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UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE

Faculté de Droit

DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS


LICENCE 3
Cours de Monsieur Tanguy ALLAIN
Année universitaire 2016-2017

COURS MAGISTRAL

SEANCE II

Leçon n°1
Séance 2 : L’actionnariat de la SA. Les organes de contrôle

Section I. L’actionnariat de la SA

Il vous a été dit, dans le cadre du cours de droit général des sociétés que, lorsqu’ils décident de
s’associer pour créer une société, ou pour y participer en cours de vie sociale, les apporteurs en
capital se voient remettre en contrepartie de leur apport, des parts d’intérêt. Ces parts d’intérêts
ont pour fonction de représenter la part de chacun dans le capital, et en proportion de cette part,
d’attribuer des droits, qu’on présente traditionnellement comme étant soit politiques (le droit de
vote), soit financiers (le dividende). Ce sont des parts sociales qui sont remises dans les SARL ou
les sociétés civiles, et ce sont des actions dans les sociétés de capitaux. Juridiquement, les
actions appartiennent à la catégorie des « titres de capital émis par les société par actions » (CMF,
art. L. 211-1) et plus largement à celle des instruments financiers et des valeurs mobilières (C.
com., art. L. 228-1). Leur particularité majeure est d’être négociable (cessible sans condition de
forme). Nous reviendrons sur ces aspects plus précisément quand nous évoquerons le
financement de sociétés par actions. Nous nous intéresserons d’abord à la situation de
l’actionnaire, en tant que titulaire d’actions, en présentant les droits dont peuvent jouir les
actionnaires (A).


Néanmoins, il est impossible de comprendre l’actionnariat de la SA sans préciser aussitôt que les
droits d’un actionnaire (à moins qu’un seul actionnaire détienne la totalité du capital) ne s’exercent
qu’en rapport avec les droits des autres et notamment à travers l’assemblée générale des
actionnaires (B). Un rapport de force, encadré par le droit s’établi donc entre les actionnaires, dont
les pouvoirs en assemblée diffèrent selon la part dans le capital. C’est tout particulièrement le cas
en ce qui concerne le rôle politique des actionnaires, qui ne peut s’exercer que collectivement.

A la vérité et en pratique, l’actionnariat des sociétés est très diversifié : entre l’actionnaire individuel
(petit porteur épargnant), le spéculateur qui achète des actions pour les revendre à plus ou moins
court terme, celui qui possède la majorité du capital et est en mesure d’orienter l’ensemble des
décisions, les fonds d’investissement recherchant la rentabilité de leur placement en titre de capital
et se désintéresse de la politique menée, l’actionnaire salarié, etc., il existe autant de façon
différentes d’exercer ses droits d’actionnaires ou de participer aux assemblées générales…

A. Les droits des actionnaires

1
Les prérogatives juridiques attribuées aux porteurs d’actions sont diverses. Il s’agit pour l’essentiel
de droits d’information (1), droits d’intervention (2) - ceux-ci peuvent être rassemblées sous la
manière des « droits politiques » - , droits financiers (3). A l’exclusion des droits qualifiés d’ordre
public et dont les actionnaires n’en ont pas la libre disposition, des aménagements sont possibles
par le biais du contrat ou des statuts (4).

1. Les droits d’information

Pour pouvoir exercer leur droits d’intervention, et en particulier le droit de vote (supra) ou participer
à la prise de décision, encore faut-il que les actionnaires soient régulièrement informés. On peut
distinguer tout d’abord une information permanente, et ensuite une information périodique.

A titre périodique, il est prévu1 que les actionnaires ont droit notamment, dans les 15 jours
précédant chaque assemblée générale d’obtenir communication, au siège social ou au lieu de la
direction administrative2 :
- des comptes annuels (le cas échéant les comptes consolidés) ;
- de la liste des administrateurs (ou des membres du directoire et du conseil de surveillance) ;
- des rapports des organes d’administration ou de surveillance et du commissaire aux comptes
qui seront soumis à l’assemblée ;
- les textes et projets de résolutions soumis à l’assemblée par le conseil ou le directoire ;
- les renseignements concernant les candidats au conseil d’administration ou au conseil de
surveillance ;
- le montant global des versements effectués aux personnes les mieux rémunérées ;
- la liste des actionnaires (C. com., art. L. 225-116).

Ces informations sont beaucoup plus nombreuses et détaillées dans les sociétés cotées, en raison
notamment du contenu imposé à ces sociétés dans le cadre du rapport du conseil d’administration
ou du rapport de gestion (C. com., art.L. 225-100, L. 225-100-1, L. 225-100-3).

A titre permanent, les actionnaires peuvent par obtenir « à toute époque », communication de ces
mêmes informations, pour les trois derniers exercices, ainsi que les procès-verbaux et feuilles de
présence concernant les trois derniers exercices (C. com. art. L. 225-117).

L’actionnaire accède à ces documents sur simple demande, personnellement ou par mandataire
(C. com., art. R. 225-91), en les consultant au siège social. Lorsqu’il s’agit des documents
préalables à la tenue de l’assemblée générale, ils sont généralement expédiés au domicile des
actionnaires, ou par voie électronique . Il peut se faire assister d’un expert pour les analyser (C.
com., art. R. 225-94). Il peut en réaliser des copies.

L’article L. 225-108 du Code de commerce prévoit que la charge de transmettre ou mettre à


disposition des actionnaires les différents documents nécessaires pour leur permettre de se
prononcer en connaissance de cause et de porter un jugement informé sur la gestion et la marche
de la société, repose sur le conseil d’administration ou le directoire.

A défaut d’obtenir normalement les documents précités, les actionnaires peuvent agir en justice
pour obtenir l’exécution de leur communication par voie d’injonction (C. com., art. L. 238-1). La
nullité de l’assemblée peut même être encourue devant la violation des articles L. 225-115 et L.
225-116 du Code de commerce (C. com., art. L. 225-121).

En outre, les actionnaires ont le droit de poser des questions écrites jusqu’à 4 jours avant
l’assemblée générale, auxquelles le conseil d’administration ou le directoire est tenu de répondre
en cours d’assemblée (C. com., art. L. 225-108), sauf à être publiée sur le site internet de la

1 C. com., art. L. 225-115.


2 C. com., art. L. 225-89 ; R. 225-90.
2
société. Elles doivent être en rapport avec l’ordre du jour. Plus étroitement, un ou plusieurs
actionnaires représentant au moins 5% du capital (ou une association d’actionnaires3 ) peut deux
fois par exercice, poser des questions écrites au président du conseil ou du directoire, sur tout fait
de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

2. Les droits d’intervention

Les droits d’intervention reconnus aux actionnaires sont multiples. Certains ont déjà été évoqués,
comme le droit d’agir en justice (action en responsabilité, action en nullité). On se contentera ici
d’évoquer tout d’abord le droit de vote (a), et ensuite plus brièvement, le droit d’obtenir une
expertise une gestion (b).

a. Le droit de vote

Traditionnellement, le droit de vote est présenté comme l’  «  attribut essentiel  »4 de l’action. Il
permet tout simplement aux actionnaires de s’exprimer pendant l’assemblée générale, et
d’approuver ou de désapprouver les résolutions qui leur sont soumises par les dirigeants, voire de
sanctionner leur gestion et de les révoquer. C’est la meilleure façon pour les actionnaires d’influer
sur les décisions qui seront prises par les dirigeants et de contrôler la façon dont est utilisé leur
investissement.

Ainsi, de la même façon que le droit de vote attribué à chaque citoyen, le droit de vote attaché à
l’action est un attribut de la souveraineté. Au sens du droit des biens, il constitue un droit subjectif
extra-patrimonial, qui ne saurait faire l’objet d’aucune convention : le droit de vote est indisponible
et hors du commerce (il n’est pas cessible). Pour s’en assurer, le législateur est même venu
prévoir des sanctions pénales applicables à qui souhaiterait conclure des engagement de voter ou
de ne pas voter en obtenant un contrepartie (se faire accorder, garantir ou promettre des
avantages), ou à ceux qui souhaiteraient empêcher un actionnaire de participer à une assemblée
générale5. Les conventions de vote sont toutefois valables6 à condition que les actionnaires ne
soient pas privés de leur droit de vote, que l’accord soit conforme à l’intérêt social, et enfin que
qu’il ne soit pas frauduleux. Elles sont toutefois inopposables à la société, et la validité des
assemblées générales n’est pas affectée par la violation d’une telle convention7 .

Le droit de vote appartient donc en principe de façon exclusive à ceux qui, au jour de l’assemblée
générale ont la qualité d’actionnaire, principalement ceux qui sont propriétaires d’une action. Pour
autant, il arrive que dans certains cas de figure, ce ne soit pas un propriétaire qui soit en mesure
d’exercer le droit de vote attaché à l’action : ainsi en va-t-il par exemple de l’usufruitier (qui n’a
qu’un droit de jouissance et n’est pas propriétaire), pour lequel la loi attribue un droit de vote en
assemblée générale ordinaire8 et qui ne peut pas être supprimé ; ainsi en va-t-il encore du
locataire d’actions9.

Il est normalement exercé individuellement, mais la loi autorise les procurations et les mandats.

