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Semestre 6 – Année Universitaire 2020-2021

Matière : Théorie des organisations

Analyse structurée du sujet :

" Apprentissage organisationnel vs organisation apprenante".

Rédigé par : RHOUNI Ismail


Encadré par : Mr. TAGHZOUTI Abdellatif
PLAN :
Introduction ........................................................................................... 3

I. L’ontologie de l’organisation .......................................................... 3

A. Le réalisme critique ...................................................................... 3

B. Modes de réalité............................................................................ 4

1. Matériellement réel .................................................................... 5

2. Idéalement réel ........................................................................... 5

3. Artefactuellement réel ............................................................... 5

4. Socialement réel ........................................................................ 5

II. Organisation apprenante vs apprentissage organisationnel ....... 6

A. Organisation apprenante, dans quel sens ? ............................... 6

B. Apprentissage organisationnel ................................................... 7

C. Organisation apprenante ET apprentissage organisationnel .... 8

Conclusion ............................................................................................ 9

Bibliographie ....................................................................................... 10
Introduction
Les études d’organisation ont récemment été saisies par un virage culturel,
linguistique, post structurel ou postmoderne, dont l’impulsion est venue du
virage ontologique d’une ontologie réaliste à une ontologie socialement
construite. Ce changement a permis d’ouvrir le débat autour du concept de
l’organisation, dont on discute deux hypothèses : apprentissage organisationnel
ou plutôt organisation apprenante. Dans ce travail, je vais essayer d’analyser les
deux hypothèses d’une manière structurelle, afin d’arriver à une conclusion
cohérente et qui tend à correspondre à la réalité.

Pour les objectifs de cet essai, je commence par définir le terme « organisation »
sur lequel se base ma réflexion.

Une organisation est en sciences sociales un groupe social formé d'individus en


interaction, ayant un but collectif, mais dont les préférences, les informations,
les intérêts et les connaissances peuvent diverger. (Simon & March, 1999)

I. L’ontologie de l’organisation
Historiquement, les sciences sociales, cherchant à se baser sur des enquêtes
empiriques, ont prêté attention à l’épistémologie au détriment de l’ontologie,
c’est-à-dire que la sociologie s’est concentrée sur la façon dont nous savons ce
que nous savons, alors que les questions sur la nature de ce que nous savons
étaient largement traitées comme une pensée après coup. Le résultat a été une
forte concentration sur les méthodes et les formes d’explication, avec une
négligence des questions sur la nature d’entités qui existent réellement dans le
monde social. Compte tenu de ce qui précède, il serait important, voire
nécessaire de définir mon positionnement ontologique qui va me permettre
d’aborder le sujet et de l’analyser d’une manière profonde et nuancée.

A. Le réalisme critique
Le réalisme critique est une série de positions philosophiques sur un éventail
de sujets, y compris l’ontologie, la causalité, la structure, les personnes et les
formes d’explication, développé par Roy Bhaskar dans les années 1970. Il se
positionne à la fois contre le positivisme et contre les approches postmodernes.

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Au cours des années 1980, cette approche est de plus en plus mobilisée dans les
sciences sociales, notamment dans les sciences de l’organisation.
Les réalistes critiques affirment qu’une entité peut (ce qui ne signifie pas qu’elle
existe) exister indépendamment de notre identification de celle-ci. Dire qu’une
entité peut exister indépendamment de son identification implique qu’elle peut
exister sans que quelqu’un l’observe, la connaisse et la construise.
Contrairement à diverses formes de réalisme naïf ou empirique, les réalistes
critiques acceptent qu’il n’y ait pas de neutre observation, description,
interprétation, théorisation, explication ou quoi que ce soit, autrement dit,
l’accès au monde est toujours médiatisé1. Chaque fois que nous réfléchissons à
une entité (ou à un état des choses), nos données sensorielles sont toujours
transmises par un ensemble préexistant de ressources conceptuelles (qui
comprennent souvent des ressources discursives), que nous utilisons pour
interpréter et comprendre ce qu’il est et de prendre les mesures appropriées.
Dans La Logique de la découverte scientifique (1934), Karl Popper affirme que le
propre d'une théorie scientifique est son caractère réfutable ou «falsifiable»
(Popper, 1934)

