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La satire de notre monde, prendre ses distances pour mieux analyser notre société
Texte 1 :
Euclion a découvert un trésor dans son jardin, enterré par son grand-père avare. Désormais riche, il est
obsédé par la crainte d’être volé.
EUCLION. – (A part) Je n’ai jamais vu de plus méchante bête que cette vieille. Je crains bien qu’elle ne
me joue quelque mauvais tour au moment où je m’y attendrai le moins. Si elle flairait mon or, et
découvrait la cachette ? C’est qu’elle a des yeux jusque derrière la tête, la coquine. Maintenant, je vais
voir si mon or est bien comme je l’ai mis. Ah ! Qu’il me cause d’inquiétudes et de peines ! (Il sort).
STAPHYLA. Seule. – Par Castor ! je ne peux deviner quel sort on a jeté sur mon maître, ou quel vertige
l’a pris. Qu’est-ce qu’il a donc à me chasser dix fois par jour de la maison ? On ne sait, vraiment, quelle
fièvre le travaille. Toute la nuit il fait le guet ; tout le jour il reste chez lui sans remuer […].
Plaute, Aulularia, Scène 1 (IIIème – IIème siècle av. JC.)
Texte 2 :
HARPAGON. Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau.- Au voleur, au voleur, à l’assassin, au
meurtrier. Justice, juste Ciel. Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon
argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ?
Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon
argent, coquin... (Il se prend lui-même le bras.) Ah, c’est moi. Mon esprit est troublé, et j’ignore où je
suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas, mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m’a
privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie, tout est fini pour
moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait, je n’en puis
plus, je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me
rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris ? Euh ? Que dites-vous ? Ce n’est personne. Il
faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a
choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et
faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens
assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne, qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon
voleur. Eh ? De quoi est-ce qu’on parle là ? De celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce
mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise.
N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part,
sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges,
des gênes, des potences, et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon
argent, je me pendrai moi-même après.
Molière, L’Avare, IV, 7.
BILAN : La dénonciation des vices de la société traverse les siècles, les auteurs s’en emparent en
s’inspirant les uns des autres.
Texte 1 :
Euclion a découvert un trésor dans son jardin, enterré par son grand-père avare. Désormais riche, il est
obsédé par la crainte d’être volé.
EUCLION. – (A part) Je n’ai jamais vu de plus méchante bête que cette vieille. Je crains bien qu’elle ne
me joue quelque mauvais tour au moment où je m’y attendrai le moins. Si elle flairait mon or, et
découvrait la cachette ? C’est qu’elle a des yeux jusque derrière la tête, la coquine. Maintenant, je vais
voir si mon or est bien comme je l’ai mis. Ah ! Qu’il me cause d’inquiétudes et de peines ! (Il sort).
STAPHYLA. Seule. – Par Castor ! je ne peux deviner quel sort on a jeté sur mon maître, ou quel vertige
l’a pris. Qu’est-ce qu’il a donc à me chasser dix fois par jour de la maison ? On ne sait, vraiment, quelle
fièvre le travaille. Toute la nuit il fait le guet ; tout le jour il reste chez lui sans remuer […].
Plaute, Aulularia, Scène 1 (IIIème – IIème siècle av. JC.)
Texte 2 :
HARPAGON. Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau.- Au voleur, au voleur, à l’assassin, au
meurtrier. Justice, juste Ciel. Je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon
argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ?
Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon
argent, coquin... (Il se prend lui-même le bras.) Ah, c’est moi. Mon esprit est troublé, et j’ignore où je
suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas, mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m’a
privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie, tout est fini pour
moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait, je n’en puis
plus, je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me
rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris ? Euh ? Que dites-vous ? Ce n’est personne. Il
faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a
choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et
faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens
assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne, qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon
voleur. Eh ? De quoi est-ce qu’on parle là ? De celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce
mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise.
N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part,
sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges,
des gênes, des potences, et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon
argent, je me pendrai moi-même après.
Molière, L’Avare, IV, 7.
I. Dictée.
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II. Réécriture.
« En se réveillant un matin de rêves agités, Gregor Samsa se retrouva dans son lit métamorphosé en
cafard géant. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une carapace et, en soulevant un peu la tête,
il voyait son ventre, bombé, brun, divisé par des nervures en arceaux, en haut duquel le couvre-lit, prêt
à glisser, tenait à peine. Ses multiples pattes, pitoyablement grêles comparées au reste de son corps,
s’agitaient désespérément devant ses yeux. »
Réécrivez ce texte en remplaçant « Gregor Samsa » par « ils ». Faites toutes les transformations nécessaires.
