cultivé. Ainsi, si le nombre de plantes
Les biocarburants sont des produits élaborés à partir de bio- oléagineuses répertoriées dans le monde est de plusieurs cen-
masse ou, plus généralement pour ceux qui sont actuellement taines, moins de dix d’entre elles sont utilisées dans la pro-
commercialisés, de produits agricoles. duction de biocarburant. Il s’agit principalement du colza, du

1 pour première génération, 2 pour seconde génération

Figure 1 – Large gamme de carburants alternatifs aux produits pétroliers (d’après [2])

RE 110v2 - 2 © Editions T.I. 2-2013

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RECHERCHE

Tableau 1 – Composition élémentaire de trois biomasses de référence (d’après [3] [4])


Biomasses Paille (blé) Bois (epicéa) Miscanthus
Carbone (%) 46,0 51,9 47,9
Hydrogène(%) 5,5 6,16 5,5
Oxygène (%) 41,4 41,7 41,0
Azote (%) 1,65 0,12 0,54
Soufre (%) 0,1 0,03 0,11
Chlore (%) 0,15 0,02 0,18
Cellulose (%) 33 41 45
Hémicellulose (%) 23 31 30
Lignine (%) 17 27 21
Matières minérales (%) 5 (5 à 12,8) 0,1 (0,1 à 0,4) 4,8 (1,5 à 4,8)
Pouvoir calorifique (MJ/kJ) 18 400 20 200 19 100

tournesol, du soja, du palme et du coton. Il en est de même 2. Voie biochimique : éthanol


pour la production d’éthanol qui ne concerne que la canne à
sucre, le maïs, le blé, la betterave, le manioc et de quelques cellulosique
autres céréales en complément du blé en Europe.
La voie biochimique désigne la filière de valorisation de la
Pour la majorité de ces plantes, de 50 à 70 % de leur masse biomasse lignocellulosique par hydrolyse puis fermentation. Le
totale n’est pas utilisée ou pas convertie en biocarburant ; produit final principal est l’éthanol dit « cellulosique », en réfé-
seule une fraction des sous-produits trouve une application rence à la fraction majoritairement valorisée de la biomasse. Il
alimentaire (tourteaux de pressage) ou énergétique (électri- est de même nature que le bioéthanol de première génération
cité pour la bagasse de canne à sucre). De plus, pour produit à partir de plantes sucrières ou céréalières telles que
atteindre des niveaux de productivité élevés compatibles le maïs et le blé. Néanmoins, si la filière bioéthanol de pre-
notamment avec la production de carburants, ces cultures mière génération est à un stade avancé de maturité technolo-
sont relativement exigeantes en termes d’intrants (engrais, gique, celle de seconde génération se heurte encore à des
pesticides…), de qualité de sol ou de disponibilité en eau, prin- difficultés techniques et économiques liées à la matière à valo-
cipale limite à leur forte expansion. riser [33] :
– la lignine ne peut pas être fermentée en éthanol. Seules
À l’horizon 2015-2020, deux grandes voies technologiques les fractions cellulosiques et hémicellulosiques sont des sour-
sont susceptibles de valoriser plus ou moins complètement ces ces potentielles de sucres fermentescibles (voir encadré 1),
polymères : la voie biochimique (hydrolyse et fermentation) respectivement d’hexoses (glucose) et de pentoses ;
qui permet la production d’éthanol et la voie thermochimi- – les trois polymères constitutifs de la matière lignocellulosi-
que (thermolyse et synthèse) qui permet la production de que forment une matrice rigide qu’il est nécessaire de prétrai-
méthanol, de biodiesel et de toute une gamme de produit de ter pour rendre cellulose et hémicellulose accessibles à
synthèse. l’hydrolyse.
Toute la biomasse étant potentiellement convertie en carbu- Afin de répondre à ces considérations, le schéma générique
rants, les rendements (GJ/ha) des biocarburants de seconde du procédé de production d’éthanol cellulosique (figure 2) est
génération sont bien supérieurs (de deux à quatre fois la pro- articulé autour de quatre étapes principales :
ductivité par hectare) aux biocarburants de première généra- – prétraitement de la matière première afin d’en libérer la
tion, à l’exception de la canne à sucre ou de l’ester d’huile de fraction hydrolysable ;
palme, s’ils sont produits dans des conditions pédoclimatiques – cassure par hydrolyse des molécules de cellulose et
favorables, comme l’illustre le tableau 2. d’hémicellulose en sucres, respectivement hexoses (glucose)
et pentoses ;
Les caractéristiques et les propriétés physico-chimiques des
– fermentation des sucres en éthanol ;
carburants de substitutions sont déterminantes pour les choix
– séparation de l’éthanol du moût de fermentation, distilla-
technologiques, notamment leur compatibilité pour une utilisa-
tion et séchage afin d’obtenir de l’éthanol anhydre, apte à un
tion en mélange avec les carburants conventionnels ou leur usage comme biocarburant.
compatibilité avec les infrastructures existantes de distribu-
tion. Ces aspects ont conduit au niveau de la filière thermochi- Il existe différentes variantes de ce schéma générique, en
mique à privilégier la synthèse Fischer-Tropsch au détriment fonction des options choisies pour chaque opération unitaire
du méthanol (plus toxique) ou du DME (volatil à température et des flux de chaque constituant. La distillation est une
opération unitaire déjà bien maîtrisée et ne sera pas abor-
ambiante), qui nécessiteraient des adaptations moteurs et des
dée ici.
investissements dans les systèmes de distribution plus impor-
tants. C’est pourquoi, dans les paragraphes qui vont suivre, En revanche, le prétraitement de la biomasse, l’hydrolyse et
nous nous limiterons, au niveau de la filière thermochimique à la fermentation des pentoses sont des étapes clés du procédé,
la seule production de biodiesel par synthèse Fischer-Tropsch. spécifiques à la filière de seconde génération.

2-2013 © Editions T.I. RE 110v2 - 3

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RECHERCHE

Tableau 2 – Productivités comparées des biocarburants de première et seconde générations


(d’après [5] [6] [7] [8])

Q Filière biocarburant
Rendement biomasse Rendement biocarburant
volumique énergétique
(t/ha)
(L/ha) (GJ/ha)
Biodiesel de tournesol 1,5 à 2,4 (gr.) 680 à 1 100 23,4 à 37,2
Biodiesel de soja 2,6 à 3,6 (gr.) 450 à 610 15,8 à 21,4
Biodiesel de colza 1,5 à 3,64 (gr.) 690 à 1 560 23,4 à 52,8
Biodiesel de graine de coton 1,3 à 1,7 (gr.) 260 à 340 9,0 à 11,8
Biodiesel de jatropha 0,8 à 2 (gr.) 240 à 600 8,2 à 20,4
1re Biodiesel de palme 7 à 15 (gr.) 3 500 à 7 500 121,8 à 261,0
Éthanol de blé 6,7 à 8,3 2 510 à 2 990 53,4 à 63,6
Éthanol de maïs 6 à 8,7 2 160 à 3 130 46,0 à 66,6
Éthanol de betterave 56,4 à 84 3 200 à 4 800 68,1 à 102,2
Éthanol de canne à sucre 50 à 85 3 500 à 6 500 74,5 à 138,3
Éthanol de sorgho 92 5 000 106,4
Éthanol de paille de blé 3,2 à 6,0 (ms) 1 200 à 2 270 25,6 à 48,3
Éthanol cultures pérennes 12,3 (ms) 4 060 86,4
2nde Biodiesel FT d’eucalyptus 20 (ms) 3 000 à 5 000 103,2 à 172,0
Méthanol d’eucalyptus 20 (ms) 9 000 à 11 000 140 à 172
DME d’eucalyptus 20 (ms) 10 000 188
gr. : graines ; ms : matières sèches par an ; pour la seconde génération, il s’agit de valeurs estimées.

2.1 Prétraitement
Encadré 1 – Pourquoi la biomasse lignocellulosique
Les procédés de prétraitement visent à séparer les consti-
Par rapport aux produits agricoles, la biomasse cellulosi- tuants intimement liés de la matière lignocellulosique de façon
que est plus abondante et moins coûteuse parce qu’elle à rendre la cellulose accessible à son hydrolyse ultérieure, en
n’entre pas directement en compétition avec les usages diminuant sa cristallinité et en augmentant la surface spécifi-
alimentaires de ces derniers. Il y a donc de nombreux que du matériau. Par action thermique et/ou chimique, la
avantages à privilégier la production de biocarburants à structure de la lignine peut également être détruite et l’hémi-
partir de la biomasse cellulosique : cellulose plus ou moins hydrolysée. On retrouve ainsi la
lignine solubilisée et les produits d’hydrolyse de l’hémicellulose
– une compétition limitée entre usage alimentaire et
dans la phase liquide et la cellulose et les résidus de lignine et
non alimentaire des produits agricoles et sur les terres à
d’hémicellulose dans la phase solide. Les principales contrain-
usage agricole ;
tes de cette étape sont d’éviter la perte ou la dégradation des
– une augmentation potentielle du revenu de l’agriculture
sucres qui conduit à une baisse du rendement et de limiter la
par une valorisation complète de la plante, à la fois sur le
formation de produits inhibiteurs de la fermentation tels que le
grain pour l’alimentaire et le résidu pour le carburant ;
furfural (aldéhyde aromatique de la fermentation C5H4O2)
– un accroissement de la productivité potentielle à l’hec-
tare (valorisation de la plante entière) et donc une amé- ainsi que les rejets comme le glycérol.
lioration du bilan économique ; Il existe de nombreuses technologies de prétraitement qui
– une amélioration du bilan environnemental lié aux présentent chacune leurs avantages et inconvénients et sont à
aspects agronomiques (recours limités aux intrants) et à différents stades de développement [5] [9] [34]. Le choix de
la valorisation complète de la plante à partir de solutions la technologie dépend en général du substrat (paille, bois)
technologiques intégrées qui permettent l’autonomie éner- mais surtout des impacts qu’elle a sur les coûts et performan-
gétique mais aussi la revente d’excédents électriques. La ces des étapes ultérieures d’hydrolyse et de fermentation.
faible maturité des technologies de seconde génération et
Le prétraitement mécanique consiste en un broyage de la
les controverses actuelles sur les méthodologies d’évalua-
matière lignocellulosique en fragments de quelques millimè-
tion ne permettent cependant pas de prendre une position
tres. Il vise essentiellement à augmenter les surfaces accessi-
tranchée à ce niveau ;
bles. Bien que dépendante de la matière première (plus ou
– une opportunité pour l’utilisation de terres marginales
moins fibreuse), l’énergie nécessaire au broyage pour rompre
ou les jachères, avec des plantes moins exigeantes
la structure de la lignocellulose est trop importante pour envi-
(encore que ce dernier point mérite discussion) ;
sager une application industrielle. Le broyage est plutôt utilisé
– une valorisation à terme de nombreux résidus et
comme préparation préalable de la charge à l’étape de prétrai-
déchets organiques tels que les ordures ménagères.
tement proprement dite.

RE 110v2 - 4 © Editions T.I. 2-2013

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INNOVATION

Production de biokérosène
et de biogazole par la voie Q
thermochimique

par Laurent BOURNAY


Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et métiers (ENSAM) et de l’École
nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM)
Chef de projet B-XTL – IFP Énergies nouvelles

Jean-Philippe HERAUD
Ingénieur de l’École supérieure de chimie organique et minérale (ESCOM) et de l’École
nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM)
Chef de projet Fischer-Tropsch – IFP Énergies nouvelles

et Anne-Claire PIERRON
Ingénieur de l’École nationale supérieure des industries chimiques (ENSIC)
Ingénieur de recherche en génie des procédés – IFP Énergies nouvelles

Résumé : La voie thermochimique indirecte permet la transformation de la biomasse


lignocellulosique en biocarburants liquides dits de « deuxième génération ». Cette voie
consiste en une étape de prétraitement de la biomasse qui est ensuite transformée en
gaz de synthèse par oxydation partielle dans un procédé de gazéification. Ce gaz,
mélange de monoxyde de carbone (CO) et de dihydrogène (H2), doit ensuite être
conditionné et purifié afin de permettre la synthèse d’hydrocarbures par la réaction
Fischer-Tropsch. Cette synthèse peut être orientée vers la production de coupes kéro-
sène et gazole lorsqu’un catalyseur à base de cobalt est utilisé. Les effluents
hydrocarbonés sont enfin hydrotraités pour en ajuster les propriétés. Les biocarburants
de synthèse ainsi obtenus sont de très haute qualité. En particulier, ils sont exempts de
soufre et de composés aromatiques et peuvent être incorporés dans le pool de carbu-
rants conventionnels.

Mots-clés : biocarburant, thermochimie, gazéification, BTL, Fischer-Tropsch, gaz de


synthèse

Abstract : Thermochemical pathway is used for obtaining second generation biofuels


from lignocellulosic biomass. The indirect thermochemical route starts with a first stage
of pretreatment of the biomass which is then transformed into synthesis gas by partial
oxidation in a gasification unit. This synthesis gas, mixture of carbon monoxide (CO)
and hydrogen (H2) is then conditioned and cleaned up to reach the specifications for
the Fischer-Tropsch synthesis which leads to the production of liquid hydrocarbons. At
this stage, it is possible to maximize the production of medium distillates by using
cobalt-based catalyst. The last step of this process chain is the upgrading of the hydro-
carbon effluents to adjust the properties. At the end, main products are high quality
kerosene and diesel as these products do not contain sulphur nor aromatics, and are
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQV

readily able to supplement or replace fossil fuels.

Keywords : biofuel, thermochemical, gasification, BTL, Fischer-Tropsch, syngas

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INNOVATION

Points clés
Domaine : Transformation de la biomasse lignocellulosique en carburant de

Q synthèse (Chaîne Biomass To Liquids ou BTL)


Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : Torréfaction, gazéification, réaction du gaz à l’eau
(Water-Gas-Shift), désacidification des gaz, purification, synthèse Fischer-Tropsch
Domaines d’application : Production de biocarburants de deuxième génération
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité :
Centres de compétence : CEA2, IFP Énergies nouvelles
Industriels : Axens, Total, Avril, Air Liquide
Autres acteurs dans le monde : ThyssenKrupp Industrial Solutions, UPM, KIT
(Karlsruhe Institute for Technology) Lurgi, Siemens, Linde (Choren), Chemrec
Contact : www.ifpenergiesnouvelles.fr

1. Introduction et contexte l’essence ou au gazole. Ils se répartissent en deux grandes


familles : l’éthanol, incorporé à l’essence et produit par fer-
1.1 Contexte énergétique mondial mentation du sucre ou à partir d’amidon après hydrolyse, et le
biogazole, incorporé au gazole, qui est fabriqué à partir de
La demande en énergie dans le monde est appelée à croître différentes huiles végétales (colza, tournesol, soja).
de façon durable dans les prochaines décennies, mue par
l’augmentation de la population mondiale et par les besoins Chercheurs et industriels travaillent désormais à la produc-
toujours plus importants de pays en plein développement éco- tion de biocarburants dits de « deuxième génération ». Ces
nomique tels que l’Inde et la Chine. produits sont issus de la transformation de l’intégralité de la
Actuellement, les combustibles fossiles représentent environ plante, en particulier de la lignocellulose, principal consti-
80 % de la fourniture d’énergie primaire (figure 1). tuant de la paroi des végétaux. Cette ressource est disponible
sous diverses formes : bois, paille, résidus forestiers, cultures
Les analyses prospectives réalisées par des organismes spé-
dédiées. Les biocarburants de deuxième génération valorisent
cialisés et les compagnies pétrolières (AIE : Agence internatio-
donc les parties non comestibles de la plante et permettent
nale de l’énergie ; BP : British Petroleum) envisagent toutes à
ainsi de répondre aux besoins croissants en biocarburants
plus ou moins long terme un déficit potentiel au niveau mon-
sans entrer en concurrence directe avec les besoins alimen-
dial entre la demande en produits pétroliers et la production.
taires. La voie biochimique (utilisation d’enzymes) est préférée
L’exploitation récente des gaz de schiste (shale gas) et
pour la production d’éthanol alors que la voie thermochimique
l’augmentation de l’exploitation des huiles de schiste (light
indirecte est privilégiée pour la production de biokérosène et
tight oils) en Amérique du Nord qui devrait passer d’environ
de biogazole [3].
0,9 Mb/j en 2012 à 3,3 Mb/j en 2040 avec un pic de produc-
tion attendu à 5,1 Mb/j en 2020 selon l’AIE (source : World Les offres de biocarburants de première et deuxième géné-
Energy Outlook 2015 [2]) sont susceptibles de repousser les rations sont complémentaires et non concurrentes. En effet, la
échéances mais ne changent pas la tendance à terme. En effet première génération ne pourra satisfaire à elle seule les
selon l’AIE, la demande en produits liquides à l’horizon 2040 besoins dans le futur, particulièrement pour ce qui est des dis-
serait de 103,5 Mb/j, là où la capacité de production de liqui- tillats moyens. En Europe, au-delà d’un seuil d’incorporation
des fossiles serait de 100,4 Mb/j (source : New Policies Scena- de 6 %, les biocarburants de deuxième génération seront un
rio of the World Energy Outlook 2015 [2]). Si la baisse du prix complément avantageux ne nécessitant aucune modification ni
du pétrole observée en 2014 et 2015 a ralenti les projets de du parc automobile, ni des infrastructures de distribution.
conversion de biomasse en carburants de synthèse, les scéna-
rios développés par l’AIE envisagent une augmentation dans De plus les performances environnementales de ces bio-
les prochaines années pour atteindre un prix de 100 $/b en carburants semblent particulièrement intéressantes.
2025, date à laquelle les technologies de conversion de la bio-
masse seront mises sur le marché.
Il apparaît donc clairement qu’une offre complémentaire aux 1.3 Contexte réglementaire
produits pétroliers est nécessaire pour satisfaire la demande
croissante en énergie, tant pour les transports que pour C’est en Europe que les biocarburants de deuxième généra-
l’industrie et la production d’énergie, et ce dans un contexte tion devraient d’abord et logiquement prendre leur essor grâce
de réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES). à la mise en place d’une politique incitative basée sur deux
Les biocarburants produits à partir de ressources renouvela- directives :
bles (biomasse) représentent une des réponses possibles à – la directive RED (Renewable Energy Directive) 2009/28/CE
ces défis. du 23 avril 2009 portant sur l’incorporation d’énergies d’origi-
nes renouvelables dans le mix énergétique des États
1.2 Biocarburants membres ;
Différentes générations de biocarburants peuvent être dis- – la directive FQD (Fuel Quality Directive) 2009/30/CE du 23
tinguées. Les biocarburants dits de « première génération » avril 2009 portant sur l’impact en termes d’émission de gaz à
sont d’ores et déjà disponibles à la pompe en mélange à effet de serre des carburants liquides.

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RR
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INNOVATION

Consommation mondiale
Million de tonnes équivalent pétrole

14 000 Q
13 000

12 000

11 000

10 000

9 000

8 000

7 000

6 000

5 000

4 000

3 000

2 000

1 000

89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 0

Charbon Hydroélectricité Gaz naturel


Renouvelables Énergie nucléaire Pétrole

Figure 1 – Évolution de la consommation énergétique mondiale (d’après BP Statistical Review of World Energy full report, juin 2015) [1]

La directive RED 2009/28/CE définit un cadre commun d’affectation des terres, le transport et la distribution, la
pour la promotion de la production d’énergie à partir de sour- transformation et la combustion, quel que soit le lieu où ces
ces renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contrai- émissions sont produites.
gnants concernant la part de l’énergie produite à partir de
Dans le cas des biocarburants, le CO2 dont le carbone est
sources renouvelables dans la consommation finale brute
d’origine végétale et produit par oxydation lors de l’utilisation
d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources
dans un moteur à combustion interne n’est pas comptabilisé
renouvelables dans la consommation d’énergie pour les trans-
en tant qu’émission de gaz à effet de serre. En effet, ce car-
ports. Ces objectifs sont de 20 % d’énergie produite à partir
bone dit « biogénique » a été au préalable capté par la plante
de sources renouvelables dans la consommation finale brute
lors de sa croissance.
d’énergie et de 10 % d’énergie produite à partir de sources
renouvelables dans la consommation de toutes les formes de La directive FQD 2009/30/CE fixe, pour tous types de
transport en 2020. Par ailleurs, cette directive définit des cri- véhicules routiers ou non, un objectif pour la réduction des
tères de durabilité notamment pour les biocarburants. gaz à effet de serre émis sur l’ensemble du cycle de vie. Les
fournisseurs devraient progressivement réduire, le 31 décem-
Le principal outil pour quantifier ces critères de durabilité
bre 2020 au plus tard, les émissions de gaz à effet de serre
sont les analyses de cycles de vie des produits dont les moda-
générées sur l’ensemble du cycle de vie, au moins de 6 % par
lités sont définies dans les textes réglementaires et font régu-
rapport à la moyenne communautaire des émissions de gaz à
lièrement l’objet de révisions pour en améliorer la pertinence.
effet de serre par unité d’énergie produite à partir de combus-
Les analyses de cycle de vie permettent de quantifier tibles fossiles en 2010, et ce grâce à l’utilisation de biocarbu-
l’impact environnemental des biocarburants en particulier en rants ou de carburants de substitution. Enfin, cette directive
termes d’émission de gaz à effet de serre. D’une façon géné- fixe des cibles pour la performance environnementale des bio-
rale, sont comptabilisées toutes les émissions nettes de CO2 , carburants en les comparant aux émissions de gaz à effet de
de CH4 et de N2O qui peuvent être imputées au carburant. serre de filières de référence produisant des carburants
Cette approche inclut les composants qui y sont mélangés et (essence, kérosène, gazole) à partir de ressources fossiles. La
l’énergie nécessaire à leur production. Le cycle de vie du pro- valeur des émissions de GES attribuée aux filières de
duit recouvre toutes les étapes nécessaires à son obtention, référence à partir de ressources fossiles dépend, notamment,
depuis l’extraction ou la culture, y compris le changement de la qualité du pétrole brut utilisé ainsi que des performances

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RS
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INNOVATION

et du rendement des procédés de transformation. Établis être réalisée à l’échelle industrielle. En effet, les composés
spécifiquement sur une zone géographique donnée, par exem- issus de la matière végétale ont une teneur en oxygène éle-
ple l’Europe, ces chiffres représentent une moyenne qui doit vée. Cet oxygène devra être éliminé pour que les produits de


faire l’objet de révisions pour suivre les tendances et évolu- la transformation soient incorporables dans les bases de pro-
tions des conditions de production des carburants : qualité des duits pétroliers. D’autre part, ces composés végétaux contien-
bruts traités, modifications de l’outil de raffinage, provenance nent de nombreux hétéro-éléments qui devront être aussi
et nature des produits pétroliers importés. éliminés du gaz de synthèse pour éviter l’empoisonnement du
La sévérité de ces cibles augmente progressivement dans le catalyseur utilisé pour la synthèse Fischer-Tropsch. La figure 4
temps. Cet échelonnement est également fixé dans la direc- représente un exemple d’enchaînement d’étapes de transfor-
tive. Ainsi, aujourd’hui, la réduction des émissions de gaz à mation constituant une chaîne BTL.
effet de serre résultant de l’utilisation de biocarburants est La figure 4 montre que la voie thermochimique indirecte
d’au moins 35 % par rapport à la référence fossile. À partir du comporte un grand nombre d’étapes unitaires de transforma-
1er janvier 2017, la réduction des émissions de gaz à effet de tion. La mise en œuvre à l’échelle industrielle se fera au tra-
serre résultant de l’utilisation de biocarburants devra être au vers d’une chaîne de procédés présentant des degrés de
moins de 50 % et à partir du 1er janvier 2018 de 60 %, pour complexité et de maturité très différents. En effet, tandis que
les biocarburants produits dans des installations ayant certaines étapes de cette chaîne sont maîtrisées à l’échelle
démarré après le 1er janvier 2017. industrielle sur d’autres types de charge et doivent donc être
La mise à jour de ces textes réglementaires se fait en con- simplement adaptées aux spécificités de la biomasse (gazéifi-
tinu au sein des institutions européennes afin d’encadrer au cation), d’autres étapes nécessitent le développement de
mieux un marché en pleine évolution et tenir compte des technologies (torréfaction).
avancées technologiques. Ainsi, les principaux défis technologiques de la voie thermo-
Ainsi la prise en compte du changement indirect d’affecta- chimique indirecte concernent les étapes de prétraitement de
tion des sols (iLUC indirect Land Use Change) est en cours de la biomasse, de la production de gaz de synthèse et de la
discussion. L’objectif est ici de considérer l’influence sur l’envi- purification de celui-ci.
ronnement du changement d’affectation des terres lié à la Le prétraitement a pour objectif de transformer la bio-
production de biocarburant non pas de façon locale à l’échelle masse brute de façon à permettre son injection dans l’étape
du champ (dLUC direct Land Use Change) mais de façon glo- de gazéification. Plusieurs options sont possibles, parmi elles,
bale en évaluant le déplacement des cultures d’une région les deux principales sont la voie dite « sèche » et l’autre dite
géographique à une autre. « en slurry ».
La préparation sèche de la biomasse comporte deux éta-
1.4 Performances environnementales pes, une étape de broyage et une étape de torréfaction.
L’enjeu de ce prétraitement est de produire une poudre de
La figure 2 compare les bilans gaz à effet de serre du puits particules lignocellulosiques adaptée à la fluidisation et au
à la roue des filières biocarburants de première et de transport pneumatique, tout en minimisant les pertes de
deuxième générations. matière liées au traitement thermique. Il n’existe pas, à ce
Les barres verticales positionnent les cibles réglementaires jour, de four de torréfaction industriel permettant de traiter
pour la performance environnementale des biocarburants. Par les débits de biomasse envisagés pour cette application. Cette
rapport aux carburants d’origine fossile, les émissions de CO2 technologie fait actuellement l’objet de nombreux efforts de
des biocarburants de deuxième génération du type de ceux recherche et développement.
produits par la voie thermochimique indirecte seront réduites La voie slurry implique une étape de pyrolyse produisant,
de l’ordre de 90 % selon la directive européenne 2009/30/CE en plus d’un gaz combustible, une fraction liquide et une frac-
respectant ainsi largement les objectifs réglementaires les tion solide qui sont ensuite envoyées à l’étape de gazéifica-
plus contraignants (60 % de réduction). tion. Le liquide obtenu a des propriétés (viscosité,
polymérisation, corrosivité) qui rendent sa mise en œuvre
délicate. Cette phase liquide qui contient de fines particules
2. Description de la technologie solides en suspension (slurry) se révèle particulièrement éro-
sive, entraînant une usure très rapide des conduites et des
Dans le contexte décrit précédemment de croissance de la buses d’injection dans les brûleurs. Ces difficultés représen-
demande en énergie couplée à des incitations fortes de réduc- tent autant de défis à résoudre pour une mise en œuvre
tion des émissions de gaz à effet de serre, des programmes industrielle économique et fiable. Ils font également l’objet de
de recherche sur la production de biocarburants à partir de nombreux efforts de recherche et développement.
matière renouvelable ont été initiés. Pour pallier les inconvé- Les principaux défis de l’étape de gazéification sont :
nients de la première génération (disponibilité limitée et com-
– la gazéification de la biomasse à l’aide d’oxygène pur pour
pétition avec la filière alimentaire), le développement de la
limiter la teneur en gaz inertes (notamment l’azote) dans le
deuxième génération de biocarburants est basé sur l’utilisation
gaz de synthèse et également faciliter le captage du dioxyde
de la fraction lignocellulosique de la plante. Parmi les deux
de carbone ;
principales voies de production actuellement étudiées
(figure 3), la transformation de biomasse en carburants, – l’alimentation en continu du réacteur de gazéification ;
notamment gazole, par la voie thermochimique indirecte – la réduction des goudrons formés au cours des réactions ;
(communément appelée « chaîne BTL ») se caractérise princi- – la disponibilité de l’unité pour maintenir une marche conti-
palement par la mise en œuvre d’une étape de gazéification nue de la chaîne de production de biocarburants.
puis d’une synthèse Fischer-Tropsch. La purification du gaz de synthèse est également une
Si cette voie est une réalité à l’échelle industrielle à partir étape clé de la production de biocarburants de deuxième
de charbon et de gaz naturel notamment en Afrique du Sud et génération. Les objectifs de cette étape de purification sont :
au Qatar, la mise en œuvre de biomasse nécessite néanmoins – d’éliminer les particules pour éviter le bouchage des sections
un programme de développement important avant de pouvoir situées en aval ;

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INNOVATION

Bilan GES du puits à la roue des filières biocarburants existantes


Source : directive 2009/28/CE du 23.04.2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite
à partir de sources renouvelables (valeurs types détaillées)

Culture de la ressource Étapes de transport (ressource et carburant) Conversion



BIOGAZ - Fumier sec, utilisé comme GNC
Gain min Gain min Gain min
BIOGAZ - OM, utilisé comme GNC = 60 % * = 50 % * = 35 % *

HVO - Palme (piéageage du méthane)

EMHV - Huile végétale ou animale usagée

EMHV - Palme (piéageage du méthane)

EMHV - Soja

EMHV - Tournesol

EMHV - Colza

ÉTHANOL - Canne à sucre

ÉTHANOL - Maïs UE (GN et cogénération)

ÉTHANOL - Blé (GN et cogénération)

ÉTHANOL - Betterave

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55
gCO2eq/MJ de carburant
* Par rapport aux références fossiles essence et gazole
conventionnels pour lesquels le bilan GES est de 83,8 gCO2eq/MJ

Bilan GES du puits à la roue des filières biocarburants du futur


Source : directive 2009/28/CE du 23.04.2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite
à partir de sources renouvelables (valeurs types détaillées)
Culture de la ressource Étapes de transport (ressource et carburant) Conversion

Méthanol - Bois cultivé (TCR)


Gain min Gain min Gain min
= 60 % * = 50 % * = 35 % *
Méthanol - Déchets de bois

DME - Bois cultivé (TCR)

DME - Déchets de bois

Gazole FT - Bois cultivé (TCR)

Gazole FT - Déchets de bois

ÉTHANOL - Bois cultivé (TCR)

ÉTHANOL - Déchets de bois

ÉTHANOL - Paille de blé

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55
* Par rapport aux références fossiles essence et gazole gCO2eq/MJ de carburant
conventionnels pour lesquels le bilan GES est de 83,8 gCO2eq/M J

Figure 2 – Bilan des gaz à effet de serre du puits à la roue des filières de biocarburants actuelles et futures

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INNOVATION

Valorisation énergétique de
déchets graisseux en biocarburant Q
par Anthony KERIHUEL

À l’heure où les réserves en énergies fossiles s’amenuisent et le


réchauffement de la planète devient un sujet d’actualité, les biocarburants
apparaissent comme une solution alternative. Une méthode d’émulsifica-
tion permet de transformer une graisse d’origine animale en un biocarburant
et d’ainsi d’alimenter un moteur Diesel stationnaire de cogénération.

pendant un temps limité par le biais d’un tensioactif


Anthony KERIHUEL est ingénieur de l’École adéquat. La phase majoritaire est appelée « phase
polytechnique universitaire de Marseille (EPUM). continue » et l’autre « phase dispersée ».
Il est doctorant au laboratoire du département On parle d’émulsion « huile dans eau » (o/w), ou
des Systèmes énergétiques et environnement émulsion « directe », quand la phase dispersée est la
(DSEE) de l’École des mines de Nantes. phase huileuse et la phase continue la phase aqueuse.
Anthony.Kerihuel@emn.fr De même, on parle d’émulsion « eau dans huile » (w/
o), ou émulsion « inverse », lorsque la phase continue
est la phase huileuse. Les termes « eau » et « huile »
1. Contexte désignent respectivement un liquide contenant des
Les stocks de déchets graisseux d’origine animale molécules hydrophiles (solution aqueuse) et hydro-
croissent faute d’emploi depuis que la législation s’est phobes (corps gras). Dans le cas d’un biocarburant,
endurcie suite à l’apparition de la « maladie de la vache une émulsion inverse est appropriée.
folle » (encéphalopathie spongiforme bovine : ESB) Sur les graisses
(arrêté du 14 novembre 2000). Or, les graisses anima- animales :
2.1 Matériel Produits de charcuterie.
les comme les huiles végétales ont un pouvoir calorifi-
Matières carnées de
que voisin de celui du gazole [1] [2]. Seul problème, Le matériel nécessaire à l’élaboration d’une émul- base. [F 6 500] de
leurs propriétés physiques, notamment leur viscosité sion de graisse est simple et relativement peu coû- G. Solignat et
et leur température de fusion, bien supérieures au teux. Il s’agit d’un mélangeur mécanique muni de F. Crouseilles
gazole, les rendent solides à température ambiante pâles rectangulaires. La géométrie des pâles est
(tableau 1). Il est donc impossible de les utiliser dans choisie pour produire le maximum de contraintes.
un moteur Diesel sans les transformer au préalable. La Enfin, il est essentiel de se munir d’un système de
méthode de l’émulsification permet de s’affranchir de chauffage thermostaté afin de fournir la chaleur
ces difficultés tout en produisant un minimum d’émis- nécessaire au procédé. Sur les
biocarburants :
sions polluantes lors de la combustion. Biocarburants.
2.2 Protocole [BE 8 550] de E. Poitrat
La technique de l’émulsification a fait l’objet
d’un dépôt de brevet français détenu par l’École Dans le cas de l’émulsification d’une graisse ani-
des mines de Nantes qui s’intitule Combustible male, il s’agit dans un premier temps de rendre celle-
liquide et procédé de production d’un tel combus- ci liquide en apportant l’énergie thermique requise Sur l’émulsification :
tible [18]. La transformation de graisses anima- pour lui faire atteindre sa température de fusion. Émulsification. Élabora-
les en émulsion a été testée et des essais sur un Ensuite, afin de réduire la viscosité de cette graisse, tion et étude des émul-
un alcool primaire (par exemple, méthanol, éthanol sions [J 2 150] de
moteur Diesel stationnaire ont donné de bons P. Brochette
résultats tant au niveau des performances du ou butanol) y est ajouté. Ce dernier a un double rôle
de solvant et de cotensioactif, c’est-à-dire qu’il amé- Procédés d’émulsifica-
moteur que des émissions polluantes. tion. Mécanismes de
liore la stabilité de l’émulsion formée en favorisant la formation des émul-
migration du tensioactif aux interfaces graisse-eau. sions [J 2 152] de J.-
P. Canselier et M. Poux
2. Formation de l’émulsion Le tensioactif est ajouté à son tour à la graisse et le
tout est mélangé pendant un temps déterminé. Procédés d’émulsifica-
tion. Techniques et
Une émulsion est un système hétérogène constitué Enfin, une quantité d’eau y est dispersée pour ainsi appareillage [J 2 153]
par la dispersion, sous forme de gouttelettes, d’un former des microgouttelettes. Les quantités de pro-
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPV

de M. Poux et J.-
liquide dans un autre, les deux liquides étant peu ou duits et les temps de mélange sont fonction du corps P. Canselier
pas miscibles entre eux. Une émulsion est l’associa- gras à émulsionner. L’expérience du préparateur est
tion de tels produits formant une dispersion stable donc cruciale pour mener à bien cette opération.