3 Répondant aux conditions de l’article L. 225-120 du Code de commerce.


4 Cass. civ., 7 avr. 1932, DH, 1933, I, 153, note P. Cordonnier.
5 L’article L. 242-9 1° et 3° du Code de commerce sanctionne ces deux comportements de 2 ans de prison

et de 9000€ d’amende.
6 Elles sont d’ailleurs très utiles pour organiser le contrôle d’une société, et très fréquentes en pratique.
7 A tout le moins, une action en responsabilité peut être engagée contre le cocontractant fautif. Mais cela

relève de la relation contractuelle conclue entre les actionnaires ayant pris des engagements sur l’exercice
de leur droit de vote.
8 C. com., art. L. 225-110. Le nu-propriétaire vote alors en assemblée générale extraordinaire. Les statuts

peuvent toutefois déroger à cette répartition du droit de vote.


9 C. com., art. L. 239-3 al. 2, à l’exclusion des assemblées statuant sur les modification statutaires ou le

chassent de nationalité de la société, et selon la même répartition qu’entre usufruitier (pour le locataire) et
nu-propriétaire (pour le propriétaire).
3
Chaque actionnaire dispose en principe d’une voix par action. En effet, « le droit de vote attaché
aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu'elles
représentent et chaque action donne droit à une voix au moins »10. Cette règle est d’ordre public :
toute clause contraire est réputée non écrite : on ne peut en principe, ni supprimer le droit de vote
attacher aux actions, ni augmenter le nombre de droit de vote par actions, à moins que la loi ne l’y
autorise, dans des circonstances spécialement déterminées.

Précisément, on observe qu’à ce principe de proportionnalité, il existe de nombreuses exceptions,

Les statuts peuvent par exemple attribuer un droit de vote double, pour récompenser la fidélité des
actionnaires, titulaires nominativement depuis 2 ans, d’actions entièrement libérées. Ce droit de
vote double est même conféré de plein droit dans les sociétés cotées, aux mêmes conditions de
détention, sauf stipulations contraires des statuts11.

Mais c’est surtout les limitations au droit de vote qui sont les plus fréquentes.

On peut évoquer tout d’abord la privation du droit de vote. La loi prive ou suspend temporairement
le droit de vote dans plusieurs hypothèses. Il peut s’agir par exemple, de sanctions légales (actions
non libérées dans les délais légaux12 ) ou judiciaires, voire encore de prévenir des conflits d’intérêts
(lorsque l’assemblée délibère sur l’approbation d’un apport en nature, les actions de l’apporteur ne
sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité, et l’apporteur n’a pas voix délibérative13).

On peut évoquer ensuite la suppression du droit de vote par la voie statutaire. La jurisprudence a
toutefois joué un rôle protecteur, et refuse aux rédacteurs de statuts la suppression du droit de
vote en dehors des hypothèses prévues par la loi (celles-ci existent, cf. infra). Les juges
considèrent, sur le fondement de l’article 1844 du Code civil que «  tout associé a le droit de
participer aux décisions collectives et de voter, et les statuts ne peuvent déroger à ces
dispositions »14 .

On peut évoquer enfin des limitations, au sens propre : l’article L. 225-125 du Code de commerce
autorise les statuts à fixer, pour toutes les actions sans distinction, un plafond en limitant le nombre
de voix dont on peut disposer un même actionnaire (objectif : réduire les velléités de prise de
contrôle).

b. Le droit d’obtenir une expertise de gestion



L’article L. 225-231 du Code de commerce autorise une association d’actionnaires15, ou un ou
plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital (individuellement ou en groupe), à
poser par écrit au président du conseil16 ou au directoire, des questions «  sur une ou plusieurs
opérations de gestion de la société » et le cas échéant les sociétés qu’elle contrôle (au sens de
l’article L. 233-3 du Code de commerce). A défaut de réponse17 dans le délai d’un mois, ou si les

10 C. com., art. L. 225-122.


11 C. com., art. L. 225-123.
12 C. com., art. L. 228-29.
13 C. com., art. L. 225-10.
14 Cass. com., 9 févr. 1999, Chateau d’Yquem, Rev. sociétés, 1999, p. 79, note . P. Le Cannu.
15 Répondant aux conditions de l’article L. 225-120 du Code de commerce : réunir des actionnaires

justifiant d’une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant au moins 5% des droits de
vote (la part est dégressive en fonction du montant du capital social : par ex. elle n’est plus que de 1%
lorsque le capital es supérieur à 15 000 000 d’euros). Pour les sociétés cotées, communication des statuts
à l’autorité des marchés financiers.
16 Attention, en cas de dissociation des fonctions avec celles de directeur général, ce serait plutôt à ce

dernier d’apporter une réponse… Le texte ne tient pourtant pas compte de ce cas de figure.
17 Quand un réponse est donnée, elle doit être communiquée au commissaire aux comptes.

4
éléments de réponse ne sont pas satisfaisants, les actionnaires peuvent alors demander en référé
la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion.

3. Les droits financiers

Comme dans toute société18, les actionnaires ont vocation à partager les bénéfices qui pourra en
résulter. Cela se traduit naturellement par l’existence d’un droit aux dividendes (a), mais également
aux réserves (b) et au boni de liquidation (c).

a. Le droit aux dividendes

De la même façon que pour le droit de vote, les actionnaires ont en principe vocation à percevoir
une partie du résultat de la société, à proportion de leur quote-part dans le capital, sous forme de
dividendes. Néanmoins, ce dividende n’est pas obtenu de droit à la fin de chaque année. 


Encore faut-il, premièrement, que la société ait effectivement réalisé un bénéfice et que celui-ci
soit distribuable19 , sauf à prélever les réserves libres. A défaut de résultat distribuable (ou de
réserves), les dirigeants qui verseraient des dividendes à leurs actionnaires tomberaient sous le
coup de la loi pénale, en encourraient 5 ans de prison et une amende de 375 000€20. Les
actionnaires de mauvaise foi et connaissant le caractère irrégulier du versement pourraient être
tenus de restituer à la société les sommes ainsi versées21 . Il est de la même façon interdit (la
clause serait réputée non écrite) de stipuler un intérêt fixe ou intercalaire au profit des associés22 ,
qui permettrait aux actionnaires d’être rémunérés même en l’absence de bénéfice : la
rémunération des actionnaires doit rester dépendante des résultats réalisés : pas de bénéfice
distribuable (ou pas de réserves libres) : pas de dividende.

Et encore faut-il, deuxièmement, qu’après avoir approuvé les comptes annuels et constaté
l’existence d’un bénéfice distribuable, l’assemblée générale en décide23 effectivement la
distribution24. Et, précisément, l’assemblée générale n’est jamais tenue de voter cette distribution :
elle peut parfaitement décider de porter ce bénéfice en réserves libres pour s’autofinancer, se
constituer un trésor de guerre25, etc. Cela dépendra de sa politique financière. L’assemblée
générale peut être tenue de distribuer ce dividende dans différentes hypothèses. Par exemple, les
statuts peuvent tout à fait imposer le versement du bénéfice distribuable après dotation de la
réserve légale 26 ; il peut être stipulé à titre de premier dividende - mais toujours à condition qu’il
existe un bénéfice distribuable -, un intérêt calculé sur la valeur nominale de l’action27 ; un

18 C. civ., art. 1832.


19 C. com., art. L. 232-11 : « Le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué
des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et
augmenté du report bénéficiaire ».
20 C. com., art. L. 242-6 1°. De tels dividendes sont déclarés « fictifs ».
21 C. com., art. L. 232-17.
22 C. com., art. L. 232-15.
23 Des acomptes sur dividende peuvent néanmoins être versés avant l’approbation des comptes par

l’assemblée générale, à trois conditions cumulatives (C. com., art. L. 232-12) : un bilan doit être établi en
cours d’exerce et certifié par un commissaire aux comptes ; un bénéfice être distribuable doit être
constaté ; le montant de l’acompte n peut excéder le montant du bénéfice (on ne peut pas parier sur les
bénéfices restant à réaliser, jusqu’à l’approbation des comptes par l’assemblée générale).
24 C. com., art. L. 232-12.
25 Attention : la mise en réserve systématique des bénéfices peut être sanctionnée au titre de l’abus de

majorité. Par ex. : Cass. 3ème civ. 8 juill. 2015, n° 13-14348, PB, Rev. sociétés, 2016, p. 169, note E.
Schlumberger.
26 C’est tout de même assez rare en pratique, car cela interdirait toute mesure d’autofinancement et

d’épargne.
27 C. com., art. L. 232-16.

5
dividende majoré, dans la limite de 10%, peut également être attribué pour récompenser les
actionnaires fidèles28.

Une fois la distribution de dividende décidée, le paiement doit avoir lieu dans 9 mois de la clôture
de l’exercice29, selon les modalités déterminées par l’assemblée générale.

