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Cancer de l’enfant
Particularités épidémiologiques, diagnostiques
et thérapeutiques
D r Daniel Orbach 1, P r Pascal Chastagner 2, Pr François Doz 1
1. Département de pédiatrie, institut Curie, 75231 Paris Cedex 05.
2. CHU Enfant de Brabois, 54000 Nancy.
daniel.orbach@curie.net
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Objectifs
• Expliquer les particularités épidémiologiques, diagnostiques
PARTICULARITÉS et thérapeutiques des principaux cancers de l’enfant.
ÉPIDÉMIOLOGIQUES
Les pathologies malignes de l’enfant sont des
maladies rares : les cancers survenant avant l’âge de 15 ans l’enfant sont des leucémies ou des lymphomes, 60 % sont des
représentent environ 1 % de l’ensemble des cancers. Un enfant tumeurs solides. Parmi les tumeurs solides, les plus fréquentes
sur 500 en France est atteint de cancer avant l’âge de 15 ans. sont les tumeurs cérébrales (gliomes, médulloblastomes, épen-
Dans les pays industrialisés, les cancers représentent la première dymomes principalement).
cause de maladie mortelle chez l’enfant après l’âge de 1 an (et la Les tumeurs sont rarement malignes en période néonatale :
deuxième cause de mortalité chez l’enfant à cet âge, après les les cancers du premier mois de la vie représentent moins de 2 %
accidents). des cancers de l’enfant. Près de la moitié des cancers de l’enfant
Globalement, leur pronostic est bien meilleur que celui des surviennent avant l’âge de 5 ans : leucémies aiguës, tumeurs
cancers de l’adulte, puisque aujourd’hui 75 % des patients guéris- embryonnaires spécifiques de l’enfant (telles que neuroblastomes
sent. Ainsi, en l’an 2010, on peut prévoir qu’un adulte âgé de 20 à et néphroblastomes) et divers types de tumeurs cérébrales dont
40 ans sur 715 aura été traité dans l’enfance pour un cancer. les médulloblastomes. Après l’âge de 10 ans, les leucémies sont
La plupart des cancers de l’enfant ont une prédominance mas- nettement moins fréquentes, les tumeurs embryonnaires devien-
culine : sex-ratio 1,2. nent plus rares, et les tumeurs les plus fréquentes sont les tumeurs
Les types histologiques et/ou la fréquence des cancers de cérébrales, les tumeurs osseuses (ostéosarcome, tumeur d’Ewing)
l’enfant sont très distincts de ceux de l’adulte (figure) : les leu- et des tissus mous (rhabdomyosarcome principalement), les lym-
cémies sont les cancers les plus fréquents chez l’enfant alors phomes (dont le lymphome de Hodgkin) et les tumeurs germinales
que les carcinomes sont exceptionnels : 40 % des cancers de malignes (principalement gonadiques).

Figure Répartition des différents cancers chez l’enfant.

leucémies (29 %) ■■■■■ ■■■■■ tumeurs osseuses (5 %)


tumeurs cérébrales (19 %) ■■■■■ ■■■■■ tumeurs germinales malignes (4 %)
lymphomes (10 %) ■■■■■ ■■■■■ rétinoblastomes (4 %)
neuroblastomes (9 %) ■■■■■ ■■■■■ tumeurs du foie (2 %)
néphroblastomes (8 %) ■■■■■ ■■■■■ épithéliomas (2 %)
tumeurs des tissus mous (7 %) ■■■■■ ■■■■■ autres… (1 %)

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Cancer de l’enfant : particularités épidemiologiques, diagnostiques et thérapeutiques