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III. Questionnaire.
1. Relevez les temps verbaux dans cet extrait.
a. A quels temps sont-ils ?
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b. Quelles sont les valeurs de ces temps verbaux ?
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2. Analysez le mot « pitoyablement » :
a. Donnez sa nature et sa fonction dans la phrase.
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b. A partir de quel adjectif est-il formé, et qu’a-t-on rajouté ?
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c. Donnez trois mots issus de la même famille.
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Séance 3 : Correction de la dictée-réécriture.
I. Dictée.
Il sentit au sommet du ventre une légère démangeaison, se remonta lentement sur le dos vers le chevet du
lit pour pouvoir mieux soulever la tête, trouva l’endroit qui le démangeait : il était recouvert d’une
multitude de petits points blancs qu’il ne s’expliqua pas, et voulut le tâter d’une patte aussitôt retirée, car
il frissonna de froid à ce contact.
II. Réécriture :
En se réveillant un matin de rêves agités, ils se retrouvèrent dans leur lit métamorphosés en cafards
géants. Ils étaient couchés sur leurs dos, des dos durs comme des carapaces et, en soulevant un peu la
tête, ils voyaient leurs ventres, bombés, bruns, divisés par des nervures en arceaux, en haut desquels le
couvre-lit, prêt à glisser, tenait à peine. Leurs multiples pattes, pitoyablement grêles comparées au reste
de leur corps, s’agitaient désespérément devant leurs yeux.
III. Questionnaire.
3. Relevez les temps verbaux dans cet extrait.
c. A quels temps sont-ils ?
Il y a un passé simple : « se retrouva », et des imparfaits « était », « voyait », « tenait »,
« s’agitaient »
d. Quelles sont les valeurs de ces temps verbaux ?
« Se retrouva » est un passé simple d’action achevée dans le temps.
Tous les imparfaits sont des imparfaits de description.
4. Analysez le mot « pitoyablement » :
d. Donnez sa nature et sa fonction dans la phrase.
C’est un adverbe. Il est complément circonstanciel de manière.
e. A partir de quel adjectif est-il formé, et qu’a-t-on rajouté ?
Il est formé à partir de l’adjectif « pitoyable », auquel on a ajouté un suffixe en –ment.
f. Donnez trois mois issus de la même famille.
On peut penser à « pitié », « apitoyer » et « impitoyable ».
Exemplaire élève :
I. Dictée.
Il sentit / sentie au sommet du ventre une légère démangaison / démangeaison, se remonta lentement
sur le dos verre / vert / vers / ver le chevet du lit pour pouvoir mieux soulevait / soulever / soulevé la
tête, trouva / trouva l’endroit qui le démangeait : il était recouvert d’une multitude de petits points blancs
/ petit point blanc qu’il ne s’expliqua pas, et voulut / voulu le tâter d’une patte / pâte aussitôt retirée /
retiré / retirer, car il frissonna / frissona de froid à ce / se contact.
II. Réécriture :
En se réveillant un matin de rêves agités, ils se retrouv….. dans leur / leurs lit métamorphos…. en
cafar… géan…. Ils …….. couch…. sur leur / leurs dos, des dos durs comme des carapaces / un dos dur
comme une carapace et, en soulevant un peu la tête, ils voya…. leurs / leur ventre, bomb…, bru…,
divis…. par des nervures en arceaux, en haut …………… le couvre-lit, prêt à glisser, tenait à peine.
Leurs / leur multiples pattes, pitoyablement grêl… compar…. au reste de leur / leurs corps, s’agitai…
désespérément devant leurs / leur yeux.
Exemplaire élève :
I. Dictée.
Il sentit / sentie au sommet du ventre une légère démangaison / démangeaison, se remonta lentement
sur le dos verre / vert / vers / ver le chevet du lit pour pouvoir mieux soulevait / soulever / soulevé la
tête, trouva / trouva l’endroit qui le démangeait : il était recouvert d’une multitude de petits points blancs
/ petit point blanc qu’il ne s’expliqua pas, et voulut / voulu le tâter d’une patte / pâte aussitôt retirée /
retiré / retirer, car il frissonna / frissona de froid à ce / se contact.