En principe, la paiement du dividende est réalisé en espèce, mais il peut également être réalisé en
nature30. Les statuts peuvent prévoir que l’assemblée générale a la faculté d’accorder aux
actionnaires une option entre le paiement en nature (versement d’actions)31 et le paiement en
espèce32 .


b. Le droit aux réserves

La société, pour assurer les coups est tenue de se constituer des réserves (dites légales)33 et peut
en constituer librement (réserves libres). Ce matelas financier, qui sont autant de sommes, qui ne
sont pas distribuées aux actionnaires à titre de dividende, leur reviennent néanmoins
proportionnellement à leur part dans le capital. Ils ont ainsi vocation à percevoir les réserves en
cours de vie sociale, si les bénéfices ne sont pas suffisants (mais sur décision de l’assemblée
générale de puiser dans ces réserves) ou lors de la liquidation.

c. Le droit au boni de liquidation

A la fin de la société, lorsque tout le passif social a été apuré (toute les dettes sont réglées), et que
les apports ont été remboursés, les actionnaires ont vocation à se partager le solde restant, c’est
le boni de liquidation. Celui-ci est réparti dans les mêmes proportions que la part de chacun dans
le capital social34 .

4. L’aménagement des droits

Les aménagements des droits d’actionnaires peuvent être réalisés à l’aide de pactes
extrastatutaires (a) ou par le biais des statuts, grâce à l’émission d’actions de préférence (b).

a. Les pactes d’actionnaires

Les actionnaires peuvent prendre entre eux, des engagements, en dehors des statuts, pour
organiser la façon dont ils exerceront leurs droits, et ce parfois de façon à déjouer ce qui est prévu
dans les statuts35. Le plus souvent, il s’agit, pour un petit noyau d’actionnaires, de s’assurer le
contrôle de la société, d’organiser une stabilité des participations, d’organiser les conditions d’un
investissement commun, etc.

28 C. com., art. 232-14. Il profite alors à tous les actionnaires justifiant d’une inscription nominative depuis
deux ans au moins, et toujours actionnaires au jour de la mise en paiement du dividende.
29 C. com., art. L. 232-13.
30 La société peut parfaitement remettre des actions qu’elle détient en portefeuille, voire d’autres biens,

meubles (production de la société) comme immeubles, ou d’avantages matériels !


31 Cette option est doublement efficace : l’actionnaire augmente sa part dans le capital et la société voit ses

fonds propres augmenter.


32 C. com., art. L. 232-18.
33 C. com., art. L. 232-10. Chaque année, 5% des bénéfices doivent être prélevés, jusqu’à constituer une

réserve à hauteur de 10% du capital.


34 C. com., art. L. 237-29.
35 De tels accords sont valables à condition de ne pas inverser le contenu des statuts. Cass. 1ère civ., 13

juin 1995, Rev. sociétés, 1996, p. 75.


6
Ainsi, les actionnaires peuvent conclurent entre eux des engagements relatifs à la cession des
actions, visant à restreindre la libre négociabilité : des clauses d’agrément36, des clauses de
préemption37, les clauses visant à contrôler le niveau de participation38. Il peut s’agir aussi
d’engagements visant à assurer une certaine répartition des postes au conseil d’administration :
les actionnaires s’engagent par contrat à voter39, en faveur de tel candidat ou tel autre, qui leur est
dévoué. Ainsi qu’il a déjà été dit, il peut s’agir également de conventions de vote40 .

Les droits financiers peuvent de la même façon être aménagés de façon extra statutaire : une fois
le dividende versé aux actionnaires à proportion de leur part dans le capital, les actionnaires
peuvent, entre eux, se répartir à nouveau ce dividende, selon une autre clé de répartition,
convenue dans un pacte. Il en va de même des autres droits d’ordre financier.

Ces pactes ont une valeur inférieure à celle des statuts et les sanctions en cas de défaut
d’exécution beaucoup moins efficaces qu’une violation des dispositions statutaires41 . En tant que
contrat entre actionnaires, auquel la société n’est qu’un tiers, son opposabilité n’est par ailleurs
pas assurée. Les pactes permettent en revanche une certaine discrétion à leurs signataires,
puisqu’aucune mesure de publicité42 n’est nécessaire (contrairement aux statuts).

b. Les actions de préférence

Malgré leur caractère assez rigide, les SA connaissent certains îlots de liberté assez intéressants
pour organiser les droits des actionnaires. Depuis 2004, les SA peuvent émettre des actions d’un
genre particulier, appelées « actions de préférence . L’article L. 228-11 du code de commerce pose
le principe suivant : « Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être
créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute
nature, à titre temporaire ou permanent ».

Plus que des « préférences », ce sont les « droits particuliers » qui sont attachés à ces actions, qui
fondent toute la spécificité de ces valeurs mobilières. On considère en effet qu’il peut s’agir autant

36 Lorsqu’il désire céder ses titres, l’actionnaire doit faire agréer le cessionnaire, par le bénéficiaire de la
clause. A. THEIMER, « Les clauses d’agrément », JCP E, 2005, 1587.
37 Lorsqu’il désire céder ses titres, l’actionnaire doit les proposer en priorité au bénéficiaire de la clause. CA

Angers, 1re ch. A, 20 sept. 1988, aff. Cointreau, Bull. Joly, 1988, p. 850, § 271.
38 Interdiction de monter au capital (stansdstill agreement) ; obligation de conserver son niveau de

participation ; clause d’inaliénabilité (nécessairement temporaire et justifiée par un intérêt légitime : Cass.
civ., 20 avr. 1858, DP 1858, I, 154, Req., 12 juill. 1865, DP 1865, I, 475 ; CA Paris, 4 mai 1982, Gaz. Pal.,
1983, p. 152 ) ; clause de sortie conjointe ou « tag along » (si l’un des actionnaires décide de vendre ses
titres, l’autre actionnaire est en droit d’exiger du cessionnaire, qu’il acquiert également ses actions) ; clause
d’entrainement ou «  drag along  » (si l’un des actionnaires décide de vendre sa participation, l’autre
actionnaire est obligé d’en faire de même) ; clauses de buy or sell : cette clause vient contraindre un
actionnaire soit à racheter les titres d’un cessionnaire, soit, s’il ne le fait pas, à céder ses propres titres, aux
conditions proposées par le cédant…
39 Le résultat n’est toutefois pas assuré. Cela dépendra du vote des autres actionnaires. Au demeurant,

chacun restant libre de son vote, et les sanctions d’une inexécution contractuelle étant ici limitée (quel
préjudice?) rien n’assure que l’engagement soit vécu comme étant contraignant, sauf à prévoir des
sanctions spéciales dans le pacte (clause pénale).
40 La jurisprudence exige que ces conventions soient conformes à l’intérêt social.
41 Dans la jurisprudence, l’exécution forcée des pactes a toujours été difficile à obtenir, mais l’on a observé

quelques infléchissements ces dernières années (CA Versailles, 14e ch., 27 juill. 2010, n° 10/00559, Sté
Esterra). La violation des pactes se résout généralement par le versement de dommages et intérêts. La
réforme du droit des obligations sur la question de l’inexécution contractuelle, y apportera peut être une
solution plus satisfaisante : C. civ., art. 1217 et s.
42 A l’exception des pactes conclus par des actionnaires de sociétés cotées. C. com., art. L. 233-11.

7
d’avantages que de restrictions (ou de droits inférieurs à des actions ordinaires)43 . Les
caractéristiques de ces actions, c'est-à-dire les droits pécuniaires comme extra-pécuniaires, sont
librement déterminées par les statuts (art. L. 228-11 al. 1 c. com.). Au titre des droits pécuniaires
on peut citer par exemple :

- de nombreux aménagements du droit au dividende  : dividende prioritaire, dividende


préciputaire, dividende cumulatif, dividende progressif… Et pourquoi pas un dividende
désavantagé par rapport aux autres  : un dividende conditionnel, partiel, suspendu ou à durée
déterminée, etc… On peut même imaginer qu’il soit calculé en fonction des résultats ou des
performances d’une branche d’activité particulière d’une société ou d’un groupe. On parle alors
d’actions traçantes, de «  tracking stocks  » ou d’  «  actions sectorielles  ». Elles représentent une
quote-part du capital de l’émetteur mais non de celui de l’activité qu’elles ont pour objet de
retracer.

- d’autres droits financiers permettant, par exemple, d’aménager la rentabilité des titres (droit
à l’amortissement en cours de vie sociale, droit au produit de cession de certains actifs, droit
privilégié sur les distributions de réserves, exonération partielle des pertes, attribution préférentielle
du boni de liquidation…) ou bien la géographie du capital (clauses anti-dilutive, de ratchet, de
préemption, d’agrément, d’inaliénabilité, de rachat, de sortie, etc.).

Au titre des droits extra-pécuniaires :

- le droit de vote peut être supprimé, suspendu, réservé à certaines décisions, être aménagé
en fonction de paramètres financiers (résultats, productivité, rentabilité, ventes) ou autres
(réalisation d’un événement particulier, qualité du titulaire des titres…) ;

- plus largement, les prérogatives de « gouvernement » peuvent être modulées de façon à


renforcer l’accès à l’information sociale (en autorisant certains actionnaires à poser des questions
ou demander des expertises de gestion sans qu’ils aient à justifier de la détention d’un
pourcentage particulier du capital ou de la réunion de conditions ordinairement prévues par la loi ;
prévoir des modalités d’accès à la documentation ; offrir aux actionnaires la faculté de diligenter un
audit financier et comptable) ou à associer plus fortement l’actionnaire au pouvoir de décision
(droit de provoquer l’ajournement d’une délibération, droit d’avis ou de consultation préalable, droit
de désignation ou de nomination à des postes clés…).

