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HAP

1) Comment la musique est devenue « romantique »

Le terme « romantique » est utilisé aujourd’hui pour décrire une musique qui se distingue par
sa sensibilité, sa fièvre lyrique et son expression de sentiments exacerbés, notamment celle du
XIXe siècle. D’abord rattaché à la nature et au concept de paysage (penser surtout au jardin
anglais), le terme en est venu progressivement à qualifier des objets musicaux à la suite d’un
transfert d’abord artistique (de la peinture à la musique), puis culturel (des pays britanniques
et germaniques à la France), en plus d’avoir été influencé par les courant politiques et
idéologiques.

*Poétique du passé : En France, le terme a été associé au genre de la romance, au souvenir


d’un passé pittoresque et idéalisé. La nostalgie devient un principe d’écriture, avec la
récurrence thématique pour instituer un certain rapport au temps dans une œuvre.

*Parallèle entre la contemplation de la nature et de la musique (l’imagination qui oublie un


peu l’objet contemplé pour se complaire dans les images qu’il lui a inspirées) –le terme
« romantique » apparaît pour la première fois en tant qu’adjectif dans Les rêveries du
promeneur solitaire, ouvrage inachevé de Jean-Jacques Rousseau (1776-78)

*Importance de la nature dans son potentiel métaphorique pour les artistes romantiques

Plusieurs sens différents se sont combinés pour aboutir à une certaine conception du
romantisme autour du 1830 ; plusieurs œuvres surgies à ce moment témoignent de cette
stabilité esthétique :

 Guillaume Tell, dernier opéra de Rossini, qui opère une véritable fusion des
paradigmes romantiques (« orchestre-paysage » qui conjugue évocation historique,
assimilation française des styles étrangers et mise en valeur de la liberté sur le plan
esthétique)
 Symphonie fantastique de Berlioz avec son thème d’idée fixe qui entraîne l’auditeur
dans un passé intra-diégétique (qui est situé à l’intérieur de la narration, qui en fait
partie et a une incidence sur le cours de l’histoire) et la portée métaphoriquement
révolutionnaire que le compositeur a voulu lui donner

La notion de romantisme correspond plutôt à une façon particulière de dire et de concevoir la


musique, qu’à un style musical en particulier.

2) Esthétique du fragment

 Notion d’inachèvement, œuvre qui “conclut” sur une ouverture, sur quelque chose
d’autre qu’elle-même (dans son lied “Im wunderschönen Monat Mai” no. 1,
Dichterliebe, 1840, Schumann se permet de terminer par un accord en suspension une
œuvre qui n’a pas non plus un début précis, car la partie de la voix commence comme
au milieu d’une phrase, ce qui défie les codes de l’époque)
 Concision vs monumentalité (Le Romantisme est une esthétique faite de conflit et de
contraste, contrairement à la concision du Classicisme)
 Caractère éphémère, ce qui ne s’inscrit pas dans la durée
 Logique de l’assemblage (Vingt-quatre préludes de Chopin, 1835-39, des préludes sans
fugue qui s’enchaînent)
 Désordre (selon Schlegel le chaotique est l’esthétique du romantisme)
 Critique: l’esthétique du fragment c’est aussi dire quelque chose d’autre qui vient de
dehors intervenir et interpeller dans l’œuvre
 L’incursion des souvenirs : On le trouve dans l’œuvre de Schumann, surtout son cycle
“Carnaval op. 9” (1834-35). Schumann lui-même avait une personnalité brisée, pour
laquelle il s’est invité deux personnages qui font apparition dans cette œuvre pour
incarner les deux facettes musicales du compositeur : Eusebius et Florestan. Dans
“Florestan” (no. 6) on trouve aussi un passage qui est la citation d’une des premières
œuvres du compositeur (“Papillons” op. 2), et qui cherche à recréer cette sensation du
souvenir
Il n’y a plus de canevas commun (comme avec la forme sonate classique) mais un projet
commun, une volonté propre à tous les créateurs.
* L’œuvre romantique ne recherche pas une perfection formelle, comme celles de la période
classique; il peut y avoir des éléments dérangeants qui cherchent à perturber l’auditeur. Cette
œuvre peut être éclatée, fragmentée, pleine de ruptures, et cette esthétique romantique on
peut l’apprécier au point de vue musical avec les ruptures de tonalité par exemple.

3) Le compositeur comme génie

Avant le XIXe, les compositeurs écrivaient dans et pour un contexte, et dépendaient des
ressources matérielles mises à leur disposition.

