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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de confidentialité

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2794 - Présentation de la clause de confidentialité

« "Le but de la clause de secret, de confidentialité ou de discrétion, peu importe son nom, est d'ériger en faute la divulgation d'une
information" » (Fages B., note sous CA Paris, 5e ch. B, 14 févr. 1997, JCP G 1998, II, no 10000 ; voir aussi plus généralement :
Ferrier N., Clause de confidentialité », in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-
Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2018). Cette clause, qui a désormais droit de cité dans le Code civil (C. civ., art. 1230, issu de Ord.
no 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr.), s'ajoute aux devoirs de confidentialité légaux éventuellement prévus par les textes
spéciaux (voir Valdelièvre G., La clause de confidentialité, RLDC 2016/139, no 6225). Elle est fréquemment logée dans un contrat,
aux côtés d'autres clauses, mais certains contrats font aussi du secret leur objet propre.
On pourrait s'étonner de ce que la clause de confidentialité ne suscite pas une jurisprudence aussi nourrie que d'autres "grandes"
clauses contractuelles. Cela peut s'expliquer par deux raisons au moins : d'une part, les difficultés d'ordre probatoire que rencontrent
fréquemment les plaideurs et, d'autre part, la volonté des victimes de ne pas éventer le secret à l'occasion des contentieux (Gastinel
E., Les effets juridiques de la cessation des relations contractuelles. Obligation de non-concurrence et de confidentialité, in L a
cessation des relations contractuelles d'affaires, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1997, p. 197, spéc. p. 210). Le recours à l'arbitrage,
fréquent dans la pratique des affaires, contribue, au reste, à rendre le contentieux peu visible.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de confidentialité

2795 - Exclusion de la phase précontractuelle

Les développements qui suivent ne traitent pas de la question de la confidentialité qui peut être attendue dans le cadre des
pourparlers précontractuels (pour plus de détails, voir no s 150 et 214). On précisera néanmoins que la consécration par la réforme
du droit des contrats d'un devoir de confidentialité à l'occasion des négociations (C. civ., art. 1112-2) ne prive nullement les clauses
de secret d'intérêt. Celles-ci devraient permettre, en effet, d'éviter bien des débats relatifs aux contours de l'obligation légale. Elles
pourraient constituer, en outre, le « "pendant nécessaire au devoir d'information, expressément consacré par les dispositions du
Code civil issues de la réforme des contrats" » (Valdelièvre G., La clause de confidentialité, RLDC 2016/139, no 6225).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 1. Objet de la protection

2796 - La clause de confidentialité permet de protéger le patrimoine informationnel de l’entreprise

L e « "patrimoine informationnel de l'entreprise" », composé d'informations stratégiques, techniques, commerciales,


organisationnelles ou encore financières, possède une valeur économique qu'il est important de protéger (Hagel Fr., Protection des
secrets d'affaires : enjeux et repères, Cah. dr. entr. 2012, Fasc. 1, p. 31 ; voir aussi Malaurie-Vignal M., Réflexions sur la protection
du patrimoine informationnel de l'entreprise contre le piratage économique, D. 2012, p. 1415). Or, il est fréquent que l'entreprise
expose elle-même, à l'occasion de son activité, l'information aux tiers : soit que le contrat qu'elle conclut a pour objet l'accès à une
information, soit qu'il permet indirectement d'y accéder (Vivant M., Les clauses de secret, in Les principales clauses des contrats
conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1990, p. 101, spéc. p. 107). On rangera dans la première catégorie, par
exemple, les contrats de transfert de technologie ou de communication de savoir-faire (sur l'impropriété de l'expression courante de
"licence de savoir-faire", laissant entendre qu'il y aurait une propriété donnée en jouissance là où il s'agit « "seulement de faire
connaître le contenu d'un secret" », voir Passa J., Communication de savoir-faire : qualification du contrat et violation de l'obligation
d'exclusivité, RDC 2014, p. 739) et, dans la seconde, les contrats de travail et tous contrats de services (prestataires informatiques,
auditeurs, etc.) impliquant un accès à l'entreprise (Vivant M., Les clauses de secret, in Les principales clauses des contrats conclus
entre professionnels, précité).
La protection conventionnelle de l'information apparaît, dans tous ces cas, particulièrement utile, surtout si le tiers n'est pas tenu ès
qualités au secret professionnel, et compte tenu du fait que la Cour de cassation refuse toute protection des personnes morales au

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titre de la vie privée (Cass. 1re civ., 17 mars 2016, no 15-14.072, Bull. civ. I, no 67, D. 2016, p. 1116, note Loiseau Gr., RTD civ.
2016, p. 321, obs. Hauser J., Bull. Joly Sociétés 2016, p. 10, note Poracchia D.). On ajoutera que le fait que le législateur européen
ait initié une protection du secret des affaires n'en diminue en rien l'intérêt (voir no 2800).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 1. Objet de la protection

2797 - La clause de confidentialité permet, plus généralement, la protection de toute information

De façon plus occasionnelle, il peut arriver qu'une ou plusieurs personnes désirent garder secrète une information donnée : les
résultats d'une recherche (voir notamment Vergès E. (sous la dir.), Contrats sur la recherche et l'innovation, Dalloz Action, 2018, no s
112.00 et s.), l'implication d'un tiers dans la réalisation d'un travail ou d'une œuvre, l'existence d'une procédure de règlement amiable
du conflit, etc. Un accord de confidentialité sera souvent le seul moyen d'y parvenir.
Il arrive que la confidentialité s'applique au contrat lui-même (transaction ou autre). En pareil cas, les parties s'engagent
réciproquement à ne pas dévoiler son existence ou, a minima, sa teneur (Testu Fr.-X., Contrats d'affaires, Dalloz Action, 2010/2011,
no 61.05).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 2. Cumul des protections

2798 - Clause de confidentialité et droits de propriété intellectuelle

On pourra trouver un intérêt limité à obtenir d'autrui un engagement de confidentialité lorsqu'il est par ailleurs possible de bénéficier
d'une protection au titre d'une propriété intellectuelle. Cela étant, « "la confidentialité peut être nécessaire pour permettre à la
propriété intellectuelle de fructifier et de déboucher sur des innovations et une compétitivité accrue. Tout DPI" (droit de propriété
intellectuelle) "commence par un secret : un écrivain ne dévoile pas l'intrigue sur laquelle il travaille (futur objet du droit d'auteur),""un
constructeur automobile ne diffuse pas les premiers croquis d'un nouveau modèle de véhicule (futur dessin ou modèle),""une
entreprise ne révèle pas les premiers résultats de ses expériences technologiques""(objet d'un futur brevet) ou les informations
relatives au lancement d'un nouveau produit de marque""(future marque de commerce), etc." ». Il ne faut pas négliger, non plus, le
fait que nombre de très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) n'ont pas « "les ressources humaines
spécialisées ni l'assise financière nécessaires pour faire enregistrer leurs DPI, les gérer, les faire respecter et les protéger" » (Comm.
UE, COM/2013/0813 final, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des
informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, exposé des
motifs). Il ne faut pas oublier, enfin, que les propriétés intellectuelles sont naturellement limitées par leur objet et que de nombreuses
informations ne peuvent être protégées que par le secret (Hagel Fr., Protection des secrets d'affaires : enjeux et repères, Cah. dr.
entr. 2012, Fasc. 1, p. 31, qui cite par exemple les données de gisements récoltées par les compagnies pétrolières).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 2. Cumul des protections

2799 - Clause de confidentialité et obligation de plein droit

On pourrait encore estimer qu'une clause de confidentialité est superflue lorsque la confidentialité est consacrée de plein droit (voir en
ce sens, Latreille A., Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 2006, no 156, p. 4), par exemple en raison des
fonctions occupées par le récipiendaire (pour un cadre supérieur, voir Cass. soc., 30 juin 1982, no 80-41.114, Bull. civ. V, no 425), de
la nature du contrat conclu (pour un contrat de transport, voir CA Lyon, 3e ch., 7 oct. 1994, no 92/03843 ; pour un contrat de
franchise, voir CA Nancy, 5e ch. com., 14 oct. 2020, no 19/01736, jugeant l'obligation « essentielle ») ou de l'exigence de bonne foi
pesant sur les parties (TGI Montpellier, pôle civil, sect. 2, 17 sept. 2015, no 13/05047, Propr. industr. 2015, repère 11, obs. Le Stanc
Ch.). Les avantages d'une clause en bonne et due forme ne doivent, toutefois, pas être sous-estimés (Caseau-Roche C., La clause
de confidentialité, AJ Contrats d'affaires 2014, p. 119).
D'abord, parce qu'à défaut de circonstances particulières, la jurisprudence demeure assez réticente à l'idée d'alourdir le contrat par la

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découverte d'un contenu caché ou au nom d'obligations implicites (voir notamment Cass. com., 17 mars 2015, no 13-15.862, JCP E
2015, 1603, obs. Binctin N., Propr. industr. 2015, chr. 11, obs. Py E. : « "l'obligation de confidentialité, étant d'interprétation stricte,
ne saurait résulter implicitement de l'existence de relations commerciales et (…), même si un écrit n'est pas nécessaire pour parvenir
à un accord de confidentialité, la preuve d'entretiens ou de contacts verbaux qui auraient eu un tel objet n'est pas fournie" » ; adde,
CA Lyon, 1re ch. civ., sect. A, 12 sept. 2019, no 16/06896, Propr. ind. 2020, comm. 23, obs. Chiariny A.-C.).
Ensuite, parce qu'une clause permettra toujours d'affiner, voire d'alourdir les éventuelles dispositions légales. À titre d'exemple, les
rares décisions qui ont reconnu et sanctionné le manquement d'un membre de conseil d'administration de société à son obligation de
confidentialité l'ont fait, non sur le fondement de la légère « obligation de discrétion » prévue par les textes (C. com., art. L. 225-37),
mais sur celui de « l'obligation absolue de confidentialité » que le règlement intérieur, accepté par l'administrateur, imposait à ce
dernier (T. com. Paris, 1re ch., 10 nov. 2020, no 2019036759, JCP E 2020, 1555, note Fages B., D. 2021, p. 28, note Couret A., JCP
G 2021, 120, note Schiller S.).
Remarque Que le secret ne soit pas contractuellement protégé est une chose. Qu'il fasse l'objet d'une obtention déloyale en est une
autre. La Cour de cassation juge, en effet, que « "l'appropriation, par des procédés déloyaux, d'informations confidentielles relatives
à l'activité d'un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale" » (Cass. com., 8 févr. 2017, no 15-14.846, Contrats, conc.,
consom. 2017, comm. 74, obs. Malaurie-Vignal M.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 2. Cumul des protections

2800 - Clause de confidentialité et protection légale du secret des affaires

La loi no 2018-670 du 30 juillet 2018 (JO 31 juill.) relative à la protection du secret des affaires, qui vise à transposer en droit interne
la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 (JOUE 15 juin 2016, no L 157) (Lapousterle J., La directive (UE) 2016/943 du 8 juin 2016
sur la protection des secrets d'affaires : apports et perspectives de transposition, Dalloz IP/IT 2016, p. 493 ; Galloux J.-Chr., La
transposition de la directive sur les secrets d'affaires, RTD com. 2018, p. 643), confère au secret une protection particulièrement
efficace, tant au plan des sanctions qu'au plan procédural. Cette loi, pourtant, n'a pas réduit l'intérêt des clauses de confidentialité, et
ce, pour deux raisons.
D'abord, parce que toute information n'a pas vocation à être couverte par la loi, dont les conditions sont certes accueillantes mais
non indéfinies (C. com., art. L. 151-1).
Ensuite, parce que la loi n'ignore pas le contrat. En effet, est protégée au titre du secret des affaires l'information qui, entre autres, «
"fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en
conserver le caractère secret" » (C. com., art. L. 151-1, 3º). C'est dire qu'une clause peut faire office de levier : en tant qu'elle
constitue une mesure de protection raisonnable, la protection contractuelle favorise la qualification de secret d'affaires au sens de la
loi. De plus, le fait d'agir « "en violation d'une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation" » constitue l'un des
cas dans lesquels la divulgation est considérée, au sens des textes, comme illicite (C. com., art. L. 151-5 ; sur tous ces points, voir
Lucas-Puget A.-S., L'opportunité des clauses de confidentialité aujourd'hui, et demain ?, LPA 2016, no s 226-227, p. 50 ; Buy Fr.,
Lanceurs d'alerte et secrets d'affaires. Que fait-on des accords de confidentialité ?, in Les lanceurs d'alerte, Disant M. et Pollet-
Panoussis D. (sous la dir.), LGDJ, 2017 ; Buy Fr., La "nouvelle" protection du secret des affaires, RJ com. 2020, p. 536 ; Galloux J.-
Chr., L'identification des secrets des affaires, Propr. industr. 2018, dossier 8, spéc. no s 15 et s. ; adde Dossier « Secret des affaires et
contrat », AJ Contrat 2018, p. 407, spéc. Garinot J.-M., Secret des affaires : la loi ne chasse pas le contrat, p. 412).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 3. Limites de la protection

2801 - Limites intrinsèques

La clause de confidentialité porte en elle-même ses propres limites.


D'abord, la clause n'assure qu'une seule chose : la protection d'une information. Elle est, en revanche, « "à elle seule insuffisante pour
protéger un savoir-faire dont le créancier est titulaire et qu'il communique à son partenaire. En effet, le divulguant doit être protégé à
la fois contre la communication de ce savoir-faire aux tiers, ce qui est l'objet même de la clause de confidentialité, mais aussi contre
son exploitation directe par le débiteur : à la clause de confidentialité doit alors être adjointe un engagement de ne pas exploiter le
savoir-faire communiqué, ce qui n'est pas autre chose qu'une obligation de non-concurrence" » (Dross W., Clausier. Dictionnaire des
clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, Vº Confidentialité, LexisNexis, 2011 ; à titre d'illustration, voir

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CA Dijon, 2e ch. civ., 8 mars 2018, no 16/01118, Contrats, conc., consom. 2018, comm. 109, obs. Malaurie-Vignal M. ; CA Paris,
pôle 5, ch. 4, 3 oct. 2018, no 16/11454, LEDICO nov. 2018, no 10, p. 2, obs. Simon Fr.-L.).
Ensuite, la clause souffre des limites propres aux mécanismes de réservation contractuelle et de responsabilité qui en assure la
sanction. « "La révélation épuise la valeur de l'information confidentielle" » (Latreille A., Réflexion critique sur la confidentialité dans le
contrat, LPA 2006, no 157, p. 4) et il n'est pas toujours sûr qu'une condamnation à des dommages-intérêts non punitifs soit de
nature à dissuader celui qui pourrait tirer un profit considérable de l'exploitation du secret (Latreille A., Réflexion critique sur la
confidentialité dans le contrat, LPA 2006, no 156, p. 4). On mesure ici tout l'intérêt du relais de la protection légale du secret
d'affaires (voir no 2800) qui institue, comme l'a souhaité le législateur européen, des mesures, procédures et réparations «
"effectives et dissuasives" » (Dir. 2016/943/UE, 8 juin 2016, JOUE 15 juin 2016, no L 157, art. 6).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 3. Limites de la protection

2802 - Limites extrinsèques

Sans être frappée d'illicéité, la clause de confidentialité peut être tout simplement inefficace lorsque l'ordre juridique impose ou
autorise la divulgation de l'information. Par exemple au titre :

​ d'une règle de transparence imposant une communication, restreinte ou générale, du contenu contractuel
ou du contrat lui-même : transparence tarifaire (C. com., art. L. 441-1 et s. ; avant Ord. no 2019-359, 24
avr. 2019, JO 25 avr., voir C. com., anc. art. 441-6 et s.), financière (par exemple : C. com., art. L. 233-11)
ou dans le secteur des jeux en ligne (par exemple : L. no 2010-476, 12 mai 2010, JO 13 mai, art. 16) ;
​ du devoir d'informer certains tiers : l'intérêt des tiers à être informés l'emporte parfois sur l'obligation de
conserver le secret. Par exemple, celui de l'associé cédant, à qui le dirigeant doit révéler, au nom de son
devoir de loyauté, toutes circonstances de nature à influer sur son consentement, serait-ce au mépris d'un
engagement de confidentialité sur le prix des actions préalablement souscrit (Cass. com., 12 mars 2013, no
12-11.970, RLDA 2014/92, no 5075, obs. Mestre J. et Mestre-Chami A.-S., Rev. sociétés 2013, p. 689, note
Massart T., RDC 2013, p. 873, obs. Laithier Y.-M.). Ou celui du maître d'ouvrage, qui doit être averti par le
sous-traitant du non-paiement de ses factures et des conséquences susceptibles d'en découler (Cass. com.,
24 mai 2016, no 14-15.642). Ou celui, encore, du tiers présumant l'existence d'un pacte de préférence, à qui
le bénéficiaire doit répondre si celui-ci l'interroge, à peine de ne plus pouvoir solliciter sa substitution au
contrat conclu ou la nullité du contrat (C. civ., art. 1123 ; voir nos 232 et s. ; on remarquera que l'exception
tirée de l'existence d'une clause de confidentialité, qui était initialement prévue par le projet d'ordonnance,
ne figure plus dans le texte) ;
​ de la liberté d'expression : la Cour européenne des droits de l'Homme considère que l'issue d'un litige ne
peut être « "purement dictée par des considérations contractuelles" », sauf à priver de tout effet le droit à
la liberté d'expression du contractant. La sanction prononcée contre un débiteur défaillant doit, par
conséquent, reposer « "sur un juste équilibre entre les droits de chacune des parties" » (CEDH, 5 nov. 2019,
aff. 11608/15, Herbai c/ Hongrie, RDC 2020, no 116s7, p. 80, obs. Marchadier F., au sujet d'un licenciement)
;
​ d'un droit d'alerte : la clause de secret peut être mise à l'épreuve en cas d'exercice par le débiteur de son
droit d'alerte. La loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 (JO 10 déc.), dite loi Sapin 2, n'avait consacré que
l'irresponsabilité pénale (et parfois disciplinaire) des lanceurs d'alerte. Mais l'idée que le lancement d'alerte
puisse être un fait justificatif, en droit pénal comme en droit civil, pouvait être parfaitement défendue (Buy
Fr., Lanceurs d'alerte et secrets d'affaires. Que fait-on des accords de confidentialité ?, in Les lanceurs
d'alerte, Disant M. et Pollet-Panoussis D. (sous la dir.), LGDJ, 2017 ; adde Blanquart C., Les lanceurs
d'alerte et la protection des informations confidentielles au sein de l'entreprise, JCP S 2018, no 37, 1292,
citant Cons. Europe, Recomm. CM/Rec(2014)7 sur la protection des lanceurs d'alerte, 30 avr. 2014). Depuis
la transposition de la directive « lanceurs d'alertes » (Dir. (UE) no 2019/1937 du Parlement européen et du
Conseil, 23 oct. 2019, JOUE no L 305, 26 nov. 2019) par la loi no 2022-401 du 22 mars 2022 visant à
améliorer la protection des lanceurs d'alerte, les textes le confirment maintenant expressément : les
lanceurs d'alerte « "ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement
ou de leur divulgation publique dès lors qu'(ils) avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'(ils) y ont
procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire
à la sauvegarde des intérêts en cause" » (L. no 2016-1691, 9 déc. 2016, préc., art. 10-1, I ; le texte entrera
en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation) ;

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​ d'un droit de renonciation : un auteur pourra toujours revendiquer la paternité sur son œuvre, quoiqu'il ait
accepté que sa qualité ne soit pas révélée au public (Cass. 1re civ, 13 févr. 2007, no 05-12.016, Bull. civ. I,
no 60, Com. com. électr. 2007, comm. 53, obs. Caron C., RTD com. 2007, p. 540, obs. Pollaud-Dulian Fr. : «
"l'autorisation faite par l'auteur au cessionnaire d'un droit d'exploitation de ne pas mentionner son nom sur
les articles reproduisant ses œuvres n'emporte pas aliénation de son droit de paternité, dès lors qu'il
conserve la faculté d'exiger l'indication de son nom" ») ;
​ d'une règle de procédure : il peut arriver que la confidentialité cède, par exemple, devant une mesure
d'instruction. La Cour de cassation juge en effet que « "le secret des affaires ne constitue pas en lui-même
un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du (…) Code de procédure civile, dès lors que le
juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la
protection des droits de la partie qui les a sollicitées" » (Cass. 2e civ., 7 janv. 1999, no 95-21.934, Bull. civ.
II, no 4, Bull. Joly Sociétés 1999, p. 666, note Lucas Fr.-X. ; Cass. com., 18 oct. 2017, no 16-15.900, Bull.
Joly Sociétés 2017, p. 726, note Dissaux N. ; adde sous l'empire de la loi no 2018-670 du 30 juillet 2018
(JO 31 juill.), dite loi Secret des affaires : Lardeux G., Les aspects procéduraux de la protection du secret
des affaires, RJ com. 2020, p. 544). Dans le même ordre d'idées, on peut rappeler que les tiers ont toujours
la possibilité d'invoquer en défense les effets d'une transaction couverte par la confidentialité, quand celle-
ci est produite aux débats par l'une des parties (Cass. soc., 20 nov. 2013, no 10-28.582, Bull. civ. V, no 277,
Dalloz Actualité, 10 déc. 2013, obs. Ines B., Gaz. Pal. 23 janv. 2014, p. 9, note Garinot J.-M., JCP S 2014,
1207, note Bugada A.) ou, encore, que l'ordonnance no 2017-303 du 9 mars 2017 (JO 10 mars), relative aux
actions en dommages-intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, prévoit que le juge concilie la
mise en œuvre effective du droit à réparation et la protection du caractère confidentiel des éléments de
preuve dont la communication ou la production est demandée (C. com., art. L. 483-1 et s.).

Remarque À titre préventif, les parties pourront prévoir que le débiteur devra, au cas où l'ordre lui serait donné de révéler le secret,
avertir le créancier dans les meilleurs délais afin que ce dernier puisse prendre les mesures utiles à la protection de ses intérêts (Testu
Fr.-X., Contrats d'affaires, Dalloz Action, 2010/2011, n o 61.04).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 1 La notion de clause de confidentialité§ 4. Distinction avec les clauses voisines

2803 - Clause de confidentialité et clause de non-concurrence

La distance entre les clauses de confidentialité et de non-concurrence semble a priori irréductible : la première interdit la divulgation
de certaines informations mais n'interdit pas toute activité concurrentielle. Ainsi, la qualification de clause de confidentialité prévaut
quand la seule interdiction imposée au salarié est de faire bénéficier son nouvel employeur des connaissances appartenant au
précédent (Cass. soc., 13 juill. 1999, no 96-45.425). La Cour de cassation peut censurer, le cas échéant pour cause de dénaturation,
les juges du fond qui ont donné à un accord de confidentialité, dont les termes étaient clairs et précis, une portée qu'il n'avait pas
(Cass. soc., 2 oct. 2001, no 99-42.942, Bull. civ. V, no 291, JSL 2001, no 89, p. 27, obs. Rérolle N.). La qualification de clause de
non-concurrence s'impose, en revanche, lorsqu'il est constaté que la clause avait pour objet d'interdire au salarié une activité
professionnelle après la rupture de son contrat de travail (Cass. soc., 29 oct. 2014, no 13-20.068) et « "excédait la portée d'une
clause de confidentialité" » (Cass. soc., 5 déc. 2007, no s 06-41.267 et 06-41.346).
Cela étant, la frontière n'est pas toujours claire.
D'une part, certaines clauses dites de non-exploitation ou de non-usage se situent à la lisière de l'une et de l'autre. Elles ne sont pas
assimilables à des clauses de confidentialité, dans la mesure où l'exploitation n'implique pas forcément la divulgation. Mais elles ne
sont pas, non plus, assimilables à des clauses de non-concurrence, dans la mesure où l'exploitation n'implique pas forcément la
concurrence (voir notamment Vergès E. (sous la dir.), Contrats sur la recherche et l'innovation, Dalloz Action, 2018, no s 112.281 et
s.). La jurisprudence ne manque pas d'opérer les mises au point nécessaires, sachant que l'obligation de non-usage est très souvent
couplée à l'obligation de secret (Cass. soc., 3 mai 2018, no 16-25.067, publié au Bulletin, JCP E 2018, 1418, no 11, obs. Grignon
Ph. : l'engagement d'un salarié, après la rupture du contrat de travail, « "à ne déposer aucun brevet pour des créations inventées
pendant l'exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne diffuser aucune
information commerciale ni aucun enregistrement technique" » n'est pas assimilable à une clause de non-concurrence).
D'autre part, certaines clauses peuvent n'avoir pour objet qu'une obligation de confidentialité, mais avoir pour effet de porter atteinte
à la liberté du travail ou d'entreprendre. Doit-on, alors, leur appliquer par analogie le régime des clauses de non-concurrence, et
notamment la fameuse exigence de contrepartie financière qui est requise en droit du travail (voir no s 2874 et s.) ? La question a été
posée dans un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 15 octobre 2014 (Cass. soc., 15 oct. 2014, no 13-
11.524, Bull. civ. V, no 240, JSL 2014, no s 377-378, p. 20, obs. Tissandier H., JCP E 2015, 1001, obs. Seube J.-B., Gaz. Pal. 11 déc.

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2014, p. 9, note Garinot J.-M., RDC 2015, p. 123, obs. Loiseau G., Dr. soc. 2015, p. 206, obs. Tournaux S., RDT 2015, p. 39, obs.
Gratton L.), où le débiteur de l'engagement de discrétion faisait valoir que celui-ci l'empêchait, en réalité, à l'instar d'une clause de
non-concurrence, de retrouver un emploi dès lors, d'une part, qu'il avait toujours travaillé dans le même domaine d'activité sur lequel
il y a très peu d'intervenants et, d'autre part, que cette atteinte était d'autant plus importante que ladite obligation n'était limitée ni
dans le temps, ni dans l'espace. Le moyen a finalement été écarté en ces termes : « "Mais attendu qu'ayant constaté que la clause
litigieuse ne portait pas atteinte au libre exercice par le salarié d'une activité professionnelle, mais se bornait à imposer la
confidentialité des informations détenues par lui et concernant la société, la cour d'appel (…) en a exactement déduit que cette clause
n'ouvrait pas droit à contrepartie financière" ». On observera que la solution est sévère mais qu'elle n'exclut pas, sur le principe, toute
possibilité d'extension de la jurisprudence relative à la contrepartie financière dès lors que la clause porterait atteinte au libre exercice
par le salarié de son activité professionnelle.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 1. La validité de la clause de confidentialité

2804 - Validité au regard du droit du contrat

La clause de confidentialité est par principe valable, que la confidentialité soit exigée en cours d'exécution du contrat ou à l'issue de
celui-ci (Cass. soc., 19 mars 2008, no 06-45.322, RLDA 2008/29, no 1749, obs. Cornesse I., JSL 2008, no 233, p. 16, obs. Haller
M.-C. : « "une clause de confidentialité destinée à protéger le savoir-faire propre à l'entreprise peut valablement prévoir qu'elle
s'appliquera après la fin du contrat de travail et que l'inexécution par le salarié de l'obligation de confidentialité postérieurement à son
départ de l'entreprise le rend responsable du préjudice qui en résulte pour celle-ci, même en l'absence de faute lourde" »). En
nommant la clause, l'article 1230 du Code civil, issu de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.), le confirme
implicitement (voir no 2815).
Mais la clause s'expose, bien sûr, aux causes générales de l'invalidité contractuelle. Un accord secret qui aurait pour but de couvrir une
pratique illicite (par exemple : un cartel en droit de la concurrence) serait frappé de nullité (Behar-Touchais M., Le contenu du contrat,
RDC 2013, p. 757). De façon plus anecdotique, serait également nul l'engagement antidaté consenti au bénéfice d'une société
dépourvue d'existence juridique (CA Bordeaux, ch. civ. 1, sect. A, 31 mars 2016, no 14/03931).
Il ne semble pas que la clause de confidentialité soit spécialement fragilisée par le droit des clauses abusives. Une clause justifiée est
valable (voir par exemple en droit de la consommation, Cass. 1re civ., 13 nov. 1996, no 94-17.369, Bull. civ. I, no 399, RTD civ.
1997, p. 424, obs. Mestre J., D. 1997, p. 174, obs. Delebecque Ph. : « "la clause de confidentialité du code d'utilisation de la carte,
loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la
commodité d'utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé" »), et c'est l'obligation de renoncer à la
confidentialité qui est parfois elle-même stigmatisée, quand celle-ci n'est pas justifiée ou réciproque (voir par exemple en droit
commercial, CEPC, avis no 14-06, 19 juin 2014, relatif à une demande d'avis d'un syndicat de fabricants du secteur automobile sur
les nouvelles conditions générales d'achat proposées à ses membres par un constructeur français d'automobiles : « "C'est la
conjonction de ces deux stipulations""(art. 31 et 32)""qui révèle l'ampleur du déséquilibre imposé au fournisseur en la matière. D'une
part, ce déséquilibre est réel, puisque l'obligation de principe du fournisseur de renoncer à la confidentialité lui est défavorable, sans
réciprocité ni contrepartie véritable ou justification objective. D'autre part, ce déséquilibre est aggravé par le fait que le constructeur
est exempté de cette même obligation. En d'autres termes, sans aucune explication, le contrat permet au constructeur ce qu'il
interdit au fournisseur" »).
Le risque d'indétermination de l'objet de l'obligation pourrait en revanche, selon la façon dont la clause est libellée, constituer un
élément de fragilité important (pour un exemple de clause imprécise, voir TGI Nanterre, 2 oct. 2014, no 12/11221, Comm. com.
électr. 2015, comm. 3, obs. Loiseau G. ; sur ce point, voir également no 2805 ; sur la question de la détermination de la durée, voir
no s 2808 et s.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 1. La validité de la clause de confidentialité

2805 - Validité au regard des libertés et droits fondamentaux

La question d'un contrôle opéré sous l'angle des droits fondamentaux doit se poser si l'on considère que l'engagement de
confidentialité porte atteinte à la liberté d'expression du débiteur (voir notamment Latreille A., Réflexion critique sur la confidentialité
dans le contrat, LPA 2006, no 156, p. 4 ; Leclerc O., Sur la validité des clauses de confidentialité en droit du travail, Dr. soc. 2005, p.
173 ; Malaurie-Vignal M., Réflexions sur la protection du patrimoine informationnel de l'entreprise contre le piratage économique, D.

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2012, p. 1415 ; Sassolas D., La durée des clauses de confidentialité, RTD com. 2015, p. 625).
Les juges sont particulièrement vigilants en matière de relations de travail. Ainsi, après avoir rappelé que « "les salariés jouissent,
dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de leur liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la
tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées" », la Cour de cassation a-t-elle estimé que « "les
informations à usage interne dont la divulgation est soumise à autorisation préalable par le code de bonne conduite de la société D ne
faisaient pas l'objet d'une définition précise, de sorte qu'il était impossible de vérifier que cette restriction à la liberté d'expression était
justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché" » (Cass. soc., 8 déc. 2009, no 08-17.191, Bull. civ.
V, no 276, JSL 2010, no 269, p. 9, obs. Hautefort M., D. 2010, p. 548, note Desbarats I.). Les clauses de confidentialité post-
contractuelles incluses dans les contrats individuels sont appréhendées de la même façon (par exemple : TGI Béthune, 14 déc. 2010,
Comm. com. électr. 2011, comm. 48, obs. Caprioli É. : « "Les clauses de confidentialité, pouvant être dénommées ""clauses de
discrétion"", sont licites dans un contrat de travail, dans le but de protéger les intérêts de l'entreprise employeur quant à la
confidentialité des informations dont le salarié peut avoir connaissance dans le cadre de ses fonctions ; de telles clauses sont
justifiées par la nature de la tâche à accomplir et doivent être proportionnées au but recherché ; elles restreignent nécessairement la
liberté d'expression du salarié, ce que celui-ci accepte expressément dans le cadre du contrat, à des fins de protection des intérêts
commerciaux de l'employeur" »).
La mise en œuvre d'un tel contrôle est plus rare ailleurs, quoique non inexistante (voir par exemple, à propos d'une transaction : CA
Angers, ch. A, 12 nov. 2013, no 12/01816).
Sur la question de savoir si la clause de confidentialité doit emprunter aux conditions de validité de la clause de non-concurrence, voir
no 2803.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 1. La validité de la clause de confidentialité

2806 - Validité au regard du droit de la concurrence

L'innocuité concurrentielle des accords de confidentialité est généralement reconnue. Ainsi, parmi les obligations qui figurent souvent
dans les accords de licence de droits sur technologie, l'obligation de confidentialité fait partie de celles dont il est admis qu'elles « "ne
restreignent généralement pas la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, du Traité" » sur le fonctionnement de l'Union
européenne (TFUE) (Communication Comm. UE no 2014/C 89/03, Lignes directrices concernant l'application de l'article 101 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords de transfert de technologie, JOUE 28 mars 2014, no C
89, § 183, a)). Il est également admis en droit de la distribution, dans le sillage de la jurisprudence Pronuptia de la Cour de justice de
l'Union européenne (CJCE, 28 janv. 1986, aff. C-161/84, ECLI:EU:C:1986:41), que « "la plupart des obligations figurant dans les
accords de franchise peuvent être considérées comme nécessaires à la protection des droits de propriété intellectuelle ou au maintien
de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé et ne relèvent pas de l'article 101, paragraphe 1" » (Communication
Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, Lignes directrices sur les restrictions verticales, § 191).
Cela étant, il peut arriver que, produisant un effet néfaste sur le marché, la clause puisse être poursuivie sur le fondement d'une
entente interdite. Ainsi a-t-il été jugé, à propos des pratiques d'une centrale d'achat, que « "la clause de confidentialité figurant dans
les accords conclus avec la société G et les ""lessiviers"", avait non seulement un effet anticoncurrentiel à l'égard des producteurs
mais également à l'égard des distributeurs concurrents qui se trouvaient dans une situation désavantageuse par rapport aux
distributeurs auxquels la ristourne occulte était consentie" » (Cass. com., 27 janv. 1998, no 96-10.694). De même la Commission a-
t-elle estimé dans une évaluation préliminaire que, dans la mesure où une clause de confidentialité, équivalente à une clause de non-
concurrence, ne pouvait être considérée comme accessoire à une prise de contrôle exclusif, celle-ci pouvait constituer une restriction
de concurrence relevant de l'article 101 du TFUE (Déc. Comm. UE, C(2012) 4028 final, 18 juin 2012, JOUE 15 sept. 2012, no C
280, RLC 2013/34, no 2204, obs. Robin C.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 1. La validité de la clause de confidentialité

2807 - Validité au regard d’autres règles spéciales

Lorsqu'elle s'applique au contrat lui-même, la confidentialité ne peut avoir pour effet de contrarier une règle d'ordre public dont le
respect implique la révélation du contrat. Ainsi :

​ en matière de sous-traitance, les juges du fond doivent rechercher si la clause de confidentialité d'un

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contrat de sous-traitance ne permet pas à l'entrepreneur principal, tenu de déclarer et de faire agréer les
sous-traitants, de faire échec à cette obligation (Cass. com., 30 juin 2015, no 13-28.692, AJ Contrats
d'affaires 2015, p. 470, note Garinot J.-M.) ;
​ en matière de contrats publics, « "les clauses d'un protocole transactionnel par lesquelles les parties
s'engageraient à ne pas révéler les modalités ainsi que les pourparlers qui ont conduit à l'établissement de
cette transaction, voire son existence même, sont incompatibles avec les règles qui régissent son adoption
par les collectivités territoriales, ainsi qu'avec la mise en œuvre de ce dernier" » (Rép. min. à QE no 19577,
JOAN Q. 3 déc. 2013, p. 12720, Contrats marchés publ. 2014, comm. 69, obs. Roman-Séquense Br.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 2. La durée de la clause de confidentialité

2808 - La clause de confidentialité ne doit pas être nécessairement limitée dans le temps

La confidentialité peut s'appliquer pendant la durée du contrat, et même au-delà ; cela n'est pas discuté. Mais doit-elle être limitée
dans le temps (sur le sujet, voir notamment Sassolas D., La durée des clauses de confidentialité, RTD com. 2015, p. 625) ?
L'arbitrage est délicat : d'un côté, il est souvent impossible, pour le créancier, d'estimer à l'avance ce que sera la "bonne" durée de la
confidentialité, de l'autre côté, s'il n'a pas stipulé une durée, le créancier ne s'expose-t-il pas au grief d'indétermination de
l'engagement ou de perpétuité ?
La jurisprudence est peu fournie ; un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 2 avril 1979 est cependant
souvent cité pour avoir validé une clause illimitée qui avait été imposée à un ingénieur-conseil (Cass. com., 2 avr. 1979, no 77-
14.618, cité par Sassolas D., La durée des clauses de confidentialité, précité ; rappr. Cass. soc., 15 oct. 2014, no 13-11.524, Bull.
civ. V, no 240, à propos d'une clause limitée ni dans l'espace ni dans le temps).
La doctrine estime généralement, de son côté, que la clause non assortie d'une terme explicite serait néanmoins affectée d'un terme
implicite, qui renverrait au « "jour où la divulgation sera devenue anodine" » (Stoffel-Munck Ph., L'après-contrat, RDC 2004, p. 159,
spéc. no 20 ; rappr. Behar-Touchais M., Le contenu du contrat, RDC 2013, p. 763).
Remarque Quelle stratégie contractuelle adopter ?
Les rédacteurs d'actes pourront, soit ne pas prévoir de clause de durée, soit prévoir un terme. La première option nous semble
valide, quoiqu'elle demeure risquée dans la mesure où l'on ne peut exclure que les juges retiennent l'existence d'un contrat à durée
indéterminée, offrant alors au débiteur la possibilité de résilier unilatéralement l'engagement.
La seconde option paraît dès lors préférable. On peut imaginer une durée précise : cinq à dix ans par exemple (Geiger Ch. et Boyer J.,
L'accord de confidentialité dans la pratique des affaires, Contrats, conc., consom. 2016, alerte 18), peut-être même plus car la
notion de perpétuité semble appréciée très souplement en la matière. On peut également imaginer une durée minimale assortie d'une
formule complétive, du style « "et tant que le secret n'est pas divulgué au public/et tant que les raisons qui justifient la confidentialité
n'ont pas cessé" ». Ou, formule alternative plus prudente, une durée maximale selon l'exemple suivant : « "X est libéré de l'obligation
de confidentialité s'il prouve que l'obligation est tombée dans le domaine public et, au plus tard, x années après l'extinction du
contrat" » (Ferrier N., Clause de confidentialité, in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et
Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2018).
En droit des ententes, la longue durée potentielle n'est pas non plus un problème. Selon la Commission européenne, « "l'obligation
pour le franchisé de ne pas divulguer à des tiers le savoir-faire fourni par le franchiseur aussi longtemps que ce savoir-faire n'est pas
tombé dans le domaine public" » est généralement considérée comme nécessaire à la protection des droits de propriété intellectuelle
du franchiseur et, si elle relève de l'article 101, § 1er, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est également couverte
par le règlement d'exemption par catégorie (UE) no 330/2010 du 20 avril 2010 (Communication Comm. UE, SEC(2010) 411 final,
10 mai 2010, Lignes directrices sur les restrictions verticales, art. 45, c)).
On peut aussi observer qu'en droit américain, une solution proche est consacrée par le reverse engineering standard, qui « "maintient
la confidentialité le temps qu'il eut été nécessaire au débiteur pour acquérir seul la connaissance ou le savoir-faire" » (Latreille A.,
Réflexion critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 2006, no 156, p. 4).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 2. La durée de la clause de confidentialité

2809 - Par exception, la clause de confidentialité doit être parfois limitée dans le temps

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Il convient de réserver le cas où la clause de confidentialité pourrait être requalifiée en clause de non-concurrence et donc soumise, à
ce titre, à des conditions plus restrictives (voir no 2803).
On ne peut, non plus, totalement exclure que la clause puisse être rangée, en droit de la distribution, parmi les clauses « "ayant pour
effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de
l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat" » (C. com., art. L. 341-2, I ; Buy Fr., Loi "Macron" :
Focus sur les clauses restrictives d'après-contrat, D. 2015, p. 1902) ; sa durée devrait être alors limitée à un an.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 3. Les autres modalités de la clause de
confidentialité

2810 - Les informations confidentielles

La pratique n'est pas fixée sur une méthode particulière d'identification des informations confidentielles. On peut utiliser différentes
formules, sachant que toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients (en particulier, sur le risque d'indétermination de la
prestation, voir no s 2804 et 2805). Les parties pourront par exemple prévoir, éventuellement en les panachant (Latreille A., Réflexion
critique sur la confidentialité dans le contrat, LPA 2006, no 156, p. 4) :

​ un système de confidentialité générique (assorti ou non d'exceptions) ;


​ une liste d'informations confidentielles (précisant un principe général de confidentialité ou dérogeant à un
principe général de non-confidentialité) ;
​ ou encore, une procédure d'autorisation de divulgation au cas par cas.

Exemples

​ Exemple no 1 (système de confidentialité générique) : Est considéré comme confidentiel « "toute


information ou élément en lien avec l'objet du contrat ou l'activité des parties, dès lors que, à raison de
leur nature ou de la manière dont ils ont été révélés, celui qui en a connaissance devrait raisonnablement
les tenir pour confidentiels" » (Testu Fr.-X., Contrats d'affaires, Dalloz Action, 2010/2011, n o 61.04) ;
​ Exemple no 2 (système de confidentialité générique précisé par une liste d'informations confidentielles) :
« "Les parties s'engagent à considérer comme strictement confidentiels l'ensemble des documents,
informations et données qui leur ont été et/ou leur seront communiqués et dont elles auraient
connaissance dans le cadre des négociations actuellement en cours et lors de l'exécution du contrat. Sont
notamment considérés comme confidentiels :"
"– les informations afférentes à la politique commerciale de la société,"
"– les informations afférentes au savoir-faire de la société,"
"– les informations afférentes à la stratégie industrielle de la société,"
"– les fichiers clients de la société,"
"– les codes sources de logiciels" » (Lucas-Puget A.-S., La clause de confidentialité, Contrats, conc., consom. 2016,
formule 7).

Au-delà, le champ des informations confidentielles peut être déterminé par l'idée, simple, qu'« "on ne peut être raisonnablement tenu
à garder par devers soi quelque chose qui est largement connu" » (Vivant M., Les clauses de secret, in Les principales clauses des
contrats conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1990, p. 101, spéc. p. 110). Une information librement diffusée
sur le site internet du contractant démontrerait, par exemple, que celle-ci n'était pas couverte par la confidentialité (CA Paris, pôle 5,
ch. 1, 24 oct. 2017, no 16/06700, Dalloz IP/IT 2018, p. 194, obs. Lecourt A.).
La plupart des contrats réservent ainsi deux sortes d'informations qui échappent à la confidentialité :

​ l'information déjà connue du débiteur ;


​ l'information déjà tombée dans le domaine public.

Dans un cas comme dans l'autre, on exigera néanmoins que l'information ait été divulguée de façon licite. Certains auteurs
admettent par ailleurs que les parties puissent, en usant de leur liberté, « "donner à l'obligation de confidentialité une portée plus
grande en étendant son champ à certaines informations déjà en possession du débiteur, mais non pour autant publiques" » (Dross
W., Confidentialité, in Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis,
2011).

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 3. Les autres modalités de la clause de
confidentialité

2811 - Le cercle des confidents

Le contrat doit, bien sûr, identifier la ou les personnes tenue(s) par le secret. Il peut néanmoins arriver que le cercle des confidents,
c'est-à-dire des personnes à qui l'information est communiquée, soit plus large que celui des débiteurs.
Si cette communication s'est faite sans l'accord du créancier, c'est-à-dire en violation des termes du contrat, le tiers peut engager sa
responsabilité délictuelle en tant que complice de cette violation (Cass. com., 8 févr. 2017, no 15-14.846).
Mais la communication de l'information aux tiers n'est pas toujours pathologique : à l'occasion de certaines opérations, ou tout
simplement lorsque l'accord est conclu par une personne morale, il est presque inévitable que l'information circule auprès des
dirigeants, associés, salariés, collaborateurs, filiales, sous-traitants, etc. (voir notamment Latreille A., Réflexion critique sur la
confidentialité dans le contrat, LPA 2006, no 156, p. 4 ; Vivant M., Les clauses de secret, in Les principales clauses des contrats
conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1990, p. 101, spéc. p. 111).
Comme en matière de clauses de non-concurrence, il ne paraît pas souhaitable qu'en l'absence de stipulation claire, la portée d'une
clause de secret puisse être élargie au nom de son effet utile. Les principes d'effet relatif des contrats et d'interprétation stricte de la
clause commandent, au contraire, d'en cantonner la portée aux seules personnes qui l'ont acceptée (voir no s 2857 et s.). Le tiers qui
a été mis dans la confidence et qui divulguerait, sans autorisation, l'information couverte pourrait néanmoins engager sa
responsabilité (voir en ce sens, à propos des informations obtenues à l'occasion des négociations précontractuelles : C. civ., art.
1112-2).
Quant au débiteur, sa responsabilité pourrait être engagée pour ne pas avoir pris les mesures utiles pour éviter que le secret ne
s'évente.
En toute hypothèse, il sera toujours plus sage et efficace de préciser dans le contrat :

​ d'une part, la liste des personnes qui pourront être amenées à prendre connaissance de l'information
(autre modalité : une diffusion autorisée pour les « "besoins internes" » de l'entreprise – CA Lyon, ch. 3 A,
19 nov. 2015, no 14/06072) ;
​ d'autre part, que le débiteur s'engage à faire lui-même souscrire un engagement de confidentialité aux
personnes concernées (ou à les informer de la nature confidentielle de l'information transmise et à se
porter fort du respect de cette confidentialité : CA Lyon, ch. 3 A, 7 janv. 2016, no 14/06384).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 3. Les autres modalités de la clause de
confidentialité

2812 - Les modalités de conservation de l’information

Dans sa forme la plus élémentaire, la conservation de l'information passe par une interdiction de divulgation : ne pas dire, écrire,
publier, montrer. Mais il est admis que le débiteur doit en outre, même dans le silence du contrat, adopter toute mesure propre à
garantir cette confidentialité. Une obligation de faire double alors l'obligation de ne pas faire (Vivant M., Les clauses de secret, in Les
principales clauses des contrats conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1990, p. 101, spéc. p. 115 ; Mousseron
J.-M. et a., Technique contractuelle, Francis Lefebvre, 4e éd., 2010, no 701).
Les contractants pourront dresser une liste, exhaustive ou illustrative selon les cas, de mesures anti-fuite : gestion des accès
informatiques, apposition de la mention « "confidentiel" » sur les fichiers ou documents concernés, restrictions d'accès aux locaux de
l'entreprise, organisation de zones protégées, obligation de non-usage, obligation de destruction, etc.
La sécurité informatique fait aujourd'hui partie des points sensibles. Les praticiens préconisent, notamment, que le stockage de
l'information sur un cloud fasse l'objet de contrats adaptés avec les hébergeurs et de mesures de cryptage (voir Blin J.-P., Le point de
vue du juriste d'entreprise, LPA 2016, no 226, p. 66).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de

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confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 4. La violation de la clause de confidentialité

2813 - Inexécution de la clause de confidentialité – preuve

Le créancier peut éventuellement se rendre coupable d'une violation de la clause, par exemple lorsque la communication du secret a
été assortie d'une exclusivité au profit du récipiendaire (CA Paris, pôle 5, ch. 11, 12 avr. 2013, no 12/21643, RDC 2014, p. 739, note
Passa J., RLDI 2013/99, no 3285, note Bourguet F. : condamnation pour transmission du secret à une société sœur).
Le plus souvent cependant, c'est un manquement du débiteur à son engagement de confidentialité qui sera poursuivi. Étant rappelé
que la clause est d'interprétation stricte (Cass. com., 17 mars 2015, no 13-15.862, JCP E 2015, 1603, obs. Binctin N., Propr. industr.
2015, chron. 11, obs. Py E.) et que sa caducité doit être constatée lorsque l'information a précédemment fait l'objet d'une
divulgation au grand public (CA Aix-en-Provence, ch. 17, 31 mars 2016, no 15/02866 : révélation dans la presse d'un tracé de
tramway), on peut mentionner les quelques exemples suivants :

​ constitue un manquement à l'obligation contractuelle de confidentialité le fait, pour un salarié chargé


d'assurer le pilotage d'une réponse à un très important appel d'offres émis par EDF ayant trait à la refonte
de l'architecture du contrôle commandes des centrales nucléaires, de diffuser à l'occasion d'une mise en
ligne de son profil professionnel, des informations confidentielles « "comme le nom de la société, le prix de
l'offre et la forme juridique retenue, alors même que l'appel d'offres n'est pas terminé (…), peu important la
durée pendant laquelle les informations confidentielles ont été accessibles par des tiers" » (CA Aix-en-
Provence, 9e ch. C, 16 déc. 2016, no 14/18917) ;
​ de même, manque à son obligation de discrétion le directeur commercial qui a reçu des personnes
étrangères à l'entreprise appartenant à la concurrence et leur a fait visiter sans autorisation les
installations industrielles de la société (Cass. soc., 25 mars 1981, no 79-40.976, Bull. civ. V, no 253) ;
​ de même encore, mais cette fois de façon plus indirecte, le fait, pour un concessionnaire, de méconnaître
l'engagement de confidentialité qu'il a souscrit envers un constructeur de motocyclettes en publiant des
informations sur les réseaux sociaux, puis de refuser de retirer lesdites informations à la demande de
l'importateur avec qui il a par ailleurs conclu son contrat de concession, constitue « "un manquement (…) à
une obligation souscrite dans l'intérêt des membres du réseau" » et, à l'égard dudit importateur, une
inexécution de ses obligations contractuelles dès lors que ce « "comportement a été (…) suffisamment
imprévisible et empreint d'une telle inconséquence qu'il a été de nature à lui faire perdre la confiance (…)
placée dans ce concessionnaire" » (Cass. com., 6 avr. 2022, no 20-18.135) ;
​ en revanche, le fait pour un actionnaire et membre de l'équipe de direction d'une société de confier à un
autre actionnaire son désenchantement personnel envers la stratégie industrielle de la société, son opinion
sur une stratégie alternative et son souhait de se désengager du capital de l'entreprise ne constitue pas
une divulgation d'information confidentielle (Cass. com., 12 juill. 2011, no 10-22.753).

