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Tunisie indépendante

Article détaillé : Histoire de la Tunisie depuis 1956.

Photo officielle de Habib Bourguiba.

Lamine Bey, Habib Bourguiba et d'autres invités assistent à un défilé militaire le 20 mars 1957.

Le 25 mars 195685, l'Assemblée constituante est élue : le Néo-Destour en remporte tous les
sièges et Bourguiba est porté à sa tête le 8 avril40,111 de la même année. Le 11 avril 1956, il
devient le Premier ministre de Lamine Bey127. Le Code du statut personnel, à tendance
progressiste, est proclamé le 13 août130.
Finalement, le 25 juillet 1957, la monarchie est abolie ; la Tunisie devient une république131 dont
Bourguiba est élu président132 le 8 novembre 1959133.
Le 8 février 1958, en pleine guerre d'Algérie, des avions de l'armée française franchissent
la frontière algéro-tunisienne et bombardent le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef40. En 1961,
dans un contexte d'achèvement prévisible de la guerre, la Tunisie revendique la rétrocession de
la base de Bizerte107.

Bourguiba entouré de ses ministres.


Bourguiba et John Fitzgerald Kennedy en mai 1961.

Ben Ali et George W. Bush le 18 février 2004.

La crise qui suit fait près d'un millier de morts, essentiellement tunisiens107, et, devant la crainte
d'une flambée de violence contre leur communauté, pousse 4 500 Juifs à quitter le pays
en 1962134,135.
Politiquement, la France finit, le 15 octobre 1963, par rétrocéder la base à l'État tunisien132. Avec
l'assassinat de Salah Ben Youssef, principal opposant de Bourguiba depuis 1955132,
à Francfort et l'interdiction du Parti communiste (PCT) le 8 janvier 1963, la République tunisienne
devient un régime de parti unique dirigé par le Néo-Destour132. En mars 1963, Ahmed Ben
Salah entame une politique « socialiste » d'étatisation pratiquement totale de l'économie.
Lors de la guerre des Six Jours, en juin 1967, des milliers de manifestants détruisent les
magasins juifs et incendient la Grande synagogue de Tunis et ses livres sacrés136,134, ce qui
pousse près de 10 000 Juifs tunisiens à quitter le pays137,138.
Des émeutes contre la collectivisation des terres dans le Sahel tunisien le 26 janvier
1969 poussent au limogeage de Ben Salah le 8 septembre avec la fin de l'expérience
socialiste132. Le taux de croissance annuel du PIB passe cependant de 3,6 % pour les années
1950 à 5,7 % pour les années 1960, et la croissance par tête à 2,9 % contre 1,2 % pour les
années 1950139. Avec une économie affaiblie par cet épisode et un panarabisme défendu
par Mouammar Kadhafi, un projet politique qui unifierait la Tunisie et la République arabe
libyenne sous le nom de République arabe islamique est lancé en 1974 mais échoue très
rapidement en raison des tensions tant nationales qu'internationales.
Après la condamnation à une lourde peine de prison de Ben Salah, rendu responsable de l'échec
de la politique des coopératives, viennent l'épuration de l'aile libérale du PSD animée par Ahmed
Mestiri puis la proclamation de Bourguiba comme président à vie en 197540. C'est dans ces
conditions, marquées par un léger desserrement de l'étau du PSD sous le gouvernement d'Hédi
Nouira, que l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) gagne en autonomie tandis que naît en
1976 la Ligue tunisienne des droits de l'homme, première organisation nationale des droits de
l'homme en Afrique et dans le monde arabe140,141. Le coup de force du « Jeudi noir » contre
l'UGTT en janvier 1978 puis l'attaque contre la ville minière de Gafsa, en janvier 1980, ne
suffisent pas à museler la société civile émergente.
Dès le début des années 1980, le pays traverse une crise politique et sociale142 où se conjuguent
le développement du clientélisme et de la corruption, la paralysie de l'État devant la dégradation
de la santé de Bourguiba, les luttes de succession et le durcissement du régime. En 1981, la
restauration partielle du pluralisme politique, avec la levée de l'interdiction frappant le Parti
communiste, suscite des espoirs qui seront déçus par la falsification des résultats aux élections
législatives de novembre. Par la suite, la répression sanglante des « émeutes du pain » de
décembre 1983142, la nouvelle déstabilisation de l'UGTT et l'arrestation de son dirigeant Habib
Achour contribuent à accélérer la chute du président vieillissant114. La situation favorise la montée
de l'islamisme127 et le long règne de Bourguiba s'achève dans une lutte contre cette mouvance