À la fin du XVIIIe, dans le monde de la musique « sérieuse » on commence à construire une


nouvelle image du créateur génie requérant une autonomie et un respect sans précédent. Les
compositeurs commencent à penser leurs œuvres comme des « produits finis », au même titre
qu’un roman, une peinture ou une sculpture (en 1842, dans la préface de sa Symphonie
écossaise, Mendelssohn demande que l’œuvre soit jouée en une fois, sans longues
interruptions entre les mouvements à fin que l’unité en soit préservée).

Amorcé au XIXe, le phénomène parallèle de l’évolution du rapport des musiciens avec la


partition vers une interprétation stricte du texte musical trouve son aboutissement au début
du siècle suivant : des compositeurs comme Stravinsky exigent publiquement le respect de ses
partitions et dénoncent les musiciens qui « déforment » leur musique.

Le compositeur comme figure d’autorité se caractérise par :

 L’utilisation de plus en plus d’indications sur les partitions, pour désigner précisément
ses intentions
 Des compositions adressées aux connaisseurs (des œuvres difficiles, déjà fatigants
pour les connaisseurs et insupportables pour les simples amateurs)
 La définition des conditions matérielles de leur musique par les compositeurs eux-
mêmes

Ce renversement de perspectives a un impact profond dans la conception de l’œuvre en tant


que telle. La musique ne se plie plus aux moyens mis à sa disposition ; elle commence à exister
pour elle-même, indépendamment des ressources disponibles, des attentes du public et du
temps présent (le fait d’écrire pour l’avenir et pas pour son époque).
« Mais si elle (la musique de Beethoven) ne plaît pas actuellement, c’est que le public n’est pas
assez cultivé pour en saisir toutes les beautés supérieures ; dans quelques milliers d’années
elle ne manquera pas de produire son effet ! »

« Ce n’est pas pour vous ! C’est pour les temps à venir » Beethoven

Le cas Beethoven (période viennoise) : le compositeur était souvent célébré pour des œuvres
spécialement savantes et même parfois difficiles. Il était arrivé à Vienne doté de bonnes
relations et d’honneurs, ce qui l’a mis dans une forte position sociale qui rendait crédibles les
aspects de son œuvre perçus comme controversés. De connivence avec ses protecteurs,
Beethoven innova dans le domaine de l’art d’écouter la musique, ce qui modifia en retour la
relation compositeur-protecteur. Pour reconnaître la valeur de la musique de Beethoven, ses
contemporains devaient l’évaluer par rapport à des critères nouveaux, taillés sur mesure pour
lui. Beethoven lui-même s’efforçait de restructurer les catégories esthétiques et les
conventions d’écoute de la musique dans des voies qui correspondaient davantage à son
approche personnelle.

Une prédisposition culturelle favorable au génie de Beethoven fut élaborée durant les dix
années qui ont suivi son arrivée à Vienne. La prétention de Beethoven à la légitimité et à la
reconnaissance n’aurait jamais acquis une telle puissance si elle n’avait pas été ancrée à la fois
sur ses dons exceptionnels mais aussi sur tout un ensemble de pratiques, discours critique sur
la musique, technologie musicale, mis en œuvre par le compositeur et par son « parti
personnel » (ses protecteurs et autres assistants musiciens), un réseau complexe orienté vers
la production et la réception de son talent.

Il y a dans la carrière de Beethoven, une première phase dans l’élaboration de l’image du


compositeur génie ; il travailla à construire une image de lui-même comme individu autonome
–ce qui était en contradiction avec le modèle de musicien-serviteur de la Vienne du XVIIIe- et
comme compositeur se créant lui-même, et en faisant ça contribue au déplacement des
fonctions d’évaluation, d’autorité critique et de mise en place des modèles de la sphère du
protecteur (l’institution de la noblesse) à celle du compositeur et musicien (l’institution
naissante d’un monde autonome de la musique).

* Beethoven écrit un peu contre, au-delà de ce qui est possible pour son époque par rapport à
l’effectif et à ce qui est jouable pour la facture des instruments de son temps, contrairement à
Bach qui devait composer en fonction d’un ensemble, pour un contexte très précis, une
occasion particulière. La vision de Beethoven de la musique est plutôt idéaliste.

* Fin du classicisme-romantisme : vision de l’artiste comme un génie qui a été frappé


soudainement par l’inspiration, idéalisation de l’art créateur

* Précisément, l’apparition de l’artiste génial, entièrement voué à sa muse au mépris des


conventions bourgeoises, est simultanée avec le développement de la société bourgeoise.
D’ailleurs, ce n’est que par l’existence de ce public rémunérateur que le musicien peut
échapper à son statut curial, l’artiste dépendant désormais de ses succès publics plus que des
faveurs d’un maître. Pour autant, cette nouvelle liberté est ambivalente.