Il est à noter que la preuve de l'inexécution par le débiteur de son obligation n'est pas toujours aisée. Aussi bien, la jurisprudence
admet-elle, en allégeant la tâche du demandeur, que cette preuve puisse être indirectement établie par une présomption de fait. C'est
sans inverser la charge de la preuve qu'une cour d'appel peut déduire, par exemple, que le débiteur a « "nécessairement divulgué" » à
un tiers le savoir-faire qu'il détenait de son partenaire, dès lors qu'il avait, du fait du partenariat, « "nécessairement acquis son savoir-
faire" », et que le tiers « "ne démontr(ait) pas" » qu'il détenait auparavant un tel savoir-faire (Cass. com., 4 mars 2020, no 17-
21.764, Dr. sociétés 2020, comm. 140, obs. Mortier R., RTD civ. 2020, p. 630, obs. Barbier H.). Dans le même esprit, lorsque
l'information, sans être « "totalement inédite" », est « "déjà connue d'un petit nombre" » (Fages B., Les clauses de secret, JCP G
1998, II, no 10000), les juges estiment qu'il appartient au débiteur d'apporter la preuve de ce que l'information a circulé dans des
conditions lui permettant d'y avoir accès (CA Paris, 5e ch. B, 14 févr. 1997, JCP G 1998, II, no 10000, note Fages B., à propos
d'informations relatives à la vie de la princesse Diana relatées dans une biographie à paraître et publiées par un magazine ayant
contracté un engagement de confidentialité).
Dans certains cas, la preuve peut être aussi, et bien sûr, plus directement établie par le créancier. Par exemple, par la production d'un
extrait du compte Facebook du débiteur (Cass. soc., 30 sept. 2020, no 19-120.58 P, JCP G 2020, 1226, note Loiseau G.). La Cour
de cassation considère, à ce propos, que « "le droit à la preuve peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée
à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi" »
(même arrêt).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 4. La violation de la clause de confidentialité

2814 - Sanctions de l’inexécution de la clause de confidentialité

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L'inexécution de l'obligation de confidentialité peut justifier la rupture unilatérale et immédiate du contrat soumis au droit commun
(pour un contrat de franchise : CA Rennes, 2e ch. com., 19 oct. 2010, no 09/05428, Contrats, conc., consom. 2012, comm. 68,
obs. Malaurie-Vignal M. ; CA Nancy, 5e ch., 14 oct. 2020, no 19/01736, LEDCO 2020, no 10, p. 2, obs. Simon F.-L. ; pour un contrat
d'intermédiaire : Cass. 1re civ., 26 avr. 2017, no 15-28.583) ou, s'il s'agit d'un contrat de travail, un licenciement pour faute grave
(Cass. soc., 3 mars 2009, no 07-43.222, à propos de la violation d'une charte de confidentialité : « "le transfert par le salarié à son
domicile d'informations confidentielles appartenant à l'entreprise, sans justification professionnelle, rendait impossible le maintien de
l'intéressé dans l'entreprise et constituait une faute grave, peu important l'ancienneté de l'intéressé et sa crainte d'un licenciement
pour motif économique" ») ou même lourde (CA Aix-en-Provence, 9e ch. C, 12 févr. 2016, no 14/00255). Cette qualification de
faute grave pourrait être aussi admise, semble-t-il, en cas de manquement commis par un agent commercial ; elle serait alors
privative du droit à indemnité de fin de contrat (Cass. com., 11 mai 2017, no 15-28.175, Contrats, conc., consom. 2017, comm.
153, obs. Mathey N.).
La violation de la clause peut en outre, le cas échéant, constituer un trouble manifestement illicite dont le juge des référés peut
ordonner la cessation (Cass. soc., 12 févr. 2014, no 11-27.899 : injonction de retirer une thèse publiée sur divers sites internet qui
exploitait les informations obtenues par le chercheur dans l'exécution d'un contrat de travail). Pas plus que le juge du principal, le juge
des référés n'a le pouvoir, en revanche, d'ordonner la résiliation d'un contrat de travail, quoique le recrutement soit intervenu en
violation d'un accord de confidentialité et de non-sollicitation conclu entre l'ancien et le nouvel employeur (Cass. soc., 18 nov. 2009,
no 08-19.419, Bull. civ. V, no 258, JCP S 2010, 1051, note Bugada A., Dr. soc. 2010, p. 119, obs. Radé Chr.).
La voie de la responsabilité constitue, cependant, l'option la plus fréquente (sur la possibilité d'une condamnation in solidum de la
société débitrice et de son dirigeant, CA Nancy, 14 oct. 2020, précité). La faute résulte en principe du seul fait de divulgation par le
débiteur. S'agirait-il de l'inexécution d'une obligation de confidentialité post-contractuelle prévue par un contrat de travail, la preuve
d'une faute lourde ne serait pas nécessaire (Cass. soc., 19 mars 2008, no 06-45.322, RLDA 2008/29, no 1749, obs. Cornesse I.,
JSL 2008, no 233, p. 16, obs. Haller M.-C.). La preuve du préjudice doit être rapportée par le créancier (y compris sous l'empire de
l'ancien article 1145 du Code civil, qui pouvait laisser entendre le contraire : Cass. com., 7 mai 2019, no 18-11.128, Gaz. Pal. 7 janv.
2000, p. 32, obs. Houtcieff D.). Le préjudice subi par ce dernier ne correspond pas au « "prix du secret, (…) assez difficilement
chiffrable" » (Fages B., Les clauses de secret, JCP G 1998, II, no 10000), mais aux pertes et gains manqués consécutifs à la
divulgation illicite (pour une perte de crédit dont l'existence est justifiée par la seule évaluation que les juges en ont fait, voir Cass.
com., 20 mai 2014, no 13-16.398, Bull. civ. IV, no 89). Les clauses pénales sont naturellement valables (CA Montpellier, 2e ch., 5 mai
2015, no 13/07182).
Il est important de préciser, enfin, que, dès lors que la divulgation prohibée par le contrat est couverte par la liberté d'expression, les
tribunaux doivent se livrer « "à la mise en balance nécessaire du droit à la liberté d'expression du requérant, dans le contexte de sa
relation professionnelle, à l'aune du droit de son employeur à la protection de ses intérêts commerciaux" » (CEDH, 5 nov. 2019, aff.
11608/15, Herbai c/ Hongrie, RDC 2020, no 116s7, p. 80, obs. Marchadier F.). Entrent en ligne de compte : la nature des propos,
l'intention de l'auteur, tout préjudice qui en aurait résulté, la gravité de la sanction (même arrêt).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 1 La clause de
confidentialitéSection 2 Le régime de la clause de confidentialité§ 5. Le sort de la clause de confidentialité en cas
d’anéantissement du contrat

2815 - Principe de maintien de la clause de confidentialité

Selon l'article 1230 du Code civil, « "la résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à
produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité" (…) ». La solution est de bon sens : la résolution
n'efface pas le fait qu'un secret a été divulgué et la confidentialité ne perd donc pas sa raison d'être au seul motif que le contrat qui lui
servait de support a disparu. Le texte n'évoque que le cas particulier de la résolution mais la solution devrait valoir, selon nous, pour
tous les cas d'anéantissement similaires (notamment la caducité : voir le rapport remis au Président de la République, NOR :
JUSC1522466P (JO 11 févr.), qui mentionne plus généralement la « "disparition du contrat" »).
La doctrine plaide encore en ce sens dans l'hypothèse, certes un peu différente (le contrat n'ayant jamais été valablement formé),
d'un contrat annulé (voir notamment Barbier H., La liberté contractuelle d'aménager les effets de l'extinction du contrat, D. 2018, p.
1185). L'idée serait que la clause jouirait d'une certaine autonomie, à l'instar de la clause compromissoire.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivité

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2816 - Présentation de la clause d’exclusivité

Bien que la clause d'exclusivité soit extrêmement répandue, il n'en existe pas de réglementation générale. Le Titre III du Livre III du
Code de commerce, intitulé « "Des clauses d'exclusivité" », laisse faussement croire qu'il serait porteur d'un corps de règles complet,
alors que celui-ci ne traite à travers trois articles que la question de la durée de la clause et celle de l'obligation d'information
précontractuelle qui doit précéder certaines exclusivités d'achat. Sans doute est-il possible, comme l'ont fait certains auteurs, d'en
proposer une présentation théorique unitaire (voir notamment Eréséo N., L'exclusivité contractuelle, Litec, 2008 ; Eréséo N., J.-Cl.
Concurrence-Consommation, Fasc. 635, La clause d'exclusivité ; Bosco D., L'obligation d'exclusivité, Bruylant, 2008). Mais, parce
que les questions posées, et le régime de la clause de façon plus générale, dépendent assez largement du domaine dans lequel celle-
ci intervient, nous proposerons au lecteur une étude analytique bâtie à partir des grands types d'exclusivités. Ce qui, même ainsi,
n'empêche pas de distinguer un premier bloc d'exclusivités caractéristiques des rapports de distribution (section 1), puis un second,
dédié aux autres formes d'exclusivités (section 2).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distribution

2817 - L’importance des exclusivités dans les contrats de distribution

L'exclusivité est l'un des marqueurs forts des contrats de distribution au sein desquels elle s'épanouit (voir notamment Parléani G.,
Les clauses d'exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM 1990, p.
55 ; Le Tourneau Ph., J.-Cl. Contrats – Distribution, Fasc. 1000, Exclusivités unilatérales ; et plus généralement, voir Buy Fr.,
Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019), à tel point que la doctrine bâtit parfois ses classifications
en fonction de l'existence ou de l'absence d'exclusivité (voir Bénabent A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, LGDJ,
13e éd., 2019, no 282).
On précisera toutefois que, si elle est fréquente en la matière, l'exclusivité n'est pas non plus systématique (voir Cass. com., 9 nov.
1993, no 91-20.382, Bull. civ. IV, no 403, D. 1995, p. 78, obs. Ferrier D. : « "le contrat de franchise n'est pas nul par le seul fait de
l'absence d'une clause d'exclusivité territoriale" »). Son absence n'est pas le signe d'un abus. Ainsi, une clause de non-exclusivité
territoriale dans un contrat de franchise ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, même si le
distributeur assume de son côté un engagement de non-concurrence (Cass. com., 30 mai 2018, no 17-14.303, Concurrences, 3-
2018, p. 114, obs. Ferrier N. ; comp. Trib. com. Paris, 1re ch., 13 oct. 2020, no 2017005123, AJ Contrat 2020, p. 543, note Buy F.
et Roda J.-C., qui annule une clause d'absence d'exclusivité territoriale en ce qu'elle ne permet pas au franchisé de préempter une
nouvelle implantation).
On distinguera, de façon symétrique, l'exclusivité d'approvisionnement, qui peut être mise à la charge du distributeur (sous-section
1), et l'exclusivité territoriale dont peut bénéficier ce dernier (sous-section 2).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 1. La notion
d’exclusivité d’approvisionnement

2818 - Définition de l’exclusivité d’approvisionnement

La clause d'exclusivité d'approvisionnement crée, à la charge de son débiteur, l'obligation de n'acheter un produit donné qu'auprès du
cocontractant et, parfois également, de n'acheter ailleurs aucun autre produit (voir Buy Fr., Clause d'approvisionnement exclusif, in
Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Mestre J., Lamoureux M. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019, no s
78 et s.). Elle est de l'essence de certains contrats, comme par exemple les contrats de bière (voir notamment Lambert Th., Le
contentieux du contrat de bière. Vers un accord cadre de plus en plus sûr, JCP E 2018, 1002).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 1. La notion
d’exclusivité d’approvisionnement

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2819 - Exclusivité et quasi-exclusivité d’approvisionnement

Le régime de l'exclusivité totale est parfois étendu à des clauses qui établissent une exclusivité « "seulement partielle" » (Eréséo N.,
J.-Cl. Concurrence-Consommation, Fasc. 635, La clause d'exclusivité, no 28). Le législateur contemporain a ainsi utilisé à de
nombreuses reprises la notion de quasi-exclusivité, mais sans toujours la définir. Si le droit européen utilise un critère de seuil (Règl.
(UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, JOUE 23 avr. 2010, no L 102, art. 1, d) ; voir no 2830), le droit interne reste pour sa part tributaire
de l'appréciation judiciaire (voir C. com., art. L. 330-3 ; C. trav., art. L. 7321-2). La doctrine considère généralement que l'exclusivité
et la quasi-exclusivité ont pour point commun de créer une dépendance économique chez le débiteur de l'engagement d'achat
(Ferrier D. et Ferrier N., Droit de la distribution, LexisNexis, 8e éd., 2017, no 572 ; Malaurie-Vignal M., Droit de la distribution, Sirey, 4e
éd., 2018, no 310). La Cour de cassation s'éloigne parfois, cependant, de cette opinion (voir sur le terrain de l'article L. 330-3 du
Code de commerce : Cass. com., 19 janv. 2010, no 09-10.980, Bull. civ. IV, no 15, Concurrences, 2-2010, p. 89, obs. Eréséo N.,
Contrats, conc., consom. 2010, comm. 92, obs. Malaurie-Vignal M. : peu importe qu'il existe une possibilité d'exploiter des activités
non concurrentes dès lors que, pour les produits couverts par la convention, le distributeur est tenu à une quasi-exclusivité).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 1. La notion
d’exclusivité d’approvisionnement

2820 - Clause d’exclusivité et clause de non-concurrence

Les clauses d'exclusivité et de non-concurrence se distinguent a priori facilement. Comme l'écrit le professeur Parléani, « "plus qu'un
engagement de non-concurrence, qui est surtout une obligation de ne pas faire, ou d'abstention, (la clause d'exclusivité) ne
comporte qu'une obligation d'abstention relative, qui comprime certes l'activité commerciale de celui qui l'a souscrite avec les tiers,
mais aussi une obligation positive, de faire" » (Parléani G., Les clauses d'exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus
entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1990, p. 55, spéc. p. 56).
Cela étant, dans la pratique des contrats de distribution, les clauses d'exclusivité et de non-concurrence sont très proches l'une de
l'autre, à telle enseigne d'ailleurs que le droit antitrust désigne les premières sous le vocable d'obligation de non-concurrence (voir no
2830). En droit civil, il semblerait que l'on puisse inversement penser que, lorsqu'elle est adossée à une obligation d'exclusivité,
comme c'est le cas dans les contrats de distribution, l'obligation de non-concurrence est « "un prolongement naturel de la stipulation
d'exclusivité" » (Parléani G., Les clauses d'exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, précité, p.
58). D'ailleurs, « "la clause de non-concurrence à proprement parler interdit au débiteur d'avoir lui-même une activité concurrençant
celle du créancier et non de faire appel à un concurrent du créancier" » (Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et
extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Approvisionnement exclusif ; sur la clause de non-
concurrence, voir no s2857 et s.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 1. La notion
d’exclusivité d’approvisionnement

2821 - Clause d’exclusivité et clauses d’approvisionnement minimum ou de chiffre d’affaires

Les clauses d'approvisionnement exclusif côtoient souvent, en pratique, des clauses d'approvisionnement minimum (ou de quota) et
des clauses de chiffre d'affaires.
Tandis que les premières ont pour objet l'acquisition d'un volume minimal de marchandises, les secondes obligent à réserver au
fournisseur un certain pourcentage du chiffre d'affaires du distributeur (Malaurie-Vignal M., Clause de rendement, in Les principales
clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Mestre J., Lamoureux M. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019, no 1556). Ces
deux variétés de clauses, dites de rendement, se distinguent a priori facilement des clauses d'exclusivité : s'engager à acheter
exclusivement et s'engager sur un volume donné, ce n'est pas la même chose (voir par exemple, CA Caen, 5 juill. 2012, no
11/01135).
Mais, l'exclusivité de droit peut être parfois rattrapée par une « "exclusivité de fait" » (Eréséo N., J.-Cl. Concurrence –
Consommation, Fasc. 635, La clause d'exclusivité, no s 29 et s.). La frontière peut ainsi se brouiller, par exemple en raison d'une
politique d'agrément restrictive menée par les fournisseurs concurrents (CA Caen, 5 juill. 2012, no 11/01135, précité). De même

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l'importance de l'engagement pour les parties peut-elle révéler l'existence d'une exclusivité (voir Malaurie-Vignal M., Droit de la
distribution, Sirey, 4e éd., 2018, no 327 ; voir par exemple, Cass. com., 18 févr. 1986, no 84-17.053 : l'engagement relatif aux
quotas d'approvisionnement, qui était « "de l'essence même du contrat" », traduisait le caractère exclusif de la concession de vente).
De même encore la qualification de clause d'exclusivité s'impose-t-elle lorsque le volume fixé excède les besoins de l'acheteur
(Eréséo N., La clause d'exclusivité, précité, no 31). Il a néanmoins été jugé qu'un engagement limité à 40 % des besoins de l'acheteur
« "n'en était pas moins exclusif pour la quantité représentée par ce pourcentage" » (Cass. com., 26 janv. 1988, no 86-15.122).
Rien n'interdit, par ailleurs, que l'exclusivité contractuelle soit, par sécurité pour le fournisseur, doublée par une obligation
d'approvisionnement minimal.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 1. La notion
d’exclusivité d’approvisionnement

2822 - Clause d’exclusivité et clause d’approvisionnement prioritaire

Si les clauses sont en théorie distinctes (CA Angers, 23 févr. 2010, no 08/02619 ; CA Aix-en-Provence, 18 mars 2010, no
08/13886), la frontière est cependant mince car la liberté du débiteur est, en pratique, souvent « "illusoire" » (Eréséo N., J.-Cl.
Concurrence – Consommation, Fasc. 635, La clause d'exclusivité, no 30). Les juges peuvent apprécier la portée d'une clause
d'approvisionnement prioritaire lorsque, combinée avec une clause de non-adhésion à un réseau concurrent, elle est « "appliquée
comme une clause d'approvisionnement exclusif" », parce que le fournisseur décide en réalité du concurrent auprès duquel le
distributeur peut s'approvisionner sans violer la clause (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 avr. 2013, no 10/24013, confirmé par Cass. com.,
16 sept. 2014, no 13-18.710, Concurrences, 4-2014, p. 150, obs. Eréséo N.). Naturellement, les juges peuvent aussi requalifier à
partir des termes clairs et précis du contrat une prétendue clause d'approvisionnement prioritaire en « "clause d'approvisionnement
exclusif" » (Cass. com., 23 juin 1992, no 90-16.740, Bull. civ. IV, no 247, JCP E 1993, no 407, obs. Leveneur L.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 2. Le régime de
la clause d’exclusivité d’approvisionnement en droit commun

2823 - Validité de la clause d’exclusivité d’approvisionnement

La validité de la clause est implicitement reconnue par les textes qui la règlementent spécialement (voir no s 2825 et s.). De son côté,
la jurisprudence a très tôt posé l'exigence d'une limitation dans le temps (Cass. civ., 15 juin 1914, S. 1916, 1, p. 7, cité par Le
Tourneau Ph., J.-Cl. Contrats – Distribution, Fasc. 1000, Exclusivités unilatérales, no 63 ; adde Lambert Th., La durée de l'exclusivité
d'approvisionnement, JCP E 2017, 1017, proposant que le temps de l'exclusivité soit celui d'une durée égale à la durée nécessaire de
la rentabilisation).
Les juges ont en outre souvent contrôlé l'obligation d'approvisionnement exclusif sur le fondement de la cause. Si un tel engagement
« "n'a pas nécessairement pour cause la transmission d'un savoir-faire" » (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 4 mai 2016, no 15/10674), les
contreparties fournies par le cocontractant peuvent être, néanmoins, appréciées dans leur consistance. Certaines décisions se sont
montrées exigeantes, admettant assez facilement que le fournisseur procurait une contrepartie dérisoire constitutive d'une absence
de cause (Cass. com., 14 oct. 1997, no 95-14.285, D. 1998, p. 333, obs. Ferrier D., Defrénois 1998, art. 36860-105, obs.
Mazeaud D. : engagement du fournisseur d'obtenir d'une banque et de garantir un prêt de 40 000 francs ; Cass. com., 8 févr. 2005,
no 03-10.749, Bull. civ. IV, no 21, D. 2005, p. 2836, obs. Amrani-Mekki S. et Fauvarque-Cosson B., JCP G 2006, II, no 10011, note
Luciani A.-M., RDC 2005, p. 684, obs. Mazeaud D., RDC 2005, p. 771, obs. Behar-Touchais M. : engagement de caution simple du
fournisseur à concurrence de 20 % du prêt consenti aux distributeurs, le fournisseur étant lui-même garanti). D'autres l'ont moins
été (Cass. com., 11 mars 2014, no 12-29.820, D. 2014, p. 1915, note Mazeaud D., D. 2015, p. 529, obs. Amrani-Mekki S. et
Fauvarque-Cosson B., RTD civ. 2014, p. 884, obs. Barbier H. : jugé que l'avantage procuré, en l'occurrence une mise à disposition de
mobilier de terrasse, « "ne s'évaluait pas seulement au travers de considérations quantitatives mais également qualitatives" » ; CA
Paris, pôle 5, ch. 4, 3 juill. 2019, no 17/21047, Concurrences, 4-2019, p. 106, obs. Eréséo N. : jugé qu'une avance sur remise d'un
montant de 5 000 euros n'est pas dérisoire « "eu égard à la durée de l'exclusivité et à son montant" »). Il est difficile de savoir si ces
solutions seront reconduites à l'identique avec le nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016
(JO 11 févr.) ; à se fier au rapport au Président de la République, NOR : JUSC1522466P (JO 11 févr.), dont on connaît la – faible –

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valeur, l'article 1169 du Code civil ne ferait que codifier la jurisprudence existante (voir no s 1033 et s.).
La validité de la clause est également subordonnée à l'exigence classique de détermination de la prestation (C. civ., art. 1163 ; voir
par exemple, Cass. com., 7 nov. 1983, no 82-13.651, Bull. civ. IV, no 292, jugeant indéterminée l'obligation d'acquérir « "tous autres
produits susceptibles d'être livrés par la société (…), sans que celle-ci n'ait fixé la liste desdits produits susceptible d'être modifiée au
cours de l'exécution du contrat" » ; comp. CA Montpellier, 2e ch., 3 mai 2016, no 14/09031, qui précise que l'absence de référence à
la marque des produits est sans incidence sur la validité).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 2. Le régime de
la clause d’exclusivité d’approvisionnement en droit commun

2824 - Obligations des parties

L'obligation d'achat exclusif n'est pas impliquée par l'exigence de bonne foi contractuelle : une clause est en principe nécessaire (Cass.
com., 11 mai 1993, no 91-10.261), quoique le mot « "exclusif" » n'ait pas à être expressément mentionné (CA Douai, 2e ch., sect.
1, 24 janv. 2013, no 11/06247, Concurrences, 2-2013, p. 86, obs. Martin A.-C.).
L'exclusivité d'approvisionnement engendre, à la charge de l'acheteur, deux types d'obligations, à la fois négatives et positives
(Parléani G., Les clauses d'exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.),
PUAM, 1990, p. 55, spéc. p. 58 et s. ; Eréséo N., J.-Cl. Concurrence – Consommation, Fasc. 635, La clause d'exclusivité, no s 64 et
s.) :

​ d'une part, l'interdiction d'acheter ailleurs, soit le seul produit contractuel, soit ce dernier plus tout autre
produit. La violation de cette interdiction, qui constitue une faute grave (CA Colmar, 2e ch. civ., sect. A, 13
févr. 2015, no 13/01561, Concurrences, 2-2015, p. 112, obs. Ferrier D.), justifie la rupture de plein droit de
la convention et la condamnation sur le fondement de la responsabilité délictuelle du fournisseur concurrent
en tant que tiers complice (CA Besançon, 5 janv. 2016, no 14/01162, AJ Contrats d'affaires 2016, p. 209,
obs. Ancelin O. et d'Harcourt M.). À noter que le droit de la concurrence surveille cependant attentivement
les interdictions de "livraisons croisées" au sein d'un même réseau de distribution sélective (voir no 2830) ;
​ d'autre part, l'obligation positive de s'approvisionner auprès du créancier ou des tiers désignés par lui (il
s'agit alors d'une stipulation pour autrui : Cass. com., 20 déc. 2017, no 16-20.501, Contrats, conc., consom.
2018, comm. 45, obs. Malaurie-Vignal M. ; C A P a r i s , p ô l e 5 , c h . 4 , 3 1 j u i l l . 2 0 1 9 , no 16/08280,
Concurrences, 4-2019, p. 111, obs. Eréséo N.). À cet égard, n'est pas abusive la clause prévoyant qu'en cas
de non-respect par l'acheteur de ses obligations, il sera redevable à titre d'indemnité de rupture unilatérale
de la convention, d'une somme égale à 20 % du montant des achats restant à réaliser pour aller au terme
du contrat (CA Montpellier, 2e ch., 3 févr. 2015, no 13/07364, Concurrences 2-2015, p. 110, obs. Eréséo N.).
La doctrine considère que « "l'extrême passivité" » du débiteur serait condamnable même en l'absence de
clause de quota (Parléani G., Les clauses d'exclusivité, précité, p. 63). Quelques arrêts sont en ce sens (CA
Lyon, 19 févr. 2004, no 01/04831). Au nom de la bonne foi, l'acheteur serait par ailleurs tenu de ne pas
modifier brutalement le niveau de ses commandes antérieures (Cass. com., 7 oct. 2014, no 13-21.086, Bull.
civ. IV, no 143, D. 2014, p. 2329, note Buy Fr., RTD civ. 2015, p. 381, obs. Barbier H.).

Le fournisseur doit, de son côté, livrer la marchandise si la demande lui est faite (voir Parléani G., Les clauses d'exclusivité, précité, p.
62). Les juges du fond peuvent considérer qu'en présence d'un approvisionnement « "irrégulier" », l'initiative de la rupture anticipée
du contrat appartient au fournisseur (Cass. com., 14 mai 1991, no 89-18.093, cité par Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses
ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Approvisionnement exclusif).
Remarque L'engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité fait ordinairement naître, dans les contrats de distribution, un devoir
d'information précontractuel à la charge du fournisseur (C. com., art. L. 330-3 ; sur ce texte, voir Le Lamy droit économique). Mais,
les contrats de bière, en particulier, ne relèvent pas du champ de cette obligation, dès lors qu'ils n'emportent pas, comme l'exige le
texte, la mise à disposition des revendeurs du nom commercial, de la marque ou de l'enseigne du fournisseur (CA Reims, 1re ch.,
sect. civ., 7 juin 2016, no 14/02970, Concurrences, 4-2016, p. 110, obs. Eréséo N. ; adde Lutz P. et Wagner M.-P., Pourquoi la loi
Doubin n'est pas applicable aux contrats de bière, D. 2001, p. 1708).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées

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règlementéesA. ​ Les articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce

2825 - Dix ans maximum

Les articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce sont ainsi libellés :

​ « "est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle
l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis à vis de son vendeur, cédant ou bailleur,
à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur" » (C.
com., art. L. 330-1) ;
​ « "lorsque le contrat comportant la clause d'exclusivité mentionnée à l'article L. 330-1 est suivi
ultérieurement, entre les mêmes parties, d'autres engagements analogues portant sur le même genre de
biens, les clauses d'exclusivité contenues dans ces nouvelles conventions prennent fin à la même date que
celle figurant au premier contrat" » (C. com., art. L. 330-2).

Ces textes sont issus d'une loi du 14 octobre 1943 (JO 15 oct.) (DC 1944, lég., p. 1, comm. Voirin P.) qui a été adoptée dans un but
précis : mettre un terme à la dépendance dont souffraient des fabricants de chaussures français à l'égard d'un fournisseur américain
qui leur imposait lors de chaque contrat une longue exclusivité.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées
règlementéesA. ​ Les articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce

2826 - Champ d’application des articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce

a) Contrats visés
La jurisprudence adopte de longue date une interprétation extensive de l'article L. 330-1 du Code de commerce. La qualité d'«
"acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles" » s'acquiert indépendamment de la qualification du contrat qui accueille la
clause, et « "même si la vente n'est pas encore parfaite au moment de la souscription de l'exclusivité et se réalisera par des actes
d'exécution successive" » (CA Douai, 27 nov. 1997, no 94/06519, RTD com. 1998, p. 824, obs. Monéger J.). L'objet de
l'engagement exclusif n'est pas, en outre, restreint à la simple obligation de « "ne pas faire usage d'objets semblables ou
complémentaires en provenance d'un autre fournisseur" » (sur les critiques adressées à ces solutions, voir Le Tourneau Ph., J.-Cl.
Contrats – Distribution, Fasc. 1000, Exclusivités unilatérales, no s 68 et s.).
Ce faisant, la loi s'applique en particulier, depuis le début des années 1970, aux clauses incluses dans les contrats cadre de
distribution. Par exemple :

​ un contrat d'approvisionnement en carburant dans lequel l'exclusivité promise est l'objet principal du
contrat (Cass. com., 27 avr. 1971, no 70-10.752 et Cass. com., 27 avr. 1971, no 70-10.753, Bull. civ. IV, no
107, D. 1972, p. 353, note Ghestin J. ; adde pour un contrat de bière : CA Aix-en-Provence, 2e ch., 23 mai
2013, no 11/18520) ;
​ un contrat de distribution exclusive, même si la clause d'exclusivité d'achat ne modifie pas l'économie de
la convention qui a pour objet la fabrication et la commercialisation d'une boisson gazeuse à partir du
concentré fourni par le partenaire (Cass. com., 7 avr. 1992, no 90-21.260, Bull. civ. IV, no 154, D. 1992, p.
396, obs. Ferrier D., RTD civ. 1992, p. 759, obs. Mestre J., RTD com. 1993, p. 159, obs. Bouloc B., censurant
CA Paris, 20 sept. 1990, D. 1991, p. 165, note Malaurie Ph.).

La loi peut également s'appliquer aux clauses incluses dans les contrats suivants (voir notamment la jurisprudence citée dans Code
de commerce, LexisNexis, 2017, art. L. 330-2) :

​ un contrat de bail commercial, dès lors que le débiteur s'est engagé à s'approvisionner en produits et peu
importe qu'il soit par ailleurs locataire d'un immeuble (Cass. com., 14 déc. 1999, no 97-12.887, Bull. civ. IV,
no 227, D. 2000, p. 79, obs. Chevrier É., Contrats, conc., consom. 2000, comm. 46, obs. Poillot-Peruzzetto
S. ; Cass. com., 31 janv. 2001, no 98-12.895, JCP G 2001, I, no 354, obs. Serinet Y.-M., Loyers et copr. 2001,
comm. no 286, obs. Brault Ph.-H. et Pereira P.) ;
​ un contrat de location-gérance (Cass. com., 10 févr. 1998, no 95-21.906, Bull. civ. IV, no 71, JCP E 1998, no
894, note Leveneur L., RTD civ. 1998, p. 365, obs. Mestre J. ; CA Douai, 2e ch., sect. 1, 24 janv. 2013, no

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11/06247, Concurrences, 2-2013, p. 86, obs. Martin A.-C.) ;
​ un contrat de franchise (Trib. com. Paris, 1re ch., 13 oct. 2020, no 2017005123, AJ Contrat 2020, p. 543,
note Buy F. et Roda J.-C) ;
​ ou encore, un contrat de location et d'entretien d'installation téléphonique (Cass. com., 1er déc. 1981, no
79-16.147, Bull. civ. IV, no 423 : « (…) "cocontractant agissant tant comme vendeur que comme bailleur de
biens meubles" » ; adde CA Paris, 15 nov. 1996, no 94/22372).

Cela étant, compte tenu du contexte dans lequel la loi a été adoptée et de l'emploi du mot « "fournisseur" » qui reste assez connoté,
on peut raisonnablement admettre que le champ des textes n'est pas illimité. On peut ainsi approuver la jurisprudence qui considère
que l'article L. 330-1 du Code de commerce ne s'applique pas à un contrat d'exercice libéral de la médecine « "dès lors que ces
relations ne constituent pas des relations commerciales" » (CA Rouen, 2e ch., 20 mars 2008, no 07/00955).
b) Clauses visées
Les clauses sous contrôle doivent contraindre l'acheteur à ne pas faire « "usage" » de produits semblables (C. com., art. L. 330-1)
mais le mot a perdu tout sens depuis que la jurisprudence étend le bénéfice de la loi aux distributeurs revendeurs. En vertu de la
clause, l'acheteur doit, à tout le moins, s'engager à ne pas commercialiser de produits semblables en provenance d'autres
fournisseurs. Ce faisant, si l'article L. 330-1 est « "applicable quelle que soit la nature juridique, commerciale ou coopérative, de la
structure qui impose (l'exclusivité), cette disposition ne saurait toutefois être invoquée s'agissant de clauses qui n'imposent pas une
telle exclusivité" » (CA Paris, pôle 5, ch. 5, 15 mai 2014, no 12/23358, cité par Code de commerce, LexisNexis, 2017, art. L. 330-
2). Tel est le cas d'une disposition statutaire qui prévoit seulement une durée d'adhésion à une coopérative. Une obligation d'achat
exclusif peut certes résulter de l'application combinée d'une telle disposition avec une clause d'exclusivité d'approvisionnement
découlant de ladite adhésion, mais « "ce fait ne peut avoir pour conséquence l'application de l'article L. 330-1 du Code de commerce
qu'à cette obligation d'achat exclusif" » (CA Paris, 15 mai 2014, no 12/23358, précité). Le droit des ententes prendra, le cas
échéant, le relais pour invalider la clause statutaire litigieuse (Cass. com., 26 avr. 2017, no 15-14.243, Contrats, conc., consom.
2017, comm. 174, obs. Malaurie-Vignal M.).
Ne sont pas non plus visées :

​ une obligation de non-concurrence pendant le contrat (CA Paris, pôle 5, ch. 5, 17 sept. 2009, no 05/20661)
;
​ une clause d'exclusivité insérée dans un bail et consentie, non au bailleur, mais au locataire (CA Nancy, 1re
ch., 14 déc. 2015, no 14/01992, Loyers et copr. 2016, comm. no 94, obs. Regnault S.) ;
​ les stipulations d'un contrat de location et d'entretien d'une installation téléphonique interdisant au
locataire de s'adresser à un autre fournisseur que le bailleur pour toute modification de l'installation, dès
lors que ces dernières « "ont leur justification dans le maintien de la propriété du matériel loué" » et que la
possibilité pour le client « "de faire poser et entretenir toute autre installation téléphonique par toute
entreprise de son choix reste intacte" » (Cass. com., 19 janv. 1993, no 91-10.479 ; adde CA Paris, 17 juin
1998, no 96/03079 ; CA Paris, 22 oct. 1998, no 1996/18212) ;
​ les stipulations d'un contrat de franchise n'imposant qu'une obligation relative à un assortiment minimum,
qui « "ne faisait pas obstacle à ce que les franchisés s'approvisionnent auprès d'autres fournisseurs" » (CA
Caen, 2e ch. civ. et com., 5 juill. 2012, no 11/01135).

Mais, il en irait autrement si « "l'assortiment minimum était d'une telle importance, et (…) la politique d'agrément des fournisseurs
appliquée par le franchiseur était si restrictive, que l'application de ces dispositions contractuelles créaient concrètement (…) une
obligation d'approvisionnement quasi-exclusive" » (CA Caen, 5 juill. 2012, no 11/01135, précité ; comp. Cass. com., 26 janv. 1988,
no 86-15.122, qui admet que l'engagement par lequel l'acheteur s'oblige à s'approvisionner à concurrence de 40 % de ses besoins «
"n'en était pas moins exclusif pour la quantité représentée par ce pourcentage" »).
Constitue également une clause d'exclusivité, au sens de l'article L. 330-1 du Code de commerce, la clause incluse dans un contrat
de licence de marque assortie de dérogations qui ne visent pas des produits concurrents (Cass. com., 15 janv. 2013, no s 11-17.797
et 11-24.155, Concurrences, 2-2013, p. 84, obs. Eréséo N.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées
règlementéesA. ​ Les articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce

2827 - Successions de contrats

La durée de la clause d'exclusivité est plafonnée à dix ans (C. com., art. L. 330-1), sans qu'il soit en principe possible d'allonger en fait

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la durée de l'exclusivité en concluant ultérieurement, entre les mêmes parties, un engagement analogue portant sur le même genre
de bien et contenant lui-même une clause d'exclusivité : celle-ci prendra fin à la même date que celle figurant dans le premier contrat
(C. com., art. L. 330-2).
Néanmoins, sous réserve de fraude, la clause incluse dans un second contrat, conclu après l'échéance du premier et après une
certaine période où des relations de fait ont été établies sans aucune obligation d'exclusivité, n'est pas frappée de caducité à la date
légale d'expiration de la première convention (Cass. com., 30 mars 1981, no 80-10.357, Bull. civ. IV, no 166). Il est possible, en
d'autres termes, et pourvu qu'il ne s'agisse pas d'une prorogation, de conclure ultérieurement un second contrat exclusif qui sera lui-
même soumis à la durée maximale de dix ans (Cass. com., 21 févr. 1995, no 93-13.302, Bull. civ. IV, no 50). Les renouvellements
pourraient même s'opérer sans interruption (CA Paris, 2 sept. 2005, no 03/20067 ; CA Paris, 5e ch., sect. B, 29 mai 2008, no
05/00101). En réalité, les textes veillent « "à ce que l'exclusivité ne puisse être renouvelée que lorsque le promettant est redevenu
libre" » (CA Paris, 22 févr. 2011, no 09/21419).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées
règlementéesA. ​ Les articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce

2828 - Sanctions

La sanction de la clause illicite n'est pas assurée (Ferrier D. et Ferrier N., Droit de la distribution, LexisNexis, 8e éd., 2017, no 590 ;
comp., moins hésitants : Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique. Droit de la distribution, Lawlex, Bruylant, 2015, no 114).
Certains arrêts sont favorables à une simple réduction de durée de la clause excessive (Cass. com., 10 févr. 1998, no 95-21.906,
Bull. civ. IV, no 71 : « "les contrats étaient valides jusqu'à l'échéance du terme de dix ans" » ; adde CA Toulouse, 2e ch., sect. 1, 24
mars 2010, no 08/03293 ; CA Paris, pôle 5, ch. 5, 2 sept. 2010, no 08/01683 ; CA Douai, 2e ch., sect. 1, 24 janv. 2013, no
11/06247). D'autres préfèrent plus classiquement raisonner en termes de nullité : conformément aux règles qui gouvernent
l'étendue des nullités (voir désormais, C. civ., 1184), l'annulation de la clause d'exclusivité peut alors provoquer la chute du contrat
tout entier si celle-ci est déterminante, voire celle d'un contrat lié (par exemple : Cass. com., 15 janv. 2013, no s 11-17.797 et 11-
24.155 : « "dans la commune intention des parties, la clause d'exclusivité d'exploitation participait de l'économie générale de
l'opération et était indissociable de la concession de sous-licence de marque" »), sauf à ce que le respect de la légalité ne soit mieux
assuré par le maintien du contrat expurgé de la clause litigieuse (par exemple Cass. com., 31 janv. 2001, no 98-12.895 : « "ayant
relevé que la clause de fourniture exclusive, générale et absolue, portait atteinte au droit au renouvellement en assurant au bailleur,
en raison de la menace d'annulation du bail tout entier, la pérennité d'une stipulation interdite par une disposition d'ordre public, la cour
d'appel a décidé, à bon droit, nonobstant le fait que les parties étaient convenues que cette clause était essentielle, que son
annulation ne devait pas entraîner celle du bail" »). La nullité encourue est une nullité absolue, non susceptible de confirmation (Cass.
com., 7 avr. 1992, no 90-21.260, Bull. civ. IV, no 154).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées
règlementéesB. ​ L’article L. 341-1 du Code de commerce

2829 - Date commune de cessation

Les réseaux de distribution commerciale font, depuis la loi no 2015-990 du 6 août 2015 (JO 7 août), dite loi Macron, l'objet d'une
règlementation figurant désormais dans le Code de commerce, destinée elle aussi à encourager la mobilité inter-enseignes (sur cette
réglementation, voir Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019, no s 150 et s. ; voir
également no s 2857 et s.). Ainsi, aux termes de l'article L. 341-1 du Code de commerce :
« L'ensemble des contrats conclus entre, d'une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des
commerçants, autre que celles mentionnées aux Chapitres V et VI du Titre II du Livre Ier du présent code, ou mettant à disposition
les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 et, d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour
le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l'exploitation de ce magasin et comportant des
clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale prévoient une échéance commune.
La résiliation d'un de ces contrats vaut résiliation de l'ensemble des contrats mentionnés au premier alinéa du présent article ».
Les clauses d'exclusivité peuvent être concernées à un double titre par ce dispositif. D'une part, en vertu de la référence aux «

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"services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3" », qui pourrait désigner, bien que l'article L. 341-1 soit ambigu,
l'exclusivité ou la quasi-exclusivité d'achat exigée en contrepartie de la mise à disposition de signes distinctifs. D'autre part, en vertu
de la référence aux « "clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité commerciale" ». La clause
d'exclusivité limitant à l'évidence la liberté de l'exploitant, tout contrat de réseau qui en comporterait une relèverait de la
règlementation de la durée contractuelle prévue par le texte : nécessité de prévoir une échéance commune et résiliation automatique
en cas d'anéantissement de l'un d'eux.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées
règlementéesC. ​ Les règlements européens d’exemption

2830 - Cinq ans maximum

Selon le règlement d'exemption (UE) no 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 (JOUE 23 avr. 2010, no L 102) concernant
l'application de l'article 101, 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de
pratiques concertées, et remplacé à compter du 1er juin 2022 par le règlement (UE) 2022/720 du 10 mai 2022 (voir Ferrier N. (dir.),
Réforme des restrictions verticales : les enjeux du nouveau règlement, LexisNexis, 2022), l'exemption prévue au bénéfice des
entreprises ne détenant pas une part de marché supérieure à 30 % (les fournisseurs parties aux contrats de bière dépassent ce seuil
: voir Lambert Th., Le contrat de bière : l'exclusivité en voie de disparition forcée, JCP E 2007, 2233) ne s'applique pas à « "toute
obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans" » (Règl. (UE) no 330/2010,
20 avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 5, § 1er, a)) ou tacitement renouvelable au-delà d'une période de cinq ans
(Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, art. 5, § 1er, in fine ; comp. cependant Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, qui ne reprend
pas cette précision, et la confirmation apportée par les Lignes directrices de la Commission C(2022) 3006 final, pt 248). On
rappellera qu'au sens de ce texte, la notion d'obligation de non-concurrence désigne, notamment, l'exclusivité ou la quasi-exclusivité
d'achat (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, art. 1er, d), et Règl. (UE) 2022/720, art. 1er, f) : « (...) "toute obligation directe ou
indirecte interdisant à l'acheteur de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence
avec les biens ou les services contractuels, ou toute obligation directe ou indirecte imposant à l'acheteur l'obligation d'acquérir auprès
du fournisseur plus de 80 % de ses achats annuels en biens ou en services contractuels et en biens et en services substituables sur le
marché en cause, calculés sur la base de la valeur ou, si cela est de pratique courante dans le secteur, du volume des achats qu'il a
effectués au cours de l'année civile précédente" » ; voir Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd.,
2019, no s 122 et s., spéc. no 139).
Le règlement précise que « "la limitation de la durée à cinq ans n'est toutefois pas applicable lorsque les biens ou services
contractuels sont vendus par l'acheteur à partir de locaux et de terrains dont le fournisseur est propriétaire ou que le fournisseur loue
à des tiers non liés à l'acheteur, à condition que la durée de l'obligation de non-concurrence ne dépasse pas la période d'occupation
des locaux et des terrains par l'acheteur" » (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 5, §
2 ; sur la nécessité pour le fournisseur d'être, à la fois, propriétaire des locaux et du terrain, voir, sous l'empire des dispositions
identiques de l'ancien règlement (CE) no 2790/99 du 22 décembre 1999 : CJCE, 2 avr. 2009, aff. C-260/07, ECLI:EU:C:2009:215,
Concurrences, 3-2009, art. 29628, obs. Ferrier D., Contrats, conc., consom. 2009, comm. 160, obs. Malaurie-Vignal M., Europe
2009, comm. 245, obs. Idot L.).
Cela étant, il convient de ne pas prêter au règlement une portée qu'il n'a pas. En effet, « "n'est pas nécessairement nul un accord ne
remplissant pas les conditions posées par le règlement d'exemption s'il n'est pas établi qu'il a pour objet ou pour effet d'empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun" » (Cass. com., 3 déc. 2003, no 02-12.910,
Contrats, conc., consom. 2004, comm. 23, obs. Malaurie-Vignal M., RDC 2004, p. 659, obs. Bergé J.-S. ; addeCJCE, 28 févr. 1991,
aff. C-234/89, ECLI:EU:C:1991:91).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 3. Les durées
règlementéesD. ​ L’ancien article L. 442-6, II, e), du Code de commerce

2831 - Deux ans maximum

L'ancien article L. 442-6, II, e), du Code de commerce a été opportunément supprimé par l'ordonnance no 2019-359 du 24 avril
2019 (JO 25 avr.).

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Cet article disposait que « "sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une
personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité (…) d'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail
inférieure à 300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence
de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-
concurrence postcontractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-
exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée supérieure à deux ans" ».