La grande majorité ( 95 %) des cancers de l’enfant sont


sporadiques. Les facteurs environnementaux sont rarement PARTICULARITÉS DIAGNOSTIQUES
impliqués dans leur genèse. On peut citer toutefois :
— les irradiations à fortes doses, actuellement plutôt d’origine Signes d’appel
accidentelle que thérapeutique ou diagnostique ; Bien qu’il s’agisse de maladies rares, les cancers de l’enfant
— les virus, en particulier le virus EBV à l’origine de certaines doivent être reconnus précocement devant leurs signes d’appel,
formes de lymphomes de Burkitt et de carcinomes indifférenciés et ce d’autant qu’un diagnostic précoce peut être le garant non
du naso-pharynx, le virus VIH avec un risque de lymphome et de seulement d’un pronostic vital plus favorable mais également de
léiomyosarcome, et le virus de l’hépatite B avec un risque traitements locaux moins mutilants et donc de séquelles moindres.
d’hépatocarcinome à l’âge adulte. En dehors des maladies comportant une atteinte de la moelle
Une faible proportion des cancers de l’enfant survient dans osseuse (leucémie, neuroblastome métastatique) qui s’accompagnent
le cas de syndromes de prédisposition génétique connus : de signes généraux, les symptômes sont souvent d’apparition et
— le mieux identifié correspond aux formes héréditaires du rétino- d’évolution rapide alors que l’enfant conserve un bon état général.
blastome (toutes les formes bilatérales du rétinoblastome et Les symptômes sont souvent aspécifiques (tableau 1). Ils peuvent
certaines formes unilatérales). Ces patients ont également un être en rapport avec la découverte directe de la tumeur :
risque plus élevé que la population générale d’avoir un deuxième — masse abdominale, souvent de découverte fortuite et qui
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cancer (anomalie constitutionnelle du gène RB1 situé en 13q14) ; peut être localisée en intra- ou rétropéritonéale (neuroblastome,
— le syndrome de Li-Fraumeni (mutation constitutionnelle en néphroblastome, lymphome de Burkitt, tumeurs germinales
région 17p13 responsable d’une anomalie de la protéine p53 malignes principalement) ;
intervenant dans la régulation du cycle cellulaire) exposant à un — tuméfaction en regard d’un os ou des tissus mous au niveau
risque accru chez l’enfant de tumeurs de tissus mous, des os, de des membres ou des parois du tronc en cas de tumeurs osseuses
lymphomes ou de tumeurs du système nerveux central ; ou des parties molles (sarcomes des parties molles, ostéosarcome,
— le syndrome de Beckwith-Wiedemann (mutation constitution- tumeur d’Ewing) ;
nelle en 11p15) exposant à un risque accru de néphroblastome et — masses ganglionnaires persistantes avec des adénopathies
d’hépatoblastome ; « froides » sans inflammation, douleur, ni foyer infectieux loco-
— la trisomie 21, associée à un risque élevé de leucémie ; régional (leucémies, lymphomes principalement) ;
— les neurofibromatoses de type 1 et 2 s’accompagnant princi- — masse péri- ou intraorificielle (bouche, narines, conduit auditif,
palement de tumeurs bénignes ou malignes du système nerveux ; vagin, anus) ou saignement orificiel (rhabdomyosarcome princi-
— d’autres syndromes génétiques de prédisposition existent mais palement) ;
sont encore plus rares. — augmentation du volume scrotal (rhabdomyosarcome, tumeur
germinale maligne) ;
— reflet blanc pupillaire (« leucocorie ») imposant la réalisation
d’un fond d’œil (rétinoblastome).
QU’EST-CE QUI PEUT Les signes révélateurs peuvent également être indirects :
TOMBER À L’EXAMEN ? — hypertension intracrânienne du fait de la tumeur elle-même et/ou
de son association à une hydrocéphalie par gêne à la circulation
Voici une série de questions qui, à partir d’un du LCR : les signes peuvent en être atypiques ou insidieux (troubles
exemple de cas clinique, pourrait concerner l’item visuels, troubles du comportement, augmentation trop importante
« Cancer de l’enfant ». du périmètre crânien), et une imagerie cérébrale doit être effectuée
en cas de doute ;
Cas clinique — signes neurologiques déficitaires dont la nature dépend du
Vous prenez en charge un garçon de 3 ans dont la mère siège des lésions intracrâniennes ; les convulsions sont rarement
a découvert lors du bain une masse située au niveau de révélatrices de tumeurs cérébrales chez l’enfant ;
l’hypochondre gauche. Il est en bon état général. — dyspnée liée à la compression des voies respiratoires par une
쐃 Quelles sont les anomalies que vous recherchez à tumeur médiastinale (lymphome non hodgkinien principalement) ;
l’examen clinique ? — obstructions respiratoires hautes ou troubles de la déglutition
쐇 Quel est l’examen complémentaire radiologique le plus par une tumeur ORL ;
utile ? Qu’en attendez-vous ? — protrusion oculaire par une métastase (neuroblastome) ou une
쐋 Ayant permis d’affirmer l’origine rénale de la tumeur, tumeur primitive orbitaire (rhabdomyosarcome, gliome du nerf
quels examens complémentaires demandez-vous, et quel optique) ;
schéma thérapeutique proposez-vous ? — douleurs osseuses localisées persistantes devant entraîner des
radiographies standard étendues des zones douloureuses et
Éléments de réponse dans un prochain numéro ◗ une scintigraphie osseuse au technétium (ostéosarcome, tumeur
d’Ewing) ;