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RW
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INNOVATION

L’indice de cétane Tableau 1 – Propriétés du gazole, d’une graisse animale et d’une huile
traduit la faculté d’un
carburant à s’auto- végétale (d’après [1] [2])


inflammer dans un
moteur à compression
interne normalisé, en Propriétés Gazole Graisse Huile
comparant le compor-
tement de celui-ci à
celui de deux hydrocar-
Masse volumique ..................(kg/m3) 840 918 904
bures de référence. En
outre, il représente le PCI ........................................ (kJ/kg) 42 490 39 774 37 000
temps que va mettre le
carburant testé à Viscosité dynamique ................. (cSt) 4,59 49,93 40
s’auto-inflammer.
Indice de cétane ............................. 45 à 55 40 à 45 35 à 40
Point éclair ................................(˚C) 75 96 120
Carbone ....................... (% massique) 84 à 87 73 77,6
Hydrogène ................... (% massique) 33 à 16 12,3 11,6
Oxygène ...................... (% massique) 0 12,5 10,8
Soufre.......................... (% massique) 0,29 0 0
PCI : pouvoir calorifique inférieur

2.3 Tensioactif
2.3.1 Tension superficielle
La tension superficielle d’un liquide est la grandeur Partie apolaire
qui caractérise sa faculté à mouiller la surface d’un Huile
solide. Elle s’exprime en newtons par mètre (N/m).
La formation de gouttelettes émulsifiées impose la
création d’une surface interfaciale importante entre
les deux phases liquides. Cette surface interfaciale
Interface
augmente, lorsque le diamètre des gouttelettes dimi-
nue (pour une même phase dispersée). Étant donné
que tout liquide tend à réduire, autant que possible, Partie polaire Eau
sa surface de contact avec l’air ou avec un autre
liquide non miscible, la création d’une surface inter-
faciale importante exige un apport d’énergie ∆E pro-
portionnel à la surface ∆A et à la tension superficielle Figure 1 – Représentation simplifiée d’un tensioactif
y tel que : (d’après [17])

∆E = y∆A (1)
élevée que le surfactant est hydrophile. Aux environs
Les émulsions sont donc thermodynamiquement de 10, il y a équilibre entre les caractères lipophile et
instables et tendent à se séparer (séparation des hydrophile. L’intérêt de cette classification, fondée
deux phases) afin de minimiser l’aire interfaciale sur le nombre HLB, est qu’il est aisé de connaître,
entre la phase aqueuse et la phase huileuse. Pour d’emblée, les propriétés des tensioactifs. Griffin a
éviter ce type de phénomène, des tensioactifs sont montré que les émulsionnants de l’eau dans l’huile
ajoutés afin de stabiliser la dispersion formée. ont un HLB compris entre 3 et 6, tandis que les émul-
Dans notre application, cette force tend à s’opposer à sionnants de l’huile dans l’eau ont un HLB compris
la formation d’une gouttelette dispersée dans le entre 8 et 18. De plus, selon lui, les valeurs HLB sont
fluide. L’utilisation d’un tensioactif permet de réduire additives. Cela signifie que lorsque deux surfactants
la tension superficielle de la phase continue et de sont mélangés, le HLB du mélange prend une valeur
faciliter ainsi la mise en forme de l’émulsion. intermédiaire entre les HLB des deux surfactants.
2.3.2 Nature Selon la règle de Bancroft [5] [6], il faut choisir un
tensioactif qui se dissout préférentiellement dans la
La nature du tensioactif est très importante car de
phase continue de l’émulsion désirée. Pour notre
son pouvoir stabilisant dépend la qualité (stabilité)
application, un tensioactif lipophile, de nombre HLB
de la future émulsion. Un tensioactif se caractérise
bas, est donc préconisé.
par une tête hydrophile qui s’oppose à une tête lipo-
phile [17] (figure 1). L’échelle de Davies permet de
2.3.3 Concentration
classer les tensioactifs en fonction de leur affinité par
un nombre compris entre 1 et 20. Ce nombre est La concentration en tensioactif est très importante
appelé HLB (hydrophilic-lipophilic balance), appella- car elle influence la réduction de la tension superfi-
tion proposée par Griffin en 1949 [3] et 1954 [4]. cielle du fluide. Comme le montre la figure 2, la
C’est une caractéristique des surfactants, étroite- baisse de la tension superficielle en fonction de l’aug-
ment liée à la structure de leur molécule. Cette mentation de la concentration en tensioactif atteint
valeur est censée représenter l’équilibre entre les un seuil nommé concentration critique micellaire
groupements hydrophiles et lipophiles, d’autant plus (CCM). L’idéal est de trouver cette concentration

IN 58 - 2 © Techniques de l’Ingénieur 7 - 2006

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inRPQ

INNOVATION

Valorisation industrielle
des microalgues photosynthétiques Q
par Jean JENCK
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Olivier LÉPINE
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Alpha Biotech (Assérac)
Jack LEGRAND
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Université de Nantes, CNRS, GEPEA UMR 6144 (Saint-Nazaire)
Philippe DRENO
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Dominique GRIZEAU
Université de Nantes, CNRS, GEPEA UMR 6144 (Saint-Nazaire)
et Catherine DUPRÉ
Université de Nantes, CNRS, GEPEA UMR 6144 (Saint-Nazaire)

Résumé : Avec quelques milliers de tonnes par an, la filière des microalgues est
focalisée sur la biomasse sèche et sur des produits à haute valeur obtenus par une
simple extraction. Actuellement, l’attention se porte sur les microalgues photosynthéti-
ques dans une stratégie de valorisation de déchets (« waste-to-value ») : le CO2 de
diverses sources industrielles, ainsi que des effluents nitrates, phosphates, etc. peuvent
être convertis en produits valorisables par raffinage de la biomasse en huiles, pro-
téines, carbohydrates, engrais, biopolymères, biogaz, biocarburants, oxygène, etc.

Abstract: With a few thousand tons per year, the microalgae sector is focused today
on the dry biomass and on high-value products obtained by a simple extraction. A lot of
attention currently goes to photosynthetic microalgae in a ’waste-to-value’ strategy: the
CO2 of various industrial sources, as well as waste nitrates, phosphates, etc. can be
converted into valuable products. The key technology is the biorefining of the algae
biomass to oils, proteins, carbohydrates, fertilizers, biopolymers, biogas, biofuels,
oxygen, etc.

Mots-clés : microalgues, cyanobactéries, actifs, ingrédients, biomasse

Keywords: microalgae, cyanobacteria, metabolites, ingredients, biomass


p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQQ

11-2011 © Editions T.I. IN 201 - 1

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inRPQ

INNOVATION

Points clés


Domaine : Valorisation de biomasse végétale
Degré de diffusion de la technologie : Émergence / Croissance / Maturité
Technologies impliquées : production en photobioréacteurs, récolte de biomasse
aquatique, bioraffinage
Domaines d’application : nutrition, santé, environnement, chimie « bleue »,
bioénergie
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : –
Centres de compétence : GEPEA, LCA, LGCB (projet ANR Algoraffinerie)
Industriels : Alpha Biotech, Innovalg, Roquette, Microphyt, AlgoSource
Autres acteurs dans le monde :
Projets européens : FP7 Suprabio, FP7 Biofat
Industriels : une centaine de start-ups très « volatiles » aux USA ; une compé-
tence stable en Israël, Australie, Taïwan, Chine, et en construction au Portugal,
Pays-Bas et Belgique

1. Aspects scientifiques sur substrats solides par glissement via la production d’exopo-
lysaccharides, d’autres se déplacent dans la colonne d’eau en
et technologiques modifiant leur flottabilité grâce à des vacuoles gazeuses ou en
modifiant leur densité par synthèse de lipides.
1.1 Aspects biologiques La reproduction du thalle correspond généralement à une
simple division cellulaire, dont la durée peut aller de quelques
1.1.1 Espèces, souches, croissance heures (Synechococcus sp.) à quelques dizaines d’heures
Les microalgues constituent un groupe fonctionnel polyphy- (Botryococcus sp.), temps de génération compris entre ceux
logénétique de micro-organismes caractérisés par leur capa- des bactéries et ceux des cellules de plantes supérieures. Des
cité à produire de l’oxygène photosynthétique. Au sens processus de sporulation ou d’enkystement peuvent être
industriel, la dénomination « microalgue » (abrégée par com- déclenchés par des conditions environnementales défavora-
modité en : µA) inclut des cellules eucaryotes et des procaryo- bles, comme pour la formation de kystes d’Haematococcus
tes, les cyanobactéries. La diversité de ce groupe est estimée pluvialis enrichis en astaxanthine. Des cycles de reproduction
à quelques centaines de milliers d’espèces dont quelques sexuée sont élucidés chez un nombre restreint de microal-
dizaines de milliers ont été décrites et dont seuls quelques gues, telles que Chlamydomonas sp. Par exemple, des travaux
milliers sont conservés dans des collections de culture de sou- relativement récents ont caractérisé des relations entre µA et
ches nationales et internationales [11]. Ces « microplantes » bactéries se traduisant par une interférence de molécules
sont isolées d’environnements variés incluant des milieux microalgales avec le quorum sensing bactérien, et entre
aquatiques (eaux douces, marines, saumâtres et hypersalées) microalgues et virus se traduisant par un contrôle du dévelop-
et des milieux solides (sols et concrétions telles que stromato- pement de certains blooms phytoplanctoniques en milieu
lithes, tissus animaux, végétaux ou fongiques). Certaines naturel.
espèces extrêmophiles colonisent des milieux alcalins ou aci-
des, des sources hydrothermales ou des glaciers. La classifica- 1.1.2 Photosynthèse, respiration, voies métaboliques
tion des microalgues (µA) repose sur des caractères Les activités photosynthétiques des microalgues dépendent
morphologiques, biochimiques (par exemple suivant leur en partie de leur aptitude à capter les photons, grâce à leurs
pigmentation : verte, rouge, bleue) et plus récemment sur des antennes pigmentaires, pour provoquer la photolyse de l’eau
critères génétiques (ribotypage). et un transfert d’électrons entre photosystèmes, pour produire
L’appareil végétatif des µA est appelé un « thalle », il peut de l’ATP et du potentiel redox, utilisable pour fixer et réduire
être unicellulaire, colonial ou multicellulaire sous forme de fila- le CO2. L’agencement de ces antennes peut présenter des
ments sans lien cytoplasmique entre cellules, sauf pour les particularités chez certains groupes. Les différentes chloro-
cyanobactéries hétérocystées. La taille peut être inférieure au phylles sont associées à des pigments accessoires plus ou
micromètre (Ostreococcus sp.) ou dépasser le millimètre, avec moins originaux, tels que des caroténoïdes ou des phycobili-
des formes coccoïdes (Chlorella sp.) ou plus complexes (Dino- protéines. Ces dernières sont contenues dans des structures
physis sp.), qui les rendent plus facilement identifiables, mais hémisphériques, les phycobilisomes, qui permettent de
également plus sensibles aux contraintes de cisaillement pré- compléter le spectre d’action de la lumière chez les cyano-
valant dans les cuves de culture. Quelques espèces ou sou- bactéries et les rhodophycées unicellulaires. Selon les enzy-
ches appartenant par exemple aux genres Dunaliella ou mes disponibles, les microalgues capturent le carbone
Chlamydomonas sont assimilées à des protoplastes naturels inorganique préférentiellement sous forme de CO2 ou de
du fait de l’absence de paroi. D’autres ont des parois déforma- HCO3–. Ceci peut conduire à une accumulation intracellulaire
bles, telles que Euglena. De nombreuses µA, les diatomées et du carbone inorganique, dont certains processus ne sont pas
cyanobactéries en particulier, sont dépourvues d’un système encore élucidés. Par ailleurs, les cyanobactéries partagent cer-
flagellaire pour se déplacer. Certaines espèces se déplacent tains de leurs transporteurs d’électrons liés aux réactions pho-

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INNOVATION

tochimiques de la photosynthèse avec la chaîne de transport antitumorale de la curacine A [14]. Il est possible d’utiliser des
d’électrons respiratoire, soit un processus de régulation diffé- microalgues pour produire des protéines recombinantes [15].
rent de ceux des microalgues eucaryotes, impliquant une On verra en § 2 les applications commerciales.
communication entre mitochondries et plastes. Des voies
métaboliques caractérisent certains groupes :
– celles impliquées dans des processus de biominéralisation
1.2 Aspects technologiques Q
tels ceux de la formation des écailles calcaires des coccolitho- 1.2.1 Production
phoridés ou des frustules des diatomées ;
– celles associées au mode de nutrition carboné, de nom- Les µA sont cultivées en photobioréacteurs (PBR), où elles
breuses microalgues, dont Arthrospira (Spirulina) platensis, sont exposées à la lumière et nourries avec du CO2 et des
sont capables de passer d’un mode photoautotrophe à un nutriments, et dont on retire l’O2 coproduit.
mode photo-hétérotrophe (voir § 1.2.2) utilisant des sources Cette production massive se trouve face à de nombreux
de carbone organique telles que le glucose, le fructose ou le défis d’industrialisation, détaillés également dans l’article Pro-
glycérol, voire des coproduits de l’industrie alimentaire, telles duction industrielle de microalgues et cyanobactéries [IN200].
que mélasses ou lactosérums [12]. Les conditions mettant en Les PBR sont divisés en deux classes : les systèmes
évidence des capacités à l’hétérotrophie en absence de ouverts (étangs, lagunes, bassins agités) et les bioréacteurs
lumière ne portent encore que sur quelques espèces, telles clos (tubes, panneaux). Avantages et inconvénients font
que Crypthecodinium cohnii, Chlorella sorokiniana ou Euglena l’objet d’un intense débat ; les futurs systèmes de production
gracilis. Quelques-unes disposent de voies originales de syn- seront-ils des hybrides ? Aujourd’hui, les systèmes ouverts
thèse telles que celle de la polyketide synthase (PKS) pour la sont industriels : le plus grand raceway (bassin à recirculation
biosynthèse d’acide docosahexaènoïque en anaérobiose [13] ; par roues à aubes) connu a une surface de 3 500 m2 en
– celles permettant à des cyanobactéries de fixer l’azote Israël. La production massive est cependant encore un rêve.
moléculaire, soit en anaérobiose (Synechococcus sp.) soit via Bien que des projets imposants existent, telle la ferme de
des cellules spécialisées, les hétérocystes (Nostoc sp). Ce pro- 5 000 ha proposée aux États-Unis par PetroAlgae, d’autres ont
cessus est impliqué dans des relations symbiotiques entre ces tourné au cauchemar : un échec retentissant est celui de
cyanobactéries et des végétaux (Gunera) ou des champignons GreenFuel, dont la faillite en 2009 a volatilisé un investisse-
(lichens) ; ment de 70 M$.
– celles donnant la capacité à des µA comme Chlamydomo-
nas cultivées en mixotrophie de produire de l’H2 en anaéro- 1.2.2 Modes de croissance
biose grâce à une hydrogénase à fer chloroplastique. Cette
■ Photoautotrophie : elle utilise le mécanisme de photosyn-
microalgue, ainsi que Synechocystis, fait l’objet d’analyses de
thèse pour réduire le CO2. Remplacer le soleil gratuit par un
flux métabolique pour déterminer des nouveaux niveaux de
éclairage artificiel [16] coûte environ 50 €/kg (en France).
régulation des voies de biosynthèse en vue de provoquer une
suraccumulation de métabolites en cultures pures ou mixtes. L’article précédemment cité [IN200] donne des détails sur
les sources de :
1.1.3 Composition et structure des cellules, métabolites • CO2 : de 380 ppm dans l’air jusqu’à de très hautes
d’intérêt concentrations [17][18] ;
L’intérêt des microalgues se manifeste par la diversité de • azote : NOx, urée, nitrate d’ammonium ;
leurs compositions biochimiques, mais également par des par-
ticularités qui justifient l’utilisation de certains procédés de • phosphore : besoin de P/N ≈ 1/10 (mol), ce qui est un
production. Ainsi l’absence de paroi autour des cellules de réel défi : le tarissement des sources de phosphates pro-
Dunaliella et l’existence de globules de β-carotène extraplasti- voque leur renchérissement et oblige à rechercher à tout
diaux permettent l’extraction de ce métabolite par des procé- prix des sources de phosphore dans des eaux de rejets
dés utilisant des chocs osmotiques, ou des réacteurs industriels, domestiques, agricoles ;
biphasiques utilisant la diffusion du pigment à l’aide de sol- • soufre : SOx gaz, sulfates ;
vants (dodécane), sans perte de viabilité. Certaines cellules • autres : oligoéléments ; silicium pour squelette des dia-
ont des constituants pariétaux particuliers tels que des poly- tomées [19].
saccharides sulfatés, pouvant donner des oligosaccharides, du
β-glucane ou des glycoprotéines impliqués dans des proces- ■ Hétérotrophie : fonctionnant sur une source de carbone
sus d’agrégation cellulaire, utilisables comme biofloculants. organique (§ 1.1.2), c’est une fermentation « sombre » où les
Des espèces comme Porphyridium cruentum produisent des microalgues remplacent bactéries ou levures, ce qui n’a d’inté-
exopolysaccharides sulfatés (EPS) viscosifiants et rêt que pour des métabolites de haute valeur (§ 2.3.6). Cette
thermorésistants ; le spirulan est un EPS produit par Arthros- technologie indépendante de la lumière obtient en volume une
pira à propriétés antivirales. Les réserves glucidiques sont densité cellulaire élevée [20] mais à des coûts majorés. Limi-
également variées avec des polysaccharides tels que paramy- tation majeure : seules certaines souches fonctionnent ainsi
lon, rhodamylon et chrysolaminarine. Les µA à capacité osmo- (Chlorella, Galderia, Crypthecodinium).
régulatrice accumulent des concentrations intracellulaires
pouvant dépasser plusieurs mol/L de glycérol, glucosyl-glycé- ■ Mixotrophie : combinant les deux modes, l’intérêt est une
rol, tréhalose mais aussi d’acides aminés tels que la proline ou moindre perte en phase obscure de respiration, des producti-
la glycine-bétaïne. Diverses microalgues marines produisent vités plus élevées qu’en autotrophie [21], l’alternance de
naturellement des acides gras polyinsaturés (AGPI) à longues cycles jour/nuit [22], la possibilité de covalorisation de CO2 et
chaînes de 16 à 22 carbones, en relation avec des processus d’effluents chargés en carbone organique.
d’adaptation à des variations de température, d’activité hydri-
que ou certaines carences nutritionnelles. Certaines espèces 1.2.3 Récolte et traitement aval
produisent des métabolites secondaires : cires, PHB, sulfolipi- Le milieu de production est très dilué (densité de 0,3 à
des, oxylipines, terpénoïdes, dont les activités biologiques 5 kg/m3) avec des cellules de petite taille (2 à 50 µm). Le défi
commencent à être relativement bien élucidées, telle l’activité industriel est un recyclage des eaux au moindre coût. Les sys-

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RECHERCHE

Conversion du CO2 en hydrocarbures


par électroréduction en flux continu Q
par Cuong PHAM-HUU et Gauthier WINÉ

Le présent dossier démontre la possibilité de réduire de manière électro-


chimique et en une seule étape le dioxyde de carbone en hydrocarbures,
typiquement entre 1 et 9 atomes de carbone, et en éthanol. L’intérêt prin-
cipal de ces travaux réside dans le mode de réaction, c’est-à-dire avec un flux
continu de CO2 , à température ambiante et à pression ordinaire, cela n’ayant
jamais été montré auparavant. De plus, ces conditions douces de réaction
permettent de limiter les apports en énergie, ce qui permettrait dans un futur
proche d’utiliser le rayonnement solaire pour, à terme, générer directement
les protons et les électrons nécessaires par dissociation de l’eau.

1. Contexte Émission de gaz à effet de serre


en France [1]
Cuong PHAM-HUU est directeur de
recherches au CNRS Les émissions de gaz à effet de serre en France
sont composées à 69,6 % de dioxyde de car-
Gauthier WINÉ est post-doctorant
bone. Les quelque 31 % restants sont constitués
Ces deux auteurs travaillent au Laboratoire des de protoxyde d’azote N2O à 15,8 %, de méthane
matériaux, surfaces et procédés pour la catalyse à 12,4 % et de composés fluorés et chlorés
- ECPM - ULP - UMR 7515 du CNRS - Strasbourg (polyfluorocarbone PCF, hydrofluorocarbone HCF
et hexafluorure de soufre SF6) à 2,2 %. Ces gaz
La conversion directe du CO2 en produits hydro- proviennent de la production d’énergie à 13 %,
carbonés, comme les composés entrant dans la for- des transports à 27 %, de l’industrie à 21 %, des
mation de l’essence ou encore les alcools, présente habitations à 20 % et de l’agriculture à 16 %. Les
un grand nombre d’avantages qui rend le projet 4 % restants proviennent des déchets ménagers
possible et viable. En outre, d’un point de vue et industriels. Ces pourcentages ne tiennent pas
strictement environnemental, les lois votées sont de compte de la vapeur d’eau (figure 1).
plus en plus strictes et contraignantes vis-à-vis des
émissions de gaz à effet de serre. En effet, depuis le
16 février 2005, les pays signataires du protocole de
Kyoto (1997) sont obligés de réduire considé-
Déchets
rablement les émissions de ce type de gaz. Industries 3%
Cependant, même si le procédé d’électroréduction de l'énergie Transports
13 % 27 %
du CO2 n’a aucune influence directe sur la quantité
d’émission de ce gaz, il peut cependant réduire sa
concentration dans notre atmosphère. Bien que, à Autres
terme, de petites unités de dépollution pour les 18 %
effluents gazeux d’origine industrielle peuvent être
développées. Industries
20 %
De plus, les activités humaines comme les trans- Agriculture
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPW

ports publics ou privés, les industries ou l’agriculture 19 %


génèrent une très grande quantité de dioxyde de car-
bone. Celui-ci peut alors être considéré comme une Le total représente 557 millions de tonnes
source infinie de carbone, alors que les ressources en
gaz et en pétrole ont tendance à s’amenuiser. Il est Figure 1 – Répartition des émissions de CO2
également à noter que les produits de réaction par activité en France en 2003 [2]

9 - 2007 © Editions T.I. RE 86 - 1

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RECHERCHE

obtenus lors de la réduction, à savoir hydrocarbures,


alcools (comme le méthanol), aldéhydes et acides
carboxyliques sont des composés produits et utilisés Photocatalyse e– Électrocatalyse


en très grande quantité par les industries chimiques
et pharmaceutiques. O2 Fuel
Exemple : la production mondiale de méthanol
à partir de gaz de synthèse était de plus de H+

30 millions de tonnes pour l’année 2005 [3].
La réaction de réduction du dioxyde de carbone
peut être effectuée via différents processus : voie H2O CO2
chimique, biochimique ou radiochimique. Cependant,
le procédé sur lequel la majorité des recherches est
concentrée est le procédé photoélectrochimique : Photocatalyseur Électrocatalyseur
en effet, il présente de nombreuses similarités avec Membrane
la photosynthèse, qui est la réaction la plus impor-
tante dans la nature, et à la base de la vie. Figure 2 – Description d’un réacteur
Exemple de réactions : photoélectrocatalytique

photosynthèse 6CO2 + 6H2O → C6H12O6 + 6O2 (1)


Il faut préciser que, contrairement à ce que montre
photoélectrochimie CO2 + 2H2O → CH4 + 2O2 (2) l’équation (4), le méthane n’est pas l’unique produit
issu de ce type de réaction. La sélectivité en produits
Dans le cas de la photosynthèse, les plantes ont
dépend d’un certain nombre de paramètres, tels que
besoin d’eau et de dioxyde de carbone pour produire
le type d’électrode et d’électrolyte, la pression de
du sucre (C6H12O6) qui peut être considéré comme
CO2 et la température de réaction.
du carburant.
Dans la figure 3 sont résumés tous les procédés
Pour le procédé photoélectrochimique, CO2 et H2O
existants pour l’électroréduction du CO2 en phase
sont les réactifs nécessaires pour synthétiser du
liquide, classés par type de solution électrolytique,
carburant qui, dans ce cas-ci, n’est plus du sucre mais
aqueux ou non aqueux, ainsi que par type d’électron
principalement des hydrocarbures, des alcools et des
participant à la réaction, sp ou d. Bien entendu, la
acides carboxyliques. Cependant, l’équation (2) est
nature de ces électrons dépend de la nature même
hypothétique car, dans la cellule où se produit la
du métal constituant l’électrode.
réaction, le dioxyde de carbone ne rencontre jamais
l’eau. La figure 3 montre très clairement la grande
diversité des produits qui peuvent être obtenus lors
de la réduction du CO 2 : depuis l’ion carbonate
1.1 Réduction du CO2 dans un réacteur
2–
photoélectrocatalytique CO 3 , un produit minéral mais aussi l’espèce la
Un réacteur photoélectrocatalytique est constitué moins réduite, jusqu’aux hydrocarbures HC les espè-
de deux parties distinctes : une partie photochimique ces les plus réduites. « MeOH » désigne tous les
et une partie électrochimique (figure 2). Dans la alcools et « formique » tous les acides carboxyliques.
partie photochimique et grâce à un photocatalyseur, Plus le produit est réduit, plus le nombre d’électrons
généralement de l’oxyde de titane (TiO 2 ), les participant à la réaction est important et plus le
molécules d’eau sont dissociées par la lumière solaire système a besoin d’énergie, comme le montrent les
(hν ) en oxygène, protons et électrons (équation (3)). équations (5) (6) (7) (8) et (9) (tableau 1).
La seconde partie du réacteur est composée d’un De plus, pour chaque atome de carbone ajouté à la
électrocatalyseur et d’une membrane à diffusion de chaîne hydrocarbonée, des protons et des électrons
gaz (GDM) qui empêche les réactifs de se mélanger. supplémentaires sont nécessaires, ce qui rend la
Dans cette partie, le dioxyde de carbone est formation de produits lourds (masse molaire élevée)
adsorbé à la surface de l’électrocatalyseur et ensuite beaucoup moins favorable par rapport à la formation
réduit par les protons et les électrons produits dans de produits légers :
la partie photocatalyse, le tout pour former des CIVO2 → C–IVH4
hydrocarbures (équation (4)) :
→ H3C–III – C–IIIH3
Photocatalyse 2H2O → O2 + 4H+ + 4e– (3)
→ H3C–III – C–IIH2 – C–IIIH3
Électrocatalyse CO2 + 8H+ + 8e– → CH4 + 2H2O (4)

Les différents travaux déjà publiés sur le sujet


1.2 Positionnement des travaux
concernent essentiellement la partie électro- Ce travail est la continuité même d’une précédente
catalytique. Plus précisément, en omettant la partie étude effectuée au laboratoire de Messine concernant
photocatalytique, les protons et les électrons prenant la conversion électrocatalytique du CO2 en hydro-
part à la réduction du CO2 ne proviennent plus de la carbures sur des électrocatalyseurs constitués d’une
photodissociation de l’eau ; ils sont respectivement membrane à diffusion de gaz contenant des particules
fournis par un électrolyte dissous dans une solution de platine ou de palladium [6]. Ces réactions ont été
aqueuse ou non aqueuse (comme l’acétonitrile) et effectuées dans une cellule à deux parties séparées
par un générateur externe de courant. par une membrane à diffusion de gaz (figure 4).

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INNOVATION

Biocatalyseurs enzymatiques
supportés dédiés à la production Q
en continu de biodiesel
par Rénal BACKOV
Professeur des universités
Enseignant-chercheur de l’université de Bordeaux. Recherche effectuée au centre de
recherche Paul Pascal, UPR-CNRS 8641

Résumé : Nos sociétés sont confrontées à une demande croissante en combustibles


biosourcés non fossiles. Les biodiesels, obtenus par transestérification de triesters,
offrent une alternative réelle. Les réactions de transestérification peuvent être cataly-
sées par des enzymes, les lipases. Nous présentons la synthèse de catalyseurs
enzymatiques opérant en flux continu. Ces mousses biohybrides offrent de nombreux
avantages, un bon confinement des enzymes, un encombrement stérique minimisé, un
transport de masse optimisé, une simplicité de synthèse et de mise en œuvre. Ces
spécificités engendrent, pour la production de biodiesel sur supports biohybrides
macroporeux, des activités enzymatiques exaltées, associées à des endurances remar-
quables de catalyses en flux continu.

Abstract : Modern societies are confronted to an increasing requirement of bio-fuels


resources not of fossil origin. Biodiesels, obtained by transesterification of trimesters,
are offering a real alternative. Transesterification can be catalyzed by enzymes such as
lipases. We present the synthesis and use of enzyme-based macrocellular foams opera-
ting in continuous flow conditions. These monolithic biohybrid catalysts present several
advantages, confinment of the enzymes, low steric hindrance, optimized mass trans-
port, a rather simplicity in regard of the column in-situ synthetic path. Those features,
concerning enzyme-based catalyzed transesterification, high enzymatic activity
addressed with unprecedented endurance of continuous catalysis.

Mots-clés : Catalyse hétérogène, matériaux poreux, enzymes, biodiesel, chimie inté-


grative, émulsions

Keywords : Heterogeneous catalysis, porous materials, enzymes, biodiesel, integra-


tive chemistry, biliquid foams

Points clés
Domaine : catalyse
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : Chimie intégrative ; fluides complexes ; chimie sol-
gel ; biotechnologies enzymatiques
Domaines d’application : Catalyse hétérogène ; biocarburants
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : Industries et Agro Ressources (AIR) ;
Centres de compétence : CRPP (Bordeaux) ; ISM (Bordeaux) ; LISBP (Toulouse),
LCMBA (Nice), Collège de France (Paris)
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQR

Industriels : Diester Industrie (France)


Autres acteurs dans le monde : ADM Biodiesel (Allemagne), Biopetrol Indus-
tries (Suisse)
Contact : backov@crpp.bordeaux.cnrs.fr

11 - 2012 © Editions T.I. IN 150 - 1

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INNOVATION

1. Contexte
La production d'agrocarburants offre une alternative intéres-

Q sante aux carburants d'origine fossile. Les biodiesels sont des


produits transformés à base d'huiles de plantes oléagineuses
comme le colza, la palme, le tournesol ou le soja. Ils résultent
Colonne

généralement d'une réaction chimique, catalysée en milieu 19 mm


acide ou préférentiellement en milieu basique, entre de l'huile
végétale (90 % massique) et de l'alcool (10 % massique). Enceinte b
Cette réaction dite de « transestérification » convertit le du four
mélange en ester méthylique (principal constituant du biodie-
sel) et en glycérol. Une réaction de saponification parasite
(transformation de l'ester méthylique en sel de l'acide corres-
pondant) limite le rendement réactionnel en ester méthylique.
Pompe
Pour améliorer le taux de conversion, il est donc nécessaire de
développer d'autres catalyseurs qui épousent une conjoncture
de « chimie verte » des modes opératoires en limitant la
consommation d’atomes, la consommation de solvant et l’utili-
sation de métaux [1] [2]. Ainsi, certains catalyseurs enzyma- a c
tiques comme ceux appartenant à la famille des lipases
(hydrolases triglycériques) sont particulièrement efficaces et
sélectifs envers ces réactions de transestérification. Cepen- Figure 1 – Photographies du montage expérimental (a)
et du matériau macrocellulaire biohybride à base de silice,
dant, leur coût élevé et leur faible stabilité conformationnelle
confiné au sein d’un tube en Téflon et d’une colonne
limitent leur utilisation comme catalyseurs industrielle. Il est de chromatographie en acier inoxydable (b-c). La flèche rouge
donc important de parvenir à les confiner, de manière irréver- représente le sens de l’écoulement au sein de la colonne
sible et en optimisant leur activité catalytique, au sein de siliceuse
matrices poreuses, assurant à la fois une bonne accessibilité
et un transport de masse efficace, conditions indispensables à
une catalyse hétérogène performante.