B. Modes de réalité
Pour les réalistes critiques, on dit qu’une entité est réelle si elle a une efficacité
causale, a un effet sur le comportement, fait une différence. La confusion
découle souvent du (mauvais) traitement d’entités réelles synonymes d’entités
matérielles, et/ou du (mauvais) traitement d’entités non-matérielles synonymes
d’entités irréelles. Bien que beaucoup de choses soient réelles, elles le sont de
différentes façons ou de différents modes. La confusion découle souvent du fait
de ne pas reconnaître ou de ne pas spécifier ces différents modes. Il est possible
d’identifier (au moins) quatre modes de réalité différents pour différencier les
entités : matériel, idéal, artefactuel et social. Les entités peuvent passer d’un
mode à l’autre, en fonction du contexte. Ma catégorisation vise à les clarifier le
mieux possible, et à nous aider à placer les entités, y compris l’organisation, dans
leurs catégories ontologiques appropriées.

1
*Médiatiser : Rendre médiat, constituer un intermédiaire.

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1. Matériellement réel

Il s’agit d’entités matérielles comme les océans, la lune et les montagnes, etc.
qui existent indépendamment de ce que les individus ou les communautés font,
disent ou pensent, elles continueraient d’exister même si les humains
disparaissaient.

2. Idéalement réel

Il s’agit d’entités conceptuelles comme le discours, le langage, les genres, les


styles, les signes, les symboles, les idées, les croyances, les significations, les
interprétations, les explications, les opinions, les concepts, les représentations,
les modèles, les théories, etc. Par souci de brièveté, je fais référence à ces entités
comme discours ou entités discursives. Elles sont réelles parce que, comme
indiqué ci-dessus, ils ont une efficacité causale, ont un effet sur le comportement
et font une différence.

L’organisation peut être idéalement réelle lorsqu’elle est contextualisée comme


entité uniquement discursive ; concept, théorie, etc. sans l’intervention d’un
élément pratique de l’activité humaine.

3. Artefactuellement réel

Ça se réfère aux entités faites par les êtres humains, en particulier en vue d’une
utilisation ultérieure, comme les cosmétiques, les ordinateurs, etc. elles sont une
synthèse de la réalité physique, idéale et sociale, puisque ces entités font l’objet
d’une médiatisation conceptuelle, nous les interprétons de diverses façons, à
titre d'exemple, le couteau par exemple comme étant une entité artefactuelle
peut être interprétée comme un objet pour usage en cuisine comme elle peut
être interprétée comme une arme blanche.

4. Socialement réel

Ce terme désigne les pratiques, les états des affaires ou les entités comme le
chômage, le mécanisme du marché, les structures sociales en général ou en
particulier les structures sociales qui constituent les organisations. Les réalistes
critiques utilisent le terme « structures sociales » pour se référer à des
configurations de mécanismes causaux, de règles, de ressources, de relations, de

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pouvoirs, de positions et de pratiques (Fleetwood, 1995). Les entités socialement
réelles possèdent les propriétés suivantes :

 Comme les entités idéalement réelles, elles ne sont pas matérielles,


autrement dit, nous ne pouvons pas les toucher.
 Les entités sont sociales parce qu’elles dépendent des activités humaines
pour leur existence, mise à part l’activité de l’identification (C.-à-d.
observation, connaissance et construction).
(Fleetwood, 2005)
Afin d’illustrer ces propriétés, considérons, par exemple le racisme institutionnel
qui n’a été identifié que récemment, mais il existait évidemment avant son
identification. Projetons cela sur l'organisation ; elle n’a été identifiée comme
entité qu’avec l’émergence des sciences sociales qui s’intéressent aux théories
des organisations, mais elle existait dès la création de l’être humain.
En matière de conclusion, on peut dire que les réalistes critiques ont une
ontologie qui différencie entre plusieurs modes de réalité, ils ne sont pas
contraints à une situation dualiste/dichotomique où, si les entités ne sont pas
matériellement réelles, alors elles doivent être idéalement réelles, et ils ne
privilégient pas l’une des polarités pour que l’autre devienne l’absent,
subordonné, marginalisé. C’est pour cela qu’on peut qualifier l’organisation
comme entité réelle dont le mode de réalité dépend du contexte déployé.