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Tableau 1 Orientations diagnostiques en fonction des signes cliniques d’appel
SIGNES D’APPEL CAUSES POSSIBLES SIGNES D’APPEL CAUSES POSSIBLES
TÊTE TROUBLES NEUROLOGIQUES
Hypertrophie amygdalienne ❚ lymphome malin non hodgkinien Paralysie des paires crâniennes ❚ gliome du tronc
unilatérale unilatérale ❚ méningite tumorale
Hypertrophie gingivale ❚ leucémie aiguë myéloblastique Trouble sphinctérien ❚ tumeurs malignes
Otorrhée chronique ❚ histiocystose langerhansienne mésenchymateuses
❚ rhabdomyosarcome ❚ tumeur germinale maligne
« Bosse sur le crâne » ❚ neuroblastome métastatique ❚ tumeur médullaire
❚ histiocystose langerhansienne Trouble du comportement ❚ tumeur cérébrale
Hématome péri-orbitaire ❚ neuroblastome métastatique du nourrisson
Augmentation du périmètre crânien ❚ tumeurs cérébrales
Perte de dents définitives ❚ histiocystose langerhansienne DOULEUR
Exophtalmie ❚ rhabdomyosarcome
❚ gliome des voies optiques Douleur des membres  5 ans ❚ neurobastome métastatique
❚ neuroblastome métastatique ❚ leucémie aiguë
❚ angiome Douleur des membres  5 ans ❚ tumeur osseuse
Douleurs abdominales ❚ neuroblastome
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❚ lymphangiome
Leucocorie , strabisme ❚ rétinoblastome ❚ hépatoblastome
❚ lymphome malin non hodgkinien
COU Douleurs axiales ❚ tumeur osseuse
❚ leucémie aiguë
Tuméfaction molle ❚ angiome SYNDROME « D’ALARME»
❚ lymphangiome
Tuméfaction dure ❚ maladie de Hodgkin « Pneumopathie récidivante » ❚ neuroblastome
❚ neuroblastome ou compression médullaire
❚ lymphome malin non hodgkinien Syndrome opsomyoclonique ❚ neuroblastome
Adénopathie hors contexte ❚ leucémie aiguë Puberté précoce ❚ tumeur diencéphalique
infectieux locorégional ❚ lymphome ❚ tumeur gonade
❚ neuroblastome ❚ corticosurrénalome
❚ rhabdomyosarcome Céphalées + vomissements ❚ tumeur cérébrale
Torticolis ❚ tumeur cérébrale Fièvre persistante isolée ❚ leucémie aiguë
❚ tumeur métastatique
TRONC + prurit ❚ maladie de Hodgkin
Syndrome hémorragique
Syndrome cave supérieur ❚ lymphome T médiastinal ➙ diffus ❚ leucémie aiguë promyélocytaire
Tuméfaction ❚ tumeurs malignes mésenchymateuses ➙ vaginal ❚ rhabdomyosarcome
❚ tumeur osseuse ❚ tumeur germinale maligne
Pleurésie ❚ lymphome T Ralentissement croissance ❚ craniopharyngiome
❚ sarcome staturale, troubles visuels ❚ gliome des voies optiques
❚ tumeur germinale maligne
ABDOMEN intracrânienne
Voussure DIVERS
➙ latéralisée, fixée ❚ néphroblastome
➙ latéralisée ou centrale ❚ neuroblastome Polype
❚ tumeur germinale maligne ovaire ➙ oreille, narine ❚ rhabdomyosarcome
➙ avec abdomen distendu, ❚ lymphome malin non hodgkinien ➙ vagin ❚ rhabdomyosarcome
douloureux et ascite ❚ tumeur germinale maligne
➙ du flanc droit ❚ hépatoblastome Anomalie cutanée
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➙ nodule rouge ❚ leucémie
MEMBRES ➙ nodule bleu ❚ métastase de neuroblastome
➙ lésion nécrotique ❚ hémopathie
Tuméfaction sensible ❚ ostéosarcome Xanthogranulome ❚ leucémie aiguë myéloblastique
❚ tumeur d’Ewing Polyuropolydipsie ❚ histiocystose langerhansienne
❚ tumeurs malignes mésenchymateuses ❚ tumeur diencéphalique
❚ neuroblastome métastatique Perte poids + prurit ❚ maladie de Hodgkin
Diarrhée motrice ❚ neuroblastome de type lipome
PELVIS Purpura ❚ leucémie aiguë
Vomissements ❚ tumeur cérébrale
Tuméfaction inflammatoire ❚ tumeur d’Ewing ❚ tumeur abdominale
❚ tumeurs malignes Subocclusion ❚ tumeur pelvienne
mésenchymateuses ❚ lymphome malin non hodgkinien
Tuméfaction d’une bourse ❚ rhabdomyosarcome Boiterie ❚ tumeur osseuse
❚ tumeur germinale maligne ❚ neuroblastome métastatique
❚ leucémie aiguë myéloïde/lymphome ❚ leucémie aiguë