Les seules limites qui s’imposent lors de l’élaboration de ces titres sont, certes l’imagination des
praticiens, mais surtout l’ordre public, c'est-à-dire  notamment : interdiction des clauses léonines
(art. 1844-1 al. 2 C. civ.) et des clauses d’intérêt fixe (art. L. 232-15 c. com.), l’interdiction de verser
un dividende fictif (art. L. 232-12 c. com.), les règles attachées au droit préférentiel de souscription
(art. L. 225-132 c. com.), l’interdiction de convertir les actions en titres de créance (art. L. 228-91
al. 3). Mais également des règles d’ordre jurisprudentiel comme le principe de hiérarchie des
organes sociaux (Arrêt Motte, Cass. civ., 4 juin 1946)

43 Il faut savoir que la doctrine n’est pas unanime sur cette question. Les uns estiment que la notion de
« droit particulier » impose de voir que les actions de préférence soient dans une situation plus favorable
que les autres actions. Les autres estiment qu’à aucun moment l’article L. 228-11 n’impose que les actions
de préférence doivent nécessairement jouir d’un statut privilégié. D’autant, d’ailleurs que l’article donne lui-
même l’exemple d’actions de préférence dotées de droits inférieurs aux actions ordinaires : le droit de vote
peut être supprimé (ce à quoi les autres répondent qu’il faudrait une compensation financière). De même,
le dernier alinéa de ce même article évoque expressément l’hypothèse d’actions de préférence sans droit
de vote, et dotées de droit limité aux dividendes, et privées de DPS (sauf stipulation contraire des statuts).
D’un point de vue pragmatique, il semble en tous les cas difficile de peser les charges et les prérogatives
pour vérifier si les actions de préférence sont privilégiées par rapport aux actions ordinaires.
8
De même, le principe de proportionnalité du droit de vote, clairement rappelé par l’article L. 228-11
du code de commerce par renvoi aux articles L. 225-122 à L. 225-125, et postulant la règle « une
action=une voix », exclut la création d’actions de préférence dotées d’un droit de vote multiple44 .

Enfin, les actions de préférence sans droit de vote ne peuvent représenter plus de la moitié du
capital dans les sociétés non cotées et plus du quart dans les sociétés cotées. Toute émission
ayant pour effet de porter la proportion au-delà de cette limite peut être annulée.

B. La réunion des actionnaires : l’assemblée générale

C’est en réunion, dans le cadre de l’assemblée générale que les actionnaires peuvent exercer les
droits attachés à leurs actions, et en particulier le droit de vote. Deux types d’assemblées sont
possible : les assemblées générales ordinaires (1) et les assemblées générales extraordinaires
(2). Puisque c’est au cours de ces assemblées que la société sera amenée à prendre des
décisions importantes, le code de commerce encadre les possibilités de les contester (3).

1. L’assemblée générale ordinaire

Chaque assemblée dispose d’une compétence propre. Voyons donc, tout d’abord les attributions
de l’AGO (a) avant de présenter la façon dont elle fonctionne, à travers les modalités de
convocation (b) et de délibération (c).

a. Attributions

L’AGO dispose d’une compétence générale, puisqu’elle prend toutes les décisions, autres que
celles qui relèvent de l’assemblée extraordinaire (C. com., art. L. 225-98). Ainsi présentées, les
choses paraissent peu claires. Mais les missions dévolues à l’AGE étant très limitées (Cf. infra.
modification des statuts et changement de nationalité de la société), l’AGO possède en fait un
champ d’attribution relativement vaste. Citons pour l’essentiel et à toute époque :
- désignation et révocation des administrateurs et des membres du conseil de surveillance45 ;
- révocation des membres du directoire sauf clause contraire des statuts46 ;
- nomination des commissaires aux comptes47 ;
- détermination de l’enveloppe annuelle des jetons de présence attribués aux administrateurs et
membres du conseil de surveillance48 ;
- approbation des conventions réglementées49 ;
- émission d’un emprunt obligataire50 ;

L’AGO en outre et de façon plus périodique, jouer le rôle d’assemblée générale annuelle. A cette
occasion, elle doit :

44 Il en résulte une limite qui ne sied pas avec l’esprit libéral du texte et bloque l’imagination des praticiens.
Au demeurant, cela réduit les possibilités d’aménagements dont pourrait faire l’objet le droit de vote : droit
de vote multiple, exception au droit de vote double, droit de vote plafonné. Il en résulte par ailleurs une
contradiction avec les dispositions des SAS qui excluent expressément les articles L. 225-122 à L. 225-125.
Une SAS qui émettrait des actions de préférence serait donc, paradoxalement, tenue de respecter le
principe de proportionnalité, qui ne s’impose pas à elle en temps normal.
45 C. com., art. L. 225-18, L. 225-24, L. 225-75, L. 225-78.
46 C. com., art. L. 225-61.
47 C. com., art. L. 225-228.
48 C. com., art. L. 225-45 et L. 225-83.
49 C; com., art. L. 225-38 et L. 225-86.
50 C. com., art. L. 228-40.

9
- examiner et approuver les comptes annuels51 (consolidés le cas échéant) et les opérations de
l’exercice52 ;
- constater l’existence d’un bénéficie distribuable et décider de son affectation53 ;
- statuer sur les rapports qui lui sont présentés (rapport annuel de gestion établi par le conseil
d’administration ou le directoire54, rapports spéciaux des commissaires aux comptes55)…

b. Convocation

C’est au conseil administration (en tant qu’organe) - ou au directoire - de convoquer l’assemblée


générale des actionnaires56.

L’assemblée générale est réunie au moins une fois par an, et la convocation doit avoir lieu dans un
délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice57. A défaut de réunion de l’assemblée
générale annuelle dans le délai légal, le ministère public ou tout actionnaire peut saisir le président
du tribunal compétent en référé afin d’enjoindre les dirigeants, le cas échéant sous astreinte, à
convoquer l’assemblée, ou désigner un mandataire pour y procéder. L’assemblée peut en outre
être convoquée par le commissaire aux comptes58 , le conseil de surveillance, un mandataire
désigné en justice59 ou encore les liquidateurs.

La convocation doit répondre à certaines exigences de formes et un processus assez précis60. Un


avis de convocation61 doit être publié dans un journal d’annonces légales62 , au moins 15 jours
avant l’assemblée63.

Elle doit comprendre, des informations relatives à la société64 , le jour, l’heure et le lieu de
l’assemblée, ainsi que sa nature et l’ordre du jour. Cet ordre du jour est fixé par l’organe auteur de
la convocation65, mais il est également permis à un ou plusieurs actionnaires (représentant au
moins 5% du capital), ou une association d’actionnaires (répondant aux conditions de l’article L.
225-120) de requérir l’inscription de points à l’ordre du jour ou de projets de résolution66 (le comité
d’entreprise dispose également de la faculté de requérir l’inscription de projets de résolutions67).

51 C’est à dire : le bilan, le compte de résultats et l’annexe, tels qu’établis par le directeur général et arrêtés
par le conseil d’administration. C. com., art. L. 123-12 et s.
52 C. com., art. L. 225-100
53 C; com., art. L. 232-11 et L. 232-12.
54 C. com., art. L. 225-100, L. 225-100-3, L. 225-102.
55 Par exemple, sur les conventions réglementées (C. com., art. L. 225-40, L. 225-42, L. 225-88, L. 225-90)


56 C. com., art. L. 225-103.
57 C. com., art. L. 225-100. Une prolongation du délai peut être obtenue par décision de justice.
58 Devant l’inaction des dirigeants. C. com., art. R. 225-162.
59 Sur demande de tout intéressé en cas d’urgence (le comité d’entreprise par exemple : C. trav., art. L.

2323-67), ou d’un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins de 5 % de capital, ou d’une association


d’actionnaires répondant aux conditions fixées par l’article L. 225-120 du Code de commerce.
60 Nous nous en tiendrons ici aux seules sociétés non cotées. Pour les sociétés cotées, v. art. C. com., art.

225-73.
61 C. com., art. R. 225-66.
62 C. com., art. R. 225-67. Au bulletin des annonces légales obligatoires (BALO) pour les sociétés cotées.

Par ailleurs, si toutes les actions sont nominatives, une lettre simple ou recommandée adressée aux
actionnaires peut remplacer l’avis de convocation. La convocation peut être également transmise par voie
électronique.
63 C. com., art. R 225-69. Le délai est de 10 jours en cas de deuxième convocation. En cas d’ajournement,

le juge peut fixer un délai différent.


64 Forme, capital social, siège social, numéro RCS, n° INSEE…
65 C. com., art. L. 225-105.
66 Dans les formes prévues aux articles R. 225-72 et -73 : par lettre recommandée ou par mail, 25 jours au

moins avant la date de l’AG sur première convocation.


67 C. trav., art. L. 2323-67.

10
L’ordre du jour cristallise les points qui seront abordé lors de l’assemblée. L’assemblée ne peut
délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour, sauf en cas d’incident de séance,
à statuer sur la révocation des dirigeants.