(MeO)3Si O

2. Description technique O

de l’innovation
Figure 2 – Précurseur organosilane commercial,
3-glycidyloxypropyl-triméthoxysilane (Glymo), postgreffé
■ La synthèse de matériaux purement inorganiques macro- sur les monolithes macrocellulaires de silice
mésocellulaires a été reportée pour la première fois par F.
Carn et al. et a été nommée Si(HIPE), HIPE étant l’acronyme
anglais de High Internal Phase Emulsion [3]. Cette synthèse solution de 3-glycidyloxypropyl-triméthoxysilane (Glymo ;
est basée sur l’utilisation d’une émulsion directe (huile dans figure 2) à 0,05 M dans du chloroforme. L’imprégnation est
eau) concentrée et de molécules tensioactives dissoutes au effectuée en boucle fermée pendant trois jours. La colonne
sein de la phase aqueuse qui induisent à la fois une stabili- hybride néoformée, nommée « gGlymo-Si(HIPE) », est alors
sation de l’interface huile/eau et la structuration du volume rincée consécutivement par du chloroforme, de l’acétone puis
aqueux via la formation de micelles géantes. Typiquement, de l’eau, sous un flux continu (débit de 0,5 mL · min–1) pendant
5 g de tétraethoxysilane (TEOS) sont ajoutés à 22 mL d’une trois jours, afin d’éliminer les traces de précurseurs organosila-
solution aqueuse de bromure de tétradécyltriméthylammo- nes non greffés et de préparer le matériau macrocellulaire à
nium (TTAB) à 25 % massique, préalablement acidifiée par l’immobilisation des enzymes [4] [5].
6 mL d’acide chlorhydrique à 37 % massique. Le mélange est
alors laissé sous agitation vigoureuse pendant 5 min, jusqu’à ■ Enfin, dans une troisième étape, les enzymes seront immobi-
l’hydrolyse complète du précurseur de silice. La phase lisées au sein du matériau alvéolaire. L’immobilisation des lipa-
huileuse, composée de 47 mL de dodécane, est alors ajoutée ses fongiques extraites de Thermomyces lanuginosus (figure 3)
au goutte-à-goutte et l’émulsification est réalisée manuel- est réalisée en trois étapes successives. Dans un premier
lement dans un mortier à l’aide d’un pilon. L’émulsion est temps, la colonne hybride gGlymo-Si(HIPE) est imprégnée par
alors versée dans un tube en Téflon (longueur de 251 mm et une solution commerciale de lipase (4 mL), diluée dans 200 mL
rayon interne de 9,65 mm ; soit un volume interne de d’eau distillée. L’imprégnation est réalisée à température
73,4 mL), confiné dans une colonne chromatographique en ambiante, en boucle fermée pendant cinq jours. Le biomatériau
acier inoxydable (figure 1), puis laissée vieillir une semaine néoformé est ensuite conservé deux semaines à 4 oC dans la
afin de permettre la polycondensation du squelette inorga- solution enzymatique statique, puis rincé par de l’eau distillée,
nique. La colonne est alors connectée au circuit de la pompe, jusqu’à disparition de l’absorbance par des dosages colorimétri-
via des canules métalliques (figure 1). Le monolithe est ques. Dans un second temps, afin de greffer des « ponts »
ensuite rincé pendant quatre jours avec un mélange tétrahy- entre les enzymes, la colonne est irriguée à température
drofurane/acétone (50/50 en volume) sous un flux continu ambiante par 200 mL d’une solution aqueuse de glutaraldéhyde
(débit de 0,1 mL · min–1), afin d’extraire la phase huileuse à 5 % massique, en boucle fermée pendant trois jours. Le bio-
piégée dans le matériau [4]. matériau macrocellulaire est imprégné par une solution enzy-
matique fraîchement préparée (4 mL de lipase Thermomyces
■ Dans une seconde étape, des fonctions époxydes sont gref- lanuginosus brute diluée dans 200 mL d’eau distillée) pendant
fées in situ par une imprégnation à température ambiante et cinq jours en boucle fermée, puis rincé à l’eau distillée. La
sous un flux continu (débit de 0,1 mL · min–1) de 200 mL d’une colonne est finalement lavée à l’heptane pendant 48 heures,

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Carburants et matériaux allégés pour véhicule
(Réf. Internet 42629)

1– Biocarburants R
2– Carburants gazeux Réf. Internet page

Moteurs à gaz. État de l'art BM2590 39

Gaz naturel - Énergie fossile BM2591 43

Gaz naturel - Carburant pour véhicule BM2592 47

3– Hydrogène et piles à combustible

4– Matériaux allégés

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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Moteurs à gaz
État de l’art
par Jean-Louis MAGNET
Attaché à la direction technique SEMT PIELSTICK


Professeur associé au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
et Georges DESCOMBES
Maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers
Chercheur au CNAM et au Laboratoire de mécanique physique
de l’Université Pierre-et-Marie-Curie Paris 6

1. Généralités................................................................................................. BM 2 590 - 2
1.1 Contexte environnemental ......................................................................... — 2
1.2 Propriétés des carburants gazeux .............................................................. — 2
2. Gaz de pétrole liquéfié carburant (GPLc) .......................................... — 2
2.1 Bref aperçu du marché................................................................................ — 2
2.2 Caractéristiques du GPLc ............................................................................ — 3
2.3 Particularités technologiques du moteur GPLc......................................... — 3
2.4 Performances du moteur GPLc .................................................................. — 6
3. Gaz naturel carburant (GNc) ................................................................. — 7
3.1 Bref aperçu du marché................................................................................ — 7
3.2 Caractéristiques du GNc ............................................................................. — 7
3.3 Particularités technologiques du moteur GNc .......................................... — 7
3.4 Performances du moteur GNc.................................................................... — 7
4. Moteurs industriels Diesel gaz............................................................. — 9
4.1 Particularités technologiques ..................................................................... — 9
4.2 Performances du moteur Diesel gaz .......................................................... — 11
4.3 Domaines d’utilisation ................................................................................ — 11
5. Perspectives du marché......................................................................... — 12
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. BM 2 594

L es vagues répétées de pollution au cours de l’été 1997 ont traduit la qualité


médiocre de l’air en atmosphère surchauffée et l’impact du transport routier
a donné lieu à une hypermédiatisation souvent approximative, voire contradic-
toire. Il n’est néanmoins plus à démontrer, dans ce phénomène récurrent d’émis-
sions de nuisances, que ce problème s’inscrit dans un contexte environnemental
de santé publique.
L’expérience montre que c’est en milieu urbain que des mesures doivent être
privilégiées pour infléchir, à échéance rapprochée et de manière significative, les
effets néfastes qui résultent d’une surconcentration de véhicules en terme de
pollution atmosphérique et de bruit. Parmi la panoplie des stratégies alternati-
ves aux carburants liquides usuels, l’utilisation des carburants gazeux de type
gaz naturel et gaz de pétrole liquéfié constitue une réponse écologique adaptée
aux utilisations captives et urbaines des flottes de véhicules.
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MOTEURS À GAZ. ÉTAT DE L’ART __________________________________________________________________________________________________________

1. Généralités Aperçu rétrospectif

C’est le savant C. Huygens (1629-1695) qui a conçu et réalisé


le précurseur du moteur à combustion interne, sous la forme
1.1 Contexte environnemental d’un canon à poudre, en collaboration avec son assistant
D. Papin, auquel un hommage solennel a été rendu en 1994 lors
de la célébration du bicentenaire du Conservatoire national des
Les réserves mondiales connues de gaz naturel sont du même arts et métiers (CNAM).
ordre de grandeur et géographiquement mieux diversifiées que cel- En 1801, Ph. Lebon [78] imagine un moteur alimenté en air et
les du pétrole. L’emploi du gaz comme carburant alternatif des en gaz par deux pompes au sein d’un capsulisme sans compres-
moteurs s’est initialement développé dans les régions disposant de sion préalable et à allumage électrique ; Hugon reprend les tra-
ressources naturelles, mais son utilisation qui demeure très dépen- vaux de Lebon en 1859. J.E. Lenoir [79] dépose un brevet de


dante des incitations fiscales est très inégalement répartie selon les moteur à gaz en 1860 et réalise une dizaine de moteurs à gaz
pays. En Europe, l’Italie et le Bénélux concentrent à eux seuls la part monocylindres à deux temps sans compression préalable. Des
la plus importante du parc automobile européen, et le nombre essais officiels sont conduits au CNAM sous la direction du pro-
estimé de moteurs stationnaires et de propulsion fonctionnant au fesseur Tresca.
gaz dans le monde est supérieur à quatre millions d’unités. L’élaboration des concepts thermodynamiques, développés
Le gaz fait l’objet d’un regain d’intérêt dans la mesure où il s’agit par les réflexions visionnaires du savant français S. Carnot [13]
d’un carburant propre, dont la réaction de combustion dans l’air se en 1824, ouvre la voie à une approche scientifique complète-
traduit par des émissions minimisées, à l’échappement du moteur, ment novatrice. A. Beau de Rochas (1815-1893) [6] établit la
par rapport aux hydrocarbures liquides conventionnels. L’emploi de théorie du moteur à quatre temps en un seul cylindre avec com-
ce carburant alternatif sous forme de gaz de pétrole liquéfié carbu- pression préalable en 1862, tandis que N.A. Otto (1832-1881)
rant (GPLc) comme de gaz naturel carburant (GNc) ou pour moteurs expérimente un moteur à quatre temps vertical en 1876. Atkin-
industriels constitue donc une réponse environnementale adaptée son imagine, dès 1886, une course de détente prolongée supé-
aux impératifs de dépollution, en milieu urbain en particulier. rieure à la course de compression au moyen d’un embiellage
Les moteurs à gaz sont usuellement dérivés des moteurs à com- spécial, et les ingénieurs F. Forest, en 1892, et L. Letombe, en
bustible liquide et font l’objet d’une adaptation technologique pour 1893, réalisent tous deux la distribution à admission variable.
brûler le carburant gaz. La combustion est déclenchée par une étin- Les travaux scientifiques de R. Diesel (1858-1913) [108], dont
celle électrique pour les moteurs d’automobiles et de transports en la vocation d’ingénieur motoriste est née au contact de ses fré-
commun, eux-mêmes dérivés des moteurs à allumage commandé. quentes visites au Musée des arts et métiers (à Paris) sont, pour
L’injection d’une faible quantité de gazole amorce plus générale- leur part, concrétisés par son traité de référence de 1892. Ils per-
ment la réaction de combustion dans les moteurs industriels à allu- mettent d’aboutir, en 1897, à la réalisation du célèbre moteur
mage par compression dénommés Diesel gaz. Diesel à quatre temps, à auto-inflammation par compression
préalable et à combustion initialement à pression constante. Le
succès universellement reconnu et éprouvé de ce moteur ne se
dément pas à l’aube de l’an 2000, bien que ses émissions de
1.2 Propriétés des carburants gazeux fumées soient désormais l’objet de controverses récurrentes
dans le contexte environnemental actuel.
Le lecteur se reportera aux articles de ce même traité intitulés Le professeur A. Witz [106] remarque, dans son traité des
B 2 520 Les carburants et la combustion et Pollution atmosphérique moteurs à gaz (1892), que plus de deux cents modèles de
[20] qui concernent respectivement les caractéristiques chimiques moteurs à gaz sont répertoriés pendant cette période et ce type
et thermophysiques des combustibles ainsi que les émissions de de moteur est appelé à connaître un succès de masse en raison
polluants et leur posttraitement. Il pourra également se reporter de l’usage des hydrocarbures. On rappelle que c’est ce même
dans le traité Génie énergétique à l’article Carburants et combusti- ingénieur qui établit à cette période la relation mathématique
bles. régissant l’évolution du rendement thermodynamique du
moteur en fonction de son rapport volumétrique de compres-
Le tableau 1 rassemble les caractéristiques usuelles des carbu-
sion.
rants gazeux utilisables dans les moteurs.
On observe que leur pouvoir calorifique présente une forte dis-
déterminé par équivalence à un mélange de méthane et d’hydro-
persion, selon la composition du gaz, en fonction de sa provenance.
gène ayant le même comportement au niveau de la détonation que
La variabilité associée du rapport air-carburant impose au moto- l’échantillon à étudier. L’échelle de mesure est bornée par l’indice 0
riste de disposer d’un système évolué de régulation et de contrôle pour de l’hydrogène pur et l’indice 100 pour du méthane pur et les
d’alimentation du moteur. L’indice de Wobbe W constitue pour cela indices RON (Research Octane Number) et MON (Motor Octane
un indicateur précieux afin d’évaluer la correction de débit à prévoir Number) du méthane, évalués par extrapolation, sont respective-
pour conserver un dosage constant. On montre aisément que le rap- ment de l’ordre de 130 et 115.
port stoechiométrique S est une fonction croissante de l’indice de
Wobbe :
S ( W ) = Cte × W
qui s’exprime selon la relation (1) où PCS et d identifient respective-
2. Gaz de pétrole liquéfié
ment le pouvoir calorifique supérieur en MJ/m3 (volume mesuré
dans les conditions normales de température et de pression) et la
carburant (GPLc)
densité du gaz par rapport à l’air :
PCS
W = ------------ (1)
2.1 Bref aperçu du marché
d
L’indice de méthane, qui demeure d’actualité sur les moteurs Les gaz de pétrole liquéfié sont issus du raffinage du pétrole brut
industriels, identifie la sensibilité du carburant gaz au cliquetis, par et du dégazolinage du gaz naturel et leur production est majoritaire-
analogie à l’indice d’octane pour les carburants liquides [18]. Il est ment destinée aux besoins domestiques et industriels. La qualité

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__________________________________________________________________________________________________________ MOTEURS À GAZ. ÉTAT DE L’ART

Tableau 1 – Caractéristiques usuelles des carburants gazeux utilisables dans les moteurs

d’auto-inflammation

d’inflammation
(p0 = 1,013 bar

de combustion
Air théorique

Température
de méthane
volumique

T0 = 288 K)

calorifique

de Wobbe

d’octane
Produits

Pouvoir

Limites

Vitesse
Masse

Indice

Indice

Indice

supérieur inférieur inférieure supérieure
(kg/m3) (MJ/m3) (MJ/m3) (m3/m3) (MJ/m3) (°C) (%) (%) (cm/s)
Groningue 0,83 35,2 31,7 8,4 44 86 120 580 6 15,7 20 à 35
Lacq 0,74 40,6 36,5 9,7 53,8 88 125 580 5,1 14 20 à 35
naturels
Gaz

URSS 0,78 40,4 36,4 9,7 52,14 87 120 580 5 15 20 à 35


Skikda 0,79 40,7 36,8 9,7 52,11 77 110 580 5,2 14,2 20 à 35
Ekofisk 0,86 44,4 40,1 10,6 54,6 67 100 580 4,8 13,7 20 à 35
Propane commercial 1,98 99 91,4 23,5 80 40 95 480 2,4 9,3 30 à 40
de synthèse

Butane commercial 2,6 128,4 118,7 30,7 90,8 28 88 420 1,8 8,8
Gaz

Gaz biologique 1 à 1,1 23,3 à 26 21 à 23,4 5 à 6,6 25 à 29 120 125 6 18 10 à 20


Gaz de cokerie 0,56 19,9 17,7 4,3 30 4,6 32 20 à 50
Gaz de gazogène 1,1 à 1,2 4,8 à 6,1 4,6 à 5,8 0,9 à 1,2 5à7 80 20 73 20 à 40
Constituants

Méthane CH4 0,716 39,9 35,87 9,6 53,6 100 130 580 5 15 260
des gaz

Hydrogène H2 0,09 12,77 10,76 2,4 48,27 0 60 570 4 75 260

Monoxyde de car-
1,25 12,64 12,64 2,4 12,85 70 100 610 12,5 75 260
bone CO

intrinsèque de carburant écologique du GPLc lui confère également ces réglementaires et normatives. Il est significativement moins pol-
un atout déterminant dans son application aux flottes urbaines et luant que les carburants liquides usuels, dans la mesure où sa
aux gros rouleurs ainsi qu’aux matériels de manutention et d’entre- formulation chimique, qui privilégie l’hydrogène par rapport au car-
tien. bone, ne contient ni soufre, ni plomb, ni benzène.
L’environnement légal, néanmoins, n’a guère contribué à déve- Il possède, par ailleurs, une excellente aptitude à se mélanger à
lopper l’utilisation du GPLc sur le territoire français au cours des l’air qui favorise ainsi une réaction d’oxydation plus complète.
deux précédentes décennies. La loi de 1979 n’autorisait initialement
Les GPLc ont, de plus, la propriété de rester à l’état liquide
l’emploi du GPLc qu’aux seuls véhicules monocarburant. Le risque
lorsqu’ils sont maintenus sous pression modérée ; ils sont, par con-
réel d’une panne sèche, qui résultait de l’absence d’un réseau de
séquent, aisément transportables et stockables. Les valeurs de pres-
distribution suffisamment dense, a été levé par la loi de 1985 qui
sion correspondant au point de liquéfaction sont respectivement, à
autorise désormais la bicarburation essence et GPLc. Toutefois,
20°C, de l’ordre de 1,5 bar pour le butane et 8 bar pour le propane.
aucune mesure fiscale n’a favorisé l’utilisation de ce carburant pen-
dant cette période, et la qualité contrastée des installations de post-
équipement a simultanément été à l’origine de défaillances techni-
ques. L’accès réglementé des véhicules aux parkings couverts a éga- 2.3 Particularités technologiques du
lement constitué un frein au développement de ce carburant propre. moteur GPLc
Le GPLc bénéficie, depuis la loi de finances 1996, d’une fiscalité
avantageuse qui est de nature à favoriser le développement de ce
carburant écologique, encouragé également par le récent projet de ■ La génération actuelle de moteurs d’automobiles alimentés au
loi sur la qualité de l’air (1996). GPLc est dérivée directement du moteur à allumage commandé et
fonctionne usuellement en bicarburation alternée GPLc et essence
La part réservée au GPLc est restée marginale sur le territoire
(figures 1 et 2), après transformation réalisée par des ateliers spé-
français jusqu’en 1996 avec un parc estimé à 25 000 véhicules envi-
cialisés. Le véhicule est équipé de deux réservoirs distincts de car-
ron, le parc mondial équipé au GPLc étant lui-même évalué à un
burant, le GPLc étant pour sa part stocké dans un réservoir en acier,
niveau de l’ordre de 4 millions de véhicules à la même période. Les
sous une pression de l’ordre de 10 bar, dont la capacité de remplis-
prévisions font état d’un volume possible de 750 000 véhicules fonc-
sage est limitée à 85% environ de l’espace total afin de conserver un
tionnant au GPLc, en France, à l’échéance de l’an 2000.
volume de gaz tampon. Les nuisances par évaporation sont nulles,
car le système de remplissage est totalement étanche.
2.2 Caractéristiques du GPLc Les moteurs alimentés au GPLc bénéficient désormais des tech-
nologies avancées de gestion électronique et de posttraitement des
Le GPLc est composé en France d’un mélange de butane et de gaz d’échappement par catalyseur trifonctionnel [39]. Ils fonction-
propane dans des proportions identiques pour satisfaire les exigen- nent en aspiration ou en injection avec asservissement à richesse 1

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Gaz naturel – Énergie fossile

par Richard TILAGONE


Chef du département Moteur IFPEN Lyon
Ingénieur ENSPM, option moteur, et Institut national des sciences appliquées (INSA-Lyon),
département Génie mécanique-Construction, France
et Bertrand LECOINTE
Chef de projet Moteurs à gaz – IFPEN Lyon
Ingénieur ENSPM, option moteur, et Institut national des sciences appliquées

(INSA-Rouen), département Énergétique et Propulsion, France

1. Gaz naturel : un carburant d’avenir ? .............................................. BM 2 591v2 - 2


2. Composition du gaz naturel ............................................................... — 2
3. Propriétés physico-chimiques ................................................. — 4
3.1 Pouvoir comburivore et rapport air-fuel stœchiométrique ................... — 5
3.2 Facteur d’air et richesse............................................................................ — 5
3.3 Indice de Wobbe ....................................................................................... — 5
3.4 Indice de comburité .................................................................................. — 5
4. Analyse des principales caractéristiques ....................................... — 6
5. Conclusion............................................................................................... — 8
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BM 2 591v2

e gaz naturel est une énergie fossile dont les ressources sont importantes
L et dont les réserves prouvées augmentent régulièrement. Cette énergie
trouve naturellement sa place comme carburant pour les applications
industrielles et le transport. Quel que soit son champ d’application, cet hydro-
carbure présente des avantages spécifiques qui en font une alternative
stratégique tant pour une recherche de diversification énergétique viable, que
pour élargir l’offre que constituent les carburants liquides conventionnels.
Cet article, divisé en deux parties [BM 2 591] et [BM 2 592], étudie dans cette
première partie le gaz naturel en tant que carburant pour moteur à combustion
interne pour les véhicules de transport terrestres. Bien que représentant des
marchés très importants, les applications marines, stationnaires et cogéné-
ration ainsi que l’application ferroviaire ne sont pas abordées, sachant que les
technologies évoquées dans cet article sont pour une part importante, simi-
laires à celles utilisées pour ces applications. L’objectif est donc de donner un
éclairage suffisamment large pour aborder les principaux éléments nécessaires
pour estimer le potentiel de ce carburant gazeux. Par souci d’honnêteté, les
avantages et les inconvénients ont été systématiquement présentés, cet article
n’ayant pas pour vocation la promotion de la filière du gaz naturel véhicule,
même s’il y contribue, mais, encore une fois, celle d’en donner les éléments
d’appréciation les plus pertinents.
Après une brève présentation du gaz naturel en tant qu’énergie fossile, sa
composition et les caractéristiques physico-chimiques qui en découlent seront
analysées et confrontées aux attentes des motoristes.
L’analyse des différentes approches technologiques aujourd’hui mises en
œuvre et des pistes d’évolution est ensuite présentée dans l’article « Gaz
naturel – Carburant pour véhicule » [BM 2 592] en tenant compte des
contraintes propres à l’utilisation de carburant gazeux sur un véhicule. Les
contextes normatifs et fiscaux seront partiellement abordés dans le « Pour en
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQT

savoir plus ».

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GAZ NATUREL – ÉNERGIE FOSSILE _____________________________________________________________________________________________________

efficaces (dont le développement et la gestion sont aujourd’hui


Notations et symboles totalement intégrés à ceux du moteur), l’évolution de la conception
Symbole Définition même des véhicules, tous ces axes de progrès contribuent à satis-
faire les exigences fixées. Cependant, même s’il devient
B Indice de comburité impossible de traiter indépendamment un problème en dehors du
CAFE Corporate Average Fuel Economy cadre d’une optimisation globale, le choix du carburant est un bras
de levier majeur, jouant un rôle prépondérant dans l’atteinte et la
Cp Capacité thermique massique à pression maîtrise de ces objectifs.
constante
CV Capacité thermique massique à volume constant Les travaux importants menés depuis des décennies ont permis
de mieux comprendre les interactions entre la formulation des
MON Motor Octane Number (indice d’octane) carburants utilisés pour les combustions dans les moteurs, leur
MN Methane Number (indice de méthane) propriétés, leurs comportement, leur impact sur la nature des


n Facteur d’air ou taux d’aération émissions et sur l’efficacité des systèmes de post-traitement. Cette
PCI Pouvoir calorifique inférieur maîtrise contribue aujourd’hui à la mise au point de moteurs
Diesel et à allumage commandé essence à combustion
PCS Pouvoir calorifique supérieur « classique », dont les performances les confortent indéniablement
R Rapport volumique air/gaz comme des solutions pérennes.
RAFST Rapport air/fuel stoechiométrique Cependant, en marge des réflexions actuelles sur l’intérêt de
RON Research Octane Number nouvelles formulations de carburants en phase avec les futurs
(indice d’octane « recherche ») modes de combustion ou de concepts de véhicule envisagés (LTC
Va Pouvoir comburivore – Low Temperature Combustion, charge stratifiée/lean burn, PAC –
pile à combustible, hybridation...), les carburants gazeux restent
W Indice de Wobbe
intrinsèquement des alternatives intéressantes pour les nouveaux
WKI Waukesha Knock Indice problèmes à traiter. À ce titre et compte tenu de ses nombreux
avantages, le gaz naturel doit, quant à lui, pouvoir s’imposer
comme un carburant banalisé, sous sa forme liquide ou gazeuse,
complétant la liste des carburants disponibles, sans évidemment
1. Gaz naturel : un carburant constituer pour autant une voie unique.
En complément des nombreux rapports et synthèses au sujet du
d’avenir ? gaz naturel en tant que carburant, cet article et le
suivant [BM 2 592] ont pour ambition de résumer certaines infor-
mations permettant d’alimenter les nécessaires réflexions sur
La nécessité d’une diversification énergétique afin de diminuer l’avenir du gaz naturel en tant que carburant pour le transport
notre dépendance au pétrole, la nécessaire réduction des émis- terrestre. Afin de mieux appréhender le potentiel réel de ce carbu-
sions de gaz à effet de serre et la poursuite des efforts pour l’amé- rant, seront également abordés dans cet article les aspects propres
lioration de la qualité de l’air imposent notamment le au gaz naturel en tant que ressource énergétique. Le lecteur
développement de véhicules de plus en plus performants et pourra trouver des compléments d’informations sur les ressources
respectueux de l’environnement. Ainsi, les législateurs, les acteurs mondiales de gaz naturel et les réserves prouvées dans
du monde du transport, les constructeurs automobiles et de poids l’article [BE 8 555] et la référence [1].
lourds, les hommes politiques, et les utilisateurs, pour n’évoquer
qu’eux, orientent leurs efforts et manifestent leur intérêt pour une
mise à disposition de véhicules émettant de moins en moins de
polluants réglementés, voire non réglementés. De plus, dans un
contexte international où les normes visant à réduire fortement les 2. Composition du gaz
émissions polluantes des véhicules sont de plus en plus
contraignantes [BM 2 592], il est envisageable qu’à terme des limi- naturel
tations supplémentaires soient systématiquement mises en place,
ayant un impact direct non seulement sur le nombre de véhicules La composition d’un gisement de gaz naturel dépend intrinsè-
pénétrant dans les ceintures périphériques des villes (à l’instar des quement de la nature de la roche mère [BE 8 555] et donc de l’ori-
mesures prises pour la ville de Londres, et nous pouvons évoquer gine géographique du site de production. De ce fait, la
la tentative de mise en place des zones d’actions prioritaires pour composition du gaz naturel produit de par le monde sera
l’air en France), mais également sur la nature et le niveau des grandement variable. Après purification (élimination des produits
émissions polluantes des prochains véhicules. Les efforts de soufrés notamment), le gaz naturel reste un mélange composé
l’ACEA (Association des constructeurs automobiles européens), essentiellement d’alcanes et de gaz inertes, avec une teneur majo-
relayés par les directives de la Commission européenne visant à ritaire en méthane d’au moins 80 % pour la plupart des gaz natu-
réduire les consommations et les émissions de CO2 des véhicules rels exploités. En Europe et plus particulièrement en France, le gaz
(RED), vont dans ce sens. Ainsi les objectifs initialement volon- naturel distribué sur le territoire peut provenir de différents sites
taires des constructeurs de réduire les émissions de CO2 à de production (figure 1). Sa composition est donc soumise à des
130 g/km en 2012 se sont vus progressivement imposés au niveau variations qui dépendent des stratégies d’approvisionnement,
européen pour atteindre 95 g/km en 2020. Ces objectifs ne pour- elles-mêmes pouvant varier suivant les périodes de l’année. Si l’on
ront être atteints sans rupture technologique majeure ou en utili- prend en compte les six pays principaux fournisseurs de gaz pour
sant de manière massive des carburants alternatifs à faible teneur la France, les compositions moyennes se distinguent par la teneur
en carbone tel que le gaz naturel. en gaz inertes, essentiellement du dioxyde de carbone CO2 et de
Si les performances proposées et donc demandées par les utili- l’azote N2 , et par la teneur en alcanes dont la molécule moyenne
sateurs doivent être également en constante évolution, il est contient plus d’un carbone (éthane, propane, butane et C6+)
désormais inconcevable de satisfaire une attente au détriment des (figure 1).
autres. L’évolution permanente des moteurs (dans les domaines
Nota : les hydrocarbures gazeux de roches mères aussi appelés gaz non
tels que la combustion, la technologie, le contrôle...), la mise au conventionnels exploités de plus en plus massivement (Shale gas et Tight gas ) ont des
point de systèmes de post-traitement des effluents de plus en plus compositions comparables à celles des gaz exploités des gisements conventionnels.

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______________________________________________________________________________________________________ GAZ NATUREL – ÉNERGIE FOSSILE


Composition (% vol)

100

Indice de Wobbe (MJ/m3)


60

95
55 Méthane 100 %

90 Japon
50
Suisse
85 Italie Espagne
USA
Grande-Bretagne Suède
45 France
80
Hollande
Belgique


40
75
Pays-Bas
Mer du
Algérie
Russie

Lacq

Nigéria et
Nord

Qatar
Allemagne Certification Fuel
35

C3 La définition de l’indice de Wobbe est donnée dans le paragraphe 3.


CH4 N2
CO2 C4+ C2 <<Certification fuel>> : cette mention se réfère aux gaz naturels dit(s)
de référence utilisé(s) pour la certification des véhicules. Ce ou ces
gaz de référence ont une composition bien définie. L’étoile
Figure 1 – Compositions moyennes des gaz naturels importés positionne ce carburant de référence par rapport aux variations
en France par GDF SUEZ (source : rapport Environnement 2000 – GDF
SUEZ) autorisées par le pays.

La ligne « Méthane 100 % » correspond à un gaz qui serait composé


uniquement de méthane.
Sur le plan mondial, ces variations sont donc encore plus
prononcées (figure 2), avec de fortes disparités d’un pays à l’autre Pour la Belgique, il existe 2 réseaux de distribution distincts donc
en termes d’énergie contenue par unité de volume. Les difficultés 2 spécifications.
engendrées par ces variations peuvent devenir encore plus
critiques dans le cas de la mise au point d’une installation ou d’un
Figure 2 – Compositions moyennes des gaz naturels dans différents
moteur destinés à être installés ou utilisés dans n’importe quel pays (source Ben Knight « World Bank Workshop on Natural Gaz
pays : dans le cadre européen, l’Allemagne par exemple se Transportation » Honda (mars 2000) – GDF SUEZ pour la France)
distingue par la possibilité de distribuer sur son réseau des gaz
ayant des pouvoirs calorifiques très différents (voir [BM 2 593]
pour l’indice de Wobbe). À noter qu’un volume de gaz exprimé en normomètres cubes
Aujourd’hui la possibilité de faire appel à une filière biosourcée (Nm3) correspond au volume occupé par le gaz dans des
(biogaz et biométhane) permet d’améliorer le bilan CO2 de telles conditions de pression et de température dites normales, à savoir
applications mais induit une variabilité encore plus forte sur les une pression de 101 325 Pa et une température de 0 oC (273,15 K).
propriétés du gaz, les biogaz ayant notamment une teneur en Ces spécifications concernent également la teneur en eau,
méthane plus faible et un grand nombre d’impuretés à traiter inférieure à 55 mg/Nm3. Une teneur en eau excessive serait problé-
[BE 8 560]. Le biométhane quant à lui, correspond à un biogaz matique lors de la chute de température provoquée par la détente
purifié et sa composition se rapproche de celle du gaz naturel. Des isenthalpique du gaz (environ 0,5 K par bar détendu), de la
groupes de travail au niveau français (BNG 408 455) et européen pression de stockage (environ 200 bar) à la pression d’injection
(CEN/TC 408) ont été formés pour spécifier la qualité du biogaz afin (quelques bars), favorisant le dépôt de glace ou la formation
qu’il soit réinjectable dans les réseaux gaz naturel régionaux, d’hydrate de gaz dans le détendeur et entraînant son dysfonction-
nationaux et internationaux, ces derniers étant interconnectés. À nement.
noter que cette filière offre un potentiel de production de gaz
La teneur en huile est également réglementée. Le gaz naturel,
important si on prend en compte les différentes sources d’intrants
distribué sous pression pour le remplissage des réservoirs des
(eaux usées, déjections animales, déchets ménagers fermente-
véhicules, doit également contenir une faible quantité d’huile de
scibles, biomasse...).
lubrification nécessaire au bon fonctionnement des compresseurs :
Compte tenu de ces variations, le gaz naturel doit répondre en les teneurs mesurées sont compatibles avec la technologie des
France à des spécifications définies pour la plupart par Gaz de injecteurs à gaz disponibles sur le marché.
France, par arrêtés ministériels, voire par certaines normes : la
norme ISO 12213 définit, par exemple, les taux maximaux d’iner- Les variations de composition en un point du réseau peuvent
tes, d’hydrogène et de composés sulfurés. Ces spécifications donc être importantes, conduisant à des variations contraignantes
limitent donc les écarts d’un gaz à l’autre, sans pour autant être des caractéristiques (figure 3) qui intéressent le motoriste. Ces
suffisantes dans le cadre d’une utilisation de gaz naturel en tant caractéristiques WKI, RAFST et PCI sont définies aux
que carburant pour moteur, comme nous le verrons dans paragraphes 3 et 4).
l’article [BM 2 592]. Ces variations sont celles typiquement constatées sur un réseau
Les spécifications françaises distinguent deux types de gaz, les alimenté uniquement en gaz « H », certaines périodes dans l’année
gaz « H » et les gaz « B », selon leur contenance énergétique et étant propices à une certaine stabilité des compositions (différen-
leur aptitude à donner des combustions énergétiques (pouvoir ces, par exemple, entre périodes d’été et d’hiver). Compte tenu des
écarts de composition significatifs entre gaz « H » et gaz « B », il
calorifique supérieur PCS et indice de Wobbe W = PCSI densité , existe deux réseaux séparés, alimentant des régions bien définies,
cf. § 3.3). du moins pour le gaz « B » (le nord de la France est notamment
alimenté par du gaz en provenance de la mer du Nord). Sans
Exemple : un gaz sera classé « B » si son PCS est compris entre moyen de contrôle spécifique prenant en compte les caractéris-
9,5 et 10,5 kWh/Nm3, cas des gaz fortement chargés en gaz inertes tiques du gaz, les installations prévues pour être alimentées, par
(CO2 + N2) ; un gaz sera classé « H » dans le cas où son PCS sera exemple, avec un gaz « H » ne peuvent donc pas fonctionner avec
compris entre 10,7 et 12,8 kWh/Nm3 (tableau 1). les mêmes performances en gaz « B », et vice versa.

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Gaz naturel – Carburant


pour véhicule


par Richard TILAGONE
Chef du département synthèse technologies moteurs IFPEN-Lyon – IFPEN (IFP Énergies
Nouvelles)
Ingénieur IFP School – ENSPM, option Moteur et Institut national des sciences appliquées
(INSA-Lyon),
département Génie mécanique Construction, France
et Bertrand LECOINTE
Chef de projet « Moteurs à gaz » – IFPEN
Ingénieur IFP School – ENSPM, option Moteur et Institut national des sciences appliquées
(INSA-Rouen), département Énergétique
et propulsion, France

1. Panorama du marché des véhicules au gaz naturel .................... BM 2 592v2 - 2


2. Données politico-économiques ......................................................... — 3
3. Le gaz naturel dans le contexte de la pollution
atmosphérique ....................................................................................... — 8
4. Contexte normatif et règlementaire en Europe............................ — 13
5. Contraintes propres du moteur à gaz naturel ............................... — 15
6. Différentes approches technologiques ........................................... — 23
7. Conclusion............................................................................................... — 26
8. Glossaire – Définitions ......................................................................... — 26
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BM 2 592v2

e gaz naturel est une énergie fossile dont les ressources sont importantes
L et dont les réserves prouvées augmentent régulièrement. Cette énergie
trouve naturellement sa place comme carburant pour les applications indus-
trielles et le transport. Quel que soit son champ d’application, cet
hydrocarbure présente des avantages spécifiques qui en font une alternative
stratégique tant pour une recherche de diversification énergétique viable, que
pour élargir l’offre que constituent les carburants liquides conventionnels.
Cet article étudie ici le gaz naturel en tant que carburant pour moteur à
combustion interne pour les véhicules de transport terrestres. Bien que repré-
sentant des marchés très importants, les applications marines, stationnaires et
cogénération ainsi que le ferroviaire ne sont pas ou peu abordées, sachant que
les technologies évoquées dans cet article sont, pour une part importante,
similaires à celles utilisées pour ces applications. L’objectif est donc de donner
un éclairage suffisamment large pour aborder les principaux éléments néces-
saires à estimer le potentiel de ce carburant gazeux. Par souci d’honnêteté, les
avantages et les inconvénients ont été systématiquement présentés, cet article
n’ayant pas pour vocation la promotion de la filière du gaz naturel véhicule,
même s’il y contribue, mais, encore une fois, celle d’en donner les éléments
d’appréciation les plus pertinents.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQU

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GAZ NATUREL – CARBURANT POUR VÉHICULE ___________________________________________________________________________________________

En prenant en compte les contraintes propres à l’utilisation d’un carburant


gazeux, cet article, qui présente l’analyse des différentes approches technologi-
ques aujourd’hui mises en œuvre et des pistes d’évolution, constitue une suite
logique à l’article des mêmes auteurs abordant le gaz naturel sous son aspect
énergie fossile [BM 2 591]. La position du gaz naturel vis-à-vis de la pollution
atmosphérique et les contraintes propres du moteur fonctionnant au gaz
naturel sont abordées ici, ainsi que l’impact des variations de caractéristiques
de ce carburant sur le contrôle de la combustion et le post-traitement des
émissions polluantes. La problématique du stockage est également rapidement
évoquée. Les contextes normatifs et fiscaux seront partiellement abordés en
documentation.

R Cet article propose aussi un panorama actuel sur les différentes approches et
technologies commercialisées.

Abréviations et symboles Abréviations et symboles (suite)


Abréviations Libellés Abréviations Libellés
Association des constructeurs européens Programme national de recherches
ACEA PREDIT
d’automobiles et d’innovation dans les transports
Agence de l’environnement Programmes cadres de recherche
ADEME PCRD
et de la maîtrise de l’énergie et développement
Association française du gaz naturel RAFST Rapport air/fuel stoechiométrique
AFGNV SAE Society of Automotive Engineers
pour véhicule
CAI Controlled Auto Ignition Taxe intérieure sur la consommation
TICGN
de gaz naturel
CFR Cooperative Fuel Research Committee
Taxe intérieure sur la consommation
European Automobile Manufacturers TICPE
EAMA de produits énergétiques
Association TIPP Taxe intérieure sur les produits pétroliers
Cycle urbain (Economic Commission
ECE World Harmonized Steady state and
for Europe)
Transient Cycle (nouveau cycle mondial
EEV Environmentally Friendly Vehicle WHTC
harmonisé pour évaluation sur cycle
European Transient Cycle stationnaire et transitoire)
ETC
(cycle de normalisation poids lourds)
Extra Urban Driving Cycle
EUDC
(cycle extra-urbain)
GNC Gaz naturel comprimé
1. Panorama du marché
GNL Gaz naturel liquéfié des véhicules au gaz
GNV Gaz naturel véhicule naturel
GPLc Gaz de pétrole liquéfié carburant
Groupement d’expertise en pollution La situation du marché des véhicules au gaz est très disparate
GRPE
et énergie géographiquement parlant. Les faibles contraintes d’utilisation du
Homogeneous Charge Compression gaz naturel ont permis à certains constructeurs de continuer à
HCCI répondre aux attentes d’un marché national marginal soutenu par
Ignition
des incitations fiscales, en maintenant des investissements modé-
IDE Injection directe essence rés. Par ailleurs ces technologies convenaient tout à fait aux
Motor Vehicles Emissions Group besoins et aux exigences des réglementations d’autres zones géo-
MVEG graphiques et ont permis de satisfaire à un besoin drastique de
(cycle véhicules légers)
réduction des polluants urbains notamment en termes de particu-
New European Driving Cycle
NEDC les. On notera ainsi un parc de véhicules important dans des pays
(nouveau cycle européen de conduite)
d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil), d’Asie (Pakistan, Inde,
OBD On Board Diagnostic Chine) ou du Moyen-Orient (Iran) [3] dépassant tout le million,
Organisation des pays exportateurs voire plus, de véhicules au gaz. En Europe l’Italie, avec près de
OPEP 900 000 véhicules gaz [3], présente une réelle filière gaz. Sans
de pétrole
revenir sur les raisons de cette position atypique, seule l’Italie a
PAC Pile à combustible réussi à mettre en œuvre les conditions sine qua non à l’existence
PCI Pouvoir calorifique inférieur d’une filière pérenne : réseau de distribution étendu (une station
de remplissage pour un peu plus de 1 000 véhicules), offre
Pression moyenne effective/Pression constructeur importante (notamment véhicule dédié) et soutien du
PME/PMI
moyenne indiquée marché par des actions fiscales adaptées.