II. Organisation apprenante vs apprentissage organisationnel :


Après avoir qualifié l’organisation comme entité réelle, on peut discuter si
cette dernière est apprenante, et si c’est le cas, est ce que ça voudrait dire qu’on
va par conséquence rejeter l’hypothèse de l’apprentissage organisationnel ?

A. Organisation apprenante, dans quel sens ?


Lorsque j’évoque le concept d’organisation apprenante, je fais référence à une
entité réelle capable de créer, acquérir et transférer de la connaissance, et de
modifier son comportement pour refléter de nouvelles connaissances. (A.Garvin,
1993)
Frédéric Leroy avance ce concept qu’il prête à Peter Senge (1990), et décrit
l’organisation apprenante comme une entité qui peut, comme un individu

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accumuler, perfectionner et capitaliser des compétences en apprenant de ses
succès et de ses échecs. C’est une organisation dont la structure et les
mécanismes internes de fonctionnement favorisent les apprentissages
collectifs au travail. (LEROY, 1998)
Cet apprentissage de l’organisation est utilisé dans un sens figuré du mot, dû à
l’attribution de caractéristiques du comportement humain, dans ce cas
(l'intelligence et la mémoire) facultés nécessaires pour apprendre, ce que l’on
appelle «l’anthropomorphisme»2. Cela, certes, ne veut pas dire que l’hypothèse
est à rejeter, c’était juste pour clarifier le sens du terme utilisé.
On peut parler d’une organisation apprenante, lorsque la contribution au savoir
devient un critère clé de toutes les activités de l’organisation. C’est œuvrer aux
capacités de développement de l’organisation elle-même (et plus seulement des
personnes), apprendre de l’expérience et évoluer en prenant appui sur celle-ci.
On évoque même la valeur de l'apprenance3, comme étant un concept et une
attitude, qui va au-delà d'un outil managérial puisqu'il touche au cœur même de
la transformation parallèle des personnes et des organisations. L'idée est : « Je
me transforme moi-même pour transformer mon organisation ».

B. Apprentissage organisationnel :
On peut évoquer ce concept, on se basant sur différentes définitions qui ont
plus de similarités que de divergences, afin de me pouvoir être assez clair dans
mon raisonnement ;
 L’apprentissage organisationnel constitue une voie d’acquisition et
d’élaboration de compétences collectives et individuelles dans et par les
situations de travail. (Monique, 1995)
 L’apprentissage organisationnel favorise l’apprentissage de ses membres, a
vocation à capitaliser les apprentissages effectués par ces derniers et de se
les approprier au niveau organisationnel. C’est une organisation « qui n’en est
plus à penser que son développement peut se nourrir du simple

2
L'anthropomorphisme : l'attribution de caractéristiques du comportement ou de la morphologie humaine à
d'autres entités comme des dieux, des animaux, des objets, des phénomènes, des idées et voire à des êtres
d'un autre monde le cas échéant.
3
L’apprenance : ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives, favorables à l'acte
d'apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique,
autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite. (Carré, 2014)

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développement de l’expertise isolée de chacun de ses salariés. » (Laurent,
1996)
 L’apprentissage organisationnel est un processus par lequel les membres
d’une organisation détectent des « erreurs » et les corrigent en modifiant
leur théorie d’action. (Argyris & Schön., 2002)
 Processus social d'interactions produisant de nouvelles connaissances et de
nouveaux savoir-faire. (Ingham, 2015)
 Un phénomène collectif d'acquisition et d'élaboration de compétences qui,
plus ou moins profondément, plus ou moins durablement, modifie la gestion
des situations et les situations elles-mêmes. (Kœnig, 2006)
La pléthore de définitions concernant l’apprentissage organisationnel montre
que c’est une expression extrêmement polysémique. Après l’examination des
définitions ci-dessus, on peut remarquer un attachement de l’aspect humain à
l’apprentissage, en tant qu’individu/collectif ou membre de l’organisation.
Chose qui veut dire l’être humain est un acteur essentiel, voire nécessaire dans
le processus de l’apprentissage organisationnel.