L’avis de convocation contient par ailleurs :


- les projets de résolutions ;
- les conditions dans lesquelles les actionnaires peuvent voter par correspondance, les lieux et
les conditions dans lesquelles ils peuvent obtenir les formulaires nécessaires, et le cas échéant
l’adresse électronique ou peuvent être adressées les questions écrites ;
- les questions diverses.

Les questions inscrites à l’ordre du jour doivent être libellées avec précision et il n’est pas admis
de renvoyer à des documents pour en apprécier la portée

Il est à noter que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée (nullité
facultative), sauf si tous les actionnaires étaient présents ou représentés (C. com. art. L. 225-104).

c. Délibérations

L’assemblée générale est une réunion privée, réservée aux seuls actionnaires inscrits en compte68
(ou à tout le moins ceux qui sont en mesure d’exercer les droits attachés à des actions69 ). Peuvent
néanmoins y assister, le commissaire aux comptes, deux représentants désignés par le comité
d’entreprise, les représentants de certains créanciers (obligataires et porteurs de titres participatifs)
ainsi que parfois les journalistes financiers (dans les sociétés cotées).

Le vote est en principe effectué sur place, par différents moyens : vote à main levée, bulletin de
vote, vote par boitier électronique, etc. Mais les actionnaires qui ne seraient pas en mesure de se
présenter à l’assemblée générale - peu important leur raison - peuvent néanmoins s’assurer que
leur voix sera comptabilisée.

Il est ainsi possible de donner une procuration à une personne qui votera pour soi. On parle aussi
de représentation. Cette possibilité est limitée70 : dans les sociétés non cotées, un actionnaire peut
se faire représenter par un autre actionnaire, son conjoint ou son partenaire de PACS ; dans les
sociétés cotées, en outre ces mêmes représentants, l’actionnaire peut choisir «  toute personne
physique ou morale de son choix ». Le mandat ainsi confié est « spécial », c’est à dire qu’il ne vaut
que pour une assemblée donnée et pour une date déterminée (un mandat général confié pour
toutes les assemblées à venir n’est pas admis). Il doit être communiqué à la société. Sa révocation
est faite dans les mêmes formes. Cette procuration peut néanmoins être confiée sans indication de
mandataire. Il s’agit alors d’un « pouvoir en blanc » présumant l’accord de l’actionnaire à toutes
les résolutions présentées ou agrées par le conseil d’administration ou le directoire. Il appartient
alors au président de l’assemblée générale (sans liberté d’appréciation) d’émettre un vote
favorable à ces projets de résolution et un vote défavorable à tous les autres.

Le vote par correspondance est admis, au moyen d’un formulaire spécialement prévu à cet effet71 .

Le vote à distance est autorisé, c’est-à-dire à l’aide de « moyens de télécommunication  », si les


statuts le prévoient. Un actionnaire peut donc participer à une assemblée générale par

68 C. com., art. R. 225-85.


69 Les propriétaires indivis d’actions se font représenter par un mandataire commun. C. com., art. L.
225-110 al. 2 ; Le nu-propriétaire et l’usufruitier se partage le droit de vote en application de l’article L.
225-110 du Code de commerce ; les incapables et les personnes morales sont également votent quant à
elles par l’intermédiaire de représentants légaux.
70 C. com., art. L. 225-106.
71 C. com., art. L. 225-107.

11
visioconférence et peut exprimer son vote depuis un site internet72, qui garantit son identification
(transmission au minimum de la voix des participants, retransmission continue et simultanée des
délibérations73 ; code d’accès fourni préalablement la séance74 ).

Une feuille de présence, sur lesquels les actionnaires présents (et les autres personnes
présentes), représentés et réputés présents (visioconférence ou vote par procédé de
télécommunication) apposent leur signature, est tenue75 .

L’assemblée est tenue par un bureau, composé du président de l’assemblée (le président du
conseil d’administration ou de surveillance ; ou en leur absence toute personne prévue par les
statuts, ou à défaut choisie par l’assemblée)76 . Le bureau désigne également un secrétaire de
séance, qui n’est pas nécessairement un actionnaire77. Le bureau exerce la police de l’assemblée
générale et va avoir pour mission notable de comptabiliser les suffrages exprimés pour chaque
résolution, et doit donc être en mesure de connaître l’étendue exacte des droits de vote qui
peuvent être exprimés ( et tenir compte le cas échéant des causes de suppression, de suspension,
d’exclusion du vote…).

L’assemblée générale étant amenée à prendre des décisions, il importe de s’assurer qu’elle soit
suffisamment représentative de l’actionnariat. C’est l’objet du quorum78 : l’assemblée ne peut se
tenir que si les actionnaires présents (ou représentés) possèdent 1/5ème des actions ayant le droit
de vote79 sur première convocation, (sauf à prévoir un quorum plus élevé dans les statuts pour les
sociétés non cotées). A défaut de quorum suffisant, l’assemblée ne pourra pas se tenir. Il faudra
convoquer une nouvelle fois l’assemblée, mais dans ce cas, aucun quorum ne sera requis (il
suffira de la présence d’un seul actionnaire que l’ « assemblée » se tienne).

Dès lors que l’assemblée peut se tenir, les projets de résolutions doivent encore réunir un nombre
suffisant de voix pour être adoptés définitivement. En assemblée générale ordinaire, les
résolutions doivent être adoptées (ou refusées) à la majorité (51%)80 des voix dont disposent les
actionnaires présents ou représentés.

A l’issue du vote et lorsque toutes les questions prévues à l’ordre du jour sont épuisées, la séance
est levée. S’en suivent alors quelques formalités, dont notamment la rédaction d’un procès-
verbal81, signé du bureau, contenant notamment un rappel des éléments propres à l’assemblée
générale, et un résumé des débats et des votes82 . Le fait de ne pas rédiger de procès-verbal rend
l’assemblée annulable. Au delà, dans le mois qui suit l’approbation des comptes annuel, la société
doit déposer au greffe du tribunal de commerce, les comptes annuels, le rapport de gestion, le
rapport des commissaires aux comptes, le cas échéant les comptes consolidés, la proposition
d’affectation des résultats et la résolution d’affectation votée83.

2. L’assemblée générale extraordinaire

72 C. com., art. R. 225-61.


73 C. com., art. R. 225-97.
74 C. com., art. R. 225-98.
75 C. com., art. L. 225-114, R. 225-95.
76 C. com., art. L. R. 225-100. Lorsque l’assemblée est convoquée par le commissaire aux comptes, un

mandataire de justice, l’assemblée est présidée par celui ou par l’un de ceux qui l’ont convoquée.
77 C. com., art. R. 225-101.
78 C. com., art. L. 225-98.
79 Ce qui implique de ne pas comptabiliser les actions dénuées de droit de vote (droit de vote suspendu,

droit de supprimé, etc.).


80 Des majorités plus fortes (majorités qualifiées) peuvent être stipulées dans les statuts, dès lors qu’elles

ne contrarient pas des règles d’ordre public comme la proportionnalité du droit de vote, ou rendent
impossible la révocation des dirigeants.
81 C. com. art. L. 225-114.
82 C. com., art. R. 225-106.
83 C. com., art. L. 232-23.

12
Pour l’essentiel (fonctionnement, délibérations, etc.) l’assemblée générale extraordinaire connaît
des règles identiques à celles des assemblées générales ordinaires. Ce qui diffère tient à la
compétence et aux exigences de quorum et de majorité. 


En effet, l’assemblée générale extraordinaire est spécialement compétente pour modifier les
statuts, dans toutes ses dispositions84 : modification du capital, changement d’objet social, de la
dénomination, transformation, dissolution, etc. Cette compétence ne peut pas être modifiée par les
statuts.

Elle reste toutefois limitée dans deux circonstances : elle ne peut pas augmenter les engagements
des actionnaires, cette décision n’étant possible qu’à l’unanimité85. Elle ne peut par ailleurs
modifier la nationalité de la société en transférant son siège social à l’étranger avec maintien de la
personnalité morale, que s’il existe une convention spéciale avec l’Etat d’accueil. Or, il n’existe
aujourd’hui aucune convention de ce genre…

Compte tenu de son rôle dans la modification des statuts, dont les impacts sur le fonctionnement
sociétaire peuvent être importants, les règles de quorum et de majorité sont plus contraignantes.
Ainsi, l’assemblée générale extraordinaire statue sur première convocation, seulement si les
actionnaires présents ou représentés possèdent au moins 1/4 des actions ayant le droit de vote, et
sur deuxième convocation, 1/5ème de ces actions (tant que le quorum du 5ème n’est pas réuni à
compter de la 2ème convocation, l’assemblée ne peut pas être réunie). Si l’assemblée est réunie,
elle ne pourra statuer qu’à la majorité des 2/3 des voix dont disposent les actionnaires présents ou
représentés.

3. La contestation des assemblées générales

Dans la mesure où elles sont un lieu de confrontation et parfois de divergence d’idées, de points
de vues, de stratégies financières, etc., les actionnaires déçus peuvent chercher à en obtenir
l’annulation. Cette annulation ne peut toutefois pas être obtenue trop facilement, au risque de
déstabiliser les sociétés. Ainsi l’article L. 235-1 du Code de commerce prévoit-il que si c’est un
acte modifiant les statuts dont on souhaite obtenir la nullité, la nullité ne peut résulter que d’une
disposition expresse du Livre II du code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des
contrats. Et, si l’acte ou la délibération dont on souhaite obtenir la nullité ne modifie pas les statuts,
alors la nullité ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du Livre II du code
de de commerce ou des lois qui régissent les contrats. Précisons ce que l’on observe
généralement pour les assemblées générales et les délibérations qu’elles peuvent prendre.