4) Évolution du concert et émergence du canon


Les salles de concert et d’opéra au XVIIIe étaient une extension du salon. Le public n’avait pas
encore l’idée d’une écoute respectueuse, mais il y assistait plutôt pour des soirées musicales
très longues avec un programme assez incongru (selon le point de vue moderne) d’airs
d’opéra, de sonates, d’improvisation, d’ouvertures et de symphonies. Les participants y
pouvaient parler, se déplacer, manger et boire, jouer aux cartes… Ce fut avec les symphonies
de Beethoven que la programmation hétéroclite du XVIIIe commence à laisser place à la
coutume de programmer seulement de la musique symphonique (homogénéisation des
programmes, qui deviennent plus « cohérents »)

* En 1807 l’Héroïque de Beethoven est jouée dans son intégralité pendant le deuxième acte
d’un concert.

*D’autres stratégies (et petits incidents) mises en place par le compositeur lors des concerts
privés nous révèlent sa tentative de reformer l’étiquette de l’écoute de la musique ; Beethoven
a « grandi » les enjeux de la consommation de la musique en tentant de formaliser la situation
d’écoute, en la redéfinissant comme le moment d’une dévotion rituelle solennelle.

Typologie des concerts au XIXe

 Concerts des solistes virtuoses


 Concerts de musique de chambre (cette forme de musique deviendra un emblème de
la musique plus savante, faite pour un public connaisseur)
« Mais il fallait aussi que le quatuor répondît à une attente, celle d’une aristocratie et
d’une bourgeoisie urbaine, imprégnées de la philosophie des Lumières et revendiquant
une nouvelle façon de penser, de sentir et de se comporter. Le quatuor allait
métaphoriser musicalement cette pratique de la conversation, de la discussion
intellectuelle empreinte de courtoisie à laquelle s’adonnaient avec la plus grande joie
les hommes et les femmes lorsqu’ils se retrouvaient dans ce lieu à la mode qu’était
alors le salon. » (Bernard Fournier, Panorama du quatuor à cordes)
 Concerts de musique d’orchestre

Idéalisme vs Entertainment

Au XIXe émerge l’idée d’une hiérarchisation entre la musique classique (sérieuse, savante,
idéaliste, presque éducative) et la musique légère. Toutes ces nouvelles valeurs (l’idéaliste, le
sérieux au concert, le respect) permettent de distinguer les différentes niveaux sociaux, et
même la « vraie » l’aristocratie de celle sortie des masses. La musique était devenue un objet
de consommation, et pas mal d’auditeurs (entre eux les nouveaux riches et petits bourgeois)
n’étaient pas assez “éduqués” par rapport aux bonnes pratiques dans un théâtre; ils n’avaient
pas les moyens intellectuels pour apprécier la musique (même s’ils avaient les moyens
économiques) et ils étaient même méprisés, moqués par certains compositeurs.

Avis. Un événement important et heureux est sur le point d’arriver pour le monde musical, mais
d’abord pour Berlin. Dans les premiers jours de mars la « Musique de la Passion selon
l’Évangéliste Matthieu » de Johann Sébastian Bach sera donnée sous la direction de Monsieur
Félix Mendelssohn Bartholdy. L’œuvre la plus importante et la plus sacrée du plus grand
musicien voit ainsi le jour après avoir été dissimulée pendant près d’un siècle, une grande fête
de la religion et de l’art. (Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, mars 1829, p. 6.)

Canon : modèle idéal auquel il faut se conformer.

La notion de « canon » vient s’associer à la pratique d’écrire l’histoire de la musique, amorcée


au début du XIXe avec les premières biographies de compositeurs qui ont été écrites. Jusqu’à
là, la musique était considérée comme un bien périssable, un produit saisonnier rapidement
démodé, mais avec le tournant du XVIIIe au XIXe on commence à s’intéresser de plus en plus à
la musique ancienne, et les auteurs se concentrent alors sur les « grands maîtres » et les
« chefs-d’œuvre ».