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Cancer de l’enfant : particularités épidemiologiques, diagnostiques et thérapeutiques

— douleurs osseuses diffuses devant faire rechercher une atteinte peut être également posé sur la convergence d’arguments cliniques,
de la moelle osseuse (leucémies, neuroblastome métastatique) ; radiologiques et de marqueurs biologiques dans les tumeurs sui-
— difficulté d’émission d’urines ou de selles devant faire recher- vantes : catécholamines urinaires dans les neuroblastomes (beau-
cher une tumeur abdomino-pelvienne par l’examen clinique coup plus fréquents chez l’enfant que les phéochromocytomes),
comprenant un toucher rectal, puis une échographie abdomino- alpha-fœtoprotéine et bêta-hCG dans les tumeurs germinales
pelvienne (tumeur germinale maligne, neuroblastome, rhabdo- malignes sécrétantes (respectivement tumeur du sac vitellin,
myosarcome). choriocarcinome ou les deux marqueurs dans les tumeurs mixtes)
et alpha-fœtoprotéine dans l’hépatoblastome.
Affirmation du diagnostic Dans le cas du neuroblastome, la convergence d’arguments
Les symptômes faisant évoquer un cancer imposent un examen cliniques, biologiques et scintigraphiques spécifiques (scintigraphie
clinique attentif et des examens complémentaires standard per- à la MIBG) peut aboutir à la confirmation du diagnostic.
mettant d’orienter le diagnostic. Dans tous les autres cas, le diagnostic doit être posé sur la
Rarement, le diagnostic peut être uniquement clinique : c’est convergence d’arguments cliniques, radiologiques et cyto-histo-
le cas en particulier du rétinoblastome, dont l’aspect au fond d’œil logiques, soit par analyse de la tumeur primitive, soit par celle
sous anesthésie générale est caractéristique, même si la décou- des métastases, le plus souvent alors au niveau de la moelle
verte de calcifications en échographie et au scanner permet de osseuse et/ou des adénopathies.
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le conforter. Dès la suspicion de tumeur maligne, les modalités et la chrono-