Créé par la loi no 2008-776 du 4 août 2008 (JO 5 août) de modernisation de l'économie dans le but de faciliter les changements
d'enseignes dans le secteur de la distribution alimentaire (Augagneur L.-M., Changer d'enseigne, JCP E 2008, 2170), ce texte
interdisait donc, à peine de nullité de la clause ou du contrat, qu'un fournisseur n'impose à son revendeur une exclusivité ou quasi-
exclusivité d'achat d'une durée supérieure à deux ans.
Cet article ne possédait pas, cependant, une grande portée pratique : il ne visait que les petits revendeurs (surface de vente
inférieure à 300 mètres carrés) et excluait les franchisés (bénéficiaires d'un savoir-faire). Il ne concernait ainsi, pour l'essentiel, que
les contrats de bière entre brasseur ou entrepositaires-grossistes et les détaillants (Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique.
Droit de la distribution, Lawlex, Bruylant, 2015, no 114).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 4. Les
contraintes du droit de la concurrence

2832 - Droit des ententes – généralités

La question de la conformité des accords d'achat exclusif au droit français (C. com., art. L. 420-1) ou européen (TFUE, art. 101) des
ententes est fréquemment posée. On rappellera que le droit de l'Union n'est en principe applicable que si l'accord est susceptible
d'affecter le commerce entre États membres. Certains auteurs considèrent à ce titre que « "les réseaux de distribution de bière en
fûts constitués dans notre pays affectent par leur nature même le marché communautaire, en restreignant les possibilités
d'importations de produits substituables en provenance de plusieurs États" » (Lambert Th., Le contrat de bière : l'exclusivité en voie
de disparition forcée, JCP E 2007, 2233). Cela étant, le contrat qui contient une clause d'ouverture autorisant le revendeur à acheter
de la bière en provenance d'autres États membres n'affecte pas, en principe, le commerce entre États (CJCE, 28 févr. 1991, aff. C-
234/89, ECLI:EU:C:1991:91). Il faut aussi noter, plus généralement, que le rôle départiteur du critère d'affectation du commerce
entre États est parfois nié : il existe ainsi une tendance forte, notamment en France, à appliquer le règlement d'exemption (UE) no
330/2010 du 20 avril 2010 (JOUE 23 avr. 2010, no L 102) en tant que « "guide d'analyse utile" » (voir Choné-Grimaldi A.-S.,
L'applicabilité du règlement no 330/2010 en l'absence d'affectation du commerce entre États membres ?, Concurrences, 1-2014, no
62997).

Lorsque le règlement (UE) no 330/2010 n'est pas applicable (voir no 2830), la validité concurrentielle des accords exclusifs peut être
examinée, d'une part, au regard des lignes directrices de la Commission européenne et, d'autre part, au regard de la jurisprudence et
de la pratique décisionnelle.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 4. Les
contraintes du droit de la concurrence

2833 - Droit des ententes – lignes directrices de la Commission européenne

Les lignes directrices de la Commission, qui ne sont en théorie que l'expression d'une soft law mais qui jouissent d'une réelle autorité,
contiennent des développements substantiels relatifs au « "monomarquisme" » (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no s
129 et s. ; voir aussi les nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, C(2022) 3006 final, no 298 et s.), qui est une caractéristique des
clauses de non-concurrence (voir no 2830) mais aussi des quotas d'achat. Selon la Commission, le monomarquisme risque de
fermer l'accès du marché pour des fournisseurs concurrents ou potentiels, d'atténuer la concurrence, de faciliter la collusion entre
fournisseurs et, lorsque l'acheteur est un détaillant, d'affaiblir la concurrence inter-marques à l'intérieur du point de vente (Comm. UE,
SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 130 ; nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, no 299).
Lorsque l'exemption catégorielle n'est pas applicable (dépassement du seuil de part de marché ou durée supérieure à cinq ans), la
Commission attache de l'importance aux éléments suivants :

​ la position du fournisseur sur le marché et la durée des obligations de monomarquisme (lorsque

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l'obligation est contractée par une entreprise qui n'est pas en position dominante : innocuité quand la
durée est inférieure à un an, bilan des effets favorables et défavorables à la concurrence quand la durée est
comprise entre un an et cinq ans, défaveur quand la durée est supérieure à cinq ans ; lorsque l'obligation
est contractée par une entreprise en position dominante : défaveur ; Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10
mai 2010, no 133 ; nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, no 302) ;
​ les barrières à l'entrée (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 136 ; nouvelles lignes directrices,
10 mai 2022, no 305) ;
​ la capacité de l'acheteur de faire contrepoids (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 137 ;
nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, no 306) ;
​ le stade commercial (risque de verrouillage moins élevé pour les produits intermédiaires que pour les
produits finals ; Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 140 ; nouvelles lignes directrices, 10 mai
2022, no 307).

La Commission européenne insiste, par ailleurs, sur la possibilité d'un « "effet de verrouillage cumulatif" ». Elle considère toutefois que
« "lorsque tous les fournisseurs détiennent une part de marché inférieure à 30 %, il est peu probable qu'il y ait effet de verrouillage
anticoncurrentiel cumulatif si la part de marché liée totale est de moins de 40 % et le retrait du bénéfice de l'exemption est par
conséquent peu probable" » (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 141 ; nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, no
310).
Lorsque l'existence d'effets anticoncurrentiels sensibles est établie, la Commission envisage enfin la possibilité d'une exemption sur la
base de l'article 101, § 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Certains motifs peuvent justifier l'application de
restrictions : problèmes de parasitisme entre fournisseurs, problèmes de renonciation à certains investissements, imperfections du
marché des capitaux (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 144 ; nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, no 313).
En particulier, « "si les investissements propres à la relation contractuelle sont lourds, une obligation de non-concurrence contractée
pour une durée supérieure à cinq ans peut se justifier" » (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 146 ; nouvelles lignes
directrices, 10 mai 2022, no 315). Il doit s'agir d'un équipement propre à la relation, non d'un investissement général. Un prêt ou un
équipement lambda ne sont normalement pas suffisants. Le transfert d'un savoir-faire justifie en revanche une obligation de non-
concurrence pour toute la durée de l'accord de fourniture (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no s 146 à 148 ; nouvelles
lignes directrices, 10 mai 2022, no 315 à 318).
À noter que, dans l'hypothèse où la non-concurrence serait combinée avec une franchise, la Commission considère qu'« "une
obligation de non-concurrence relative aux biens ou services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l'article 101, paragraphe 1,
lorsqu'elle est nécessaire au maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé. Dans de tels cas, la durée de
l'obligation de non-concurrence n'est pas un facteur pertinent au regard de l'article 101, paragraphe 1, pour autant qu'elle n'excède
pas celle de l'accord de franchise lui-même" » (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 190, b) ; nouvelles lignes
directrices, 10 mai 2022, no 166).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 4. Les
contraintes du droit de la concurrence

2834 - Droit des ententes – jurisprudence et pratique décisionnelle

La Cour de justice de l'Union européenne reconnaît qu'une clause d'achat exclusif n'est pas, en elle-même, contraire au droit de la
concurrence, ce qui exprimerait selon certains une « "règle de raison" » (Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique. Droit de la
distribution, Lawlex, Bruylant, 2015, no 52). La clause peut toutefois devenir illicite, seule ou avec d'autres par application de la
théorie de l'effet cumulatif (CJCE, 12 déc. 1967, aff. C-23-67, ECLI:EU:C:1967:54 : « "Les conventions par lesquelles une
entreprise s'engage à ne se fournir que dans une entreprise à l'exclusion de toute autre ne réunissent pas, par leur seule nature, les
éléments constitutifs de l'incompatibilité avec le marché commun, prévus à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elles peuvent
cependant les réunir lorsque, soit isolement, soit simultanément avec d'autres, dans le contexte économique et juridique dans lequel
elles sont intervenues et sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, elles sont susceptibles d'affecter le
commerce entre États membres et ont, soit pour objet, soit pour effet, d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence"
»). Appliquant l'ancien article 81 du Traité instituant la Communauté européenne (désormais TFUE, art. 101), la Cour de cassation a
également censuré les juges du fond qui avaient condamné un accord exclusif « "sans rechercher concrètement si le contrat litigieux,
compte tenu de ses spécificités, contribue de manière significative à l'effet de blocage produit par l'ensemble de ces contrats, compte
tenu de leur contexte économique et juridique" » (Cass. com., 24 nov. 2009, no 08-16.259, Contrats, conc., consom. 2010, comm.
69, obs. Malaurie-Vignal M.).
L'Autorité de la concurrence applique aussi, de son côté, la règle de raison et se réfère, dans ce cadre, au règlement d'exemption

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comme guide d'analyse (Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique. Droit de la distribution, précité, no 107).
Il est à noter par ailleurs que, lorsqu'un engagement d'achat exclusif est intégré dans un contrat de franchise, les juges et les
autorités de concurrence retiennent ordinairement, en application de la fameuse jurisprudence Pronuptia (CJCE, 28 janv. 1986, aff.
C-161/84, ECLI:EU:C:1986:41), qu'une clause indispensable à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau ne constitue
pas une restriction de concurrence (voir par exemple, Aut. conc., déc. no 10-D-12, 15 avr. 2010, no s 86 et s., Concurrences, 3-
2010, p. 81, obs. Debroux M. ; Cass. com., 16 sept. 2014, no 13-18.710, Concurrences, 4-2014, p. 150, obs. Eréséo N. ; Cass.
c o m . , 2 0 d é c . 2 0 1 7 , no 16-20.501, Contrats, conc., consom. 2018, comm. 45, obs. Malaurie-Vignal M.). La clause
d'approvisionnement exclusif peut être également rachetée – mais les décisions sont plus rares – sur le fondement, techniquement
distinct, d'une exemption individuelle (par exemple, CA Paris, pôle 5, ch. 4, 31 juill. 2019, no 16/08280, au sujet d'une clause de neuf
ans).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 4. Les
contraintes du droit de la concurrence

2835 - Abus de position dominante

À la question de savoir si une entreprise dominante peut, au regard du droit des abus de position dominante (TFUE, art. 102),
valablement obtenir qu'un partenaire s'approvisionne exclusivement auprès d'elle, la Cour de justice de l'Union européenne a
longtemps répondu par la négative. Aux termes d'un important arrêt Hoffmann-La Roche, celle-ci avait jugé que « "le fait, pour une
entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, de lier, fut-ce à leur demande, des acheteurs par une obligation ou
promesse de s'approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite
entreprise, constitue une exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 86 du Traité (CEE), soit que l'obligation en
question soit stipulée sans plus, soit qu'elle trouve sa contrepartie dans l'octroi de rabais" » (CJCE, 13 févr. 1979, aff. C-85/76,
ECLI:EU:C:1979:36).
La jurisprudence Hoffmann-La Roche stigmatisait également les incitations à l'exclusivité sous forme de rabais conditionnels (« "Il en
est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d'accords passés
avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c'est-à-dire de remises liées à la condition que le client,
quel que soit par ailleurs le montant de ces achats, s'approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de
ses besoins auprès de l'entreprise en position dominante" »).
Dépassant cette analyse un peu formelle, qui consacre une prohibition per se, les autorités de concurrence ont développé depuis
quelques années une approche plus économique (Comm. CE, Communication no 2009/C 45/02, Orientations sur les priorités
retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du Traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises
dominantes, JOCE 24 févr. 2009, no C 45, no s 35 et 36). Elles sont attentives à l'existence d'effets anticoncurrentiels et acceptent
que l'entreprise dominante puisse apporter des justifications objectives (en droit interne, voir par exemple Aut. conc., déc. no 16-D-
14, 23 juin 2016, no 686, Concurrences, 4-2016, p. 101, obs. Wachsmann A., RDC 2016, p. 727, obs. Prieto C.).
La Cour de justice a récemment amendé sa jurisprudence en ce sens, dans un arrêt Intel qui concernait des rabais d'exclusivité. Il est
toujours présumé que cette pratique constitue une exploitation abusive d'une position dominante, mais l'entreprise concernée peut
désormais soutenir, « "au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l'appui, que son comportement n'a pas eu la
capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d'éviction reprochés. Dans un tel cas, la Commission
est non seulement tenue d'analyser, d'une part, l'importance de la position dominante de l'entreprise sur le marché et, d'autre part, le
taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d'octroi des rabais en cause, leur
durée et leur montant, mais elle est également tenue d'apprécier l'existence éventuelle d'une stratégie visant à évincer les
concurrents au moins aussi efficaces" » (CJUE, 6 sept. 2017, aff. C-413/14, ECLI:EU:C:2017:632, Europe oct. 2017, étude 9, note
Idot L., Contrats, conc., consom. 2017, comm. 227, obs. Bosco D., Concurrences, 4-2017, p. 90, obs. Sibony A.-L., RDC 2017, p.
77, obs. Prieto C.). L'arrêt Intel ne concernait, techniquement, que les rabais d'exclusivité. Mais l'évolution semble devoir aussi
concerner les obligations d'exclusivité (en ce sens, Cass. com., 2 sept. 2020, no 18-18.501, Contrats, conc., consom. 2020, comm.
177, obs. Bosco D.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 1 L’exclusivité d’approvisionnement§ 4. Les
contraintes du droit de la concurrence

2836 - Abus de dépendance économique

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L'exclusivité d'achat peut être regardée comme une forme de dépendance économique, dont l'abus est sanctionné au titre de l'article
L. 420-2, alinéa 2, du Code de commerce. Mais si la dépendance est définie par la jurisprudence comme « "la situation d'une
entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à
sa demande d'approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables" » (Cass. com., 3 mars 2004, no
02-14.529, Bull. civ. IV, no 44, JCP G 2004, I, no 149, obs. Chagny M., Contrats, conc., consom. 2004, comm. 108, obs. Malaurie-
Vignal M. ; CA Paris, pôle 5, ch. 5, 12 mai 2016, no 14/22005 ; et plus généralement, voir Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr.,
Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019, no s 599 et s.), il est également précisé que « "la seule circonstance qu'un distributeur
réalise une part très importante voire exclusive de son approvisionnement auprès d'un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser
son état de dépendance économique" » (Cass. com., 3 mars 2004, no 02-14.529, précité). C'est assez logique : une dépendance
peut aussi s'expliquer par le fait que l'acheteur ait délibérément choisi de privilégier tel fournisseur, sans qu'il n'y ait eu pour lui
impossibilité de disposer d'une solution équivalente. L'existence d'une exclusivité de droit, prévue par une clause, et non plus
seulement de fait, modifie en revanche l'analyse (voir Cass. com., 20 mai 2014, no s 12-26.705, 12-26.970 et 12-29.281, Bull. civ.
IV, no 90 ; CA Paris, pôle 5, ch. 4, 13 avr. 2016, no 14/23775).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 1. L’approche du droit des
contrats

2837 - Définition de l’exclusivité territoriale

L'exclusivité territoriale est une obligation typique des contrats de distribution, et est essentielle à certains d'entre eux (par exemple :
concession).
Elle consiste, selon les cas, en une exclusivité d'implantation, de fourniture et/ou de revente sur un territoire donné (voir Buy Fr.,
Clause d'exclusivité territoriale, in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Mestre J., Lamoureux M. et Roda J.-Chr.
(sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019, no s 728 et s.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 1. L’approche du droit des
contrats

2838 - Caractérisation de l’exclusivité territoriale – silence du contrat

Comme l'écrivent des auteurs, « "parce qu'elle intensifie fortement les relations contractuelles des parties et porte surtout atteinte à
leur liberté de contracter avec autrui" », on pourrait penser que la clause d'exclusivité territoriale « "doit toujours faire l'objet d'une
précision expresse et ne peut ainsi naître dans le silence de l'acte" » (Mestre J. et Fages B., Une exclusivité conquise dans le silence
du contrat mais finalement… pour la gloire !, RTD civ. 2002, p. 293). La jurisprudence est cependant plus nuancée. L'exclusivité ne
peut être présumée (Cass. com., 19 nov. 2002, no 01-13.492, D. 2003, p. 2427, obs. Ferrier D. ; Cass. com., 20 mars 2007, no
05-13.074), mais certaines décisions admettent qu'elle puisse être tacitement reconnue. La Cour de cassation a ainsi approuvé la
cour d'appel qui, pour conclure à « "l'existence d'une exclusivité accordée à M. Y, (malgré le silence de la convention)" », a relevé «
"l'emploi dans le contrat (de concession) de l'expression "son distributeur", l'absence de définition de toute limite territoriale, et la
clause de non-concurrence imposée à M. X." », retenu « "que les investissements effectués par M. X ne s'expliquent que par
l'assurance qu'il avait de disposer d'une exclusivité" » et ajouté que « "selon les premiers juges, le 26 août 1993, M. X a "autorisé à
titre exceptionnel" la livraison d'un ou plusieurs conteneurs d'huiles à une société tierce" » (Cass. com., 3 juill. 2001, no 99-11.390,
RTD civ. 2002, p. 293, obs. Mestre J. et Fages B.). De façon exceptionnelle, certains juges déduisent aussi l'exclusivité de l'exigence
de loyauté (CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 8 mars 2016, no 14/04091, Concurrences, 3-2016, p. 96, obs. Eréséo N.).
Les contractants souhaitant éviter ce genre de surprise peuvent stipuler des clauses de non-exclusivité, dont la validité est reconnue
en jurisprudence (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 14 déc. 2016, no 14/14207, AJ Contrat 2017, p. 185, obs. Eréséo N., confirmé par Cass.
com., 30 mai 2018, no 17-14.303, Concurrences, 3-2018, p. 114, obs. Ferrier N.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection

Document Lamy Liaisons soumis au respect des Conditions Générales d’Utilisation et des Conditions Générales de Vente des produits et services Lamy Liaisons.

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1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 1. L’approche du droit des
contrats

2839 - Interprétation stricte de l’exclusivité territoriale

L'interprétation ne s'impose que lorsqu'elle est rendue nécessaire par l'ambiguïté des termes du contrat (Cass. com., 20 janv. 1987,
no 85-11.692 ; Cass. com., 5 oct. 1999, no 96-21.236). La jurisprudence rappelle à ce titre que « "toute clause d'exclusivité doit
être interprétée restrictivement du fait de l'atteinte qu'elle porte tant au principe de l'exercice de la liberté de commerce et de
l'industrie au sein d'un marché concurrentiel, qu'à celui de contracter de son débiteur" » (CA Rouen, ch. civ. et com., 24 oct. 2013, no
12/04374, Concurrences, 1-2014, p. 95, obs. Martin A.-C.). Dès lors, si une clause indique « "en des termes clairs, précis et sans
ambiguïté que l'étendue de l'exclusivité territoriale accordée au franchisé est limitée à l'engagement (du franchiseur) de ne pas
autoriser l'implantation d'un autre franchisé "Rapid Flore" et de ne pas ouvrir pour elle-même un magasin dans le même secteur
géographique" », les juges peuvent en déduire qu'« "elle n'est limitée qu'à l'ouverture d'un magasin sous la franchise "Rapid'Flore" et
pas d'une autre franchise, et à celle d'un magasin succursale" (du franchiseur) » (CA Rouen, 24 oct. 2013, no 12/04374, précité). De
même, si les termes du contrat interdisent seulement au franchiseur de « "créer, dans le secteur, de nouveaux magasins en franchise
ou en gestion directe" », ils ne lui interdisent pas de « "modifier le mode d'exploitation de magasins du réseau" », par exemple en
prenant en gestion directe plusieurs magasins (Cass. com., 11 janv. 2000, no 97-19.165).

Les limites de la clause ne seront pas atténuées ou « "rattrapées" » par une obligation d'information (Cass. com., 30 mai 2018, no
17-14.303, Concurrences, 3-2018, p. 114, obs. Ferrier N. : le fournisseur n'a pas à avertir le distributeur en cas d'implantation de
nouveaux magasins).
Remarque La règle vaut encore lorsque l'exclusivité est éprouvée par le commerce en ligne. Ainsi, lorsqu'un contrat se borne à
garantir à un franchisé qu'aucun autre point de vente ne sera implanté dans le secteur, le franchiseur ne peut se voir reprocher d'avoir
lui-même ouvert un site internet car « "la création d'un site internet n'est pas assimilable à l'implantation d'un point de vente dans le
secteur protégé" » (Cass. com., 14 mars 2006, no 03-14.639, Bull. civ. IV, no 65, D. 2006, p. 1901, note Kenfack H., Comm. com.
électr. 2006, comm. 99, obs. Lécuyer H., RDC 2006, p. 786, obs. Behar-Touchais M., RTD civ. 2006, p. 554, obs. Mestre J. et Fages
B. ; addeCass. com., 10 sept. 2013, no 12-11.701, D. 2014, p. 893, obs. Ferrier D.). Le droit de la concurrence valide par ailleurs le
principe de la distribution dite duale (voir infra).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 1. L’approche du droit des
contrats

2840 - Obligations des parties

Le fournisseur peut assumer, selon la formule contractuelle choisie, une série d'obligations, négatives et positives (Parléani G., Les
clauses d'exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, Mestre J. (sous la dir.), PUAM, 1990, p. 55,
spéc. p. 58 et s. ; Eréséo N., J.-Cl. Concurrence – Consommation, Fasc. 635, La clause d'exclusivité, no 70). On mentionnera :

​ l'obligation de ne pas fournir d'autres distributeurs sur la zone réservée (Cass. com., 3 nov. 2004, no 02-
17.919, D. 2005, p. 2836, obs. Amrani-Mekki S. et Fauvarque-Cosson B., RDC 2005, p. 288, obs. Stoffel-
Munck Ph. ; Cass. com., 4 févr. 2004, no 01-11.691, qui considère que l'obligation est violée lorsque le
concédant fournit ses filiales ; Cass. com., 8 févr. 2011, no 10-11.824, à propos de la livraison d'un
distributeur parallèle) ;
​ l'obligation de fournir le distributeur, le cas échéant sous astreinte (Cass. com., 9 mai 1990, no 88-18.437)
;
​ l'obligation de ne pas autoriser l'ouverture d'un magasin concurrent (Cass. com., 3 déc. 1991, no 90-13.306
: « "concurrence incompatible avec l'exclusivité" », et ce, au regard des méthodes de vente mises en
œuvre, de l'organisation des lieux et des caractéristiques attractives pour la clientèle), y compris, le cas
échéant, à proximité de la zone d'exclusivité (Cass. com., 19 déc. 1989, no 88-13.789, Bull. civ. IV, no 327,
RTD civ. 1990, p. 649, obs. Mestre J. : manquement à la bonne foi) ;
​ l'obligation de ne pas ouvrir lui-même un nouveau point de vente (CA Paris, 12 janv. 2021, no 20/02665,
Concurrences 2-2021, art. 99905, obs. Mouly-Guillemaud C.) ;
​ l'obligation de « "faire respecter l'exclusivité qu'il a concédée" », en cas de distribution parallèle comme en
cas de revente effectuée par un autre membre du réseau en violation de ses propres obligations (Cass.
com., 20 févr. 2007, no 04-17.752, Bull. civ. IV, no 52, Contrats, conc., consom. 2007, comm. 121, obs.

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Malaurie-Vignal M. ; addeCass. com., 3 nov. 2004, no 02-17.919 ; Cass. com., 20 sept. 2016, no 13-15.935,
Bull. civ. IV, no 117, AJ Contrat 2016, p. 541, obs. Eréséo N., JCP E 2017, 1006, no 8, obs. Grignon Ph., JCP
E 2017, 1079, no 3, obs. Mainguy D., Contrats, conc., consom. 2016, comm. 254, obs. Malaurie-Vignal M., D.
2017, p. 375, obs. Mekki M.). Cette obligation s'impose même lorsqu'il existe une procédure devant
l'Autorité de la concurrence (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 9 sept. 2015, no 14/06837, Concurrences, 4-2015, p.
134, obs. Eréséo N.).

Remarque La caractérisation de la violation d'une zone d'exclusivité passe parfois par la distinction, connue du droit de la
concurrence, entre ventes actives et ventes passives (voir no 2842). Exemple tiré d'un arrêt récent : un garage ayant conclu avec
une société P un « "contrat de réseau P" » comportant une exclusivité territoriale à son profit, constate qu'un autre adhérent du
réseau réalise des opérations promotionnelles sur le parking d'un supermarché voisin. Les juges du fond retiennent l'absence de
violation de la clause d'exclusivité. L'arrêt est cassé : « "en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les salariés de cette
entreprise se rendaient sur le parking du supermarché situé dans la zone d'exclusivité de M. X pour proposer des prestations dans le
cadre d'opérations promotionnelles, avec une camionnette affichant le logo P, ce dont il résulte que l'entreprise tierce prospectait une
clientèle déterminée à l'intérieur du territoire concédé et procédait ainsi à des ventes actives, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, a violé les "(anciens articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil et 101 du Traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne) » (Cass. com., 20 sept. 2016, no 13-15.935, précité).
Remarque Lorsqu'il obtient un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité en contrepartie de la mise à disposition d'un nom
commercial, d'une marque ou d'une enseigne (sur le champ d'application du texte, voir notamment Cass. com., 19 janv. 2010, no
09-10.980, Bull. civ. IV, no 15, Concurrences, 2-2010, p. 89, obs. Eréséo N., Contrats, conc., consom. 2010, comm. 92, obs.
Malaurie-Vignal M.), le fournisseur doit délivrer, préalablement à la signature du contrat, le document d'information prévu par l'article
L. 330-3 du Code de commerce. Le lecteur est renvoyé sur ce point aux développements que lui consacre Le Lamy droit
économique.
La méconnaissance par le fournisseur de son engagement d'exclusivité peut être justifiée en cas d'exception d'inexécution.
Néanmoins, « "l'exception d'inexécution, fût-elle fondée, (permet à la société concédante) non pas de rompre le contrat conclu (…)
mais seulement d'en suspendre l'exécution en distribuant provisoirement, par elle-même ou par un tiers, les produits concédés" »
(Cass. com., 1er déc. 1992, no 91-10.930, Bull. civ. IV, no 392, RTD civ. 1993, p. 578, obs. Mestre J.). Le concédant pourrait
cependant aussi, aujourd'hui, résoudre le contrat par voie de notification (C. civ., art. 1226).
La violation de l'exclusivité, sa modification unilatérale ou sa suppression constituent évidemment une faute contractuelle et une
cause potentielle de résolution au regard du droit commun, mais aussi, potentiellement, une rupture brutale (partielle) de relation
commerciale au sens de l'article L. 442-1, II, du Code de commerce (pour un tel cumul, voir par exemple CA Paris, 12 janv. 2021, no
20/02665, Concurrences 2-2021, art. 99905, obs. Mouly-Guillemaud C.; et plus généralement, voir no s 2587 et s.). Cela étant,
toute perte d'exclusivité n'est pas forcément constitutive d'une rupture brutale. Par exemple, la poursuite par un tiers de la relation
commerciale initialement nouée n'a pas pour effet de maintenir la clause d'exclusivité stipulée au bénéfice du cocontractant originel,
sauf intention contraire des parties (CA Paris, 12 oct. 2021, Concurrences 1-2022, art. 104553, obs. Mouly-Guillemaud C.). De
même encore, l'abandon d'une exclusivité réciproque n'est pas constitutif d'une rupture brutale lorsque celle-ci a été prévue par le
contrat (Cass. com., 9 juill. 2013, no 12-20.468, Bull. civ. IV, no 115, Concurrences, 4-2013, p. 105, obs. Chagny M., RLDC
2013/109, no 5265, obs. Le Gallou C., Contrats, conc., consom. 2013, comm. 209, obs. Mathey N., JCP E 2014, 1074, no 9, obs.
Grignon Ph., D. 2013, p. 2324, note Mouly-Guillemaud C., RDC 2014, p. 69, obs. Grimaldi C. ; Cass. com., 11 mai 2017, no 16-
13.464, Concurrences, 2-2017, p. 96, obs. Mitchell M.-C., Contrats, conc., consom. 2017, comm. 149, obs. Mathey N.).

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1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 1. L’approche du droit des
contrats

2841 - Rapports avec les tiers

Le distributeur agréé qui empiète sur la zone exclusive d'autrui sans y être autorisé se rend, non seulement coupable d'un
manquement contractuel à l'égard de son fournisseur (Cass. com., 7 juill. 1980, no 78-15.735, Bull. civ. IV, no 288), mais aussi
coupable d'une faute délictuelle à l'égard du tiers bénéficiaire de l'exclusivité (Cass. com., 19 oct. 1983, no 82-12.072, Bull. civ. IV, no
269).
Cette sévérité n'est plus de mise, en revanche, lorsque le revendeur non autorisé est tiers au réseau : ce dernier, en effet, n'est pas
opposable en tant que tel aux tiers, si bien que « "le fait (…) d'avoir importé en vue de la vente en France des machines et du
matériel (…) en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficiait à sa connaissance (le concessionnaire) ne constituait pas en lui-même,
en l'absence d'autres éléments, un acte de concurrence déloyale" » (Cass. com., 16 févr. 1983, no 81-14.506, Bull. civ. IV, no 69, D.

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1984, p. 489, note Ferrier D. ; voir plus généralement, Ferrier N. et Sautonie-Laguionie L., La distribution parallèle à l'épreuve de
l'opposabilité du réseau, RTD civ. 2011, p. 225 ; Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique. Droit de la distribution, Lawlex,
Bruylant, 2015, no s 142 et s. ; Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019, no s 142 et s.).
Cela étant, le tiers revendeur n'est pas à l'abri de toute poursuite. Il peut, en particulier, engager sa responsabilité s'il s'est
approvisionné en connaissance de cause auprès du fournisseur, voire auprès d'un autre distributeur exclusif, pour autant que l'on
admette la validité d'une interdiction de revente hors réseau (la question est discutée en matière de distribution exclusive : le droit
interne l'admet – C. com., art. L. 442-2 – mais le droit européen y voit une restriction de concurrence caractérisée : voir Ferrier D. et
Ferrier N., Droit de la distribution, LexisNexis, 8e éd., 2017, no 706).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 2. L’approche du droit de
la concurrence

2842 - Règlement d’exemption – lignes directrices

La grille d'analyse des exclusivités est affinée par le droit de la concurrence. L'exclusivité territoriale est envisagée sous l'angle de la
"distribution exclusive", couvrant l'hypothèse dans laquelle « "le fournisseur accepte de ne vendre ses produits qu'à un seul
distributeur en vue de leur revente sur un territoire déterminé" » (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 151 ; nouvelles
lignes directrices, 10 mai 2022, no 117).
Il est important de savoir si la distribution exclusive peut ou non bénéficier de l'exemption par catégorie, qui permet de présumer sa
licéité (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, JOUE 23 avr. 2010, no L 102, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022). L'exemption lui
profite à condition que la part de marché détenue par chacune des parties ne dépasse pas 30 % (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr.
2010, art. 3 ; Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 3) et que la pratique en cause ne corresponde pas à l'une des « "restrictions
caractérisées" » (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, art. 4 ; Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4) visées par le règlement.
On retiendra ainsi, et pour l'essentiel, que :

​ le fournisseur ne peut en principe restreindre le territoire sur lequel un distributeur, auquel un territoire
exclusif a été alloué, peut vendre activement (c'est-à-dire prospecter) ou passivement (c'est-à-dire
répondre aux sollicitations) les biens ou services contractuels (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, art. 4,
b) ; Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4, b) ;
​ le fournisseur peut toutefois restreindre les ventes actives du distributeur exclusif sur un territoire qu'il a
exclusivement alloué à un autre acheteur ou qu'il s'est lui-même réservé (Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr.
2010, art. 4, b, i) ; Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4, b, i). En revanche, ne serait pas admis une
restriction des ventes actives et passives, autrement dit une protection territoriale absolue ;
​ le fournisseur peut également restreindre le lieu d'établissement du distributeur exclusif (Règl. (UE) no
330/2010, 20 avr. 2010, art. 4, a ; Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4, b, iii), c'est-à-dire lui imposer
une clause d'implantation. Mais cela n'empêchera pas le distributeur d'utiliser son propre site Internet
(Commission, Lignes directrices, 10 mai 2010, no 57 ; nouvelles lignes directrices, 10 mai 2022, no 224).

Le nouveau règlement de 2022 entend par ailleurs renforcer la protection territoriale des réseaux (sur ce point, voir Chagny M., La
protection territoriale des réseaux de distribution dans le projet de réforme des règles applicables aux restrictions verticales, in Ferrier
N. (dir.), Réforme des restrictions verticales : les enjeux du nouveau règlement, LexisNexis, 2022, p. 73). Les fournisseurs pourraient
ainsi, à l'avenir :

​ recourir aux exclusivités partagées, c'est-à-dire désigner plusieurs distributeurs exclusifs sur un même
territoire (Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 1er, et art. 4, b, i) ;
​ imposer aux distributeurs de répercuter la restriction de revente auprès de leurs propres distributeurs
(règle dite du pass on : Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4, b, i) ;
​ en cas de coexistence de plusieurs réseaux, interdire aux distributeurs sélectifs ou libres de revendre
activement vers un territoire faisant l'objet d'une exclusivité (Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4, c,
i), 1) et 4, d, i)).

Les restrictions caractérisées, telles que les interdictions de ventes passives, empêchent l'exemption de la totalité du contrat qui les
contiennent. Ce dernier est-il nul par voie de conséquence ? Pas nécessairement : la clause doit être encore jugée illicite, en tant
qu'elle aurait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. De surcroît, le contrat peut efficacement prévoir la divisibilité de
toutes ses clauses (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 22 mai 2019, no 18/04239, Contrats, conc., consom. 2020, étude 1, no 32, obs.
Gouache J.-B. et Behar-Touchais M.).
Remarque Le nouveau règlement de 2022 intègre la question d'Internet et fait en sorte d'améliorer la protection des territoires. Les

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ventes par Internet étaient traditionnellement, pour la plupart d'entre elles, qualifiées de ventes passives, si bien qu'il était impossible
pour le fournisseur de restreindre l'activité de ses distributeurs qui empruntaient ce canal. Désormais, elles pourront être plus
fréquemment qualifiées de ventes actives (ex. : offre sur un site web d'options linguistiques différentes de celles utilisées sur le
territoire sur lequel le distributeur est établi, offre d'un site web dont le nom de domaine correspond à un territoire autre que celui sur
lequel le distributeur est établi ; voir Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 1 § 1, l).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
1 Les exclusivités dans les contrats de distributionSous-section 2 L’exclusivité territoriale§ 2. L’approche du droit de
la concurrence

2843 - Jurisprudence et pratique décisionnelle

Il est constant que « "les exclusivités de distribution et d'achat ne sont pas anticoncurrentielles par elles-mêmes" » (Aut. conc., déc.
no 14-D-18, 28 nov. 2014, no 116, Concurrences, 1-2015, art. 71748, obs. Ronzano A., confirmé par CA Paris, pôle 5, ch. 7, 12
mai 2016, no 15/00301 ; adde en droit européen : CJCE, 30 juin 1966, aff. 56-65, ECLI:EU:C:1966:38). Il convient de vérifier que
l'accord a pour objet ou pour effet de restreindre ou fausser la concurrence et, si le droit européen est invoqué, que le commerce
entre États est sensiblement affecté (CJCE, 30 juin 1966, aff. 56-65, précité ; Cass. com., 20 sept. 2016, no 13-15.935, Bull. civ. IV,
no 117, AJ Contrat 2016, p. 541, obs. Eréséo N., JCP E 2017, 1006, no 8, obs. Grignon Ph., JCP E 2017, 1079, obs. Mainguy D.,
Contrats, conc., consom. 2016, comm. 254, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2017, p. 375, obs. Mekki M.).
La restriction de concurrence est appréciée de façon circonstanciée : « "Pour apprécier si un contrat assorti d'une clause" "concédant
un droit exclusif de vente" "doit être considéré comme interdit en raison de son objet ou de son effet, il y a lieu de prendre en
considération notamment la nature et la quantité limitée ou non des produits faisant l'objet de l'accord, la position et l'importance du
concédant et celles du concessionnaire sur le marché des produits concernés, le caractère isolé de l'accord litigieux ou, au contraire,
la place de celui-ci dans un ensemble d'accords, la rigueur des clauses destinées à protéger l'exclusivité ou, au contraire, les
possibilités laissées à d'autres courants commerciaux sur les mêmes produits par le moyen de réexportations et d'importations
parallèles" » (CJCE, 30 juin 1966, aff. 56-65, précité ; en droit interne : Aut. conc., déc. no 14-D-18, 28 nov. 2014, no 117).

S'il constitue une entente anticoncurrentielle au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce ou de l'article 101, § 1er, du Traité
sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'accord peut encore bénéficier d'une exemption individuelle, notamment si l'entreprise
poursuivie peut faire valoir des « "gains d'efficience" » (SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, § 164). Comme le rappelle par ailleurs la
cour d'appel de Paris, « "cette pratique de l'attribution d'une exclusivité territoriale, qui exclut des distributeurs pouvant concurrencer
le concessionnaire, est illicite en ce qu'elle est susceptible de porter atteinte au jeu de la libre concurrence mais peut néanmoins être
exemptée lorsque les parties se sont assurées que les restrictions territoriales auxquelles elles consentent sont proportionnées aux
objectifs économiques poursuivis, ce qui est le cas en l'espèce, l'accord ayant une portée limitée dans le marché pertinent considéré
et ne peut porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence" » (CA Paris, pôle 5, ch. 11, 17 oct. 2014, no 13/03894). Il
faut néanmoins observer que les accords contenant des restrictions caractérisées, au sens des règlements d'exemption, « "ont peu
de chances de bénéficier d'une exemption individuelle" » (Vogel L. et Vogel J., Traité de droit économique. Droit de la distribution,
Lawlex, Bruylant, 2015, no 67).
Ce qui vaut pour les ententes vaut aussi pour les abus de position dominante : « (…) "la conclusion de clauses d'exclusivité au
bénéfice d'une entreprise en position dominante ne constitue pas, par elle-même, un abus" » (Cons. conc., no 08-D-16, 3 juill.
2008). Se prononçant au sujet d'un acheteur dominant, l'Autorité de la concurrence a rappelé qu'il convenait de procéder « "à une
analyse au cas par cas des clauses d'exclusivité, afin de s'assurer qu'elles n'instaurent pas, en droit ou en pratique, une barrière
artificielle à l'entrée sur le marché, en appréciant l'ensemble de leurs éléments constitutifs, à savoir le champ d'application, la durée,
l'existence d'une justification technique à l'exclusivité, et la contrepartie économique obtenue par le client" » (Aut. conc., déc. no 10-
D-07, 2 mars 2010, no 79).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités

2844 - Panorama non exhaustif

Il est impossible de dresser la liste exhaustive des contrats, conclus en dehors du monde de la distribution, dans lesquels une clause
d'exclusivité peut être stipulée. Les exemples qui suivent ont été choisis, à la fois, pour leur fréquence pratique et pour les questions
qu'ils posent, souvent identiques.

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 1. L’exclusivité dans le contrat de travail

2845 - Distinction de la clause d’exclusivité et de la clause de non-concurrence

On sait que la clause d'exclusivité ne se confond pas en principe avec une clause de non-concurrence (voir no 2820 et no s 2819 et
s.). La Cour de cassation censure dès lors, par exemple, les juges du fond qui estiment qu'une stipulation « "s'analyse en une clause
de d'exclusivité et de non-concurrence" », alors que la clause litigieuse « "n'interdisait pas à la salariée d'effectuer, pour le compte
d'un tiers, des opérations autres que celles portant sur des produits susceptibles de concurrencer ses co-employeurs, ce dont il
résultait qu'elle ne s'analysait pas en une clause d'exclusivité" » (Cass. soc., 8 juin 2011, no 09-41.019, Bull. civ. V, no 148, RLDC
2011/85, no 4336, obs. Paulin A., D. 2011, p. 2961, obs. Robinne S.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 1. L’exclusivité dans le contrat de travail

2846 - Utilité et validité de la clause d’exclusivité dans le contrat de travail

À la différence de l'obligation de non-concurrence en cours de contrat, l'obligation d'exclusivité ne peut être déduite de l'obligation de
loyauté et de fidélité qui pèse sur le salarié. D'où l'intérêt de stipuler une clause d'exclusivité, qui permettra à l'employeur d'interdire
toute autre activité professionnelle, même non concurrente (voir Le Lamy social). La pratique est fréquente, notamment, dans le
monde du sport professionnel (voir Buy Fr., Marmayou J.-M., Poracchia D. et Rizzo F., Droit du sport, LGDJ, 5e éd., 2018, no s 574 et
s.).
La Chambre sociale de la Cour de cassation appréhende les clauses d'exclusivité comme elle le fait pour les clauses de non-
concurrence, c'est-à-dire en partant du principe que la clause porte atteinte à la liberté du travail ou au principe fondamental de libre
exercice d'une activité professionnelle (voir no s 2857 et s.). Elle n'est « "valable que si elle est indispensable à la protection des
intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché" »
(Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-40.143, Bull. civ. V, no 276 et Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-43.240, Bull. civ. V, no 277, Dr. soc.
2000, p. 1141, obs. Mouly J.), sans toutefois devoir être compensée financièrement (CA Versailles, 15e ch., 11 mai 2016, no
14/04515).
Ce faisant, l'exclusivité est incompatible avec le travail à temps partiel : « "la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié
s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à
temps complet à son activité professionnelle" », si bien « "qu'un VRP, s'il est engagé à titre exclusif, ne peut se voir imposer de
travailler à temps partiel et a droit à la rémunération minimale forfaitaire prévue par l'article 5 de l'Accord national interprofessionnel
des VRP" » (Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-40.143 et Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-43.240, précités). Si la nullité de la clause
est poursuivie, par exemple pour une clause incluse dans un contrat de caissière, celle-ci « "n'a pas pour effet d'entraîner la
requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, (mais) permet toutefois au salarié d'obtenir
réparation du préjudice ayant résulté pour lui de cette clause illicite" » (Cass. soc., 25 févr. 2004, no 01-43.392, Bull. civ. V, no 64).
À noter qu'indépendamment de sa validité, la clause sera parfois inefficace. Ainsi l'article L. 1222-5 du Code du travail énonce-t-il que
« "l'employeur ne peut opposer aucune clause d'exclusivité pendant une durée d'un an au salarié qui crée ou reprend une entreprise,
même en présence de stipulation contractuelle ou conventionnelle contraire. Toutefois, cette interdiction ne s'applique pas à la clause
d'exclusivité prévue par l'article L. 7313-6 pour les voyageurs, représentants ou placiers" ».

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 2. L’exclusivité dans le contrat de bail

2847 - Utilité et validité de la clause d’exclusivité dans le contrat de bail

Les hypothèses sont en pratique variées. L'exclusivité peut être, par exemple, stipulée à la charge du bailleur. Le principe, comme
ailleurs, est qu'elle doit expressément être prévue par le contrat. Il arrive, néanmoins, que les juges découvrent une exclusivité grâce
à l'exigence de bonne foi, et parfois même... à rebours des termes du contrat qui la rejette expressément (CA Paris, pôle 4, ch. 4,

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15 oct. 2019, no 17/10061, Concurrences, 1-2020, art. 92872, obs. Eréséo N., reconnaissant une exclusivité implicite à la charge
des aéroports de Paris) ! Cette dernière solution est évidemment critiquable (en ce sens, Eréséo N., obs. précitées). Elle heurte le
principe selon lequel la bonne foi n'autorise pas le juge à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement
convenus entre les parties (Cass. com., 24 nov. 2015, no 14-20.512).
L'exclusivité peut être également, et à l'inverse, stipulée à la charge du locataire. Le cas est fréquent dans les centres commerciaux
ou les galeries marchandes. La validité de ce type de clause est appréciée au regard de son caractère limité, notamment dans le
temps ou dans l'espace (Cass. 3e civ., 8 janv. 1997, no 94-20.766, Bull. civ. III, no 2 ; addeCA Nancy, 1re ch., 14 déc. 2015, no
14/01992, Loyers et copr. 2016, comm. no 94, obs. Regnault S., qui repousse le grief de perpétuité dès lors que la clause est limitée
par la durée du bail), et ce, en raison de l'atteinte qu'elle porte à la liberté du commerce et de l'industrie (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3
juill. 2013, no 11/17161, Concurrences, 4-2013, p. 98, obs. Eréséo N., RLC 2013/37, no 2399, obs. Sélinsky V., JCP E 2013, 1656,
note Marx V. : « "si la clause apporte bien une restriction au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, la restriction en
cause, limitée dans son champ matériel, le temps et l'espace, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au regard des intérêts
légitimes qu'elle vise à protéger" »). Sa validité est par ailleurs appréciée au regard du droit de la concurrence (CA Paris, 3 juill. 2013,
no 11/17161, précité : « "la conclusion de clauses d'exclusivité ne constitue pas, par elle-même, une entente anticoncurrentielle, à la
condition qu'elle n'affecte pas la concurrence au-delà des restrictions qui peuvent être nécessaires pour assurer la rentabilité d'une
activité, par exemple du fait de l'existence d'investissements spécifiques ou du fait du caractère particulièrement risqué d'une activité
; (…) si de telles clauses ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser ou de restreindre directement ou indirectement le jeu
de la concurrence sur le marché concerné, elles constituent par l'effet – constaté ou potentiel – d'éviction qu'elles comportent une
entente prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce ; (…) dès lors, l'analyse revient à vérifier que les clauses d'exclusivité et
le cas échéant les autres clauses des contrats n'instaurent pas, en droit ou en pratique, une barrière artificielle à l'entrée sur le
marché en appréciant l'ensemble de leurs éléments constitutifs ; (…) en pratique, l'effet d'éviction ou de verrouillage que peuvent
comporter les clauses d'exclusivité dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels le champ et la portée de l'exclusivité, la part de la
demande liée, la durée ou la combinaison dans le temps des contrats, les conditions de résiliation et de renouvellement, la position
des opérateurs et les conditions régnant sur le marché en cause" »).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 2. L’exclusivité dans le contrat de bail

2848 - Violation de la clause d’exclusivité

La pluralité de baux conclus sur une même zone par un même propriétaire pose parfois des problèmes particuliers. Si l'un des
locataires viole son obligation d'exclusivité, le propriétaire peut évidemment lui en faire le reproche. Les autres locataires pourront
également agir : contre le locataire défaillant sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou même contre le propriétaire censé
opérer une police des lieux (Cass. 3e civ., 4 mai 2006, no 04-10.051, Bull. civ. III, no 107, JCP G 2006, II, no 10119, note Deshayes
O., RTD civ. 2006, p. 554, obs. Mestre J. et Fages B. : « "le locataire bénéficiaire d'une clause d'exclusivité qui lui a été consentie par
son bailleur est en droit d'exiger que ce dernier fasse respecter cette clause par ses autres locataires, même si ceux-ci ne sont pas
parties au contrat contenant cette stipulation" » ; addeCass. 3e civ., 11 oct. 2018, no s 17-23.902 et 17-25.772).

Si la clause doit s'interpréter de façon stricte (Cass. 3e civ., 8 janv. 1997, no 94-20.766, Bull. civ. III, no 2), il faut aussi rappeler
qu'une activité inclut nécessairement la vente de produits réservés ou autorisés par les textes législatifs ou réglementaires applicables
(par exemple, pour une activité de pharmacie, la vente de produits de parapharmacie : Cass. 3e civ., 28 janv. 2021, no 19-18.233,
Loyers et copr. 2021, comm. 57, obs. Monéger J.).

À noter qu'une simple clause de destination des lieux n'est pas assimilable à une clause d'exclusivité (CA Caen, 2e ch. civ. et com., 26
janv. 2012, no 10/02808).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 3. L’exclusivité dans les pactes d’associés

2849 - Utilité et validité de la clause d’exclusivité dans les pactes d’associés

Parce qu'aucune obligation de non-concurrence ne pèse sur l'associé d'une société à responsabilité limitée ou sur l'actionnaire (Cass.
com., 15 nov. 2011, no 10-15.049, Bull. civ. IV, no 188, D. 2012, p. 134, note Favario Th., D. 2012, p. 2760, obs. Picod Y., RTD com.
2012, p. 134, obs. Constantin A., JCP E 2011, 1893, note Couret A. et Dondero Br., Dr. sociétés févr. 2012, comm. 24, obs.
Roussille M.), on peut en déduire a fortiori qu'aucune obligation d'exclusivité ne pèse sur lui. Une clause permettra d'y remédier,

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stipulée de préférence dans un pacte extrastatutaire afin d'en affiner la portée.