 L’écoute de la musique comme pratique rituelle


 L’habitude d’écouter de façon répétée un nombre d’œuvres limité
 Le culte voué aux compositeurs
* L’idée que le public devait s’éduquer en matière de musique, en apprenant sur les
grands œuvres et grands compositeurs (les grands maîtres, la triade classique)
 L’importance accordée à la partition comme l’objet qui va cristalliser l’intention du
compositeur

Canon viennois

Dans la Vienne des années 1790, le souci de normes éternelles s’impose comme la valeur
dominante en musique. La scène musicale commence à présenter de plus en plus souvent
Haydn, Mozart et Beethoven comme la « trinité » musicale des maîtres compositeurs
(préhistoire du canon en musique, les années de formation pendant lesquelles se sont
imposés des nouveaux modèles qui ont transformé le goût du public). La forme qu’a prise le
succès de Beethoven, et le fait qu’il a été considéré comme « héritier » de la tradition
canonique qui comprenait Haydn, Mozart, J. S. Bach et Haendel, est inséparable des
spécificités de la culture musicale viennoise (de l’esprit de Mozart aux mains de Haydn). On
considérait les « grands » compositeurs antérieurs comme menant aux génies modernes

Canon anglais

Conscience historique croissante de la musique au sein de laquelle les œuvres des


compositeurs du XVIIe et du début XVIIIe (notamment Haendel) étaient révérées, surtout par
les mécènes de l’aristocratie. Articulé en opposition à la musique contemporaine, conçue
comme vulgaire et décadente

À Paris, le canon musical émerge tout d’abord de l’activité musicale pratique, du besoin de
programmer des œuvres en réserve que les orchestres connaissaient et pouvaient exécuter
avec peu de répétitions.

Le mot canon fait référence à l’ensemble d’activités, des valeurs et des figures d’autorité qui
entourent la musique, le cadre qui permet d’identifier les « classiques », les œuvres
individuelles considérées comme géniales.
Pendant le XIXe on voit s’affirmer au centre de la vie musicale, un canon international qui
établit l’autorité en termes esthétiques et de critique.

Les aspects du canon :

- Respect pour l’ « artisanat » du maître compositeur, pour son habilité de créer en


gardant le respect pour la tradition, de rendre hommage aux compositeurs canoniques
en adaptant les modèles aux exigences et idées de son époque.
- Dans le répertoire, le cadre initial du canon, les compositeurs décédés prennent
progressivement le pas sur les compositeurs contemporains. Cette inversion qui s’est
produite au XIXe est toujours présente.
- A canon is an idea: a repertory is a course of action… Le canon défini les œuvres de son
répertoire d’un point de vue critique et intellectuel : le public développe une
préférence pour certaines œuvres du répertoire, qui ont été et/ou seront mises en
lumière en répondant à cela. Cependant, la valeur canonique est donnée par une
portion limitée de la communauté, les connaisseurs, privilégiés par leurs acquis
intellectuels et qui méritent alors de justifier les canons par rapport aux idéologies.

Le répertoire s’est définit par l’apprentissage et la critique, et le résultat fut légitimé par
l’idéologie.

L’idéologie du canon différencie clairement la musique classique de la musique populaire, et


met en place une hiérarchie des genres qui a toujours existé mais qui n’avait pas encore été
systématisé, avec la musique de chambre en tête (spécialement les quatuors à cordes), suivie
par la symphonie, le concerto, et puis des genres mineurs tels que l’ouverture et la suite, en
finalisant par les genres populaires (danses, chansons sentimentales, marches). Ces derniers
ont été marginalisés dans les programmes des concerts, qui privilégient dès lors les œuvres
suivant la tradition de la musique classique.

5) Développement de la virtuosité

La figure de Paganini marque une émancipation sociale du musicien (il est un des premiers à
avoir le statut de musicien indépendant).

Le climat de terreur causé par le choléra va mettre en place une contreculture qui va arriver
progressivement dans les œuvres des artistes (Danse macabre, Les fleurs du Mal de
Baudelaire). L’esthétique du macabre, du grotesque, du morbide, et la recherche de la laideur
deviennent dorénavant caractéristiques du Romantisme.

L’optimisme des lumières et toutes les valeurs sur lesquelles se reposait le XIXe siècle (science,
progrès) sont ravagés par cette épidémie. Il y a une fracture au sein de la société, une
destruction du corps physique et social.

Rejetant le modèle de bienséance, Paganini ravit ou choque son public, mais il ne laisse
personne indifférente.

Paganini construit son image sur scène en jouant un peu avec le côté décadent (habillé en noir,
très maigre, d’un caractère provocateur de génie sombre, d’idole malade…), ce qui crée une
ambivalence avec le fait qu’il joue divinement. La réaction du public est aussi ambivalente,
allant de la moquerie à la vénération et l’admiration totale. La figure du virtuose a été
caricaturée, et on a diffusé de nombreuses légendes sur lui et sa technique de jeu.

Paganini choque aussi pour la dimension corporelle de ses prestations, la variété de


mouvements parfois un peu exagérés qu’il inclut et qui donnent cette dimension de show, de
performance.