Le diagnostic peut être parfois posé sur une convergence logie des explorations ainsi que l’indication des abords de ponction
d’arguments cliniques et radiologiques : c’est souvent le cas du et/ou de biopsie tumorale doivent impérativement être entreprises
néphroblastome dont le traitement par chimiothérapie préopé- en collaboration avec un milieu spécialisé afin d’éviter des retards
ratoire peut être initié sans confirmation histologique si l’âge au au diagnostic, des erreurs d’interprétation ou des mesures qui
diagnostic (entre 6 mois et 5 ans), les tableaux clinique et radio- pourraient être préjudiciables à la prise en charge thérapeutique.
logique (masse abdominale rétropéritonéale et intrarénale) sont
typiques alors que la recherche des marqueurs des autres Urgences
tumeurs abdominales est négative (absence d’hypersécrétion de Les situations d’urgence sont rares en cancérologie pédia-
catécholamines urinaires). trique. Elles peuvent concerner :
Le diagnostic peut être clinique et biologique : dans la plupart — l’appareil respiratoire, avec une dyspnée rapidement asphyxiante
des leucémies de l’enfant, le diagnostic est établi par l’analyse en rapport avec un lymphome thoracique compressif ou une
de la NFS-plaquettes et de la ponction médullaire. Le diagnostic tumeur ORL ;

Tableau 2 Fréquence, facteurs pronostiques et traitements habituels des différentes


tumeurs cérébrales chez l’enfant
DIAGNOSTIC FRÉQUENCE FACTEURS DE BON PRONOSTIC TRAITEMENTS SURVIE À 5 ANS

Gliome de bas grade opérable 45 % ❚ exérèse complète ❚ chirurgie  90 %


Médulloblastome 15 % ❚ absence de métastases ❚ chirurgie
❚ exérèse complète ❚ chimiothérapie
❚ radiothérapie craniospinale  75 %
Gliome malin du tronc cérébral 15 % ❚ chirurgie récusée  5%
❚ radiothérapie palliative +
Craniopharyngiome 7% ❚ exérèse complète ❚ chirurgie ++ 80 %
❚ radiothérapie ++
Épendymome 7% ❚ exérèse complète ❚ chirurgie +++ 60 %
❚ radiothérapie ++
Gliome des voies optiques 5% ❚ âge  1 an ❚ surveillance  90 %
❚ NF1 ❚ chimiothérapie+++
❚ stabilisation sous chimiothérapie ❚ radiothérapie++
Gliomes de haut grade 3% ❚ exérèse complète ❚ chirurgie +++  20 %
hors du tronc cérébral ❚ radiothérapie ++
❚ chimiothérapie +

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— des troubles de la coagulation en cas de CIVD liée à une hémo-
pathie ; POINTS FORTS
— une fracture osseuse pathologique associée à une tumeur à retenir
osseuse ; Les cancers de l’enfant sont rares :  1 % de la totalité
— une hémorragie intra-abdominale par rupture tumorale d’un des cancers.
néphroblastome ; Ils sont le plus souvent sporadiques, et les syndromes
— une occlusion intestinale par compression digestive d’un lym- prédisposants sont rares (< 5 %).
phome de Burkitt ;
Les signes révélateurs sont non spécifiques,
— une hypertension artérielle par hypersécrétion hormonale ou
et leur persistance doit alerter.
compression des pédicules rénaux lors d’un neuroblastome ou
d’un néphroblastome ; Le diagnostic définitif est le plus souvent cytohistologique
mais peut aussi être clinicoradiologique (néphroblastome)
— une hypertension intracrânienne secondaire à une tumeur céré-
et même uniquement clinique (rétinoblastome).
brale ;
— une anémie aiguë, saignement ou fièvre par pancytopénie par Le pronostic est globalement bon (survie globale > 75 %)
envahissement médullaire d’une leucémie ou d’un neuroblastome ; avec le plus souvent une chimiothérapie première
— une compression des voies urinaires en cas de tumeur vésico- (« néoadjuvante »), puis une chirurgie et un traitement
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postopératoire (« adjuvant ») par chimiothérapie


prostatique comme un rhabdomyosarcome ou une tout autre
 radiothérapie selon l’extension initiale de la maladie
tumeur pelvienne comme une tumeur germinale maligne ;
et ses critères histologiques ou biologiques d’agressivité.
— les douleurs, fréquentes au diagnostic, doivent également être
traitées comme une urgence.