Il arrive en effet que, pour valider la clause, les juges opèrent un contrôle de proportionnalité (CA Lyon, 3e ch., 6 mars 2014, no
13/02068 : la clause litigieuse « "ne crée pas du tout une interdiction permanente et absolue destinée à empêcher (le débiteur) de
manière continue et indéfinie et au-delà de la date de cessation de ses fonctions toute tentative de diversification et de reconversion"
» mais « "constitue seulement une clause d'exclusivité, par interdiction de prise d'intérêt dans une autre société, pour la durée limitée
d'exercice des fonctions (…) au sein de la société" », de sorte que « "cette clause d'exclusivité totale, mais limitée à la durée de ses
fonctions au sein de la société, n'excède pas ce qui est nécessaire à la protection des intérêts "(du cosignataire du pacte) »).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 3. L’exclusivité dans les pactes d’associés

2850 - Efficacité de la clause d’exclusivité dans les pactes d’associés

Les pactes d'actionnaires sont parfois fragilisés par la survenance d'évènements affectant l'un de leurs signataires (Heinich J., Le sort
du pacte extrastatutaire d'associés lors d'un événement affectant l'un de ses signataires, Rev. sociétés 2014, p. 475). La Cour de
cassation a ainsi approuvé une cour d'appel qui, interprétant la volonté des parties au pacte, avait admis que la clause d'exclusivité
que celui-ci contenait « "ne pouvait être comprise indépendamment du lien de collaboration ayant existé entre "(le débiteur et sa
société) », de sorte que cet engagement pouvait être frappé de caducité lorsque son débiteur, révoqué en tant que dirigeant et
licencié, avait « "été mis, du fait de circonstances non prévues par le pacte d'actionnaires, dans l'impossibilité de (le) respecter" »
(Cass. com., 4 oct. 2011, no 10-10.548, Rev. sociétés 2012, p. 424, note Godon L., JCP E 2012, 1068, note Couret A. et Dondero
Br.).
La clause d'exclusivité possède, en revanche, une certaine capacité à rayonner, et ce, en dépit du principe d'effet relatif des
conventions. Appliquant en la matière sa jurisprudence controversée sur l'opposabilité du contrat par les tiers aux parties (voir no s
1741 et s.), la Cour de cassation a censuré une cour d'appel qui avait rejeté une demande formée par une société en réparation du
préjudice résultant de la violation par son débiteur de la clause d'exclusivité figurant dans un pacte d'actionnaires, aux motifs que « "le
tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce
manquement lui a causé un dommage, la cour d'appel a violé, par fausse application l' (ancien) article 1165 du Code civil et, par refus
d'application, l'(ancien) article 1382 du Code civil (voir aujourd'hui C. civ., art. 1199 et 1240)" » (Cass. com., 18 déc. 2007, no 05-
19.397, Dr. sociétés 2008, no 55, obs. Hovasse H., RTD civ. 2008, p. 297, obs. Fages B.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 4. L’exclusivité dans les contrats d’exercice libéral

2851 - L’exclusivité dans les contrats entre professionnels et établissements de santé

La jurisprudence se montre particulièrement soucieuse d'encadrer les conventions d'exclusivité conclues dans le secteur de la santé.
En effet, « "les clauses d'exclusivité consenties par un établissement hospitalier aux médecins exerçant en son sein doivent se
concilier avec le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé, principe impératif posé à l'article L.
1110-8 du Code de la santé publique" » (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, no 05-20.564, Bull. civ. I, no 292, RDSS 2007, p. 1113, obs.
Arhab F.), de sorte que les clauses en question ressemblent davantage aujourd'hui à des « (clauses) "d'exercice privilégié" »
(Marchadier F., Qualité de la santé, ordre public sanitaire et contrat, RDSS 2014, p. 1055).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 5. L’exclusivité dans les contrats d’agence

2852 - L’exclusivité dans le mandat d’agent commercial

L'agent commercial est légalement tenu envers son mandant par une obligation de non-concurrence (C. com., art. L. 134-3 ; adde
Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019, no 38). Rien n'interdit que cette obligation soit
renforcée par une exclusivité conventionnelle.
L'agent peut, corrélativement, se voir attribuer un territoire exclusif, sans qu'il soit au reste nécessaire que la clause soit

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expressément stipulée (Cass. com., 8 mars 2005, no 02-20.878). La Commission européenne considère que l'exclusivité de clientèle
ou de territoire n'entraîne généralement pas d'effets anticoncurrentiels (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, no 19).
L'exclusivité territoriale ne peut avoir pour contrepartie une redevance mensuelle payée par l'agent ; elle est, au contraire, « "une
garantie de la rémunération du mandataire" » (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 26 juin 2019, no 16/23435, JCP E 2019, 1424, note Dissaux
N.). Elle lui assure une rémunération au titre de toute vente intervenue dans son secteur (Cass. com., 10 févr. 2009, no 07-21.386,
Contrats, conc., consom. 2009, comm. 126, obs. Mathey N.). Néanmoins, il suffit que l'agent se soit vu attribuer un secteur
géographique pour bénéficier du droit à commission prévu à l'article L. 134-6 du Code de commerce (Cass. com., 23 janv. 2007, no
05-10.264, Bull. civ. IV, no 5, Contrats, conc., consom. 2007, comm. 68, obs. Malaurie-Vignal M.).
La clause d'exclusivité constitue généralement une stipulation importante, de sorte que sa violation par le mandant peut justifier la
résiliation du contrat (CA Limoges, ch. civ., 19 nov. 2015, no 14/00987).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 5. L’exclusivité dans les contrats d’agence

2853 - L’exclusivité dans le mandat d’agent immobilier

La clause d'exclusivité n'est pas, non plus, systématique dans les mandats d'agent immobilier. Elle peut être néanmoins valablement
stipulée (sur la notion d'exclusivité, voir Cass. 1re civ., 16 oct. 2013, no 12-27.067) et est alors règlementée.

L'article 6 de la loi no 70-9 du 2 janvier 1970 (JO 4 janv.) réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines
opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce précise, à ce titre, que « "lorsqu'une convention comporte une
clause d'exclusivité, elle précise les actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi
que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité
déterminée par les parties" ». De plus, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité, cette clause « "ne peut recevoir
application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant. Cette clause (est)
mentionnée en caractères très apparents" » (D. no 72-678, 20 juill. 1972, JO 22 juill., art. 78). La jurisprudence en déduit
sévèrement que « "la remise immédiate d'un des exemplaires du mandat comportant une clause d'exclusivité est exigée pour sa
validité même" » (Cass. 1re civ., 25 févr. 2010, no 08-14.787, Bull. civ. I, no 45, RLDC 2010/73, no 3898, note Séjean M., AJDI
2010, p. 820, obs. Thioye M.). Sauf à violer les exigences impératives de l'article 78 du décret no 72-678 du 20 juillet 1972, aucune
clause du mandat exclusif ne peut, par ailleurs, restreindre l'exercice de la faculté de résiliation à l'échéance du terme de chaque
période trimestrielle de reconduction tacite ; « "un tel mandat, étant nul, n'ouvre droit ni à rémunération ni à l'application de la clause
pénale sanctionnant le non-respect de l'exclusivité du mandat" » (Cass. 1re civ., 3 nov. 2016, no 15-23.534, Bull. civ. I, no 202, JCP E
2017, 1006, no 6, obs. Seube J.-B.).
Au plan de la rémunération de l'agent, l'existence ou l'absence d'exclusivité n'a pas d'incidence en principe : « "lorsqu'un agent
immobilier, bénéficiaire d'un mandat, fait visiter à une personne l'immeuble mis en vente et qu'ensuite le vendeur traite directement
avec cette personne, l'opération est réputée effectivement conclue par l'entremise de cet agent, lequel a alors droit au paiement de
la commission convenue" » (Cass. 1re civ., 14 nov. 2000, no 98-10.629, Bull. civ. I, no 288). Mais cette règle, favorable à l'agent en
ce qu'elle présume « "l'entremise efficace" » (Gautier P.-Y., Le prix de la non-exclusivité : l'affaire initiée par un mandataire mais
"bouclée" par un autre, le prive de sa commission, RTD civ. 2000, p. 357), s'efface lorsque le vendeur a donné à plusieurs agents le
mandat non exclusif de vendre un même bien : dans un tel cas, le vendeur n'est tenu de payer une rémunération « "qu'à celui par
l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue" » (Cass. 1re civ., 15 févr. 2000, no 97-19.429, Bull. civ. I, no 46, RTD civ.
2000, p. 357, obs. Gautier P.-Y. ; Cass. 1re civ., 16 mai 2006, no 04-20.477).
Une fois la clause d'exclusivité expirée, l'acquéreur qui a visité le bien par l'entremise d'une agence peut, sans faute de sa part,
recourir à une autre agence pour proposer une nouvelle offre aux vendeurs (Cass. 1re civ., 6 avr. 2016, no 15-14.631, Bull. civ. I, no
82, JCP G 2016, no 27, 797, no 9, obs. Virassamy G., JCP E 2016, 1363, no 19, obs. Loir R.).

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2 Les autres exclusivités§ 5. L’exclusivité dans les contrats d’agence

2854 - L’exclusivité dans la régie de droits sportifs

Les droits sportifs (TV, Internet, sponsoring, marketing, etc.) sont souvent commercialisés par l'entremise d'agences spécialisées, à

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qui le propriétaire confie une exclusivité de gestion (voir Buy Fr., Marmayou J.-M., Poracchia D. et Rizzo F., Droit du sport, LGDJ, 6e
éd., 2020, no 1381).
Du point de vue du droit de la concurrence, ces contrats de commercialisation exclusive peuvent en théorie bénéficier de l'exemption
par catégorie (voir Aut. conc., déc. no 09-D-31, 30 sept. 2009, no s 272 et 273, RLC 2010/22, no 1522, obs. Bouniol R., qui précise
que le seuil de part de marché est cependant dépassé). Si tel n'est pas le cas, l'Autorité de la concurrence rappelle que « "si les
pratiques d'exclusivité ne sont pas interdites per se" », « "il convient : de s'assurer que les clauses d'exclusivité n'instaurent pas, en
droit ou en pratique, une barrière artificielle à l'entrée sur le marché en appréciant l'ensemble de leurs éléments constitutifs : le champ
d'application, la durée, l'existence d'une justification technique à l'exclusivité et la contrepartie économique obtenue par le client" »
(Aut. conc., déc. no 09-D-31, 30 sept. 2009, no 282).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 6. L’exclusivité dans les contrats d’exploitation de droits

2855 - L’exclusivité dans les contrats d’exploitation de droits d’auteurs et droits voisins

Les exclusivités contractuelles sont très fréquentes dans le domaine de la propriété littéraire et artistique. Pour autant, il n'existe pas
d'exclusivités implicites. L'article L. 132-19 du Code de la propriété intellectuelle précise même qu'un contrat de représentation ne
confère à l'entrepreneur de spectacles un monopole d'exploitation qu'en cas de « "stipulation expresse de droits exclusifs" ».
Comme ailleurs, des questions de qualifications peuvent se poser. Il semblerait ainsi, en matière de contrats d'édition, que la pratique
tende à baptiser « "clauses d'exclusivité" » ce qui est en réalité un pacte de préférence (Kamina P., J.-Cl. Propriété littéraire et
artistique, Fasc. 1340, Exploitation des droits. Dispositions particulières à certains contrats. Contrat de production audiovisuelle, no
30). Cela ne suffit pas à éluder les règles de l'article L. 132-4 du Code de la propriété intellectuelle relatives aux pactes (Kamina P.,
Exploitation des droits. Dispositions particulières à certains contrats. Contrat de production audiovisuelle, précité).
Tranchant une question délicate, la Cour de cassation a par ailleurs considéré que l'expiration d'un contrat d'enregistrement exclusif
ne pouvait avoir pour effet d'anéantir les clauses d'exclusivité qui y étaient inscrites et qui continuent à régir la situation juridique des
parties pour tous les enregistrements réalisés pendant la période contractuelle (Cass. 1re civ., 11 févr. 2010, no 08-21.342, RLDI
2010/61, no 1911, note Pessina Dassonvielle S., RTD com. 2010, p. 316, obs. Pollaud-Dulian Fr.). La clause d'exclusivité résiste en
outre, au-delà du décès de l'artiste, aux revendications des héritiers (Cass. 1re civ., 21 mars 2006, no 03-20.960, Bull. civ. I, no 169,
RTD com. 2006, p. 601, obs. Pollaud-Dulian Fr. : « (…) "le droit moral de l'artiste-interprète (…) est sans incidence sur les clauses
d'exclusivité, de nature patrimoniale, que celui-ci a pu consentir à un éditeur phonographique sur ses interprétations" »).
À noter que la matière n'est pas épargnée par le droit de la concurrence. Un contrat exclusif conclu par un artiste très célèbre pourrait
ainsi avoir des effets sensibles sur la concurrence (Comm. CEE, déc. no 78/516/CEE, 26 mai 1978, JOCE 15 juin 1978, no L 157 :
en l'espèce, des contrats avaient empêché la Rai de réaliser une émission en mondovision à partir de la Scala de Milan).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 2 La clause d'exclusivitéSection
2 Les autres exclusivités§ 6. L’exclusivité dans les contrats d’exploitation de droits

2856 - L’exclusivité dans les contrats d’exploitation de droits sportifs

L'exclusivité doit, comme ailleurs, être expressément stipulée (voir toutefois, dans l'hypothèse voisine d'un parrainage publicitaire :
CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 9 févr. 2012, no 10/13409 : exclusivité déduite du devoir de loyauté).
Le test de validité concurrentielle est, en ce domaine, conforme à une jurisprudence et à une pratique décisionnelle classiques.
L'Autorité de la concurrence estime ainsi que les obligations d'exclusivité « "ne constituent pas des restrictions de concurrence "per se
» dans la mesure où l'exclusivité « "peut être porteuse de gains d'efficience pour le marché en cause" » (Aut. conc., déc. no 10-D-17,
25 mai 2010, no 124, Concurrences, 3-2010, p. 86, obs. Debroux M.). Ce faisant, « "il convient de s'assurer que les clauses
d'exclusivité n'instaurent pas en droit ou en pratique, une barrière artificielle à l'entrée sur le marché en appréciant l'ensemble de leurs
éléments constitutifs : le champ d'application, la durée, l'existence d'une justification technique à l'exclusivité, et la contrepartie
économique obtenue par le client" » (Aut. conc., déc. no 10-D-17, 25 mai 2010, no 127). Les conditions de négociation et la durée
de l'exclusivité sont particulièrement importantes. La pratique consistant pour les sociétés du groupe Canal plus et la ligue de rugby à
avoir négocié de gré à gré puis conclu un accord exclusif attribuant les droits de retransmission du top 14 pour une durée de cinq
années, en excluant tout autre opérateur du processus d'attribution, révèle ainsi un objet et/ou un effet anticoncurrentiel (CA Paris,
pôle 5, ch. 7, 9 oct. 2014, no 14/16759 ; comp. lorsque la cession concerne seulement les droits de Pro D2 : Aut. conc., déc. no

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16-D-04, 23 mars 2016, Comm. com. électr. 2016, chron. 16, obs. Rizzo F.). Les exclusivités territoriales absolues accordées aux
radiodiffuseurs sont par ailleurs sanctionnées en tant que « "restrictions par l'objet" » (CJUE, 4 oct. 2011, aff. C-403/08 et C-
429/08, ECLI:EU:C:2011:631, JCP G 2011, no 47, 1296, note Buy Fr. et Roda J.-Chr.). En France, la commercialisation par les
ligues des droits d'exploitation audiovisuelle est, en outre, règlementée par le Code du sport, lequel impose une procédure d'appel à
candidatures, une commercialisation en plusieurs lots distincts et la conclusion de contrats pour une durée qui ne peut excéder quatre
ans (C. sport, art. R. 333-3).
Serait-elle valable, l'exclusivité sportive peut ne pas être par ailleurs pleinement efficace. Les cessionnaires des droits exclusifs de
retransmission doivent, en effet, composer avec les contraintes nées du droit du public à l'information : libre diffusion de brefs
extraits, nécessité de diffuser les évènements sportifs d'importance majeure sur une chaîne de télévision à accès libre, droit d'accès
des journalistes aux enceintes sportives (Buy Fr., Marmayou J.-M., Poracchia D. et Rizzo F., Droit du sport, LGDJ, 6e éd., 2020, no s
1308 et s.).
À noter, enfin, qu'au titre du droit des pratiques restrictives de concurrence, la rupture des négociations en vue de la conclusion d'un
nouveau contrat de radiodiffusion peut être constitutive d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie (Cass. com., 20 mai
2014, no 13-16.398, Bull. civ. IV, no 89, Contrats, conc., consom. 2014, comm. 158, obs. Mathey N.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-concurrence

2857 - Généralités sur la clause de non-concurrence

Il ne fait aucun doute qu'au titre des principales clauses des contrats civils et commerciaux, la clause de non-concurrence occupe une
place de choix (voir notamment Clause de non-concurrence (contrats commerciaux), in Les principales clauses des contrats
d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019 ; Mouly J., Clause de non-concurrence
(contrat de travail), in Les principales clauses des contrats d'affaires, précité ; Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires
et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Non-concurrence). Faisant partie des rares clauses
nommément citées par le Code civil rénové (C. civ., art. 1230, issu de Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr.), elle a pour
objet ce que l'on appelait naguère une obligation de ne pas faire : ne pas faire concurrence à autrui.
Le régime de la clause de non-concurrence a profondément évolué au cours des trente dernières années, ayant été traversé par
deux grands mouvements qui ont, l'un et l'autre, accusé la rigueur du droit applicable :

​ en premier lieu, un réagencement du régime prétorien autour d'une considération centrale : l'atteinte qui
est nécessairement portée à une liberté fondamentale (liberté du commerce et de l'industrie, liberté du
travail, libre exercice d'une activité professionnelle). Initié par la Chambre sociale de la Cour de cassation
au début des années 1990, puis acclimaté au sein des autres formations de la Cour, ce changement de
perspective a bousculé l'analyse classique qui était assise sur la liberté contractuelle et qui postulait une
validité de principe (Cass. soc., 6 déc. 1967, Bull. civ. V, no 761). Désormais, en tant qu'elle porte atteinte à
la liberté du débiteur, la clause de non-concurrence n'est jugée licite qu'à titre exceptionnel (Rochfeld J.,
Contrat et libertés fondamentales, RDC 2003, p. 17). La pointe extrême de cette nouvelle analyse est
constituée, pour l'heure, par une jurisprudence de la Chambre sociale qui considère qu'« "une clause de
non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de
l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du
salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces
conditions étant cumulatives" » (Cass. soc., 10 juill. 2002, nos 99-43.334 et 99-43.336, Cass. soc., 10 juill.
2002, no 00-45.387 et Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135, Bull. civ. V, no 239, D. 2002, p. 2491, note
Serra Y., Defrénois 2002, art. 37644-94, obs. Libchaber R., RDC 2003, p. 17, obs. Rochfeld J., RDC 2003, p.
142, obs. Radé Chr.). La pratique a évidemment tenté de reconquérir un espace de liberté en imaginant de
nouvelles clauses voisines des clauses de non-concurrence (voir nos 2861 et s.) ;
​ en second lieu, une montée en puissance du droit de la concurrence, assez naturellement mobilisé en
raison des effets potentiellement restrictifs de la clause. Cette emprise a d'ailleurs plus récemment nourri,
au plan des sources, une autre grande mutation : celle d'un essor du droit écrit via le développement des
règlementations sectorielles. Les clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de distribution
sont les premières concernées par le phénomène. Celles-ci sont, en effet, désormais régies, au niveau
européen, par un important règlement d'exemption (règlement (UE) no 330/2010 du 20 avril 2010, JOUE 23
avr. 2010, no L 102, actualisé par le règlement (UE) no 2022/720 du 10 mai 2022) et, au niveau national,
par l'article L. 341-2 du Code de commerce issu de loi no 2015-990 du 6 août 2015 (JO 7 août), dite loi
Macron, qui est à l'origine d'une grande fragilisation des pratiques contractuelles de ce secteur (voir
no2882).

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concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 1. Utilité de la clause de non-concurrence

2858 - Utilité de la clause de non-concurrence en l’absence d’obligation de plein droit

C'est son utilité la plus évidente : la clause de non-concurrence peut servir à combler le vide que crée, dans une situation donnée,
l'absence d'obligation légale de non-concurrence. On en donnera deux illustrations :

​ 1er exemple : l'associé d'une SARL. Il est admis, depuis un important arrêt de la Cour de cassation du 15
novembre 2011, que « "l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est, en cette qualité, tenu ni de
s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni d'informer celle-ci d'une telle activité
et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyaux" » (Cass. com., 15 nov. 2011, no 10-15.049,
Bull. civ. IV, no 188, D. 2012, p. 134, note Favario T., D. 2012, p. 2760, obs. Picod Y., RTD com. 2012, p.
134, obs. Constantin A., JCP E 2011, 1893, note Couret A. et Dondero Br., Dr. sociétés 2012, comm. 24, obs.
Roussille M. ; addeCass. com., 3 mars 2015, no 13-25.237, Dr. sociétés 2015, comm. 103, obs. Mortier R.,
D. 2015, p. 2526, obs. Gomy M., Contrats, conc., consom. 2015, comm. 143, obs. Malaurie-Vignal M.). La
Cour a cependant précisé, comme en guise d'invitation, que la solution pouvait être renversée grâce à une
« "stipulation contraire" », qui peut être statutaire ou extrastatutaire ;
​ 2nd exemple : le bail d'immeuble. La Cour de cassation considère que les textes du Code civil imposent
au bailleur « "l'obligation de garantir au preneur la jouissance paisible des lieux loués, mais non celle de lui
assurer en outre pour l'exercice de son commerce, dans le silence du bail et à défaut de circonstances
particulières, le bénéfice d'une exclusivité dans l'immeuble" » et en déduit que le bailleur dispose « "du
droit de se livrer dans l'immeuble au même commerce que le preneur" » (Cass. 3e civ., 25 févr. 1975, no 73-
14.181, Bull. civ. III, no 74) comme de celui de « "louer à d'autres, pour un commerce similaire" » (Cass. 3e
civ., 16 mars 1976, no 74-10.593, Bull. civ. III, no 114). Il est, certes, quelques arrêts qui estiment de façon
accueillante que la croyance erronée du locataire en une situation de non-concurrence peut justifier une
annulation du bail pour erreur (Cass, 3e civ., 2 oct. 2013, no 12-13.302, D. 2013, p. 2812, obs. Gomy M.).
Mais l'existence d'une clause de non-concurrence constitue encore la meilleure des protections. La pratique
y recourt du reste assez massivement, notamment au sein des ensembles commerciaux : la stipulation
généralisée de clauses de non-concurrence au bénéfice (et à la charge) des locataires permet d'assurer, à la
fois, une tranquillité d'exploitation et une diversité commerciale au sein de la zone (voir notamment Cass.
3e civ., 3 mai 2007, no 06-11.591, Bull. civ. III, no 67, Contrats, conc., consom. 2007, comm. 181, obs.
Malaurie-Vignal M., JCP G 2007, II, no 10179, note Roussille M., D. 2007, p. 2068, note Rochfeld J., RDC
2007, p. 1210, obs. Seube J.-B., qui invite le bailleur à reproduire la clause dans tous les contrats passés
avec ses nouveaux locataires ; cependant, sur les limites liées au droit à déspécialisation, voir no2867).

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concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 1. Utilité de la clause de non-concurrence

2859 - Utilité de la clause de non-concurrence en complément d’une obligation de plein droit

Les cas sont nombreux où la loi (ou la jurisprudence) consacre, indépendamment de toute clause, une obligation de non-concurrence
de plein droit (sur ces différentes hypothèses, voir notamment Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép. com. Dalloz, Concurrence
(obligation de non-concurrence), no s 27 et s.). La stipulation d'une clause de non-concurrence n'en est pas moins utile. Elle peut, en
premier lieu, permettre de préciser ou densifier l'obligation légale :

​ 1er exemple : la cession de droits sociaux. Comme dans toute vente, le cédant de droits sociaux doit au
cessionnaire une garantie d'éviction (C. civ., art. 1626). La Chambre commerciale de la Cour de cassation
juge cependant que « "la garantie légale d'éviction du fait personnel du vendeur n'entraîne pour celui-ci,
s'agissant de la cession des actions d'une société, l'interdiction de se rétablir, que si ce rétablissement est
de nature à empêcher les acquéreurs de ces actions de poursuivre l'activité économique de la société et de
réaliser l'objet social" » (Cass. com., 21 janv. 1997, no 94-15.207, Bull. civ. IV, no 25, D. 1998, p. 393, obs.
Hallouin J.-C.). Une clause d'interdiction de se rétablir permettra ainsi de couper court à tout débat relatif à

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l'effet concret du rétablissement ;
​ 2nd exemple : la cession de fonds de commerce. De même que dans l'exemple précédent, l'obligation de
garantie qui pèse sur le vendeur de fonds de commerce n'emporte qu'une « "obligation de s'abstenir de tout
acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé" » (Cass. com., 14 avr. 1992, no 89-21.182, Bull. civ.
IV, no 160, RTD civ. 1993, p. 150, obs. Gautier P.-Y., RTD com. 1992, p. 786, obs. Derruppé J.), laquelle n'est
pas forcément violée par le seul fait de réinstallation (Cass. com., 16 juin 1969, Bull. civ. IV, no 224). Si l'on
souhaite que les solutions soient prévisibles, il convient donc d'interdire expressément toute réinstallation
(et bien sûr, le cas échéant, tous les types d'actes que l'on souhaite également interdire).

Remarque Parce qu'elle n'intervient qu'à titre de complément de l'obligation légale (qui est au reste souvent d'ordre public),
l'obligation conventionnelle n'a pas pour effet de dévitaliser cette dernière. Partant, si la clause atteint ses propres limites, l'obligation
légale peut, à son tour, en prendre le relais. Tel est le cas lorsque la clause a expiré (Cass. com., 14 avr. 1992, no 89-21.182, précité
: « "dans le cas où les parties ont stipulé que le vendeur ne pourrait se rétablir dans une activité déterminée pendant un certain délai,
l'expiration de ce délai n'a pas pour effet de le libérer de l'obligation légale de garantie de son fait personnel, qui est d'ordre public" » ;
addeCass. com., 16 janv. 2001, no 98-21.145, Bull. civ. IV, no 16, CCC 2001, comm. 42, obs. Malaurie-Vignal M., CCC 2001, comm.
71, obs. Leveneur L., RTD civ. 2001, p. 611, obs. Gautier P.-Y. ; Cass. com., 15 déc. 2009, no 08-20.522, Bull. civ. IV, no 172, RLDA
2010/46, no 2718, obs. Anadon C., RTD com. 2010, p. 155, obs. Dondero Br. et Le Cannu P.) ou lorsqu'elle atteint sa limite
géographique (Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, no 13-24.948, D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M.). On notera toutefois que la garantie
d'éviction fait désormais l'objet, comme la clause de non-concurrence, d'un contrôle de proportionnalité (Cass. com., 10 nov. 2021,
no 21-11975 B, CCC 2022, comm. 26, obs. Malaurie-Vignal M., Dr. sociétés 2022, comm. 14, obs. Mortier R., JCP E 2022, 1019,
note Couret A., RDC 2022, no 1, p. 53, obs. Hamelin J.-F., et p. 58, obs. Sautonie-Laguionie L. : « "si la liberté du commerce et la
liberté d'entreprendre peuvent être restreintes par l'effet de la garantie d'éviction à laquelle le vendeur de droits sociaux est tenu
envers l'acquéreur, c'est à la condition que l'interdiction pour le vendeur de se rétablir soit proportionnée aux intérêts légitimes à
protéger" »). Mais, à notre avis, cette solution ne devrait pas avoir pour effet systématique d'empêcher que la garantie prenne le
relais de la clause.

La garantie légale s'applique aussi lorsque la clause est illicite (Cass. com., 18 oct. 2011, no 10-24.808, CCC 2012, comm. 3, obs.
Leveneur L. ; Cass. com., 22 nov. 2016, no 15-18.664, JCP E 2017, 1214, note Caffin-Moi M.).
La stipulation d'une clause de non-concurrence peut, en second lieu, permettre de relayer l'obligation légale, quand celle-ci s'est
épuisée :

​ 1er exemple : l'obligation du dirigeant social. Il est aujourd'hui acquis qu'un gérant de société ne peut,
en raison de son obligation de loyauté et de fidélité, « "négocier, en qualité de gérant d'une autre société,
un marché dans le même domaine d'activité" » (Cass. com., 15 nov. 2011, no 10-15.049, Bull. civ. IV, no 188
; le gérant peut néanmoins accepter un emploi au sein d'une société concurrente : Cass. com., 8 févr. 2017,
no 15-17.904, Contrats, conc., consom. 2017, comm. 75, obs. Malaurie-Vignal M., Gaz. Pal. 21 mars 2017, p.
76, obs. Dondero Br., Gaz. Pal. 20 juin 2017, p. 60, note Moulin J.-M.). Mais, une fois que ses fonctions ont
cessé, le dirigeant ne peut plus se voir interdire une activité concurrente (Cass. com., 17 mars 2015, no 14-
11.463, JCP E 2016, 1347, no 30, obs. Ballot-Léna A.) ; il n'en ira autrement qu'à condition d'avoir accepté
une clause de non-concurrence post-contractuelle (Cass. com., 10 juill. 2012, no 11-20.268, Rev. sociétés
2013, p. 219, note Roussille M.) ;
​ 2nd exemple : l'obligation du locataire-gérant de fonds de commerce. La jurisprudence décide, dans le
même esprit, « "qu'à défaut de clause de non-concurrence dans la convention, le gérant de fonds de
commerce, à l'expiration de son contrat, conserve la liberté de s'installer en tous lieux pour exercer
éventuellement une activité concurrente sauf pour lui de ne pas se rendre coupable de manœuvres
déloyales" » (Cass. com., 22 oct. 1991, no 89-16.705). On mesure à nouveau toute l'utilité d'une clause.

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concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 1. Utilité de la clause de non-concurrence

2860 - Utilité de la clause de non-concurrence en complément de l’action en concurrence déloyale

Si l'action fondée sur la concurrence déloyale et celle fondée sur la violation d'une clause de non-concurrence ont ceci en commun
que d'avoir pour objet de dénoncer un acte de concurrence, l'une et l'autre ne se confondent pas : tandis que la concurrence
déloyale ne permet que de sanctionner une faute dans la concurrence au sens de l'article 1240 du Code civil (C. civ., anc. art. 1382),
la concurrence anticontractuelle est, elle, plus largement consommée dès l'instant où est accompli un acte que le contrat interdit

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(voir notamment Picod Y., Concurrence déloyale et concurrence anticontractuelle, in La concurrence déloyale. Permanence et devenir,
Serra Y. (sous la dir.), Dalloz, 2001, p. 11). On comprend ainsi que la protection d'un opérateur économique peut être renforcée par
le biais d'une clause.
Encore faut-il correctement articuler les deux actions, ce qui ne peut être fait qu'à la lumière du principe de non-cumul des
responsabilités. On sait qu'à ce titre, « "le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette
obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle" » (Cass. com., 10 mars 2015, no 13-
10.003, D. 2015, p. 2526, obs. Picod Y.). La combinaison n'est cependant pas impossible ; simplement, la concurrence déloyale ne
pourra être invoquée qu'en présence d'une « "faute caractérisée par des agissements distincts de la seule violation d'une éventuelle
obligation de non-concurrence" » (Cass. 1re civ., 18 janv. 2005, no 03-15.911, CCC 2005, comm 88, obs. Malaurie-Vignal M., D
2005, p. 2454, obs. Auguet Y. ; addeCass. com., 8 juill. 2014, no 13-11.208, Concurrences, 4-2014, p. 161, obs. Durand V., AJ
Contrats d'affaires 2014, p. 335, obs. Le Tourneau Ph. ; Cass. com., 1er déc. 2021, no 19-26181, BJS 2022, no 3, p. 7, note
Dondero B.).
Il convient d'ajouter que l'interdiction conventionnelle ne peut intervenir qu'à titre de complément. Elle ne saurait donc modifier la
portée de l'interdiction légale, qui ne peut être en particulier considérée comme densifiée : le débiteur contractuel est toujours libre de
se réinstaller hors du périmètre stipulé, sans que puisse lui être reproché une déloyauté à raison de ce seul fait. Le principe de la
liberté du commerce et de l'industrie l'impose (Cass. com., 8 avr. 2014, no 13-11.377, Concurrences, 3-2014, p. 122, obs. Durand
V., CCC 2014, comm. 154, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M., RTD civ. 2014, p. 647, obs. Barbier H.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 2. Distinction des clauses voisines

2861 - Clause de non-concurrence et clause de non-réaffiliation

Très répandue dans le cadre d'activités déployées en réseaux (réseaux de distribution commerciale, réseaux d'agences, etc.), la
clause de non-réaffiliation est la clause par laquelle un affilié s'oblige, envers son affiliant (le maître de réseau), à ne pas exercer, une
fois le réseau quitté, une activité concurrente au sein d'un autre réseau (voir notamment Baugard D., Unité et diversité des clauses
de non-concurrence et de non-réaffiliation, RLDC 2012/97, no 4798 ; Buy Fr., Clause de non-réaffiliation, in Les principales clauses
des contrats d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019 ; Buy Fr., La Clause de non-
réaffiliation, RLDC 2021/189, no 6889 ; Depincé M., La clause de non-concurrence post-contractuelle et ses alternatives, RTD com.
2009, p. 259 ; Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne,
LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Non-réaffiliation).
La Cour de cassation considère que cette clause se démarque de la clause de non-concurrence par son objet, a priori moins restrictif
: « "la clause de non-concurrence a pour objet de limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du
réseau qu'il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté d'affiliation à un autre réseau" » (Cass.
com., 28 sept. 2010, no 09-13.888, Bull. civ. IV, no 145, Concurrences, 1-2011, p. 121, obs. Eréséo N., Contrats, conc., consom.
2010, comm. 271, obs. Malaurie-Vignal M., JCP E 2010, 1943, note Dissaux N, RDC 2011, p. 187, obs. Behar-Touchais M. ; Cass.
com., 31 janv. 2012, no 11-11.071, Bull. civ. IV, no 17, JCP E 2012, 1143, note Dissaux N., JCP E 2012, 1205, note Malaurie-Vignal
M, D. 2012, p. 2760, obs. Gomy M, RDC 2012, p. 878, obs. Grimaldi C. ; voir cependant, Cass. 2e civ., 10 janv. 2008, no 07-
13.558, Contrats, conc., consom. 2008, comm 71, obs. Malaurie-Vignal M.). L'Autorité de la concurrence privilégie en revanche une
approche plus concrète. Ainsi, « "dès lors que l'interdiction de réaffiliation rend, non pas impossible, mais très difficile la poursuite de
l'exploitation du fonds de commerce en compromettant sa rentabilité, la clause de non-réaffiliation peut valablement être assimilée à
une clause de non-concurrence" » (Aut. conc., déc. no 11-D-03, 15 févr. 2011, relative à des pratiques mises en œuvre dans le
secteur du commerce de gros des fruits et légumes et produits de la mer frais, RLDA 2011/59, no 3393, obs. Lecourt A., Contrats,
conc., consom. 2011, comm. 92, obs. Malaurie-Vignal M. ; voir déjà, Aut. conc., avis no 10-A-26, 7 déc. 2010, relatif aux contrats
d'affiliation de magasins indépendants et les modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution
alimentaire, Contrats, conc., consom. 2011, étude 3, note Malaurie-Vignal M., JCP G 2011, no 7, 177, note Dissaux N., RDC 2011, p.
1267, obs. Behar-Touchais M.).
L'opposition entre le juge judiciaire et l'Autorité de la concurrence ne doit toutefois pas être exagérée. D'une part, la Cour de
cassation semble soumettre les clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation à un régime unique (Cass. com., 3 avr. 2012, no
11-16.301, Bull. civ. IV, no 72, Contrats, conc., consom. 2012, comm. 169, obs. Leveneur L, D. 2012, p. 2760, obs. Gomy M, JCP
G 2012, no 43, 1151, no 3, obs. Mekki M., JCP E 2012, 1264, note Dissaux N.). D'autre part, le législateur a récemment réuni les
deux clauses, dans les réseaux de distribution commerciale, sous la bannière des clauses « "ayant pour effet (…) de restreindre la
liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant" » (C. com., art. L. 341-2), si bien que l'une et l'autre sont encore soumises
à un même régime (Buy Fr., Loi "Macron" : focus sur les clauses restrictives d'après-contrat, D. 2015, p. 1902 ; voir no 2882).

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 2. Distinction des clauses voisines

2862 - Clause de non-concurrence et clause de non-sollicitation

La clause de non-concurrence entretient également une certaine proximité avec la clause de non-sollicitation. La pratique
contractuelle désigne ainsi la clause par laquelle un client s'engage, vis-à-vis de son cocontractant, à ne pas solliciter et/ou
embaucher certains de ses salariés et/ou collaborateurs (voir notamment Benilsi St., La clause de non-sollicitation, JCP S 2007, 1976
; Mouly J., Clause de non-sollicitation, in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-
Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019 ; Caseau-Roche C., La clause de non-sollicitation, AJ Contrats d'affaires 2015, p. 64 ; Depincé
M., La clause de non-concurrence post-contractuelle et ses alternatives, RTD com. 2009, p. 259 ; Dross W., Clausier. Dictionnaire des
clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Non-sollicitation).
Par certains points, la clause de non-sollicitation affirme sa singularité :

​ elle parvient à faire peser une restriction de liberté sur la tête de personnes qui ne l'ont pas souscrite (par
exemple, les salariés de l'entreprise créancière) ;
​ elle ne crée qu'une restriction de liberté ciblée, sans interdire toute concurrence de façon générale.

Certains arrêts en tirent toutes les conséquences, en affirmant que « "la clause de non-sollicitation (…) ne constitue pas une clause
de non-concurrence dont elle n'est ni une variante, ni une précision de celle-ci" » (Cass. com., 11 juill. 2006, no 04-20.438,
Concurrences, 4-2006, p. 86, obs. de La Laurencie J.-P., Contrats, conc., consom. 2006, comm. 232, obs. Malaurie-Vignal M., RTD
civ. 2007, p. 111, obs. Mestre J. et Fages B. ; addeCA Toulouse, 2e ch., 28 juill. 2017, no 15/03759, Cah. soc. 2017, no 302, p.
565, obs. Caron M.). D'autres insistent, en revanche, sur les points de ressemblance, et en particulier sur le fait que la clause entame
de facto la liberté de la personne qui ne peut être sollicitée. D'où un certain alignement des régimes (Cass. com., 27 mai 2021, no
18-23.261, publié au Bulletin ; JCP E 2021, 1434, note Malaurie-Vignal M., Dr. Sociétés 2021, comm. 118, obs. Mortier R., BJS
2021, no 10, p. 18, note Auzero G., JCP S 2021, 1182, note Loiseau G., Concurrences 4-2021, p. 92, obs. Buy F. : « une stipulation
contractuelle qui porte atteinte aux (principes de liberté du travail et de liberté d'entreprendre) n'est licite que si elle est
proportionnée aux intérêts légitimes à protéger compte tenu de l'objet du contrat » ; et pour un exemple de clause excessive, Cass.
com., 20 oct. 2021, no 19-22.546). Quoi qu'il en soit, l'assimilation n'est pas (encore ?) complète et il n'a jamais été expressément
jugé que le salarié avait droit à une contrepartie financière (comp., ambigu, Cass. com., 10 mai 2006, no 04-10.149, Bull. civ. IV, no
116, Concurrences 3-2006, p. 111, obs. Fasquelle D. et Charrière S., CCC 2006, comm. 164, obs. Malaurie-Vignal M., RTD civ.
2007, p. 111, obs. Mestre J. et Fages B., JCP E 2006, 2298, note Vatinet R., jugeant que « "seul le salarié peut se prévaloir du
trouble qu'est susceptible de lui causer une clause de non-sollicitation ne comportant pas de contrepartie financière" »). La Cour de
cassation reconnaît en revanche que le salarié, empêché d'être engagé pendant un temps, puisse souffrir d'une « "atteinte à sa
liberté de travailler" », de sorte que « "son employeur devait l'indemniser du préjudice qu'il lui avait ainsi causé" » (Cass. soc., 2 mars
2011, no 09-40.547, CCC 2011, comm. 139, obs. Malaurie-Vignal M., Dr. soc. 2011, p. 860, obs. Mouly J.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 2. Distinction des clauses voisines

2863 - Clause de non-concurrence et clause de clientèle

La clause de non-concurrence entretient encore des liens étroits avec une autre clause : la clause de clientèle (parfois également
appelée clause de respect de clientèle ou, de façon plus ambiguë, clause de non-sollicitation de clientèle). Celle-ci formalise en
général l'engagement, pris par un salarié envers son employeur, de ne pas démarcher la clientèle de l'entreprise une fois son contrat
rompu (voir notamment Depincé M., La clause de non-concurrence post-contractuelle et ses alternatives, RTD com. 2009, p. 259 ;
Castronovo M., Clause de clientèle et clause de non-concurrence, RDT 2010, p. 507).
Au-delà du fait qu'il peut arriver qu'elle soit incluse dans une clause de non-concurrence (par exemple, Cass. com., 11 mars 2008,
no s 06-18.329 et 06-18.359), la clause de clientèle peine à acquérir sa complète autonomie. Son objet est a priori plus étroit : une
interdiction de démarcher activement une clientèle donnée, « "attachée" », et non une interdiction de capter toute la clientèle
potentielle de l'ex-employeur. Mais la jurisprudence la requalifie facilement en clause de non-concurrence, dès lors par exemple :

​ qu'« "il est fait interdiction à un salarié, durant une période déterminée, d'entrer en relation, directement
ou indirectement, selon quelque procédé que ce soit, avec la clientèle qu'il avait démarchée lorsqu'il était

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au service de son ancien employeur" » (Cass. soc., 19 mai 2009, no 07-40.222 ; addeCass. soc., 20 nov.
2014, no 13-20.387, LPA 2015, no 72, p. 9, note Falxa J.) ;
​ que la clause « "contenait une interdiction, y compris dans le cas où des clients de l'employeur
envisageraient spontanément, en dehors de toute sollicitation ou démarchage, de contracter directement
ou indirectement avec l'ancienne salariée" » (Cass. soc., 27 oct. 2009, no 08-41.501, Bull. civ. V, no 232, JCP
S 2010, 1055, note Bossu B., JCP G 2010, nos 1-2, 24, note Corrignan-Carsin D., Dr. soc. 2010, p. 120, obs.
Mouly J.) ;
​ que la clause « "ne permettait pas au salarié de se mettre au service des agences concurrentes de la place
sans être inévitablement conduit à entrer en contact avec le type le plus courant de clientèle, laquelle ne
s'adresse pas exclusivement aux agences F pour placer ou pour trouver un bien en location mais à toutes
les agences de la place pour accroître ses chances" » (Cass. soc., 9 mars 2011, no 09-66.535, CCC 2011,
comm. 163, obs. Malaurie-Vignal M.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 2. Distinction des clauses voisines

2864 - Clause de non-concurrence et clause de garantie de clientèle

Les cessions ou présentations de clientèles civiles sont parfois accompagnées de clauses prévoyant le reversement des sommes
perçues par le cédant au titre d'actes établis pour le compte de clients qui, n'ayant pas accordé leur confiance au cessionnaire,
l'auraient malgré tout suivi. Ces clauses de reversement d'honoraires ne sont pas assimilables techniquement à des clauses de non-
concurrence mais elles peuvent renforcer, par leur effet, la portée des clauses de non-réinstallation éventuellement stipulées, quand
elles ne leur servent pas tout simplement de substitut, puisqu'elles produisent par ailleurs le même effet que les clauses de clientèle
que l'on connaît par exemple en droit du travail (Barbier H., La clause de garantie de clientèle civile est valable si elle ne remet pas en
cause la liberté de choix des clients, RTD civ. 2013, p. 369 ; voir no 2863).
La jurisprudence exprime une réelle méfiance à leur égard. Il a ainsi été jugé, dans le cadre d'une convention emportant cession d'une
clientèle notariale, que la clause de garantie de clientèle devait être frappée de nullité : celle-ci en effet, « "par la sanction de la
privation de toute rémunération du travail accompli, soumettait le cédant à une pression sévère de nature, sinon à refuser de prêter
son ministère, du moins à tenter de convaincre le client de choisir un autre notaire" », de sorte que « "la liberté de choix de cette
clientèle n'était pas respectée" » (Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, no 11-16.439, Bull. civ. I, no 240, JCP G 2013, no 5, 124, no 1, obs.
Mekki M., RTD civ. 2013, p. 113, obs. Fages B.). Il appartient toutefois aux juges du fond de constater que la clause porte
effectivement atteinte à la liberté de choix des clients (Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, no 12-15.168, Contrats, conc., consom. 2013,
comm. 153, obs. Leveneur L., D. 2014, p. 630, obs. Amrani-Mekki S. et Mekki M., RTD civ. 2013, p. 369, obs. Barbier H.).

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concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 2. Distinction des clauses voisines

2865 - Clause de non-concurrence et clause de non-exploitation

Les contrats de recherche ou de transfert de savoir-faire contiennent fréquemment des clauses dites de non-exploitation ou de non-
usage des informations transmises. Celles-ci sont généralement stipulées dans le but de renforcer l'obligation de confidentialité
pesant sur le débiteur (sur la clause de confidentialité, voir no 2794 et s.). S'il n'est pas exclu qu'une exploitation constitue un acte de
concurrence, une distinction de principe doit être néanmoins opérée : l'obligation de non-exploitation ne limite pas, par elle-même, la
liberté de concurrence (voir Vergès E. (sous la dir.), Contrats sur la recherche et l'innovation, Dalloz Action, 2018, no s 112.281 et s.).
On en déduit logiquement que l'engagement d'un salarié, après la rupture du contrat de travail, « "à ne déposer aucun brevet pour
des créations inventées pendant l'exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne
diffuser aucune information commerciale ni aucun enregistrement technique" », n'est pas assimilable à une clause de non-
concurrence (Cass. soc., 3 mai 2018, no 16-25.067, publié au Bulletin, JCP E 2018, 1418, no 11, obs. Grignon Ph.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 1 La notion de clause de non-concurrence§ 2. Distinction des clauses voisines

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2866 - Clause de non-concurrence et clause de confidentialité

Il n'est pas exclu qu'une clause de discrétion puisse, à l'instar d'une clause de non-concurrence, empêcher son débiteur de retrouver
un emploi. Sur la question de l'éventuelle application du régime des clauses de non-concurrence aux clauses de confidentialité, voir no
2803.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrence

2867 - Clauses de non-concurrence interdites

Les clauses de non-concurrence sont parfois purement et simplement interdites par la loi ou le règlement. C'est ce que prévoient,
notamment :

​ l'article 1er ter de l'ordonnance no 45-2590 du 2 novembre 1945 (JO 3 nov.) relative au statut du notariat,
qui énonce, depuis la loi no 2015-990 du 6 août 2015 (JO 7 août), dite loi Macron, que « "toute clause de
non-concurrence est réputée non écrite" » dans le contrat de travail du notaire salarié. L'article 7 du décret
no 93-82 du 15 janvier 1993 (JO 22 janv.) portant application de l'article 1er ter de l'ordonnance précitée
interdit, en outre, de stipuler toute « "clause susceptible de limiter la liberté d'établissement ultérieur du
salarié ou de porter atteinte à son indépendance" » ;
​ dans les mêmes termes, les articles 3 ter de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au
statut des huissiers et 7 du décret no 2011-875 du 25 juillet 2011 (JO 27 juill.) relatif aux huissiers de
justice salariés ;
​ dans des termes très voisins, l'article 7 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 (JO 5 janv. 1972)
portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui dispose que le contrat de
collaboration ou de travail de l'avocat « "ne doit pas comporter de stipulation limitant la liberté
d'établissement ultérieure du collaborateur ou du salarié" ». Le règlement intérieur adopté par le conseil de
l'ordre est également concerné (Cass. 1re civ., 14 oct. 1997, no 95-13.532, Bull. civ. I, no 274, JCP G 1998,
II, no 10011, note Martin R.). Cette interdiction n'est pas reprise, toutefois, par le statut général du
collaborateur libéral régi par l'article 18 de la loi no 2005-882 du 2 août 2005 (JO 3 août) (d'où la
soumission de la clause incluse dans un contrat de collaborateur orthophoniste au régime de droit commun
: Cass. com., 11 mars 2014, no 13-12.503, D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M.).