politique, lutte menée par Zine el-Abidine Ben Ali, nommé ministre de l'Intérieur puis Premier
ministre en octobre 1987132.
Durant ces années 1980, plusieurs incidents visent la communauté juive ou ses synagogues
comme durant le Yom Kippour 1982 dans plusieurs villes du pays143, en octobre 1983 à Zarzis143,
en 1985 à la Ghriba137, qui font prendre des mesures au gouvernement pour assurer sa
protection144,145.
Le 7 novembre 1987, Ben Ali dépose le président pour sénilité, un coup d'État médical accueilli
favorablement par une large fraction du monde politique142. Élu le 2 avril 1989 avec 99,27 % des
voix146, le nouveau président réussit à relancer l'économie alors que, sur le plan de la sécurité, le
régime s'enorgueillit d'avoir épargné au pays les convulsions islamistes qui ensanglantent
l'Algérie voisine, grâce à la neutralisation du parti Ennahdha au prix de l'arrestation de dizaines
de milliers de militants et de multiples procès au début des années 1990114. Les opposants laïcs
signent quant à eux le Pacte national en 1988, plate-forme destinée à la démocratisation du
régime. Pourtant, l'opposition et de nombreuses ONG de défense des droits de
l'homme accusent peu à peu le régime d'attenter aux libertés publiques100 en étendant la
répression au-delà du mouvement islamiste. En 1994, le président Ben Ali est réélu avec
99,91 % des voix147,148.
L'année suivante, un accord de libre-échange est signé avec l'Union européenne107.
Les élections du 24 novembre 1999, bien qu'elles soient les premières présidentielles à être
pluralistes avec trois candidats, voient le président Ben Ali réélu avec un score comparable aux
scrutins précédents146,148. La réforme de la Constitution approuvée par le référendum du 26 mai
2002 accroît encore les pouvoirs du président, repousse l'âge limite des candidats, supprime la
limite des trois mandats réintroduite en 1988 et permet au président de briguer de nouveaux
mandats au-delà de l'échéance de 2004 tout en bénéficiant d'une immunité judiciaire à vie114.
Le 11 avril 2002, un attentat au camion piégé vise à nouveau la synagogue de la Ghriba et
provoque la mort de 19 personnes dont quatorze touristes allemands. Durant le premier
semestre 2008, de graves troubles secouent la région minière de Gafsa durement frappée par
le chômage et la pauvreté149. Le 25 octobre 2009, le président Ben Ali est réélu pour un
cinquième mandat consécutif avec 89,62 % des voix, passant pour la première fois sous la barre
des 90 %. La campagne est marquée par une visibilité accrue de son épouse Leïla150. L'un des
gendres du couple, Mohamed Sakhr El Materi, est élu député à cette occasion151.

Tunisie post-révolution
Article connexe : Révolution tunisienne.
Le 17 décembre 2010, un climat insurrectionnel éclate à la suite de l'immolation d'un jeune
vendeur de fruits et légumes ambulant, Mohamed Bouazizi, dans la région de Sidi Bouzid ; celle-
ci devient le théâtre d'émeutes et d'affrontements meurtriers entre habitants et forces de l'ordre152.
C'est le début du mouvement que l'on va appeler Printemps arabe.
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Manifestation du 14 janvier 2011 à Tunis.
Ces événements, qui s'étendent ensuite à d'autres régions du pays, s'inscrivent dans un contexte
où le taux de chômage des jeunes diplômés est particulièrement élevé alors que le poids
démographique relatif des jeunes générations d'actifs atteint son maximum historique153. Les
causes sont également politiques : le président Ben Ali et sa famille, notamment celle de sa
seconde épouse Leïla, les Trabelsi, qualifiés selon les observateurs de « clan quasi-mafieux »,
sont directement mis en cause dans des affaires de corruption, de détournement ou de vol,
fléaux qui ont particulièrement pris de l'ampleur sous sa présidence154. Le 13 janvier 2011, Ben
Ali annonce la prise de mesures extraordinaires lors d'une intervention télévisée : la promesse
d'une pleine liberté de la presse et d'expression politique ainsi que son refus de se représenter
aux élections prévues en 2014. Cependant, cette allocution ne contribue pas à calmer la colère
de la population, contraignant le président à céder finalement le pouvoir à son Premier
ministre Mohamed Ghannouchi le lendemain et à quitter le pays le soir même155. Conformément à
la Constitution de 1959, le président de la Chambre des députés, Fouad Mebazaa, est finalement
proclamé président par intérim par le Conseil constitutionnel le 15 janvier.