Paris est envahi par le concert et le choléra. Ce contraste du plaisir et de la mort est partout…

Caprices de Paganini: contraste entre…

 Expression lyrique similaire à celle de l’opéra, du bel canto


 Recherche spatiale dans des passages où l’idée c’est de parcourir l’instrument, de
pousser les limites de la technique.
 Registre étendu (alternance entre le grave et l’aigu qui interrompt constamment la
mélodie)
 Absence de mélodie (développement plutôt harmonique)
 Champ harmonique vaste avec une recherche dans des tonalités de plus en plus
lointaines

Paganini propose un nouveau dispositif technique correspondant à ses habiletés, pour se


différencier de toute la ligne des virtuoses qui le précèdent.

Les critiques adressées à la virtuosité au XIXe

Le fait qu’on place la technique et la difficulté au centre de l’art suscite des réactions diverses,
et certains la méprisent en considérant qu’elle masque une manque de profondeur, de vrai
savoir-faire

 Caractère superficiel, manque d’originalité (des compositeurs qui se sert des motifs
connus), pauvreté d’harmonie, pur « remplissage » avec des effets frappants et des
tournures insignifiantes (beaucoup de bruit pour… rien)
 Caractère éphémère (beaucoup dans le moment mais qui ne s’inscrit pas dans les
esprits, dans la durée, contraire à l’élément de la contemplation de l’art)
 Caractère théâtral (le fait que le physique et le visuel prenne un peu le pas sur la
musique, encore un symbole de la superficialité)

La virtuosité va aussi amener à un changement de paradigmes et une inversion des rôles :

 La technique est un but et non plus un moyen


 Le musicien n’est plus au service de l’œuvre, c’est l’œuvre qui sert le musicien
 La virtuosité ne respecte pas les formes traditionnelles ni les compositeurs
(déséquilibre formel en laissant la place entièrement au musicien pour montrer ses
habiletés)

* Le développement de la musique « privée », permis notamment par l'amélioration des


techniques d'imprimerie et de marketing et, surtout, par l'essor du piano, fait massivement
entrer la musique dans les intérieurs bourgeois. De marginal, le phénomène musical devient
général dans les classes favorisées. Dès lors, ses cadres intellectuels et culturels s'en trouvent
modifiés : d’artisanat, la musique s’affirme comme un art. De là découle une nouvelle
conception du concert. Les représentations drainent un public toujours plus nombreux, les
recettes s'accroissent en conséquence, ainsi que le cachet des artistes. Désormais, à l'image de
Liszt ou de Paganini, un artiste peut espérer faire fortune au moyen de tournées grandioses et
des artistes admirés pour leur dextérité et leurs prouesses techniques remplissent des salles
gigantesques. La figure du virtuose émerge précisément à cette période.

6) La musique comme marché économique

Musique comme marchandise, en correspondance au boom économique de l’époque

Valorisation du musicien comme individu: présentation des pianistes seuls sur scène, grâce aux
nouvelles possibilités données par l’évolution de l’instrument.

* Dès les années 1820-1830, l’exhibition du corps de l’artiste en plein effort devient un objet
esthétique porté par le goût des foules pour l’exploit technique. À Paris, les facteurs
d’instruments s’attachent des artistes pour faire la promotion de leur production
manufacturée. L’éloquence du virtuose est alors utilisée à des fins commerciales lors des
présentations dans des locaux commerciaux aménagés comme salles de concert.

Imprésario au XIXe siècle: une sorte d’agent qui va s’occuper de négocier les contrats de
l’artiste, d’organiser les tournées, louer les salles, faire attention à ce qui est mis sur les
journaux par rapport à l’artiste.

La famille Érard se dédie à l’invention et perfectionnement de différentes types de pianos


(piano-forte, piano pédalier)

Révolution industrielle :

- Production en série
- Réseau de diffusion
- Publicité

On voit aussi l’apparition des entrepreneurs dd la musique:

- Agents (un personnage clé dans l’évolution du statut de l’artiste, qui n’est plus lié à/en
service de la royauté et qui devient autonome, se lance sur le marché)
- Facteurs
- Éditeurs (Giovanni Ricordi devient plein propriétaire d’énormément d’œuvres
produites dans le théâtre La Scala)

Avec tous ces acteurs on peut dire que au XIXe la musique (le Répertoire tant qu’on l’a défini
en cours) devient un objet du marché qui s’inscrit dans le modèle capitaliste et qui par la suite
va être vendu, consommé par un public. On commence à écrire des œuvres qui répondent à
cette demande, ce qui démarre une inversion des paradigmes.