Il existe tout d’abord des nullités facultatives. Celles-ci peuvent être obtenues, par exemple, en cas
de violation des règles de convocation des assemblées générales86. On mesure tout à fait qu’une
convocation mal réalisée, sciemment ou non, puisse avoir empêché un actionnaire de s’y
présenter ou à tout le moins de s’y préparer correctement87. Il appartient toutefois au juge
d’apprécier la nécessité d’annuler l’assemblée générale. L’assemblée peut également être annulée
si la feuille de présence ou le procès-verbal n’ont pas été établis88, ou à défaut d’avoir respecté les
obligations d’information des actionnaires89 . Ce sera également le cas de toutes les délibérations
prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions90

84 C. com., art. L. 225-96.


85 C. civ., art. 1386.
86 C. com., art. L. 225-104.
87 Attention toutefois, si tous les actionnaires étaient présents ou représentés, la nullité ne peut pas être

obtenue. Manifestement, les actionnaires ont eu connaissance de l’assemblée générale à défaut même de
convocation.
88 C. com., art. L. 225-114.
89 C. com., art. L. 225-121, art. L. 225-115 et L. 225-116.
90 C. com., art. L. 225-2-1.

13
Il existe par ailleurs des nullités impératives, concernant les délibérations prises par les
assemblées générales91 en cas de violation des règles relatives : à la compétence des
assemblées, de quorum et de majorité (L. 225-96 à L. 225-99), à la présentation du rapport de
gestion et des comptes annuels, et du rapport du commissaire aux comptes (C. com., art. L.
225-100), à l’ordre du jour (C. com., art. L. 225-105).

La menace de ces nullités a une double vertu : elle protège les actionnaires contre des
assemblées irrégulières au cours desquelles seraient prises des décisions critiquables ; elles
impliquent une grande rigueur juridique pour ceux qui en ont la charge, du début jusqu’à la fin de
l’assemblée. Au demeurant, les nullités ainsi prévues ne sont pas trop largement ouvertes, afin
d’assurer à la société une certaine quiétude, contre tout risque de demandes abusives de la part
d’actionnaires procéduriers.

C’est ce qui explique que les nullités peuvent être couvertes92 ou régularisées93, à l’occasion d’une
nouvelle assemblée générale régulière, et que les délais de prescription soient relativement courts
: 3 ans à compter du jour où la nullité est encourue94.

Section II. Les organes de contrôle de la SA



Parce que la SA est, comme toute société, le lieux où se rencontrent des intérêts divergents, on
peut craindre que certains des acteurs, à raison de leur place dans la société, des pouvoirs dont ils
disposent, cherchent à s’octroyer des avantages, au détriment des autres acteurs. Si l’on ajoute à
cela que les SA sont généralement des structures choisies pour des activités importantes, on
comprends aisément que les enjeux, financiers notamment, sont grands. C’est ce qui explique
l’organisation, par le législateur de différents système de contrôle. Ceux-ci peuvent être internes
(comme par exemple le comité d’entreprise), c’est le cas par exemple de la procédure des
conventions réglementées, qui s’articule autour du conseil d’administration et l’assemblée générale
des actionnaires (A). Mais les contrôles peuvent également être réalisés par des acteurs externes.
Ceux-ci peuvent être très divers : on peut évoquer par exemple les autorités administratives
(Autorité des marchés financiers ; Autorité de la concurrence, et tant d’autres), mais nous
arrêterons un instant sur les commissaires aux comptes (B).

A. Le conseil d’administration et les conventions réglementées

Les dirigeants, les associés ou les administrateurs sont fréquemment amenés (directement ou par
personne interposée) à conclure avec leur société toutes sortes de conventions95 : ventes, baux,
prestations de services, prêts, contrats de travail, rémunérations, etc. Dans certaines
circonstances, ces mêmes personnes peuvent parfois profiter, indirectement, d’une convention à
laquelle elles ne sont pas parties. Afin d’éviter qu’elles ne privilégient leur intérêt personnel au
détriment de l’intérêt social, et prévenir ainsi les conflits d'intérêts qui pourraient en résulter, le

91 C. com., art. L. 225-121.


92 C. com., art. L. 235-4.
93 C. com., art. L. 235-6, L. 235-7.
94 C. com., art. L. 235-9.
95 Attention toutefois, certaines conventions sont purement et simplement interdites (C. com., art. L. 225-43)

: les administrateurs (sauf s’il s’agit de personnes morales), le directeur général, les directeurs généraux
délégués, les représentants permanents des personnes morales (ainsi que leurs conjoints, ascendants et
descendants, ou plus largement toute personne interposée) ne peuvent contracter aucun emprunt auprès
de la société, ni se faire consentir un découvert en compte courant ou autrement, ni se faire cautionner ou
avaliser par elle des engagements envers les tiers. Cette interdiction n’est pas applicable si la société
exploite un établissement bancaire et financier, mais à la condition que les opérations visées soient
courantes et conclues à des conditions normales.
14
législateur96 a prévu une procédure, dite des « conventions réglementées », permettant aux
différents organes de la société (conseil d’administration, assemblée générale des actionnaires) de
les contrôler. Précisons donc son champ d’application (1), la protocole à suivre (2) et les sanctions
encourues (3).

1. Champ d’application

Trois séries de conventions97 , qualifiées selon la qualité de leurs contractants, sont visées par le
code de commerce.

- les conventions intervenant directement ou par personne interposée entre la société et ses
dirigeants, administrateurs, ou actionnaire de référence (disposant de plus de 10% des droits de
vote)98 . Et, si un actionnaire est une société, les conventions visées sont celles intervenant avec
la société qui contrôle la société actionnaire, au sens de l’article L. 233-3 c. com.99;
- les conventions auxquelles ces mêmes personnes sont indirectement intéressées (qui n’ont
donc pas conclu eux-mêmes la convention mais en tirent un avantage)100 ;
- les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si les dirigeants101 de la société
sont propriétaires, associés indéfiniment responsables, ou dirigeants (gérant, administrateur,
membre du CS) de l’entreprise cocontractante (exemple : convention conclue entre deux SA
ayant des administrateurs communs).

Il s’agit d’identifier les conventions dans lesquelles il existe bien un conflit d’intérêts pour une partie
qui a, à la fois un intérêt en tant que membre de la société contractante, mais également un intérêt
à titre personnel (même indirectement).

Sont toutefois exclues de champ d’application102 (on parle de conventions « libres ») :

- les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ».
Le caractère courant de l’opération s’apprécie par exemple au regard de l’activité de la société
ou des pratiques d’autres sociétés placées dans la même situation. Il implique une certaine
répétition et serait exclu si l’opération avait un caractère exceptionnel. La normalité implique une

96 C. com., art. L. 225-38 et s. (pour les SA à conseil d’administration) ; C. com., art. L. 225-86 et s. (pour
les SA à directoire et conseil de surveillance).
97 La notion de convention doit être entendue largement : elle vise tout autant la conclusion de contrats que

leurs modification, résiliation d’un commun accord, renouvellement par tacite reconduction, transaction
entre la société et son P-DG révoqué qui a la qualité d’administrateur… Cela implique en tout état cause,
l’existence d’un accord de volonté, créant, modifiant, transmettant ou éteignant un rapport de droit.
98 On peut relever une difficulté : faut-il qu’effectivement l’actionnaire en question dispose de son droit de

vote pour être tenu par cette disposition ? A l’inverse, un actionnaire dont le droit de vote est privé ou bien
suspendu peut-il échapper à la procédure ? Cela ne pose pas de problème en principe dans la mesure ou
le fait de ne pas disposer de droits de vote garanti l’impossibilité de prendre part au vote, mais selon les
auteurs, ce point est problématique lorsque le droit de vote a été supprimé à titre de sanction, en ce que
cela revient à accorder paradoxalement un avantage. On s’interroge par ailleurs sur les difficultés que cela
peut poser toutes les fois où les droits d’actionnaires ont fait l’objet de dissociations (usufruit, indivision,
etc.).
99 Cette hypothèse est large en raison de la diversité de la notion de contrôle prévue par l’article L. 233-33

du Code de commerce, notamment à propos du contrôle conjoint, ou encore de la question du contrôle


indirect.
100 On peut retenir la définition suivante (Rapport de la CCI Paris IDF, «  Renforcer l’efficacité de la

procédure des conventions réglementées. contributions de la CCIP aux travaux de place », 8 sept. 2011) :
Est considérée comme étant indirectement intéressée à une convention à laquelle elle n’est pas partie, la
personne qui, en raison des liens qu’elle entretient avec les parties et des pouvoirs qu’elle possède pour
infléchir leur conduite, en tire un avantage.
101 Directeur général, directeur général délégué, administrateur.
102 C. com., art. L. 225-39.