II. Réécriture :
En se réveillant un matin de rêves agités, ils se retrouv….. dans leur / leurs lit métamorphos…. en
cafar… géan…. Ils …….. couch…. sur leur / leurs dos, des dos durs comme des carapaces / un dos dur
comme une carapace et, en soulevant un peu la tête, ils voya…. leurs / leur ventre, bomb…, bru…,
divis…. par des nervures en arceaux, en haut …………… le couvre-lit, prêt à glisser, tenait à peine.
Leurs / leur multiples pattes, pitoyablement grêl… compar…. au reste de leur / leurs corps, s’agitai…
désespérément devant leurs / leur yeux.
Exemplaire élève :
I. Dictée.
Il sentit / sentie au sommet du ventre une légère démangaison / démangeaison, se remonta lentement
sur le dos verre / vert / vers / ver le chevet du lit pour pouvoir mieux soulevait / soulever / soulevé la
tête, trouva / trouva l’endroit qui le démangeait : il était recouvert d’une multitude de petits points blancs
/ petit point blanc qu’il ne s’expliqua pas, et voulut / voulu le tâter d’une patte / pâte aussitôt retirée /
retiré / retirer, car il frissonna / frissona de froid à ce / se contact.
II. Réécriture :
En se réveillant un matin de rêves agités, ils se retrouv….. dans leur / leurs lit métamorphos…. en
cafar… géan…. Ils …….. couch…. sur leur / leurs dos, des dos durs comme des carapaces / un dos dur
comme une carapace et, en soulevant un peu la tête, ils voya…. leurs / leur ventre, bomb…, bru…,
divis…. par des nervures en arceaux, en haut …………… le couvre-lit, prêt à glisser, tenait à peine.
Leurs / leur multiples pattes, pitoyablement grêl… compar…. au reste de leur / leurs corps, s’agitai…
désespérément devant leurs / leur yeux.
Exemplaire élève :
I. Dictée.
Il sentit / sentie au sommet du ventre une légère démangaison / démangeaison, se remonta lentement
sur le dos verre / vert / vers / ver le chevet du lit pour pouvoir mieux soulevait / soulever / soulevé la
tête, trouva / trouva l’endroit qui le démangeait : il était recouvert d’une multitude de petits points blancs
/ petit point blanc qu’il ne s’expliqua pas, et voulut / voulu le tâter d’une patte / pâte aussitôt retirée /
retiré / retirer, car il frissonna / frissona de froid à ce / se contact.
II. Réécriture :
En se réveillant un matin de rêves agités, ils se retrouv….. dans leur / leurs lit métamorphos…. en
cafar… géan…. Ils …….. couch…. sur leur / leurs dos, des dos durs comme des carapaces / un dos dur
comme une carapace et, en soulevant un peu la tête, ils voya…. leurs / leur ventre, bomb…, bru…,
divis…. par des nervures en arceaux, en haut …………… le couvre-lit, prêt à glisser, tenait à peine.
Leurs / leur multiples pattes, pitoyablement grêl… compar…. au reste de leur / leurs corps, s’agitai…
désespérément devant leurs / leur yeux.
Séance 4 : Ce que la Société transforme en nous.
Kafka, La métamorphose.
Vocabulaire :
Qu’est-ce qu’une métamorphose ?
Mot de la même famille : anamorphose, morphologie, morphisme, amorphe.
En latin : forma.
Mot de la même famille : informe, difforme, former, transformation, information, formation.
Faire la fleur au tableau pour les deux racines.
Un décalage comique :
Par quelles pensées est-il surtout préoccupé ? Sont-elles adaptées à la situation qu’il vit ? Dans la même
situation, quelles auraient été vos premières pensées.
Relevez les détails qui montrent la médiocrité du personnage. Est-il coincé seulement dans son corps ?
(aussi dans sa vie)
Du coup, pourquoi le lecteur a du mal à trouver la situation dramatique ? Mais qu’est-ce qui présage le
pire pour la suite (la voix suppliante de sa sœur)
Leur parler de l’absurde.
Pourquoi un cafard ?
Quelle est la visée de l’auteur ? En analysant la médiocrité du personnage, qu’est-ce qu’a voulu faire
passer l’auteur en le transformant ?
BILAN :
Par mots clés :
Métamorphose, message, société, dénonciation, cafard, médiocrité.
En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit,
métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace, et, en
relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le
haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus qu’à peine. Ses nombreuses pattes,
lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’il avait par ailleurs, grouillaient
désespérément sous ses yeux.
« Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre
humaine, juste un peu trop petite, était là tranquille entre les quatre murs qu’il connaissait bien. Au-dessus
de la table où était déballée une collection d’échantillons de tissus – Samsa était représentant de
commerce –, on voyait accrochée l’image qu’il avait récemment découpée dans un magazine et mise dans
un joli cadre doré. Elle représentait une dame munie d’une toque et d’un boa tous les deux en fourrure et
qui, assise bien droite, tendait vers le spectateur un lourd manchon de fourrure où tout son avant-bras
avait disparu.
Le regard de Gregor se tourna ensuite vers la fenêtre, et le temps maussade – on entendait les
gouttes de pluie frapper le rebord en zinc – le rendit tout mélancolique. « Et si je redormais un peu et
oubliais toutes ces sottises ? » se dit-il ; mais c’était absolument irréalisable, car il avait l’habitude de
dormir sur le côté droit et, dans l’état où il était à présent, il était incapable de se mettre dans cette
position. Quelque énergie qu’il mît à se jeter sur le côté droit, il tanguait et retombait à chaque fois sur le
dos.
Il dut bien essayer cent fois, fermant les yeux pour ne pas s’imposer le spectacle de ses pattes en
train de gigoter, et il ne renonça que lorsqu’il commença à sentir sur le flanc une petite douleur sourde
qu’il n’avait jamais éprouvée.
« Ah, mon Dieu », songea-t-il, « quel métier fatigant j’ai choisi ! Jour après jour en tournée. Les
affaires vous énervent bien plus qu’au siège même de la firme, et par-dessus le marché je dois subir le
tracas des déplacements, le souci des correspondances ferroviaires, les repas irréguliers et mauvais, et des
contacts humains qui changent sans cesse, ne durent jamais, ne deviennent jamais cordiaux. Que le diable
emporte tout cela ! » Il sentit une légère démangeaison au sommet de son abdomen ; se traîna lentement
sur le dos en se rapprochant du montant du lit afin de pouvoir mieux redresser la tête ; trouva l’endroit qui
le démangeait et qui était tout couvert de petits points blancs dont il ne sut que penser ; et il voulut palper
l’endroit avec une patte, mais il la retira aussitôt, car à ce contact il fut tout parcouru de frissons glacés.
Il glissa et reprit sa position antérieure. « À force de se lever tôt », pensa-t-il, « on devient
complètement stupide. L’être humain a besoin de son sommeil. D’autres représentants vivent comme des
femmes de harem. Quand, par exemple, moi je rentre à l’hôtel dans le courant de la matinée pour
transcrire les commandes que j’ai obtenues, ces messieurs n’en sont encore qu’à prendre leur petit
déjeuner. Je devrais essayer ça avec mon patron ; je serais viré immédiatement. Qui sait, du reste, si ce ne
serait pas une très bonne chose pour moi. Si je ne me retenais pas à cause de mes parents, il y a longtemps
que j’aurais donné ma démission, je me serais présenté devant le patron et je lui aurais dit ma façon de
penser du fond du cœur.
De quoi le faire tomber de son comptoir ! Il faut dire que ce ne sont pas des manières, de s’asseoir
sur le comptoir et de parler de là-haut à l’employé, qui de plus est obligé d’approcher tout près, parce que
le patron est sourd. Enfin, je n’ai pas encore abandonné tout espoir ; une fois que j’aurai réuni l’argent
nécessaire pour rembourser la dette de mes parents envers lui – j’estime que cela prendra encore de cinq à
six ans –, je ferai absolument la chose. Alors, je trancherai dans le vif. Mais enfin, pour le moment, il faut
que je me lève, car mon train part à cinq heures. »
Et il regarda vers la pendule-réveil dont on entendait le tic-tac sur la commode. « Dieu du ciel ! »
pensa-t-il. Il était six heures et demie, et les aiguilles avançaient tranquillement, il était même la demie
passée, on allait déjà sur moins un quart. Est-ce que le réveil n’aurait pas sonné ? On voyait depuis le lit
qu’il était bien réglé sur quatre heures ; et sûrement qu’il avait sonné. Oui, mais était-ce possible de ne
pas entendre cette sonnerie à faire trembler les meubles et de continuer tranquillement à dormir ? Eh bien,
on ne pouvait pas dire qu’il eût dormi tranquillement, mais sans doute son sommeil avait-il été d’autant
plus profond. Seulement, à présent, que fallait-il faire ? Le train suivant était à sept heures ; pour
l’attraper, il aurait fallu se presser de façon insensée, et la collection n’était pas remballée, et lui-même
était loin de se sentir particulièrement frais et dispos. Et même s’il attrapait le train, cela ne lui éviterait
pas de se faire passer un savon par le patron, car le commis l’aurait attendu au départ du train de cinq
heures et aurait depuis longtemps prévenu de son absence. C’était une créature du patron, sans aucune
dignité ni intelligence.