de neutropénie fébrile, des transfusions en culots globulaires et


PARTICULARITÉS THÉRAPEUTIQUES en plaquettes ou une assistance nutritionnelle entérale ou paren-
La prise en charge des cancers de l’enfant nécessite l’implication térale ;
d’une équipe hautement spécialisée en hématologie pédiatrique — les décisions sur les traitements locaux (chirurgie et radio-
dans le cas des leucémies et en oncologie pédiatrique, chirurgie thérapie) prennent en compte le risque oncologique de la maladie
infantile et, le cas échéant, en radiothérapie pédiatrique, dans le et le risque de séquelles tardives liées à la maladie et aux traite-
cas des tumeurs solides. En effet, si une partie du traitement et ments (déformation osseuse, mutilation, risque de second cancer).
des surveillances en cours de traitement peut être souvent déléguée Lorsque la radiothérapie doit être réalisée, elle doit être effectuée
en milieu pédiatrique non spécialisé, les décisions thérapeutiques en milieu hautement spécialisé ;
de fond relèvent toutes de l’équipe spécialisée. — dans les tumeurs malignes à très haut risque de l’enfant, des
Plusieurs particularités doivent être soulignées : chimiothérapies à hautes doses avec support d’autotransfusion
— parallèlement à la démarche du diagnostic, l’analyse soigneuse de cellules souches hématopoïétiques permettent d’améliorer
des marqueurs de pronostic est indispensable pour permettre parfois le pronostic (neuroblastome, notamment). Dans le cas
de prendre les décisions thérapeutiques adaptées à l’agressivité particulier de certaines formes de leucémies aiguës (soit dès le
de la maladie et à son extension : caractéristiques biologiques traitement initial, soit lors d’une rechute), une allogreffe de moelle
de la tumeur (marqueurs, analyse de paramètres antigéniques osseuse à partir d’un donneur souvent apparenté permet éga-
ou génétiques tumoraux) et bilan d’extension (locorégional et à lement d’améliorer le pronostic.
distance) ; Les différents traitements administrés selon l’histologie en
— le rôle de la chimiothérapie est souvent majeur, y compris avant cas de tumeur cérébrale sont résumés dans le tableau 2. Le
la chirurgie : « chimiothérapie néo-adjuvante » afin de diminuer tableau 3 présente les moyens d’orientation diagnostique et de
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le risque oncologique et la morbidité des traitements locaux ; confirmation des principaux cancers de l’enfant et de l’adolescent.
— certaines tumeurs sont opérées d’emblée, et les traitements
postopératoires « adjuvants » sont alors adaptés au diagnostic
et aux facteurs de risque histologiques ou biologiques ; SUIVI DES ENFANTS APRÈS LA FIN
— la posologie de la chimiothérapie est adaptée à l’âge et souvent DU TRAITEMENT
réduite chez le nourrisson alors qu’on tente d’éviter toute forme
de chimiothérapie en période néonatale ;
Récidives
— les doses reçues de chimiothérapie chez l’enfant sont propor- Elles surviennent le plus souvent dans les 3 ans suivant le diag-
tionnellement plus élevées que chez l’adulte. Le suivi précoce et nostic et sont d’autant plus graves qu’elles surviennent préco-
attentif des effets secondaires précoces, en particulier hémato- cement. Le suivi (clinique, imagerie, marqueurs tumoraux…) est
logiques (aplasie médullaire) et digestifs (nausées, vomissements, donc rapproché (tous les 3 à 4 mois) dans les 2 à 3 premières
déshydratation, dénutrition), est primordial. Leur prise en charge années, puis espacé en fonction du profil évolutif de chaque type
nécessite assez souvent une antibiothérapie parentérale en cas de cancer.