15
appréciation objective des conditions généralement applicables à l’opération donnée (prix,
durée, pénalités, obligations respectives, etc.) ;
- les conventions conclues entre une société et ses filiales à 100%. Les situations dans lesquelles
une société mère et une filiale à 100% ont au moins un dirigeant commun sont très fréquentes.
La procédure de contrôle des conventions réglementées serait donc théoriquement applicable
de façon systématique, alors même qu’aucun conflit d’intérêt n’est à craindre : il n’y a pas
d’autre actionnaire dans la filiale. L’exclusion de ces conventions du périmètre des conventions
réglementées permet donc de ne pas trop alourdir les obligations légales et de réduire les coûts
de gestion du groupe. Cela permet en outre aux actionnaires de se concentrer sur les
conventions présentant de véritables risques.

2. Procédure

Une fois les conventions porteuses de conflits d’intérêts identifiées, il convient de respecter une
procédure particulièrement complexe.

En premier lieu, ces conventions doivent être soumises à l’approbation préalable du conseil
d’administration. Il appartient ainsi à la personne intéressée à la convention de porter
connaissance au conseil de l’existence d’un projet de convention103 . En principe, la convention ne
peut pas être conclue avant d’avoir été autorisée par le conseil. Lorsque le conseil d’administration
statue sur cette autorisation, et par souci de prévention des conflits d’intérêts, si la personne est
administrateur, elle ne peut pas prendre part au vote104.

Lorsqu’il autorise de telles conventions, le conseil d’administration doit justifier de l’intérêt des
conventions pour la société et des conditions financières qui y sont attachées105. Ces motifs sont
repris dans le procès-verbal de la séance.

Le président du conseil donne ensuite avis aux commissaires comptes de toutes les conventions
ainsi autorisées dans le délai d’un mois à compter leur conclusion, et indique les motifs justifiant
l’intérêt de la convention pour la société retenus par le conseil106. Le commissaire établi un rapport
spécial, qu’il présentera à l’assemblée107. Le rôle des commissaires aux comptes consiste
principalement en une simple fonction de communication : il reçoit l’information fournie par le
président du conseil d’administration et la transmet, via son rapport spécial, à l’assemblée
générale. Il ne se prononce pas sur l’opportunité, l’utilité, la normalité, ou les justifications des
conventions et n’a pas à rechercher celles qui auraient dû faire l’objet d’une autorisation préalable.

Le président doit en outre soumettre les conventions conclues à l’approbation de l’assemblée


générale des actionnaires. Elle se prononce sur le rapport spécial du commissaire aux comptes.
Là encore, et l’on comprend bien pourquoi, les personnes intéressées ne peuvent pas prendre part
au vote et leurs actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

Si les conventions ainsi autorisées, conclues puis approuvées par l’assemblée générale voient leur
exécution se poursuivre dans le temps, elles devront être examinées chaque année par le conseil

103 Ce qui suppose qu’elle sache qu’elle est partie - ou qu’elle est indirectement intéressée - à une telle
convention
104 C. com., art. L. 225-40.
105 C. com., art. L. 225-38 al. 4.
106 C. com., art. R. 225-30. On évoque bien ici la « conclusion » des conventions autorisées. A défaut de

conclusion, il n’y a pas besoin de poursuivre la procédure.


107 Ce rapport contient notamment : l’énumération des conventions soumises à l’approbation de

l’assemblée générale, la désignation des des dirigeants ou actionnaires concernés, la nature et l’objet des
conventions, leurs modalités essentielles, les motifs justifiant de l’intérêt de ces conventions retenus par le
conseil, et toutes autres indications permettant aux actionnaires d’apprécier l’intérêt qui s’attachait à la
conclusion des conventions ; l’énumération des conventions conclues et autorisées au cours d’exercices
antérieurs et donc l’exécution s’est poursuivie au cours du dernier exercice. C. com., art. R. 225-31.
16
d’administration108 et être communiquées aux commissaires aux comptes109 , qui en fera part dans
son rapport spécial110 . Passer annuellement en revue les conventions réglementées dont l’effet
perdure dans le temps permet de réévaluer régulièrement l’autorisation donnée par le conseil. Il
appartiendra ainsi au conseil de vérifier si les conventions antérieurement autorisées doivent ou
non être à nouveau soumises au vote de l’AG (notamment si les conditions qui présidaient lors de
l’autorisation initiale ne sont plus réunies). Le cas échéant, cette revue annuelle peut permettre de
poser la question du maintien ou non de la qualification du contrat en convention réglementée au
regard de l’évolution des circonstances.

Pour terminer, il convient d’évoquer l’inclusion dans le rapport de gestion du conseil


d’administration111, d’une information relative aux conventions conclues par un dirigeant ou
actionnaire détenant plus de 10% de la société mère, avec une filiale détenue directement ou
indirectement112.

Il ne s’agit pas ici d’autoriser de telles conventions, mais plus simplement d’en porter l’existence à
la connaissance des actionnaires. En effet, bien qu’elles n’entrent pas dans le périmètre des
conventions réglementées113 elles peuvent tout de même générer de véritables conflits d'intérêts et
être préjudiciables à la société. Jusqu’à présent, une convention pouvait être conclue entre une
filiale et le dirigeant de la société mère pour l'exécution d'une prestation (de conseil par exemple)
au sein de la société mère sans que les actionnaires de la mère et de la filiale en soient informés.

3. Sanctions encourues

Le Code de commerce prévoit plusieurs sanctions encas de violation de la procédure.

Avant toute chose, il est toutefois intéressant de constater que le non-respect de la procédure n’a
pas d’effet sur la validité même des conventions ni sur leur opposabilité aux tiers114, sauf fraude.
De ce point de vue l’efficacité de la procédure apparaît assez relative, même si l’on comprend bien
qu’elle vise à garantir la sécurité juridique des cocontractants de bonne foi. Le rôle de l’assemblée
générale reste donc assez limité et n’empêche pas la conclusion des conventions. Pour autant,
des sanctions sont applicables. 


D’une part, il est prévu que les conséquences préjudiciables des conventions désapprouvées par
l’assemblée générale (mais néanmoins conclues et exécutées) peuvent être mises à la charge de
l’intéressé115 et éventuellement des autres membres du conseil d’administration.

D’autre part, autorisées ou non, approuvées ou non, une action en responsabilité supposant la
preuve d’une faute et d’un préjudice causé par la convention demeure possible, peut être engagée
en application du droit commun116 à l’encontre de la personne intéressée à cette convention.

108 C. com., art. L. 225-40-1.


109 Ils doivent être informés de ces conventions dans le délai d’un mois à compter de la date de clôture de
l’exercice. C. com., art. R. 225-30 al. 2.
110 Il donnera à cette occasion toutes indications permettant aux actionnaires d’apprécier l’intérêt qui

s’attache au maintien des conventions énumérés pour la société, et l’importance des fourniture livrées ou
prestations de services fournies et le montant des sommes versées ou reçues au cours de l’exercice, en
exécution de ces conventions (C. com., art. R. 225-31 7°).
111 Celui de l’article L. 225-102 du Code de commerce.
112 C. com., art. L. 225-102-1 dern. al.
113 A moins que les circonstances de fait sont de nature à démontrer l’existence d’une interposition de

personnes, et ce par exemple lorsque le dirigeant de la société mère qui a conclu une convention avec une
filiale est en réalité rémunéré pour service rendu à la mère.
114 C. com., art. L. 225-41.
115 C. com., art. L. 225-41.
116 C. com., art. L. 225-42.

17
Surtout, une cause de nullité facultative est prévue. Outre l’hypothèse de la fraude, les conventions
qui n’ont pas été autorisées par le conseil d’administration, mais qui ont été conclues en dépit de
ce rejet, peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société117
(il convient donc d’attendre leur exécution, car la seule éventualité de conséquences
dommageables ne semble pas entrer dans le champ d’application de ce texte). L’action en nullité
se prescrit par 3 ans à compter de la date de la convention. Relative, cette nullité ne peut être
invoquée que par la société, dont l’intérêt est protégé. Si la convention a été dissimulée, le point de
départ de la prescription est reporté au moment où elle a été révélée118 . L’assemblée générale
peut néanmoins couvrir la nullité en approuvant la convention, après présentation d’un rapport
spécial du commissaire aux comptes expliquant pourquoi la procédure d’autorisation n’a pas été
suivie119. Il semble qu’une telle couverture a posteriori vienne dans le même temps fermer la
possibilité pour la société de demander la mise à la charge de la personne physique ou morale
concernée des conséquences préjudiciables, tel que cela est prévu à défaut d’approbation.

B. Le commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes est un organe de contrôle comptable. La désignation d’un


commissaire aux comptes est obligatoire dans les SA120. Il paraît donc important de s’intéresser à
son statut (1), à son rôle (2) et enfin à sa responsabilité (3).

1. Statut

Le statut des commissaires procède des articles L. 822-1 et suivants du Code de commerce. Le
commissaire aux comptes est un professionnel libéral, qui exerce son activité sous le contrôle de
la Compagnie national des commissaires aux comptes (CNCC)121 et du Haut conseil du
commissariat aux comptes (H3C)122 .