Jusqu'à sa suppression par l'ordonnance no 2019-359 du 24 avril 2019 (JO 25 avr.), l'article L. 442-6, II, e), du Code de commerce,
frappait également de nullité la clause prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au
répertoire des métiers, la possibilité « "d'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres
carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-
faire, "(…)" une obligation de non-concurrence postcontractuelle" ».
Il arrive, par ailleurs, que le législateur assure l'effectivité de l'interdiction au moyen d'une clause légale. C'est ainsi que pour conforter
le jeu de l'article L. 1251-44 du Code du travail qui répute non écrite « "toute clause tendant à interdire l'embauche par l'entreprise
utilisatrice du salarié temporaire à l'issue de sa mission" », l'article L. 1251-16 du même code exige que le contrat de mission
comporte « "la mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite" ».
L'interdiction peut être aussi parfois déduite d'un texte qui ne la prévoit pas expressément mais dont les termes sont suffisamment
accueillants. Tel est le cas de l'article 8 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 (JO 11 juill.) fixant le statut de la copropriété des
immeubles bâtis, qui prévoit que « "le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en
dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa
situation" », et dont la jurisprudence déduit l'impossibilité d'imposer une clause de non-concurrence à un copropriétaire (Cass. 3e civ.,
11 mars 1971, no 69-12.123, Bull. civ. III, no 178 ; Cass. 3e civ., 11 mars 1971, no 69-13.401). La solution contraire n'est admise
que si la clause est justifiée par la destination de l'immeuble constituant un centre commercial, par ses caractères qui consistent à
assurer les besoins essentiels des habitants et par sa situation dans un quartier excentré (Cass. 3e civ., 14 déc. 1976, no 75-11.954,
Bull. civ. III, no 460). Les clauses figurant dans les actes de vente de lots commerciaux ne sont pas affectées, en revanche, par cette
jurisprudence restrictive, sauf à ce que l'opération en cause trahisse une volonté de contourner l'interdiction légale d'insérer une
clause de non-concurrence dans le règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 22 janv. 1975, no 73-14.002, Bull. civ. III, no 26).
Dans un autre registre, les juges acceptent encore parfois de donner au débiteur, au nom du respect d'un statut d'ordre public, les

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moyens de contourner la clause de non-concurrence qui s'impose normalement à lui. Tel est le cas, en matière de baux
commerciaux, quand la clause fait échec au droit à déspécialisation partielle protégé par les articles L. 145-15 et L. 145-47 du Code
de commerce (Cass. 3e civ., 15 févr. 2012, no 11-17.213, Bull. civ. III, no 29, RLDA 2012/75, no 4287, note Gomy M., Contrats,
conc., consom. 2012, comm. 91, obs. Malaurie-Vignal M., RDC 2012, p. 867, obs. Seube J.-B., RTD com. 2012, p. 507, obs.
Monéger J. ; addeCass. ass. plén., 26 janv. 1973, no 71-10.583, Bull. ass. plén. no 2, qui étend la solution aux engagements
extérieurs au bail quand l'interdiction découle « "d'une stipulation inséparable des conventions" »). Un arrêt récent affaiblit toutefois la
portée pratique de cette dérogation, en jugeant que le bailleur opposé à la déspécialisation n'est pas tenu de motiver sa contestation
(Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, no 15-28.759, Bull. civ. III, no 20, LEDC avr. 2017, no 4, p. 2, obs. Caffin-Moi M.).
D'autres cas d'intervention législative ou règlementaire sont encore à signaler mais ils ne relèvent pas à proprement parler d'un
régime de pure interdiction. Certains se contentent d'encadrer la validité des clauses (voir no 2877) ; d'autres, comme en matière de
distribution, instaurent une interdiction mais assortie d'exceptions (voir no s 2882 et s.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsA. ​ Les conditions communes à tous les contrats

2868 - Observation préalable : exigences de fond et exigences rédactionnelles

La jurisprudence impose trois conditions générales de validité, pour toutes les clauses post-contractuelles et qui concernent
probablement aussi, quoique le contentieux soit moins nourri, les clauses stipulées pour la seule durée du contrat (en ce sens, Cass.
com., 20 sept. 2016, no 15-13.263) :

​ une limitation de l'obligation dans le temps et dans l'espace ;


​ une justification par la nécessaire protection de l'intérêt légitime du créancier ;
​ une exigence de proportionnalité.

Certaines décisions ajoutent une quatrième condition : la nécessaire sauvegarde de l'activité professionnelle du débiteur.
Ces exigences de fond rejaillissent sur la pratique rédactionnelle : la clause de non-concurrence doit-elle être nécessairement écrite ?
En théorie, non : la jurisprudence a déjà reconnu l'existence d'une clause à partir du seul devoir de loyauté (Cass. com., 14 nov.
2018, no 17-19.851, RTD civ. 2019, p. 100, obs. Barbier H.). Mais la rédaction d'un écrit constitue, bien sûr, une précaution
élémentaire pour le créancier qui souhaitera, le cas échéant, prouver que la clause répond aux conditions de validité prétoriennes.
Pour des exemples de rédaction, voir Clause de non-concurrence (contrats commerciaux), in Les principales clauses des contrats
d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019 ; Mouly J., Clause de non-concurrence
(contrat de travail), in Les principales clauses des contrats d'affaires, précité.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsA. ​ Les conditions communes à tous les contrats

2869 - Limitation dans le temps et dans l’espace

La condition de limitation de la clause fut la première condition de validité posée par la jurisprudence, qui entendit assez naturellement
borner les excès de la liberté contractuelle. En matière sociale, les juges ont accepté pendant longtemps que la limitation puisse être
seulement alternative (temps ou espace). Il est néanmoins acquis, depuis les importants arrêts rendus par la Chambre sociale de la
Cour de cassation le 10 juillet 2002 (Cass. soc., 10 juill. 2002, no s 99-43.334 et 99-43.336, Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-
45.387 et Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135, Bull. civ. V, no 239, D. 2002, p. 2491, note Serra Y., Defrénois 2002, art. 37644-
94, obs. Libchaber R., RDC 2003, p. 17, obs. Rochfeld J., RDC 2003, p. 142, obs. Radé Chr.), que les limitations spatiale et
temporelle sont cumulatives. La jurisprudence commerciale, qui s'était, elle aussi, originellement contentée d'une limitation alternative
(Cass. com., 27 oct. 1981, no 79-15.261, Bull. civ. IV, no 371), parut un temps persévérer dans cette pente libérale (CA Paris, ch. 5,
sect. B, 18 sept. 2008, no 05/17349, CCC. 2009, comm. 106, obs. Malaurie-Vignal M.). Tel n'est plus le cas aujourd'hui. L'exigence
d'une double limitation, spatiale et temporelle, résulte clairement d'un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du
12 février 2013 rendu au sujet d'une clause incluse dans une cession d'actions (Cass. com., 12 févr. 2013, no 12-13.726, D. 2013,
p. 2812, obs. Gomy M. ; et au sujet d'une clause de non-réaffiliation incluse dans un contrat de franchise, voir Cass. com., 8 juin

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2017, no 15-27.146, LEDICO 2017, no 8, p. 5, obs. Bucher Ch.-É., Contrats, conc., consom. 2017, comm. 171, obs. Malaurie-
Vignal M. ; adde les observations du conseiller doyen à la Chambre commerciale Gérard Y., in Table ronde sur les clauses de non-
concurrence (avec Sautonie-Laguionie L. et a.), JCP S 2013, 1445). Il n'y a guère que la première chambre civile de la Cour de
cassation qui semble, aujourd'hui, retenir une position plus souple au sujet des clauses souscrites par les avocats (Cass. 1re civ., 10
sept. 2015, no 14-24.541, Gaz. Pal. 5 janv. 2016, p. 27, note Piau D. : cassation de l'arrêt qui annule une clause non
géographiquement limitée sans rechercher si l'obligation était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ; adde l'arrêt de renvoi
: CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 23 févr. 2017, no 15/08001, Dalloz Actualité, 16 mars 2017, obs. Portmann A. ; mais contraCass.
1 re civ., 6 oct. 2011, no 10-24.158). Certains estiment que le critère géographique « "apparaît quelque peu désuet s'agissant de
prestations de service intellectuelles qui peuvent, en grande partie, pour un client donné, être exercées en tout point du territoire" »
(Piau D., note sous Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, no 14-245.41, précitée).
L'essentiel du contentieux tourne aujourd'hui autour de l'insuffisance des limitations stipulées, qui joue un rôle décisif dans
l'appréciation du caractère proportionné de la clause (voir no 2872). Mais la question de l'existence même des limitations soulève,
également, certaines difficultés. Il faut dire que la Chambre commerciale de la Cour de cassation est exigeante : celle-ci impose en
effet, au nom du principe de la liberté d'entreprendre, la stipulation d'une « "limite expresse dans l'espace », "limite qui est inexistante
lorsque la zone de commercialisation n'est « "ni déterminée par le contrat, ni déterminable" » (Cass. com., 4 mars 2020, no s 17-
21.764 et 18-26.676, Dr. sociétés 2020, comm. 140, obs. Mortier R., RTD civ. 2020, p. 630, obs. Barbier H.). Cette exigence de
délimitation vaut quel que soit le type de clause, que les obligations soient post-contractuelles ou contractuelles (Cass. com., 20
sept. 2016, no 15-13.263).
Remarque Une clause de non-concurrence étendue à plusieurs continents est-elle réellement limitée ? La question a été posée au
sujet d'une salariée, engagée comme « "trainee manager" » par la société Christian Dior couture. La clause couvrait initialement
l'Europe, puis avait été étendue à la zone Asie-Pacifique. Les juges du fond avaient déclaré cette clause nulle en tant qu'elle
constituait une limitation excessive à la liberté du travail. Cassation : « "en se déterminant ainsi, au regard de la seule étendue
géographique de la clause, sans rechercher si la salariée se trouvait dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa
formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" »
(Cass. soc., 3 juill. 2019, no 18-16.134, Dr. soc. 2019, p. 885, obs. Mouly J.). On en déduit qu'une clause extrêmement étendue au
plan géographique n'est pas illicite en tant que telle ; il faut encore se demander si l'intéressé a toujours la possibilité d'exercer sa
profession. De fait, et au moins en ce qui concerne le contentieux social, la condition de limitation de la clause apparaît très formelle
(voir Mouly J., obs. précitées).
À titre illustratif, les clauses suivantes satisfont aux exigences de la jurisprudence :

​ la clause limitée aux pays susceptibles de constituer le marché des produits développés par une société,
limitativement et précisément énumérés, est bien limitée dans l'espace (Cass. com., 11 mars 2014, no 12-
12.074, D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M.) ;
​ la clause qui a pour terme la date d'expiration du contrat est également limitée dans le temps (CA Nancy,
5e ch. com., 6 mai 2015, no 14/00190, précité) ;
​ la clause qui est insérée dans un contrat à durée indéterminée n'est pas perpétuelle puisque chaque partie
a alors le droit de résilier unilatéralement le contrat (Cass. com., 4 mai 1993, no 91-17.937, Bull. civ. IV, no
172, JCP G 1993, II, no 22111, note Boutard-Labarde M.-C.).

Certaines stipulations sont en revanche fragiles. Ainsi :

​ lorsqu'une une clause contient la double interdiction de prendre une participation au capital d'une société
concurrente et d'exercer des fonctions dans l'entreprise concurrente, la première interdiction peut être
annulée si elle n'est limitée ni dans le temps ni dans l'espace (Cass. com., 20 sept. 2016, no 15-13.263) ;
​ la clause qui permet au créancier de modifier à son gré son étendue est géographiquement indéterminée
(Cass. com., 9 juin 2015, no 13-27.514, AJ Contrats d'affaires 2015, p. 294, obs. Delpech X.) ;
​ la clause dont le périmètre est « "appelé (...) à s'étendre sans aucune limite à tout le territoire français au
fur et à mesure de l'exécution" » est également illicite (Cass. com., 11 mai 2017, no 15-12.872, Contrats,
conc., consom. 2017, comm. 180, obs. Malaurie-Vignal M. ; comp. CA Versailles, 7 mai 2020, no 18/07576,
validant la clause applicable à l'ensemble des États sur le territoire desquels un agent commercial aura
entretenu des relations avec la clientèle) ;
​ de même, la clause, dont le secteur géographique a été modifié à plusieurs reprises mais sans qu'aucun
avenant n'ait pris en considération ces changements, « "ne peut recevoir application faute de délimiter le
secteur géographique actualisé" » (Cass. com., 1er mars 2017, nos 15-12.482 et 15-13.061, LEDICO mai
2017, no 5, p. 3, obs. Bucher Ch.-É.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-

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concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsA. ​ Les conditions communes à tous les contrats

2870 - Intérêt légitime du créancier

Toute clause de non-concurrence doit être nécessaire à la protection des intérêts légitimes du créancier. Cette exigence de
justification, qui a le mérite de rappeler que la clause apporte toujours une restriction aux libertés du débiteur, a été posée pour la
première fois par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans la fameuse affaire du « "laveur de vitres" », concernant une clause
insérée dans un contrat de travail (Cass. soc., 14 mai 1992, no 89-45.300, Bull. civ. V, no 309, JCP G 1992, II, no 21889, note
Amiel-Donat J., D. 1992, p. 350, note Serra Y. ; addeCass. soc., 10 juill. 2002, no s 99-43.334 et 99-43.336, Cass. soc., 10 juill.
2002, no 00-45.387 et Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135, Bull. civ. V, no 239, D. 2002, p. 2491, note Serra Y., Defrénois
2002, art. 37644-94, obs. Libchaber R., RDC 2003, p. 17, obs. Rochfeld J., RDC 2003, p. 142, obs. Radé Chr. : « "une clause de
non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise" »). Elle revêt aujourd'hui
une portée quasi-générale (comp., plus hésitants : Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép. com. Dalloz, Concurrence (obligation de non-
concurrence), no s 100 et s.), valant aussi bien pour les clauses incluses dans les contrats commerciaux, tels que la franchise (Cass.
com., 14 nov. 1995, no 93-16.299, D. 1997, p. 59, obs. Ferrier D. ; Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-20.454, Concurrences, 1-
2015, p. 124, obs. Martin A.-C., Contrats, conc., consom. 2014, comm. 268, obs. Malaurie-Vignal M., RDC 2015, p. 70, obs.
Grimaldi C.), que pour celles qui accompagnent des contrats civils (Cass. 1re civ., 11 mai 1999, no 97-14.493, Bull. civ. I, no 156,
Defrénois 1999, art. 37041-71, obs. Mazeaud D., D. 2000, p. 312, obs. Serra Y. : contrat d'association entre médecins ; Cass. 1re
civ., 16 nov. 2004, no 01-17.356, Bull. civ. I, no 273, Contrats, conc., consom. 2005, comm. 41, obs. Leveneur L. : contrat
d'assistant orthophoniste ; Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, no 14-24.541 : transmission de clientèle entre avocats). Il arrive même
que la condition soit imposée en présence d'une règlementation spéciale qui n'en fait nullement état (Cass. com., 4 juin 2002, no 00-
14.688, Bull. civ. IV, no 98, CCC. 2002, comm. 153, obs. Leveneur L., D. 2002, p. 2328, obs. Chevrier E., JCP G 2003, II, no 10164,
note Licari Fr.-X. ; Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-21.285, Concurrences, 1-2015, p. 117, obs. Ferré D. et de La Mure B., D.
2014, p. 2488, obs. Gomy M. ; Cass. com., 11 mai 2017, no 15-12.872, CCC. 2017, comm. 180, obs. Malaurie-Vignal M., à
propos des clauses souscrites par les agents commerciaux). Naturellement, du fait de sa grande proximité avec la clause de non-
concurrence (voir no 2861), la clause de non-réaffiliation est, elle aussi, concernée (Cass. com., 31 janv. 2012, no 11-11.071, Bull.
civ. IV, no 17, JCP E 2012, 1143, note Dissaux N., JCP E 2012, 1205, note Malaurie-Vignal M., D. 2012, p. 2760, obs. Gomy M., RDC
2012, p. 878, obs. Grimaldi C.).
Remarque Il est important de dire les choses le plus clairement possible. Les juges peuvent, en effet, annuler la clause qui « "ne
décrit ni n'établit l'intérêt légitime" » du créancier (Cass. com., 2 oct. 2019, no 18-15.676, publié au Bulletin, Concurrences, 1-2020,
p. 107, obs. Buy Fr., AJ Contrat 2019, p. 483, obs. Dissaux N.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsA. ​ Les conditions communes à tous les contrats

2871 - Intérêt légitime du créancier – illustrations

L'intérêt protégé, susceptible de justifier la restriction, est en principe celui du créancier. Il arrive cependant que les juges, par
extension, prennent en compte l'intérêt de tiers particulièrement intéressés à l'opération et qui sont les véritables bénéficiaires de la
clause : par exemple, celui de la société dont le créancier a cédé les parts (Cass. com., 6 oct. 2015, no 13-27.419, Concurrences, 1-
2016, p. 127, obs. Durand V., Contrats, conc., consom. 2015, comm. 282, obs. Malaurie-Vignal M., relevant que la clause contenue
dans l'acte de cession des parts d'une société « "était indispensable à la protection des intérêts légitimes de cette société" » ; voir
déjà Cass. com., 15 mars 2011, no 10-13.824, Bull. civ. IV, no 39, D. 2011, p. 1261, note Picod Y., Rev. sociétés 2011, p. 620, note
Godon L., RTD com. 2011, p. 361, obs. Constantin A., RTD civ. 2011, p. 348, obs. Fages B.) ou bien encore ceux, communs, de
l'organisme gestionnaire d'un centre commercial, créancier direct de l'engagement de non-concurrence souscrit par les locataires, et
des commerçants installés (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 juill. 2013, no 11/17161, Concurrences, 4-2013, p. 98, obs. Eréséo N., JCP E
2013, 1656, note Marx V. ; adde Andjechairi-Tribillac S., La légitimité de la clause de non-concurrence dans les baux commerciaux,
Loyers et copr. 2016, étude no 15).
La jurisprudence est abondante.
a) Exemples tirés du droit de la distribution

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L'intérêt peut être jugé légitime, par exemple, lorsqu'un franchiseur souhaite protéger les « "avantages concurrentiels offerts par le
réseau" » (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 24 janv. 2017, no 15/00071, LEDICO avr. 2017, no 4, p. 7, obs. Bucher Ch.-É.), et
notamment un savoir-faire dont le franchisé a reconnu la réalité et la valeur (Cass. com., 24 nov. 2009, no 08-17.650, Contrats,
conc., consom. 2010, comm. 43, obs. Malaurie-Vignal M., JCP E 2010, 1220, note Dissaux N. ; adde CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 oct.
2018, no 16/11454, LEDICO nov. 2018, no 10, p. 2, obs. Simon F.-L., réfutant l'idée que la clause ne serait pas indispensable dès lors
que le savoir-faire est déjà protégé par une clause de confidentialité). Il en va de même lorsque les restrictions en cause visent à
préserver la commercialité d'un centre commercial au profit commun de celui-ci et des commerçants installés (CA Paris, pôle 5, ch.
4, 3 juill. 2013, no 11/17161, précité). Il en va de même, encore, lorsqu'une coopérative souhaite préserver la clientèle qu'elle a
développée de l'activité concurrentielle de ses anciens coopérateurs. Les juges estiment en effet qu'une société coopérative peut
créer et développer une clientèle propre, « "distincte de celle de ses membres" » (Cass. com., 4 nov. 2014, no 13-23.569, Rev.
sociétés 2015, p. 452, note Parléani G. ; voir déjà, Cass. com., 26 juin 2012, no 11-20.538, D. 2012, p. 2497, note Dondero Br.).
Mais l'approche est toujours circonstanciée, et les justifications ne peuvent être invoquées de façon incantatoire. Un franchiseur ne
saurait, par exemple, arguer de la nécessité de protéger un savoir-faire s'il s'avère qu'à l'analyse, ce savoir-faire n'existe pas. Dans le
secteur de la distribution alimentaire, les juges se montrent ainsi facilement sceptiques (CA Paris, pôle 5, ch. 5, 25 févr. 2010, no
07/06300, Contrats, conc., consom. 2010, comm 209, obs. Malaurie-Vignal M., à propos d'une clause de non-réaffiliation qui « "ne
se justifie pas par la protection d'un savoir-faire, P n'établissant pas avoir transmis à S d'autres éléments que des prestations de
logistique et des conseils de commercialisation, qui seraient le fruit d'un travail intellectuel susceptible d'appropriation et comme tels,
justifiant une protection" » ; CA Bourges, ch. civ., 10 sept. 2015, no 15/00061, Concurrences, 1-2016, p. 115, obs. Ferrier D. ;
rappr. les solutions retenues en droit de la concurrence : voir no s 2879 et s.).
La justification tirée de la nécessaire protection d'une clientèle ne convainc pas non plus systématiquement. Ainsi est-il jugé, lorsqu'un
agent commercial a été chargé de « "transactions ponctuelles, non ou peu renouvelables, auprès de la population nationale adulte
indifférenciée" », que cela « "exclut toute fidélisation, notion inhérente au concept de clientèle ou même d'achalandage qui suppose
une implantation géographique, inexistante en l'espèce" » (Cass. com., 11 mai 2017, no 15-12.872, Contrats, conc., consom. 2017,
comm. 180, obs. Malaurie-Vignal M.). L'argument pourrait même être dénué de toute portée dans les contrats de franchise, du
moins si l'on tire toutes les conséquences d'une jurisprudence qui affirme que « "si une clientèle est au plan national attachée à la
notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n'existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé (et) que
cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé" » (Cass. 3e civ., 27 mars 2002, no 00-20.732, Bull. civ. III,
no 77). C'est un peu dans cet esprit que certains juges du fond estiment que la clause de non-concurrence est incompatible avec une
clause prévoyant l'appartenance de la clientèle locale au franchisé (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 13 déc. 2017, no 13/12625, AJ Contrat
2018, p. 89, obs. Bories A. ; comp. la jurisprudence antérieure : Cass. com., 14 nov. 1995, no 93-16.299, admettant une
justification tirée de « "la protection de la clientèle attachée à ses services et son enseigne" »). Pour l'heure cependant, la Cour de
cassation a seulement abordé la question sous l'angle de l'enrichissement sans cause du franchiseur (voir no 2874).
b) Exemples tirés du droit du travail
La clause imposée par l'employeur au salarié peut être justifiée, par exemple, si elle est mise en place au sein d'« "une entreprise
opérant dans un secteur sensible comme celui de l'industrie nucléaire pour un cadre de niveau élevé" » (Cass. soc., 4 juin 1996, no
93-41.475). Elle peut l'être aussi, plus bizarrement peut-être, lorsqu'un salarié exerce des fonctions de serveur « "le mettant en
contact direct avec la clientèle" » (Cass. soc., 1er mars 1995, no 93-42.754, D. 1996, p. 245, obs. Serra Y.).
Mais l'on retrouve toujours cette idée que le risque d'un détournement de clientèle ne peut être pertinemment invoqué dans les cas
où ce risque n'existe pas (rappr. Code suisse des obligations, art. 340, cité par Picod Y. et Robinne S., Rép. trav. Dalloz, Concurrence
(obligation de non-concurrence), no 44, qui dispose que « "la prohibition de faire concurrence dans les rapports de travail n'est
valable que si les rapports de travail permettent au salarié d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou
d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible" »). Tel
est le cas, par exemple, lorsque le salarié qui avait été en contact avec la clientèle « "occupait un emploi subalterne et (…) n'avait pas
accès à des informations spécifiques ou à caractère confidentiel susceptible de constituer un trouble dans l'exercice normal de la
concurrence pour son ancien employeur" » (Cass. soc., 13 janv. 1999, no 97-40.023).
c) Exemples tirés du droit des sociétés
Une clause de non-concurrence peut être justifiée, par exemple, lorsqu'un cessionnaire de parts sociales souhaite « "éviter toute
intervention de (l'ancien gérant cédant) dans le même domaine et auprès de la même clientèle" » (Cass. com., 6 oct. 2015, no 13-
27.419, précité).
En revanche, une clause ne saurait être opposée à des associés quittant une société civile de moyens, dès lors que celle-ci a « "pour
seul but de faciliter l'exercice de l'activité de chacun de ses membres" » (Cass. com., 1er mars 2011, no 10-13.795, Bull. civ. IV, no
30, D. 2011, p. 2961, obs. Gomy M., JCP G 2011, no 21, 619, note Vabres R.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-

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44 / 76
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsA. ​ Les conditions communes à tous les contrats

2872 - Proportionnalité

D'abord apparue sous la plume de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en matière de concurrence (Cass. com., 4 janv.
1994, no 92-14.121, Bull. civ. IV, no 4, D. 1995, p. 205, note Serra Y., RTD civ. 1994, p. 349, obs. Mestre J.), l'exigence de
proportionnalité s'est rapidement généralisée (Cass. 1re civ., 11 mai 1999, no 97-14.493, Bull. civ. I, no 156, Defrénois 1999, art.
37041-71, obs. Mazeaud D., D. 2000, p. 312, obs. Serra Y.), au point de devenir l'élément clé de la plupart des contentieux actuels,
du moins en matière civile et commerciale (sur le contentieux social, voir no 2873). Selon les formules, la clause doit être ainsi
proportionnée « "au regard de l'objet du contrat" » (Cass. com., 4 janv. 1994, no 92-14.121, précité ; Cass. com., 11 mai 2017, no
15-12.872, Contrats, conc., consom. 2017, comm. 180, obs. Malaurie-Vignal M.) ou « "aux intérêts légitimes à protéger" » (Cass.
1 re civ., 11 mai 1999, no 97-14.493, précité), les arrêts liant souvent les deux (Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-21.285,
Concurrences, 1-2015, p. 117, obs. Ferré D. et de La Mure B., D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M., appliquant l'exigence en matière
d'agence commerciale : « "est nulle, en outre, toute clause de non-concurrence qui n'est pas proportionnée, c'est-à-dire qui n'est
pas justifiée par les intérêts légitimes à protéger, compte tenu de l'objet du contrat" »). Il s'agit d'une condition qui s'ajoute aux
autres et qui ne se confond pas, en particulier, avec la condition de limitation dans le temps et dans l'espace (Cass. com., 13 juin
2018, no 17-10.131, D. 2018, p. 2326, obs. Riéra A.).
Le plus souvent, la disproportion exprime l'idée que la clause, tout en étant nécessaire, va au-delà de ce qu'il faudrait. Elle peut
découler du champ matériel de la clause, jugé trop étendu par rapport à l'objet du contrat :

​ tel est le cas, par exemple, d'une clause portant sur les produits pétroliers et leurs dérivés, alors que
l'objet du contrat de mandat ne concernait que la vente de fuel domestique et de gazoil (Cass. com., 9
juill. 2002, no 00-18.311, Contrats, conc., consom. 2003, comm. 5, obs. Malaurie-Vignal M.) ;
​ de même, une clause dont l'objet, qui couvre l'ensemble des activités dans le domaine de la chasse et du
sport de tir, est « "hors de proportion avec le souci d'une protection circonscrite" » des intérêts d'une
société opérant sur le marché des cartouches de chasse (CA Paris, ch. 5, sect. A, 14 janv. 2009, no
06/14727, RTD civ. 2009, p. 316, obs. Fages B.) ;
​ mais à l'inverse, encourt la censure la cour d'appel qui n'a pas recherché si une clause de clientèle était
proportionnée « "dès lors qu'elle ne concernait que les clients de la SCP X, définis comme les personnes
physiques ou morales destinataires des factures établies par celle-ci au cours des douze derniers mois
précédant la signature de la convention de présentation de clientèle" » (Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, no 14-
24.541, Gaz. Pal. 2016, no 1, p. 27, note Piau D.).

La disproportion découle aussi, fréquemment, du caractère excessif du champ temporel ou spatial, étant observé que l'étendue de la
limitation dans le temps pose, généralement, moins de difficultés (une durée d'un an est admise dans la plupart des cas) que celle de
la limitation géographique. Ainsi :

​ s'il est permis d'interdire à un ex-franchisé d'exercer son activité dans un rayon de 10 km autour d'un
magasin situé en zone urbaine (supérette), il est excessif d'étendre cette interdiction à 30 km quand le
magasin est situé en zone rurale (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 oct. 2018, no 16/05817, JCP E 2019, 1060, note
Bories A.) ;
​ de même, les juges du fond encourent-ils la censure lorsqu'ils n'expliquent pas en quoi une clause, qui
impose un rayon minimum de non-rétablissement de 50 km autour de tout point de vente, serait
proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur d'un réseau de restauration rapide (Cass. com., 23 sept.
2014, no 13-20.454, Concurrences, 1-2015, p. 124, obs. Martin A.-C., Contrats, conc., consom. 2014, comm.
268, obs. Malaurie-Vignal M., RDC 2015, p. 70, obs. Grimaldi C.) ;
​ est insuffisamment limitée, encore, la clause d'interdiction de s'affilier à un réseau concurrent sur
l'ensemble du territoire métropolitain, dès lors que l'activité du franchisé ne s'exerçait que dans une seule
agence (Cass. com., 3 avr. 2012, no 11-16.301, Bull. civ. IV, no 72, Contrats, conc., consom. 2012, comm.
169, obs. Leveneur L., D. 2012, p. 2760, obs. Gomy M., JCP G 2012, no 43, 1151, obs. Mekki M., JCP E 2012,
1264, note Dissaux N., au sujet d'un réseau d'agences immobilières ; CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 oct. 2018,
no 16/11454, au sujet d'un réseau de points de ventes de cuisines) ;
​ est également excessif le champ d'une clause étendue à la France entière, « "dès lors que les fonds de
commerce (du créancier), implantés dans la partie nord de la France et sans activité de vente sur Internet,
ne s'adressent qu'à une clientèle de proximité" » (Cass. com., 20 sept. 2016, no 15-13.263).

Le risque d'invalidité est moins important lorsque l'interdiction est limitée au seul magasin de l'ex-affilié (voir Cass. com., 31 janv.
2012, no 11-11.071, Bull. civ. IV, no 17, JCP E 2012, 1143, note Dissaux N., JCP E 2012, 1205, note Malaurie-Vignal M., D. 2012, p.

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2760, obs. Gomy M., RDC 2012, p. 878, obs. Grimaldi C. : clause d'interdiction d'adhérer à un réseau d'agences immobilières
pendant une durée d'une année en exerçant son activité dans les mêmes locaux que précédemment). Cela étant, ce genre de clause
peut encore avoir pour effet de rendre impossible, dans des conditions rentables, l'exploitation du fonds. La question se pose alors de
savoir si la proportionnalité implique aussi un regard sur l'activité du débiteur (voir no 2873).
Remarque On peut observer que, dans leur appréciation, les juges aiment à se référer à des règles modèles : par exemple aux
usages de la profession (Cass. 1re civ., 16 oct. 2013, no 12-23.333, JCP E 2014, 1074, no 11, obs. Mousseron P. : usages de la
profession d'infirmier) ou encore, en matière de distribution, aux règlements européens d'exemption (voir cependant, Cass. com., 19
janv. 2016, no 14-16.272, Concurrences, 2-2016, p. 133, obs. Fourgoux J.-L., qui reconnaît la validité de la clause interdisant la
création d'un réseau concurrent limitée aux villes dans lesquelles le franchisé avait exploité un institut de beauté, alors que ce dernier
rappelait que le règlement européen n'accordait l'exemption qu'aux seules clauses de non-concurrence limitées aux terrains et locaux
à partir desquels le débiteur avait opéré). Mais, par définition, ces modèles n'ont en principe aucune force obligatoire.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsA. ​ Les conditions communes à tous les contrats

2873 - Sauvegarde de l’activité professionnelle du débiteur

En droit du travail, la clause doit tenir compte « "des spécificités de l'emploi du salarié" » (Cass. soc., 10 juill. 2002, no s 99-43.334 et
99-43.336, Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.387, Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135, Bull. civ. V, no 239, D. 2002, p. 2491,
note Serra Y., Defrénois 2002, art. 37644-94, obs. Libchaber R., RDC 2003, p. 17, obs. Rochfeld J., RDC 2003, p. 142, obs. Radé
Chr.).
Cela signifie, d'abord, que la clause doit être « "limitée (...) du point de vue de l'activité professionnelle" » (Mouly J., Clause de non-
concurrence (contrat de travail), in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-Chr.
(sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019, no 1154), pour que l'on puisse apprécier si le salarié est ou non privé de la possibilité « "d'exercer
une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle" » (Cass. soc., 13 janv. 1998, no 95-40.732, Bull. civ. V, no
7 ; Cass. soc., 2 déc. 1997, no 95-43.672, Bull. civ. V, no 414 ; Cass. soc., 20 nov. 2013, no 12-20.074, Bull. civ. V, no 275, RDT
2014, p. 32, obs. Auzero G.). Une spécialisation étroite n'autorise pas une clause qui la dépasse (Cass. soc., 18 sept. 2002, no 99-
46.136, Bull. civ. V, no 273 : un chef de département dans un magasin Go sport ne peut, s'il est lié par une interdiction d'entrer au
service en France et pendant un an d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente de vêtements et matériel de
sport grand public, retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle). Des compétences plus larges autorisent, à
l'inverse, des clauses plus étendues (Cass. soc., 13 oct. 1993, no 89-43.531 : clause jugée valable alors qu'elle empêchait un
ingénieur d'une écurie de formule 1 de rechercher la moindre place correspondant à cette spécialité dans le monde entier, dès lors
que l'intéressé était ingénieur diplômé de l'Ecole technique d'aéronautique et de construction automobile et avait travaillé dans
diverses entreprises de construction de véhicules automobiles prototypes ; Cass. soc., 3 juill. 2019, no 18-16.134, Dr. soc. 2019, p.
885, obs. Mouly J. : clause imposée à une « "trainee manager" » d'une entreprise de haute couture, étendue à plusieurs continents).
Cela signifie, ensuite, qu'il existe une « "hiérarchie des conditions" » (Mouly J., Clause de non-concurrence (contrat de travail),
précité, no 1155) de validité de la clause. De fait, « "le juge, en présence d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de
travail, même indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, peut, lorsque cette clause ne permet pas au salarié
d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l'application en en limitant l'effet
dans le temps, l'espace ou ses autres modalités" » (Cass. soc., 18 sept. 2002, no 00-42.904, Bull. civ. V, no 272, D. 2002, p. 3229,
note Serra Y., Defrénois 2002, art. 37644-94, obs. Libchaber R.). Le droit du salarié à occuper un emploi l'emporte ainsi sur l'intérêt
légitime de l'employeur à se prémunir contre toute concurrence (Mouly J., Clause de non-concurrence (contrat de travail), précité).
Il est plus difficile de savoir quelle est la place que la jurisprudence commerciale entend exactement accorder au critère de la
sauvegarde de l'activité professionnelle ou économique du débiteur. De fait, certains arrêts s'y montrent résolument hostiles (Cass.
com., 24 nov. 2009, no 08-17.650, CCC 2010, comm. 43, obs. Malaurie-Vignal M., JCP E 2010, 1220, note Dissaux N., jugeant, en
réponse à un pourvoi qui faisait valoir que la clause était nulle dès lors qu'elle privait le débiteur de la possibilité d'exercer son activité
professionnelle ou qu'elle lui faisait perdre son fonds, que « "la validité d'une clause de non-concurrence post-contractuelle insérée
dans un contrat de franchise n'est subordonnée qu'à la condition que cette clause soit limitée dans le temps et dans l'espace et
qu'elle soit proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur au regard de l'objet du contrat" »). D'autres, à l'inverse, l'accueillent
favorablement sous les auspices du principe de proportionnalité (Cass. com., 21 sept. 2004, no 00-18.265, Concurrences, 1-2005,
p. 77, obs. Fasquelle D. et Charrière S., qui approuve une cour d'appel d'avoir jugé un engagement non disproportionné dès lors que
le débiteur, ex-gérant, tenu de ne pas intégrer un groupe national dans le secteur de l'hospitalisation privée, n'a pas démontré qu'il
n'existait pas de poste de gérant ou de directeur de cliniques dans les groupes d'étendue régionale et que la formation de celui-ci, à la
fois médicale et financière, devait lui permettre de postuler à des postes nombreux et variés ; Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-

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21.285, Concurrences, 1-2015, p. 117, obs. Ferré D. et de La Mure B., D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M. : « "est nulle, en outre,
toute clause de non-concurrence qui n'est pas proportionnée, c'est-à-dire qui n'est pas justifiée par les intérêts légitimes à protéger,
compte tenu de l'objet du contrat, ou qui, n'étant pas suffisamment limitée dans le temps et dans l'espace, porte une atteinte
excessive à la liberté d'exercice de la profession du débiteur de l'obligation" » ; Cass. com., 2 oct. 2019, no 18-15.676, publié au
Bulletin, Concurrences, 1-2020, p. 107, obs. Buy Fr., AJ Contrat 2019, p. 483, obs. Dissaux N. : clause fixant un rayon de 50 km à
vol d'oiseau autour des magasins de l'enseigne, conduisant, compte tenu de la densité du réseau du créancier sur l'ensemble du
territoire, « "à une impossibilité, de fait, de toute réinstallation" » ; CA Paris, pôle 5, ch. 11, 13 déc. 2019, no 19/02615, interdiction
d'exercer dans un rayon de 150 km se traduisant « "par une interdiction d'exercer dans un nombre important de départements (...)
comprenant un bassin important de population évalué par l'appelante elle-même à 5 millions de personnes" »), confortant ainsi
l'opinion d'une partie de la doctrine qui considère qu'il serait « "tendancieux de n'apprécier l'exigence de proportionnalité qu'au regard
des intérêts du franchiseur. Car enfin le principe que contrarie la clause de non-concurrence reste celui de la liberté du commerce" »
(Dissaux N., obs. sous Cass. com., 24 nov. 2009, no 08-17.650, précitées). Dans une variante, certains arrêts l'accueillent
également mais dans le cadre plus étonnant d'un rapport de proportionnalité aux intérêts du créancier (Cass. com., 18 déc. 2012, no
11-27.068, Contrats, conc., consom. 2013, comm. 53, obs. Malaurie-Vignal M., RDC 2013, p. 646, obs. Behar-Touchais M., JCP E
2013, 1037, note Dissaux N., qui approuve une cour d'appel d'avoir jugé que « "la clause, qui emportait interdiction de s'affilier à une
enseigne de renommée nationale ou régionale et de vendre des produits dont les marques sont liées à ces enseignes, pendant un an
et dans un rayon de cinq kilomètres, mettait les ex-franchisés, privés dans leur secteur d'activité du support d'un réseau structuré
d'approvisionnement, dans l'impossibilité de poursuivre, dans des conditions économiquement rentables, l'exploitation de leur fonds
de commerce, n'était pas proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur et devait être annulée" »). D'autres, enfin, érigent
clairement le critère de sauvegarde de la liberté d'exercice au rang de critère autonome, distinct du contrôle de proportionnalité
(Cass. com., 4 juin 2002, no 00-15.790, Contrats, conc., consom. 2002, comm. 140, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2003, p. 902,
obs. Auguet Y., à propos d'une clause incluse dans un contrat de collaboration libérale entre infirmiers ; Cass. com., 4 juill. 2006, no
03-19.900, D. 2006, p. 2923, obs. Gomy M., à propos d'une clause incluse dans un protocole de cession de parts sociales).

Les juges qui procèdent à un tel contrôle se livrent à une appréciation concrète (Cass. com., 3 oct. 2006, no 04-16.679, D. 2008, p.
247, obs. Gomy M.). L'effet de l'interdiction stipulée dépend, entre autres, de la compétence et de la notoriété particulière du
débiteur (Cass. com., 4 juill. 2006, no 03-19.900, précité).
Remarque Le juge des référés ne peut en principe se prononcer sur la validité d'une clause. Mais certaines décisions considèrent, en
même temps, qu'il n'est pas possible, « "sous peine de générer un trouble manifestement illicite, d'assurer l'efficacité d'une clause qui
interdirait de fait à l'ex-franchisé de poursuivre son activité dans des conditions suffisamment rentables" » (CA Paris, pôle 1, ch. 2, 16
nov. 2017, no 16/16213, JCP E 2018, 1087, no 7, note Bories A.).
Du côté de la jurisprudence civile, on signalera la jurisprudence toujours un peu particulière de la première chambre civile de la Cour
de cassation en matière de clauses de non-concurrence souscrites par des avocats. La Haute juridiction considère ici que l'annulation
ne peut être justifiée par le caractère disproportionné de la clause au regard de la liberté d'exercice de l'avocat, les juges devant
encore rechercher si l'obligation de non-concurrence est proportionnée aux intérêts légitimes à protéger (Cass. 1re civ., 10 sept.
2015, no 14-24.541, Gaz. Pal. 5 janv. 2016, p. 27, note Piau D.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsB. ​ Les conditions propres à certains contrats

2874 - Contrepartie financière

La question de savoir si le créancier est tenu de verser au débiteur une contrepartie financière nourrit un contentieux abondant depuis
que la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé, par plusieurs décisions du même jour, d'imposer, dans les relations de
travail, une telle obligation à l'employeur : « "une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection
des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié
et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives" » (Cass.
soc., 10 juill. 2002, no s 99-43.334 et 99-43.336, Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.387 et Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-
45.135, Bull. civ. V, no 239, D. 2002, p. 2491, note Serra Y., Defrénois 2002, art. 37644-94, obs. Libchaber R., RDC 2003, p. 17,
obs. Rochfeld J., RDC 2003, p. 142, obs. Radé Chr.).
On ne sait exactement quel est le fondement de cette contrepartie. Certains arrêts, qui ont visé l'ancien article 1131 du Code civil,
ont laissé entendre qu'elle constituerait la cause de l'engagement de non-concurrence, comme si la clause incarnait un contrat
autonome (Cass. com., 15 mars 2011, no 10-13.824, Bull. civ. IV, no 39, D. 2011, p. 1261, note Picod Y., Rev. sociétés 2011, p.
620, note Godon L., RTD com. 2011, p. 361, obs. Constantin A., RTD civ. 2011, p. 348, obs. Fages B. ; adde en ce sens, les
observations du conseiller à la Chambre sociale de la Cour de cassation Béraud J.-M., in Table ronde sur les clauses de non-
concurrence (avec Sautonie-Laguionie L. et a.), JCP S 2013, 1445). D'autres, comme les arrêts fondateurs, se contentent de

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l'imposer au nom du « "principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle" » (Cass. soc., 10 juill. 2002, no s 99-
43.334 et 99-43.336, Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.387 et Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135, précités). Toujours est-il
que la Chambre sociale y est désormais fermement attachée : elle considère au titre du droit transitoire que l'exigence d'une
contrepartie est « "d'exigence immédiate" » (Cass. soc., 17 déc. 2004, no 03-40.008, Bull. civ. V, no 346, CCC 2005, comm. 44,
obs. Malaurie-Vignal M., D. 2005, p. 2454, obs. Bugada A., RTD civ. 2005, p. 159, obs. Gautier P.-Y.) ; elle interdit aux éventuels
textes de loi d'exclure, même partiellement, toute contrepartie au nom de la valeur supralégislative de la règle (Cass. soc., 16 déc.
2008, no 05-40.876, Bull. civ. V, no 251, D. 2009, p. 1441, obs. Robinne S., Dr. soc. 2009, p. 236, obs. Mouly J., qui sollicite l'article
6 , § 1er, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 pour évincer les
dispositions contraires du Code de commerce local applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle) et
elle refuse en outre, au prétexte qu'elle serait de nature jurisprudentielle, que la règle puisse être contestée devant le Conseil
constitutionnel au titre d'une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. soc., 28 nov. 2012, no 11-17.941, Bull. civ. V, no 308,
JCP S 2013, 1109, note Beyneix I., D. 2013, p. 2812, obs. Robinne S., Dr. soc. 2013, p. 173, obs. Mouly J.).
Imposée dans toutes les clauses incluses dans les contrats de travail, la contrepartie l'est également, par extension, au bénéfice des
travailleurs non salariés qui peuvent revendiquer l'application du droit du travail, comme les gérants de succursales (Cass. soc., 19
mars 2014, no s 12-35.308 et 13-10.236, Concurrences, 3-2014, p. 102, obs. Martin A.-C.) et les gérants non salariés de
succursales de maison d'alimentation de détail (Cass. soc., 8 déc. 2009, no 08-42.089, Bull. civ. V, no 277 ; Cass. soc., 8 déc. 2009,
no 08-42.090, Bull. civ. V, no 278 ; Cass. soc., 9 janv. 2013, no 11-26.418, Bull. civ. V, no 4, D. 2013, p. 2812, obs. Robinne S. ;
Cass. soc., 27 mars 2013, no 12-12.892, Bull. civ. V, no 91, D. 2013, p. 2812, obs. Robinne S., Dr. soc. 2013, p. 558, obs.
Poumarède M. ; Cass. soc., 5 oct. 2016, no 15-22.730, Bull. civ. V, no 185, Concurrences, 1-2017, p. 129, obs. Durand V., Contrats,
conc., consom. 2016, comm. 258, obs. Malaurie-Vignal M., JCP E 2017, 1006, no 13, obs. Grignon Ph.).
À mi-chemin entre le droit social et le droit commercial, la contrepartie est encore imposée quand la clause, signée par un salarié par
ailleurs associé de la société qui l'emploie, figure dans un pacte d'actionnaires (Cass. com., 15 mars 2011, no 10-13.824, précité : «
"lorsqu'elle a pour effet d'entraver la liberté de se rétablir d'un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l'emploie, la clause de
non-concurrence signée par lui, n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée
dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour la société de
verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives" »). Il est cependant nécessaire que l'associé ait eu,
à la date de son engagement, la qualité de salarié (Cass. com., 8 oct. 2013, no 12-25.984, JCP E 2014, 1000, note Couret A. et
Dondero Br., D. 2013, p. 2812, obs. Gomy M., Dr. soc. 2014, p. 174, obs. Mouly J., Dr. sociétés janv. 2014, comm. 2, obs. Mortier
R.). On doit en déduire que la Chambre commerciale de la Cour de cassation n'entend pas étendre de façon générale la jurisprudence
de la Chambre sociale (voir très nettement, Cass. com., 11 mars 2014, no 12-12.074, D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M. ; et pour
un refus d'imposer une contrepartie quand l'intéressé ne bénéficie, au jour de la signature du protocole de cession contenant la
clause, « que d'une simple promesse d'embauche », Cass. com., 23 juin 2021, no 19-24.488, Dr. Sociétés 2021, comm. 117, obs.
Mortier R., RDC 2021, n 4, p. 44, obs. Caffin-Moi M., BJS 2021, no 9, p. 7, obs. Gil G., Gaz. Pal. 2022, no 1, obs. Houtcieff D.). La
cour d'appel de Paris, en revanche, fait parfois preuve de moins de réserves (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 20 mai 2015, no 13/04108, AJ
Contrats d'affaires 2015, p. 366, note Godon L., JCP G 2016, no 6, 174, obs. Deboissy F. et Wicker G., jugeant que la contrepartie
est due chaque fois que la clause est souscrite par un associé qui cède ses droits sociaux).
Remarque L'exigence d'une contrepartie financière s'impose chaque fois que l'associé débiteur de l'engagement de non-concurrence
possède au jour de sa souscription la qualité de salarié, sans qu'importe l'endroit où est localisée la clause : dans un pacte
d'actionnaires, comme dans les statuts de la société (Cass. com., 4 oct. 2016, no 15-15.996, Contrats, conc., consom. 2016,
comm. 259, obs. Malaurie-Vignal M., Rev. sociétés 2016, p. 738, obs. Prévost S., D. 2016, p. 2484, obs. Moulin J.-M.). Dans ce
dernier cas, il est important que les statuts distinguent selon la qualité de l'adhérent : l'associé pur et simple (pas de contrepartie
obligatoire) et l'associé salarié (contrepartie obligatoire) (sur ces points, voir Moulin J.-M., obs. sous Cass. com., 4 oct. 2016, no 15-
15.996, précitées).
Illustrant la réticence encore grande de la jurisprudence commerciale, de nombreux arrêts écartent par ailleurs sans nuance toute
idée de contrepartie financière. C'est notamment le cas en droit de la distribution : ni les agents commerciaux (Cass. com., 4 déc.
2007, no 06-15.137, Bull. civ. IV, no 255, D. 2008, p. 10, obs. Chevrier E. ; Cass. com., 10 févr. 2015, no 13-25.667, Concurrences,
2-2015, p. 109, obs. Eréséo N., D. 2015, p. 2526, obs. Gomy M.), ni les franchisés (Cass. com., 31 janv. 2012, no 11-11.071, Bull.
civ. IV, no 17, JCP E 2012, 1143, note Dissaux N., JCP E 2012, 1205, note Malaurie-Vignal M., D. 2012, p. 2760, obs. Gomy M., RDC
2012, p. 878, obs. Grimaldi C.), n'en sont pour l'heure bénéficiaires (sur le contentieux alimenté par les clauses voisines, voir no s
2861 et s.). La ligne de fracture entre les relations de travail et le reste a également été soulignée par la jurisprudence civile (Cass.
1 re civ., 2 oct. 2013, no s 12-22.846 et 12-22.948, Bull. civ. I, no 195, D. 2013, p. 2812, obs. Gomy M., JCP E 2014, 1074, obs.
Seube J.-B., à propos d'un mandataire d'assurance).
Reste à savoir si la jurisprudence pourra ainsi rester figée. Un arrêt sans lendemain, rendu sur le fondement de l'ancien article 1371
du Code civil (abrogé par Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, JO 11 févr. ; voir aujourd'hui, C. civ., art. 1300), a pu se montrer
sensible au fait que certains débiteurs étaient ainsi dépossédés de leur clientèle, sans avoir le droit par ailleurs de prétendre à une
quelconque indemnité légale de fin de contrat (Cass. com., 9 oct. 2007, no 05-14.118, RLDC 2008/47, no 2891, note Mainguy D. et