Époque de standardisation :

- Invention du métronome
- Standardisation des instruments de musique et du tempérament
- Conservatoires

Nécessité pour le compositeur de faire de l’autopromotion :

- Par l’écrit littéraire


- Par la présence sur scène
- Par la représentation de sa figure dans sa propre musique (ex. Berlioz et la
Fantastique)

Par rapport aux critiques adressées à la virtuosité, dans cette période de révolution industrielle
elle commence à être vue comme un produit du capitalisme et de l’industrialisation:

- La virtuosité est mécanique : mécanisation de la musique, travail mécanique du corps


du musicien. Le virtuose commence à être considéré comme un technicien, un
mécanicien, quelqu’un qui jouait sans aucune expression, goût ni sentiment.
- La virtuosité est facile et « populiste »: le virtuose est accusé de brader son art pour
attirer le plus de public et avoir le plus de profit
- La virtuosité relève seulement de la performance

Une autre perspective sur la virtuosité :

- La virtuosité est un moyen de parvenir à l’intégration formelle d’un matériel


expérimental, et participe alors à la révolution romantique
- Inversement, la modernité du langage musical est en mesure de donner à la technique
virtuose une substance, une consistance

7) L’intérêt pour la musique ancienne

Schisme entre « progressistes » et « conservateurs »

Les compositeurs progressistes du XIXe pensent à la musique ancienne comme un terreau


pour l’improvisation; cette conception romantique est différente de la tendance HIP (Historical
Informed Performance) du XXe

- La Nouvelle École allemande, basée surtout à Weimar, avec Liszt et Wagner (et Berlioz
qui les influence), prend le modèle comme prétexte à l’innovation,
* Des interprétations qui reflètent le ressenti du musicien, l’esprit moderne, et qui
incluent des effets propres aux instruments perfectionnés
- À Leipzig, les conservateurs (Schumann, Mendelssohn et Brahms) imitent et
respectent le modèle, résultant en une interprétation de l’œuvre comme l’auteur a dû
la comprendre, l’exécuter lui-même ou vouloir qu’elle soit exécutée.

Mars de 1829 : la « Musique de la Passion selon l’Évangéliste Matthieu » de Johann Sébastian


Bach est donnée sous la direction de Monsieur Félix Mendelssohn Bartholdy.
« De la même façon que le traducteur rend un texte accessible à notre compréhension,
[Mendelssohn] a rendu la musique accessible à notre sensibilité. » (Johann Gustav Droysen
(historien, 1808-1884).)

Des changements et adaptations mis en place par le compositeur :

- lieu : église > salle de concert


cadre : office religieux > concert public
- effectif : grand choeur mixte (158 choristes)
- suppression d’un nombre important de numéros (22), et de 11 airs sur 15
- changements apportés à l’effectif (substitution de l’oboe da caccia par la clarinette)
- réorchestration

Double processus de sécularisation du religieux et de sacralisation du profane

Sécularisation: musique religieuse qui devient séculière, qui est dégagée de sa fonction
originale (religieuse), par exemple, en étant jouée dans des salles de concert à la place d’une
église. La musique profane, d’autre part, on commence à la sacraliser.

8) Écriture de la musique et improvisation

L’emploi du verbe interpréter pour désigner l’activité de l’instrumentiste ou du chanteur est


devenue si banal qu’on oublie qu’il ait pu exister d’autres manières de désigner – et donc de
concevoir – l’acte musical. Longtemps, on a préféré un autre terme : les musiciens
n’interprétaient pas la musique, ils l’exécutaient. L’abandon d’un mot au profit d’un autre au
milieu du XIXe siècle n’est pas anodin. Il coïncide avec le renoncement des musiciens au
rapport très libre qu’ils entretenaient avec la partition depuis des siècles, remplacé par une
vision très stricte du rendu sonore du texte musical.

Première notion d’exécution : action du musicien exécutant, définition de la musique comme


un discours, soumis à des règles bien connues pour les musiques anciennes qui se sont
perpétuées tard dans le XIXe siècle.