C. Organisation apprenante ET apprentissage organisationnel :


Après avoir clarifié dans quel sens, on peut utiliser le concept de l’organisation
apprenante, la relation entre ce dernier et celui de l’apprentissage
organisationnel tel que défini ci-dessus, devient une relation d’interdépendance
comme j’essaye de la démontrer ci-dessous :
1- L’organisation apprenante dépend de l’apprentissage organisationnel du
fait que l'organisation en tant qu'entité ontologique ne possède pas les facultés
nécessaires (conscience, intelligence, volonté, etc.) pour apprendre
indépendamment des individus impliqués dans l’apprentissage organisationnel,
qui participent par :
 Leur qualité de raisonnement,
 Leur aptitude à la réflexion,
 L’apprentissage en équipe sous une vision partagée (ce qui donne
du sens à l’organisation à l’encontre d’un ensemble d'actions
individuelles détachées de sens).
2- L’apprentissage organisationnel est dépendant de l’existence d’une
organisation apprenante soit comme entité idéale ou sociale, vu qu’elle a un
effet clair sur le comportement, celui de l’apprenance ; une des valeurs de

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l’organisation, qui est encouragée et même exigée afin que les individus
puissent acquérir et développer leurs compétences, par contraste avec d’autres
types d’organisations qui ne considèrent pas l’organisation comme lieu
d’apprentissage, ne s’intéressent qu’au rendement des ouvriers et rejettent
même la possibilité d’apprenance puisqu’on n’a qu’une seule meilleure façon
de produire « the one best way». (L’organisation taylorienne)

Conclusion
Finalement, je présume que mon essai améliore la compréhension
académique de la notion de l’organisation d’un point de vue purement
ontologique, en s’adhérant au positionnement du réalisme critique, sans
négliger qu’il y en a d’autres positionnements ontologiques qui peuvent aboutir
à différentes conclusions. Compte tenu de ce qui précède, l’essai présente une
antithèse à la dichotomie entre le concept de l’organisation apprenante et celui
de l’apprentissage organisationnel, en démontrant une relation
interdépendante entre les deux. En définitive, ils seraient le prolongement l’un
de l’autre.

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Bibliographie :
A.Garvin, D. (1993). "Building a Learning Organization", Harvard Business Review Magazine. Récupéré
sur https://hbr.org/1993/07/building-a-learning-organization

Argyris, C., & Schön., D. A. (2002). Apprentissage organisationnel: théorie, méthode, pratique. Paris;
Bruxelles: De Boeck Université.

Carré, P. (2014). L'Apprenance: une autre culture de la formation », Cours de P.Carré à l'université
Paris Ouest Nanterres.

Fleetwood, S. (1995). Hayek’s Political Economy: The Socio-Economics of Order: London, Routledge.

Fleetwood, S. (2005). Ontology in Organization and Management Studies: A Critical Realist


Perspective. Récupéré sur researchgate:
https://www.researchgate.net/publication/238334644_Ontology_in_Organization_and_Man
agement_Studies_A_Critical_Realist_Perspective

Herbert A. Simon, J. G. ((1999)). Les organisations 2ème édition.

Ingham, M. (2015). L'apprentissage organisationnel dans les coopérations. Récupéré sur


researchgate:
https://www.researchgate.net/publication/299409042_L'apprentissage_organisationnel_da
ns_les_cooperations

Kœnig, G. (2006). L’apprentissage organisationnel : repérage des lieux.

Laurent, C. (1996). L’organisation apprenante.

Le réalisme critique. (2013). Récupéré sur https://wp.unil.ch/bases/2013/08/realisme-critique/

LEROY, F. (1998). Apprentissage organisationnel et stratégie.

Monique, C. (1995). Thèse de Doctorat « L’organisation qualifiante : idéal type et conditions


d’émergence. Les enseignements d’une recherche dans l’aéronautique », p116.

Organisation apprenante et apprentissage organisationnel. (2004). Récupéré sur http://theses.univ-


lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.fernagu_s&part=186769#Noteftn109

Popper, K. (1934). La Logique de la découverte scientifique.

Simon, H. A., & March, J. G. (1999). Les organisations 2ème édition.

what is critical realism ? (2016). Récupéré sur http://www.asatheory.org/current-newsletter-


online/what-is-critical-realism

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