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____________________________________________________________________________________________ GAZ NATUREL – CARBURANT POUR VÉHICULE

Paradoxalement, la France présente un nombre important de


bus (2500), bennes à ordures ménagères (1 000) et poids lourds Réserves (Gtoe)
(200), en comparaison du reste de l’Europe, mais se retrouve à la 25,0
traîne côté véhicule particulier avec seulement 13 000 véhicules,
essentiellement détenus par des flottes captives et disposant de 22,5
leur propre station de ravitaillement. 20,0
Aux États-Unis, le marché des flottes captives ou des poids Pétrole
17,5
lourds longs routiers roulant au gaz fait preuve d’un dynamisme Gaz naturel 79 %
exceptionnel. Cette situation est notamment liée au coût du gaz 15,0
naturel en baisse du fait de l’exploitation des gaz de schiste et aux
12,5 91 %
incitations fiscales en vue de réduire les émissions polluantes.
10,0
En Europe et au cours de cette décennie, l’offre de véhicules fonc- 71 %


tionnant au gaz s’est étoffée voyant disparaître du catalogue cer- 7,5 Ratio réserves gaz/
tains constructeurs (PSA, Renault) et en apparaître de nouveaux. réserves pétrole
FIAT est le constructeur qui n’a jamais cessé de prôner les bienfaits 5,0

8
du GNV et qui propose une offre catalogue étoffée. Opel et Ford

2012
2010
20 0

20 0

20 0

20 0

20 0
198

198

198

198

199

199

199

199

199
sont également présents mais de façon plus discrète ne proposant
que quelques modèles. Plus récemment, le groupe VAG s’est lancé
sur le marché et devrait disposer de nombreux modèles dans Figure 1 – Évolution des réserves prouvées de gaz naturel
chacune de ses marques. et de pétrole dans le monde de 1982 à 2012 (source Cedigaz)

Sous l’impulsion des instances européennes et avec l’engage-


ment des constructeurs européens à réduire leurs émissions de équivalente à la moitié des réserves de pétrole ; dans les années
CO2 , la situation européenne évolue vers une prise en compte du 1980 elles représentaient déjà les trois quarts (figure 1), aujourd’hui
gaz naturel qui semble avoir sa place à plus long terme dans l’offre elles se maintiennent autour de 80 %, avec une progression bien
carburant. Sur un marché européen toujours fébrile, certains cons- plus importante pour le gaz naturel, conduisant ainsi en 2008 à une
tructeurs se positionnent plus nettement et proposent des véhicu- réserve prouvée totale de l’ordre de 180 Gtep (figure 2).
les à bicarburation optimisés pour le fonctionnement au gaz. En
France, l’impact du GNV est quasi inexistant ; la consommation de Nota : selon les équivalences couramment utilisées, la conversion tep (tonne équiva-
gaz naturel dans les moteurs reste très modeste. lent pétrole – toe tonne oil equivalent ) d’un combustible se fait sur la base du rapport de
son pouvoir calorifique inférieur à la valeur conventionnelle retenue pour le pétrole de
référence. Malgré son caractère variable selon les sources, l’énergie contenue dans 1 tep
s’établit le plus souvent à 42 GJ.

2. Données Cette quantité considérable d’énergie positionne le gaz naturel


politico-économiques comme une source énergétique incontournable sur l’échiquier
mondial, d’autant plus que, au rythme des consommations
actuelles, le ratio entre les réserves prouvées et la production
2.1 Ressource énergétique d’énergie est au léger avantage du gaz naturel (figure 3). En effet,
pour une consommation mondiale qui se stabiliserait au niveau de
Les réserves prouvées de gaz naturel dans le monde ont aug- celle de l’année 2010, soixante années de production de gaz natu-
menté considérablement durant ces quarante dernières années. rel seraient assurées, pour environ cinquante-quatre années de
Elles représentaient en 1970 une quantité d’énergie exploitable production de pétrole. On remarque cependant que les investisse-

Ex-URSS
65 300 Gm3
32,6 %
Europe
4 700 Gm3

2,3 %
5,8 % Amérique
du Nord 8,5 %
11 500 Gm3 39,9 %
Extrême-Orient
et Océanie
17 000 Gm3
3,8 % Moyen-Orient
7,2 %
80 100 Gm3

Amérique Afrique
du Sud 14 400 Gm3
7 600 Gm3

Total : 200 600 Gm3

Figure 2 – Réserves prouvées de gaz naturel dans le monde en 2008 (source Cedigaz)

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GAZ NATUREL – CARBURANT POUR VÉHICULE ___________________________________________________________________________________________

L’avènement des ressources non conventionnelles (gaz de houille,


gaz de schiste notamment – figure 3 et figure 4) permet l’émer-
gence de certains pays (Venezuela) et l’indépendance énergétique
d’autres (États-Unis notamment). Cela renforce le caractère plus
3 050 ans
égalitaire des ressources en gaz par rapport au pétrole. L’appari-
tion de ces nouveaux gisements n’est pas sans conséquence sur
les routes d’approvisionnement et les écarts de coût entre énergies
233 ans primaires.
178 ans
142 ans
54 ans
Si les réserves sont équivalentes, la consommation globale
61 ans
d’énergie fossile provient encore essentiellement du pétrole qui
représentait, dans les années 2000, 40 % de l’énergie totale
consommée dans le monde et encore en 2010 plus de 30 %


Charbon Gaz naturel Pétrole (figure 5), mais également du charbon et des lignites avec un
impact désastreux sur les émissions de gaz à effet de serre. Cette
tendance a été exacerbée depuis 2011 du fait de l’exploitation des
Total des ressources récupérables restantes gaz de schistes, notamment aux États-Unis, qui en ont fait une
énergie privilégiée provoquant ainsi une chute des prix du charbon
Réserves prouvées en Europe (– 38 %). Certains pays ont donc saisi cette opportunité
Production cumulée à ce jour de disposer d’une énergie peu chère en dépit d’un impact négatif
sévère sur le bilan CO2 (cas de l’Allemagne). En parallèle, le prix
du gaz importé en Europe a bondi de 42 % alors que le coût du
Figure 3 – Comparaison des ressources et réserves mondiales CO2 sur les marchés continuait à baisser. Les consommations de
au regard de la production de gaz naturel, de pétrole et de charbon
(source IEA) gaz naturel, énergie la plus consommée après le pétrole, sont les
plus fortes dans les zones à fort développement industriel.

ments consentis pour ces deux ressources au cours des décennies La France, quant à elle, assure 15 % de l’énergie totale
1980 et 1990 ont permis de stabiliser ces ratios (les réserves prou- consommée sous forme de gaz naturel massivement importé. Le
vées augmentent avec les consommations), éloignant a priori le cas de la France reste atypique au sein de l’Europe du fait de
spectre de pénurie d’énergie (sous forme de gaz naturel et de l’importance de l’électricité dans le bilan global, conséquence des
pétrole) pour la deuxième moitié du XXIe siècle. choix politiques des années 1960 axés sur le nucléaire (figure 6).
Les énergies renouvelables, englobant l’énergie solaire et
De plus, les réserves de gaz naturel sont géographiquement éolienne, sont en constante progression car soutenues par des
mieux réparties (figure 2), ce qui lui confère une relative stabilité aides. Le cas de la France est assez révélateur d’une tendance à la
économique, nombreux étant en effet les pays pouvant assurer diversification des énergies consommées, partagée par la plupart
une production significative pour les différents marchés mondiaux. des pays européens économiquement puissants.

6,6

Total mondial
Ressources de gaz naturel
restantes (en 1012 ft3) 27,9
Non conventionnel 4,8 4,8
Conventionnel 4,0

1,6 3,1 Conventionnel


Non conventionnel
2,8

Russie-
Amérique Europe Caspienne
du Nord Moyen- Asie-Pacifique
Orient

Afrique
Amérique
Latine

Figure 4 – Comparaison des ressources mondiales en gaz naturel conventionnel et non conventionnel (source IEA)

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____________________________________________________________________________________________ GAZ NATUREL – CARBURANT POUR VÉHICULE

1973 2010

Hydro- Biocarburants Biocarburants


électricité et déchets Autres (1) Hydro- et déchets Autres (1)
1,8 % 10,5 % 0,1 % Charbon/ électricité 10,0 % 0,9 % Charbon/
lignite 2,3 % lignite
Nucléaire Nucléaire 27,3 %
24,6 %
0,9 % 5,7 %

Gaz
naturel Gaz
16,0 % naturel


21,4 %
Pétrole
46,1 % Pétrole
32,4 %
6 107 Mtoe 12 717 Mtoe

(1) Comprend les énergies géothermique, solaire, éolienne, etc.

Figure 5 – Évolution des consommations d’énergies primaires dans le monde entre 1973 et 2010 (source : AIE, Key World Energy, Statistics 2013)

Mtep TWh
300 600
Bois-énergie
250 Hydraulique 500
10,0 renouvelable*
41 % 15 %
200 Biocarburants 2%
400
PAC 16 %
150
9% 4,9
Éolien 300
15 % 16 %
100 2,4 Déchets
1,4 urbains 9%
1,3 200
50 30 % renouvelables
1,0
1,3 Autres
0 * Hydraulique 100 42 %
hors pompage
20 0
02

20 4
20 6
20 8
19 0
92

19 4
19 6
20 8

12
10
0

0
0
0
9

9
9
9

20

20
19

19

0
1990 1995 2000 2005 2012
Charbon
Autres
Pétrole
Égypte
Gaz
Pays-Bas
Renouvelable
Russie
Électricité
Algérie (GNL)
Norvège
Figure 6 – Répartition de la consommation d’énergie primaire
en France en 2012 (source : Observatoire du gaz
http://www.gasinfocus.com d’après source SOeS) Figure 7 – Origine du gaz naturel consommé en France
(source : Observatoire du gaz, http://www.gasinfocus.com d’après source
Eurostat)
2.2 Le gaz naturel en France
donc les caractéristiques du gaz naturel distribué aux clients, fluc-
L’importation de la grande majorité du gaz naturel consommé
tuent au rythme des politiques d’approvisionnement des sociétés
sur le territoire français et le nombre important de pays produc-
en charge de la distribution et de la situation géopolitique. Si, pour
teurs conduisent théoriquement à une grande variété de gaz
une utilisation domestique, ces variations ne sont pas restrictives,
disponible sur le réseau commercial. En 2000, exception faite de la
elles le deviennent sensiblement pour une application industrielle
production nationale, pas moins de cinq pays étaient sollicités
ou pour un moteur d’automobile. La quantité de gaz consommé, en
pour la fourniture de gaz (figure 7). Aujourd’hui, il faut inclure de
constante augmentation en France, se répartit en 2005 pour un tiers
nouvelles sources d’approvisionnement, via le LNG (gaz naturel
dans le secteur industriel (contre près de la moitié dans les années
liquéfié – figure 8) notamment, qui comptent pour 15 % dans les
1990), qui bénéficie depuis longtemps d’une fiscalité intéressante
volumes approvisionnés.
pour cette énergie [TICGN, taxe intérieure sur la consommation de
Si cette diversité d’approvisionnement est indéniablement un gaz naturel, quasi constante depuis dix ans], le tertiaire et le secteur
atout économique et stratégique, elle s’accompagne cependant de résidentiel se partageant le reste. Les quantités consommées pour
quelques difficultés pour l’utilisation du gaz naturel en tant que car- le transport (majoritairement pour le transport en commun) restent
burant (la spécification du gaz ayant été établie initialement pour encore aujourd’hui très marginales (< 1 %) à l’image de la situation
une utilisation du gaz sur chaudière et gazinière). Les compositions, en Europe (figure 9).

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GAZ NATUREL – CARBURANT POUR VÉHICULE ___________________________________________________________________________________________

Principaux gisements de gaz en Europe :


Russie Russie
Norvège
Pays-Bas (H et L)
(GNL)
Norvège
Autre production endogène

UK

R GNL en provenance
NL
DE

du reste du monde
RO

Algérie
Tunisie

Figure 8 – Nouvelles routes d’approvisionnement du gaz naturel consommé en France et en Europe (source : GIE Gas Sensor Workshop, Bruxelles,
27/02/2014)

1990 2010

Transport
Transport
1,6 %
Industrie 0,1 %
46,1 %
Industrie
41,5 %

Zeebrugg
Londres
Secteur domestique Secteur domestique
et tertiaire et tertiaire
53,8 % 56,9 %

Montoir
Figure 9 – Consommation finale du gaz naturel par secteur de Bretagne
La Spezia
d’activité (source Eurostat) Fos sur Mer

Le gaz disponible sur le territoire est transporté en majorité par Barcelone


gazoduc, le complément étant acheminé par méthanier sous forme
liquide, essentiellement d’Algérie et du Nigeria (figure 10). Le Carthagène
Huelva
transport et la distribution des points d’entrée vers les clients sont
Skikda
assurés par un réseau de canalisations représentant environ
200 000 km, dorénavant sous la responsabilité de deux sociétés : Arzew
GRTGaz (filiale à 100 % de GdF Suez) et TIGF (Transport et infras-
tructures Gaz France, filiale à 100 % de Total). pour le sud-ouest de
la France.
Gazoducs : 500 mm < a < 1 000 mm Transports maritimes
Pour information, le continent européen s’est doté d’un réseau par méthanier
important de gazoducs, terrestres et sous-marins, garantissant Gazoducs : a ⭓ 1 000 mm Gisement de gaz naturel
l’acheminement à moindre risque du gaz naturel extrait des puits Gazoducs en projet a diamètre du gazoduc
de production vers les principaux pays consommateurs dont la
France, évitant par ce biais les situations monopolistiques Figure 10 – Réseau de gazoducs en Europe
contraires au principe de sécurité énergétique (figure 10). (état à la fin du XXe siècle) (source AFG, CFM)

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Carburants et matériaux allégés pour véhicule
(Réf. Internet 42629)

1– Biocarburants

2– Carburants gazeux

3– Hydrogène et piles à combustible Réf. Internet page

Piles à combustible appliquées aux véhicules BM4850 55

Transport électrique routier - Véhicules à pile à combustible D5570 61

GENEPAC : pile à combustible à membrane échangeuse de protons PEMFC IN52 69

Hydrogène J6368 73

Combustible hydrogène. Production BE8565 77

Combustible hydrogène. Utilisation BE8566 81

4– Matériaux allégés

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US

UT
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Piles à combustible
appliquées aux véhicules
par Renaut MOSDALE
Docteur-ingénieur en électrochimie
Président
PaxiTech SAS

1. Notions de base............................................................................... BM 4 850 – 2


1.1 Les différents types de pile ................................................................ — 2


1.1.1 Piles à combustible à membrane échangeuse de protons
(PEMFC).................................................................................... — 2
1.1.2 Piles à combustible alcalines (AFC) ........................................ — 3
1.1.3 Piles à combustible à oxyde solide (SOFC) ............................ — 3
1.2 Architecture des piles à combustible................................................. — 4
2. Groupe électrogène à pile à combustible .................................. — 4
2.1 Système global ................................................................................... — 4
2.1.1 Description ............................................................................... — 4
2.1.2 Rendement d’une pile.............................................................. — 5
2.1.3 Influence de la température et de la pression des réactifs
sur les performances de la pile ............................................... — 6
2.1.4 Humidification et refroidissement........................................... — 8
2.2 Architecture d’un groupe électrogène à pile à combustible............. — 8
2.2.1 Dimensionnement de la pile. Cahier des charges .................. — 8
2.2.2 Les différentes options ............................................................ — 9
2.3 La pile ................................................................................................. — 11
3. Quel combustible ? ......................................................................... — 12
3.1 Stockage d’hydrogène........................................................................ — 12
3.2 Production embarquée d’hydrogène ................................................. — 13
3.3 Distribution de combustible (infrastructure) ..................................... — 14
3.3.1 Production d’hydrogène .......................................................... — 14
3.3.2 Distribution de combustibles .................................................. — 15
4. Conclusion........................................................................................ — 15
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. BM 4 850

a principale différence entre une pile à combustible (PAC) et une batterie


L provient du fait qu’une pile à combustible fonctionne tant qu’elle est ali-
mentée en combustible et en comburant, et ne nécessite donc pas de recharge
électrique. Si, dans le cas d’une batterie, les électrodes contiennent la matière
active qui sera consommée et régénérée au gré des décharges et charges, les
électrodes d’une pile à combustible ne contiennent que les catalyseurs néces-
saires aux réactions, les réactifs provenant de réservoirs extérieurs. Cette diffé-
rence primordiale permet, dans un système à pile à combustible, de séparer
l’énergie contenue dans le carburant de la puissance résultant de la taille de la
pile, et devrait aboutir à des véhicules électriques plus performants que les
véhicules thermiques actuels et possédant une autonomie comparable.
Pour une étude générale sur les piles à combustible, le lecteur se reportera à l’article [D 3 340] de la base documentaire
« Réseaux électriques et applications » des Techniques de l’Ingénieur (référence [6]).
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPX

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. BM 4 850 – 1

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PILES À COMBUSTIBLE APPLIQUÉES AUX VÉHICULES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Notions de base l’électrooxydation de l’hydrogène. Réduire les quantités de ce


métal a été, au cours des dernières décennies, l’un des principaux
défis à relever pour espérer voir un jour cette source d’énergie uti-
lisée dans des applications « grand public ». Ces quantités, expri-
1.1 Les différents types de pile mées en milligrammes de platine par unité de surface d’électrode,
ont été divisées par cent depuis le début des programmes spatiaux
Depuis les années mil neuf cent soixante et le début des program- des années mil neuf cent soixante jusqu’à aujourd’hui avec, qui
mes spatiaux américains de R&D sur les piles à combustible, plusieurs plus est, une augmentation sensible des performances (figure 1).
types de classifications ont été utilisés, basés sur des critères tels que
le combustible, la température d’utilisation, la nature de l’électrolyte, Historique
la géométrie des systèmes, etc. À présent la communauté scientifique
a adopté une classification par type d’électrolyte (correspondant le La pile à combustible est l’invention de Sir William Grove, avo-
plus souvent à une température de fonctionnement). Le tableau 1 cat, philosophe et chimiste anglais du XIXe siècle, qui déve-
décrit, pour chaque type de pile, les réactions aux électrodes, les cata- loppa, sur ses propres deniers et à l’aide de grande quantité
lyseurs utilisés et l’ion transporté dans l’électrolyte. de platine fournie gracieusement alors par Johnson Matthey,
Si de nombreuses applications sont envisageables pour ces diffé- des cellules de piles à combustible (1839-1849) [1].
rents types de piles, en ce qui concerne le transport terrestre public En 1889, Ludwig Mond et Carl Langer furent les premiers à
ou particulier, seules les piles AFC et PEMFC ont, à ce jour, été uti- donner à la pile à combustible son nom et sa forme actuelle :


des cellules connectées en série par des plaques bipolaires [2].
lisées pour la traction, et les piles SOFC envisagées comme source
Ils purent obtenir des courants de 2 à 2,5 A (environ 3 mA/cm2)
auxiliaire de puissance (APU).
pour une surface de 700 cm2 à une tension de cellule de l’ordre
de 0,73 V et pour un chargement total en platine de 1 g de noir
1.1.1 Piles à combustible à membrane échangeuse de platine (soit 1,43 mg de platine par cm2). Ces résultats
de protons (PEMFC) constituent les premiers éléments chiffrés représentatifs d’un
Dans les PEMFC, l’électrolyte utilisé est une membrane polymère calcul d’ingénieur pour une application stationnaire. Un kilo-
à conduction protonique assurée par des fonctions sulfoniques. La watt électrique aurait demandé environ un kilogramme de pla-
classe de produit commercial la plus couramment employée est une tine soit environ 12 000 € [3]. Ce coût prohibitif mit un frein
membrane perfluorosulfonique, c’est-à-dire que la fonction acide important à leurs travaux.
est de type sulfonique et que tous les atomes d’hydrogène associés Les premières applications « automobiles » firent leur appari-
tion sous forme de démonstrateurs à la fin des années mil
à des carbones ont été remplacés par des atomes de fluor. Cette
neuf cent cinquante, à la suite des travaux de F.T. Bacon à l’uni-
substitution permet d’obtenir une acidité très supérieure à celle
versité de Cambridge, sur des piles alcalines fonctionnant à
des acides forts conventionnels (acide sulfurique, chlorhydrique,
plus de 200  C. En août 1959, un système de pile alcaline
perchlorique, etc.), et d’assurer à ce polymère proche du Téflon‚
hydrogène/oxygène de 6 kW fut développé et testé sur des
une grande stabilité chimique dans des environnements réducteurs
machines-outils et un chariot élévateur. Dans le même temps,
et oxydants que sont respectivement les milieux anodiques et
en octobre 1959, Harry Ihrig (de Allis Chalmers Company)
cathodiques de la pile. Cette membrane est par ailleurs très hydro-
dévoilait le premier tracteur équipé d’un système de pile alca-
phile et nécessite d’être parfaitement hydratée pour une conducti-
line de 15 kW, comportant un empilement de plus de mille cel-
vité protonique optimale. En effet, le mode de conduction se rap-
lules. Enfin, ces premières réalisations furent suivies, quelques
proche fortement d’une conduction liquide pour laquelle le proton
années plus tard, par un véhicule Austin alimenté par une pile
est solvaté, lors de son déplacement, par plusieurs molécules
alcaline de 6 kW développée par K.V. Kordesh de Union
d’eau. La température de fonctionnement est ainsi limitée à 100  C
Carbide.
afin d’éviter une perte d’hydratation de l’électrolyte par évaporation
à pression atmosphérique. La gestion de l’eau dans ce type de pile
demeure aujourd’hui l’un des problèmes majeurs tant au niveau de Ces progrès ont été rendus possibles par l’utilisation d’électrodes
la membrane que du système complet. Un fonctionnement à haute constituées de très petites particules de platine (quelques nanomè-
pression pourrait faciliter cette gestion de l’eau mais affecterait par tres) supportées sur des poudres de carbone développant une
ailleurs le fonctionnement de la pile (cf. § 2.1.3). grande surface électroactive de catalyseur (jusqu’à plus de 5 m2/g
Le catalyseur utilisé dans ce type de pile à combustible doit être de Pt). Cette amélioration s’est combinée à l’addition d’électrolyte
du platine pur ou allié à un métal de transition, afin de résister à dans la porosité des électrodes, permettant d’utiliser le catalyseur
l’environnement chimique très acide et de présenter une activité non seulement à l’interface électrode/électrolyte, mais également
catalytique suffisante à l’électroréduction de l’oxygène et à sur une épaisseur de quelques micromètres. Les électrodes ainsi
obtenues permettent de développer des surfaces réactionnelles
100 fois supérieures à la surface géométrique des électrodes. Au
point de vue catalytique, si le platine montre un bon niveau de per-
formance avec de l’air ou de l’hydrogène pur, il reste sensible à
l’empoisonnement par des produits sulfurés (à partir de quelques
dixièmes de ppm) ou par le monoxyde de carbone (à partir de quel-
ques dizaines de ppm) lorsque l’hydrogène alimentant l’anode pro-
vient du reformage d’hydrocarbures, et à l’empoisonnement par les
huiles ou graisses contenues dans l’air du côté cathodique. Si, à la
cathode, ce problème peut être résolu par l’emploi de filtres adap-
tés, à l’anode le gaz doit être désulfuré et le catalyseur doit être
modifié en alliant le platine à des métaux de transition. La résis-
tance à ces empoisonnements nécessite généralement une aug-
mentation significative des quantités de platine présentes dans les
électrodes.
Enfin, le dernier élément important dans ce type de pile concerne
les plaques séparatrices (ou plaques bipolaires). Leurs fonctions
Figure 1 – Évolution du chargement en platine et des performances sont de séparer, dans un empilement, l’anode d’une cellule de la
au cours des dernières décennies, d’après [4] cathode de la cellule suivante, d’acheminer le courant électrique

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Tableau 1 – Réactions aux électrodes, électrolytes et catalyseurs utilisés pour les différents types
de piles à combustible

Anode Cathode Température


Type de pile (1) Électrolyte
(catalyseur) (catalyseur) ( C)

PEMFC H2 Æ 2 H+ + 2 e– Polymère acide ½ O2 + 2 H+ + 2 e– Æ H2O 60 à 90


(Pt) H+ (solide) (Pt)

DMFC CH3OH + H2O Æ CO2 + 6 H+ + 6 e– Polymère acide ½ O2 + 2 H+ + 2 e– Æ H2O 60 à 90


(Pt) H+ (solide) (Pt)

PAFC H2 Æ 2 H+ + 2 e– H3PO4 (85 à 100 %) ½ O2 + 2 H+ + 2 e– Æ H2O 160 à 220


(Pt) H+ (liquide) (Pt)

AFC H2 + 2 OH– Æ 2 H2O + 2 e– KOH (8 à 12 N) ½ O2 + H2O + 2 e– Æ 2 OH– 50 à 250


(Pt, Ni) OH– (liquide) (Pt-AU, Ag)

MCFC 2-
H2 + CO3 Æ H2 O + CO2 + 2e
(Ni + 10 % Cr)
- Li2CO3/K2CO3/Na2CO3
2-
CO3 (liquide)
½ O2 + CO2 + 2e - Æ CO23 -
(NiO lithié)
650

SOFC H2 + O2– Æ H2O + 2 e– ZrO2-Y2O3 ½ O2 + 2 e– Æ O2– 750 à 1 050
(cermet Ni-ZrO2) O2– (solide) (perovskites LaxSr1-xMnO3)
(1) PEMFC : Proton Exchange Membrane Fuel Cell AFC : Alkaline Fuel Cell
DMFC : Direct Methanol Fuel Cell MCFC : Molten Carbonate Fuel Cell
PAFC : Phosphoric Acid Fuel Cell SOFC : Solid Oxide Fuel Cell

d’une cellule à l’autre, et de distribuer les gaz à la surface des élec- le fonctionnement de la pile. Dans tous les cas, la complexité du
trodes. Ces plaques devront donc être conductrices électroniques, système entourant la pile s’en trouve augmentée.
isolantes ioniques, et résister chimiquement à un environnement
Les recherches et développements en cours concernent principa-
oxydant (oxygène de l’air), à un environnement réducteur (hydro-
lement les réductions de coûts (catalyseurs non nobles) et les aug-
gène) et à l’eau (produit de la réaction). Elles sont la plupart du
mentations de performances massiques et volumiques, encore très
temps constituées de graphite imprégné de résine phénolique et en retrait par rapport au concurrent direct la PEMFC. Une recherche
usiné afin de dessiner sur chacune des faces des canaux de distri- plus amont concerne le développement de membranes alcalines à
bution des gaz. Si le graphite est très stable chimiquement et très conduction par ions hydroxydes.
bon conducteur, son usinage devient très coûteux pour des produc-
tions de série. De nombreuses recherches sont en cours pour le
remplacer par des métaux emboutis ou par des composites moulés 1.1.3 Piles à combustible à oxyde solide (SOFC)
ou injectés à base de carbone, les principaux freins rencontrés
étant respectivement la résistance à la corrosion des métaux dans Ce sont les piles fonctionnant aux plus hautes températures, de
ce milieu agressif et les faibles conductivité et tenue mécanique 800 à 1 000  C. Du fait de cette température élevée, elles présentent
des composites. l’avantage de ne pas nécessiter l’utilisation de métaux nobles pour
augmenter les cinétiques de réaction et de pouvoir être alimentées
Ces plaques bipolaires assurent généralement la fonction de par d’autres combustibles que de l’hydrogène pur. En effet, un gaz
plaque de refroidissement par le passage dans leur épaisseur d’un tel que le monoxyde de carbone, considéré comme un poison jus-
fluide caloporteur. qu’à 200  C, devient un combustible au-delà de 600 à 700  C puis-
qu’il s’oxyde presque aussi facilement que l’hydrogène. De même
le méthane (ou le gaz naturel), inerte électrochimiquement au-des-
1.1.2 Piles à combustible alcalines (AFC) sous de 300 à 400  C, devient un combustible à haute température.
Ces piles sont principalement constituées de céramiques de diffé-
Ce sont historiquement les premières piles à avoir connu un
rentes natures pouvant être associées à un métal comme dans le
développement « industriel » pour une application spécifique, la
cas des anodes en nickel cermet (association céramique-métal). La
conquête spatiale. En effet, depuis le programme Apollo, des piles
conduction ionique se fait par ions oxydes (O2–) dans un électrolyte
à combustible alcalines ont été présentes dans tous les vols habités
de type zircone yttrié. Aux électrodes, comme dans le cas de tous
de la NASA. Ces piles, possédant un électrolyte alcalin (potasse),
les autres types de pile, les réactions se dérouleront sur les sites où
présentent l’avantage de pouvoir fonctionner sans l’utilisation de
seront présents trois phases :
métaux nobles avec, pour catalyseurs, du nickel Raney à l’anode
et de l’argent à la cathode. De plus, la cinétique de réduction – un conducteur électronique apportant ou évacuant des élec-
semble plus favorable en milieu alcalin qu’en milieu acide. trons pour les réactions respectives de réduction et d’oxydation ;
– un conducteur ionique (oxyde) évacuant les ions de la cathode
L’un des inconvénients majeurs des piles alcalines provient de la pour les transporter à l’anode ;
très grande sensibilité de l’électrolyte au gaz carbonique, provo- – un milieu poreux acheminant les gaz réactifs et éliminant les
quant la précipitation de carbonates diminuant rapidement la produits de réaction ou n’ayant pas participé à la réaction.
conductivité ionique. Le gaz carbonique est présent dans l’air et
dans l’hydrogène quand il provient du reformage d’hydrocarbures. Les SOFC évoluant à très haute température, les coefficients de
Cette présence impose soit l’adjonction d’une unité de décarbona- dilatation de chacun des constituants jouent un rôle prépondérant
tation en amont de la pile, soit la nécessité d’une circulation et d’un sur le cyclage thermique et la durée de vie ; des coefficients trop
traitement de l’électrolyte. Cette circulation pourrait être mise à éloignés auraient un effet désastreux sur le plan des contraintes
profit pour évacuer tout ou partie de l’excès de chaleur produit par mécaniques. Le cyclage thermique est également limité par la

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PILES À COMBUSTIBLE APPLIQUÉES AUX VÉHICULES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

compartiments anodique et cathodique de deux cellules consécuti-


ves de façon étanche, et d’acheminer le courant d’une cellule à
l’autre (figure 2). Ces plaques bipolaires (ou interconnecteurs) peu-
vent également être utilisées pour gérer thermiquement les piles,
par addition dans l’épaisseur de la plaque d’un circuit de refroidis-
sement. L’avantage principal de cette configuration est sa compa-
cité. L’inconvénient majeur est le maintien de l’étanchéité. En effet,
un joint doit entourer complètement les électrodes pour empêcher
les réactifs de fuir vers l’extérieur de la cellule. Ce joint s’appuiera
d’une part sur l’électrolyte et d’autre part sur la plaque bipolaire.

& En ce qui concerne la configuration tubulaire, à ce jour réservée


aux SOFC, des tubes (ou doigts de gant) de céramiques recouverts
du matériau d’anode sur leur face externe et du matériau de
cathode sur leur face interne sont plongés dans l’environnement
combustible alors que le comburant (l’air) circule à l’intérieur.
Cette configuration permet de ne requérir une étanchéité qu’à
l’extrémité des tubes. De plus cette géométrie adaptée aux hautes


températures permet aux contraintes thermiques dues aux diffé-
rences de coefficients de dilatation de se répartir de façon radiale
Figure 2 – Configuration filtre-presse d’un empilement de pile
à la périphérie du tube. L’inconvénient majeur de cette géométrie
à combustible (exemple d’une PEMFC) provient du manque de compacité d’un empilement de tubes et
également de la difficulté technique à mettre en série plusieurs
nature des joints d’étanchéité des cellules. Les seuls joints efficaces tubes consécutifs puisqu’une cathode (intérieur du tube) doit être
à haute température sont des joints en verre, mais qui ne suppor- reliée à une anode (extérieur du tube) dans l’empilement.
tent pas le refroidissement car ils craquent lors de la solidification
une fois en place. Plusieurs architectures ont été développées dont
la configuration tubulaire (Westinghouse) et la configuration pla-
naire. Si la configuration tubulaire ne requiert qu’une très faible
surface d’étanchéité, la configuration planaire, en revanche, expose 2. Groupe électrogène
de grandes surfaces. Les recherches en cours visent à diminuer les
températures de fonctionnement aux environs de 700  C afin de à pile à combustible
pouvoir utiliser des matériaux métalliques comme constituants
des joints et comme interconnecteurs. Pour atteindre ces tempéra-
tures, de nouveaux matériaux d’électrodes et d’électrolyte doivent
être développés ainsi que les procédés de dépôts associés. Un 2.1 Système global
autre axe de recherche consiste à utiliser, dans les électrodes, des
matériaux conducteurs mixtes (ioniques et électroniques) afin de
simplifier la structure des électrodes et de favoriser le triple contact 2.1.1 Description
entre les phases ioniques, électroniques et gazeuses.
Une pile à combustible ne peut fonctionner seule ; elle a besoin
Les constructeurs automobiles s’intéressent de plus en plus aux d’être associée à des périphériques auxiliaires qui assureront des
SOFC, car ces piles pourraient utiliser directement les combustibles fonctions aussi essentielles qu’acheminer les réactifs, évacuer les
fossiles classiques déjà distribués, mais elles présentent encore un produits ou gérer la température de l’empilement. Ces auxiliaires,
temps de mise en température élevé. s’ils sont nécessaires au fonctionnement de la pile, n’en sont pas
moins des consommateurs d’énergie parasitant directement la pro-
duction de la pile.
1.2 Architecture des piles à combustible Le système est globalement constitué d’un circuit combustible,
Quel que soit le type de pile à combustible, la tension maximale d’un circuit comburant et d’une boucle de refroidissement. Un sys-
(à circuit ouvert) aux bornes d’une cellule est de l’ordre du potentiel tème d’humidification vient généralement compléter cet ensemble.
thermodynamique de l’eau (1,23 V), fonction des conditions de Il peut être couplé à la boucle de refroidissement ou indépendant
température et de pression et des concentrations de réactifs et de (figure 3). On distinguera généralement les différents types de sys-
produits suivant la loi de Nernst. Dès qu’un courant est produit, tèmes de piles à combustible par la pression à laquelle ils travail-
cette valeur diminue significativement du fait de l’apparition aux lent (dimensionnant la taille du compresseur d’air) et par le com-
électrodes des surtensions d’activation et de concentration [5] et bustible qu’ils utilisent [hydrogène stocké sous forme liquide ou
des pertes chimiques. Les tensions d’utilisation nominales sont gazeuse, hydrogène stocké sous forme d’hydrure, combustible à
habituellement de 0,6 à 0,8 V par cellule unitaire en fonction de la reformer (généralement un hydrocarbure ou un alcool dont on
technologie considérée. extrait l’hydrogène par une opération de reformage), combustibles
liquides pour oxydation directe]. Ces distinctions auront un fort
Quant aux densités de courant générées, elles varieront de 0,1 à impact sur les performances nettes du groupe électrogène, la qua-
1 A/cm2. Afin de dimensionner une pile en courant et tension, il lité des réactifs (présence d’impuretés dans les gaz) et les consom-
faudra donc agir respectivement sur la taille et le nombre de cellu- mations parasites des auxiliaires affectant le rendement global du
les connectées en série. Cette mise en série pourra se faire princi- système. L’architecture du groupe électrogène sera également for-
palement suivant la technologie planaire (empilement filtre-presse) tement dépendante de ces auxiliaires.
ou la technologie tubulaire.
Les performances d’un système sont généralement exprimées
& Dans le cas d’un empilement planaire, toutes les cellules sont par rapport à leurs puissances massique et volumique, mais égale-
empilées et connectées électriquement en série. Chaque cellule ment en termes de rendement. Le rendement du système dépendra
est séparée de la suivante par une plaque bipolaire dont la fonction de celui de la pile à combustible affecté des pertes parasites dues
est de distribuer les réactifs sur chaque électrode, de séparer les aux auxiliaires et variera avec la puissance demandée.