Un rapport souple à la partition : traces et témoignages

- Cadences : Les cadences des concertos, beaucoup étudiées par les musicologues, sont
un des aspects les plus spectaculaires de l’improvisation oratoire
- Introduction d’un morceau ou d’un concert (l’entrée en matière) : il fut longtemps
impensable de commencer un morceau musical sans poser quelques accords qui
étaient parfois agrandis en une véritable pièce introductive. On retrouve des modèles
pour ces moments improvisés dans des ouvrages pédagogiques ou dans des recueils
de l’époque
- « Passages » : Au concert aussi, la musique est pensée comme un art oratoire. Jusque
tard dans le XIXe siècle, toute exécution soliste est ponctuée de gestes sonores
éloquents. Pour faire entendre au public les articulations de leur discours, les
musiciens soulignent le mouvement d’une période à une autre. L’édition musicale a
conservé la trace de ces ponctuations comme des traits en petites notes non mesurées
(souvent athématiques). Les ponctuations oratoires ne sont pas la propriété exclusive
des solistes. Dans les orchestres aussi, jusqu’au début du XIXe siècle, il était d’usage de
s’écarter de la partition.
- Des genres libres comme la rhapsodie invitaient plus ouvertement à l’improvisation

Comprendre la nature de l’exécution musicale à cette époque suppose donc de se méfier de


l’évidence : en dépit de la précision de la notation en usage au XIXe siècle, la musique réelle
est en grande partie invisible dans les partitions manuscrites ou éditées.

Dès les années 1820, étaient apparues les prémices du nouveau régime du jeu musical :
« Exécuter une pièce de musique, c’est (…) la rendre telle qu’elle est notée sur la partition. » La
condition impérative du respect du texte allait de pair avec une méfiance systématique envers
le medium humain soupçonné de trahir les intentions des créateurs : « Si le compositeur est à
la merci de l’ignorance des exécutants, ou de leur malveillance, il y est aussi de leur faux savoir
et de leur faux goût. Ce qu’ils ajouteraient à ce qu’il a fait serait quelquefois plus pernicieux que
ce qu’ils y pourraient omettre. »

Une nouvelle façon de considérer les œuvres place la partition au cœur de la pratique des
artistes comme des auditeurs. Lorsque l’œuvre devient une partition, on voit apparaître le
problème de l’interprétation moderne : un corpus de textes amené à être infiniment fréquenté
(les classiques) ; des textes sacralisés (« œuvres vénérables ») pris en charge par un musicien
spécialisé dans l’exégèse des partitions (un « interprète »), tantôt « traduisant » les maîtres,
tantôt les « reproduisant », dans tous les cas s’effaçant derrière les génies défunts ; enfin une
démarche aux présupposés historiques qui n’applique pas à chaque pièce le goût
contemporain mais respecte les caractéristiques de chaque auteur.

Stricte répartition des tâches entre :

- L’inventeur de musique
- L’interprète
(Le compositeur n’est plus nécessairement l’interprète de ses œuvres)

« Les yeux fixés sur le texte, pour le comprendre et le faire comprendre (…) de rendre intelligible
à l’élite, un des textes les plus riches, les plus médités, les plus pensés de la musique de piano
contemporaine. »

L’interprète est celui qui amène à la lumière le sens enfoui du texte. Face aux mystères des
œuvres des créateurs les plus exigeants, les musiciens sont mis en demeure de traduire,
d’expliquer, de lever toute ambiguïté. L’humilité absolue sera la norme à la fin du siècle

Participent aussi de cette situation l’inflation des écrits sur la musique et le développement de
l’analyse musical. Durant le courant du XIXe, l’analyse devient le moyen pour l’interprète de
trouver la signification de l’œuvre : c’est la structure de la pièce qui détermine l’explication et
sur laquelle repose la clarification des intentions du maître.

* La présence massive d’imprimés (partitions, méthodes, traités, littérature pédagogique et


textes sur la musique) dans le quotidien des instrumentistes et des chanteurs est un des traits
caractéristiques de la vie musicale moderne
* Deuxième moitié du XIXe : des leçons écrites sur les sonates pour piano de Beethoven, un
aperçu analytique de sa cinquième symphonie.

Méthodes de solfège : La discipline connaît un développement phénoménal au XIXe siècle et


se distingue rapidement de l’exercice pour chanteur. Peu de temps après sa fondation en
1795, le Conservatoire de Paris donne à la maîtrise de la lecture virtuose une importance
considérable. Les classes de solfège seront obligatoires pour tout musicien désireux
d’apprendre un instrument. En un siècle, le solfège aura achevé de se vider de sa dimension
musicale et aura engendré des virtuoses scolaires qui brilleront dans les concours. Les éditeurs
imaginent alors des vraies encyclopédies de la gymnastique solfégique qui recueillent et
poussent jusqu’au niveau maximal toutes les difficultés de la lecture musical. Cette attention
quasi obsessionnelle est le terreau sur lequel peuvent ensuite se construire toutes les
pratiques de la rectitude textuelle qui sont au fondement des techniques d’interprétation
musicale. Cette éthique du texte inculquée dès les premiers temps de l’apprentissage est
répétée tout au long de la vie.