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Depincé M., CCC 2007, comm. 298, obs. Malaurie-Vignal M., JCP G 2007, II, no 10211, note Dissaux N., RTD civ. 2008, p. 119, obs.
Gautier P.-Y. : en raison de la clause, « "l'ancien franchisé se voyait dépossédé de (sa) clientèle, et (…) subissait en conséquence un
préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu'il convenait d'évaluer" » ; mais contraCass. com., 23 oct. 2012, no 11-21.978,
Bull. civ. IV, no 192 et Cass. com., 23 oct. 2012, no 11-25.175, Bull. civ. IV, no 193, CCC 2013, comm. 6, obs. Mathey N., D. 2012,
p. 2862, note Dissaux N., RTD civ. 2013, p. 114, obs. Fages B.). Une partie de la doctrine fait aussi remarquer que la jurisprudence
actuelle crée, de facto, une hiérarchie entre les différentes libertés que les clauses mettent en cause (Picod Y., in Table ronde sur les
clauses de non-concurrence, précité ; adde Jamin Chr., Clause de non-concurrence et contrat de franchise, D. 2003, p. 2878).
Remarque Au-delà des cas retenus par la jurisprudence, rien n'interdit de prévoir volontairement le versement d'une contrepartie
financière au bénéfice du débiteur (voir par exemple, Cass. 3e civ., 16 sept. 2009, no 08-18.868, Bull. civ. III, no 192, RTD civ. 2009,
p. 748, obs. Revet Th.). Dans un tel cas, il faut retenir que :

​ le créancier ne saurait se dispenser unilatéralement de verser l'indemnité au seul motif qu'il a libéré le
débiteur de son engagement de non-concurrence (CA Paris, pôle 5, ch. 16, 15 déc. 2020, no 20/00218, CCC
2021, comm. 42, obs. Malaurie-Vignal M.) ;
​ les indemnités promises aux dirigeants et membres des conseils d'administration et de surveillance des
sociétés anonymes cotées sont soumises à la procédure de fixation des rémunérations (C. com., art. L.
225-37-2, L. 225-82-2, R. 225-29-1 et R. 225-56-1).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsB. ​ Les conditions propres à certains contrats

2875 - Contrepartie financière – régime

Le régime juridique de la contrepartie sera ici brossé à grandes lignes, n'ayant été jusqu'à présent défini, pour l'essentiel, qu'en
matière sociale (pour plus de détails, voir Le Lamy social) :

​ la contrepartie financière peut être indifféremment prévue par le contrat ou la convention collective
applicable (Cass. soc., 10 mars 2004, no 02-40.108, Bull. civ. V, no 83, Dr. soc. 2004, p. 563, obs. Mouly J.,
jugeant que la contrepartie conventionnelle s'applique de plein droit dès lors que le contrat, qui comportait
une clause, se référait à cet accord), sans qu'une convention collective intervenue postérieurement ne
puisse toutefois avoir pour effet de couvrir la nullité qui affectait la clause à la date de sa conclusion (Cass.
soc., 28 sept. 2011, no 09-68.537, Bull. civ. V, no 196, Dr. soc. 2012, p. 92, obs. Mouly J.). La contrepartie
pourrait être également localisée dans le prix de cession des actions que le salarié détient (Cass. soc., 27
févr. 2013, no 11-27.625, Dr. soc. 2013, p. 856, obs. Mouly J., RTD civ. 2013, p. 371, obs. Fages B.) ;
​ l'obligation au paiement, « "qui est liée à la cessation d'activité du salarié, au respect de la clause de non-
concurrence et à l'absence de renonciation de l'employeur, ne peut être affectée par les circonstances de la
rupture du contrat de travail et la possibilité pour le salarié de reprendre ou non une activité
concurrentielle" ». Le départ à la retraite du salarié est donc indifférent (Cass. soc., 24 sept. 2008, no 07-
40.098, Bull. civ. V, no 176, Dr. soc. 2009, p. 365, obs. Mouly J.). De même est-il impossible de ne prévoir le
versement de la contrepartie qu'en cas de rupture du contrat à l'initiative du salarié (Cass. soc., 27 févr.
2007, no 05-44.984, Bull. civ. V, no 32) ou de l'employeur (Cass. soc., 31 mai 2006, no 04-44.598, Bull. civ.
V, no 198, Dr. soc. 2006, p. 927, obs. Mouly J.), ou même de seulement minorer son montant dans le cas
d'un mode déterminé de rupture du contrat (Cass. soc., 9 avr. 2015, no 13-25.847, Bull. civ. V, no 71,
Concurrences, 3-2015 p. 108, obs. Durand V., JCP G 2015, no 17, 506, obs. Corrignan-Carsin D., D. 2015, p.
2526, obs. Robinne S., Contrats, conc., consom.. 2015, comm. 169, obs. Malaurie-Vignal M.). La
contrepartie n'est pas due, en revanche, en cas de rupture du contrat par suite du décès du salarié (Cass.
soc., 29 oct. 2008, no 07-43.093, Bull. civ. V, no 207, Dr. soc. 2009, p. 367, obs. Mouly J.) ;
​ le montant de la contrepartie ne doit pas être dérisoire (Cass. soc., 18 févr. 2015, no 13-15.047) mais ne
doit pas être non plus excessif (Cass. soc., 4 nov. 2020, no 19-12.279, publié au Bulletin, Dr. social 2021, p.
75, obs. Mouly J., jugeant la contrepartie excessive au regard des sujétions imposées au salarié ; voir
également Cass. soc., 17 nov. 2015, no 14-17.920, Dr. soc. 2016, p. 9, obs. Tournaux S.). Par ailleurs, le
montant « "ne peut dépendre uniquement de la durée d'exécution du contrat ni son paiement intervenir
avant la rupture" » (Cass. soc., 7 mars 2007, no 05-45.511, Bull. civ. V, no 44, Concurrences, 2-2007, p. 131,
obs. Fasquelle D. et Charrière S., RLC 2007/13, no 941, obs. Chagny M.). Il s'ensuit que, pour apprécier le
caractère dérisoire de la contrepartie, seul doit être pris en considération le montant qu'il est prévu de

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verser après la rupture (Cass. soc., 22 juin 2011, no 09-71.567, Bull. civ. V, no 159, Dr. soc. 2011, p. 1120,
obs. Mouly J.). Un paiement qui interviendrait pendant la période d'exécution ne serait pas pour autant
dénué de cause mais s'analyserait en un complément de salaire restant acquis au salarié (Cass. soc., 15
janv. 2014, no 12-19.472, Bull. civ. V, no 15, Dr. soc. 2014, p. 288, obs. Mouly J., Dr. soc. 2014, p. 760, obs.
Tournaux S.) ;
​ la contrepartie possède la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, ce dont on déduit,
notamment, qu'elle doit être soumise à cotisations de sécurité sociale (Cass. soc., 6 juill. 2000, no 98-
15.307) et ouvrir droit à congés payés (Cass. soc., 23 juin 2010, no 08-70.233, Bull. civ. V, no 145, Dr. soc.
2010, p. 1254, obs. Mouly J.). Sa nature salariale exclut également la qualification de clause pénale (Cass.
soc., 13 oct. 2021, no 20-12059, publié au Bulletin, JCP S 2021, 1285, note Loiseau G., Dr. soc. 2021, p.
1036, obs. Mouly J.). Cela étant, certains arrêts préfèrent affirmer que « "le montant de la contrepartie
financière de la clause de non-concurrence (…) a pour objet d'indemniser le salarié tenu, après rupture du
contrat de travail, d'une obligation limitant ses possibilités d'exercer un autre emploi" » (Cass. soc., 15
janv. 2014, no 12-19.472, précité).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsB. ​ Les conditions propres à certains contrats

2876 - Liberté de choix des clients dans les cessions de clientèle

Les clauses de non-concurrence ou les clauses de garantie équivalentes (voir no 2864) qui accompagnent les cessions ou
présentations de clientèle libérale sont assujetties au respect d'une condition particulière, qui est celle du nécessaire respect de la
liberté de choix de la clientèle. La jurisprudence veille, en effet, à ce que la clause n'ait pas pour effet de priver le client du notaire, de
l'avocat, de l'expert-comptable, du médecin, etc., de sa liberté de choisir le professionnel à qui il voudrait s'adresser (voir notamment
Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, no 11-16.439, Bull. civ. I, no 240, JCP G 2013, no 5, 124, obs. Mekki M., RTD civ. 2013, p. 113, obs.
Fages B. ; Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, no 12-15.168, Contrats, conc., consom. 2013, comm. 153, obs. Leveneur L., D. 2014, p.
630, obs. Amrani-Mekki S. et Mekki M., RTD civ. 2013, p. 369, obs. Barbier H.).
Par exemple, la clause souscrite par un avocat, qui ne constituerait pas seulement une clause de non-sollicitation de clientèle mais qui
lui interdirait aussi de conseiller ou d'assister les clients, porterait atteinte au principe du libre choix de l'avocat en ce qu'elle
contraindrait ce dernier à refuser un dossier qu'un client souhaiterait lui confier (Cass. 1re civ., 21 mars 2018, no 17-16.762, D.
2018, p. 2326, obs. Riéra A.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 1. En droit des contratsB. ​ Les conditions propres à certains contrats

2877 - Conditions posées par des textes spécifiques

a) Clause incluse dans un contrat d'agent commercial


Selon l'article L. 134-14 du Code de commerce, le contrat d'agent commercial « "peut contenir une clause de non-concurrence après
la cessation du contrat" » (voir notamment Bourdeau M., La clause de non-concurrence dans le contrat d'agence commerciale,
Journ. Sociétés déc. 2015, p. 28). La clause doit néanmoins répondre aux conditions de validité posées par le texte, à savoir :

​ être établie par écrit ;


​ concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiées à l'agent commercial
ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat ;
​ ne pas dépasser une période de deux ans après la cessation d'un contrat.

Ces critères légaux de validité doivent être combinés avec les critères posés par la jurisprudence commerciale (voir les références
citées no s 2805 et s.). Toute clause contraire aux dispositions de l'article L. 134-14, alinéa 3, est réputée non écrite (C. com., art. L.
134-16).

b) Clause incluse dans un contrat de vétérinaire salarié ou collaborateur

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La question des conditions de validité des clauses de non-concurrence est ici posée en présence d'un texte, l'article R. 242-65 du
Code rural et de la pêche maritime, qui, jusqu'au décret no 2015-289 du 13 mars 2015 (JO 15 mars), énonçait les conditions de la
concurrence susceptible d'être exercée par un vétérinaire, anciennement salarié ou collaborateur.
Saisie de la question de la licéité d'une clause souscrite par une salariée et dépourvue de contrepartie financière, alors que le texte
règlementaire n'envisageait pas lui-même une telle contrepartie, la Cour de cassation avait renvoyé les parties à saisir le juge
administratif aux fins d'appréciation de la légalité de la disposition litigieuse (Cass. soc., 15 janv. 2014, no 12-19.118, Bull. civ. V, no
21, Dr. soc. 2014, p. 286, obs. Mouly J., Dr. soc. 2014, p. 760, obs. Tournaux S.). Le Conseil d'État a finalement répondu que le
texte « "n'"(avait) "pas pour objet ou pour effet d'imposer ou d'autoriser la présence de certaines clauses dans les contrats conclus
entre un vétérinaire et un de ses salariés, mais seulement de prévoir que, dans le silence du contrat, les règles qu'elles prévoient
doivent être respectées à titre d'obligations déontologiques entre membres d'une même profession réglementée" ». Et d'ajouter : «
"les dispositions litigieuses, qui présentent un caractère purement supplétif, poursuivent notamment l'objectif, dans l'intérêt général de
la profession réglementée de vétérinaire, de prévenir les litiges entre les vétérinaires qui ont entretenu des relations de salariat ou de
collaboration ; "(…) "l'atteinte qu'elles portent à la liberté d'entreprendre n'est pas disproportionnée au regard de cet objectif, alors
même qu'elles ne prévoient pas de compensation financière aux obligations qu'elles imposent" » (CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 10
févr. 2016, no 388192, AJ Contrats d'affaires 2016, p. 294, obs. Bucher Ch.-E.).
On ne doit pas en déduire qu'en la matière, les clauses de non-concurrence souscrites par les salariés n'ont pas à être assorties d'une
contrepartie financière. L'obligation règlementaire de non-concurrence sans compensation ne vaut que dans le silence du contrat ;
elle n'est pas applicable « "dès lors que les parties ont elles-mêmes stipulé une clause de non-concurrence" (et ne saurait)"
permettre à celles-ci d'éluder la condition, tirée de l'existence d'une contrepartie financière, essentielle à la validité d'une telle clause"
» (Cass. soc., 14 sept. 2016, no 12-19.118, D. 2016, p. 2484, obs. Robinne S.).
La solution s'impose d'autant plus que l'article R. 242-65 du Code rural et de la pêche maritime est aujourd'hui modifié. L'obligation
règlementaire n'existe plus et il est seulement exigé, lorsqu'une clause de non-concurrence existe, que les parties déterminent,
lorsqu'il y a eu plusieurs domiciles professionnels d'exercice, « "le domicile professionnel unique à partir duquel la clause sera
applicable" ».
c) Clause incluse dans un contrat de collaborateur de pharmacien
La question des conditions de la concurrence des anciens gérants, remplaçants, assistants et stagiaires, devenus pharmaciens, s'est
posée exactement dans les mêmes termes qu'au sujet des vétérinaires. Saisie de la question de la validité d'une clause de
pharmacien assistant dépourvue de contrepartie financière, la Cour de cassation avait renvoyé les parties à saisir le juge administratif
aux fins d'appréciation de la légalité de l'ancien article R. 5015-59 du Code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure au
décret no 95-284 du 14 mars 1995 (JO 16 mars) (Cass. soc., 15 janv. 2015, no 13-23.799). Le Conseil d'État a répondu que le
texte règlementaire n'avait pas pour objet ou effet d'imposer ou d'autoriser la présence de certaines clauses dans les contrats, mais
seulement d'imposer, dans le silence du contrat, des obligations déontologiques (CE, 4e et 5e ch. réunies, 17 oct. 2016, no 389903).
Le choix de stipuler une clause en bonne et due forme réactive, en revanche, l'exigence d'une contrepartie financière (Cass. soc., 23
mai 2017, no 13-23.799, D. 2017, p. 2444, obs. Robinne S.).
d) Clause incluse dans un contrat soumis au droit local d'Alsace-Moselle
On rappellera ici, simplement pour mémoire, que les clauses de non-concurrence conclues entre un patron et un commis font l'objet,
au sein du Code de commerce local d'Alsace-Moselle, d'une règlementation particulière (C. com. loc., art. 74 et s. ; Grisey-Martinez
L. et Marie Dagorne D., J.Cl. Alsace-Moselle, Fasc. 665, Clauses de non-concurrence en droit local alsacien-mosellan).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 2. En droit de la concurrence

2878 - Droit des pratiques restrictives de concurrence (clauses abusives)

Une clause de non-concurrence peut-elle être constitutive d'une pratique abusive au sens de l'article L. 442-1 Code de commerce (C.
com., anc. art. L. 442-6) et peut-elle être, plus particulièrement, sanctionnée en tant qu'elle crée un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties (sur la question, voir no s 1277 et s.) ?
On ne saurait a priori l'exclure. Se prononçant au sujet d'une clause de non-concurrence insérée dans les contrats conclus avec les
établissements hôteliers par une société spécialisée dans le référencement et la sélection d'hôtels, la Commission d'examen des
pratiques commerciales a estimé que, dans le cas où l'établissement hôtelier pourrait être considéré comme un « "partenaire
commercial" », la clause pourrait faire l'objet d'un contrôle. L'absence de réciprocité et de contrepartie, son étendue
disproportionnée, l'absence de motif légitime, l'ont ainsi conduite à admettre « "l'existence prima facie du caractère déséquilibré de la
clause" » (Commission d'examen des pratiques commerciales, avis no 16-9, 12 mai 2016, CCC 2016, comm. 194, obs. Malaurie-
Vignal M.).

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Mais, parmi les rares décisions de justice rendues à ce sujet, aucune n'a, semble-t-il, encore admis l'existence d'un tel déséquilibre
(voir notamment CA Paris, pôle 5, ch. 5, 12 sept. 2013, no 11/22934, CCC 2014, comm. 7, obs. Mathey N., estimant en l'espèce
que cela n'aurait eu aucun sens d'exiger une réciprocité des engagements ; CA Paris, pôle 5, ch. 5, 12 déc. 2013, no 11/18274 ; CA
Paris, 24 mars 2021, no 19/13527, validant la clause, compte tenu des contreparties accordées, telle que des ristournes). Il a même
été rappelé, à juste titre, qu'une absence d'exclusivité territoriale au bénéfice d'un franchisé ne constituait pas un déséquilibre au
regard de la clause de non-concurrence post-contractuelle que ce dernier assumait et « "qu'aucun déséquilibre ne saurait, en soi, en
résulter" » (Cass. com., 30 mai 2018, no 17-14.303, Concurrences 3-2018, p. 114, obs. Ferrier N.).
Remarque La question du caractère abusif de la clause pourra être également posée, presque dans les mêmes termes, au regard
des dispositions de l'article 1171 du Code civil.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 2. En droit de la concurrence

2879 - Droit des concentrations

Le droit européen des concentrations appréhende les clauses de non-concurrence sous l'angle de la théorie dite des restrictions
accessoires (voir notamment Frison-Roche M.-A et Roda J.-Ch., Droit de la concurrence, Dalloz, 2e éd. 2022, no 339). La
Commission considère ainsi que « "les obligations de non-concurrence imposées au vendeur dans le cadre de la cession d'une
entreprise ou d'une partie d'entreprise peuvent être directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration" »
(Communication Comm. CE no 2005/C 56/03, relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des
opérations de concentration, JOCE 5 mars 2005, no C 56, § 18). De telles clauses « "ne sont cependant justifiées par l'objectif
légitime de réalisation de la concentration que dans la mesure où leur durée, leur champ d'application territorial et leur portée
matérielle et personnelle n'excèdent pas ce qui est raisonnablement nécessaire à cette fin" » (Communication Comm. CE no 2005/C
56/03, § 19). La clause devra être ainsi :

​ selon les cas, conclue pour une période qui n'excède pas deux ou trois ans (Communication Comm. CE, no
2005/C 56/03, § 20) ;
​ limitée en principe à la zone où le vendeur offrait les produits ou services en cause avant la cession
(Communication Comm. CE no 2005/C 56/03, § 22) ;
​ limitée aux produits et aux services qui constituaient l'activité économique de l'entreprise cédée
(Communication Comm. CE no 2005/C 56/03, § 23).

Les clauses qui « "limitent le droit du vendeur d'acheter ou de détenir des parts d'une société qui est en concurrence avec l'activité
cédée" » sont traitées avec la même faveur, sauf à ce qu'elles limitent les droits du vendeur « "uniquement à des fins
d'investissement" » (Communication Comm. CE no 2005/C 56/03, § 25).
L'Autorité de la concurrence précise que ce règlement ne s'applique qu'aux opérations relevant du contrôle européen : « "il ne vise
pas celles soumises au droit national" ». Elle appréhende toutefois la question de façon similaire (Aut. conc., Lignes directrices de
l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2020, § 798 et s.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 2. En droit de la concurrence

2880 - Droit des ententes

a) Cessions d'entreprises
Les clauses de non-concurrence incluses dans les contrats de cession d'entreprise peuvent être, à la manière de ce que l'on observe
en droit des concentrations, qualifiées de restrictions accessoires (voir notamment Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép. com. Dalloz,
Concurrence (obligation de non-concurrence), no s 119 et s.). La règle a notamment été posée, en droit européen, par l'arrêt Remia
de la Cour de justice : « "les clauses de non-concurrence insérées dans des contrats de cession d'entreprise ont, en principe, le
mérite de garantir la possibilité et l'effectivité de cette cession. Par là même, elles contribuent à renforcer la concurrence par
l'accroissement du nombre des entreprises présentes sur le marché en cause. Encore faut-il que, pour avoir cet effet bénéfique sur la

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concurrence, de telles clauses soient nécessaires au transfert de l'entreprise cédée et que leur durée et leur champ d'application
soient strictement limités à cet objectif. Lorsqu'il est satisfait à ces conditions, de telles clauses échappent à l'interdiction édictée par
l'article 85, paragraphe 1" (du Traité CEE) » (CJCE, 11 juill. 1985, aff. 42/84, § 1er).
Mais, si les conditions n'en sont pas remplies, la qualification de restriction accessoire n'est pas de droit, comme l'a par exemple
rappelé l'affaire Telefonica. La clause de non-concurrence peut être, au contraire, qualifiée de restriction par objet dès lors qu'elle
exprime un accord de répartition des marchés entre concurrents (Trib. UE, 28 juin 2016, aff. T-208/13, ECLI:EU:T:2016:368 et Trib.
UE, 28 juin 2016, aff. T-216/13, ECLI:EU:T:2016:369, JCP G 2016, no 28, 830, obs. Berlin D., RDC 2017, p. 113, obs. Idot L., Rev.
UE 2017, p. 126, obs. Pereira L., et le rejet du pourvoi par CJUE, 13 déc. 2017, aff. C-487/16 P, RTD eur. 2018, p. 800, obs. Idot
L.).

Pour un autre exemple dans lequel le lien direct avec l'opération de cession n'était pas démontré, voir Cass. com., 12 mai 2021, no
19-12.357, Concurrences 3-2021, p. 91, obs. Thomas E.
b) Baux commerciaux
On retrouve, en droit interne, une approche analogue au sujet des clauses dites de « "non-essaimage" » (Marx V., La validité de la
clause de non-essaimage dans les baux de lots de centres commerciaux, JCP E 2013, 1656) imposées aux preneurs à bail dans les
centres commerciaux. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé que la conclusion d'une telle clause « "ne constitue pas, par elle-même,
une entente anticoncurrentielle, à la condition qu'elle n'affecte pas la concurrence au-delà des restrictions qui peuvent être
nécessaires pour assurer la rentabilité d'une activité, par exemple du fait de l'existence d'investissements spécifiques ou du fait du
caractère particulièrement risqué d'une activité" » (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 juill. 2013, no 11/17161, Concurrences, 4-2013, p. 98,
obs. Eréséo N., JCP E 2013, 1656, note Marx V.).
c) Contrats de franchise
De même encore, dans les contrats de franchise, la Cour de justice a-t-elle considéré dans un important arrêt Pronuptia que « "les
clauses qui sont indispensables pour empêcher que le savoir-faire transmis et l'assistance apportée par le franchiseur profitent à des
concurrents ne constituent pas des restrictions de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1" » (CJCE, 28 janv. 1986, aff.
161/84, ECLI:EU:C:1986:41, § 27). C'est cette même idée que l'on retrouve dans les lignes directrices de la Commission qui
précisent qu'« "une obligation de non-concurrence relative aux biens ou services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l'article
101, paragraphe 1 (du TFUE) lorsqu'elle est nécessaire au maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau franchisé" ».
S'il s'agit d'une clause applicable en cours de contrat, « "la durée de l'obligation de non-concurrence n'est pas un facteur pertinent au
regard de l'article 101, paragraphe 1, pour autant qu'elle n'excède pas celle de l'accord de franchise lui-même" » (Communication
Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10 mai 2010, Lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales, § 190, b)).
S'il s'agit de clauses post-contractuelles, celles-ci « "ne sont licites que dans la mesure où elles sont inhérentes à la franchise, c'est-à-
dire où elles sont indispensables pour assurer la protection du savoir-faire transmis, qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau,
et laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exclusivité, et à condition qu'elles restent proportionnées à
l'objectif qu'elles poursuivent" » (Cass. com., 16 sept. 2014, no 13-18.710, Concurrences, 4-2014, p. 150, obs. Eréséo N., visant
également les clauses de non-réaffiliation ; adde Celaya M., Validité des clauses de non-concurrence et contrats de franchise : le
fourvoiement, RLDA 2012/73, suppl., no 4181 ; Marcinkowski M., La clause de non-concurrence post-contractuelle dans le contrat
de franchise, AJ Contrats d'affaires 2016, p. 16).
Les juges sont généralement assez sévères quand il s'agit d'apprécier la consistance du savoir-faire dans le secteur de la distribution
alimentaire (Cass. com., 16 sept. 2014, no 13-18.710, précité : « "faibles technicité, spécificité, et originalité" » en matière de
commerce alimentaire de proximité ; addeAut. conc., avis no 10-A-26, 7 déc. 2010, relatif aux contrats d'affiliation de magasins
indépendants et les modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire, § 156 et s.).
Naturellement, plus le savoir-faire est de faible consistance, plus la disproportion est aisée à caractériser (CA Paris, 13 déc. 2017, no
13/12625, RDC 2018, p. 373, obs. Grimaldi C.). Le contrôle de nécessité s'opère par ailleurs de façon très concrète : une clause ne
saurait concerner la protection du savoir-faire et des intérêts légitimes du franchiseur si l'interdiction, par exemple, « "ne trouve
application que lorsque le contrat prend fin par anticipation en raison de fautes du franchisé" », de sorte que la clause « "tend à
décourager les franchisés de quitter prématurément le réseau" » (Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-22.624, Concurrences, 1-2015,
p. 124, obs. Martin A.-C., CCC. 2014, comm. 269, obs. Malaurie-Vignal M., AJ Contrats d'affaires 2015, p. 92, obs. Riéra A., RDC
2015, p. 70, obs. Grimaldi C. ; addeCass. com., 16 sept. 2014, no 13-18.710, précité). La proportionnalité pourra, quant à elle, être
appréciée au regard de la durée de l'interdiction, et elle le sera souvent par référence aux règlements d'exemption, même si ceux-ci
n'ont pas vocation à s'appliquer (Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-22.624, précité : « "la durée raisonnable fixée par les règlements
communautaires no 4087/88 et no 330/2010, pour protéger les droits du franchiseur et la réputation du réseau, ne peut excéder un
an, et (…) il n'est pas démontré que le commerce de distribution de détail alimentaire présente une technicité telle qu'il impose une
clause de non-réaffiliation d'une durée de trois ans" » ; adde Choné-Grimaldi A.-S., L'applicabilité du règlement no 330/2010 en
l'absence d'affectation du commerce entre États membres ?, Concurrences, 1-2014, art. 62997). Elle pourra également être
appréciée, dans une perspective très contractuelle (voir no 2873), au regard de l'importance de l'atteinte qui est portée à la liberté
commerciale de l'ex-franchisé (Cass. com., 16 sept. 2014, no 13-18.710, précité).

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 2. En droit de la concurrence

2881 - Droit des ententes – règlements européens d’exemption

Le règlement (UE) 330/2010 du 20 avril 2010 (JOUE 23 avr. 2010, no L 102), concernant l'application de l'article 101, § 3, du Traité
sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, et le nouveau
règlement (UE) 2022/720 du 10 mai 2022 qui s'y substitue à compter du 1er juin 2022, permettent de traiter de façon prévisible (la
Commission européenne parle d'une « "zone de sécurité" »), grâce à la technique de l'exemption catégorielle, un nombre de clauses
relativement important. De fait, les dispositions de l'article 101, § 1er, du TFUE, relatives à l'interdiction des ententes, sont déclarées
inapplicables aux accords verticaux contenant des restrictions verticales, tels que définis par les règlements (Règl. (UE) 330/2010, 20
avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 1er et 2) : grosso modo, tout accord entre entreprises non-concurrentes
ordonné autour d'un achat-vente, ce qui permet d'englober la plupart des contrats de distribution bien sûr, mais d'autres contrats
également (pour une analyse détaillée du champ d'application des règlements, voir Le Lamy Droit économique).
Le jeu de l'exemption suppose que soient remplies deux conditions : premièrement, que la part de marché détenue par le fournisseur
et l'acheteur ne dépasse pas 30 % et, secondement, que l'accord n'ait pas pour objet une « "restriction caractérisée" » (Règl. (UE)
330/2010, 20 avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 4) ou qu'il ne contienne pas de « "restriction exclue" » (c'est-à-
dire exclue du bénéfice de l'exemption) (Règl. (UE) 330/2010, 20 avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 5). Les
clauses de non-concurrence sont spécialement concernées au titre de la seconde catégorie puisque l'exemption n'est pas applicable à
:

​ « "toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq
ans" » (Règl. (UE) 330/2010, 20 avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 5, § 1er, a)), ou encore
« "tacitement renouvelable au-delà d'une période de cinq ans" » (Lignes directrices de la Commission,
C(2022) 3006 final, pt. 248) : les textes visent ici les clauses applicables en cours de contrat. La limitation
de la durée à cinq ans n'est pas applicable, toutefois, « "lorsque les biens ou services contractuels sont
vendus par l'acheteur à partir de locaux et de terrains dont le fournisseur est propriétaire ou que le
fournisseur loue à des tiers non liés à l'acheteur, à condition que la durée de l'obligation de non-concurrence
ne dépasse pas la période d'occupation des locaux et des terrains par l'acheteur" » (Règl. (UE) 330/2010,
20 avr. 2010, et Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 5, § 2) ;
​ « "toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur, à l'expiration de l'accord, de fabriquer,
d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services" » (Règl. (UE) 330/2010, 20 avr. 2010, et
Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 5, § 1er, b)) : les textes visent, cette fois, les clauses de non-
concurrence post-contractuelles. Leur sort est moins enviable que celui des clauses applicables en cours de
contrat puisqu'il n'est fait aucun tri en fonction de la durée. Cependant, une condition de durée est
réintroduite par l'article 5, § 3, qui accorde le bénéficie de l'exemption à l'obligation :

– qui concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels,
– qui est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a exercé ses activités
pendant la durée du contrat (CJUE, ord., 7 févr. 2013, aff. C-117/12, ECLI:EU:C:2013:72, CCC,
2013, comm. 83, obs. Decocq G., Europe avr. 2013, comm. 177, obs. Idot L., qui précise que les
« locaux et terrains » ne peuvent désigner tout le territoire sur lequel un franchisé a opéré ;
adde Cass. com., 9 juin 2009, no 08-14.301, qui refuse le bénéfice de l'exemption à une clause
limitée à un rayon de 30 kilomètres autour du point de vente),
– qui est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur
(sur la définition du savoir-faire, voir Règl. (UE) no 330/2010, 20 avr. 2010, art. 1er, § 1er, g), et
Règl. (UE) 2022/720, 10 mai 2022, art. 1er, § 1er, j)),
– dont la durée est limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord (d'où l'impossibilité
pour une clause de non-réaffiliation non limitée aux locaux et d'une durée de trois ans de
bénéficier de l'exemption : CA Paris, pôle 5, ch. 4, 6 mars 2013, no 09/16817, Concurrences, 2-
2013, p. 91, obs. Ferrier D., CCC. 2013, comm. 113, obs. Malaurie-Vignal M.).

Il faut ajouter que l'exemption ne s'applique pas aux accords verticaux conclus « entre entreprises concurrentes », c'est-à-dire entre
fournisseurs actuels ou potentiels sur un même marché (par exemple, Cass. com., 12 mai 2021, no 19-12.357, Concurrences 3-
2021, p. 91, obs. Thomas E., au sujet de la clause par laquelle deux grands distributeurs s'étaient engagés, à l'occasion de la cession
d'une entreprise leader sur le marché des cartes cadeaux, à ne pas émettre elles-mêmes de cartes cadeaux).

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 3. En droit de la distribution

2882 - Principe d’interdiction dans les réseaux de distribution

Fortement impressionné par un avis de l'Autorité de la concurrence qui avait dénoncé, il y a quelques années, la faible mobilité inter-
enseignes dans le secteur de la distribution alimentaire (Aut. conc., avis no 10-A-26, 7 déc. 2010, relatif aux contrats d'affiliation de
magasins indépendants et les modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire), le
législateur français a récemment réagi en instaurant, à l'occasion de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 (JO 7 août), dite loi Macron,
une réglementation interne des réseaux de distribution commerciale (voir Roda J.-Chr. (sous la dir.), Le droit français de la distribution
après la loi Macron du 6 août 2015, Concurrences 1-2016, p. 13 ; Ferrier D., Les réseaux de distribution commerciale, JCP G 2015,
no 44, suppl., p. 9 ; Pancrazi M.-È., Nouveautés dans le secteur de la distribution, JCP E 2015, 1405 ; Vogel L. et Vogel J., Loi Macron
: un nouveau régime des contrats de distribution inutile, coûteux et inadapté, AJ Contrats d'affaires 2015, p. 512 ; plus
généralement sur les réseaux, voir Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019). L'un des
points essentiels de cette réforme touche aux clauses de non-concurrence (voir notamment Buy Fr., Loi "Macron" : focus sur les
clauses restrictives d'après-contrat, D. 2015, p. 1902 ; Riéra A., Actualité législative : la loi du 6 août 2015, in Concurrence interdite.
Concurrence déloyale et parasitisme, D. 2015, p. 2526).
L'article L. 341-2, I, du Code de commerce pose un principe d'interdiction : « "Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la
résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant
qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite" ». N'étant pas rétroactif, ce texte ne modifie pas les conditions de
validité des contrats conclus avant son entrée en vigueur (Cass. com., 16 févr. 2022, no 20-20.429, publié au Bulletin, CCC 2022,
comm. 60, obs. Malaurie-Vignal M.), soit le 6 août 2016 (la loi a différé l'entrée en vigueur du texte d'un an : L. no 2015-990, 6 août
2015, JO 7 août, art. 31).
Ce principe d'interdiction est toutefois assorti d'exceptions (C. com., art. L. 341-2, II).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 3. En droit de la distribution

2883 - Les clauses visées

Le principe d'interdiction concerne les clauses de non-concurrence (de même que toutes les clauses voisines qui produiraient l'effet
restrictif mentionné) prenant effet après l'expiration de l'un des contrats « "conclus entre, d'une part, une personne physique ou une
personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du Titre II du Livre
Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 et, d'autre part, toute
personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun
l'exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par cet exploitant de son activité
commerciale" » (C. com., art. L. 341-1). Le champ du dispositif est obscur.
Les contrats visés doivent :

​ avoir été conclus entre, premièrement, une personne regroupant des commerçants (au sens strict d'un
groupement, tel qu'une centrale de référencement, comme au sens plus large d'un regroupement : voir en
ce sens, Ferrier D., Les réseaux de distribution commerciale, JCP G 2015, no 44, suppl., p. 9), ou mettant à
disposition l'un des signes distinctifs visés par l'article L. 330-3 en contrepartie d'un engagement
d'exclusivité, et secondement, un exploitant d'un magasin de commerce de détail, sans que le texte ne
distingue selon que le magasin est ou non un magasin de commerce alimentaire (sur la notion de «
commerce de détail » et sur l'importance que lui confèrent les juges, comp. CA Paris, 1er juill. 2020, no
17/21498, Concurrences 4-2020, p. 146, obs. Eréséo N., et CA Paris, 27 janv. 2021, no 19/03581,
Concurrences 2-2021, p. 105, obs. Eréséo N.) ;
​ avoir pour but commun l'exploitation du magasin du détaillant : certains auteurs estiment que seraient,
dès lors, seuls concernés les « "réseaux distributeurs" », à l'exclusion des « "réseaux fournisseurs" » (Vogel
L. et Vogel J., Loi Macron : un nouveau régime des contrats de distribution inutile, coûteux et inadapté, AJ
Contrats d'affaires 2015, p. 512), mais cette restriction est loin d'être évidente ;
​ comporter des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par l'exploitant de son activité
commerciale : au-delà du débat qui pourrait encore ici exister, il ne fait aucun doute qu'une clause de non-

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concurrence, contractuelle ou post-contractuelle, relèverait de cette catégorie.

Aux termes de son troisième alinéa, l'article L. 341-1 du Code de commerce exclut toutefois de son champ le contrat de bail
commercial, ainsi que les contrats d'association et de société civile, commerciale ou coopérative. À notre avis, par effet du renvoi
opéré par l'article L. 341-2, toutes les clauses de non-concurrence destinées à produire effet après l'échéance d'un contrat de société
(par exemple, une société coopérative de détaillants ou une franchise participative) devraient échapper à la sanction du réputé non
écrit (Buy Fr., Réseaux de distribution et droit des sociétés : un loup dans la bergerie ?, Concurrences 1-2016, p. 27).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 1 Les conditions de validité de la
clause de non-concurrence§ 3. En droit de la distribution

2884 - Les clauses exemptées

Relèveraient-elles a priori du champ de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 (JO 7 août), dite loi Macron, certaines clauses pourront
néanmoins échapper au principe d'interdiction. L'article L. 341-2, II, du Code de commerce indique en effet que « "ne sont pas
soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions
cumulatives suivantes" ». Lesdites conditions résultent d'un « "copier-coller" » assez malheureux (Buy Fr., Loi "Macron" : focus sur
les clauses restrictives d'après-contrat, D. 2015, p. 1902) des dispositions du règlement d'exemption (UE) no 330/2010 du 20 avril
2010 (JOUE 23 avr. 2010, no L 102) (voir no 2881) :
« 1º "elles" (les clauses) "concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat mentionné au I ;"
"2º elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné
au I ;"
"3º elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat
mentionné au I ;"
"4º leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1 ». "
En pratique, le jeu de l'exemption profitera essentiellement aux franchiseurs. Reste à savoir si les conditions légales devront être, par
ailleurs, combinées avec les conditions de validité prétoriennes et, surtout, si l'ensemble de ce dispositif saura résister à une mise à
l'épreuve avec le droit européen (Buy Fr., Loi "Macron" : focus sur les clauses restrictives d'après-contrat, précité ; Vogel L. et Vogel
J., Loi Macron : un nouveau régime des contrats de distribution inutile, coûteux et inadapté, AJ Contrats d'affaires 2015, p. 512).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 2 Les sanctions de l’invalidité de la
clause de non-concurrence

2885 - Nullité de la clause de non-concurrence

La clause qui ne répond pas, à la date de sa conclusion (Cass. soc., 28 sept. 2011, no 09-68.537, Bull. civ. V, no 196, Dr. soc. 2012,
p. 92, obs. Mouly J., qui en déduit qu'une convention collective intervenue postérieurement ne peut avoir pour effet de couvrir la
nullité qui l'affecte), aux conditions de validité posées par la loi ou la jurisprudence, est en principe frappée par la sanction naturelle de
l'invalidité qui est la nullité : une nullité relative si la règle méconnue est une règle de droit des contrats protectrice d'un intérêt privé
(de sorte que seul le débiteur peut alors s'en prévaloir : Cass. soc., 25 janv. 2006, no 04-43.646, Bull. civ. V, no 25, RLC 2006/7, no
526, obs. Chagny M., D. 2006, p. 2923, obs. Robinne S.) et une nullité absolue si la règle méconnue est une règle de droit de la
concurrence (de sorte que toute personne y ayant un intérêt peut s'en prévaloir : CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 juill. 2013, no 11/17161,
Concurrences, 4-2013, p. 98, obs. Eréséo N., JCP E 2013, 1656, note Marx V.). La nullité de la clause peut emporter la nullité de
l'acte tout entier qui la renferme si cette clause a constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles
(C. civ., art. 1184, al. 1er), ce qui peut par exemple se concevoir en matière de cession de fonds ou de clientèles. Le délai de
prescription est de cinq ans. Pour une clause prévue dans un pacte d'actionnaires, le point de départ de l'action est la date de
signature de l'acte dans lequel la clause est insérée, et non la date de cession des titres (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 22 janv. 2019, no
17/01196, Bull. Joly Sociétés juill. 2019, p. 20, note Messaï-Bahri S.).
On ajoutera que, bien évidemment, le juge des référés n'a pas le pouvoir de prononcer une telle sanction. Mais rien ne lui interdit, par
exemple, de déclarer une clause dépourvue de toute contrepartie financière « "inopposable au salarié" » s'il constate que son
exécution est de nature à caractériser un trouble manifestement illicite (Cass. soc., 25 mai 2005, no 04-45.794, Bull. civ. V, no 180,

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Contrats, conc., consom. 2005, comm. 168, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2005, p. 2456, obs. Robinne S., Dr. soc. 2005, p. 1061,
obs. Mouly J. ; adde pour une inopposabilité partielle limitée aux seules dispositions de la clause relatives à son étendue géographique
: Cass. soc., 26 sept. 2018, no 17-10.859, Dr. soc. 2019, p. 57, obs. Bento de Carvalho L. et Tournaux S.).
La même sanction de l'inopposabilité est encore logiquement préférée lorsqu'une clause, figurant dans les statuts d'une société, n'est
illicite qu'à l'égard d'une partie des débiteurs (cas des associés salariés : Cass. com., 4 oct. 2016, no 15-15.996, Contrats, conc.,
consom. 2016, comm. 259, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2016, p. 2484, obs. Moulin J.-M.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 2 Les sanctions de l’invalidité de la
clause de non-concurrence

2886 - Alternatives à la nullité de la clause de non-concurrence

La sanction de la nullité subit en la matière la concurrence de sanctions alternatives qui ont pour point commun de favoriser le
maintien du lien contractuel :

​ la réduction de la clause : la Chambre sociale de la Cour de cassation décide que « "le juge, en présence
d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail, même indispensable à la protection des
intérêts légitimes de l'entreprise, peut, lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité
conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l'application en en limitant
l'effet dans le temps, l'espace ou ses autres modalités" » (Cass. soc., 18 sept. 2002, no 00-42.904, Bull.
civ. V, no 272, D. 2002, p. 3229, note Serra Y., Defrénois 2002, art. 37644-94, obs. Libchaber R.). Ce pouvoir
de correction judiciaire des clauses excessives n'est pas nécessairement favorable au débiteur mais reste
cependant maîtrisé par ce dernier : le juge ne peut ainsi réduire le champ d'une clause lorsque seule sa
nullité est invoquée par le salarié (Cass. soc., 12 oct. 2011, no 09-43.155, Bull. civ. V, no 233, Dr. soc. 2012,
p. 198, obs. Mouly J.). La sanction, par ailleurs, ne semble pas mise en œuvre de façon générale. Elle
n'appartient pas au juge des référés (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 3 oct. 2018, no 16/05817, JCP E 2019, 1060,
note Bories A.) et ne trouve guère d'applications en dehors du champ du droit du travail (Cass. com., 30
mars 2016, no 14-23.261, CCC 2016, comm. 193, obs. Malaurie-Vignal M., JCP E 2016, 1223, note Dissaux
N. ; voir toutefois, au sujet d'une clause de non-rétablissement, Cass. com., 4 nov. 2020, no 18-25.245,
LEDICO 2021, no 1, p. 2, obs. Bucher Ch.-E.). En outre, elle ne paraît concerner, dans son champ de
prédilection, que les limites de la clause, et non en particulier le montant de la contrepartie (Cass. soc., 9
avr. 2015, no 13-25.847, Bull. civ. V, no 71, Concurrence, 3-2015, p. 108, obs. Durand V., CCC 2015, comm.
169, obs. Malaurie-Vignal M., JCP G 2015, no 17, 506, obs. Corrignan-Carsin D., D. 2015, p. 2526, obs.
Robinne S. ; adde dans le cas inverse d'une augmentation : Cass. soc., 16 mai 2012, no 11-10.760, Bull.
civ. V, no 153, D. 2012, p. 2760, obs. Robinne S., Dr. soc. 2012, p. 784, obs. Radé C., JCP S 2012, no 30,
1329, note Loiseau G., RDC 2013, p. 74, obs. Genicon Th. : « "le juge ne peut, sous couvert de
l'appréciation du caractère dérisoire de la contrepartie pécuniaire invoquée par le salarié, substituer son
appréciation du montant de cette contrepartie à celle fixée par les parties et, après avoir décidé de
l'annulation de la clause, accorder au salarié la contrepartie qu'il estime justifiée" ») ;
​ le réputé non écrit : on retrouve parfois la sanction du réputé non écrit sous la plume du législateur, quand
la clause est spécialement interdite ou règlementée (voir nos2867 e t 2882). Cette même sanction serait
encore appliquée si la clause devait tomber sous le coup de la prohibition plus générale des clauses
abusives (voir nos 1277 et s.). Le contrat sera, dans tous ces cas, nécessairement maintenu (C. civ., art.
1184, al. 2). Il arrive toutefois, notamment en matière sociale, que les juges fassent encore mieux : plutôt
que d'être éradiquée en totalité, la clause illicite est partiellement réputée non écrite. Cette sanction très
fine est alors appliquée d'office, quoique la nullité eût semblé plus favorable au salarié (Cass. soc., 8 avr.
2010, no 08-43.056, Bull. civ. V, no 92, Dr. soc. 2010, p. 718, obs. Mouly J., RDC 2010, p. 1199, obs. Genicon
Th., censurant un arrêt qui a prononcé la nullité d'une clause qui adaptait le montant de la contrepartie en
fonction des causes de rupture, « "alors que la clause de non-concurrence n'était pas nulle mais devait être
réputée non écrite en ses seules dispositions minorant la contrepartie en cas de faute" » ; Cass. soc., 20
févr. 2013, no 11-17.941, RTD civ. 2013, p. 836, obs. Fages B. et Barbier H. ; Cass. soc., 9 avr. 2015, no 13-
25.847, précité ; sur l'extension de la solution aux clauses conventionnelles, voir Cass. soc., 14 avr. 2016,
no 14-29.679, Bull. civ. V, no 76, Dalloz Actualités, 3 mai 2016, obs. Roussel M., D. 2016, p. 2484, obs.
Robinne S., JCP S 2016, 176, veille par Corrignan-Carsin D., JCP S 2016, 1229, note Beyneix I., JCP E 2016,
1363, no 26, obs. Grignon Ph. ; Cass. soc., 18 janv. 2018, no 15-24.002, Bull. civ. V, no 6, AJ Contrat 2018,

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p. 237, obs. Bucher Ch.-É. ; adde sur le refus de déférer la règle au Conseil constitutionnel : Cass. soc., 28
nov. 2012, no 11-17.941, Bull. civ. V, no 308, JCP S 2013, 1109, note Beyneix I., D. 2013, p. 2812, obs.
Robinne S., Dr. soc. 2013, p. 173, obs. Mouly J.).