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Figure 3 – Schéma de principe d’un système à pile à combustible

2.1.2 Rendement d’une pile d’eau oxygénée à la cathode, montrant une réaction incomplète à
deux électrons au lieu de quatre pour produire de l’eau.
& Rendement théorique er
& Rendement total etot
Le rendement théorique d’une pile à combustible à l’équilibre (er)
est donné par la relation suivante [6] : Le rendement total de la pile sera le produit de ces trois
contributions :
We nFE eq DG
er = = = = 1 - T DS (1) nFEeq EðiÞ
- DH - DH DH DH nF
etot = er eE eF = eF = - EðiÞeF (4)
avec n nombre d’électrons échangés dans la réaction, - DH Eeq DH
F nombre de Faraday (charge d’une mole d’électrons),
et - DH peut être considéré comme une tension idéale (Eidéal) ne
Eeq tension thermodynamique (potentiel thermodyna- nF
tenant pas compte des irréversibilités.
mique défini par les équations de Nernst),
Elle est définie à partir de l’enthalpie (DH), et non de l’enthalpie
We travail électrique fourni,
libre (DG), et ne prend pas en compte la contribution entropique
DH enthalpie de réaction, (TDS). Cette expression est parfois qualifiée de « tension de chaleur
DS variation (isotherme) d’entropie, nulle », et correspondrait à un fonctionnement purement électrique
DG enthalpie libre de réaction (et DG = DH – T DS). sans production de chaleur. Cette « tension », prendra deux valeurs
très différentes suivant que l’eau produite par la réaction sera sous
forme liquide ou gazeuse. Ces deux valeurs correspondent aux
& Rendement pratique eE notions de pouvoir calorifique supérieur (PCS) et pouvoir calori-
Le rendement pratique (eE) de la pile prend en compte les surten- fique inférieur (PCI), utilisés couramment par les motoristes.
sions dues aux réactions électrochimiques et aux résistances ioni- Le rendement d’une cellule de pile à combustible devient donc :
ques et électroniques présentes dans la pile. Typiquement, ce ren-
dement s’exprime par le rapport de la tension de cellule à la E ðiÞ
etot = eF (5)
densité de courant considérée (E(i)) à la tension à l’équilibre (à cir- E idéal
cuit ouvert) Eeq de la pile :
EðiÞ Le tableau 2 regroupe les valeurs de tension caractéristique
eE = (2) d’une pile à combustible hydrogène/oxygène (air).
Eeq
Ainsi le rendement maximal d’une cellule correspondra au rap-
port de la tension thermodynamique à la tension de « chaleur
EðiÞ = Eeq - ha ðiÞ - hc ðiÞ - Â ri (3) nulle », et sera au maximum de 98 % ou de 85 % selon que l’on
avec i densité de courant, considère la tension correspondant au PCI ou au PCS. Si l’on
prend en compte les pertes de tension d’une cellule en fonctionne-
ha et hc surtensions anodique et cathodique, ment, dues à la cinétique des réactions électrochimiques, à la diffu-
Âr somme des résistances ioniques et électroni- sion des réactifs dans les électrodes, ou encore aux pertes ohmi-
ques. ques dans les électrodes et dans l’électrolyte, la tension pratique
de fonctionnement d’une cellule de pile est inférieure à 1 V.
& Rendement faradique eF Exemple : pour une tension de 0,7 V, avec un rendement fara-
Enfin il faut inclure la contribution faradique du rendement (eF) dique proche de 100 %, et en considérant la tension de chaleur
correspondant à l’efficacité de la réaction et rendant compte des nulle correspondant au PCI (cf. tableau 2), le rendement de cellule
réactions parasites possibles. Généralement, avec du platine et de devient :
l’hydrogène, ce rendement est très proche de 1. Il sera affecté par
E ðiÞ 0,7
l’oxydation de CO à l’anode dans le cas d’hydrogène provenant etot = eF = ¥ 100 = 56 %
d’un reformeur puisqu’une certaine quantité d’électricité (des élec- E idéal 1,25
trons) sera utilisée par des réactions annexes, ou par la production

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Transport électrique routier –


Véhicules à pile à combustible

par Jean-Philippe POIROT-CROUVEZIER


Ingénieur-chercheur
CEA-LITEN, Service d’intégration des générateurs electrochimiques, Grenoble, France

Cet article est la réédition actualisée de l’article [D 5 570] intitulé « Transport électrique routier –
Véhicules à pile à combustible » paru en 2003, rédigé par Renaut Mosdale. S
1. Notions de base ..................................................................................... D 5 570v2 - 2
1.1 Problématique du véhicule électrique..................................................... — 2
1.2 Différents types de piles à combustible .................................................. — 3
1.3 Architecture des piles à combustible ...................................................... — 6
2. Système à pile à combustible ............................................................ — 8
2.1 Tension d’une cellule de pile à combustible .......................................... — 8
2.2 Rendement d’une pile à combustible...................................................... — 8
2.3 Mise en œuvre pratique du système ....................................................... — 10
2.4 Dimensionnement du système ................................................................ — 13
2.5 Dimensionnement de la pile à combustible ........................................... — 20
2.6 Architecture électrique, gestion d’énergie .............................................. — 21
2.7 Sécurité du véhicule à pile à combustible .............................................. — 21
2.8 Exemple de dimensionnement d’un véhicule ........................................ — 23
3. Le carburant, principal point faible ? .............................................. — 24
3.1 Stockage d’hydrogène .............................................................................. — 24
3.2 Infrastructure de distribution de combustible ........................................ — 26
4. Conclusion............................................................................................... — 26
5. Annexe – Fournisseurs ......................................................................... — 28
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. D 5 570v2

a pile à combustible est un convertisseur d’énergie chimique en énergie


L électrique, au même titre qu’une batterie. Les réactions électrochimiques
associées à la production d’électricité ont lieu dans des électrodes, elles-mêmes
séparées par un électrolyte. Dans le cas des batteries, les réactifs utilisés sont
présents initialement dans les électrodes et sont consommés puis régénérés au
fil des décharges et charges, tandis que dans le cas des piles à combustible, ces
derniers sont apportés au fur et à mesure de leur consommation. De ce fait, les
fonctions de stockage d’énergie et de production de puissance sont dissociées,
avec d’une part un stockage dépendant uniquement de la taille du réservoir de
carburant et d’autre part une puissance liée principalement à la taille de la pile.
Du fait de cette dissociation des fonctions, la densité d’énergie des systèmes à
pile à combustible peut être augmentée à un niveau plus élevé que celle des
batteries. La densité d’énergie des batteries actuelles, même pour les techno-
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQU

logies Li/ion, reste un point limitant le développement des véhicules électriques


à batterie, au même titre que la durée nécessaire à la recharge. En revanche, ces
dernières années les prototypes de véhicules à pile à combustible développés

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TRANSPORT ÉLECTRIQUE ROUTIER – VÉHICULES À PILE À COMBUSTIBLE ______________________________________________________________________

par plusieurs constructeurs ont démontré la possibilité d’obtenir des véhicules


électriques rechargeables rapidement, et possédant des performances et une
autonomie similaire à celle des véhicules thermiques actuels. La plupart du
temps ces véhicules contiennent également une batterie, ce qui rend ces techno-
logies de stockage complémentaires, et non pas concurrentes.
Pour une étude générale sur les piles à combustible, le lecteur se reportera à
l’article [D 3 340] de ce traité.

1. Notions de base
S 1.1 Problématique du véhicule électrique
L’idée d’utiliser l’énergie électrique pour la propulsion de véhi-
cules est apparue dès le XIXe siècle, pour les transports sur rails
comme pour les transports routiers. Dans le cas des déplacements
sur route, l’une des questions cruciales est celle du stockage
d’énergie à bord du véhicule, qui conditionne en grande partie
l’autonomie du véhicule, c’est-à-dire la distance qu’il est capable
de parcourir sans recharge d’énergie. Au début du XXe siècle, les
progrès effectués sur les moteurs à combustion interne ont
conduit à une disparition des véhicules électriques à batterie, qui
avaient connu une première phase de développement (figure 1).
Cependant, les chocs pétroliers et l’augmentation des contrain-
tes environnementales ont progressivement modifié, à la fin du
XXe siècle, le cahier des charges de la source d’énergie à bord des
véhicules. En plus de la puissance et de l’autonomie, la sobriété et
la propreté ont pris de plus en plus d’importance, avec la limitation
progressive des rejets indésirables, comme les gaz à effet de serre Figure 1 – « La Jamais Contente », premier véhicule à dépasser
la vitesse de 100 km/h, équipé d’une propulsion électrique (1899)
ou les composés nuisant à la qualité de l’air dans les villes. En
parallèle des progrès recherchés sur les moteurs thermiques pour
répondre à ces nouvelles contraintes, les constructeurs automobi-
les ont alors mis en place des programmes de développement de
véhicules électriques.
Si les piles à combustible ont suscité dès cette époque un intérêt
notable, c’est d’abord les batteries qui ont été utilisées pour déve-
lopper ce type de véhicule. L’objectif dans la conception de ces
nouveaux véhicules était d’abord d’atteindre une puissance suffi-
sante pour obtenir un comportement routier et une habitabilité
similaires à ceux d’un véhicule à moteur à combustion interne. Les
batteries mais également les composants électrotechniques et
électromécaniques (convertisseurs, onduleurs, moteurs électri-
ques, etc.) ont dû être développés spécifiquement pour cette appli-
cation. Puis la question de l’autonomie est apparue comme
essentielle pour le développement de ce type de véhicule. En effet,
avec les premières technologies de batterie utilisées (plomb, Ni-Cd
et même Ni-MH), la quantité d’énergie stockée à bord du véhicule
reste modeste si l’on souhaite conserver suffisamment d’espace
libre pour les occupants du véhicule. De ce fait, jusqu’aux années
1990, ce sont surtout de petits véhicules peu puissants et peu
gourmands en énergie qui ont été équipés de motorisation électri-
que (figure 2). Malgré cela, l’autonomie est restée très en-deçà des
normes habituelles des véhicules thermiques, avec souvent des
valeurs inférieures à cent kilomètres. D’autre part, les batteries uti- Figure 2 – La Peugeot 106 électrique, exemple de modèle
de véhicule électrique commercialisé en France à partir de 1996
lisées dans ces véhicules ne permettaient pas d’effectuer rapide-
ment une recharge, même partielle. Ces défauts se sont avérés des
freins très importants à l’apparition d’un marché pour ce type de et surtout la possibilité de récupérer une partie de l’énergie de frei-
véhicule. nage du véhicule, faculté que n’ont pas les moteurs thermiques.
Néanmoins la motorisation électrique a pu faire la démonstra- Cette dernière peut en effet représenter environ 20 % de l’énergie
tion de ses principales qualités : le silence de fonctionnement, fournie pour la propulsion du véhicule. L’association de chaînes de
l’absence de rejets, un haut rendement de conversion de l’énergie traction thermique et électrique, ou hybridation, s’est développée

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______________________________________________________________________ TRANSPORT ÉLECTRIQUE ROUTIER – VÉHICULES À PILE À COMBUSTIBLE

Figure 3 – La Toyota Miraï, véhicule hybride pile à combustible – batterie S


encore à ses débuts. L’offre de véhicules à batterie s’étoffe progres-
sivement, et les premiers véhicules à pile à combustible de série
font leur apparition (quelques milliers d’exemplaires pour la Toyota
Miraï prévus pour 2015-2017, par exemple). Le principal frein à ce
développement est le coût de ces véhicules (notamment des batte-
ries et des systèmes à pile à combustible), dont la réduction est l’un
des principaux objectifs de recherche dans le domaine.

1.2 Différents types de piles


à combustible
Le terme « pile à combustible » est un terme générique dési-
gnant toute solution technologique permettant de convertir par
voie électrochimique une énergie potentielle chimique en énergie
électrique utilisable, dans laquelle les réactifs sont apportés et les
produits sont extraits de manière continue. Toute autre solution
technologique de conversion électrochimique d’énergie chimique
en énergie électrique est à classer soit parmi les batteries (lorsque
Figure 4 – La Tesla, voiture électrique aux fonctionnalités proches les réactifs peuvent être régénérés par une recharge), soit parmi
de celles d’une voiture thermique
les piles primaires (lorsque la régénération n’est pas possible).

Toutes sont à classer parmi les réacteurs électrochimiques, au


notamment suite à ce constat, afin de rendre plus économes les
même titre que les électrolyseurs. Pour rappel, les principaux élé-
véhicules à essence, tout en conservant leur forte autonomie et
ments constituant un réacteur électrochimique sont nécessairement :
leur rapidité de recharge. La batterie qui équipe ces véhicules n’est
souvent rechargée que par les sources de puissance internes au – un électrolyte, milieu dans lequel a lieu le transport des ions ;
véhicule, et ne peut pas être connectée à un chargeur externe.
Les piles à combustible sont également apparues comme un – une anode, lieu de la demi-réaction d’oxydation ;
complément pertinent à des batteries pour la propulsion d’un – une cathode, lieu de la demi-réaction de réduction ;
véhicule. En effet, il est possible d’atteindre une autonomie et une
vitesse de recharge proches des celles des véhicules thermiques – un collecteur de courant, milieu dans lequel sont véhiculés les
(figure 3). De plus, ce convertisseur évite tout rejet polluant, ce qui électrons.
lui donne un avantage supplémentaire. Comme le moteur
thermique, la pile à combustible n’est pas capable de récupérer Découvert en 1839 par Sir William Grove avec l’hydrogène et
l’énergie de freinage du véhicule. l’oxygène comme réactifs, le principe de la pile à combustible peut
s’appliquer à d’autres réactifs, et les éléments constituant ce réac-
Les progrès récents des batteries sont importants, avec la généra- teur électrochimique peuvent varier. Un exemple de représenta-
lisation de technologies à base de lithium, que ce soit dans les véhi- tion de ces éléments est donné pour une pile de type PEMFC à la
cules purement à batterie ou dans les véhicules hybrides. Les figure 5. La classification adoptée pour désigner les différents
autonomies, les puissances et les vitesses de recharge s’en trouvent types de piles à combustible est donnée dans le tableau 1. Elle se
améliorées, ce qui permet à ces véhicules de se rapprocher des véhi- base essentiellement sur la nature de l’électrolyte, dont découlent
cules thermiques (figure 4). Par ailleurs une possibilité de recharge la gamme de température d’utilisation et la nature des catalyseurs
électrique externe apparaît sur les véhicules hybrides thermiques, ce utilisables à l’anode et à la cathode. La nature des réactifs peut
qui autorise une utilisation en mode purement électrique. également être prise en compte afin d’introduire une distinction
Malgré les importants progrès technologiques effectués au cours supplémentaire (cas de la DMFC). Par ailleurs certains développe-
des dernières décennies, le développement du marché des véhi- ments récents ont rendu floue la frontière entre certains types de
cules électriques (hors hybrides à moteurs thermiques) en est pile (cas de la PEMFC, détaillée dans le paragraphe 1.2.1).

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Oxygène

Hydrogène

Eau

Liquide caloporteur

Proton

Électron

1/2 réaction anodique

1/2 réaction cathodique

S Électrodes

Électrolyte

Plaques bipolaires

Exemple de la PEMFC alimentée en hydrogène

Figure 5 – Principe de fonctionnement de la pile à combustible (exemple de la PEMFC alimentée en hydrogène)

Tableau 1 – Réactions aux électrodes, électrolytes et catalyseurs utilisés pour les différents types
de piles à combustible
Tempé-
rature
Type de pile Anode (catalyseur) Électrolyte Cathode (catalyseur)
(°C)

PEMFC (Proton
Polymère acide 1 O
Exchange Mem- H2 → 2 H+ + 2 e− (Pt) + 2 H+ + 2 e− → H2O (Pt) 60 à 120
(solide/H+) 2 2
brane Fuel Cell )

DMFC (Direct
Polymère acide 1 O
Methanol Fuel CH3OH + H2O → CO 2 + 6 H+ + 6 e− (Pt) + 2 H+ + 2 e− → H2O (Pt) 60 à 90
(solide/H+) 2 2
Cell )

PAFC
H3PO4 (85 à 100 %) 1 O2 160 à
(Phosphoric H2 → 2 H+ + 2 e− (Pt) + 2 H+ + 2 e− → H2O (Pt)
(liquide/H+) 2 220
Acid Fuel Cell )

AFC (Alkaline KOH (8 à 12 N) 1 O


H2 + 2 OH− → 2 H2O + 2 e− (Pt, Ni) + H2O + 2 e– → 2 OH− (Pt-Au, Ag)) 50 à 250
Fuel Cell ) (liquide/OH–) 2 2

MCFC (Molten H2 + CO 23− → H2O + CO 2 + 2 e– Li2CO3 /K2CO3 /Na2CO3


Carbonate Fuel 1 O
2 2 + CO 2 + 2 e− → CO 23− (NiO lithié) 650
Cell ) (Ni + 10 %Cr) (liquide/CO2−
3 )

H2 + O2− → H2O + 2 e− 1 O + 2 e− → O 2 −
SOFC (Solid ZrO2-Y2O3 2 2 750 à
Oxide Fuel Cell ) (cermet et Ni-ZrO2 ) (solide/O2–) (perovskites LaxSr1–xMnO 3 ) 1 050

L’utilisation de ces différents types de piles à combustible dans rendues incontournables pour les applications de transport terres-
les applications de transport terrestre dépend de nombreux fac- tre, que ce soit pour la traction ou seulement comme source auxi-
teurs, comme par exemple le coût, la compacité, la fiabilité, la liaire de puissance (APU).
durabilité, ou encore l’état de développement de la technologie. Ainsi, au cours des vingt dernières années, plusieurs centaines
Les piles AFC, utilisées dans les programmes spatiaux américains de véhicules équipés de PEMFC ont ainsi été réalisés, parfois en
depuis les années 1960, ont été à la même époque intégrées dans petites séries. Enfin, depuis 2000, des piles SOFC sont développées
les premiers prototypes de véhicule à pile à combustible. À partir dans le but d’être intégrées dans des véhicules, essentiellement en
des années 1990, les progrès réalisés sur les piles PEMFC les ont tant qu’APU.

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et 95 °C. Néanmoins la gestion de l’eau dans ce type de pile est


Historique délicate tant au niveau de la membrane que du système complet.
Le catalyseur utilisé dans ce type de pile à combustible doit être
La pile à combustible inventée entre 1839 et 1845 par Sir à base de platine, afin de résister à l’environnement chimique très
William Grove, avocat, philosophe et chimiste anglais du acide, et de présenter une activité catalytique suffisante à la réduc-
XIXe siècle, était capable de produire une puissance électrique tion de l’oxygène et à l’oxydation de l’hydrogène. Réduire les
détectable à partir d’hydrogène et d’oxygène alimentant res- quantités de ce métal a été, au cours des dernières décennies, l’un
pectivement l’anode et la cathode de cellules électrochimiques des principaux défis à relever pour espérer voir un jour cette
connectées en série électriquement [1]. L’électrolyte liquide source d’énergie utilisée dans des applications « grand public ». La
était composé d’acide sulfurique, et les électrodes étaient figure 6 représente l’évolution de la quantité de platine utilisée
constituées de platine. pour obtenir la puissance au point de fonctionnement optimal de
L’invention des principaux types de pile a été réalisée par la cellule, exprimée en watt par milligramme de platine. L’augmen-
différentes équipes jusqu’au milieu du XXe siècle, avec des tation de l’efficacité du catalyseur est présentée pour des résultats
réalisations de prototypes allant de cellules de laboratoire issus de tests sur des cellules en laboratoire, ainsi que sur des sys-
jusqu’à des piles de plusieurs dizaines de cellules [2]. tèmes en utilisation réelle (à partir de 1995). La différence entre les
deux courbes pour la période récente s’explique notamment par la
La première application de transport terrestre fit son appari- prise en compte de contraintes de durabilité des performances et
tion en 1959 sous la forme d’un tracteur développé par la de tolérance aux éventuelles traces de polluants sur les systèmes
compagnie Allis Chalmers. Il était équipé d’une pile alcaline
de 15 kW fonctionnant à plus de 200 °C, comprenant environ
1000 cellules basées sur la technologie développée par F. T.
complets. En effet, la réduction de la masse de platine par unité de
surface d’électrode engendre une augmentation de la vitesse de
dégradation de la performance et une plus grande sensibilité aux

Bacon à l’université de Cambridge de 1939 à 1954. Cette pre- polluants. Malgré cela, le gain réalisé sur les cinquante dernières
mière réalisation fut suivie, quelques années plus tard, par un années est au moins d’un facteur mille.
véhicule Austin alimenté par une pile alcaline de 6 kW déve-
loppée par KV Kordesh de Union Carbide. Ces progrès ont été rendus possibles par l’utilisation d’électro-
des constituées de très petites particules de platine (quelques
L’amélioration des performances des piles PEMFC au début
nanomètres) supportées sur des poudres de carbone développant
des années 1990 donna le coup d’envoi du développement de
une grande surface électroactive de catalyseur (jusqu’à plus de
nombreux véhicules automobiles, avec dès 1994 le premier
5 m2/g de Pt). Cette amélioration s’est combinée à l’addition d’élec-
exemplaire de la série des voitures Necar par Daimler, équi-
trolyte dans la porosité des électrodes, permettant d’utiliser le
pées de piles Ballard de 50 kW pour Necar1 jusqu’à 75 kW
catalyseur non seulement à l’interface électrode/électrolyte, mais
pour Necar5 en 2000. Les premières flottes de véhicules expé-
également sur une épaisseur de quelques micromètres. Les élec-
rimentaux sont apparues dès 2000 avec notamment les pro-
trodes ainsi obtenues permettent de développer des surfaces réac-
jets américains d’expérimentation menés dans le cadre du
tionnelles plusieurs centaines de fois supérieures à la surface
California Fuel Cell Partnership [3], impliquant les principaux
géométrique des électrodes. Au point de vue catalytique, si le pla-
constructeurs mondiaux. En parallèle, de nombreux bus ont
tine montre un bon niveau de performance avec de l’air ou de
été développés à partir de 1997. Enfin, des chariots élévateurs
l’hydrogène pur, il reste sensible à l’empoisonnement par des pro-
répondant aux exigences des grands centres logistiques sont
duits sulfurés (à partir de quelques dixièmes de ppm) ou par le
apparus à partir de 2005, créant le premier marché de
monoxyde de carbone (à partir de quelques dizaines de ppm)
commercialisation de véhicules à pile à combustible.
lorsque l’hydrogène alimentant l’anode provient du reformage
d’hydrocarbures, et à l’empoisonnement par les huiles ou graisses
contenues dans l’air du côté cathodique. Si, à la cathode, ce pro-
1.2.1 Piles à combustible à membrane blème peut être résolu par l’emploi de filtres adaptés, à l’anode le
échangeuse de protons (PEMFC) gaz doit être désulfuré et le catalyseur doit être modifié en alliant
le platine à des métaux de transition. La résistance à ces empoi-
Dans les PEMFC, l’électrolyte utilisé est une membrane poly- sonnements nécessite généralement une augmentation significa-
mère dans laquelle l’ion transporté est le proton. Ce transport est tive des quantités de platine présentes dans les électrodes.
rendu possible par la présence de fonctions acides sur les chaînes
du polymère. Les membranes disponibles commercialement sont
de la classe des polymères perfluorosulfoniques, c’est-à-dire que 100
la fonction acide est de type sulfonique (SO3H) et que tous les ato-
mes d’hydrogène associés à des carbones ont été remplacés par
Densité de puissance (W/mg Pt)

des atomes de fluor. Cette substitution permet d’obtenir une aci- 10


dité très supérieure à celle des acides forts conventionnels (acide
sulfurique, chlorhydrique, perchlorique, etc.), et d’assurer à ce
polymère proche du Téflon® une grande stabilité chimique dans 1
les environnements réducteurs et oxydants que sont respective-
ment les milieux anodiques et cathodiques de la pile. La conducti-
vité de ces membranes est favorisée par la présence d’eau à 0,1
l’intérieur du polymère, qui permet d’assurer une solvatation du
proton et un mode de transport proche d’une conduction liquide.
0,01
La gamme de température pour laquelle le fonctionnement de
ces piles est possible est proche de celle pour laquelle l’eau peut 0,001
se trouver à l’état liquide, soit entre 0 et 100 °C, voire jusqu’à 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
120 °C pour des pressions de fonctionnement nettement supérieu- Année
res à la pression atmosphérique (2 à 3 bars absolus). Des solutions
techniques ont également été développées pour réaliser des Système complet Cellule de laboratoire
démarrages par température négative, ce qui est un point impor-
tant pour les applications automobiles. Les températures de fonc- Figure 6 – Évolution de la densité de puissance des piles
tionnement les plus couramment employées sont situées entre 60 au cours des dernières décennies

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Depuis une dizaine d’années, la recherche d’une température de tous les autres types de pile, les réactions se déroulent sur les sites
fonctionnement plus élevée des PEMFC a conduit à l’émergence où sont présentes trois phases :
d’une variante nommée PEMFC haute température (PEMFC-HT). Il – un conducteur électronique apportant ou évacuant des élec-
s’agit en réalité d’une pile PAFC dont l’électrolyte H3PO4 , liquide à trons pour les réactions respectives de réduction et d’oxydation ;
la température de fonctionnement, est piégé dans une matrice – un conducteur ionique (oxyde) évacuant les ions de la cathode
polymère poreuse. Cette matrice est généralement constituée de pour les transporter à l’anode ;
polybenzimidazole (PBI), qui a la propriété de former des comple-
– un milieu poreux acheminant les gaz réactifs et éliminant les
xes avec l’acide, augmentant la stabilité du matériau. La tempéra-
produits de réaction ou n’ayant pas participé à la réaction.
ture de fonctionnement optimale se situe dans la gamme
160-200 °C. Cet électrolyte ne nécessite pas d’eau pour obtenir une Les SOFC évoluant à très haute température, les démarrages et
conductivité optimale, et le niveau de température utilisé rend les arrêts de ces systèmes correspondent à des cyclages thermiques
catalyseurs moins sensibles aux polluants. En revanche ce type de sur plusieurs centaines de degrés. De ce fait, les coefficients de
pile ne fonctionne pas à des températures inférieures à 100 °C, ce dilatation de chacun des constituants jouent un rôle prépondérant
qui complique les démarrages, notamment par grand froid. Malgré sur la durée de vie ; des coefficients trop éloignés auraient un effet
de nombreux développements au cours des dernières années, ce désastreux sur le plan des contraintes mécaniques. La réalisation
type de pile a été très rarement utilisé pour la traction d’un véhi- des joints d’étanchéité des cellules doit également tenir compte de
cule à pile à combustible [4]. L’utilisation de ce type de pile dans ce phénomène. Les seuls joints efficaces à haute température sont
l’automobile semble devoir se limiter aux APU et à la prolongation des joints en verre qui, de mous, passent à un état solide, fragile

S de l’autonomie de véhicules alimentés par des batteries.

1.2.2 Piles à combustible alcalines (AFC)


mécaniquement, et ne supportent pas le refroidissement car ils
craquent lors de la solidification une fois en place.
Au cours de la dernière décennie les travaux sur les matériaux
d’électrode et d’électrolyte ont permis d’abaisser la température de
Ce sont historiquement les premières piles à avoir connu un fonctionnement classique autour de 750-800 °C, et certaines for-
développement « industriel » pour une application spécifique, la mulations ont même démontré un fonctionnement efficace à
conquête spatiale. En effet, depuis le programme Apollo, des piles 650 °C [5]. Cela rend possible l’utilisation de certains alliages
à combustible alcalines ont été présentes dans tous les vols habi- métalliques, notamment à base de chrome et de nickel, pour réali-
tés de la NASA. Ces piles, possédant un électrolyte alcalin ser les interconnecteurs et les joints (variable selon l’agencement
(potasse), présentent l’avantage de pouvoir fonctionner sans l’utili- des cellules, voir paragraphe 1.3.1). Néanmoins, la corrosion de
sation de métaux nobles avec, pour catalyseurs, du nickel Raney à ces alliages reste un point à résoudre car les produits de corrosion
l’anode et de l’argent à la cathode. De plus, la cinétique de réduc- peuvent devenir des poisons pour les catalyseurs de ces piles.
tion semble plus favorable en milieu alcalin qu’en milieu acide. La température de fonctionnement élevée des SOFC est en
L’un des inconvénients majeurs des piles alcalines provient de la revanche un avantage lorsqu’il s’agit d’utiliser un carburant fossile,
très grande sensibilité de l’électrolyte au gaz carbonique, provo- ce qui explique l’intérêt montré par les constructeurs automobiles
quant la précipitation de carbonates diminuant rapidement la pour ce type de pile. Néanmoins, l’utilisation directe d’essence ou
conductivité ionique. Le gaz carbonique est présent dans l’air et de gazole dans les SOFC n’est pas envisageable ; une étape de
dans l’hydrogène quand il provient du reformage d’hydrocarbures. reformage préalable à l’introduction dans la pile reste nécessaire.
Cette présence impose soit l’adjonction d’une unité de décarbona- À ce jour, aucun prototype de véhicule automobile intégrant une
tation en amont de la pile, soit la nécessité d’une circulation et pile SOFC n’a été présenté. Quelques prototypes d’APU ont été
d’un traitement de l’électrolyte. Cette circulation pourrait être mise développés et utilisés sur des camions, notamment par la société
à profit pour évacuer tout ou partie de l’excès de chaleur produit américaine DELPHI [6].
par le fonctionnement de la pile. Dans tous les cas, la complexité
du système entourant la pile s’en trouve augmentée.
Du fait de ces limitations, aucun nouveau démonstrateur de 1.3 Architecture des piles à combustible
véhicule à pile alcaline n’a été réalisé depuis 1999. Les développe-
ments sur ce type de pile se concentrent à présent sur des sujets
plus amont, avec principalement la recherche de membrane poly-
1.3.1 Agencement des cellules
mère à conduction anionique. Quel que soit le type de pile à combustible, la tension maximale
(à circuit ouvert) aux bornes d’une cellule est de l’ordre du poten-
1.2.3 Piles à combustible à oxyde solide (SOFC) tiel thermodynamique de l’eau (1,23 V dans les conditions stan-
dard de température et de pression), fonction des conditions de
Ce sont les piles fonctionnant aux plus hautes températures, de température et de pression et des concentrations de réactifs et de
800 à 1 000 °C. Du fait de cette température élevée, elles présen- produits, suivant la loi de Nernst. Dès qu’un courant est produit,
tent l’avantage de ne pas nécessiter l’utilisation de métaux nobles cette valeur diminue significativement du fait de l’apparition aux
pour augmenter les cinétiques de réaction et de pouvoir être ali- électrodes des surtensions d’activation et de concentration [7] et
mentées par d’autres combustibles que de l’hydrogène pur. En des pertes ohmiques. Les tensions d’utilisation sont habituelle-
effet, un gaz tel que le monoxyde de carbone, considéré comme ment de 0,6 à 0,8 V par cellule unitaire en fonction de la technolo-
un poison jusqu’à 200 °C, devient un combustible au-delà de 600 à gie considérée pour le point de fonctionnement nominal, et sont
700 °C puisqu’il s’oxyde presque aussi facilement que l’hydrogène. plus élevées pour un fonctionnement à puissance réduite. Les den-
De même le méthane (ou le gaz naturel), dont la cinétique d’oxy- sités de courant générées se situent quant à elles entre 0,5 et
dation est très lente au-dessous de 300 à 400 °C, devient un 2 A/cm2 au point nominal.
combustible utilisable à haute température. En effet, en plus d’une Le dimensionnement d’une pile vise à obtenir une puissance
oxydation directe de ce dernier, il est également possible de le totale, c’est-à-dire une valeur du produit du courant par la tension
reformer in situ pour obtenir de l’hydrogène, dont la cinétique globale de la pile. Par ailleurs, la tension globale est généralement
d’oxydation est particulièrement favorable. imposée par l’architecture électrique du système alimenté par la
Ces piles sont principalement constituées de céramiques de dif- pile. Pour obtenir les valeurs de tension et de courant issues de
férentes natures pouvant être associées à un métal comme dans le ces deux contraintes, il suffit d’agir sur la taille et le nombre de
cas des anodes en nickel cermet (association céramique-métal). La cellules connectées en série, afin d’ajuster respectivement le cou-
conduction ionique se fait par ions oxydes (O2–) dans un électro- rant et la tension. Deux technologies ont été développées pour
lyte de type zircone yttrié. Aux électrodes, comme dans le cas de cette mise en série : la technologie planaire ou la technologie

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tubulaire. L’objectif est dans les deux cas d’obtenir une mise en 1.3.2 Plaques bipolaires pour pile PEMFC
série des cœurs de pile (lieu de la réaction électrochimique,
comprenant principalement les électrodes et l’électrolyte), répon- Les fonctions des plaques bipolaires sont nombreuses. Outre la
dant au meilleur compromis entre les nombreux critères de conduction du courant électrique et la distribution des réactifs sur-
dimensionnement : compacité, facilité de réalisation des contacts, chaque électrode, elles doivent assurer également la séparation
des étanchéités, des distributions de réactifs, de la gestion thermi- étanche des compartiments anodique et cathodique de deux
que, durabilité, fiabilité, coût, etc. cellules consécutives, et la transmission de l’effort mécanique de
serrage de l’empilement, appliqué à la fois sur la surface active et
Dans le cas d’un empilement planaire, toutes les cellules sont
sur les joints. Elles sont également utilisées pour gérer thermique-
empilées et connectées électriquement en série selon une architec-
ment les piles, par addition dans l’épaisseur de la plaque d’un cir-
ture de type filtre-presse. Entre chaque cœur de pile, une plaque
cuit de refroidissement.
bipolaire (ou interconnecteur) assure la connexion entre l’anode de
l’un et la cathode de l’autre, ainsi que de nombreuses autres fonc- Ces plaques doivent donc être suffisamment conductrices électro-
tions comme par exemple la distribution des réactifs sur toute la niques et thermiques, isolantes ioniques, et doivent résister chimi-
surface des électrodes (figure 7). À la périphérie de la surface quement à un environnement oxydant (oxygène de l’air), à un
active des cellules, des ouvertures sont généralement prévues environnement réducteur (hydrogène) et à l’eau (produit de la réac-
pour permettre la circulation des différents fluides d’un bout à tion). Le matériau utilisé historiquement est le graphite, usiné sur
l’autre de l’empilement et garantir par exemple l’alimentation en chaque face afin de dessiner des canaux de distribution des gaz. Le


parallèle de chacune des cellules en hydrogène. Les canalisations coût de cet usinage, incompatible avec une production en série, a
formées par l’alignement de ces ouvertures constituent des collec- engendré à partir de 2000 le développement de deux technologies
teurs d’alimentation et d’échappement pour les réactifs, les pro- alternatives : le composite chargé et le métal embouti (figure 8). Le
duits et le fluide de refroidissement. premier consiste à injecter et à mouler un mélange de poudre de
carbone et de polymère, tandis que le second utilise des tôles,
L’avantage principal de cette configuration est sa compacité.
notamment d’acier inoxydables, embouties puis soudées.
L’inconvénient majeur est le maintien de l’étanchéité. En effet, un
joint doit entourer complètement les électrodes pour empêcher les Les travaux réalisés ont permis d’obtenir des composites ayant
réactifs de fuir vers l’extérieur de la cellule, et d’autres doivent une conductivité électrique suffisante, tout en conservant une
entourer chaque collecteur d’alimentation ou d’échappement. Ces bonne tenue mécanique. Ils sont également moins fragiles que le
joints s’appuient d’une part sur l’électrolyte ou sur un renfort collé graphite. Concernant le métal embouti, les recherches se sont
sur ce dernier et d’autre part sur la plaque bipolaire. concentrées sur l’obtention d’une bonne conductivité électrique
surfacique, alliée à une résistance à la corrosion compatible avec
En ce qui concerne la configuration tubulaire, à ce jour réservée
les objectifs de durabilité de l’application automobile. Les revête-
aux SOFC, des tubes (ou doigts de gant) de céramiques recouverts
ments actuels appliqués sur des nuances d’acier comme l’AISI
du matériau d’anode sur leur face externe et du matériau de
316L donnent de bons résultats en termes de tenue à la corrosion
cathode sur leur face interne sont plongés dans l’environnement
et de conductivité, sans utiliser de métaux précieux qui seraient
combustible alors que le comburant (l’air) circule à l’intérieur.
rédhibitoires en termes de coût.
Cette configuration permet de ne requérir une étanchéité qu’à
l’extrémité des tubes. De plus, cette géométrie adaptée aux hautes Les deux technologies sont aujourd’hui couramment utilisées par
températures permet aux contraintes thermiques dues aux diffé- les différents fabricants de pile à combustible. La technologie métal-
rences de coefficients de dilatation de se répartir de façon radiale à lique a souvent la préférence des constructeurs automobiles, car
la périphérie du tube. L’inconvénient majeur de cette géométrie elle permet d’atteindre une compacité supérieure, et ses procédés
provient du manque de compacité d’un empilement de tubes et de fabrication sont plus adaptés à une production en grande série,
également de la difficulté technique à mettre en série plusieurs avec à la clé un avantage en termes de coût.
tubes consécutifs puisqu’une cathode (intérieur du tube) doit être
reliée à une anode (extérieur du tube) dans l’empilement. Les piles PEMFC étant utilisées aujourd’hui dans la quasi-totalité
des véhicules à pile à combustible, il sera uniquement question de
ce type de pile dans toute la suite de cet article.