Sit-in à la kasbah de Tunis le 28 janvier 2011.

Il est chargé d'organiser des élections présidentielles dans les soixante jours156. Le 17 janvier,
un « gouvernement d'union nationale » de 24 membres incluant des opposants au régime déchu
(dont trois chefs de l'opposition légale) est constitué157. Le jour même, la libération de tous les
prisonniers d'opinion, la levée de l'interdiction d'activité de la Ligue tunisienne des droits de
l'homme, « la liberté totale de l'information » ainsi que la légalisation de tous les partis politiques
et associations qui le demanderaient, est annoncée158. Cependant, la présence de membres
du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) à des postes clés provoque de nouveau,
en moins de 24 heures, la colère de la population et la démission de plusieurs ministres
d'opposition, fragilisant d'autant plus ce gouvernement159. Le départ ou la radiation du RCD de
plusieurs personnalités éminentes160 n'ont aucun effet sur la suspicion que l'opinion publique
entretient à l'égard de l'ancien parti présidentiel, dont plusieurs manifestants réclament la
dissolution161. Cependant, le 20 janvier, les ministres encore affiliés à cette formation annoncent
l'avoir quitté eux aussi162. Face à la pression de la rue exigeant leur départ, un remaniement
ministériel a lieu le 27 janvier, écartant définitivement (hormis Mohamed Ghannouchi) les anciens
membres du RCD de toutes responsabilités gouvernementales. Le 6 février, le ministre de
l'Intérieur Farhat Rajhi gèle les activités du RCD en attendant sa dissolution juridique, tandis que
le Parlement confère au président par intérim des pouvoirs supplémentaires, comme celui de
dissoudre le Parlement.
Ghannouchi est cependant contraint de démissionner à son tour le 27 février à la suite de
plusieurs jours de manifestations marquées par des violences ; il est remplacé le jour même par
l'ancien ministre de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi. L'état d'urgence, en vigueur à partir de janvier
2011, est maintenu.
Le 15 septembre 2012, de violentes émeutes éclatent à Tunis à la suite de la diffusion du
film L'Innocence des musulmans. Alors que les forces de l'ordre restent passives, certains
groupes salafistes prennent d'assaut l'ambassade des États-Unis et l'incendient, détruisant
plusieurs véhicules et bâtiments. Mis sous pression par les États-Unis, le gouvernement décide
de réagir et envoie l'armée et la garde présidentielle pour repousser les manifestants. Les
affrontements font deux morts et plusieurs blessés163. Dans les mois qui suivent, l'armée et
la garde nationale prennent la relève pour combattre les groupuscules salafistes et djihadistes qui
sont actifs sur le territoire. L'état d'urgence est prolongé de trois mois en novembre 2012164, pour
n'être finalement levé qu'en mars 2014.
Après les élections législatives du 26 octobre 2014, qui voit le parti Nidaa Tounes arriver en tête,
l'Assemblée des représentants du peuple remplace l'Assemblée constituante. Le premier tour de
l'élection présidentielle a lieu le 23 novembre et voit s'affronter 27 candidats dont deux, en la
personne de Béji Caïd Essebsi (Nidaa Tounes) avec 39,46 % des voix et Moncef Marzouki avec
33,43 % des voix165, sont qualifiés pour le second tour organisé le 21 décembre et qui permet à
Caïd Essebsi de remporter le scrutin avec 55,68 % des voix contre 44,32 % des voix pour
Marzouki166 et de devenir ainsi le premier président issu d'une élection démocratique et
transparente. Le quartet du dialogue national, association de quatre organisations s'étant donné
pour but d'organiser des négociations entre les partis politiques pour assurer la transition vers un
régime démocratique permanent, obtient le prix Nobel de la paix 2015167. Ce prix est le
premier Nobel attribué à un ressortissant ou organisation de la Tunisie167 après son
indépendance168. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, exprime sa joie et félicite le
quartet tout en affirmant que ce prix est dédié à tous les Tunisiens qui ont commencé