Le droit comparé connaît des solutions similaires (Kouhaiz S., La révision des clauses de non-concurrence : quels apports de la
théorie anglo-américaine du blue pencil ?, RTD com. 2021, p. 269).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 2 La validité de la clause de non-concurrenceSous-section 2 Les sanctions de l’invalidité de la
clause de non-concurrence

2887 - Responsabilité

Que l'illicéité puisse être une cause de responsabilité, cela est évident. Mais à quelles conditions ? Pendant un temps en matière
sociale, l'indemnisation du cocontractant fut incontestablement facilitée. Après avoir jugé que « "le respect par un salarié d'une clause
de non-concurrence illicite lui (causait) nécessairement un préjudice" » (Cass. soc., 11 janv. 2006, no 03-46.933, Bull. civ. V, no 8,
JCP E 2006, 1417, note Grosser P., Dr. soc. 2006, p. 465, obs. Mouly J., RTD civ. 2006, p. 311, obs. Mestre J. et Fages B.), la
Chambre sociale décida plus radicalement que « "la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause
nécessairement un préjudice au salarié" » (Cass. soc., 12 janv. 2011, no 08-45.280, Bull. civ. V, no 15, JCP E 2012, 1027, obs.
Grignon Ph., CCC. 2011, comm. 168, obs. Malaurie-Vignal M., Dr. soc. 2011, p. 468, obs. Mouly J. ; addeCass. soc., 23 sept. 2014,
no 13-16.612, D. 2014, p. 2488, obs. Robinne S. ; Cass. soc., 7 juill. 2015, no 14-11.580 ; Cass. soc., 13 janv. 2016, no 14-
10.641). Cette séquence jurisprudentielle est désormais caduque : la stipulation d'une clause de non-concurrence nulle est seulement
susceptible de causer au salarié un préjudice dont l'existence et l'évaluation relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du
fond (Cass. soc., 25 mai 2016, no 14-20.578, Bull. civ. V, no 114, Dr. soc. 2016, p. 773, obs. Mouly J., D. 2016, p. 2484, obs.
Robinne S. ; Cass. soc., 5 oct. 2016, no 15-22.730, Bull. civ. V, no 185, Contrats, conc., consom. 2016, comm. 258, obs. Malaurie-
Vignal M., JCP E 2017, 1006, no 13, obs. Grignon Ph., LEDICO 2017, no 1, p. 7, obs. Bucher Ch.-É.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceA. ​ La
prise d’effet de la clause de non-concurrence

2888 - Moment de la prise d’effet

La question ne se pose en pratique que pour les clauses de non-concurrence post-contractuelles. Il est de principe que ce type de
clause prend effet à compter de la rupture du contrat ; les parties devraient être théoriquement libres de prévoir une date différente
mais il faut à tout le moins réserver l'hypothèse des relations de travail, où les solutions sont rendues en contemplation de
l'obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière (voir no 2874). La Chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi
précisé que « "la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l'obligation de non-concurrence, la date d'exigibilité de la
contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence
pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l'entreprise" » (Cass. soc., 13 mars 2013, no 11-21.150, Bull. civ. V,
no 72, D. 2013, p. 2812, obs. Robinne S., Dr. soc. 2013, p. 455, obs. Mouly J. ; Cass. soc., 21 janv. 2015, no 13-24.471, Bull. civ. V,
no 3, D. 2015, p. 2526, obs. Robinne S., Contrats, conc., consom. 2015, comm. 86, obs. Malaurie-Vignal M., JCP G 2015, no 6,
161, obs. Corrignan-Carsin D.).
Cela étant, il peut arriver, même dans les rapports de travail, que la clause produise ses effets de façon différée. Ainsi, « "si la clause
interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une
activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent
au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux
employeurs successifs, elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été
rompu" » (Cass. soc., 29 janv. 2014, no 12-22.116, Bull. civ. V, no 35, Dr. soc. 2014, p. 383, obs. Mouly J., Dr. soc. 2014, p. 760,
obs. Tournaux S.). Cette reprise d'effet tient compte du temps qui a passé : le délai de l'obligation de non-concurrence ne s'en trouve
en effet ni reporté, ni allongé (Cass. soc., 12 sept. 2018, no 17-10.853, publié au Bulletin, Dr. soc. 2018, p. 1061, obs. Mouly J., RTD
civ. 2018, p. 894, obs. Barbier H.).

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceA. ​ La
prise d’effet de la clause de non-concurrence

2889 - Prise d’effet conditionnée

Rien n'interdit aux parties de préciser les cas dans lesquels la clause pourra prendre effet ; par exemple, telle cause de rupture du
contrat et pas telle autre.
Les parties ne peuvent, en revanche, envisager l'insertion dans le contrat d'une clause de non-concurrence qui serait mise en
sommeil le temps que le créancier décide de l'activer : cette prise d'effet conditionnelle n'est pas admise par le juge du travail en
particulier, qui considère que la clause, en tant qu'elle est subordonnée à une condition potestative et qu'elle laisse le salarié dans
l'incertitude de sa liberté de travailler, doit être frappée de nullité (Cass. soc., 12 avr. 1995, no 92-44.484, Dr. soc. 1995, p. 668, note
Savatier J. ; Cass. soc., 12 févr. 2002, no 00-41.765, Bull. civ. V, no 62, D. 2002, p. 2011, note Puigelier C., RTD civ. 2002, p. 511,
obs. Mestre J. et Fages B. ; Cass. soc., 15 avr. 2008, no 07-40.907, D. 2009, p. 1441, obs. Robinne S.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceA. ​ La
prise d’effet de la clause de non-concurrence

2890 - Prise d’effet contrariée

La prise d'effet programmée peut-elle être contrariée par certains évènements ou certaines décisions des parties ? Voici quelques
cas.
a) Renonciation à la clause
La question qui a suscité un contentieux abondant, spécialement en matière sociale, est celle de la renonciation à la clause (pour une
présentation détaillée, voir Le Lamy Social ; adde Robinne S., Précisions jurisprudentielles sur la renonciation à la clause de non-
concurrence en droit du travail, AJ Contrats d'affaires 2014, p. 74). Partant du principe qu'en tant qu'elle nécessite une contrepartie
financière, la clause est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, la Chambre sociale de la Cour de cassation
en déduit que l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à la clause (Cass. soc., 28 nov. 2001, no 99-46.032). Le contrat ou la
convention collective doivent, ce faisant, envisager les conditions de « levée » de la clause. Encore faut-il, comme le rappelle
régulièrement la Cour, que le salarié ne soit pas « laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler ». La clause par
laquelle l'employeur se réserve la possibilité de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de
celle-ci est ainsi réputée non écrite ; et par défaut, la date butoir est fixée au jour du licenciement (Cass. soc., 13 juill. 2010, no 09-
41.626, Bull. civ. V, no 174, D. 2010, p. 2540, obs. Robinne S., Dr. soc. 2010, p. 1118, obs. Mouly J.). La liberté des parties est
canalisée : en cas de rupture avec dispense d'exécution du préavis, l'employeur doit en effet renoncer « "au plus tard à la date du
départ effectif de l'intéressé de l'entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires" » (Cass. soc., 13 mars 2013, no 11-
21.150, Bull. civ. V, no 72, D. 2013, p. 2812, obs. Robinne S., Dr. soc. 2013, p. 455, obs. Mouly J. ; Cass. soc., 21 janv. 2015, no
13-24.471, Bull. civ. V, no 3, D. 2015, p. 2526, obs. Robinne S., CCC 2015, comm. 86, obs. Malaurie-Vignal M., JCP G 2015, no 6,
161, obs. Corrignan-Carsin D.). De même, « "en matière de rupture conventionnelle, l'employeur, s'il entend renoncer à l'exécution
de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations
ou dispositions contraires" » (Cass. soc., 26 janv. 2022, no 20-15.755, publié au Bulletin, JCP S 2022, 1066, note Rouspide-
Katchadourian M.-N.).
Remarque Une transaction peut également emporter renonciation à la clause de non-concurrence stipulée au contrat, y compris
lorsque la transaction est rédigée dans des termes très généraux. La Cour de cassation juge ainsi que « "les obligations réciproques
des parties au titre d'une clause de non-concurrence sont comprises dans l'objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent
être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l'exécution ou à la
rupture du contrat de travail" » (Cass. soc., 17 févr. 2021, no 19-20.635, publié au Bulletin, JCP E 2021, 1169, note Rouspide-
Katchadourian M.-N. ; Dr. social 2021, p. 371, obs. Mouly J., RDC 2021, no 2, p. 109, obs. Icard J.).
b) Sort de la clause en cas d'anéantissement du contrat principal
Une autre question est de savoir si la destruction du contrat, consécutive à sa résolution, peut faire échec à la prise d'effet de la
clause qu'il contient. Certains arrêts ont, dans le passé, refusé qu'une partie puisse demander l'exécution d'une clause de non-
concurrence stipulée dans un contrat mis à néant, quoique ce dernier ait été résilié aux torts réciproques (Cass. 1re civ., 6 mars
1996, no 93-21.728, Bull. civ. I, no 118, RTD civ. 1996, p. 906, obs. Mestre J.) ; d'autres ont suggéré qu'il pouvait en aller

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différemment quand les parties avaient été d'accord pour que la clause soit applicable (Cass. soc., 8 déc. 1982, no 80-40.531, Bull.
civ. V, no 699). L'article 1230 du Code civil, issu de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.), pose une solution
claire : « "La résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas
de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence" ».
Remarque L'article 1230 du Code civil énonce une règle de maintien en cas de résolution, qui peut être probablement étendue aux
cas de caducité (rappr. Rapp. au Président de la République relatif à l'ordonnance du 10 février 2016, NOR : JUSC1522466P (JO 11
févr.), qui évoque la « "disparition" » du contrat). Pour les cas de nullité, c'est un peu moins évident (voir Pancrazi M.-E., Clauses
autonomes, in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr., Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e
éd., 2019). Dans le doute, une « "clause de sauvetage" » pourra être envisagée (Noblot C., La clause de sauvetage de la clause de
non-concurrence post-contractuelle en cas d'anéantissement d'un contrat de distribution, Contrats, conc., consom. 2017, formule
2).
Par exemple : « "Dès lors qu'un commencement d'exécution aura été reçu par le présent contrat, l'éventuelle disparition rétroactive
de ce dernier, pour quelque cause juridique que ce soit, n'empêchera pas l'application de la clause de non-concurrence (ou une clause
obéissant à une raison analogue) stipulée ci-dessus" » (Noblot C., La clause de sauvetage de la clause de non-concurrence post-
contractuelle en cas d'anéantissement d'un contrat de distribution, précité).

c) Sort de la clause en cas de reconduction du contrat principal


Sous l'empire du droit ancien, la Cour de cassation a estimé que, lorsque le contrat principal était reconduit par tacite reconduction,
les juges ne pouvaient rejeter la demande de dommages-intérêts du créancier pour violation de la clause, « "sans rechercher si les
parties avaient eu la commune intention, lors de la tacite reconduction du contrat, de renouveler la clause litigieuse" » (Cass. com.,
30 mai 2012, no 11-18.779, RDC 2013, p. 188, obs. Grimaldi C.).
Depuis la réforme portée par l'ordonnance du 10 février 2016, la reconduction d'un contrat arrivé à terme se fait, en principe, aux
mêmes conditions contractuelles (voir no s 2522 et s.). Il faut donc en déduire que, si le contrat initial contenait une clause de non-
concurrence, celle-ci est maintenue. Cela étant, ce maintien ne peut être inconditionnel : la validité de la clause doit s'apprécier, en
effet, au jour du nouveau contrat.
d) Sort de la clause en cas de requalification du contrat
Que devient la clause de non-concurrence qui était stipulée dans un contrat requalifié ? En matière sociale, la Cour de cassation a
jugé que « "s'il résulte de l'(ancien) article L. 122-3-10 du Code du travail (voir aujourd'hui, C. trav., art. L. 1243-11), que la
poursuite des relations de travail à l'expiration d'un contrat à durée déterminée, transforme ce contrat en contrat à durée
indéterminée, les conditions du contrat demeurent, pour le surplus, inchangées, à défaut d'accord contraire des parties" » (Cass.
soc., 5 janv. 1995, no 90-45.732, Bull. civ. IV, no 4). Si elles souhaitent que la clause ne produise pas ses effets, les parties sont donc
invitées à le préciser.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceB. ​ La
perte d’effet de la clause de non-concurrence

2891 - Perte d’effet ponctuelle

Les parties ont toujours la possibilité, dès lors qu'elles en conviennent d'un commun accord, de geler temporairement le jeu de la
clause. La Cour de cassation a étendu cette possibilité à l'hypothèse d'une clause de non-concurrence statutaire, en jugeant que «
"les associés d'une société à responsabilité limitée peuvent déroger à une clause des statuts et s'en affranchir par l'établissement
d'actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent" » (Cass. com., 12 mai 2015, no 14-13.744, Dr. sociétés
août 2015, comm. 148, obs. Gallois-Cochet D., JCP E 2015, 1338, note Dondero Br., RTD civ. 2015, p. 880, obs. Barbier H. ; voir
également Cass. com., 29 janv. 2020, no 18-15.179, RDC 2020, p. 63, note Heinich J.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceB. ​ La
perte d’effet de la clause de non-concurrence

2892 - Perte d’effet définitive

La clause cesse de produire effet, de façon mécanique, une fois que son temps d'exécution arrive à échéance.

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Elle peut être également dévitalisée, alors qu'elle est en cours d'exécution (voire avant tout commencement d'exécution), lorsqu'une
des parties se soustrait à ses obligations, libérant l'autre du même coup. C'est particulièrement vrai en matière sociale (Cass. soc.,
18 janv. 2012, no 10-16.891 : défaut de paiement par l'employeur de la contrepartie financière). En droit commun, la résolution
suppose tout de même une inexécution grave (Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats
de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Non-concurrence).
Il est en revanche jugé de façon constante que « "la cessation d'activité ultérieure de l'employeur n'a pas pour effet de décharger le
salarié de son obligation de non-concurrence" » (Cass. soc., 21 janv. 2015, no 13-26.374, Bull. civ. V, no 2, Contrats, conc., consom.
2015, comm. 87, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2015, p. 2526, obs. Robinne S., Dr. soc. 2015, p. 206, obs. Tournaux S., Dr. soc. 2015,
p. 374, obs. Mouly J. ; voir déjà Cass. soc., 5 avr. 2005, no 02-45.540, Bull. civ. V, no 118, Concurrences, 3-2005, p. 91, obs.
Fasquelle D. et Morel S., D. 2005, p. 2454, obs. Robinne S.). En droit commun, une solution similaire était adoptée avant la réforme,
issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.), lorsque le créancier retiré de son activité professionnelle
souhaitait échapper au versement de l'indemnité contractuelle de non-concurrence (Cass. 1re civ., 3 avr. 2007, no 05-11.405, Bull.
civ. I, no 139, RTD civ. 2007, p. 566, obs. Fages B.). L'idée était que la cause des engagements devait s'apprécier à la date de
formation de la convention. Certains arrêts avaient adopté une position plus souple en admettant la résolution de la clause, mais
dans le cas particulier où la perte d'intérêt découlait directement d'un manquement contractuel du partenaire (Cass. 3e civ., 3 mai
2007, no 06-11.591, Bull. civ. III, no 67, Contrats, conc., consom. 2007, comm. 181, obs. Malaurie-Vignal M., JCP G 2007, II, no
10179, note Roussille M., D. 2007, p. 2068, note Rochfeld J., RDC 2007, p. 1210, obs. Seube J.-B. : ayant omis d'insérer la même
clause dans les nouveaux baux consentis dans la même zone commerciale, un bailleur avait commis une faute dans l'exécution du
contrat qui rendait « "de fait impossible le respect de ladite clause" » et qui justifiait « "la résolution de la clause de non-concurrence
insérée dans le bail liant Mme X à la SCI à compter de la date de l'assignation" »).
Les termes ambigus de l'article 1186 du Code civil, consacré à la caducité du contrat, ne permettent pas réellement de savoir s'il est,
désormais, possible de mettre fin aux engagements en raison de la survenance d'un événement postérieur privant ceux-ci de leur
intérêt (voir en faveur de cette prise en compte : Tournaux S., Chronique d'actualité du régime juridique du contrat de travail, Dr. soc.
2016, p. 650 ; rappr. Pagnerre Y., Impact de la réforme du droit des contrats sur le contrat de travail, Dr. soc. 2016, p. 727).
Remarque Puisqu'il n'est pas sûr qu'elles puissent être déchargées en cas de cessation d'activité, les parties ont tout intérêt à
prévoir, dans leurs clauses, les conséquences de la survenance d'un tel événement (Pagnerre Y., Impact de la réforme du droit des
contrats sur le contrat de travail, précité).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceC. ​ Le
rayonnement de la clause de non-concurrence

2893 - Détermination du débiteur et du créancier

A priori, nul autre que le débiteur ne peut se voir contraint d'exécuter la clause (C. civ., art. 1199). La règle vaut, entre autres, en
présence d'une clause de non-concurrence statutaire : un gérant non associé ne peut être tenu en vertu de ce type de clause, sauf à
s'obliger personnellement, mais son engagement ne saurait découler de la simple signature d'un procès-verbal de nomination
accompagné de la mention « "bon pour acceptation des fonctions de gérant" » (Cass. com., 10 juill. 2012, no 11-20.268, Rev.
sociétés 2013, p. 219, note Roussille M.).
L'application du principe d'effet relatif des conventions (et, éventuellement, du principe de l'autonomie de la personne morale) fait
surtout débat lorsque celle-ci est susceptible de contrarier l'efficacité de la clause. En matière de garantie d'éviction, la Cour de
cassation fait preuve d'un certain réalisme en jugeant que « "si le vendeur est une personne morale cette interdiction pèse non
seulement sur elle, mais aussi sur son dirigeant ou sur les personnes qu'il pourrait interposer" » (Cass. com., 24 mai 2005, no 02-
19.704, Bull. civ. IV, no 112 ; Contrats, conc., consom. 2005, comm. 135, obs. Malaurie-Vignal M. ; adde CA Aix-en-Provence, 8e
ch. A, 24 févr. 2011, no 09/12977 ; CA Paris, pôle 5, ch. 4, 14 oct. 2015, no 13/09110). Sur le terrain des clauses de non-
concurrence, certains arrêts s'inscrivent aussi dans cette ligne (Cass. com., 5 déc. 2000, no 98-20.706 ; CA Nancy, ch. com. 2, 18
févr. 2004, no 01/02754, Contrats, conc., consom. 2005, comm. 27, obs. Malaurie-Vignal M.).
Mais les arrêts les plus nombreux privilégient une application stricte du principe de relativité. On peut les en approuver, d'autant que la
solution peut être relayée par le principe d'interprétation stricte des clauses litigieuses (voir no 2896). Il a ainsi été jugé que :

​ l'ancien dirigeant de la société débitrice ne pouvait se voir opposer la clause dès lors qu'il « "n'était pas
partie à l'acte de cession dans lequel était stipulée la clause litigieuse, qu'il n'y était pas visé nommément
et qu'il ne l'avait jamais acceptée" », (Cass. com., 11 juill. 2006, no 04-20.552, D. 2006, p. 2923, obs.
Gomy M., Dr. sociétés déc. 2006, comm. 176, obs. Lécuyer H.) ;
​ les associés et cogérants de la société débitrice ne pouvaient être condamnés pour violation de la clause à

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laquelle ils n'étaient pas parties (Cass. com., 9 janv. 2019, no 17-20.526, D. 2019, p. 2374, obs. Gomy M.) ;
​ une société ne pouvait, non plus, se voir imputer un manquement à l'obligation de non-concurrence
souscrite par d'autres, cette société eût-elle été créée par la gérante et unique associée de la société
débitrice (Cass. com., 3 mars 2015, no 13-18.164, AJ Contrats d'affaires 2015, p. 225, obs. Lecourt A., JCP E
2016, 1347, no 35, obs. Ballot-Léna A.) ;
​ « "la clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail engage les seules parties à ce contrat ;
"(…)" elle ne peut donc porter atteinte à la liberté du travail d'un tiers, fût-il le conjoint du salarié ou uni à
lui par un lien de parenté ou d'alliance" » (Cass. soc., 4 juin 1998, no 95-43.133, Bull. civ. V, no 305).

Remarque La Cour de cassation évite de verser dans le procès d'intention, ce qui est une bonne chose. Cela étant, les créanciers ne
sont pas complètement démunis :

​ d'abord, rien n'interdit de plaider la fraude lorsque le débiteur et le tiers sont de connivence (rappr. Cass.
com., 22 janv. 1991, no 88-17.899) ;
​ ensuite, une bonne rédaction du contrat permet de prévenir la plupart des difficultés, la part prise par le
débiteur dans l'activité concurrente traduisant souvent une violation de son propre engagement (voir
no2898). Le tiers interposé peut être dès lors responsable en tant que tiers complice (voir no2895) ;
​ enfin, un arrêt pour l'heure isolé a considéré que, lorsque l'activité litigieuse était exercée, pendant la
durée du contrat, par le dirigeant de la société débitrice, ce dernier pouvait engager sa responsabilité
délictuelle au titre d'une faute séparable de ses fonctions (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 13 nov. 2019, no
19/00499, LEDICO févr. 2020, no 2, p. 3, obs. Simon F.-L.).

Les mêmes règles prévalent encore lorsqu'il s'agit, en sens inverse, de déterminer le créancier de la clause. Ayant par exemple
souscrit un engagement de non-concurrence envers une société, le débiteur ne peut être considéré comme obligé envers les autres
sociétés du groupe qui ne sont pas en principe créancières (Cass. soc., 22 mai 1995, no 93-41.719, Bull. civ. V, no 162, D. 1996, p.
325, obs. Picod Y.).
Cependant, il a été jugé que le préjudice pouvant résulter des manquements d'un avocat associé à la clause souscrite par lui à
l'occasion de la cession de ses parts sociales, et consistant en une perte de chiffre d'affaires consécutif à une perte substantielle de
clientèle, ne pouvait avoir été subi que par la société d'exercice libéral postérieurement créée par le cessionnaire, de sorte que la
demande présentée par cette société était recevable (Cass. 1re civ., 17 mars 2016, no 15-15.352, Dr. sociétés juin 2016, comm.
101, obs. Hovasse H.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceC. ​ Le
rayonnement de la clause de non-concurrence

2894 - Transmission de la clause de non-concurrence aux ayants cause

Il résulte d'une jurisprudence constante que la créance de non-concurrence se transmet à l'ayant cause à titre particulier (Cass. 1re
civ., 3 déc. 1996, no 95-10.913, Bull. civ. I, no 436, JCP G 1997, II, no 22799, note Daigre J.-J., Defrénois 1997, art. 36516-15,
obs. Delebecque Ph., RTD civ. 1997, p. 420, obs. Mestre J. : « "la clause de non-concurrence souscrite par un membre d'une
profession libérale au profit d'un confrère à l'occasion de la cession des éléments constitutifs de son cabinet, doit être, sauf clause
contraire, présumée comprise parmi les droits transmis par le cessionnaire lorsqu'il vient, à son tour, à procéder à la même opération
au profit d'un tiers" » ; CA Paris, ch. 16, sect. A, 3 mai 2000, no 1997/05355). Elle se transmet aussi, bien sûr, à l'ayant cause
universel ou à titre universel (CA Paris, 13 nov. 1883, S. 1884, 2, p. 40, cité par Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép. com. Dalloz,
Concurrence (obligation de non-concurrence), no 147).
Il est tout aussi classiquement jugé qu'à l'inverse, la dette de non-concurrence n'est pas transmise à l'ayant cause à titre particulier.
L'acquéreur d'un fonds de commerce, par exemple, ne recueille pas la dette qui pesait sur son vendeur ; il ne peut être tenu qu'à
condition que la clause ait été insérée dans le contrat et qu'il l'ait acceptée (Cass. com., 1er avr. 1997, no 95-12.025, Bull. civ. V, no
89, D. 1998, p. 111, obs. Libchaber R., D. 1998, p. 214, obs. Serra Y., RTD civ. 1998, p. 399, obs. Gautier P.-Y. ; Cass. com., 11
mars 2014, no 13-12.507, Contrats, conc., consom. 2014, comm. 133, obs. Malaurie-Vignal M. ; addeCass. com., 6 nov. 2012, no
11-19.457, qui condamne l'idée qu'un cédant d'actions aurait eu l'obligation implicite de transmettre au cessionnaire l'obligation de
non-concurrence dont il était lui-même responsable au titre d'une première cession). Si les conditions en étaient remplies, l'acquéreur
d'un fonds immobilier pourrait être toutefois tenu, en sa qualité de propriétaire, au titre d'une servitude de non-concurrence qui aurait
été constituée sur ledit fonds (Cass. com., 15 juill. 1987, no 86-11.272, Bull. civ. IV, no 184, RTD civ. 1989, p. 351, obs. Zénati Fr. ;
Cass. 3e civ., 24 mars 1993, no 91-11.690, Bull. civ. III, no 45, RTD civ. 1993, p. 853, obs. Zénati Fr.).

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Il est plus difficile de savoir, en revanche, si une dette de non-concurrence peut être transmise à un ayant cause à titre universel.
Certains arrêts s'y refusent (CA Poitiers, 17 juin 1981, JCP N 1985, II, p. 124, note Beauchard J. : refus en cas de décès du
franchisé) ; d'autres l'admettent (Cass. req., 6 nov. 1923, Gaz. Pal. 1924, 1, p. 37, cité par Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép.
com. Dalloz, Concurrence (obligation de non-concurrence), no 148 ; Cass. com., 17 mai 1971, no 70-10.175, Bull. civ. IV, no 133, à
propos d'une succession ; CA Nancy, ch. com. 2, 13 oct. 2010, no 07/00905, à propos d'une fusion-absorption ; adde mais en
présence d'une clause en ce sens : CA Montpellier, ch. 2, 27 mai 2014, no 13/03699). Certains auteurs enseignent que la solution
devrait dépendre du fait de savoir « "si le successeur à titre universel du débiteur de non-concurrence initial dispose ou non de
moyens particuliers attachés à sa qualité d'ayant cause qui lui permettent de développer une concurrence dangereuse pour le
créancier" » (Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép. com. Dalloz, Concurrence (obligation de non-concurrence), précité).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 1. Les effets de la clause de non-concurrenceC. ​ Le
rayonnement de la clause de non-concurrence

2895 - Opposabilité aux tiers et par les tiers

La règle de l'opposabilité du contrat aux tiers, désormais formulée par l'article 1200 du Code civil, s'applique naturellement en la
matière (voir no s 1737 et s.). Parce qu'ils doivent respecter la situation juridique créée par le contrat, les tiers peuvent engager leur
responsabilité s'ils se rendent complices de la violation par le débiteur de son engagement de non-concurrence. C'est ainsi que «
"toute personne qui sciemment emploie un salarié en violation d'une clause de non-concurrence, dont la licéité n'est pas contestée,
commet une faute délictuelle à l'égard de la victime de l'infraction sans qu'il soit besoin d'établir à son encontre l'existence de
manœuvres dolosives et la similitude des clientèles" » (Cass. com., 22 févr. 2000, no 97-18.728, CCC 2000, comm. 81, obs.
Malaurie-Vignal M.).
La connaissance de l'existence de la clause par le tiers peut résulter, par exemple, de ce que le gérant de la société complice avait
également été le gérant de la société partie à l'acte (Cass. com., 16 févr. 2016, no 13-24.284, JCP E 2016, 1347, no 36, obs.
Ballot-Léna A.), ou de ce que le nouvel employeur a pris soin d'affecter sa salariée sur une zone en dehors de celle stipulée dans sa
clause (Cass. com., 18 sept. 2019, no 17-31.260, LEDICO déc. 2019, no 11, p. 5, obs. Bucher Ch.-É.). Dans une pente plus sévère,
certains arrêts ont même admis que la faute du tiers puisse découler du simple fait qu'il n'avait procédé à aucune vérification en
s'attachant les services du contractant défaillant, alors que l'expérience professionnelle de ce dernier l'imposait (Cass. com., 11 juill.
2000, no 95-21.888 ; contraCA Dijon, 2e ch. civ., 8 mars 2018, no 16/01118, LEDICO juin 2018, no 6, p. 3, obs. Bucher Ch.-É.).
Les juges se contentent aussi parfois du fait que, dans le secteur considéré, les clauses sont « "usuelles" » (Cass. com., 14 oct.
2020, no 18-20.922, D. 2020, p. 2421, obs. Robinne S.).
Facilitant en outre l'indemnisation de la victime, la jurisprudence décide qu'il s'infère « "nécessairement" » d'une tierce participation à
la violation d'une clause un préjudice, « "fût-il seulement moral" » (Cass. com., 18 déc. 2007, no 05-13.697, CCC 2008, comm. 86,
obs. Malaurie-Vignal M.). Encore faut-il, bien sûr, que la clause ne soit pas nulle (Cass. com., 29 janv. 2008, no 06-18.654, Bull. civ.
IV, no 22, CCC 2008, comm. 111, obs. Malaurie-Vignal M.). La combinaison d'un contentieux contractuel et délictuel, qui ne heurte
en rien le principe de non-cumul des ordres de responsabilité (Cass. com., 24 mars 1998, no 96-15.694, Bull. civ. IV, no 111), pourra
éventuellement poser problème sur le plan de la compétence juridictionnelle. La Cour de cassation a précisé à ce titre qu'étant saisie
d'un litige entre deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violation de clause de
non-concurrence et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, la juridiction commerciale n'est
pas empêchée, en l'absence de décision de la juridiction prud'homale, non saisie par les parties au contrat sur la validité ou la nullité
de la clause, de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs (Cass. com., 14 mai 2013, no 12-
19.351, Bull. civ. IV, no 75, Dr. soc. 2013, p. 576, obs. Tournaux S., Dr. soc. 2013, p. 622, obs. Poumarède M., Dr. soc. 2013, p. 649,
obs. Mouly J.). La juridiction commerciale doit en revanche surseoir à statuer lorsque la juridiction des prud'hommes a été saisie ;
cela étant, « il n'en va pas de même du juge des référés commercial, dont la décision présente un caractère provisoire et ne tranche
pas le litige au fond » (Cass. com., 9 juin 2021, no 19-14.485, publié au Bulletin).
La règle symétrique de l'opposabilité du contrat par les tiers doit aussi s'appliquer. La question se pose seulement de savoir à quelles
conditions. Transposant en la matière sa fameuse jurisprudence Myr'Ho (Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, no 05-13.255, Bull. ass. plén.,
no 9), la Cour de cassation a accepté qu'un tiers, preneur à bail, puisse invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un
manquement contractuel né de la violation d'une clause de non-concurrence insérée dans le contrat conclu par un autre locataire
avec le même bailleur, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass. 3e civ., 13 juill. 2010, no 09-67.516, Bull. civ. III,
no 146, CCC 2010, comm. 240, obs. Leveneur L., RTD com. 2010, p. 693, obs. Kendérian F., RDC 2011, p. 73, obs. Viney G.). En
l'état, cette jurisprudence est toujours d'actualité (Cass. ass. plén., 13 janv. 2020, no 17-19.963, publié au Bulletin, AJ Contrat
2020, p. 80, note Latina M., D. 2020, p. 416, note Borghetti J.-S. ; voir no s 1743 et s.).

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 2. La violation de la clause de non-concurrence

2896 - L’interprétation de la clause de non-concurrence

Le champ de l'illicite étant borné par le contrat, il est logique que le contentieux de l'inexécution soit d'abord nourri par un contentieux
de l'interprétation. La clause de non-concurrence fait à ce titre, aujourd'hui, l'objet d'une interprétation stricte, que justifie l'atteinte
qui peut être portée aux libertés en cause (Cass. soc., 17 janv. 2006, no 04-41.038, Bull. civ. V, no 15, RLC 2006/7, no 526, obs.
Chagny M. ; Cass. 1re civ., 4 févr. 2015, no 13-26.452, Bull. civ. I, no 28, RTD civ. 2015, p. 409, obs. Gautier P.-Y. : « "les clauses de
non-réinstallation conclues entre professionnels de santé, susceptibles de porter atteinte tant à la liberté d'exercice de la profession
qu'à la liberté de choix des patients, sont d'interprétation stricte et ne peuvent être étendues au-delà de leurs prévisions" »).

L'application de l'article 1190 du Code civil, issu de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.), aux termes duquel «
"dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui
qui l'a proposé" », conduira à notre sens au même résultat.
Remarque L'interprétation stricte n'est pas une interprétation restrictive. Si le contrat de cession du fonds de commerce d'une
société interdit à son gérant, non seulement « "de se rétablir, directement ou indirectement comme simple associé ou par
l'intermédiaire d'un membre de sa famille dans un fonds de commerce de nature similaire" », mais aussi de « "s'intéresser" » dans les
mêmes conditions à un fonds similaire, les juges ne peuvent, en cas d'ouverture d'un commerce exploité par une société dont les
associés sont la compagne et un ancien salarié du gérant, rejeter les demandes du créancier au motif que la preuve n'est pas
rapportée que le gérant aurait méconnu l'obligation de non-rétablissement. En occultant l'obligation de non-intéressement, ces
derniers dénaturent les termes clairs et précis du contrat (Cass. com., 11 janv. 2017, no 15-20.780, Concurrences, 2-2017, p. 126,
obs. Durand V., Gaz. Pal. 14 mars 2017, p. 80, obs. Conseil R., AJ Contrat 2017, p. 137, obs. Picod Y.). De même, si une clause
interdit au signataire d'un pacte d'actionnaires de « "ne pas exercer ou entreprendre" » une activité concurrente, le second verbe doit
permettre de « "viser, en amont, les situations à risque de concurrence, englobant les engagements ou démarches permettant
d'entreprendre une activité concurrente" » (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 9 févr. 2017, no 15/20098, Dr. sociétés juill. 2017, comm. 118,
obs. Mortier R.).

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concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 2. La violation de la clause de non-concurrence

2897 - L’activité interdite par la clause de non-concurrence

L'inexécution suppose que l'activité exercée corresponde à l'activité interdite par la clause (Picod Y., Auguet Y. et Gomy M., Rép. com.
Dalloz, Vº Concurrence (obligation de non-concurrence), no s 159 et s.).
Il n'est pas interdit, par exemple :

​ d'exploiter un fonds de restauration rapide destinée à une clientèle qui n'a l'intention de consommer des
boissons qu'à titre secondaire, lorsque la clause interdit l'exploitation d'un fonds « "similaire" » à celui
vendu, dont la clientèle a pour « "intention principale de consommer des boissons" » (Cass. com., 26 oct.
1993, no 92-10.631, Bull. civ. IV, no 356) ;
​ d'exercer une activité de location d'une salle à des particuliers ou à des entreprises qui font leur affaire
personnelle de la fourniture des repas et des boissons dans le cadre de fêtes, réunions ou soirées de
caractère privé, lorsque la clause interdit l'exploitation d'un fonds « "similaire" » à c e l u i v e n d u , e n
l'occurrence un débit de boissons, salon de thé et restaurant permettant au public de consommer sur place,
sans organisation de repas de famille ou d'affaires (Cass. com., 20 sept. 2011, no 10-20.664, RTD com.
2012, p. 80, obs. Saintourens B.) ;
​ d'exercer une activité de bar de nuit, sans restauration, lorsque l'activité du fonds cédé est celle de
brasserie (Cass. com., 8 avr. 2014, no 13-14.693, sur le fondement de la garantie d'éviction) ;
​ d'adopter, avec plusieurs magasins, une enseigne commune, lorsque la clause d'un contrat de franchise
interdit une affiliation post-contractuelle, un tel comportement ne suffisant pas à constituer un réseau (CA
Paris, pôle 5, ch. 4, 23 janv. 2019, no 16/15238, Concurrences 2-2019, p. 107, obs. Buy Fr.).

En revanche, iI y a faute pour le débiteur à :

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​ exercer l'activité d'enseignement de ski aux particuliers, lorsque la désignation du fonds de commerce
comprend, au-delà de l'enseignement en école de ski, l'enseignement de tout sport (Cass. com., 5 avr.
2016, no 14-27.170) ;
​ s'adresser à une clientèle pour laquelle les modems fabriqués présentent avec le modem Apple « "une
triple communauté de besoin, de fonction et de performances" », lorsque la clause vise la fabrication de «
"tout produit qui pourrait faire concurrence directe au modem Apple" » (Cass. com., 30 nov. 1999, no 97-
18.040).

Le contentieux est très factuel et les directives de principe ne sont pas nombreuses. On peut au mieux noter que :

​ la clause interdisant à un salarié d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire" « ne
s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais
appartiennent au même groupe économique »" (Cass. soc., 29 janv. 2014, no 12-22.116, Bull. civ. V, no 35,
Dr. soc. 2014, p. 383, obs. Mouly J., Dr. soc. 2014, p. 760, obs. Tournaux S. ; Cass. soc., 12 sept. 2018, no
17-10.853, publié au Bulletin, Dr. soc. 2018, p. 1061, obs. Mouly J., RTD civ. 2018, p. 894, obs. Barbier H.) ;
​ « "l'intégration dans un même réseau de distribution ne suffit pas en elle-même à exclure l'existence d'un
état de concurrence entre les entreprises qui en font partie" » (Cass. soc., 16 mai 2012, no 11-10.712, Bull.
civ. V, no 152, Contrats, conc., consom. 2012, comm. 204, obs. Malaurie-Vignal M., RDT 2012, p. 418, note
Ferrier N.) ;
​ la violation d'une clause doit « "s'apprécier au regard de l'activité effectivement exercée" » (Cass. com., 20
sept. 2011, no 10-20.664, précité) ;
​ les juges ne doivent pas, dans le même esprit, s'arrêter à la dénomination des nouvelles fonctions du
débiteur (Cass. soc., 20 nov. 2013, no 12-20.074, Bull. civ. V, no 275, RDT 2014, p. 32, obs. Auzero G., RDC
2014, p. 203, obs. Deshayes O.) ;
​ le manquement peut découler de la trop grande précipitation à prendre acte de la propre défaillance du
créancier pour passer au service d'un concurrent (Cass. soc., 20 nov. 2013, no 12-20.074, précité : « "la cour
d'appel, qui a constaté qu'il ne s'était écoulé que quelques jours entre le départ du salarié de l'entreprise,
à la suite de la dispense d'exécution du préavis, et la décision de l'employeur de ne pas verser la
contrepartie financière, a pu en déduire que ce délai ne suffisait pas à libérer le salarié de son obligation,
qu'il avait aussitôt méconnue en passant au service d'une entreprise concurrente" »).

À quoi il faut ajouter que l'activité litigieuse n'est évidemment interdite que dans les limites, géographiques et temporelles, fixées par
la clause. Il est, par exemple, toujours possible pour le cédant d'un fonds de commerce, débiteur d'une obligation de non-
réinstallation, de se réinstaller hors du périmètre stipulé (Cass. com., 8 avr. 2014, no 13-11.377, Concurrences, 3-2014, p. 122,
obs. Durand V., Contrats, conc., consom. 2014, comm. 154, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2014, p. 2488, obs. Gomy M., RTD civ.
2014, p. 647, obs. Barbier H.). Cela étant, certains cas ne sont pas évidents (par exemple, Cass. com., 9 févr. 1999, no 96-15.834,
Bull. civ. IV, no 42, D. 2000, p. 323, obs. Auguet Y. : « "une clause de non-concurrence interdisant à un salarié d'une entreprise, après
son départ de travailler dans un secteur géographique déterminé pendant une période limitée, fait obstacle à ce que ce dernier, même
s'il est employé dans une entreprise située en dehors de la zone d'interdiction, effectue des travaux commandés par des clients de
son ancienne société résidant dans le secteur géographique visé" » ; contra CA Grenoble, 18 nov. 2004, no 03/02597, Contrats,
conc., consom. 2005, comm. 130, obs. Malaurie-Vignal M.).

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concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 2. La violation de la clause de non-concurrence

2898 - Les modes de concurrence interdits par la clause

La clause se réfère généralement à un ou plusieurs modes de concurrence interdits. Il convient alors, à la lumière du principe
d'interprétation stricte (voir no 2896), de comparer ce que fait le débiteur et ce que prévoit la clause (Picod Y., Auguet Y. et Gomy M.,
Rép. com. Dalloz, Vº Concurrence (obligation de non-concurrence), no s 163 et s.). Ainsi :

​ une infirmière ne viole pas une clause de non-réinstallation en continuant d'exercer son activité sur le
territoire visé, dès lors qu'elle ne s'y est pas « "installée" » en ouvrant un cabinet (Cass. 1re civ., 4 févr.
2015, no 13-26.452, Bull. civ. I, no 28) ;
​ une activité de salarié dans un fonds concurrent est en soi insuffisante pour caractériser un manquement à
la clause par laquelle un vendeur s'interdit « "de s'intéresser directement ou indirectement dans
l'exploitation d'un semblable fonds" » (Cass. com., 8 déc. 1992, no 91-11.826, Bull. civ. IV, no 395, D. 1994,

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p. 76, obs. Picod Y.) ;
​ une participation détenue avant l'acte de cession dans la société gérée par le fils du cédant ne caractérise
pas une violation de la clause qui n'interdit qu'une « "participation active à l'exploitation du fonds de
commerce" (d'une autre société) "postérieurement à la cession" » (Cass. com., 12 déc. 2018, no 17-18.640,
JCP E 2019, 1531, no 3, obs. Pagnucco J.-Ch., Bull. Joly Sociétés mai 2018, p. 10, note Saintourens B. ;
comp. Cass. com., 7 déc. 2010, no 09-71.611, jugeant que le cédant d'un fonds de commerce ne pouvait
conserver les intérêts qu'il détenait antérieurement à la cession dans une société exerçant des activités
concurrentes de celles du fonds cédé) ;
​ un apport en compte courant ne caractérise pas non plus, et en soi, une violation de la clause qui interdit
toute « "participation active" » (Cass. com., 12 déc. 2018, no 17-18.640, précité) ;
​ le seul fait, pour une consultante, de devenir actionnaire d'une société concurrente ne constitue pas, en
lui-même et compte tenu du contexte dans lequel il intervient, une violation de la clause par laquelle le
débiteur s'interdit « "d'apporter son concours directement ou par personne interposée dans le domaine
scientifique à des entreprises susceptibles de concurrencer la société "(créancière) » (Cass. com., 2 déc.
2008, no 07-17.521, Bull. Joly Sociétés 2009, p. 350, obs. Poracchia D.).

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concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 2. La violation de la clause de non-concurrence

2899 - Le cas des actes préparatoires

La concurrence n'a pas à être effective. Si une clause interdit par exemple à un salarié « "toute activité portant, sous une forme
quelconque, sur la promotion et la commercialisation de produits susceptibles de concurrencer les produits sur lesquels aura porté "
(son) "activité de chef de vente régional" », il faut en déduire que cette clause empêche toute embauche dans les activités de
promotion et de commercialisation d'une activité concurrente, « "sans qu'il soit nécessaire que des actes de concurrence concrets
soient consommés" » (Cass. soc., 18 déc. 1997, no 95-42.201, Bull. civ. V, no 460).
Mais un manquement peut-il encore se concevoir, plus en amont, lorsque le débiteur se contente de préparer l'activité interdite ?
Certains arrêts l'ont admis à partir d'une interprétation du contrat (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 9 févr. 2017, no 15/20098, Dr. sociétés
juill. 2017, comm. 118, obs. Mortier R. : interdiction « "d'entreprendre" »). D'autres n'ont même pas pris cette précaution (CA Paris,
pôle 5, ch. 4, 8 mars 2017, no 15/16032, Concurrences, 2-2017, p. 112, obs. Eréséo N. : actes préparatoires pendant le contrat,
alors que la clause n'interdisait qu'une concurrence post-contractuelle). La Cour de cassation juge en revanche que « "le fait pour un
salarié de solliciter un emploi au sein d'une société concurrente ne caractérise pas, à lui seul, une violation d'une clause de non-
concurrence" » (Cass. soc., 10 avr. 2013, no 11-25.619, Dr. soc. 2013, p. 859, obs. Mouly J., RTD civ. 2013, p. 371, obs. Fages B.
et Barbier H.). La simple tentative serait ainsi absoute (Fages B. et Barbier H., obs. sous Cass. soc., 10 avr. 2013, no 11-25.619,
précitées).

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concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 2. La violation de la clause de non-concurrence

2900 - Le cas de l’interposition de personne

En principe, le débiteur n'est pas responsable lorsque l'activité concurrentielle est exercée par un tiers (voir no 2893) et les liens qui
peuvent éventuellement exister entre eux n'y changent rien (Cass. com., 4 mai 1993, no 91-20.374, Bull. civ. IV, no 161 : les juges
du fond ne peuvent pas reprocher au cédant d'un fonds de commerce de café-débit de boissons, vivant maritalement avec la
nouvelle locataire-gérant du fonds, d'avoir violé sa clause, « "sans préciser en quoi le comportement de M. Y dans le fonds de
commerce exploité par un tiers entrait dans les prévisions de la clause litigieuse" »).

La fraude peut toujours être plaidée (Cass. com., 11 mars 2003, no 00-21.089 : la société débitrice doit répondre des agissements
de ses filiales lorsque celles-ci ont violé la clause « "avec son accord, si ce n'est à son instigation" »). Mais les juges sont parfois
exigeants (Cass. com., 15 déc. 1992, no 90-15.552, Bull. civ. IV, no 409, RTD com. 1993, p. 565, obs. Bouloc B., D. 1994, p. 75,
obs. Picod Y. : le fait pour une société tierce de procéder à la commercialisation de véhicules d'une marque concurrente, sous une
dénomination voisine de celle de la société débitrice, avec le même capital, les mêmes actionnaires à une exception près, les mêmes
administrateurs et le même président-directeur général ne suffit pas à établir en quoi la société débitrice a agi en fraude des droits du
créancier).

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Le mieux est encore de correctement rédiger le contrat. Si les parties l'ont prévu, le débiteur peut engager sa responsabilité au titre
d'une promesse de porte-fort (Cass. com., 28 mai 2013, no s 12-16.879 et 12-26.317 ; addeCass. com., 8 mars 2016, no 14-
24.921, rappelant qu'en l'absence d'engagement exprès, il faut au moins un « "acte manifestant l'intention certaine et non
équivoque" » du débiteur). Si la clause est accueillante, le débiteur pourra en outre, et plus directement, se voir reprocher la violation
de son engagement personnel de ne pas concurrencer le créancier (Cass. com., 11 janv. 2017, no 15-20.780, Concurrences 2-
2017, p. 126, obs. Durand V. : interdiction de s'intéresser à un fonds similaire par l'intermédiaire d'un membre de sa famille ; Cass.
com., 9 janv. 2019, no 17-20.526, D. 2019, p. 2374, obs. Gomy M. : interdiction de s'intéresser « "par personne interposée" »,
méconnue dès lors que l'activité interdite était exercée par une société constituée par les deux associés cogérants de la société
débitrice).
De façon plus atypique, le simple caractère intuitu personae du contrat principal a également suffi à rendre une société responsable
de la déloyauté de son dirigeant (Cass. com., 14 nov. 2018, no 17-19.851, RTD civ. 2019, p. 100, obs. Barbier H., au sujet d'un
engagement de non-concurrence tacite souscrit par une société franchisée pendant l'exécution du contrat de franchise, et violé par
son dirigeant).