Dans les SA, le CAC (et son suppléant) est nécessairement nommé par l’assemblée générale
(c’est une compétence exclusive, aucune clause contractuelle limitant le choix de l’assemblée
générale n’est autorisée), sur proposition du conseil d’administration ou du conseil de
surveillance123. SI la société établi des comptes consolidés, il faut nommer 2 CAC et 2
suppléants124. A défaut de provoquer la désignation du CAC, le dirigeant de la société encourt une
sanction pénale : 2 ans de prison et 30 000€ d’amende125.

117 Cette notion est relativement floue. Elle vient réduire sérieusement le risque d’annulation des
conventions conclues en violation de la procédure mais néanmoins conclues à des conditions équilibrées.
Le contrôle du juge s’effectuera surtout autour de l’atteinte à l’intérêt social de la société.
118 La notion de révélation semble devoir s’interpréter en fonction de la personne qui sollicite la nullité.
119 Hypothèse dans laquelle par exemple tous les administrateurs sont intéressés à la convention, et où par

conséquent, le CA n’a pu autoriser la convention.


120 C. com., art. L. 225-218. La présence d’un commissaire aux comptes est impérative dans d’autres

formes sociales (SCA, sociétés cotées), mais aussi en fonction de la dimension économique de l’activité.
Ainsi, dans les sociétés civiles ou commerciales de même que pour les autres groupements exerçant une
activité économique (une association par exemple), un commissaire aux compte doit être désigné si, à la
clôture de l’exercice, deux des trois seuils suivants se trouvent dépassés : 1 550 000€ pour le total du
bilan ; 3 100 000 pour le chiffre d’affaires HT ; 50 pour le nombre moyen de salariés permanents (C. com.,
art. L. 612-1, R. 221-5).
121 La CNCC a notamment un rôle disciplinaire.
122 Le H3C est une autorité administrative, veillant à l’indépendance des commissaires aux comptes, eu

respect de leur déontologie, et qui dispose d’un pouvoir réglementaire pour élaborer des normes
professionnelles.
123 C. com., art. L. 225-228 ; art. L. 823-1.
124 C. com., art. L. 823-2.
125 C. com., art. L. 820-4.

18
Le choix de la SA est doublement encadré : d’une part, elle ne peut sélectionner qu’un
professionnel inscrit sur une lite établie par le H3C126 ; d’autre part, seuls sur cette liste, peuvent
être sélectionnés des CAC garantissant une totale indépendance vis-à-vis de la société127.

Le CAC ainsi désigné exerce sa mission pour 6 exercices, éventuellement renouvelable128. Si la


SA fait des offres au public, le CAC ne peut pas être immédiatement renouvelable, il faut attendre
un délai de trois ans129 .

En raison de son indépendance, les dirigeants ne peuvent pas mettre fin à la mission du CAC trop
aisément. Une procédure de récusation130 pour juste motif (incompétence, partialité, manque
d’indépendance, etc.) est ouverte à plusieurs acteurs131 . Le Code de commerce précise
opportunément qu’une «  divergence d'appréciation sur un traitement comptable ou sur une
procédure de contrôle ne peut constituer un motif fondé de récusation  ». S’i est fait droit à la
demande, un autre CAC sera désigné en justice. Une procédure de révocation est également
prévue132 . La révocation peut être demandée en justice à tout moment et par les mêmes
personnes133 en cas de faute ou d’empêchement du CAC.

Enfin, notons que le CAC est rémunéré (honoraires) par la société qu’il contrôle134 . Néanmoins, il
est prévu que les honoraires versés ne doivent pas créer de dépendance financière du CAC. Un
barème permettant de fixer des honoraires minimaux est prévu135.

2. Rôle

Le CAC exerce trois rôles fondamentaux. 




En premier lieu, le CAC est chargé de certifier que les comptes annuels (consolidés le cas
échéant), sont réguliers, sincères, et donnent une image fidèle du résultat des opérations de
l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société (ou de
l’ensemble consolidé), à la fin de l’exercice136 . A ce titre, les CAC sont amenés à procéder à toutes
vérifications et contrôles qu’ils jugent opportun et peuvent se faire communiquer tous documents
utiles à l’exercice de leur mission137. Sans pouvoir s’immiscer dans la gestion de la société138, ils
sont amenés à vérifier les valeurs et les documents comptables, à contrôler la conformité de la
comptabilité aux règles en vigueur ; ils vérifient la sincérité et la concordance avec les comptes
annuels, ou les comptes consolidés, des informations données dans le rapport de gestion, le
rapport annuel et les documents adressés aux actionnaires…. Le CAC exprime son opinion (il
certifie la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes, peut exprimer des réserves, ou refuser

126 C. com., art. L. 822-1 et s.


127 C. com., art. L. 822-11 : interdiction de posséder, recevoir, conserver une participation (ou plus
largement un intérêt) dans la société ou de de donner des conseils ou effectuer des prestations de services
portant atteinte à son indépendance. Les CAC doivent encore plus largement s’abstenir de tisser des liens
personnels étroits avec les dirigeants sociaux (Code de déontologie, art. 27 et 28).
128 C. com., art. L. 823-3.
129 C. com., art. L. 822-14.
130 C. com., art. L. 823-6.
131 Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital, le comité d’entreprise, le ministère

public, l’AMF si la société est cotée, 1/5ème des membres de l’assemblée générale (dans les seules
sociétés autres que commerciales).
132 C. com., art. L. 823-7.
133 Auxquelles il faut ajouter le conseil d’administration et le directoire.
134 C. com., art. L. 823-18.
135 C. com., art. R. 823-12.
136 C. com., art. L. 823-9.
137 C. com., art. L. 823-13.
138 C. com. art. L. 823-1 : «  la mission de certification des comptes du commissaire aux comptes ne

consiste pas à garantir la viabilité ou la qualité de la gestion de la personne ou entité contrôlée ».


19
de certifier) dans un rapport qui sera adressé aux actionnaires et sur la base duquel il seront
amenés à approuver ou rejeter les comptes.

En second lieu, le CAC est tenu par un devoir d’information. Tout au long de la vie sociale, le CAC
est amené à intervenir pour rédiger des rapports sur de nombreuses opérations sociétaires
(conventions réglementées, émission d’actions de préférence, exercice du droit préférentiel de
souscription, fusion, scission, etc.). En outre, le CAC est tenu de révéler les faits délictueux (abus
de biens sociaux, maquillage ou trucage des comptes, etc.) dont ils ont connaissance, au
procureur de la République, à l’image des « lanceurs d’alerte »139. Enfin, les CAC participent à la
lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme140 en déclarant à la cellule
TRACFIN, « les opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner
qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou
participent au financement du terrorisme »141.

En dernier lieu, précisons que le CAC est par ailleurs tenu par un devoir d’alerte des dirigeants
lorsqu’il observe des « faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation »142 , c’est-à-
dire lorsqu’il existe un risque pour la société de cessation des paiements. A défaut de réponse
dans les 15 jours, ou si celle-ci ne permet pas d’assurer la continuité de l’exploitation, le CAC a la
possibilité de mettre en place une procédure impliquant les différents organes de la société (CA,
assemblée générale) afin qu’ils prennent des mesures pour remédier à la situation. Le tribunal de
commerce est informé des avancées (ou de l’absence de mesures efficaces).

3. Responsabilité

Civilement, le CAC est responsable143 , tant à l’égard de la société contrôlée que des tiers, des
conséquences dommageables des fautes et négligences commises dans l’exercice de ses
fonctions144. Cette responsabilité n’est pas encourue à raison des informations ou divulgations de
faits auxquelles ils procèdent en exécution de sa mission (sauf s’il s’agit d’une violation du secret
professionnel). En tout état de cause, le CAC ne peut pas être tenu pour responsable des
irrégularités ou défauts de la comptabilité contrôlée. En revanche, peuvent lui être reprochés : un
défaut de vérifications, la violation de ses obligations professionnelles et déontologiques, des
erreurs dans la certification, etc.

Pénalement, l’activité du CAC apparaît très encadrée par de nombreuses sanctions. Sans compter
le risque d’être puni en tant que complice s’il est trop complaisant et ferme les yeux sur des
infractions pénales commises par les dirigeants (abus de biens sociaux, escroquerie, maquillage
des comptes, etc.) voici quelques exemples d’infractions et de sanctions :
- délit de violation des règles d’incompatibilité et d’indépendance : 6 mois de prison et 7 500€
d’amende145 ;
- délit de non révélation de faits délictueux : 5 ans de prison et 75 000€ d’amende146 ;
- délit de confirmation d’informations mensongères : 5 ans de prison et 75 000€ d’amende147 ;
- …

***

139 C. com., art. L. 823-12 al. 2.


140 C. com., art. L. 823-12 al. 3.
141 CMF, art. L. 561-15.
142 C. com., art. L. 234-1.
143 Personnellement, même s’il agit en qualité d’associé, actionnaire ou dirigeant d’une société titulaire du

mandat de CAC en qualité de personne morale.Cette dernière est toutefois responsable in solidum avec le
CAC (CA Paris, 14 mai 2003, BJS, 2003, §263, p. 1250, note Ph Merle..
144 C. com., art. L. 822-17.
145 C. com., art. L. 820-6.
146 C. com., art. L. 820-7.
147 C. com., art. 820-7.

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