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Cancer de l’enfant : particularités épidemiologiques, diagnostiques et thérapeutiques

Tableau 3 Âge de révélation et méthodes d’approche diagnostique des principaux cancers


de l’enfant et l’adolescent
DIAGNOSTIC ÂGE MÉDIAN ELÉMENTS D’APPROCHE DIAGNOSTIQUE DIAGNOSTIC DE CERTITUDE
ET DU BILAN D’EXTENSION

Leucémies aiguës 4 ans ❚ NFS plaquettes ❚ myélogramme


❚ analyse du LCR
Lymphome de type B 7 ans ❚ échographie, TDM ❚ histologie ganglionnaire
❚ LCR, bilan moelle osseuse ou cytologique de liquide d’ascite
❚ cytogénétique tumorale
Lymphome de type T 8 ans ❚ radiographie pulmonaire, TDM ❚ histologie ganglionnaire
❚ LCR, bilan moelle osseuse ou cytologie du liquide pleural
Maladie de Hodgkin 11 ans ❚ TDM, pet scan ❚ biopsie ganglionnaire :
présence de cellules de Sternberg
Neuroblastome 2 ans ❚ catécholamines urinaires, échographie ou TDM ❚ catécholamines urinaires
❚ scintigraphie MIBG, bilan moelle osseuse ❚ ponction-biopsie tumorale
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❚ scintigraphie MIBG
Néphroblastome 2 ans ❚ échographie, puis TDM abdominale ❚ histologie
❚ radiographie pulmonaire et TDM thoracique
Tumeur d’Ewing 10 ans ❚ TDM puis IRM osseuse, scintigraphie ❚ biopsie tumorale
osseuse, bilan moelle osseuse ❚ transcrits de fusion
❚ radiographie pulmonaire et TDM thoracique
Ostéosarcome 12 ans ❚ TDM puis IRM osseuse, scintigraphie osseuse ❚ biopsie tumorale
❚ radiographie pulmonaire et TDM thoracique
Tumeurs germinales Fonction du site initial ❚ échographie ou TDM, IRM locale ❚ histologie, dosage α-FP et/ou β-hCG
malignes ➙ ovarien : 12 ans ❚ dosage d’α-FP et /ou β-hCG
➙ intracrânien : 2 ans
Tumeur maligne 7 ans ❚ TDM, IRM locale ❚ biopsie tumorale
mésenchymateuse ❚ moelle, scintigraphie osseuse ❚ transcrit de fusion
Hépatoblastome 2 ans ❚ TDM, IRM hépatique, αFP ❚ dosage d’α-FP
❚ biopsie hépatique
NFS : numération formule sanguine ; LCR : liquide céphalo-rachidien ; TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique nucléaire.

Séquelles — irradiation des os = troubles de la croissance avec déformation


Elles sont systématiquement recherchées au cours du suivi, osseuse ;
sur plusieurs années pour certaines d’entre elles. Elles sont fonc- — irradiation orbitaire = risque de cataracte et de rétinopathie ;
tion de la localisation de la tumeur initiale (exemple : tumeurs — irradiation pelvienne = risque d’hypogonadisme, de cystite ou
cérébrales) et des traitements administrés. de rectite radique ;
✓ Pour les chimiothérapies : — irradiation médiastinale = risque de dysfonction ventriculaire
— dérivés du platine (cisplatine, carboplatine) = risque de surdité, ou de cancer mammaire.
d’insuffisance rénale ou de tubulopathie ;
— anthracyclines (doxorubicine, épirubicine, daunorubicine) = Seconds cancers
risque d’insuffisance cardiaque, parfois très tardive ; Les patients les plus à risque de développement d’un second
— alkylants : cancer sont les enfants atteints de rétinoblastome avec pré-
• cyclophosphamide (Endoxan), busulfan = risque de stérilité, disposition génétique, ceux ayant un lymphome de Hodgkin ou
• ifosfamide (Holoxan) = risque d’insuffisance rénale ou de un rhabdomyosarcome.
tubulopathie ; Les sarcomes osseux ou des tissus mous et les cancers de la
— étoposide (VP16) = risque de second cancer (leucémie) ; thyroïde sont les plus nombreux, favorisés par la radiothérapie,
— bléomycine = risque de fibrose pulmonaire. surtout chez les sujets prédisposés. Chez une jeune femme ayant
✓ Pour la radiothérapie : reçu dans l’enfance une irradiation médiastinale (lymphome de
— irradiation des gonades = insuffisance gonadique endocrine Hodgkin, par exemple), la surveillance mammaire doit être sys-
ou exocrine ; tématique.
— irradiation de l’encéphale = risque de troubles cognitifs (mné- Les leucémies secondaires, surtout myéloïdes, sont favorisées
siques et de la concentration), hypopituitarisme ; par les chimiothérapies comprenant des anthracyclines, des