Et s’il se faisait porter malade ? Mais ce serait extrêmement gênant et suspect, car depuis cinq ans
qu’il était dans cette place, pas une fois
Gregor n’avait été malade. Sûrement que le patron viendrait accompagné du médecin de la Caisse
Maladie, qu’il ferait des reproches à ses parents à cause de leur paresseux de fils et qu’il couperait court à
toute objection en se référant au médecin de la Caisse, pour qui par principe il existe uniquement des gens
en fort bonne santé, mais fainéants. Et du reste, en l’occurrence, aurait-il entièrement tort ? Effectivement,
à part cette somnolence vraiment superflue chez quelqu’un qui avait dormi longtemps, Gregor se sentait
fort bien et avait même particulièrement faim.
Tandis qu’il réfléchissait précipitamment à tout cela sans pouvoir se résoudre à quitter son lit – la
pendulette sonnait juste six heures trois quarts –, on frappa précautionneusement à la porte qui se trouvait
au chevet de son lit. « Gregor », c’était sa mère qui l’appelait, « il est sept heures moins un quart. Est-ce
que tu ne voulais pas prendre le train ? » La douce voix ! Gregor prit peur en s’entendant répondre :
c’était sans aucun doute sa voix d’avant, mais il venait s’y mêler, comme par en dessous, un couinement
douloureux et irrépressible qui ne laissait aux mots leur netteté qu’au premier instant, littéralement, pour
ensuite en détruire la résonance au point qu’on ne savait pas si l’on avait bien entendu. Gregor avait
d’abord l’intention de répondre en détail et de tout expliquer, mais dans ces conditions il se contenta de
dire : « Oui, oui, merci maman, je me lève. » Sans doute la porte en bois empêchait-elle qu’on notât de
l’extérieur le changement de sa voix, car sa mère fut rassurée par cette déclaration et s’éloigna d’un pas
traînant.
Mais ce petit échange de propos avait signalé aux autres membres de la famille que Gregor, contre
toute attente, était encore à la maison, et voilà que déjà, à l’une des portes latérales, son père frappait
doucement, mais du poing, en s’écriant : « Gregor, Gregor, qu’est-ce qui se passe ? » Et au bout d’un petit
moment il répétait d’une voix plus grave et sur un ton de reproche : « Gregor ! Gregor ! » Et derrière
l’autre porte latérale, la sœur de Gregor murmurait d’un ton plaintif : « Gregor ? Tu ne te sens pas bien ?
Tu as besoin de quelque chose ? » À l’un comme à l’autre, Gregor répondit « je vais avoir fini », en
s’imposant la diction la plus soignée et en ménageant de longues pauses entre chaque mot, afin que sa
voix n’eût rien de bizarre. D’ailleurs, son père retourna à son petit déjeuner, mais sa sœur chuchota :
« Gregor, ouvre, je t’en conjure. »
Kafka, La métamorphose.
Séance 5 : Consommer pour vivre ou vivre pour consommer ?
Italo Calvino, Marcovaldo
Marcovaldo est ouvrier. Il vit avec sa femme et ses six enfants dans une grande ville de l’Italie du Nord.
Cette scène décrit l’ambiance de la ville le soir, lorsque les habitants se ruent vers les boutiques.
A 6 heures du soir, la ville tombait aux mains des consommateurs. Durant toute la journée,
le gros travail de la population active était la production : elle produisait des biens de
consommation. A une heure donnée, comme si on avait abaissé un interrupteur, tout le monde
laissait tomber la production et, hop! se ruait vers la consommation. Chaque jour, les vitrines
illuminées avaient à peine le temps de s'épanouir en de nouveaux étalages, les rouges saucissons
de pendiller, les piles d'assiettes de porcelaine de s'élever jusqu'au plafond, les coupons de tissu
de déployer leurs draperies comme des queues de paons que, déjà, la foule des consommateurs
faisait irruption pour démanteler, grignoter, palper, faire main basse. Une queue interminable
serpentait sur tous les trottoirs, sous toutes les arcades des rues et, s'engouffrant à travers les
portes vitrées des magasins, se pressait autour de tous les comptoirs, poussée par les coups de
coude dans les côtes de chacun comme par d'incessants coups de piston. Consommez ! et ils
tripotaient la marchandise, la remettaient en place, la reprenaient, se l'arrachaient des mains.