Hydrogène
80
70
Plaque terminale
Nombre de publications

60

Plaque bipolaire 50
40
Assemblage 30
membrane/électrodes
20
10
Joints périphériques
0
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
Oxygène (air)
Année
Composite
Connexion électrique Métal

Figure 8 – Nombre annuel de publications scientifiques relatives


Figure 7 – Configuration filtre-presse d’un empilement de pile aux plaques bipolaires composites ou métalliques pour les piles
à combustible (exemple d’une PEMFC) PEMFC (source : SCOPUS)

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INNOVATION

GENEPAC : pile à combustible


à membrane échangeuse
de protons PEMFC

par Laurent ANTONI S


Docteur-Ingénieur, responsable du Laboratoire d’intégration de générateurs électro-
chimiques CEA/LITEN Grenoble
Jean-Philippe POIROT-CROUVEZIER
Docteur-Ingénieur, chef de projet au Laboratoire d’intégration de générateurs élec-
trochimiques au CEA/LITEN Grenoble
Francis ROY
Ingénieur, chef de projet à la Direction de la recherche et innovation automobiles du
groupe PSA Peugeot Citroën
et Xavier GLIPA
Docteur, responsable métier pile à combustible à la Direction de la recherche et in-
novation du groupe PSA Peugeot Citroën

Résumé : parmi les technologies de transports décarbonés, la pile à combustible


constitue une solution d’avenir pour la traction automobile. Complémentaire aux
batteries, elle confère aux véhicules électriques une autonomie comparable aux véhi-
cules actuels thermiques tout en préservant les prestations de confort et de brio. Son
niveau de maturité conduit les constructeurs automobiles à initialiser leur
commercialisation dans les prochaines années. Dans ce contexte, PSA Peugeot
Citroën et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
(CEA) se sont associés pour développer une pile à combustible adaptée aux
contraintes de l’automobile : la pile GENEPAC et le système FiSyPAC.

Abstract : among the technologies for CO2-free transportation, the fuel cell
constitutes an electric powertrain solution for the future. Complementary to batteries
technology, it gives electric vehicle range comparable to ICE vehicle, while maintaining
comfort and dynamic performances. Its current level of maturity leads the car manu-
facturers to launch their marketing over the next few years. In this context, PSA
Peugeot Citroën and the Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies
alternatives (CEA) have worked together to develop a fuel cell adapted to the car
constraints : the GENEPAC stack and the FiSyPAC system.

Mots-clés : pile à combustible, hydrogène, automobile, système

Keywords : fuel cell, hydrogen, automotive, system


p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQS

8 - 2013 © Editions T.I. IN 52v2 - 1

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INNOVATION

Points clés
Domaine : Pile à combustible pour application automobile
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : Hydrogène
Domaines d’application : Automobile + extension aux autres moyens de transport
Principaux acteurs français :
Centres de compétence :
Pôles de compétitivité : Tenerrdis – Véhicule du futur – MOVEO
Industriels : Constructeurs automobiles et équipementiers


Autres acteurs dans le monde : Ballard, Hydrogenics...
Contact : jean-philippe.poirot@cea.fr, francis.roy1@mpsa.com, laurent.antoni@cea.fr,
xavier.glipa@mpsa.com

1. Contexte Le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies


alternatives) et PSA Peugeot Citroën ont conçu une pile à
combustible permettant de franchir une nouvelle étape en
1.1 Pile à combustible : élément de réponse termes de puissance électrique, de rendement énergétique et
aux défis pour un transport durable de compacité : la pile GENEPAC (GÉNérateur Électrique à Pile
À Combustible), cœur de la réaction entre le combustible
(hydrogène) et le comburant (oxygène de l’air) pour produire
1.1.1 Hydrogène : une énergie pour les transports de l’électricité, de l’eau et de la chaleur. Pour être directement
L’augmentation de la population mondiale, la forte crois- utilisable et intégrable dans un véhicule, un système à pile à
sance des pays émergents et l’amélioration du niveau de vie combustible a complété ce projet : le système issu du projet
se traduisent par une augmentation du nombre de véhicules FiSyPAC (Fiabilité des Systèmes à Pile À Combustible) soutenu
en circulation. Les conséquences majeures qui résultent de par l’Agence nationale de la recherche (ANR).
cette évolution sont la pression accrue sur les ressources Les avantages, pour notre environnement, de la pile à
mondiales de pétrole et l’augmentation du volume des gaz combustible alimentée en hydrogène sont nombreux :
d’échappement issus des moteurs à combustion interne. – offrir une alternative aux carburants fossiles ;
L’augmentation prévisible du prix du pétrole, de la pollution et – améliorer le rendement énergétique global du véhicule ;
des émissions de CO2 , avec ses conséquences sur le réchauf- – contribuer à la réduction des émissions de CO2 et donc à
fement climatique, vont donc jouer un rôle moteur pour la maîtrise de l’effet de serre ;
stimuler une mutation technologique afin de rendre les véhi- – améliorer la qualité de vie en ville, grâce au silence de
cules moins énergivores et moins polluants. fonctionnement des véhicules utilisant une machine électrique
Dans ce contexte mondial, le groupe PSA Peugeot Citroën de traction et à la suppression des émissions polluantes loca-
poursuit des recherches technologiques sur le véhicule propre les (NOx , particules...).
et économe en énergie. Outre le travail réalisé sur l’améliora- Toutefois, cette technologie doit encore relever quelques
tion du rendement des moteurs thermiques, l’invention du défis techniques et économiques avant d’en envisager la
filtre à particules (FAP) ou le développement des véhicules production en grande série.
hybrides diesel PSA Peugeot Citroën étudie également la En effet, l’hydrogène est identifié comme le combustible le
préparation de « technologies en rupture ». Parmi ces nouvel- plus respectueux de l’environnement puisque sa combustion ne
les technologies, la pile à combustible et l’hydrogène produit que de la vapeur d’eau. Mais l’hydrogène n’existe pas à
pourraient représenter un vecteur d’énergie à fort potentiel. l’état natif, il faut le produire. Pour cela, différentes voies
Pour maîtriser la technologie, PSA Peugeot Citroën a engagé existent : la plus utilisée actuellement est le reformage d’hydro-
une démarche de recherche. Ces travaux ont successivement carbures. Mais même ainsi, les véhicules à PAC émettent du
engendré la réalisation de plusieurs démonstrateurs (Taxi puits à la roue moins de CO2 (< 90 g CO2/km) que la majorité
PAC, H2O, Quark, 207 Epure, FiSyPAC). des véhicules thermiques et surtout ces émissions sont centrali-
De même, tous les grands constructeurs automobiles sées et peuvent donc être séquestrées. D’autres méthodes de
mondiaux (Daimler, Toyota, Honda, Nissan, GM, Ford, Volk- production d’hydrogène pour les transports, localisées ou délo-
swagen,Hyundai...) disposent aujourd’hui de plusieurs généra- calisées, sans émission de CO2 émergent, comme l’électrolyse
tions de véhicule à pile à combustible. Plus de 1 000 véhicules de l’eau à partir d’énergies renouvelables (solaire ou éolienne).
ont ainsi été expérimentés ces dernières années au travers de Quel que soit le procédé de production, il faudra mettre en
programmes de recherche et de déploiement de flottes. Un place une infrastructure de distribution, quasi inexistante à ce
projet financé par le Département de l’énergie américain jour avec seulement deux cents stations à hydrogène déployées
(DOE) a ainsi suivi sur six ans les comportements de 150 à travers le monde. Ces dernières années, leur nombre n’a
véhicules [1]. Les retours apparaissent très positifs, avec des cessé de croître et on peut souligner la perspective de l’Allema-
niveaux de fiabilité et de performance conformes aux attentes gne qui devrait passer de 15 à 50 stations d’ici 2015, permet-
des constructeurs automobiles. tant ainsi d’amorcer la commercialisation de ces véhicules.

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INNOVATION

Enfin, le principal frein au déploiement de masse des véhicu-


les à PAC reste leur coût bien que des actions de R&D aient per- e-
mis de le réduire de plus de 80 % depuis 2002. De nombreuses
nouvelles pistes de réduction sont en cours d’investigation. Anode Cathode

1.1.2 Fonctionnement d’une pile à combustible PEMFC


Une pile à combustible est un convertisseur d’énergie H2 O2
chimique en énergie électrique et thermique [2] [3]. La
réaction mise en œuvre est une réaction électrochimique entre
l’hydrogène (carburant) et l’oxygène (comburant) avec H2O
Reste
production simultanée d’eau, d’électricité et de chaleur selon
de H2
la réaction globale de synthèse de l’eau :

H2 + 1/2 O2 = H2O

La mise en œuvre de cette réaction s’effectue au travers de


Électrolyte

H+

deux demi-réactions, l’une à l’anode correspondant à l’oxyda-
tion de l’hydrogène et l’autre à la cathode avec la réduction de Figure 1 – Schéma de principe de fonctionnement
l’oxygène produisant de l’eau. Dans le cas des piles de technolo- d’une pile à combustible PEMFC
gie PEMFC (Proton Exchange Membrane Fuel Cell ou pile à
membrane échangeuse de protons), le lien entre ces deux
AME), inséré entre deux collecteurs de courant ou plaques
demi-réactions est réalisé par une membrane électrolyte
bipolaires (figure 2). Ces dernières permettent le passage
conduisant les protons H+. Une cellule élémentaire comprenant
des fluides, y compris celui de refroidissement, et assurent
une anode, une cathode, un électrolyte ainsi que les alimenta-
l’étanchéité entre les trois circuits fluidiques.
tions en combustible et comburant est schématisée sur la
figure 1. Le circuit électrique externe est également représenté. Une pile proprement dite est un empilement de ces cellules
Les réactions mises en œuvre sont : élémentaires (figure 2), connectées en série d’un point de vue
électrique, et en parallèle d’un point de vue hydraulique. Les
À l’anode : H2 = 2 H+ + 2 e– plaques bipolaires séparent deux AME adjacents et permettent
leur connexion électrique.
À la cathode : 1/2 O2 + 2 H+ + 2 e– = H2O Un système à pile à combustible (figure 3), ou module
------------------------------------------------------------------- de puissance, est un système réalisant de façon autonome la
conversion de l’énergie de combustion d’un carburant en
Bilan : H2 + 1/2 O2 = H2O énergie électrique directement utilisable. Pour cela, la pile est
accompagnée d’équipements auxiliaires pour que sa fonction
principale, la fourniture d’énergie électrique, puisse être
La production d’énergie électrique s’accompagne de pertes remplie. Ces composants assurent l’approvisionnement des
thermiques qu’il convient d’évacuer par l’intermédiaire d’un réactifs, leur conditionnement, l’évacuation des produits, de la
circuit de refroidissement. chaleur, la conduction et la transformation de l’électricité au
La cellule élémentaire de pile à combustible est un montage profit des équipements consommateurs électriques dans un
constitué d’un assemblage membrane électrodes (noté véhicule (machine électrique de traction, auxiliaires divers...).

Plaque bipolaire H2 AME Air

Empilement

Figure 2 – Cellule élémentaire et empilement (source : http://www.ballard.com)

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INNOVATION

Éjecteur

Vanne
trois voies

S Échappement

Figure 3 – Schéma du système à pile à combustible FiSyPAC avec présentation des différents auxiliaires

La chaîne de traction électrique est constituée de l’ensemble


des systèmes intervenant dans la conversion d’énergie, depuis
le réservoir de carburant jusqu’aux roues. Le groupe électro-
gène à pile à combustible est l’un des éléments principaux de
cette chaîne de traction, où l’on peut distinguer deux autres
composants majeurs : le groupe motopropulseur électrique et
un système de stockage secondaire d’énergie. Le premier
réalise la conversion d’énergie électrique en énergie
mécanique, et le second est un stockage tampon d’énergie
électrique (par exemple une batterie ou une supercapacité).

1.2 Caractéristiques de la pile GENEPAC


GENEPAC est une pile de technologie PEMFC d’une
puissance maximale de 80 kW (figure 4) réalisée en 2006
pour l’intégration véhicule et dont la densité de puissance se Figure 4 – Pile GENEPAC de 80 kW
situait au meilleur niveau mondial, soit :

1, 5 kW ⋅ L−1
1 kW ⋅ kg−1

Le principe de conception de cette pile repose sur l’utilisa-


tion de plaques minces en acier inoxydable embouties,
permettant ainsi de réduire le coût et le volume de la pile
par rapport aux plaques traditionnelles en graphite et de
mettre en œuvre des procédés compatibles avec une produc-
tion de masse.
La pile GENEPAC est constituée de quatre modules de 20 kW
assemblés sur une culasse de distribution fluide, et comprenant
chacun un empilement de plaques bipolaires minces et d’AME Figure 5 – Vue éclatée de la pile GENEPAC de 80 kW
(Assemblage Membrane Électrode) (figure 5). avec ses quatre modules de 20 kW et son distributeur central

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Hydrogène

par Christophe BOYER


Ingénieur ENSEEIHT
Docteur en mécanique des fluides de l’INPG
Chef des projets Hydrogène à l’IFP Énergies nouvelles

1. Industrie de l’hydrogène ........................................................................ J 6 368 - 2


1.1
1.2
Production ....................................................................................................
Consommation .............................................................................................


2
2 S
2. Production d’hydrogène ......................................................................... — 4
2.1 Procédés industriels..................................................................................... — 4
2.2 Procédé en cours de développement ......................................................... — 7
3. Purification d’hydrogène ....................................................................... — 9
3.1 Captage et stockage du CO2 ........................................................................ — 9
3.2 Élimination du CO par procédés chimiques .............................................. — 10
3.3 Purifications par procédés physiques ........................................................ — 11
4. Transport, stockage et distribution .................................................... — 13
4.1 Réseaux de distribution ............................................................................... — 13
4.2 Stockage de l’hydrogène ............................................................................. — 13
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 6 368

‘hydrogène est l’élément le plus répandu dans l’univers. Sur notre planète,
L on le trouve essentiellement dans l’eau et dans les hydrocarbures qui sont
les sources de l’hydrogène industriel. Celui-ci est largement utilisé dans
l’industrie chimique et le raffinage du pétrole, entre autres. Du fait de sa
combustion non polluante, il est également considéré comme un des vecteurs
énergétiques du futur. Ses caractéristiques physico-chimiques sont données
dans le tableau 1.
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQR

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est strictement interdite. – © Editions T.I. J 6 368 – 1

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HYDROGÈNE _______________________________________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Caractéristiques physico-chimiques 1. Industrie de l'hydrogène


de l’hydrogène
Caractéristiques Valeur numérique 1.1 Production
Masse volumique du gaz à Patm 1.1.1 Sources et répartition de la production
0,08988 kg · Nm–3
et 273 K
À l’échelle mondiale, l’hydrogène est produit à 96 % à partir
Masse volumique de la vapeur à Patm d’énergies fossiles (gaz naturel à 49 %, hydrocarbures liquides à
1,34 kg · m–3 29 % et charbon à 18 %). Les 4 % restant sont produits essentiel-
et 20,3 K
lement par l’électrolyse de l’eau. La production au niveau euro-
Masse volumique du liquide à Patm péen diffère légèrement. En effet, l’hydrogène obtenu par
70,79 kg · m–3 électrolyse représente 12 % de la production. Celui-ci est obtenu
et 20,3 K
essentiellement comme coproduit lors des procédés électro-
Enthalpie massique inférieure (PCI) 119 930 kJ · kg–1 chimiques de synthèse du chlore par électrolyse de NaCl.

Enthalpie massique supérieure (PCS) 141 860 kJ · kg–1 1.1.2 Coûts de production

S Capacité thermique massique


à pression constante Cp
14 266 J · kg–1 · K–1 Une étude menée par l’association française de l’hydrogène en
2006 [1] a tracé les coûts de production de l’hydrogène en fonction
des sources de production (tableau 2).
Capacité thermique massique
10 300 J · kg–1 · K–1
à volume constant CV 1.1.3 Acteurs de l’hydrogène
Conductivité thermique du gaz 0,1897 W · m–1 · K–1 Généralement, les raffineries produisent l’hydrogène dont elles
ont besoin directement sur site. Elles peuvent cependant avoir
Enthalpie massique d’évaporation recours à de l’hydrogène marchand, pour une partie ou pour la
445,4 kJ · kg–1 totalité de leurs besoins.
à 20,3 K
L’hydrogène marchand correspond à 6 % du marché européen
Enthalpie massique théorique 14 112 J · g–1 c’est-à-dire 5,8 milliards de m3. Les acteurs majeurs sont Air
de liquéfaction (3,92 kWh · kg–1) Liquide, Linde et Air Products et qui se partagent 95 % du marché
européen (figure 1).
Électronégativité (échelle de Pauling) 2,1

Masse atomique relative 1,0079


1.2 Consommation
Constante thermodynamique du gaz 4124,5 J · kg–1 · K–1
Le rôle industriel de l’hydrogène est très important dans l’indus-
Température de solidification 14,01 K trie chimique et dans le raffinage du pétrole et la pétrochimie. La
consommation mondiale d’hydrogène a été estimée pour l’année
Température d’ébullition 2006 à 630,8 milliards de Nm3 (56,7 millions de tonnes). La
20,268 K
(à 1 013 mbar abs.) consommation en hydrogène a connu une croissance importante
entre 2005 et 2010 d’environ + 40 % et cette consommation devrait
Température critique 33,30 K atteindre 81 millions de tonnes en 2011.
Cette augmentation est principalement due à :
Température d’auto-inflammation
858 K – l’augmentation de la consommation en H2 dans les procédés
dans l’air
de désulfuration de l’essence et du gazole pour l’obtention de car-
Température de flamme dans l’air burant plus propre ;– la proportion croissante de produits pétro-
2 318 K liers lourds et déficients en hydrogène ;
à 300 K
– la mise en place des procédés GTL, gazéification du charbon et le
Limites d’inflammabilité dans l’air 4 à 75 % vol. traitement des sables bitumineux qui sont de gros consommateurs
de H2.
Limites de détonation dans l’air 13 à 65 % vol.
À l’avenir, l’introduction des biocarburants de deuxième géné-
Énergie minimale d’inflammation 20 µJ ration qui nécessitent l’apport externe d’H2 afin d’amener le rap-
port H2/CO à une valeur proche de 2 va également engendrer un
2,02 kg besoin en production d’hydrogène.
Énergie explosive théorique
de TNT · m–3 de gaz La figure 2 [2] présente la répartition mondiale de l’hydrogène
en 2006. Le marché du raffinage concentrait en 2006 la moitié de la
Surpression de détonation demande en hydrogène. L’industrie chimique représentait de son
14,7 bar
(mélange stœchiométrique) côté 41 % de la demande répartie entre la production de l’ammo-
niac NH3 et celle du méthanol MeOH.
Coefficient de diffusion dans l’air 0,61 cm2 · s–1
Les principaux consommateurs d’hydrogène sont énumérés
Vitesse de flamme dans l’air 260 cm · s–1 dans ce dossier.

Vitesse de détonation dans l’air 2,0 km · s–1


1.2.1 Industrie chimique
Mélange stœchiométrique dans l’air 29,53 % vol. ■ Synthèse de l’ammoniac
PCI : pouvoir calorifique inférieur. Le produit chimique dominant sur le plan de la consommation
PCS : pouvoir calorifique supérieur. d’hydrogène est l’ammoniac NH3, matière première de base dans

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_______________________________________________________________________________________________________________________ HYDROGÈNE

Tableau 2 – Coût de production de l’hydrogène


Gaz naturel Charbon Biomasse Électricité
Matière première
(vaporeformage) (gazéification) (gazéification) (électrolyse)
Prix de la matière première .......................... ($/GJ) 9,3 2,6 2,4 17,8
Coût de la production .................................... ($/GJ) 15,3 16,8 19,5 29,4

■ Synthèse du méthanol
Messer Group Praxair Autre Elle utilise un mélange gazeux d’hydrogène, de CO et de CO2 et
0,5 % 1,5 % 3% met en œuvre les réactions suivantes :

CO + 2 H2 →CH3 OH (2)
Air Products
12 % CO2 + 3 H2 → CH3 OH + H2O (3)

Linde
33 %
Elle consomme en moyenne 1 500 m3
d’hydrogène par tonne de
méthanol produit, ce qui correspond à une consommation
annuelle mondiale d’environ 6 Mt en 2011.

1.2.2 Raffinage du pétrole
Le raffinage du pétrole est le premier consommateur d’hydro-
gène (environ 40 Mt par an en 2011 au niveau mondial). La crois-
Air Liquide sance de ce marché a été très forte pendant la dernière décennie
50 %
avec une augmentation pour l’Europe de + 71 % entre 2001 et 2006
et ensuite de + 43 % entre 2006 et 2011 [2]. Dans le schéma de raf-
Figure 1 – Répartition des fournisseurs d’hydrogène en Europe finage, un certain nombre d’unités de traitement sous-produisent
en 2006 de l’hydrogène (cracking thermique ou catalytique, reformeur cata-
lytique...) alors que d’autres en sont consommatrices (hydrocrac-
king, hydrotraitement, désulfuration...).
Pipeline/sur site La tendance vers des spécifications de plus en plus sévères pour
4,42 % Bouteilles les carburants et les produits pétroliers fait croître la demande en
0,30 % hydrogène et conduit à des bilans globaux déficitaires en hydro-
Autres gène. C’est pourquoi, la plupart des raffineries sont amenées à
3,01 % produire dans des unités de « vaporeformage » l’hydrogène
complémentaire dont elles ont besoin. Les principaux procédés
MeOH consommateurs sont décrits ci-dessous.
7,91 %
NH3 ■ Hydrodésulfuration (HDS)
33,61 %
C’est un traitement catalytique, en présence d’hydrogène, de cou-
pes pétrolières allant des distillats légers aux gazoles. Les composés
soufrés indésirables y sont décomposés et le soufre éliminé sous
forme de sulfure d’hydrogène. Cette opération consomme, suivant
Raffineries
la coupe traitée et par tonne de charge, de 0,5 à 10 kg d’hydrogène
50,75 %
de pureté moyenne comprise entre 70 et 85 % (en volume).
■ Hydrogénation des hydrocarbures insaturés présents dans les
coupes issues d’un craquage
Le vapocraquage des hydrocarbures (éthane et naphta) produit
de l’hydrogène (respectivement 8 % et 2 %) ainsi que des coupes
contenant des oléfines (éthylène, propylène, butènes...) et une
NH3
coupe essence. Différents procédés d’hydrogénation sont situés en
Raffineries aval du vapocraqueur et consomment de l’hydrogène pour l’hydro-
Captif
MeOH génation des composés acétyléniques, des dioléfines contenus
Autres dans les coupes légères (C2 à C4) et des alkénylaromatiques
Pipeline/sur site contenus dans la coupe essence.
Marchand
Bouteilles
■ Hydrocraquage de distillats
Figure 2 – Répartition mondiale de la consommation en 2006 [2]
C’est un craquage catalytique sous forte pression d’hydrogène. Il
consomme énormément d’hydrogène (25 à 35 kg/t) dont la pureté
l’industrie des engrais. L’ammoniac est obtenu par la réaction cata- doit être supérieure à 95 % (en volume).
lytique de l’azote et de l’hydrogène :
1.2.3 Utilisations diverses
N2 + 3 H2 ⇒ 2 NH3 (1)
De nombreuses industries utilisent aussi l’hydrogène :
La consommation annuelle mondiale d’H2 pour la production – les industries alimentaires : pour hydrogéner les huiles
d’ammoniac est d’environ 25 Mt/an en 2011. liquides, produire les margarines et le beurre d’arachide ;

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Hydrogène pur produit


Vapeur exportée

Charge
Réacteur
de Water
Gas Shift

Eau pour la
production
de gaz
Prétraitement
Eau de
de la charge
refroidissement
Reformeur

PSA


Récupération
de la chaleur
Combustible Air de excédentaire
d’apport combustion Vers aérateur

Figure 3 – Schéma d’une unité de vaporeformage standard avec la section de purification

– l’industrie du verre ; Les deux principales réactions chimiques du vaporeformage


– la métallurgie : atmosphère de protection dans des opérations sont la production de gaz de synthèse et la conversion de CO.
hautes températures, utilisation de l’hydrogène mélangé à l’argon Dans le cas du méthane, ces réactions sont les suivantes :
pour le soudage d’acier austénitique ;
– l’industrie pharmaceutique : utilisation d’H2 pour production
CH4 + H2O $ CO + 3 H2 (4)
du sorbitol utilisé dans les cosmétiques, les adhésifs, et les
vitamines A et C ;
– l’électronique : atmosphères spécialement contrôlées lors de la CO + H2O $ CO2 + H2 (5)
production de circuits imprimés.
Soit un bilan global qui peut s’écrire :
1.2.4 Carburants
On utilise l’hydrogène liquide pour la propulsion d’engins spa- CH4 + 2 H2O $ CO2 + 4 H2 (6)
tiaux, la fusée Ariane par exemple.
À plus long terme, l’hydrogène pourrait devenir un vecteur Ces réactions étant équilibrées, on opère généralement à des
important d’énergie grâce à sa combustion non polluante. Son uti- températures élevées, entre 800 et 950 oC en sortie de zone réac-
lisation est envisagée dans des centrales électriques à turbines à tionnelle sous une pression modérée de 1,5 à 3,0 MPa pour favori-
gaz ou dans des piles à combustibles ou des moteurs thermiques ser la production d’hydrogène. Le rapport du nombre de moles
pour la propulsion des véhicules. L’un des plus gros problèmes à d’eau sur le nombre de moles de carbone en entrée du réacteur
résoudre dans cette dernière application réside dans les capacités est généralement compris entre 2,5 et 5. Les catalyseurs utilisés
et coûts de stockage de l’hydrogène sous forme embarquée étant sont à base de nickel (entre 8 et 25 % en masse) dont l’action peut
donné que son pouvoir calorifique par unité de volume est faible. être promue par d’autres éléments (potasse, oxydes d’uranium, de
calcium, de lantane pour favoriser la ré-oxydation du coke) dépo-
sés sur alumine, magnésie ou ciment réfractaire [3].

2. Production d’hydrogène Le mélange gazeux obtenu renferme entre 70 et 75 % d’hydro-


gène, du monoxyde et du dioxyde de carbone, ainsi que du
méthane non converti. Le tableau 3 résume les compositions types
2.1 Procédés industriels du gaz de synthèse en sortie du procédé de vaporeformage en
fonction des charges hydrocarbures qui sont traitées. La
2.1.1 Vaporeformage réaction (6) étant fortement endothermique, le procédé implique
un apport de chaleur important à la zone réactionnelle en mettant
en œuvre un réacteur dédié. Il s’agit de façon classique d’un réac-
Le procédé de vaporeformage ou reformage à la vapeur est teur tubulaire dans lequel le catalyseur est inséré dans des tubes
mis en œuvre sur des hydrocarbures légers (point d’ébullition situés dans un four et qui sont chauffés par des brûleurs situés à la
inférieur à 200 oC) préalablement débarrassés de leurs impure- base et/ou sur les parois du four.
tés (S, As, halogènes, H2S). La charge peut être non seulement
du gaz naturel mais aussi du méthane ou des charges plus lour-
Exemple
des comme le gaz de pétrole liquéfié (GPL), voire le naphta
(coupe essence issue de la distillation fractionnée du pétrole un réacteur-échangeur peut également être utilisé avec une intensi-
brut). Le gaz naturel constitue cependant la charge de référence. fication du transfert thermique de fumées sous pression avec les
tubes catalytiques comme c’est le cas dans le procédé HyGenSys
La figure 3 présente le schéma standard d’une unité de vapo-
développé par l’IFP énergies nouvelles [FR2890955]. Les types de
reformage avec la section de purification de l’hydrogène.
réacteurs industriels sont décrits dans l’article [J 5 480].

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J 6 368 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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Combustible hydrogène
Production

par Moussa DICKO


Maître de conférences à l’Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité
Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM, CNRS UPR 3407)
Docteur mines Paris Tech
Ingénieur ENSIACET
Farida DARKRIM-LAMARI
Chargée de recherche au CNRS
Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM, CNRS UPR 3407)

Docteur Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité
et Pierre MALBRUNOT
Conseiller scientifique auprès de l’Association française pour l’hydrogène et les piles à
combustible (AFHYPAC)
Cet article est la réedition actualisée de l’article [BE 8 565] paru en 2006 rédigé par Farida
DARKRIN-LAMARI et Pierre MALBRUNOT.

1. Filières exploitées ou directement exploitables........................... BE 8 565v2 - 2


1.1 À partir des combustibles fossiles — 2
1.2 Méthodes dérivées.................................................................................... — 6
1.3 Production par électrolyse de l’eau ......................................................... — 7
2. Filières en recherche et développement......................................... — 8
2.1 Production par dissociation de l’eau à partir d’un réacteur nucléaire.. — 8
2.2 Production par photoélectrolyse de l’eau ............................................... — 9
2.3 Production par transformation thermochimique de la biomasse......... — 10
2.4 Production par des micro-organismes photosynthétiques — 11
2.5 Hydrogène naturel — 11
3. Purification ............................................................................................. — 12
4. Impact sur l’environnement ............................................................... — 12
4.1 Captage et stockage du CO2 émis par certaines filières de production — 12
4.2 L’hydrogène, auxiliaire de choix des énergies renouvelables .............. — 13
Pour en savoir plus ...........................................................................................Doc. BE 8 565v2

u XIXe siècle, l’avènement de la machine à vapeur a permis un remarquable


A développement des transports et de l’industrie. Cette vapeur capable de
fournir directement de l’énergie mécanique mais qui n’existe pas comme telle
dans la nature – il faut la produire en chauffant de l’eau – était en quelque sorte le
premier vecteur énergétique. Puis, à la fin de ce même siècle, tout s’est encore
accéléré lorsque sont apparus le moteur à explosion et l’électricité. Le premier
permettait d’obtenir de l’énergie mécanique à partir des carburants liquides
issus du pétrole présent dans la nature. La seconde, due aux propriétés des
constituants de la matière, était un nouveau vecteur énergétique aux possibilités
quasi infinies et dont nous connaissons de nos jours, par l’électronique et ses
applications, les prolongements les plus évolués et les plus prometteurs. C’est
ainsi qu’au XXe siècle, il ne fut pas d’activité humaine qui n’ait pas été boule-
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versée par les retombées de ces deux révolutions techniques. Le monde est
alors entré dans « l’ère industrielle » assortie de la « civilisation de

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l’automobile », l’une et l’autre à l’origine de profondes transformations écono-


miques et sociales. Mais pour alimenter l’extraordinaire développement qui s’en
est suivi, il a fallu – et il faut toujours – de plus en plus d’énergie, c’est pourquoi
les ressources de notre planète ont été exploitées sans limite : houille, pétrole,
gaz naturel, hydraulique et énergie provenant de la fission de combustibles
nucléaires. Aujourd’hui, nous en mesurons les conséquences, elles sont à la
hauteur de cette démesure : risque d’épuisement des ressources fossiles, accu-
mulation de déchets nucléaires, pollution atmosphérique menaçant la santé
publique et effet de serre additionnel qui contribue au réchauffement de la pla-
nète. Et pourtant, cette évolution dévoreuse d’énergie se poursuit et nourrit une
croissance permanente qui va de pair avec l’émergence des pays en voie de
développement et l’augmentation de la population mondiale. Il est ainsi prévi-
sible que par rapport à 1970, les besoins en énergie doublent en 2020 et triplent à
l’horizon 2050. Pour résoudre une telle contradiction entre le besoin croissant
d’énergie, l’épuisement des combustibles fossiles, l’effet de serre additionnel et


la pollution, plusieurs solutions concomitantes sont possibles :
– réduire les consommations d’énergie par des actions « d’utilisation rationnelle » ;
– diminuer la pollution et les rejets à effet de serre en utilisant des carburants
plus appropriés ;
– poursuivre l’utilisation de l’énergie nucléaire en souhaitant un jour l’abou-
tissement de la fusion qui à l’heure actuelle tient du pari scientifique ;
– faire appel à des énergies dites renouvelables : éolienne, solaire, hydrau-
lique, biomasse, géothermie ;
– utiliser l’hydrogène, une énergie propre et stockable.
L’hydrogène est en effet un gaz non toxique et très énergétique. Il est
capable de produire de la chaleur par combustion directe avec, comme résidu,
de l’eau, mais aussi il peut produire de l’électricité et de la chaleur dans les
piles à combustible avec, là encore, comme résidu, de l’eau. Jusqu’à ce jour,
on a affirmé que l’hydrogène ne se trouvait dans la nature qu’à l’état combiné,
essentiellement dans l’eau et les hydrocarbures. Il était donc nécessaire de le
produire et en cela, comme l’électricité, il n’était pas à proprement parler une
énergie mais seulement un vecteur énergétique. Or, d’après de récentes
découvertes, il n’en serait rien car, dans certaines régions du globe, existent
des émanations d’hydrogène naturel (cf. § 2.5).
Dans les dossiers qui suivent, nous n’abordons l’hydrogène que du point de vue
de sa valorisation énergétique en laissant de côté les autres types d’utilisation liés
à ses propriétés chimiques (synthèse, hydrotraitements, atmosphères réductrices
etc.) que l’on retrouve dans l’industrie pétrolière, l’industrie chimique et agrochi-
mique ainsi que dans certaines technologies et applications spécifiques. Dans le
présent dossier, nous traitons de sa production. Produire l’hydrogène, c’est
l’extraire de ses composés sources (eau, hydrocarbures, biomasse) par une opéra-
tion chimique ou physico-chimique qui nécessite une certaine dépense d’énergie :
c’est là un des problèmes de l’utilisation de l’hydrogène énergie.
Dans le dossier Combustible hydrogène – Utilisation [B 8 566], nous nous
intéressons à sa conversion énergétique, à sa mise à disposition, aux pro-
blèmes liés à la sécurité, aux possibles conséquences économiques et
sociétales d’un emploi généralisé et, en conclusion, nous livrons une analyse
de ce qui reste à accomplir pour que ce vecteur énergétique s’impose.