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2901 - Preuve de la violation de la clause de non-concurrence

Il appartient en principe à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve de l'éventuelle violation de l'interdiction (Cass. soc., 25 mars
2009, no 07-41.894, Bull. civ. V, no 85, D. 2009, p. 2714, obs. Delebecque Ph., Dr. soc. 2009, p. 740, obs. Mouly J.). On devrait
admettre la validité d'une clause contractuelle qui disposerait du contraire ; la solution ne vaut pas, toutefois, en droit du travail
(Cass. soc., 25 mars 2009, no 07-41.894, précité).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 3 La clause de non-
concurrenceSection 3 Le régime de la clause de non-concurrence§ 2. La violation de la clause de non-concurrence

2902 - Les sanctions de la violation de la clause de non-concurrence

La défaillance du débiteur peut être, tout d'abord, et naturellement, sanctionnée au titre d'une responsabilité contractuelle. La
réforme du droit des contrats issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 (JO 11 févr.) a cependant modifié un peu la
donne. La Cour de cassation jugeait en effet depuis quelques années, au moins en ce qui concernait les clauses de non-réinstallation
en matière civile, que les dommages-intérêts étaient dus par le seul fait de la contravention et que le créancier ne pouvait être
débouté de sa demande au seul motif qu'aucun préjudice n'était établi (Cass. 1re civ., 10 mai 2005, no 02-15.910, Bull. civ. I, no
201, RLDC 2005/18, no 725, obs. Le Gallou C., RTD civ. 2005, p. 594, obs. Mestre J. et Fages B., RTD civ. 2005, p. 600, obs.
Jourdain P., Defrénois 2005, art. 38207-57, obs. Aubert J.-L., RDC 2006, p. 326, obs. Mazeaud D. ; Cass. 1re civ., 31 mai 2007, no
05-19.978, Bull. civ. I, no 212, RLDC 2007/42, no 2681, note Le Gallou C., JCP G 2007, I, no 185, obs. Stoffel-Munck Ph., RTD civ.
2007, p. 568, obs. Fages B., RTD civ. 2007, p. 776, obs. Jourdain P., RDC 2007, p. 1118, obs. Laithier Y.-M. ; adde pour une
application en matière de clause de non-sollicitation : CA Paris, pôle 5, ch. 11, 1er juill. 2016, no 13/20772, CSBP 2016, no 288, p.
409, obs. Chenu D.). La solution s'appuyait sur une interprétation littérale de l'ancien article 1145 du Code civil, qui est aujourd'hui
supprimé ; il sera dès lors difficile de la maintenir sous l'empire des nouveaux textes (voir d'ailleurs récemment, en application du
droit ancien : Cass. com., 26 sept. 2018, no 16-28.133, publié au Bulletin, D. 2018, p. 2326, obs. Riéra A., Bull. Joly Sociétés 2018,
p. 680, obs. Julienne M.). Quoi qu'il en soit, l'automaticité de la réparation pourra, comme avant, découler du jeu d'une clause pénale
(par exemple : Cass. 1re civ., 17 déc. 2015, no 14-18.378, Bull. civ. I, no 332, Dalloz Actualité, 15 janv. 2016, obs. de Ravel
d'Esclapon T. ; Cass. soc., 10 juill. 2019, no 17-28.717).
Le créancier de l'engagement de non-concurrence peut, ensuite, poursuivre son exécution forcée en nature. Il était admis de longue
date qu'il pût, notamment, faire détruire ce qui avait été fait en violation de la clause (C. civ., anc. art. 1143) : fermeture des
commerces ouverts en contravention (Cass. soc., 24 janv. 1979, no 77-41.536, Bull. civ. V, no 67) ou bien cessation d'activité du
débiteur réinstallé à son compte (Cass. com., 20 janv. 1981, no 79-16.521, Bull. civ. IV, no 41), le cas échéant, en référé (CA Paris,
pôle 1, ch. 2, 16 nov. 2017, no 16/16213, AJ Contrat 2018, p. 44, obs. Lecourt A. ; Cass. soc., 6 mars 2019, no 18-10.406). Ces
solutions perdureront sous le régime désormais en vigueur (C. civ., art. 1222), à ceci près que les juges disposeront d'une marge
d'appréciation nouvelle qu'implique la référence aux « "délai et (…) coût raisonnables" ».

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Remarque Une mesure de cessation ne pourrait être prononcée, désormais, qu'à condition de ne pas être disproportionnée. Telle
est l'importante leçon qui s'évince d'un arrêt, certes non publié, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 10
février 2021 (Cass. com., 10 févr. 2021, no 19-10.903, JCP E 2021, 1420, note Riera A.). En l'espèce, le propriétaire d'un terrain
avait vendu une parcelle à une société qui souhaitait exploiter un restaurant Mc Donald's. Alors que le vendeur était tenu par une
clause de non-concurrence, celui-ci céda finalement l'une de ses parcelles à une société bénéficiaire d'un permis de construire, lequel
avait été obtenu dans l'optique de l'ouverture d'un restaurant Quick. Ayant réclamé la cessation des agissements accomplis en
violation de la clause, et notamment l'interdiction d'exploiter sur les parcelles litigieuses, l'acquéreur vit ses demandes rejetées par les
juges du fond qui, avec l'approbation de la Cour de cassation, expliquèrent qu'il « "(convenait) de tenir compte de la réalité des
préjudices subis et du principe de liberté d'entreprise pour considérer que, près de vingt ans après la souscription de la clause de non-
concurrence et huit ans après le début de l'activité illicite, l'interdiction demandée (était) disproportionnée" ». Attention, donc, à cette
nouvelle forme de contrôle judiciaire !
La Cour de cassation est plus réticente, en revanche, à admettre que le créancier puisse demander la résolution du contrat conclu en
violation de la clause. Après avoir justifié son refus par les pouvoirs, forcément limités, du juge des référés (Cass. soc., 13 mai 2003,
no 01-17.452, Bull. civ. V, no 161, D. 2003, p. 1154, obs. Bugada A., RTD civ. 2003, p. 705, obs. Mestre J. et Fages B.), la Haute
juridiction a plus fermement énoncé que « "pas plus que le juge du principal, le juge des référés n'a (…) le pouvoir, à la demande d'un
tiers, d'ordonner la résiliation d'un contrat de travail ni de prendre une mesure entraînant la rupture de celui-ci" » (Cass. soc., 18 nov.
2009, no 08-19.419, Bull. civ. V, no 258, JCP S 2010, 1051, note Bugada A., Dr. soc. 2010, p. 119, obs. Radé Ch., à propos d'une
clause de non-sollicitation). Rien ne permet de dire que cette jurisprudence sera abandonnée. À noter que la demande d'interdiction
devient, en toute hypothèse, sans objet lorsque le délai contractuellement prévu est expiré (CA Bourges, ch. civ., 10 juill. 2014, no
13/01204, AJ Contrats d'affaires 2014, p. 343, obs. Robinne S.).
Le créancier peut être enfin déchargé de ses propres obligations. La commercialisation par un franchisé de produits concurrents
constitue par exemple une faute grave justifiant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé (CA Paris, pôle 5, ch. 4, 7
mars 2018, no 16/00634, LEDICO mai 2018, no 5, p. 2, obs. Bucher Ch.-É.). Sans que l'on sache vraiment s'il s'agit d'une exception
d'inexécution ou d'une résolution (Deshayes O., L'exception d'inexécution et la clause de non-concurrence : un curieux mélange, RDC
2014, p. 203), la Cour de cassation considère par ailleurs que l'employeur n'est pas tenu de verser la contrepartie financière (Cass.
soc., 9 déc. 1992, no 89-40.259 ; Cass. soc., 24 sept. 2008, no 07-40.098, Bull. civ. V, no 176, Dr. soc. 2009, p. 365, obs. Mouly
J.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrément

2903 - Présentation – exclusion du droit des sociétés

La finalité d'une clause d'agrément est de « "permettre au donneur d'agrément de participer au choix d'une personne" » qui est «
"pressentie pour conclure ou poursuivre une opération contractuelle" » (Fages, B., Droit des obligations, LGDJ, 11e éd., 2021, no
66).
Les développements qui suivent traiteront des clauses d'agrément dans leur ensemble, à l'exception des clauses, contractuelles ou
statutaires, que l'on rencontre en droit des sociétés. Le lecteur est prié de se rapporter aux développements qui leur sont par ailleurs
consacrés (voir no s 2638 et s. ; adde Pagnucco J.-Chr., Clause d'agrément, in Les principales clauses des contrats d'affaires, Buy Fr.,
Lamoureux M., Mestre J. et Roda J.-Chr. (sous la dir.), LGDJ, 2e éd., 2019).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
1 Notion de clause d’agrément§ 1. Distinction avec les clauses voisines

2904 - Clause d’agrément et clause de préférence

Les clauses d'agrément et de préférence ne doivent pas être confondues. Tandis que le bénéficiaire d'une clause de préférence peut,
au cas où le promettant déciderait de contracter, espérer traiter avec lui (C. civ., art. 1123), le donneur d'agrément n'a aucune
vocation au contrat. Il n'est titulaire que d'une prérogative qui consiste à permettre ou empêcher l'opération qu'envisage le
cocontractant.
Cela étant, les clauses d'agrément et de préférence peuvent être valablement panachées. On rappellera par ailleurs qu'en droit des
sociétés, l'auteur du refus d'agrément est parfois tenu d'acquérir les titres du cédant.

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Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
1 Notion de clause d’agrément§ 1. Distinction avec les clauses voisines

2905 - Clause d’agrément et clause d’autorisation préalable

La clause d'agrément est parfois distinguée de la clause d'autorisation préalable, à partir d'un critère qui est celui de l'intuitus
personae. En matière de baux commerciaux, par exemple, les praticiens opposent volontiers les clauses d'autorisation de cession, qui
« "obligent seulement à demander l'autorisation du bailleur sur le principe de la cession, sans que le cessionnaire soit déjà connu" »,
et les clauses d'agrément, qui « "contraignent à communiquer les renseignements sur la personne du cessionnaire, et, donc, en cas
d'accord du bailleur, constituent une reconnaissance par avance de la présence du cessionnaire dans les lieux, en dispensant de la
procédure légale" » (Dumont M.-P. et Kenfack H. (sous la dir.), Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz Action, 2021-2022,
no 341.310.110 ; adde CA Aix-en-Provence, 4e ch. civ., sect. A, 22 nov. 1994, no 93/5811 : la clause par laquelle « "le preneur ne
pourra céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce, et après avoir obtenu, au préalable, l'accord par écrit du
bailleur" » s'analyse « "comme une clause d'autorisation préalable du bailleur et non comme une clause d'agrément" »).
Selon une autre grille de lecture, il serait également possible de distinguer l'autorisation, en tant que condition de validité d'une
opération, et l'agrément, en tant que condition d'efficacité de l'opération (voir en matière de vente, Bénabent A., Droit des contrats
spéciaux civils et commerciaux, LGDJ, coll. Domat droit privé, 13e éd., 2019, no s 77 et s.).
Les enjeux d'une telle distinction, qui n'est pas toujours formellement consacrée en jurisprudence et qui n'a rien d'évident dans la
mesure où l'agrément est communément synonyme d'approbation ou d'autorisation (Cornu G., Vocabulaire juridique, Association
Henri Capitant, PUF, 10e éd., 2014, Vº Agrément ; rappr. pour une conception large de l'agrément : Dross W., Clausier. Dictionnaire
des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016, Vº Agrément), pourraient
résider dans les sanctions applicables en cas de violation de la clause (voir no 2912) ou dans les conséquences à tirer d'une réponse
défaillante ou négative (voir no s 2914 et 2916).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
1 Notion de clause d’agrément§ 1. Distinction avec les clauses voisines

2906 - Clause d’agrément et clause d’interdiction

Il est également délicat de distinguer une clause d'agrément et une clause d'interdiction (Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses
ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016). D'une certaine manière, tout droit
d'agrément ne recèle-t-il pas un droit d'interdire ? La question s'est posée à propos de l'article L. 145-16 du Code de commerce qui
dispose que sont « "réputées non écrites, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail
"(…) "à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise" ». Censurant une cour d'appel qui avait estimé que la clause
prévoyant l'autorisation de la bailleresse à la cession du droit au bail était contraire à la loi, la Cour de cassation a jugé que « "la
prohibition des clauses d'interdiction de céder le bail à l'acquéreur du fonds de commerce ne s'applique qu'à une interdiction absolue
et générale de toute cession et non à de simples clauses limitatives ou restrictives" » (Cass. 3e civ., 2 oct. 2002, no 01-02.035, Bull.
civ. III, no 192, Dr. & patr. 2003, no 113, p. 87, obs. Chauvel P., AJDI 2003, p. 30, obs. Dumont M.-P.). La solution paraît équilibrée :
en présence d'un agrément, l'interdiction n'est qu'une éventualité, et non une certitude (voir CA Aix-en-Provence, ch. 1 C, 17 févr.
2011, no 10/09503 ; CA Nancy, ch. civ. 1, 10 mai 2011, no 09/00149 ; CA Bastia, ch. civ. B, 16 nov. 2011, no 10/00620 ; mais
contra CA Lyon, ch. civ. 1 A, 13 sept. 2012, no 10/08972). Cela doit permettre, dans la même veine, de considérer que les clauses
d'agrément ne sont pas fongibles avec d'autres clauses porteuses d'interdiction, telles que les clauses d'inaliénabilité (sur le
rapprochement qu'autorise une approche par l'effet : voir cependant no s 2844 et 2845).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
1 Notion de clause d’agrément§ 2. Rôle de la clause d’agrément

2907 - En l'absence de restriction légale quant à l'opération projetée

Dans sa fonction la plus évidente, la clause d'agrément permet d'instaurer un droit de regard sur une opération qui, en son absence,
serait parfaitement libre. L'exemple du changement d'homme-clé permet de l'illustrer. Le changement de dirigeant ou d'actionnaires
intervenu au sein d'une société n'autorise pas le cocontractant, par exemple un concédant ou un franchiseur, à rompre la relation

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pour cette seule raison. Mais la Cour de cassation incite les parties à user de leur liberté contractuelle à titre préventif (Cass. com., 29
janv. 2013, nº 11-23.676, Bull. civ. IV, nº 19, Bull. Joly Sociétés 2013, p. 246, note Mousseron P., RTD civ. 2013, p. 397, obs.
Gautier P.-Y., JCP E 2013, 1225, note Buy Fr. : « "Mais attendu qu'ayant justement énoncé qu'en raison du principe d'autonomie de la
personne morale cette dernière reste inchangée en cas de cession de la totalité des parts ou actions d'une société ou de changement
de ses dirigeants et relevé l'absence de stipulation contractuelle autorisant la rupture avant échéance dans de telles hypothèses, la
cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir qu'il n'était pas établi que la convention de distribution exclusive ait été conclue en considération
de la personne du dirigeant, en a déduit à bon droit, sans écarter le caractère "intuitu personae"du contrat, qu'en l'absence d'une
stipulation particulière, la convention était maintenue en dépit des changements survenus" »). Une clause d'agrément assurera ainsi à
son titulaire que la relation ne se poursuivra qu'avec les hommes-clés qu'il aura agréés.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
1 Notion de clause d’agrément§ 2. Rôle de la clause d’agrément

2908 - En présence d’une restriction légale quant à l’opération projetée

Alors même que l'accord du partenaire sur l'opération projetée serait requis par la loi ou la jurisprudence, la stipulation d'une clause
d'agrément peut avoir plusieurs vertus.
Elle peut, d'abord, permettre de dissiper tout doute quant au champ d'application de la règle légale. Par exemple, si l'on sait qu'un «
"contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une
société tierce, qu'avec l'accord du franchisé" » (Cass. com., 3 juin 2008, no 06-18.007, Bull. civ. IV, no 111, RDC 2008, p. 1278,
obs. Behar-Touchais M., RTD civ. 2008, p. 478, obs. Fages B., RTD com. 2009, p. 385, obs. Le Cannu P. et Dondero Br.), on peut se
demander si la nécessité de l'accord du contractant cédé vaut, pareillement, pour toutes les parties au contrat et pour tous les
contrats de distribution (voir Buy Fr., Lamoureux M. et Roda J.-Chr., Droit de la distribution, LGDJ, 2e éd., 2019, no 103). L'insertion
d'une clause d'agrément dans le contrat permettra d'éviter, en toute hypothèse, une succession de contractants non souhaitée (voir
par exemple, Cass. com., 13 déc. 2005, no 03-16.878, Bull. civ. IV, no 255, RLDC 2006/24, no 980, obs. Doireau S., Contrats,
conc., consom. 2006, comm. 61, obs. Leveneur L., RTD civ. 2006, p. 310, obs. Mestre J. et Fages B., pour un contrat d'agent
revendeur prévoyant qu'il « "était" "conclu intuitu personae" "et que les droits et obligations du revendeur n'étaient" "pas cessibles
ou transférables que ce soit totalement ou partiellement, sans accord préalable et écrit du concessionnaire" »).
Elle peut, ensuite, et naturellement, permettre de préciser les modalités de la procédure d'agrément : formalités, délais, etc. (Dross
W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016).
Elle pourrait, peut-être enfin, offrir un supplément de protection au partenaire qui se voit opposer un refus d'agrément (Dross W.,
Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, précité). Selon une partie de la
doctrine, en effet, la clause ferait perdre au droit d'agrément son caractère discrétionnaire (Stoffel-Munck Ph., Abus de droit,
agrément et rupture fautive, RDC 2005, p. 288 ; voir no 2916).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
2 Validité de la clause d’agrément

2909 - Validité de la clause d’agrément au regard du droit commun

Il est souvent enseigné, à juste titre, que la clause d'agrément, en tant qu'elle donne un droit de regard sur l'activité contractuelle
d'autrui, doit être justifiée par l'intérêt légitime de son bénéficiaire (Bénabent A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux,
LGDJ, 13e éd., 2019, no 78 ; Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé
interne, LexisNexis, 3e éd., 2016). Le contentieux, cependant, ne donne guère d'illustrations de ce type de contrôle (voir cependant,
Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 04-13.772, Contrats, conc., consom. 2006, comm. 35, obs. Raymond G., JCP E 2006, 2743, note
Lamoureux M., RTD civ. 2006, p. 557, obs. Mestre J. et Fages B. : contrariété à l'ordre public des clauses du contrat de prêt relatives
à l'interdiction de location sans accord du prêteur sous la sanction de l'exigibilité anticipée de ce prêt, et qui ne procurent aucun
avantage particulier à l'une des parties). Il est vrai que, dans ses usages les plus fréquents, la clause répond sans difficulté à cette
exigence (Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, précité).
Remarque L'intérêt légitime à la clause doit être, en principe, distingué de l'intérêt légitime au refus, qui est parfois contrôlé lorsque le
demandeur conteste la décision négative qui est prise en application de la clause (voir no 2916).
La clause n'a pas à être rémunérée mais peut parfaitement prévoir le paiement d'une indemnité au cas où l'agrément serait donné
(CA Paris, 5e ch., sect. B, 27 avr. 2000, JCP E 2001, 269, obs. Mousseron P.).

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Pour le reste, la clause d'agrément ne heurte, en elle-même, aucune règle générale du droit des obligations. Elle est, au contraire,
confortée par la loi en matière de cession de contrat (C. civ., art. 1216, qui impose l'accord du cédé à la cession ; sur ce point, voir
notamment Gratton L., Le contrat de cession, instrument de sécurisation de la cession de contrat, RDC 2017, p. 370), de même
qu'en matière de cession de créance (argument a fortiori : C. civ., art. 1321, al. 4 : la créance peut être stipulée incessible ; et déjà
en jurisprudence, voir Cass. com., 22 oct. 2002, no 99-14.793, RTD civ. 2003, p. 129, obs. Crocq P.).
Il arrive, cependant, que les clauses d'agrément soient fragilisées en raison de leurs effets. La jurisprudence semble raisonner ainsi, de
façon parfois très sévère, lorsque la clause porte atteinte à un droit réel :

​ sont par exemple contraires à l'ordre public les clauses d'un contrat de prêt « "relatives à l'interdiction de
location sans accord du prêteur sous la sanction de l'exigibilité anticipée de ce prêt qui ne procurent aucun
avantage particulier à l'une des parties" », en ce qu'elles constituent « "une atteinte au principe
constitutionnellement reconnu et énoncé à l'article 544 du "(Code civil)" de disposer de son bien de la
manière la plus absolue et également une condition affectant les modalités d'exécution de l'engagement
contracté, prohibée par la loi" » (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 04-13.772, précité) ;
​ de même, doit être frappée de nullité la clause qui soumet la cession d'un bail à construction à l'agrément
du bailleur, alors que le bail confère au preneur un droit réel immobilier, en tant qu'elle « "constitue une
restriction au droit de céder du preneur contraire à la liberté de cession" » (Cass. 3e civ., 24 sept. 2014, no
13-22.357, Bull. civ. III, no 111, RLDC 2014/120, no 5604, obs. Le Gallou C., RDC 2015, p. 58, obs. Seube
J.-B., RDC 2015, p. 63, obs. Boffa R., RTD civ. 2015, p. 163, obs. Dross W.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
2 Validité de la clause d’agrément

2910 - Validité de la clause d’agrément au regard du droit de la concurrence

Les clauses d'agrément sont traditionnellement peu suspectes au regard du droit de la concurrence. En matière de franchise, la Cour
de justice des Communautés européennes (aujourd'hui, Cour de justice de l'Union européenne) a considéré dans son fameux arrêt
Pronuptia que les clauses qui étaient indispensables pour prévenir le risque d'un détournement du savoir-faire par des concurrents ne
constituaient pas des restrictions de concurrence au sens de l'ancien article 85, § 1er, du Traité instituant la Communauté
économique européenne (voir désormais, TFUE, art. 101), et que tel était notamment le cas de « "l'obligation imposée au franchisé
de ne pas céder son magasin sans l'accord préalable du franchiseur" » (CJCE, 28 janv. 1986, aff. C-161/84, ECLI:EU:C:1986:41).
La solution est reprise par les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales (Comm. UE, SEC(2010) 411 final, 10
mai 2010, art. 45, g)).
En matière de baux commerciaux, la Cour de justice a également jugé plus récemment que « "l'article 101, paragraphe 1, TFUE doit
être interprété en ce sens que la seule circonstance qu'un contrat de bail commercial portant sur la location d'une grande surface
située dans un centre commercial contient une clause octroyant au preneur le droit de s'opposer à la location par le bailleur, dans ce
centre, d'espaces commerciaux à d'autres locataires n'implique pas que ce contrat a pour objet de restreindre la concurrence au
sens de cette disposition" ». Le juge européen a néanmoins réservé l'hypothèse d'un effet de blocage cumulatif : « "Peuvent être
considérés comme étant constitutifs d'un accord ayant" "pour effet" "d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence, au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, les contrats de bail commercial, tels que ceux en cause au principal, dont il
s'avère, au terme d'une analyse approfondie du contexte économique et juridique dans lequel ils s'insèrent, ainsi que des spécificités
du marché de référence concerné, qu'ils contribuent de manière significative à un éventuel cloisonnement de ce marché" » (CJUE, 4e
ch., 26 nov. 2015, aff. C-345/14, ECLI:EU:C:2015:784, Europe janv. 2016, comm. 15, obs. Idot L., RDC 2016, p. 305, obs. Idot L.,
Contrats, conc., consom. 2016, comm. 37, obs. Malaurie-Vignal M., D. 2016, p. 292, note Grimaldi C.).
La position du droit français pourrait être un peu plus réservée. L'Autorité de la concurrence a en effet estimé, dans un avis relatif aux
contrats d'affiliation de magasins indépendants et aux modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution
alimentaire, que les droits de priorité des groupes de distribution sur la vente des magasins de leurs affiliés, généralement assortis
d'un droit d'agrément, participaient à la faible mobilité des magasins entre les enseignes (Aut. conc., avis no 10-A-26, 7 déc. 2010,
no s 162 et s., Contrats, conc., consom. 2011, étude 3, note Malaurie-Vignal M., JCP G 2011, no 7, 177, note Dissaux N., RDC 2011,
p. 267, obs. Béhar-Touchais M.). Cet avis a, depuis, inspiré le législateur. Il n'est pas exclu que les clauses d'agrément puissent être
aujourd'hui visées par le régime prohibitif instauré par l'article L. 341-2 du Code de commerce, au titre des clauses « "ayant pour
effet" (…) "de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant" » (Buy Fr., Loi "Macron" : focus sur les clauses
restrictives d'après-contrat, D. 2015, p. 1902 ; voir no s 2795 et s.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
3 Mise en œuvre de la clause d’agrément§ 1. La demande d’agrément

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2911 - Nécessité de la demande – modalités

La clause crée, pour celui qui l'espère, l'obligation de demander l'agrément. Il appartient aux parties de préciser les cas dans lesquels
ce dernier est requis. En tant qu'elle restreint la liberté contractuelle, la clause est d'interprétation stricte. Elle pourra être, le cas
échéant, étendue par accord des parties ; en revanche, il n'y a pas de place pour une modification automatique qui résulterait d'un
changement législatif (voir T. com. Paris, 14 juin 2019, RTD civ. 2020, p. 87, obs. Barbier H., au sujet d'une clause statutaire qui avait
été rédigée de façon restrictive à l'époque où la loi prohibait la clause dans certains cas).
Les parties peuvent aussi convenir du contenu de la demande (rappr., en droit des sociétés, le contentieux relatif à la mention du «
"prix offert" » dans la demande d'agrément du cessionnaire de droits sociaux : Cass. com., 11 janv. 2017, no 15-13.025, Dr.
sociétés mai 2017, comm. 79, obs. Coupet C., Rev. sociétés 2017, p. 418, note Heinich J.).
Il est conseillé, en outre, de préciser les conditions de forme (par exemple, lettre recommandée avec demande d'avis de réception),
et éventuellement de délai, de la demande (Mousseron J.-M., Mousseron P., Raynard J. et Seube J.-B., Technique contractuelle,
Francis Lefebvre, 4e éd., 2010, no 1260).
Remarque Le principe peut être tempéré en droit des procédures collectives. Par exemple, en cas de cession judiciaire du bail
commercial, la jurisprudence considère que, sauf disposition contraire du jugement arrêtant le plan de cession, la cession forcée du
bail en exécution de ce plan n'est pas soumise aux exigences prévues par le contrat (Cass. com., 1er mars 2016, no 14-14.716, Bull.
civ. IV, no 37, JCP N 2016, no 30, 1247, note Puygauthier J.-L., Gaz. Pal. 28 juin 2016, p. 62, obs. Kendérian F. ; et spécialement au
sujet des clauses d'agrément : CA Rennes, 2e ch. com., 1er juill. 2008, no 08/01007, Gaz. Pal. 7 nov. 2008, p. 50, obs. Voinot D. ;
CA Paris, pôle 5, ch. 9, 23 janv. 2020, no 19/17892).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
3 Mise en œuvre de la clause d’agrément§ 1. La demande d’agrément

2912 - Sanctions de la violation de la clause d’agrément

a) Sort de l'acte conclu au mépris de la clause d'agrément


Les conséquences d'une violation de la clause, c'est-à-dire d'un acte passé sans avoir demandé ou obtenu l'agrément
contractuellement requis, sont incertaines. On hésite entre la sanction de la nullité et celle de l'inopposabilité (voir Bénabent A., Droit
des contrats spéciaux civils et commerciaux, LGDJ, 13e éd., 2019, no 79 ; Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et
extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd., 2016 ; ces auteurs expriment toutefois une préférence pour
l'inopposabilité).
C'est en droit des sociétés que la jurisprudence est la plus nourrie. On sait que le défaut d'agrément à la cession de parts d'une
société en nom collectif y est sanctionné, non par la nullité, mais par l'inopposabilité à la société et aux associés (Cass. com., 16 mai
2018, no 16-16.498, publié au Bulletin, Dr. sociétés 2018, comm. 142, obs. Coupet C.). Les cessions d'actions sont, quant à elles,
frappées de nullité (C. com., art. L. 228-23). Dans un cas comme dans l'autre, le cessionnaire ne peut invoquer l'absence d'agrément
à la cession (Cass. 3e civ., 19 juill. 2000, no 98-10.469, Bull. civ. III, no 151 ; Cass. com., 16 oct. 2019, no 17-18.494, Dr. sociétés
2020, comm. 2, obs. Mortier R.).
En matière de vente ordinaire, un rapprochement avec la question des cessions intervenues en violation d'un pacte de préférence
pourrait être opéré : lorsque le tiers est de mauvaise foi, l'agréant qui n'a pas été sollicité pourrait agir en nullité.
En matière de cession de contrat, l'article 1216 du Code civil ne prend pas parti sur la sanction applicable en cas d'absence d'accord
du cédé. D'un côté, le texte semble ériger ce dernier en condition de validité de la cession (rappr. Cass. com., 17 mai 1988, no 87-
10.115). D'un autre côté toutefois, la jurisprudence a toujours estimé qu'à défaut d'accord, la cession n'était pas nulle mais
seulement inopposable au cédé (Terré Fr., Simler Ph., Lequette Y. et Chénedé Fr., Droit civil. Les obligations, Dalloz, coll. Précis, 12e
éd., 2018, no 1669).
En matière de cession de créance, la question ne se pose véritablement que lorsque la créance est « "stipulée incessible" », au sens
de l'article 1321 du Code civil. Dans un tel cas, le code énonce que le consentement du débiteur est exceptionnellement requis (il ne
l'est pas ordinairement), mais n'en tire aucune conséquence (Deshayes O., Genicon Th. et Laithier Y.-M., Réforme du droit des
contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Commentaire article par article, LexisNexis, 2e éd., 2018, p. 733). La
position de la jurisprudence est, quant à elle, mal assurée. Après avoir considéré que le cessionnaire de la créance née du contrat
souscrit n'était pas partie à ce contrat, de sorte qu'il n'était pas engagé par la clause d'agrément y figurant sauf s'il l'avait acceptée
(Cass. com., 21 nov. 2000, no 97-16.874, Bull. civ. IV, no 180, Defrénois 2001, art. 37358, note Billiau M., RTD civ. 2001, p. 933,

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obs. Crocq P.), la Cour de cassation a estimé que « "le débiteur cédé qui n'a pas accepté la cession de créance peut opposer à
l'établissement de crédit cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant" » (Cass. com., 22 oct.
2002, no 99-14.793, RTD civ. 2003, p. 129, obs. Crocq P.).
En matière de transmission universelle du patrimoine, lorsque le contrat transmis est conclu intuitu personae ou stipulé incessible
sans accord préalable, la règle est clairement celle de l'inopposabilité (Cass. com., 13 déc. 2005, no 03-16.878, Bull. civ. IV, no 255 :
« "en l'absence d'un tel accord, la société absorbante ne pouvait se prévaloir du contrat en cause" »).
On ajoutera que certaines responsabilités pourront être encourues. Par exemple, commettrait une faute le notaire qui, sans avoir
préalablement vérifié la réalité de l'accord des bailleurs, proposerait aux parties de régulariser l'acte de cession sans par ailleurs attirer
leur attention sur les risques qu'elles prendraient à signer l'acte dans de telles conditions (Cass. 1re civ., 11 févr. 1992, no 9 0 -
15.886).
Remarque Le contrat conclu au mépris de la clause peut être également résolu car, tout en étant valable, ce dernier ne peut
développer les effets voulus (voir Bénabent A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, précité, no 79).

En outre, la relation avec le nouveau partenaire peut être frappée de précarité au sens de l'article L. 442-6, I, 5o , ancien, du Code de
commerce, devenu L. 442-1, II (voir Ord. no 2019-359, 24 avr. 2019, JO 25 avr.), ce qui exclut la qualification de relation
commerciale établie (Cass. com., 24 nov. 2015, no 14-19.678, Contrats, conc., consom. 2016, comm. 43, obs. Mathey N.).
b) Sort de l'acte renfermant la clause
Les juges peuvent, si le manquement leur apparaît suffisamment grave, prononcer la résolution du contrat qui renferme la clause
(voir en matière de cession de bail : Cass. 3e civ., 17 juill. 1996, no 94-16.112 ; comp. CA Aix-en-Provence, 4e ch. civ., sect. A, 22
nov. 1994, no 93/5811, qui distingue selon le type de clause : « "dans les conventions assorties d'une clause d'agrément, la cession
réalisée sans celui-ci constitue, en raison du caractère "intuitu personae" ainsi donné à la cession, une infraction entraînant la
résiliation du bail, il n'en est pas de même pour les clauses d'autorisation préalable" »). Il est à noter que le non-respect du délai
contractuellement prévu n'est pas toujours considéré comme une inexécution grave (CA Paris, pôle 5, ch. 3, 3 déc. 2014, no
12/22766, qui précise toutefois qu'une tentative de signification avait bien été faite précédemment mais que celle-ci avait échoué en
raison de l'impossibilité pour l'huissier de justice de signifier les actes aux bailleresses en personne).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
3 Mise en œuvre de la clause d’agrément§ 2. La réponse de l’agréant

2913 - Renonciation à l’agrément

Dans la mesure où le droit d'agrément est stipulé dans son intérêt, l'agréant peut éventuellement y renoncer (CA Paris, pôle 5, ch. 4,
14 déc. 2016, no 14/14207, LEDICO 2017, no 2, p. 5, obs. Toulouse G.). Mais, comme toute renonciation, celle-ci doit être claire et
non équivoque. Tel n'est pas le cas quand, en présence d'une clause stipulant que la cession du droit au bail nécessite l'autorisation
expresse et préalable du bailleur et ne peut être réalisée qu'au seul profit de l'acquéreur du fonds, le bailleur autorise la cession du bail
commercial « "sans aucune réserve" », alors que les lettres du notaire chargé de recevoir l'acte et ayant sollicité l'agrément n'ont fait
état que du droit au bail et non de la cession du fonds de commerce (Cass. 3e civ., 12 oct. 2010, no 09-16.989, AJDI 2011, p. 290,
obs. Blatter J.-P.).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
3 Mise en œuvre de la clause d’agrément§ 2. La réponse de l’agréant

2914 - Défaut de réponse

Si le droit d'agrément implique bien sûr le droit de ne pas agréer, autorise-t-il, plus avant, à ne pas répondre lorsque la demande est
adressée à son titulaire ?
La jurisprudence a considéré, en droit des sociétés, qu'une abstention pouvait être fautive dès lors que l'associé titulaire du droit
d'agrément s'était abstenu de répondre à toutes les propositions, en gardant le silence sans motif valable, avant de finalement
répondre... mais six ans plus tard (Cass. com., 6 févr. 2019, no 17-20.112, D. 2019, p. 568, note Tadros A., RTD civ. 2019, p. 326,
obs. Barbier H.). La solution peut être sans doute généralisée (voir déjà, au sujet d'un bail : Cass. 3e civ., 5 janv. 2012, no 10-
20.179, Ann. loyers 2012, p. 486, obs. Cerati-Gauthier A.).

La victime du refus abusif peut bien sûr solliciter des dommages-intérêts (Cass. com., 6 févr. 2019, no 17-20.112, préc. ; Cass. 3e

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civ., 1er avr. 1998, no 96-14.758). Mais à notre avis, elle ne devrait pouvoir considérer que le silence vaut agrément. Il faudrait une
loi pour décider du contraire (par exemple en droit des sociétés, C. com., art. L. 228-24).
S'il décide de passer outre le silence qui lui est opposé, le demandeur ne commet pas une faute d'une gravité telle qu'elle justifie la
résiliation du contrat (Cass. 3e civ., 20 oct. 1971, no 70-12.995, Bull. civ. III, no 504 ; Cass. 3e civ., 5 janv. 2012, no 10-20.179,
préc.).
Remarque Pour dissiper toute incertitude, les contractants pourront évidemment stipuler que le défaut de réponse dans un délai
donné vaut agrément.

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
3 Mise en œuvre de la clause d’agrément§ 2. La réponse de l’agréant

2915 - Agrément conditionnel

La Cour de cassation n'admet d'agrément que pur et simple : les conditions supplémentaires posées par le titulaire de l'agrément
seront réputées non écrites (Cass. com., 17 janv. 2012, nº 09-17.212, Bull. civ. IV, nº 10, RLDA 2012/69, nº 3899, note
Parachkevova I., Dr. sociétés avr. 2012, comm. 64, obs. Gallois-Cochet D., RTD civ. 2012, p. 312, obs. Fages B., RTD civ. 2012, p.
134, obs. Gautier P.-Y.). Le point a néanmoins été jugé en matière de sociétés de capitaux, où la règle est celle de la libre négociabilité
des titres ; il reste à savoir si la solution s'imposera là où l'agrément ne se présentera plus comme une exception (Gautier P.-Y., obs.
sous Cass. com., 17 janv. 2012, nº 09-17.212, précitées).
Il n'est pas exclu, au demeurant, que les conditions posées puissent révéler une volonté de détourner la clause, en vue par exemple
d'obtenir une augmentation de loyer en s'affranchissant de toute procédure devant le juge des loyers commerciaux (CA Douai, ch. 2,
sect. 1, 19 févr. 2015, nº 14/00284).

Partie 6 Principales clausesTitre 1 Clauses renforçant le lien entre les partiesChapitre 4 La clause d'agrémentSection
3 Mise en œuvre de la clause d’agrément§ 2. La réponse de l’agréant

2916 - Refus abusif d’agrément

a) Principe
Il n'est pas aisé de systématiser l'état du droit positif. Il conviendrait, à notre sens, de distinguer selon que l'opération est ou non
soumise à un agrément légal.
Dans le premier cas, le « "droit au refus" » (Gratton L., Le contrat de cession, instrument de sécurisation de la cession de contrat,
RDC 2017, p. 370) est de principe. Le refus exprimé en application d'une clause devrait alors pouvoir être soustrait, sinon à tout
contrôle judiciaire, du moins à un contrôle de sa légitimité (contra Stoffel-Munck Ph., Abus de droit, agrément et rupture fautive, RDC
2005, p. 288). C'est la solution que retient, par exemple, le droit des baux commerciaux à propos des sous-locations : celles-ci
étant interdites, sauf clause contraire ou accord du bailleur (C. com., art. L. 145-31), le droit d'exprimer un refus n'est soumis à
aucune limitation (voir Le Lamy droit commercial). Il nous semble que cette solution devrait également s'imposer dans les cas de
cessions de contrat soumises au droit commun : dès lors que la loi prévoit que l'accord du cédé est nécessaire pour qu'un
contractant puisse céder sa qualité de partie au contrat (C. civ., art. 1216), l'usage d'une clause ne devrait pas avoir pour effet
d'autoriser un contrôle de la légitimité de la décision prise. On concèdera, toutefois, que la jurisprudence n'est pas toujours en ce
sens (voir par exemple, pour une cession de contrat d'agent commercial : CA Rouen, 16 avr. 2009, no 07/01513, Contrats, conc.,
consom. 2009, comm. 217, obs. Mathey N.).
Dans le second cas, le droit au refus devrait pouvoir être contrôlé puisque la clause restreint une liberté de principe. Tel sera le cas,
notamment, en matière de cession de bail commercial, où le législateur a clairement entendu favoriser la circulation du contrat (voir
Cass. com., 15 juin 2011, no 10-16.244 ; Cass. 3e civ., 15 juin 2011, no 10-16.233, Loyers et copr. 2011, comm. no 271, obs.
Brault Ph.-H. : « "le refus opposé par la bailleresse à cette cession ne pouvait être discrétionnaire et devait revêtir un caractère
légitime" » ; CA Lyon, 1re ch. civ., sect. B, 13 déc. 2011, no 10/06979 : « "Si les clauses d'agrément telles que prévues par ce bail
sont licites, il n'en demeure pas moins que le refus du bailleur d'autoriser la cession projetée n'est pas discrétionnaire" »).
b) Mise en œuvre
Lorsqu'elle accepte le principe d'un contrôle, la jurisprudence tend à accorder une grande liberté au titulaire du droit d'agrément. La
décision prise par un concédant peut être, en effet, fondée « "sur des motifs autres que ceux tenant à la personne du candidat à
l'agrément" » (Cass. com., 5 oct. 2004, no 02-17.338, Bull. civ. IV, no 181, RTD civ. 2005, p. 127, obs. Mestre J. et Fages B., RLDC

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2005/12, no 478, note Mainguy D. et Respaud J.-L., RDC 2005, p. 288, obs. Stoffel-Munck Ph., RDC 2005, p. 384, obs. Behar-
Touchais M.). Le refus d'un chef de réseau de distribution peut être, par ailleurs, justifié « "par des impératifs tenant à la sauvegarde
de ses intérêts commerciaux légitimes" » (Cass. com., 2 juill. 2002, no 01-12.685, Bull. civ. IV, no 113, JCP G 2003, II, no 10023,
note Mainguy D., RDC 2003, p. 50, obs. Stoffel-Munck Ph., RDC 2003, p. 152, obs. Behar-Touchais M., RTD civ. 2002, p. 810, obs.
Mestre J. et Fages B.) et celui d'une société bailleresse par « "la crainte d'une défaillance du cessionnaire compte tenu du prix
envisagé et des possibilités financières pouvant être dégagées par le chiffre d'affaires" » (CA Toulouse, ch. 2, sect. 1, 24 nov. 2010,
no 04/04357) ou encore par le souhait de « "protéger un de ses associés" » (Cass. 3e civ., 25 oct. 2011, no 10-25.338). Une
société d'assurances peut également, sans que cela ne soit discriminatoire, refuser d'agréer une personne âgée en qualité de
successeur de son époux en tant qu'agent d'assurances, au seul motif qu'elle a atteint l'âge légal de la retraite (Cass. 1re civ., 14 avr.
2016, no 14-29.981, Bull. civ. I, no 91, D. Actualité, 9 mai 2016, obs. de Ravel d'Esclapon Th., qui précise que la société d'assurances
n'est pas « "tenue de démontrer que sa décision contribue, de façon proportionnée, à la satisfaction d'un objectif légitime" »).

Certains arrêts ont ajouté qu'il était nécessaire de motiver le refus (CA Lyon, 1re ch. civ., sect. B, 13 déc. 2011, no 10/06979,
précité) ; d'autres ne l'ont admis qu'en suggérant qu'une telle obligation trouvait sa source dans le contrat (Cass. com., 2 juill. 2002,
no 01-12.685, précité, à propos d'un concédant qui s'était engagé à « "examiner équitablement et avec tout le soin requis le
changement proposé et communiquer rapidement sa décision au concessionnaire" »). À tout le moins devrait-on pouvoir exiger,
lorsqu'ils ont été spontanément exprimés, que les motifs du refus ne soient « "pas fallacieux et" "fabriqués" "avec des moyens
frauduleux" » (Cass. 3e civ., 2 févr. 2005, no s 03-15.409 et 03-15.482, Bull. civ. III, no 24, JCP G 2005, II, no 10077, avis Guérin O.,
à propos du régime légal d'agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage). Le refus pourra toujours être justifié après coup,
par exemple par des motifs avancés en cours d'instance (Cass. com., 2 juill. 2002, no 01-12.685, précité).
Un abus du droit d'agrément pourrait, en revanche, résulter de ce que le droit du cocontractant de présenter un successeur était «
"illusoire et sans intérêt" », la brusquerie avec laquelle le concédant a résilié le contrat, puis écarté l'offre d'en conclure un nouveau,
révélant que la décision était déjà prise de confier la succession à un autre (Cass. com., 2 juill. 1991, no 88-18.040, RTD civ. 1992, p.
92, obs. Mestre J.). L'abus peut être, de même, caractérisé lorsqu'il apparaît que la motivation du concédant était de réserver la
concession à un tiers sans que ce dernier n'ait à racheter l'activité du concessionnaire (Cass. com., 3 nov. 2004, no 02-17.919, D.
2005, p. 2836, obs. Amrani-Mekki S. et Fauvarque-Cosson B., RDC 2005, p. 288, obs. Stoffel-Munck Ph.).
Sans qu'un refus ait été exprimé, peut encore engager sa responsabilité le concédant de mauvaise foi « "qui, en dehors de tout
impératif tenant à la sauvegarde de ses intérêts commerciaux, plutôt que refuser son agrément aux candidats repreneurs, les avait
malicieusement mis en position de devoir renoncer à leurs projets" » (Cass. com., 23 sept. 2014, no 13-18.938, Contrats, conc.,
consom. 2015, comm. 6, obs. Malaurie-Vignal M., RDC 2015, p. 66, obs. Behar-Touchais M., RTD civ. 2015, p. 123, obs. Barbier H. ;
adde CA Nouméa, ch. civ., 19 août 2013, no 12/381, AJDI 2014, p. 898, obs. Blatter J.-P., à propos de la tentative d'un bailleur
d'obtenir une augmentation de loyer de 340 % qui était directement à l'origine de l'échec de la cession).
Enfin, un « "abus de droit par abstention" » (Barbier H., L'abus de droit par abstention : vers un devoir d'exercer son droit, RTD civ.
2019, p. 326) semble même concevable (voir no 2914).
c) Sanctions
Confronté à un refus abusif, le cocontractant devrait pouvoir se faire autoriser par justice, y compris lorsque la loi ne le prévoit pas
(contra Dross W., Clausier. Dictionnaire des clauses ordinaires et extraordinaires des contrats de droit privé interne, LexisNexis, 3e éd.,
2016). La solution est admise en matière de cession de baux commerciaux (Cass. com., 19 févr. 1963, Bull. civ. IV, no 110 ; Cass.
com., 9 mars 1967, Bull. civ. IV, no 111), au moins en ce qui concerne les clauses d'autorisation préalable (par opposition aux clauses
d'agrément stricto sensu, voir CA Aix-en-Provence, 4e ch. civ., sect. A, 22 nov. 1994, no 93/5811).
Le refus abusif constituant un trouble manifestement illicite, il entre en outre dans les pouvoirs du juge des référés de le faire cesser
(CA Aix-en-Provence, ch. 1 C, 17 févr. 2011, no 10/09503). Par un arrêt remarqué, la Cour de cassation a néanmoins censuré une
cour d'appel qui avait dénié à un bailleur de mauvaise foi la possibilité de s'opposer à la cession de bail autorisée en dépit de son
refus, en laissant entendre au passage que la clause d'agrément ne serait pas une « "prérogative contractuelle" », dont l'usage
déloyal pourrait être neutralisé, mais relèverait de la « "substance même des droits et obligations" » à laquelle le juge ne pourrait
porter atteinte (Cass. 3e civ., 9 déc. 2009, no 04-19.923, Bull. civ. III, no 275, D. 2011, p. 472, obs. Amrani-Mekki S. et Fauvarque-
Cosson B., RDC 2010, p. 561, obs. Laithier Y.-M., RDC 2010, p. 564, obs. Mazeaud D., RTD civ. 2010, p. 105, obs. Fages B.). Mais
cet arrêt a aussi, et surtout, été fondé sur le fait que la mauvaise foi du bailleur ne pouvait autoriser le juge « "à s'affranchir des
dispositions impératives du statut des baux commerciaux" », aucun fonds de commerce n'ayant jamais été, en l'espèce, créé ou
exploité dans les locaux.
L'abus peut être aussi, bien sûr, constitutif d'une faute source de responsabilité. En cas de rupture fautive des pourparlers qui ont été
engagés pour obtenir l'agrément, le préjudice réparable reste cependant limité. N'est pas indemnisable, par exemple, le préjudice de
notoriété d'une société qui, à la suite du refus du projet de cession d'un bail opposé par le propriétaire des locaux, s'est trouvée dans
l'impossibilité d'ouvrir un établissement : un tel préjudice ne se rattache pas, en effet, à la rupture unilatérale des pourparlers, mais
constitue « "la perte de chance de réaliser les gains "(que l'acquéreur)" pouvait espérer tirer du transfert de son fonds de commerce
dans les locaux" » (Cass. 3e civ., 19 sept. 2012, no 11-10.532, RTD civ. 2012, p. 721, obs. Fages B.).

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