Consommez ! et ils obligeaient les vendeuses pâlichonnes à étaler des sous-vêtements sur le
comptoir. Consommez ! et les pelotes de ficelle de couleur tournaient comme des toupies, les
feuilles de papier à fleurs battaient des ailes en enveloppant les achats pour en faire des petits
paquets puis, en les groupant, des paquets moyens et, avec ceux-ci, de gros paquets, chacun d'eux
ficelé avec un joli nœud. Et petits paquets, paquets moyens, gros paquets, portefeuilles, sacs à
main tourbillonnaient autour de la caisse en un embouteillage qui n'en finissait plus ; les mains
fouillaient dans les sacs pour y chercher les porte-monnaie, et les doigts fouillaient dans les porte-
monnaie pour y chercher de la monnaie. Dans une forêt de jambes inconnues et de pans de
pardessus et de manteaux, des enfants égarés, dont on avait lâché la main, pleuraient.
Un de ces soirs-là, Marcovaldo promenait sa famille. N'ayant pas d'argent, leur plaisir était
de regarder les autres faire des achats […]
Pour Marcovaldo, son salaire, étant donné qu'il était aussi maigre que sa famille était
nombreuse, et qu'il y avait des traites et des dettes à payer, son salaire fondait aussitôt touché.
De toute façon, tout cela était bien plaisant à regarder, surtout si l'on faisait un tour au
supermarché. […]
Comme les autres, Marcovaldo prit un chariot en entrant, sa femme fit de même et aussi
ses quatre gosses qui en prirent un chacun. Et, se suivant à la queue leu leu, poussant leur chariot
devant eux entre les rayons et les comptoirs croulant sous des montagnes de denrées alimentaires,
ils se montraient les saucissons et les fromages, les nommaient, comme s'ils reconnaissaient dans
la foule des visages d'amis ou pour le moins de connaissances.
- Papa, disaient à chaque instant les gosses, on peut prendre ça ?
- Non, on y touche pas, c'est défendu, répondait Marcovaldo, se souvenant que la caissière les
attendait en fin de parcours pour le paiement.
- Pourquoi, alors, que cette dame-là elle en prend? insistaient les gosses en voyant toutes ces
braves femmes qui, entrées seulement pour acheter un céleri et deux carottes, ne savaient pas
résister devant une pyramide de pots et de boîtes et, toc! toc! toc! d'un geste mi-machinal, mi-
résigné, faisaient tomber et tambouriner dans le chariot des boîtes de tomates pelées, des pêches
au sirop, des anchois à l'huile.
THESE : ………
ARGUMENTS :
1. …………
2. …………
3.
a. …………
b. …………
4. …………
5. …………
6.
a. ………
b. ………
c. ………
d. ………
Comment l’argumentation est-elle structurée ?
…… A l’aide de connecteurs logiques pour mieux faire suivre la progression du raisonnement.
Si vidéoproj, leur faire visionner le prélèvement des impôts dans La folie des grandeurs : « les
riches, c’est fait pour être très riche, les pauvres, très pauvres ».
BILAN : Quels sont les objectifs de ce pamphlet ? Qu’est-ce qu’une critique implicite ?
5
Papistes : qui obéissent au pape, donc catholiques.
6
Prétendant : prince catholique qui revendiquait le trône d’Angleterre, d’Irlande et d’Ecosse alors que les Anglais, en
majorité anglicans, lui avaient préféré un autre prince, protestant.
7
Desservant épiscopalien : représentant de l’évêque catholique.
8
Débours : dépenses. Débours vient du verbe « débourser ».
THESE : ……………………………………………………………………………………………..
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ARGUMENTS :
1. ……………………………………………………………………………………………………….
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2. ……………………………………………………………………………………………………….
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3.
a. …………………………………………………………………………………………………
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b. …………………………………………………………………………………………………...
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4. ……………………………………………………………………………………………………….
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5. ……………………………………………………………………………………………………….
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6.
e. …………………………………………………………………………………………………...
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f. …………………………………………………………………………………………………...
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g. …………………………………………………………………………………………………...
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h. …………………………………………………………………………………………………...
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Comment l’argumentation est-elle structurée ?
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Futur simple Conditionnel