1. Filières exploitées ou des naphtas (raffinage permettant d’obtenir des carburants) dont
la première étape produit de l’hydrogène. Ces procédés sont
directement exploitables évidemment utilisables pour fournir de l’hydrogène énergie mais
les importantes quantités de dioxyde de carbone qu’elle rejette en
hypothèque lourdement l’intérêt, à moins que ce dernier ne soit
pas rejeté dans l’atmosphère.
1.1 À partir des combustibles fossiles
L’hydrogène est obtenu à partir des combustibles fossiles par
Cette filière est de nos jours essentiellement exploitée pour l’intermédiaire du gaz de synthèse, un mélange d’hydrogène et
produire de l’hydrogène destiné à l’industrie du raffinage pétrolier d’oxyde de carbone et en moindre proportion de dioxyde de
et à l’industrie chimique. Elle s’apparente au reformage catalytique carbone, de méthane et d’eau [4] [5] [6].

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Aperçu historique de la découverte et des utilisations Principales propriétés physico-chimiques


de l’hydrogène de l’hydrogène

La découverte de l’hydrogène remonte au XVIe siècle De tous les éléments naturels, l’hydrogène est le plus léger
lorsque le philosophe et médecin suisse Paracelse se car il possède la structure atomique la plus simple. Son noyau
demande si « l’air » que dégage la réaction du vitriol sur le fer se compose d’un unique proton et son atome ne compte
est bien identique à l’air que nous respirons. qu’un électron. Il tient ainsi la première place dans la classifi-
cation périodique de Mendeleïev.
Au siècle suivant, Bayle isole ce gaz et au XVIIIe siècle, Chronologiquement, dans l’histoire de l’univers, l’hydro-
Cavendish, reprenant les travaux de Paracelse avec différents gène est l’ancêtre de tous les autres éléments. Présents dès
métaux, recueille d’importantes quantités du gaz en question les premiers instants, les noyaux d’hydrogène ont fusionné
dans des vessies de porc et montre qu’il est de « l’air pour donner naissance à des noyaux plus lourds et plus
inflammable » qui brûle dans l’atmosphère en produisant de complexes.
l’eau. C’est alors que Lavoisier, assisté de Laplace et de Meu-
nier, donne une interprétation des résultats précédents grâce La combinaison la plus simple d’atomes d’hydrogène est
à la synthèse de l’eau effectuée en 1783. Il écrit dès le lende- l’hydrogène moléculaire, autrement dit le gaz dihydrogène. Sa
molécule de symbole H2 est composée de deux atomes H. Il


main à l’Académie des sciences la description de
l’expérience : « l’eau est composée d’air inflammable et d’air est incolore, inodore et non corrosif et il présente l’avantage
vital ». Cet « air inflammable » qui, avec l’oxygène, « l’air d’être très énergétique.
vital », compose l’eau, est l’hydrogène, nom signifiant : « qui À la température ambiante, le gaz hydrogène est un
produit de l’eau ». mélange de 75 % d’orthohydrogène et de 25 % de parahydro-
gène qui diffèrent par l’orientation des spins des protons qui
L’année suivante, les mêmes Lavoisier et Meunier présen-
constituent les noyaux des deux atomes de leurs molécules.
tent à l’Académie des sciences un procédé quasi industriel de
Ces spins sont parallèles pour l’orthohydrogène et antiparallè-
production d’hydrogène en grande quantité par action de
les pour le parahydrogène. La proportion entre ces deux
l’eau sur le « fer au rouge ».
hydrogènes varie avec la température ; ainsi, le mélange pré-
Cavendish avait en plus mis en évidence la faible densité de cédent 75 %/25 %, dit hydrogène normal, devient à 99,8 % du
l’hydrogène, résultat que retrouve le français Charles qui a parahydrogène lorsque l’hydrogène est à l’état liquide. Le pas-
l’idée d’utiliser ce gaz très léger pour les aérostats des frères sage d’un hydrogène à l’autre est réversible, il est exothermi-
de Montgolfier, expérience qu’il réalise en 1783. que dans le sens ortho-para et endothermique dans le sens
para-ortho.
En 1804, Gay Lussac et Von Humboldt démontrent
conjointement que l’eau est composée d’un volume d’oxygène Le tableau 1 répertorie les principales propriétés physico-
pour deux volumes d’hydrogène, et c’est en 1839 que Grove chimiques de l’hydrogène.
découvre le principe de la pile à combustible. Puis, à la fin du
XIXe siècle, Pictet et Cailletet réalisent en même temps la liqué-
faction de l’oxygène. À la suite de ces travaux, Wroblewski 1.1.1 Vaporeformage des hydrocarbures
réussit la première liquéfaction de l’hydrogène et Dewar par-
vient, en 1898, à récupérer ce liquide en un bain stable.
Enfin, les Allemands Haber et Bosch inventent le procédé de Une première étape consiste à transformer les hydrocarbures
synthèse de l’ammoniac, qui est ensuite perfectionné par Geor- légers en gaz de synthèse par réaction avec la vapeur d’eau sur
ges Claude, fondateur de la société Air Liquide. L’hydrogène un catalyseur au nickel [7], une transformation qui s’opère à
devient alors une matière première de l’industrie chimique, il haute température (840 à 950 oC) et à pression modérée (de
est aujourd’hui utilisé dans de nombreux secteurs. l’ordre de 2 à 3 MPa). Cette transformation est suivie par
différentes opérations qui conduisent à la production
C’est également au début du XIXe siècle que l’hydrogène d’hydrogène [8] mais permettent aussi l’obtention de carburants
commence à jouer un rôle en tant qu’énergie lors de l’appari- de synthèse.
tion de l’éclairage au gaz à Paris en 1803 suivant le procédé
mis au point par Lebon, un gaz dont le combustible était pour La charge d’une unité de vaporeformage peut être non seule-
l’essentiel l’hydrogène qui s’y trouvait en proportion de 40 à ment du gaz naturel mais aussi du méthane ou des charges plus
60 % en volume. Utilisé aussi pour son pouvoir calorifique lourdes comme le gaz de pétrole liquéfié (GPL), voire le naphta ;
dans le « réchaud à gaz », c’est jusqu’au milieu du XXe siècle néanmoins, le gaz naturel constitue la charge de référence.
que ce «gaz de ville » à base d’hydrogène s’est imposé
comme une des principales énergies mises à disposition du
grand public.
Le naphta désigne une coupe pétrolière issue de la distilla-
La science de l’hydrogène née en Europe a continué de tion fractionnée de pétrole brut.
stimuler les esprits, en particulier en raison de son fort
pouvoir énergétique.
Ainsi, vers 1960, on étudie un moteur-fusée à hydrogène 1.1.1.1 Vaporeformage de gaz naturel
qui fonctionne en 1968 et est à la base de la réussite du lan- Il s’agit du mode de production de l’hydrogène qui de nos jours
ceur européen de satellites Ariane utilisant dès l’origine un est industriellement le plus répandu et le moins coûteux. Le gaz
étage supérieur cryogénique à hydrogène et oxygène liquides. naturel contient essentiellement du méthane mais également de
Cet essor du moteur-fusée durant la seconde moitié du l’hydrogène sulfuré, et de ce fait doit être désulfuré avant le vapo-
XXe siècle, est peut-être l’un des éléments précurseurs reformage par procédés chimiques à base d’amine ou d’oxyde de
de l’ère de l’hydrogène énergie et ce d’autant que ces vols zinc. Plus récemment, on recourt à des procédés cryogéniques
spatiaux ont aussi permis la mise au point de la pile à comme le procédé SPREX codéveloppé par IFP Énergies Nouvel-
combustible à hydrogène [1] [2]. les, Total et Prosemat dans lequel l’hydrogène sulfuré est extrait
sous forme liquide à haute pression.

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Tableau 1 – Propriétés physico-chimiques de l’hydrogène [3]


Propriété Valeur numérique
Masse volumique du gaz à Patm et 273 K 0,08988 kg · Nm–3
Masse volumique de la vapeur à Patm et 20,3 K 1,34 kg · m–3
Masse volumique du liquide à Patm et 20,3 K 70,79 kg · m–3
Enthalpie massique inférieure ou PCI 119 930 kJ · kg–1
Enthalpie massique supérieure ou PCS 141 860 kJ · kg–1
Capacité thermique massique à pression constante Cp 14 266 J · kg–1 · K–1
Capacité thermique massique à volume constant CV 10 300 J · kg–1 · K–1
Conductivité thermique du gaz 0,1897 W · m–1 · K–1


Enthalpie massique d’évaporation à 20,3 K 445,4 kJ · kg–1
Enthalpie massique théorique de liquéfaction 14 112 J · g–1 (3,92 kWh · kg–1)
Électronégativité (échelle de Pauling) 2,1
Masse atomique relative 1,0079
Constante thermodynamique du gaz 4124,5 J · kg–1 · K–1
Température de solidification 14,01 K
Température d’ébullition (à 1 013 mbar abs.) 20,268 K
Température critique 33,30 K
Température d’auto-inflammation dans l’air 858 K
Température de flamme dans l’air à 300 K 2 318 K
Limites d’inflammabilité dans l’air 4 à 75 % vol.
Limites de détonation dans l’air 13 à 65 % vol.
Énergie minimale d’inflammation 20 µJ
Énergie explosive théorique 2,02 kg de TNT · m–3 de gaz
Surpression de détonation (mélange stœchiométrie) 14,7 bar
Coefficient de diffusion dans l’air 0,61 cm2 · s–1
Vitesse de flamme dans l’air 260 cm · s–1
Vitesse de détonation dans l’air 2,0 km · s–1
Mélange stœchiométrique dans l’air 29,53 % vol.
Nm3 (par normomètre cube) : quantité de gaz contenu dans un volume d’un mètre cube dans les conditions normales de température et de pression (273,15 K
et 0,1 MPa).
PCI : pouvoir calorifique inférieur.
PCS : pouvoir calorifique supérieur.

■ Les deux principales réactions du vaporeformage sont la Au niveau du réacteur, les conditions opératoires à mettre en
production de gaz de synthèse et la conversion de CO : œuvre (tableau 2) dépendent principalement du mode de purifica-
tion final de l’hydrogène. Deux voies sont industriellement
CH4 + H2O → CO + 3 H2 (1) possibles : la méthanation et l’adsorption sélective sur tamis molé-
culaires par procédé PSA (pressure swing adsorption, adsorption
modulée en pression). Dans le premier cas, des conditions opéra-
CO + H2O → CO 2 + H2 (2)
toires sévères sont nécessaires pour obtenir une pureté de l’hydro-
gène supérieure à 97 % vol. (cf. ci-après). Dans le second cas, il est
Soit un bilan global qui peut s’écrire :
possible d’obtenir une pureté d’hydrogène de 99,9 % vol. quelle
que soit la charge.
CH4 + 2 H2O → CO 2 + 4 H2 (3)

La première réaction correspond au vaporeformage proprement


dit, elle est endothermique et se caractérise par un rapport H2/CO Le procédé PSA utilise le fait que l’adsorption des mélanges
de l’ordre de 3. de gaz est sélective et augmente avec la pression.

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Combustible hydrogène
Utilisation

par Farida DARKRIM-LAMARI


Chargée de recherche au CNRS
Laboratoire des sciences des procédés et des matériaux (LSPM, CNRS UPR 3407)
Docteur Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité
et Pierre MALBRUNOT
Conseiller scientifique auprès de l’association française pour l’hydrogène et les piles à
combustible (AFHYPAC)

Cet article est la réédition actualisée de l’article [BE 8 566] paru en 2006 rédigé par Farida
DARKRIM-LAMARI et Pierre MALBRUNOT

1. Conversion énergétique de l’hydrogène ......................................... BE 8 566v2 - 2


1.1 Moteur thermiques à hydrogène ............................................................. — 2
1.2 Applications aéronautiques et spatiales ................................................. — 2
1.3 Piles à combustible ................................................................................... — 2
2. Mise à disposition de l’hydrogène énergie .................................... — 6
2.1 Transport et stockage ............................................................................... — 6
2.2 Distribution en station-service pour les véhicules automobiles ........... — 8
3. Danger de l’hydrogène et sécurité ................................................... — 10
3.1 Inflammabilité ........................................................................................... — 10
3.2 Explosivité ................................................................................................. — 10
3.3 Sécurité du stockage et du transport ...................................................... — 10
3.4 Normes et règlements .............................................................................. — 10
4. Économie de l’hydrogène.................................................................... — 11
5. Conclusion............................................................................................... — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. BE 8 566v2

’hydrogène par sa combustion très énergétique, en masse plus de deux


L fois celle du gaz naturel, est un combustible de choix utilisable pour fournir
de la chaleur et de l’énergie mécanique sans autre résidu que de l’eau. Mais il
peut aussi, par réaction électrochimique, se combiner à l’oxygène pour
produire de l’électricité, de la chaleur et de l’eau.
Dans le dossier précédent [BE 8 565], nous nous sommes intéressés à sa
production.
Dans ce dossier, nous nous intéressons à sa conversion énergétique, à sa
mise à disposition et aux problèmes liés à la sécurité, aux possibles
conséquences économiques et sociétales d’un emploi généralisé et, en
conclusion, nous livrons une analyse de ce qui reste à accomplir pour que ce
vecteur énergétique s’impose.
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1. Conversion énergétique L’utilisation de l’hydrogène dans le domaine spatial est proba-


blement l’application la plus connue en particulier par les moteurs
de l’hydrogène de la fusée Ariane. Dans un tel moteur-fusée, la poussée est
produite par l’éjection d’un flux de gaz animé d’une très grande
vitesse [3] [4]. Dans le cas particulier des moteurs à liquides
comme ceux d’Ariane, combustible et oxydant sont injectés de
1.1 Moteurs thermiques à hydrogène façon continue dans une chambre où ils réagissent pour donner
des gaz à très haute température ⬎⬎ 3 000 K et à forte pression (3
On entend par moteurs thermiques les moteurs à combustion à 20 MPa). Ces gaz s’échappent ensuite à travers une tuyère de
interne (dits communément « à explosion ») qui, suivant le cycle de détente où ils sont accélérés, les deux tiers environ de leur énergie
Beau de Rochas-Otto ou celui de Diesel, fonctionnent à partir de la thermique se retrouvant ainsi sous forme d’énergie cinétique.
combustion d’essence, de gazole ou encore de gaz de houille, de
gaz naturel voire de distillats issus de fermentations de matières En première approximation, la poussée est le produit du débit
organiques. Tous ces moteurs à base d’une combustion sont des gaz par leur vitesse. On cherche donc à maximiser la vitesse
convertibles à l’hydrogène. Des précautions sont à prendre pour d’éjection qui, elle, est proportionnelle à la racine carrée du
éviter un retour de flamme vers le collecteur d’admission. La perte rapport température-masse moléculaire moyenne des gaz issus de
au niveau de la puissance est de 20 à 25 % par rapport à un moteur à la combustion. Le couple hydrogène-oxygène, tant pour son
essence de même cylindrée, mais le rendement énergétique est contenu énergétique, donc pour la température qu’il permet

S équivalent. Il y a de plus nécessité de choisir des matériaux adaptés d’atteindre, que pour sa faible masse molaire, est le mieux adapté.
à l’hydrogène (corrosion, lubrification). De tels moteurs n’émettent Les vitesses atteignent alors couramment 4 500 m · s–1, à
pas de CO2 seulement quelques oxydes d’azote, ils sont bien adap- comparer aux 3 300 m · s–1 obtenus avec les meilleurs moteurs
tés à des véhicules hybrides essence-hydrogène comme le sont les « classiques ».
prototypes bi-carburants mis au point depuis 1979 par le
constructeur allemand BMW. Celui-ci qui a par la suite perfectionné
ses moteurs par une technique d’injection directe à haute pression 1.3 Piles à combustible
de l’hydrogène [1] a actuellement abandonné ce type de motorisa-
tion thermique à hydrogène. D’autres constructeurs comme MAN, 1.3.1 Principe
Ford, Mazda et Quantum ont également effectué des recherches sur
Il existe un mode de combinaison de l’hydrogène à l’oxygène :
ces types de moteurs thermiques à hydrogène, ont construit des
prototypes de véhicules les utilisant (automobiles, utilitaires, H2 + 12 O2 → H2O
autobus) [2] pour également abandonner leur démarche. Pour sa
part, Mercedes a conçu un moteur fonctionnant avec un mélange qui est une combustion électrochimique contrôlée produisant de
d’hydrogène et de gaz naturel. l’eau, de la chaleur et, ce qui est le plus intéressant, de l’électricité
correspondant aux électrons libérés par la formation des ions
hydrogène (H+) et hydroxyle (OH–) dont l’eau est constituée. Le
dispositif, qui permet cette réaction, est la pile à combustible
1.2 Applications aéronautiques (figure 1) [5] [6] [7] [8] comportant essentiellement un électrolyte,
et spatiales milieu conducteur ionique acide ou basique, séparant une anode
alimentée en hydrogène et une cathode alimentée en oxygène [5]
Un cas particulier de moteur thermique adapté à l’hydrogène est [6] [7] [8] [44]. Le principe de la pile à combustible est donc
la turbine à gaz utilisée en aéronautique : le turboréacteur. Au l’inverse de celui de l’électrolyse qui, par le passage d’un courant
niveau de la chambre de combustion, il est nécessaire de prendre électrique dans de l’eau, produit de l’hydrogène et de l’oxygène.
en compte les spécificités particulières de l’hydrogène (faible
densité avec ses conséquences sur le débit volumique et la perte
de charge ; faible viscosité ; fort coefficient de diffusion ; explosi-
vité importante, etc.). L’hydrogène injecté doit être gazeux à une Électrons
température supérieure à 150 K et à une pression de 3 MPa
(condition indispensable pour qu’il soit en quantité suffisante), en
e− e−
tenant compte que cet hydrogène provient d’un réservoir où il est
en phase liquide à 20 K et 0,1 MPa. La technologie est pour cela
délicate au niveau pompe-échangeur de chaleur. Quant à l’archi- e−
tecture de l’avion, elle doit inclure le volume et les contraintes H2 O2
d’isolation qu’impose le réservoir d’hydrogène liquide. En raison e−
du meilleur pouvoir combustible de l’hydrogène, la quantité néces-
saire pour un même vol est seulement 30 à 35 % de celle de e− e−
kérosène, mais la différence de densité des deux liquides (rapport OH− e−
11,4) impose que le réservoir d’hydrogène ait un volume environ e−
quatre fois plus grand. La solution adoptée est d’adjoindre au fuse- H2O
lage un réservoir cylindrique le plus long possible pour ne pas trop e−
augmenter le maître couple c’est-à-dire la traînée aérodynamique.
e−
Il y a un demi-siècle que les premiers essais d’avions à hydro- e−
gène ont été entrepris aux États-Unis et y sont toujours poursuivis e−
avec l’idée d’application à des appareils de transport de fortes
capacités. Plus tardifs, années 1980, les travaux européens dans ce
domaine se sont développés en particulier en Allemagne. Le projet
le plus ambitieux est celui du « Cryoplane » qui étudie l’adaptation Anode Cathode
à l’hydrogène d’un dérivé de l’« Airbus 300 ». Néanmoins, les
avantages de ce type d’aéronef sont encore insuffisants pour que Électrolyte
soit envisagé un stade plus avancé de sa mise en œuvre définitive
et ce d’autant que les traînées importantes de vapeur d’eau qui Figure 1 – Principe de fonctionnement d’une pile à combustible [5]
seraient alors générées ne sont pas sans poser problème. [6] [7] [8]

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Un élément de pile à combustible développe une tension de 0,5 30 à 45 % en masse, soit 8 à 12 mol · L–1) qui est un électrolyte
à 1 V pour une densité de courant d’environ 0,5 A · cm–2. Comme liquide. La température de fonctionnement de la pile varie autour de
pour une pile conventionnelle, ce sont la surface et l’empilement 80-90 oC, mais cette température peut être plus élevée pour un fonc-
des éléments qui permettent d’obtenir la puissance souhaitée. Le tionnement sous pression (piles Bacon, jusqu’à 200-230 oC) ou avec
volume minimal que peuvent atteindre aujourd’hui ces assem- un électrolyte plus concentré (piles Apollo). La potasse qui constitue
blages est dans le cas de la pile PEMFC (§ 1.3.2) de 1 L pour 2,5 kW l’électrolyte peut être soit circulante, soit immobile (membrane,
avec une masse de 1 kg pour 1,5 kW. imprégnée de potasse). Les ions hydroxyde de l’électrolyte sont
susceptibles de réagir avec le dioxyde de carbone (de l’air ou pré-
sent dans l’hydrogène) pour former un composé de carbonate, ce
Découverte en 1839 par l’anglais William Grove, la pile à qui réduit la conductivité de l’électrolyte. Il est nécessaire d’opérer
combustible fut pratiquement oubliée jusqu’aux années 1960 avec de l’oxygène et de l’hydrogène purs, ce qui exclut l’utilisation
où elle fut utilisée et développée par la NASA pour l’alimen- d’air ou d’hydrogène reformé. La pile AFC, essentiellement dévelop-
tation électrique des premières capsules spatiales Gémini. pée pour l’espace, a accompagné l’ensemble des vols habités de la
Mais c’est surtout depuis le premier choc pétrolier qu’elle est NASA (figure 2) [7] en donnant toute satisfaction. Cette technologie
prise en considération à travers des nombreuses recherches simple pourrait permettre d’atteindre des coûts assez bas. Néan-
de développement sur l’automobile électrique et des unités de moins, comme nous l’avons dit, elle nécessite que l’air qu’elle utilise
production électrique stationnaires. comme source d’oxygène, soit débarrassé du CO2 qu’il contient,
celui-ci étant un polluant majeur de la solution de potasse.
1.3.2 Différentes piles à combustible
Avec leurs caractéristiques et leurs principales applications, les
■ La pile à acide polymère PEMFC (Proton Exchange Membrane
Fuel Cell) dont le principe est schématisé figure 3 [7], comporte

pour l’essentiel une membrane organique qui joue le rôle d’élec-
piles à combustible sont présentées dans le tableau 1 [5] [6] [7] [8]
trolyte et est perméable aux protons (polymère carboné perfluoré
[44], où T est la température de fonctionnement.
avec groupements sulfonés) [45]. Cette membrane ne supportant
Le rendement de la conversion de l’énergie chimique en énergie pas les températures supérieures à 100 oC, les électrodes doivent
électrique est en général voisin de 50 %. Utilisée en cogénération, catalyser les réactions de dissociation de l’oxygène et de
le rendement global (électrique + thermique utilisable) d’une pile à l’hydrogène tout en supportant l’acidité de la membrane, des exi-
combustible peut atteindre 80 %, d’où un certain intérêt pour ce gences auxquelles jusqu’à aujourd’hui seul le platine a pu
couplage d’énergies. Quant à l’alimentation en hydrogène elle est : répondre. Ainsi, l’hydrogène alimentant l’anode est dissocié en
– directe à partir d’une réserve, c’est le cas pour les piles AFC et protons et électrons. Ces derniers circulent vers la cathode à
PEMFC ; travers un circuit électrique extérieur alors que les protons
– indirecte par l’intermédiaire d’une conversion en amont rejoignent la cathode en traversant la membrane.
d’alcool ou d’hydrocarbure avec l’inconvénient de rejeter du
De par le coût de ses électrodes contenant du platine et du celui
dioxyde de carbone. C’est ainsi que la pile DMFC (variante de la
de sa membrane, cette pile est d’un prix de revient élevé qui n’a
PEMFC) est alimentée en méthanol transformé en hydrogène
pas encore permis sa diffusion à grande échelle. Néanmoins, cette
directement sur l’anode par l’effet d’un catalyseur au ruthénium.
pile à acide polymère en raison de sa technologie tout solide est
Le gaz naturel qui alimente le plus souvent la pile SOFC est
celle qui a été retenue par la plupart des constructeurs automo-
converti en hydrogène au niveau de l’anode par reformage haute
biles comme convertisseur hydrogène-électricité de leurs projets
température. Dans les autres cas, l’hydrogène est obtenu grâce à
de véhicules légers (figure 4). C’est pourquoi les efforts de recher-
un reformeur auxiliaire adjoint à la pile. Il est aisé d’imaginer que
che pour augmenter les performances et diminuer le coût, tant de
le jour où la production et le stockage de l’hydrogène seront
la pile elle-même que des périphériques, sont importants et de
maîtrisés au point de le rendre disponible quelles que soient les
nombreuses réalisations ont vu le jour et même des petites séries
quantités, l’alimentation de toutes les piles pourra être directe.
de vingt à soixante véhicules hybrides à pile à combustible sont
mises sur le marché de la location depuis 2003. Autour de ce déve-
Une partie de l’énergie thermique produite par la pile à loppement se sont ensuite greffées de nombreuses applications
combustible, en fait, n’est pas récupérable (pertes ohmiques), si elle dans toutes les gammes de puissances depuis quelques milliwatts
était prise en compte, le rendement global serait alors de 100 %. pour les équipements portables jusqu’au mégawatt pour les gros
générateurs stationnaires. On compte de nos jours une quinzaine
d’industriels qui de par le monde proposent des piles de type PEM
■ La pile alcaline AFC (Alkaline Fuel Cell) a un électrolyte de type sachant aussi que les constructeurs automobiles le plus souvent
alcalin, en général de la potasse (ou hydroxyde de potassium KOH, fabriquent leurs propres piles pour leurs véhicules.

Tableau 1 – Différentes types de piles à combustible [5] [6] [7] [8] [44]
T
Type de pile Électrolyte Domaine d’utilisation
(oC)
Espace, transports
Alcaline AFC (Alkaline Fuel Cell) Potasse (liquide) 80
Gamme : 1 à 100 kW
Portable, transports,
Acide polymère PEMFC (Proton Exchange Membrane
Polymère (solide) 80 stationnaire
Fuel Cell) et DMFC (Direct Methanol Fuel Cell)
Gamme : 1 W à 1 MW
Stationnaire, transports
Acide phosphorique PAFC (Phosphoric Acid Fuel Cell) Acide phosphorique (liquide) 200
Gamme : 200 kW à 10 MW
Stationnaire
Carbonate fondu MCFC (Molten Carbonate Fuel Cell) Sels fondus (liquide) 650
Gamme : 500 kW à 10 MW
Stationnaire, transports
Oxyde solide SOFC (Solid Oxide Fuel Cell) Céramique (solide) 700 à 1 000
Gamme : 1 kW à 10 MW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés BE 8 566v2 – 3

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XT
Carburants et matériaux allégés pour véhicule
(Réf. Internet 42629)

1– Biocarburants

2– Carburants gazeux

3– Hydrogène et piles à combustible



4– Matériaux allégés Réf. Internet page

Les composites dans l'industrie automobile AM5600 87

Plastiques et automobile. D'aujourd'hui à demain AM3591 91

Collage des composites : constructions aérospatiale, automobile et ferroviaire AM5221 95

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amUVPP

Les composites dans l’industrie


automobile
Par Nicola PICCIRELLI
Docteur ès Science et Génie des Matériaux
Responsable Décors Matières Innovation
Direction de l’Ingénierie Equipements de Carrosserie
Renault
Alain GIOCOSA
Consultant
Ex-Chef du Service Matériaux Polymères et Composites et Mise en Œuvre
Direction de l’Ingénierie des Matériaux
Renault

1. Marché automobile et marché des matériaux composites ......... AM 5 600V2 - 3



2. Évolutions du produit automobile et attentes des utilisateurs . — 3
2.1 Point de vue du constructeur ..................................................................... — 3
2.2 Attentes des utilisateurs ............................................................................. — 4
3. Avantages des matériaux composites .............................................. — 5
3.1 Caractéristiques intrinsèques des matériaux composites....................... — 5
3.2 Procédés de mise en œuvre des pièces .................................................... — 6
4. Principales innovations depuis l’introduction — 6
des matériaux composites ...........................................................
4.1 Chronologie des véhicules innovants depuis les années 50................... — 6
4.2 Applications actuelles sur des véhicules de série .................................... — 6
4.3 Applications sur des véhicules niches et de petites / moyennes séries. — 9
5. Limites d’utilisation................................................................................ — 9
5.1 Freins liés aux matériaux ........................................................................... — 9
5.2 Freins liés aux procédés de fabrication des pièces et à l’assemblage
sur véhicules................................................................................................ — 9
5.3 Freins liés aux approches culturelles ........................................................ — 10
5.4 Freins liés aux réglementations environnementales ............................... — 10
6. « Bonnes pratiques » pour développer de nouvelles applications. — 11
6.1 Matériaux..................................................................................................... — 11
6.2 Procédés de fabrication des pièces ........................................................... — 11
6.3 Modes d’assemblage sur véhicules .......................................................... — 12
6.4 Conception des pièces et des véhicules.................................................... — 12
6.5 Applications innovantes récentes............................................................. — 12
7. Conclusion................................................................................................. — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AM 5 600V2

i à ses débuts, il y a plus d’une centaine d’années, une automobile était


S constituée principalement de bois et d’acier, aujourd’hui elle rassemble de
nombreux matériaux appartenant aux grandes familles suivantes :
– matériaux ferreux : fontes, aciers, tôles (environ 62 % de sa masse) ;
– matériaux non ferreux : aluminium (fonte et tôle), cuivreux, magnésium
(environ 9 %) ;
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQQ

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LES COMPOSITES DANS L’INDUSTRIE AUTOMOBILE _______________________________________________________________________________________

– matériaux minéraux : verre, céramique (environ 4 %) ;


– matériaux organiques : environ 25 %, répartis en moyenne de la manière
suivante :
– 4 % : élastomères,
– 6 % : peintures, adhésifs, textiles, fluides,
– 15 % : matériaux plastiques, thermoplastiques (TP) ou thermodurcissables
(TD).
Selon les véhicules, ces 15 % peuvent varier de 10 à 20 % et se répartir dans
les différentes fonctions constitutives d’un véhicule de la manière suivante :
– équipement intérieur ou habitacle : 50 %,
– applications extérieures : 30 à 35 %,
– pièces sous capot : 15 %,
– pièces de structure : 0 à 5 %.
À noter que le pourcentage d’utilisation des matériaux plastiques n’a cessé de
croître depuis le milieu des années 50/60, il était de 6 % dans les années 60/70.
Aujourd’hui, en moyenne 15 % pour un véhicule moyen de 1 300 kg, cela
représente environ 200 kg / véhicule de « matériaux plastique ».
Cette évolution est due au fait que le choix d’un matériau donné pour une
application donnée oblige à une confrontation de solutions afin de rechercher

T le meilleur couple matériau/procédé de fabrication d’une pièce en tenant


compte de nombreux critères : des critères techniques et industriels liés à la
capacité et à la disponibilité des moyens industriels, des critères économiques
liés au coût des matériaux et aux coûts de production et enfin des critères
sociaux guidant les orientations des choix du client final.
Les matériaux composites sont apparus dans l’industrie automobile au
milieu des années 1950. À cette époque, les matériaux et les procédés de
transformation étaient peu nombreux : essentiellement des matrices polyesters
thermodurcissables renforcées par des fibres de verre courtes, mises en œuvre
manuellement dans des moules ouverts ou fermés suivant le procédé SMC
(Sheet Moulding Compound).
Actuellement, de nombreux matériaux et procédés de transformation sont à
la disposition des concepteurs.
Les matrices peuvent être thermoplastiques (polypropylène, polyamide,
polyuréthanne,….) ou thermodurcissables (polyester, vinylester, époxy,
polydicyclopentadiène,….).
Les fibres de renforcement peuvent être en verre, aramide, carbone, thermo-
plastique, voire végétales, utilisées sous forme coupée courte ou longue,
continue, tissée, tressée, tricotée……
Selon le type de matrices utilisées, TP ou TD, les procédés de mise en œuvre
sont très variés :
– injection (RTM – Resin Transfer Moulding, BMC-Bulk Moulding Compound,
RIM – Reaction Injection Moulding) ;
– compression et formage (SMC – Sheet Moulding Compound, GMT – Glass
Mat Thermoplastic, TRE – Thermoplastique Renforcé Estampable) ;
– pultrusion ;
– enroulement filamentaire ;
– infusion sous vide.
Les procédés en moules fermés et l’utilisation de résines contenant peu de
styrène sont aujourd’hui privilégiés afin de réduire les émissions de composés
volatils dans les ateliers (pour le styrène la limite maximale est de 20-200 ppm,
voire 20-25 ppm dans certains pays).