le Printemps arabe169. François Hollande, président de la République française, affirme dans un
communiqué que le prix prouve le succès de la transition démocratique en Tunisie, que ce pays
est sur la bonne voie et qu'il est le seul parmi les pays du Printemps arabe à réussir son évolution
transitoire vers la démocratie170.
En 2017 et 2018, le pays est touché par des vagues de contestation de la jeunesse tunisienne
qui manifeste dans plusieurs villes du pays. En effet, à partir du début du mois, à
Tunis, Gabès, Thala, Jilma, Kasserine, Sidi Bouzid, ou encore Gafsa, des Tunisiens expriment
leur ras le bol face à la cherté de la vie, l'inflation (6,4 % en 2017171) et un chômage omniprésent
(15 % de la population active et 30 % des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur172). Cette
vague de contestation contre une politique d'austérité économique serait organisée par le Front
populaire173,174. Les heurts avec les policiers et forces de l'ordre font une victime et plusieurs
blessés, et des centaines de manifestants sont arrêtés175. L'Observatoire social tunisien recense
5 000 mouvements de protestation en 2015, plus de 11 000 en 2017 et 4 500 pour les quatre
premiers mois de 2018176.
Depuis 2011, les gouvernements successifs ont fait appel au Fonds monétaire international (FMI)
pour tenter de redresser la situation économique du pays. Un prêt de 1,74 milliard de dollars est
accordé en juin 2013, puis un second de 2,9 milliards de dollars en 2016. Le FMI n'accorde
toutefois ces prêts qu'en contrepartie d'un plan de réformes libérales, telles que l'augmentation
de certains impôts, la réduction de la masse salariale dans la fonction publique, la réduction
des subventions sur les prix des carburants, ou encore de la modification du système de retraite.
En avril 2016, le gouvernement accepte le principe de l'indépendance de la banque centrale,
donnant la priorité au contrôle de l'inflation sur le soutien au développement économique. Depuis
le printemps 2017, elle laisse filer le dinar, dont la valeur face à l'euro baisse de près de moitié.
Face au poids de la dette, l'État doit consacrer plus de 20 % de son budget à rembourser ses
créanciers, ce qui neutralise ses capacités d'investissement176.
Le président Béji Caïd Essebsi meurt le 25 juillet 2019, à 92 ans. Fin 2019, un double
scrutin, législatif le 6 octobre, et présidentiel, avec un premier tour en septembre et le second tour
le 13 octobre, se déroule sans heurts, montrant une certaine maturité de la démocratie électorale
en Tunisie. Les élections législatives aboutissent cependant à une assemblée fragmentée entre
diverses formations177. L'élection présidentielle propulse à la tête de l'État un nouveau venu dans
le monde politique, un juriste et universitaire spécialiste du droit constitutionnel, âgé de 61
ans, Kaïs Saïed, élu avec une confortable avance face, au second tour, à l'homme
d'affaires Nabil Karoui. Kaïs Saïed propose durant sa campagne une vision associant un certain
conservatisme moral et religieux, un souverainisme, et un mode de fonctionnement démocratique
à rebours de l'organisation centralisée bourguibienne178. Le 25 juillet 2021, invoquant l'article
80 de la Constitution, il limoge le gouvernement Mechichi avec effet immédiat, annonce la
suspension de l'assemblée, la formation d'un nouveau gouvernement et sa décision de
gouverner par décrets et de présider le parquet, provoquant ainsi une crise politique179. Le 22
septembre, il confirme par décret le prolongement des décisions ainsi que la dissolution de
l'Instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi180, et s'octroie
le droit de gouverner par décret, récupérant de facto le pouvoir législatif181,182. Le 13 décembre, il
annonce la tenue d'un référendum constitutionnel183 qui se solde par la large approbation d'une
nouvelle Constitution mettant notamment en place un régime présidentiel, malgré un taux de
participation d'un peu plus de 30 % des inscrits184.

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