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alkylants ou du VP16. Les cancers de la thyroïde sont à rechercher
chez les patients ayant reçu une radiothérapie cervicale, parfois MINI TEST DE LECTURE
dans le cadre d’irradiation craniospinale. A / VRAI OU FAUX ?
Insertion scolaire et professionnelle 1 Plus de la moitié des cancers de l’enfant sont
d’origine génétique ou sont liés à l’environnement.
Le suivi doit permettre aux pédiatres de conseiller les familles 2 Les virus EBV ou VIH sont associés au risque
et les jeunes dans leur parcours scolaire puis professionnel qui, de cancer chez l’enfant.
autant que faire se peut, en fonction des séquelles présentes ou 3 La majorité des cancers de l’enfant concernent
attendues, doit être le plus proche de la normale. des nourrissons de moins de 1 an.
4 Les tumeurs malignes de l’enfant les plus fréquentes
Prise en charge psychologique sont les leucémies.
Certaines difficultés psychologiques rencontrées en cours de B / VRAI OU FAUX ?
traitement persistent parfois à distance de celui-ci. Le suivi psycho- 1 Le neuroblastome peut se diagnostiquer au moyen
logique au long cours permettra aux jeunes adultes d’exprimer d’une scintigraphie à la MIBG.
leurs craintes vis-à-vis du risque de rechute de la maladie, ainsi 2 Le neuroblastome est une tumeur qui sécrète des
que les difficultés du vécu de certains handicaps en rapport soit catécholamines, que l’on peut doser dans les urines.
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avec la maladie soignée, soit secondaires aux traitements admi- 3 Le neuroblastome est une tumeur qui peut être
nistrés : cécité, gêne motrice, troubles auditifs, stérilité, anomalie associée à une hypertension artérielle.
4 Le neuroblastome est facilement évoqué devant
esthétique, déficits hormonaux par exemple. ■
un taux sanguin élevé d’AFP.

C / VRAI OU FAUX ?
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts
concernant les données publiées dans cet article. 1 La chimiothérapie première avant la chirurgie
s’appelle « adjuvante ».
2 Plus l’enfant est petit, plus le risque de séquelles
liées aux traitements est faible.
Pour en savoir plus 3 Du fait de sa plus grande sensibilité aux agents
antimitotiques, les doses de chimiothérapie sont
U
VUE D
proportionnellement plus faibles chez l’enfant.
LA RE ICIEN
PRAT
4 La radiothérapie est utilisée le moins possible chez
◗ Cancers de l’enfant
N º 1 0
5 7
/ T O M E
2 0 0 7

l’enfant du fait des risques (défaut de croissance,


3 1 M A I
Tom
2007 •

Monographie
• 31 mai

second cancer) liés à son administration.


(Rev Prat 2007;57[10]:1058-110)
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l’enfant
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3 une tumeur germinale maligne ;


Mais aussi… 4 un lymphome.
◗ Tumeurs cérébrales de l’enfant Réponses : A : F, V, F, V / B : V, V, V, F / C : F, F, F, V / D : 1, 3, 4.
Grill J, Dufour C, Kalifa C (Rev Prat 2007;57[8]:817-25)

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DU
LA REVUEIEN
2)
57 • N° 17 (1857-197

PRATIC T O M E 5 7 N º 1 7
e 2007 • Tome

2 0 0 7 /
R E
1 5 N O V E M B
• 15 novembr
1I. Infections basses .
DE L’ENFANT
RESPIRATOIRES

IMONOGRAPHIEI

Infections aiguës ires de l’enfant


AIGUËS DES VOIES

des voies respirSESato


BAS
II. INFECTIONS
INFECTIONS

RÉFÉRENCES UNIVERS
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qui peut tomber à l’examen de l’enfant
OUVERTURES ité de la FMC B Qu’est-ce t A pendicite

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