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_______________________________________________________________________________________ LES COMPOSITES DANS L’INDUSTRIE AUTOMOBILE

La part consommée par les transports est de 33 % en Europe et


Rappel des sigles employés de 28 % dans le monde.
ABS copolymère de styrène, butadiène et acrylonitrile Les composites à matrice thermoplastique représentent 37 % et les
composites à matrice thermodurcissable 63 % du marché mondial.
ASA acrylonitrile styrène ester acrylique
En France, les composites à matrice thermodurcissable renfor-
BMC Bulk Molding Compound cés avec des fibres de carbone et de verre représentent une pro-
C-SMC Carbon Fibre – SMC duction annuelle d’environ 300 000 tonnes / an dont 36 % destinés
EP résine époxy à l’automobile.
EPDM terpolymère d’éthylène, de propylène et d’un diène
FC fibre de carbone Un matériau composite est un assemblage d’au moins deux
matériaux non miscibles (mais ayant une forte capacité
FV fibre de verre d’adhésion) : une matrice organique et des renforts sous forme
LFT Long Fibre Thermoplastic de fibres plus ou moins longues, additionnés de diverses char-
ges. Le nouveau matériau ainsi constitué possède des proprié-
PA polyamide tés que les éléments constitutifs seuls ne possèdent pas.
PBS polybutylène succinate
PBT polybutylènetéréphtalate
PC polycarbonate Par ailleurs dans les applications automobile, il est très diffi-
cile de faire la différence entre les matériaux plastiques ou plas-
PDCPD polydicyclopentadiène tiques chargés sans réelles propriétés de structure et les
PE polyéthylène matériaux composites de structure. Pour cette raison, certaines


P/E polypropylène/polyéthylène applications réalisées majoritairement en matériaux plastiques
non composites (habitacle, accessoires extérieurs), au sens
PET polyéthylènetéréphtalate stricte du terme, seront mentionnées à titre d’information.
PLA acide polylactique
PMMA polyméthacrylate de méthyle
Le choix du couple matériau / procédé de transformation est
PP polypropylène déterminé par les exigences technico-économiques requises pour
la réalisation d’une pièce donnée. La figure 1 illustre la topogra-
PPA polyphtalamide phie des matériaux composites à matrice organique :
PPO polyoxyphénylène
PPS polysulfure de phénylène Les propriétés des matériaux et les procédés de mise en
œuvre ne sont pas décrits en tant que tels. Pour plus d’infor-
PUR polyuréthanne mations se reporter aux dossiers [AM5000] Matériaux
composites : présentation générale, [AM5305] Liaison renfort/
PVC polychlorure de vinyle
matrice et [A3720] Mise œuvre des composites.
RIM Reaction Injection Molding
RIM PUR Reaction Injection Molding Polyuréthanne
SMC Sheet Molding Compound 2. Évolutions du produit
TD thermodurcissable
automobile et attentes
TP thermoplastique
UD renfort unidirectionnel
des utilisateurs
UP résine polyester
VE résine vinylester
2.1 Point de vue du constructeur
Afin de faire face aux contraintes réglementaires, économiques
et concurrentielles auxquelles il est confronté aujourd’hui, le
constructeur doit faire évoluer le produit automobile. L’utilisation
1. Marché automobile de matériaux composites est l’une des possibilités à sa disposition
pour relever ces défis.
et marché des matériaux
composites 2.1.1 Contraintes réglementaires
Une automobile est un système qui doit actuellement satisfaire à
Le marché automobile est un marché important pour l’industrie environ 60 réglementations.
des matériaux. En Europe, environ 17 millions de véhicules sont Il s’agit principalement de réglementations internationales relati-
produits annuellement – pour une production mondiale en 2009 de ves aux émissions sonores émises, en particulier au niveau du
62 millions de véhicules. Soit, pour l’Europe, environ 22 milliards moteur vers l’extérieur du véhicule, à la sécurité lors de chocs à
de kg de matériaux rapportés à une masse moyenne de 1 300 kg basse et haute vitesse dans des configurations frontales, décalées,
par véhicule. latérales ou arrière et chocs piétons, à l’environnement en relation
Le marché mondial des composites (chiffres 2007) représente avec la pollution par les gaz d’échappement et les gaz à effet de
8,6 millions de tonnes de matières (tous produits confondus) serre (CO2) et la recyclabilité des véhicules en fin de vie :
réparties de la manière suivante : 36 % Amérique du Nord, 26 % – Émissions sonores : des matériaux possédant des propriétés
Europe, 38 % Asie, Pacifique et le reste du monde. amortissantes élevées sont donc recherchés pour contribuer à la

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LES COMPOSITES DANS L’INDUSTRIE AUTOMOBILE _______________________________________________________________________________________

Nanocharges Renforts fibreux

Renforts verts
Minéral Organique
« naturels »

Fibres de Fibres de verre Fibres de Fibres Fibres


Basalte (E ; S ; R) carbone aramides végétales

Nanotubes de carbone

Nanocharges minérales Fibres coupées Renforts UD Renforts tissés

Matrices thermoplastiques Matrices thermodurcissables

PP, PA, PET/PBT, PPS UP, PUR, EP, VE


Figure 1 – Topographie des matériaux composites à matrice organique

diminution de ces émissions soit en remplacement d’organes de recyclage/réemploi en masse des matériaux constitutifs du
mécaniques métalliques : couvre-culasse, carter d’huile, collecteur véhicule [1].
d’admission, etc., soit en tant qu’écran acoustique sous forme de
carénages sous moteur par exemple. 2.1.2 Contraintes économiques
– Sécurité : l’amélioration de la résistance au crash des véhicules
et la réduction de leur agressivité vis à vis des autres véhicules ou La réduction des coûts globaux est une priorité pour les
des piétons et des 2 roues devient très importante. Des matériaux constructeurs. Ils sont donc amenés à retenir systématiquement le
présentant un endommagement progressif et donc une capacité triptyque « matériau / conception de la pièce / procédé de
d’absorption progressive d’énergie sont recherchés. transformation » le plus rentable et le mieux adapté au problème à
– Environnement : afin de limiter la consommation en carburant résoudre.
et la pollution par les gaz d’échappement (polluants réglementés Le coût d’une pièce est constitué par le coût de la matière pour
et CO2), il est nécessaire de diminuer la cylindrée des moteurs. 60 % et le coût du procédé de mise en œuvre pour 40 %, ce qui
Cependant, si la masse de la voiture reste constante, les perfor- implique de concevoir les pièces :
mances du véhicule chutent et déçoivent le client. Il devient donc
obligatoire d’alléger considérablement les véhicules pour demeu- – au plus juste : les matériaux doivent être sélectionnés en fonc-
rer à iso-performance avec de plus petits moteurs. La réglementa- tion des performances demandées à la pièce ;
tion européenne prévoit de limiter les émissions de CO2 à 130 g/km – en ne transposant pas les règles des matériaux métalliques
en 2015 et 95 g/km en 2020. aux composites : la conception doit utiliser au maximum les per-
formances des matériaux, par exemple tenir compte de l’anisotro-
pie des renforts continus.
À noter qu’il est communément admis qu’une diminution Si l’on peut facilement comparer les prix au kg des matériaux, il
de masse de 100 kg réduit la consommation de carburant de est plus difficile de prendre en compte les coûts de la main
0,4 l/100 km ou les émissions de CO2 de 10 g/km. d’œuvre, de la quantité réelle de matière engagée, des équipe-
ments, des outillages et des frais généraux.
Ces coûts varient beaucoup selon les matériaux, les cadences de
Des allègements par véhicule de l’ordre d’au moins 300 kg sont production et la quantité totale de pièces à produire.
nécessaires dans le futur si l’on veut réduire les émissions de CO2
uniquement par l’effet « allègement ». Dans les faits, en plus de l’effet 2.1.3 Contraintes concurrentielles
de l’allègement, la réduction des émissions de CO2 est obtenue en
optimisant le rendement moteur, en réduisant les trainées aérodyna- L’accroissement de la concurrence est particulièrement vive en
miques des véhicules et en utilisant des énergies « propres ». Europe où tous les constructeurs mondiaux sont présents. Le nom-
En ce qui concerne le recyclage, il est évident que les matériaux bre de marques présentes avec une part de marché supérieure à
issus du pétrole sont handicapés par rapport aux matériaux métal- 1 % est passé de 16 en 1990 à plus de 20 aujourd’hui. Cette augmen-
liques déjà recyclés depuis de nombreuses années. Cependant, tation de la concurrence a pour conséquences, l’augmentation du
chimistes, transformateurs et constructeurs mettent en place des nombre de modèles avec une réduction de pénétration de chacun
solutions techniques de récupération, de tri et de recyclage. Même d’eux, leur changement plus fréquent (réduction de la durée de vie),
si la rentabilité économique n’est pas encore toujours évidente l’augmentation de la diversité (caisse et version) afin de laisser de
(manque de gisements conséquents, coûts de démontage et de moins en moins de segments de marché inoccupés.
logistique), le recyclage ne doit pas être un frein à l’innovation et à
l’introduction des matériaux composites. Il doit faire partie dès le
départ des exigences du cahier des charges matériaux et pièces et
être associé à une démarche d’écoconception.
2.2 Attentes des utilisateurs
À noter la directive européenne 2000/53/CE qui demande pour L’analyse des attentes des utilisateurs révèle trois axes d’exigen-
2015 une valorisation des véhicules à hauteur de 95 % dont 85 % ces majeures.

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Plastiques et automobile
D’aujourd’hui à demain
par Claude DUVAL
Ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
Maître de conférences honoraire de la chaire de matériaux industriels du CNAM (Paris)

1. Défis de l’emploi des plastiques dans l’automobile .................... AM 3 591 - 2


1.1 Allègement des véhicules......................................................................... — 2
1.1.1 Évolution de la masse des véhicules .............................................. — 2
1.1.2 Consommation et pollution............................................................. — 3
1.1.3 Allègement........................................................................................ — 4
1.2 Vrais avantages des plastiques................................................................ — 4


1.2.1 Intégration de fonctions................................................................... — 5
1.2.2 Autres qualités des plastiques ........................................................ — 5
1.3 Production automobile et matériaux polymères .................................... — 5
1.3.1 Cadences, technologies et outillages.............................................. — 5
1.3.2 « Améliorer la robustesse de la conception » ................................ — 6
1.3.3 Peinture des pièces plastiques ........................................................ — 6
1.3.4 Conception des véhicules ................................................................ — 7
1.4 Plastiques de l’automobile en fin de vie ................................................. — 7
1.4.1 État des lieux..................................................................................... — 7
1.4.2 Exigences réglementaires................................................................ — 8
1.4.3 Démonter ou broyer ? ...................................................................... — 8
1.4.4 Valorisation énergétique.................................................................. — 9
1.4.5 Recyclage dans l’automobile........................................................... — 9
1.4.6 Écoconception .................................................................................. — 9
1.4.7 Conclusion ........................................................................................ — 10
2. Perspectives ............................................................................................ — 10
2.1 Pistes à suivre pour assurer le développement...................................... — 10
2.1.1 Matières............................................................................................. — 10
2.1.2 Procédés de mise en œuvre ............................................................ — 11
2.1.3 Conception ........................................................................................ — 11
2.2 Exemples d’évolutions prévisibles .......................................................... — 11
2.2.1 Extérieurs et carrosserie .................................................................. — 11
2.2.2 Gains possibles sur l’aérodynamisme............................................ — 11
2.2.3 Vitrages ............................................................................................. — 11
2.2.4 Sous-capot moteur et systèmes carburant .................................... — 12
2.2.5 Intérieurs ........................................................................................... — 12
3. Conclusion générale ............................................................................. — 12
Pour en savoir plus......................................................................................... Doc. AM 3 591

ans une première partie [AM 3 590], nous avons vu comment les matières
D plastiques avaient réussi progressivement à s’imposer, bien souvent avec
quelque difficulté, dans les véhicules automobiles. Une analyse des problèmes
actuels et des tendances doit permettre de préciser les développements à
prévoir dans ce domaine.
Malgré les critiques, souvent justifiées, qui peuvent être faites à l'
automobile,
elle semble bien devoir rester encore longtemps un objet industriel incontour-
nable dans notre civilisation. L’intérêt porté par l’industrie chimique et la plas-
turgie à ce secteur reste donc très grand. L'enjeu est de taille, car 65 % des
pièces techniques réalisées par l'industrie de la plasturgie sont destinées à
l'automobile et constituent, au-delà de l'aspect économique, une vitrine du
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPPW

savoir-faire des industriels du secteur.

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PLASTIQUES ET AUTOMOBILE ____________________________________________________________________________________________________________

Aujourd'hui, tous les secteurs de l'automobile sont plus ou moins utilisateurs


de solutions plastiques. L'intérieur des véhicules est durablement conquis et
les évolutions dans ce secteur se traduisent plutôt par des luttes entre maté-
riaux plastiques. Les développements se poursuivent dans les autres secteurs
au moment où les exigences techniques se font de plus en plus fortes.
La lutte c ontre l'augmentation constatée des masses des véhicules peut
apparaître comme une chance d'accroître la part des plastiques et composites.
Des innovations techniques permettant une meilleure prise en compte des
problèmes de sécurité lors d'un choc entre un véhicule et un piéton peuvent
aussi favoriser l'emploi des plastiques. Mais l'intégration de fonctions qu'ils
permettent est sans doute leur atout majeur.
Une amélioration des matières, des méthodes de mise en œuvre, de la
conception des pièces et sous-ensembles sont les conditions d'une généra-
lisation de l'emploi des plastiques et composites. Une étude soignée des
conditions d'industrialisation qui doivent répondre aux exigences du secteur
automobile – grande série, cadence élevée et faible coût – est nécessaire. Les
coopérations de plus en plus étroites entre les constructeurs automobiles, les
grands groupes chimistes et les équipementiers devraient permettre de réaliser
les futurs développements des plastiques dans l'automobile.

T L'attention renforcée apportée aux véhicules hors d'usage conduit à recycler


les pièces plastiques. L'emploi de telles pièces ne se maintiendra que si leur
valorisation en fin de vie est prévue et développée.
Quelques exemples d'applications en cours de développement permettent
d'anticiper sur les usages futurs des plastiques dans l'automobile.

1. Défis de l’emploi
des plastiques 1 400
Masse (kg)

dans l’automobile 1 300

« Mais pourquoi voulez-vous introduire des plastiques dans 1 200


automobile ? », me demandait, dans les années 1980, un contre-
l'
maître d'une usine de montage qui n'y voyait que des
complications dans son travail. C'est une question qui méritait 1 100
alors d'être posée. Puisque l'emploi des plastiques s'est depuis
plutôt affirmé, c'est que ces derniers ont quelques avantages et
nous tâcherons de les exposer. Pourtant, leur utilisation pose aussi 1 000
des problèmes qu'il est préférable de connaître. Enfin, on peut se 1990 1995 2000 2005 2010
demander dans quels domaines il faut s'attendre à des dévelop-
pements intéressants.
Figure 1 – Évolution de la masse moyenne des véhicules légers
de 1991 à 2005 (d’après [6])

1.1 Allègement des véhicules


Ces augmentations de masse touchent à peu près tous les
La faible densité des plastiques a souvent été présentée comme véhicules et tous les constructeurs. Elles sont liées au dimension-
l’arme secrète qui devait leur permettre l’accès du marché auto- nement des véhicules et cela est particulièrement net quand on
mobile. Cette qualité semble d'autant plus recherchée qu'on étudie le passage d'un véhicule au véhicule remplaçant au même
assiste, en effet, à une évolution des masses des véhicules dans le niveau de gamme pour un même constructeur (figure 2).
sens d'un accroissement. Il y a, bien entendu, une part de vrai dans
En fait, les augmentations de masse se décomposent en deux
cette approche, mais le problème est en fait beaucoup plus
parties. La première est due aux améliorations apportées au
complexe.
véhicule. La seconde est une part induite par la première. Le fait
d'alourdir le véhicule oblige en effet à augmenter la taille des
1.1.1 Évolution de la masse des véhicules pneumatiques, à concevoir une suspension plus largement dimen-
sionnée donc plus lourde, un système de freinage plus performant
L'augmentation de masse des véhicules est continue depuis déjà et même à modifier la structure pour supporter la masse supplé-
fort longtemps (figure 1). mentaire ainsi créée. Toutes ces modifications alourdissent à leur
Selon les efforts qui seront consentis pour limiter l'accrois- tour le véhicule, induisant un cycle vicieux.
sement des masses, Mavel prévoit une évolution conduisant Les améliorations apportées aux véhicules sont d'une part liées
en 2010 à une moyenne des masses comprise entre 1 400 et aux contraintes réglementaires plus exigeantes, d'autre part
1 450 kg. correspondent à des demandes des consommateurs. On peut citer

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YR
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___________________________________________________________________________________________________________ PLASTIQUES ET AUTOMOBILE

1.1.2 Consommation et pollution


807 20,38
6 Parmi les objectifs et sous la double pression de l'augmentation
806 18,9
18,93
8,933
du prix des carburants et de l'accroissement des exigences
407 coupé 1
18,31
8,31
8,31 environnementales, les constructeurs sont amenés à porter leurs
5
406 coupé 16,95 principaux efforts sur la diminution de la consommation et la lutte
407 1
17,82
7,8
,82
2 contre les émissions polluantes des véhicules. Mais il faut garder
4
406 1
17,06
7,0
,06
6 à l'esprit que l'allègement, qui irait bien sûr dans le bon sens, est
loin d'être le seul levier possible.
C4 16,36
3
Xsara 15,47 Le rendement d'un véhicule automobile est très faible si l'on
considère la part de l'énergie chimique, fournie sous forme de
207 15,29
2
206 14,2
carburant, qui est récupérée au niveau des roues pour le dépla-
cement. Il y a donc là un potentiel d'amélioration considérable. On
1
A31 14,84 cherche à diminuer les frottements à tous les niveaux du moteur et
Saxo 13,32 de la transmission et à améliorer la combustion du carburant.
Nota : on se rappellera utilement qu’un bon gonflage des pneus permet de faire des
0 5 10 15 20 25
économies non négligeables sur la consommation.
S p (m2)
Lors d'un déplacement à vitesse constante sur une route plane,
Véhicule de remplacement la masse du véhicule n'intervient que très peu en augmentant
Véhicule remplacé peut-être légèrement les frottements, mais en revanche l’aéro-
dynamisme du véhicule joue un grand rôle. L'efficacité d'une
Les dimensions des véhicules sont en augmentation, ce qui est amélioration du coefficient de traînée aérodynamique Cx sur la


un des principaux facteurs de l’augmentation de masse.
baisse de la consommation peut même être suffisamment
Sp = L × " + L × h + " × h importante pour justifier un alourdissement du véhicule.
Nota : on estime qu’à haute vitesse, un gain de 0,1 sur C x permet de gagner jusqu’à
avec Sp la surface projetée, 1,5 L/100 km sur la consommation.
L la longueur du véhicule, En dehors du design de la carrosserie dont chacun comprend
" sa largeur, l'importance, l'effort porte tout particulièrement sur le dessous du
h sa hauteur. véhicule, la circulation de l'air à l'intérieur du véhicule, les rétro-
viseurs, le becquet arrière. Entre les années 1970 et 2000, on est
Figure 2 – Augmentation de la surface projetée en passant passé de C x compris entre 0,40 et 0,45 à des C x de l'ordre de 0,30
d’un véhicule à son remplaçant dans la gamme (d’après [14]) à 0,35. Descendre plus bas entraîne cependant de grosses dif-
ficultés de conception du véhicule avec un impact sur l'habitabilité.
Parmi les pollutions, l'émission inévitable de gaz carbonique
(dioxyde de carbone CO2) est directement liée à la consommation
du véhicule. Les autres pollutions dépendent du réglage optimal
Acoustique 4 %
du moteur, de la filtration des particules, dont malheureusement
Autres prestations 15 % encore peu de véhicules sont équipés, et de l'existence et de
Chocs 40 %
l'efficacité des pots catalytiques.
Équipements 5 %
L'allègement, lui aussi, provoque une diminution des consom-
mations, mais il n'est pas certain que ce soit l'action la plus efficace.
Dimensions 25 % En 1985, Lanfranchini, acteur majeur du développement de l'emploi
des plastiques et composites chez PSA, déclarait : « ...dans l'objectif
Style 11 % de la réduction des consommations de carburant, l'allègement cor-
respond au « rendement » le plus faible des trois types d'actions
précitées. Examinés en gain direct, 10 % de gain de poids donnent
Figure 3 – Répartition des causes d’augmentation de la masse
un gain d'environ 2 % sur le carburant, le même gain en roulement
en passant de la Peugeot 206 à la Peugeot 207 (d’après [14])
correspond à 3 % et en aérodynamique à 5 % minimum... » [15].
Nota : les trois types d’action sont : réduction des résistances à l’avancement, opti-
misation du groupe motopropulseur et réduction des masses.
l'augmentation de l'espace intérieur destiné à améliorer le confort Un rapport récent de l'office parlementaire d'évaluation des
d'usage du véhicule, la sécurité passive (absorbeurs, ceintures, Air choix scientifiques et technologiques [16], en s'appuyant sur une
Bag par exemple), et en cas de choc piéton, la généralisation de la expertise de l’Institut français du pétrole (IFP), classe lui aussi
climatisation, l’accroissement de l'aérodynamisme du véhicule, les l'allègement en second après l'amélioration du rendement du
aides à la stabilisation des véhicules sur leur trajectoire (ABS, moteur et en concurrence étroite avec la diminution des frot-
systèmes de pilotage...), l'amélioration de l'acoustique, la tements dans le moteur et l'augmentation du couple spécifique.
dépollution [14].
Il nous faut remarquer que les solutions contribuant à la dimi-
Seule une faible part de l'accroissement de masse correspond à nution des consommations et de la pollution ont tendance à générer
une politique délibérée des constructeurs dont la liberté d'action une augmentation du prix du véhicule. Comme bon nombre d'entre
est donc plutôt faible, ce qui explique que l'on observe grosso elles permettent également une économie de carburant tout au long
modo les mêmes évolutions partout (figure 3). de la vie du véhicule, le surcoût acceptable peut en principe être
L'augmentation des masses entraîne un certain nombre d'effets facilement calculé. Il devrait même être sous-estimé si l’on prévoit
pervers parmi lesquels on peut citer l'accroissement de la que les prix du pétrole risquent encore d'augmenter. Pourtant,
consommation de carburant et des pollutions, de l'énergie à jusqu'à présent, les consommateurs individuels ont été beaucoup
absorber en cas de choc frontal, du prix du véhicule. Il est donc plus sensibles au prix d'achat qu'aux économies réalisables au
tout à fait compréhensible que les constructeurs s'efforcent, sinon cours de la vie du véhicule. On peut penser qu'une meilleure infor-
de supprimer totalement l'augmentation des masses, du moins de mation et la pression exercée par l'augmentation du prix des
la maîtriser au mieux et se demandent quelles stratégies peuvent carburants permettront une évolution des mentalités qui pèsera sur
être mises en œuvre à cet effet. les décisions d'achat. (0)

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Collage des composites : constructions


aérospatiale, automobile et ferroviaire

par Philippe COGNARD


Ingénieur de l’École supérieure de physique et chimie de Paris
Expert près les tribunaux,
Ancien Directeur commercial à la société Bostik Findley

1. Construction aérospatiale ..................................................................... AM 5 221 - 2


1.1. Exigences et problèmes principaux ........................................................... — 2
1.2. Techniques d’assemblages ......................................................................... — 2
1.3. Types d’adhésifs utilisés ............................................................................. — 4
1.4. Pièces composites collées dans un avion moderne .................................
1.4.1 Panneaux-sandwichs ..........................................................................
1.4.2 Autres pièces.......................................................................................



4
5
7

1.5. Produits de renfort, de remplissage, de calage et d’étanchéité............... — 9
1.6. Astronautique et armement........................................................................ — 10
1.7. Réparation des composites ........................................................................ — 10
2. Construction automobile....................................................................... — 11
2.1 Exigences et problèmes principaux ........................................................... — 11
2.2 Techniques de collage utilisées .................................................................. — 11
2.3 Principales applications .............................................................................. — 11
2.4 Autres moyens de transport routier (autobus, tramways, caravanes).... — 13
3. Construction ferroviaire ........................................................................ — 14
Références bibliographiques ......................................................................... —
16

e secteur aéronautique fait office de pionnier dans l’utilisation de


L composites à hautes performances (à base de fibres de carbone, kevlar et
verre) assemblés assez souvent par collage, avec des hautes performances et
ceci depuis plusieurs dizaines d’années. Cette méthode d’assemblage a en effet
été mise à profit et développée en raison de son efficacité, de la solidité des
assemblages et de l’allégement des structures qu’elle procure. Ainsi, le secteur
aéronautique est à l’origine de nombreuses innovations que ce soit pour la for-
mulation de nouveaux adhésifs, le développement de procédés de mise en
œuvre, de méthodes de tests des assemblages collés ou de matériaux de
construction (nids d’abeilles).
L’utilisation de matériaux composites dans la construction aéronautique a
débuté vers 1970. Depuis, la proportion de pièces composites a rapidement
progressé, en nombre et en importance, d’abord sur les avions militaires, puis
sur les avions civils à partir du début des années 1980.
Le secteur aéronautique reste novateur dans ce domaine et doit être
considéré comme une source de transferts de technologies vers les autres sec-
teurs industriels, notamment l’automobile, la construction navale, l’armement,
la mécanique.
Dans le secteur automobile, également, le nombre de pièces en matériaux
composites s’est fortement accru depuis 1980.
L’une des toutes premières utilisations massives de pièces composites dans
l’automobile en Europe a été la Renault Espace en 1984, dans laquelle tous les
panneaux de carrosserie étaient en matériaux composites — polyester renforcé
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COLLAGE DES COM POSITES : CON STRUCTION S AÉROSPATIALE, AUTOM OB ILE ET FERROVIAIRE _______________________________________________________

de fibres de verre, — soit moulé par compression, soit injecté — qui étaient
collés ou boulonnés avec des inserts, sur une caisse squelette métallique.
Les pare-chocs anciens en métal ont été remplacés à partir de 1972 par des
boucliers en SMC (Sheet Moulding Compound), comme sur la Renault R 5, et
ces boucliers et pare-chocs en composite ont ensuite évolué vers des pièces
composites en deux parties avec renforts assemblées par collage.
L’utilisation de pièces en plastiques et en composites entraîne la nécessité
d’assembler soit par collage, soit par des inserts métalliques noyés dans la
résine et qui permettent ensuite d’assembler par vis et boulons.
L’utilisation de plastiques et composites augmente aussi dans le secteur des
transports ferroviaires, principalement dans le métro, ce qui implique le
recours au collage des composites dans ces secteurs également.

Le lecteur pourra se reporter utilement à l’article [AM 5 220] Collage des composites. Carac-
téristiques et choix des adhésifs et [Doc. AM 5 220] dans lequel il trouvera des informations
techniques, des listes de fournisseurs d’adhésifs, de matériels, de services, des normes ainsi
que des sources d’informations (sites Internet, organismes de normalisation ou centres de
compétences).


1. Construction aérospatiale ■ Rigidité des pièces
La rigidité des pièces est une des exigences auxquelles répond
favorablement le collage, par exemple pour les surfaces de
contrôle de vol.
1.1 Exigences et problèmes principaux
■ Allégement de la structure
■ Fiabilité et durabilité des collages C’est une préoccupation constante en aéronautique : les maté-
Dans le secteur aéronautique, les adhésifs époxydes, qui sont riaux composites présentent des performances mécaniques égales
utilisés industriellement depuis 50 ans, assurent fiabilité et durabi- à celles de métaux pour une densité bien plus faible. Le collage, en
lité des collages, des performances chiffrées et bien connues permettant de réaliser des structures sandwichs collées, a permis
depuis quelques dizaines d’années. un allégement.
Le seul problème qui subsiste est, comme du reste avec d’autres L’avenir est donc aux composites et au collage, très utilisés dans
types d’adhésifs et avec les composites eux-mêmes, la tenue à les applications militaires (figure 1) et qui commencent à être lar-
l’eau et à l’humidité, qui peuvent migrer lentement dans le joint de gement utilisés dans les applications civiles telles que l’Airbus
colle ou dans le composite et venir provoquer des délaminations, A 380. Sur les avions militaires, les pièces en composites (collées
au bout de 10 ou 20 ans, ce qui nécessite un contrôle périodique. ou non) sont plus nombreuses que sur les avions civils, et les
composites sont utilisés pour des structures travaillantes ou pour
■ Résistance à la fatigue
des structures primaires.
La résistance à la fatigue est excellente, tant pour les composites
que pour les adhésifs. Rappelons que les adhésifs structuraux ■ Contrôles des pièces
(époxydes en particulier) offrent une résistance à la fatigue meilleure Les contrôles non destructifs des collages sont toujours délicats
que celle de certains assemblages mécaniques (cf. [AM 5 220] [6]). et font appel à des techniques très sophistiquées :
La résistance à la fatigue est particulièrement importante pour — les manques d’adhésif, dus soit à une mauvaise application,
les pales d’hélicoptères, les surfaces de commandes de vol (volets, soit à un déplacement relatif des pièces, peuvent être détectés par
aérofreins) surtout dans les applications militaires où les appareils interférométrie holographique, par rayonnement infrarouge ou par
sont soumis à des manœuvres brutales et à des accélérations résonance sonique ;
(nombre de g ) très importantes. — les défauts de polymérisation ou une mauvaise adhérence
L’intérêt d’assembler les composites par collage réside dans le peuvent être détectés par émission acoustique en comparant les
fait que les composites sont sensibles aux trous : le fait de percer collages à tester à une pièce parfaitement collée, mais il s’agit ici
des trous (pour assembler par rivets ou boulons) provoque une encore d’une technique difficile à mettre en œuvre.
chute de résistance importante (voir [AM 5 645] [9]). De plus, on procède à des contrôles destructifs sur des éprou-
■ Tenue à la chaleur vettes suiveuses (qui ont suivi le même processus de fabrication
que les pièces principales).
La surface des avions supersoniques militaires peut atteindre une
température de 250 oC par le frottement de l’air, et les capotages de
moteurs sont aussi soumis à des températures élevées. Or les adhé-
sifs époxydes ne résistent en continu qu’à 100 à 250 oC selon les 1.2 Techniques d’assemblage
formules (cf. [AM 5 220]). Pour obtenir des résistances aux tempéra-
tures élevées, on doit employer des adhésifs thermostables : poly- La figure 2 montre les différentes techniques de fabrication utili-
imides, bismaléimides, phénoliques et époxy-phénoliques. Ces sées sur les avions :
différentes familles d’adhésifs résistent à des températures de 250 à — pour les pièces monolithiques (figure 2a), toute la pièce en
400 oC selon les familles et les formulations (cf. [AM 5 220]). composite est réalisée en une seule opération et l’assemblage des

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Bout de dérive en préimprégné


époxyde-quartz sur nida

Karmans ou carénages en
préimprégné carbone-époxyde
sur nida composite

Bords d'attaque (diverses possibilités) :


- titane collé sur composite Gouvernail de direction
- préimprégné carbone-époxyde en (diverses possibilités) :
collés sur nida Hexweb® - sandwich traversant peau
carbone-époxyde ou kevlar-
Radome en sandwich : époxyde, nida Nomex®
peau époxyde ou BMI/verre ou Hexweb®
sur nida composite - pièce monolithique non
(la plus ancienne utilisation collée (attaches métalliques
dès 1960) collées ou insérées dans
Aileron canard en peau le composite)
carbone-époxyde et âme
en nida : Dérive de gouvernail en
composite (non métallique) (plusieurs possibilités
assemblée par cocuisson dès 1975) :
- caisson monolithique


(carbone-époxyde …)
- sandwich

Assemblage aile sur fuselage Volets, ailerons et aérofreins


(par exemple dans le F18 embase en sandwich carbone-époxyde
en titane collée sur les peaux des ou kevlar et verre collés avec
ailes en composite carbone-époxyde adhésifs époxydes Redux® sur
dès 1980) nida aluminium ou composite

Panneaux de fuselage en Panneaux d'accès, trappes en Ailes (diverses possibilités) :


préimprégné carbone-époxyde sandwich réalisés par cocuisson, - caissons composites monolithiques
collé avec film époxyde Redux® peaux en composite, âme en nida (pas de collage)
sur nida composite Hexweb® - raidisseurs divers collés sur les peaux
en composite
- surface en sandwich (dès 1970)

Figure 1 – Pièces en composites collées dans un avion de combat moderne (source : Hexcel Composites 2002)

revêtements composites est réalisé par boulonnage sur une sous- ■ Cocuisson
structure métallique ou composite. C’est le cas par exemple d’ailes La pièce est réalisée en une seule opération : la stratification et
ou de dérives qui incorporent les réservoirs de carburant. Il n’y a le durcissement des revêtements composites sont réalisés en
donc pas de collage ; même temps que leur collage, par exemple sur nids d’abeilles ou
— pour les pièces complexes (figure 2b), le collage et la sur les fixations métalliques ou sur les renforts (métalliques ou
cocuisson (cf. [AM 5 220]) sont utilisés. composites).
Cette technique rapide est utilisée pour des pièces secondaires
■ Collage (portes, trappes, carénages). Le contrôle final de la pièce ne peut
être que global, donc certains défauts peuvent ne pas être détec-
Dans le cas des caissons collés, on assemble les différentes piè- tés. Nous verrons au paragraphe 1.4.2 l’exemple de la fabrication
ces élémentaires, elles-mêmes composites ou métalliques, par col- des aérofreins de l’avion de combat F 15 américain.
lage sur une sous-structure qui peut être soit composite soit en
métal de faible coefficient de dilatation comme le titane pour ■ Selon que les pièces sont monolithiques, collées ou cocuites, les
réduire les tensions dans les plans de collage lors de fortes varia- conditions de polymérisation seront de 180 à 120 oC sous des pres-
tions de température (sur avions militaires et supersoniques ainsi sions de 1 à 7 bar, dans le cas des adhésifs époxydes.
que dans l’aérospatiale). La cuisson des pièces et des adhésifs est toujours réalisée dans
des autoclaves de grandes dimensions (figure 3) qui permettent de
Exemple : gouvernail du Mirage 2000 les porter à des températures de 100 à 300 oC (ces températures éle-
Le revêtement est en hybride bore/carbone-époxyde afin d’obtenir vées étant nécessaires pour le durcissement des polyimides et bis-
une très grande rigidité du caisson de torsion. Le collage est réalisé maléimides), sous des pressions de 1 à 15 bar, avec des montées en
avec un adhésif époxyde en film, à haut module. température programmables, conformément aux instructions des

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fabricants d’adhésifs, afin d’éviter les trop fortes différences de


dilatations thermiques, et de réaliser convenablement les diverses
étapes de la polymérisation ou « condensation ».

Revêtements monolithiques, Longerons 1.3 Types d’adhésifs utilisés


tôles minces
(éventuellement doublées par collage) Les matrices les plus fréquemment utilisées étant les résines
époxydes, les adhésifs les plus compatibles et les plus utilisés sont
aussi les époxydes. Ils sont utilisés depuis 50 ans en aéronautique.
Les tableaux D et E de la documentation [Doc. AM 5 220]
fournissent les caractéristiques des deux gammes d’adhésifs les
plus utilisées au monde pour le collage des composites en
Carène intégrale Panneaux autoraidis
(réalisée par moulage intégral) (réalisés par moulage intégral) aéronautique : ceux de la société Loctite Aerospace (marque
Hysol), et ceux de la société Hexcel (qui a repris les adhésifs en
films Redux de la société Ciba). Les Redux étaient, à l’origine, uni-
quement à base de phénolique + formol polyvinylique. Certains
adhésifs en pâte de la société Ciba sont maintenant commerciali-
sés sous le nouveau nom de Ciba à savoir Huntsman Chemicals.
Les adhésifs pour l’aéronautique sont normalisés depuis
quarante ans de façon très sérieuse. Le lecteur peut trouver en
Longerons sinus


(réalisés par moulage intégral) [Doc. AM 5 220] les normes, américaines principalement, mais
aussi européennes, concernant ces adhésifs, ainsi que des normes
a pièces monolithiques concernant le collage structural des métaux et des matériaux
composites.
Dans la pratique, on utilise des normes aéronautiques ASTM ou
militaires (série MIL spécifications) ainsi que des spécifications
constructeurs (Boeing, Airbus) concernant le collage des métaux.

Caissons sandwichs
cocuits (porte)
Caissons sandwichs
nid d'abeilles collés (aileron)
1.4 Pièces composites collées
dans un avion moderne
b caissons composites
Les figures 1 et 4 montrent les pièces composites qui peuvent être
Figure 2 – Techniques de fabrication utilisées sur les avions collées ou cocuites dans un avion militaire et dans un avion de trans-
(source : Avions Dassault) port civil. Nous allons étudier celles qui sont réalisées par collage.

Moteur du ventilateur de circulation d'air.


La vitesse du ventilateur et
la température sont contrôlées en continu Porte de l'autoclave
Système de Système de chargement et
refroidissement de manutention des pièces
Isolation

Options de chauffage :
- soit par tubes radiants à gaz
avec ventilation de l'air
- soit par chauffage électrique
Système de pressurisation
jusqu'à 30 bar par air haute pression

Circulation d'air interne :


l'air chaud circule afin d'obtenir une température Figure 3 – Autoclave pour le durcissement
identique et précisément contrôlée en tous les points à chaud des adhésifs et des composites
de l'autoclave
(source : Aeroform)

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