Invention du métronome : Brevet d’invention de 5 ans, instrument ou mécanique nommé


métronome, propre à marquer les mesures dans la musique, 1815.

« Relativement aux indications de tempo, [...] qu’y a-t-il de plus absurde que [le terme] Allegro,
qui signifie une fois pour toutes joyeux, alors que nous sommes si éloignés du sens de cette
indication, de telle sorte que le morceau lui-même dit le contraire de l’indication. [...] quant à
moi, j’ai imaginé depuis longtemps renoncer à ces appellations absurdes Allegro, Andante,
Adagio, Presto ; le métronome de Maelzel nous en donne la meilleure occasion. » Beethoven

Le métronome va aider Beethoven à renforcer le contrôle sur son œuvre et à exercer


davantage d’autorité sur l’interprète. L’invention aura grand succès parmi les compositeurs,
mais ils garderont l’idée générale que « le sentiment a aussi son tempo » (Carl Czerny était de
l’avis qu’à tout endroit de la partition, une légère détente ou accélération du tempo est
nécessaire).

9) La naissance du chef d’orchestre

L’instauration des répétitions partielles a eu lieu pendant le XIXe. Conseillés par Berlioz dans
un article de la revue Le Rénovateur (1834), où il promet « un résultat incomparablement
supérieur à celui que six ou sept séances, suivant la méthode ordinaire (l’ancien système
d’études collectives), vous auraient donné ». Dans L’art du chef d’orchestre (1856) il donne des
indications précises sur comment organiser le système de répétition pour des orchestres de
large mesure, à adopter toutes les fois qu’il s’agit de monter un ouvrage de grandes
dimensions (toujours précédé d’un travail analytique du chef, qui est sensé connaître
parfaitement la partition qu’il va faire exécuter). Liszt conseille aussi l’emploi « de répétitions
partielles des instruments à cordes, à vent, en cuivre, et à percussion. Par cette méthode de la
division du travail on épargnera du temps en facilitant aux exécutants l’intelligence de
l’ouvrage. »

Apparition du chef d’orchestre

- Carl Maria von Weber


- Félix Mendelssohn
- Franz Liszt
- Richard Wagner
- Richard Strauss
- Gustav Mahler

Le chef d’orchestre comme figure d’autorité

« Le compositeur est « maître absolu de cet immense instrument intelligent ; quand il est sûr
qu'il n'y a plus qu'à lui communiquer les nuances vitales de mouvement qu'il sent et peut
donner mieux que personne, le moment est venu pour lui de se faire aussi exécutant, et il
monte au pupitre-chef pour diriger. » Berlioz

Instauration d’une « police de l’orchestre » :

- Assister régulièrement à toutes les répétitions et assemblées musicales


- Rester jusqu’à la fin
- Observer le plus grand silence en étant à sa place
- Être attentif aux directions du chef d’orchestre

10) Les femmes et la musique

Au XIXe siècle, en dépendant de l’instrument choisi, la vocation d’une femme pouvait être jugé
de monstrueuse. La différence entre les dates auxquelles les femmes ont commencé à être
acceptées pour jouer certains instruments, parle aussi beaucoup du statut de l’instrument. Le
piano par exemple était un élément fondamental de l’éducation correcte d’une jeune femme
de bonne famille bourgeoise.

Dans le conservatoire, il y avait l’idée « rationnelle » des classes séparées, car les classes
mélangées pouvaient être préjudicielles aux hommes, par exemple dans le cadre des concours
où des musiciennes sont récompensées en égalité :

« notez qu’un premier prix accordé à une femme, par conséquent enlevé à un homme, n’a pas
du tout une signification égale. »

La mentalité de l’époque étant que la femme se marierait éventuellement, et une fois devenue
mère de famille sont prix passerait en état de souvenir (au contraire de l’homme qui, pourvu
de son prix, deviendrait un professionnel)

Style « féminin » :

- Devoir du sexe féminin : le charme


- Facilité pour les mouvements qui demandent seulement de la délicatesse
- Mozart, Mendelssohn, premiers concertos de Beethoven (en opposition aux concertos
de Rubinstein, Grieg, Brahms, demandant une force « herculéenne »)
- Qualités particulières aux femmes : la finesse, la grâce, la délicatesse, l’élégance
exquise (la vigueur et le sérieux étant associés aux hommes)
L’image de la femme : l’apparence des instrumentistes faisait partie des critiques de leur jeu
des revues musicales, et ceci jusqu’à notre siècle

« Des yeux bruns pétillants, des joues bien rebondies, une jolie petite bouche couleur cerise, le
tout encadré d’une magnifique chevelure bouclée. La silhouette est arrondie et les bras
montrent encore des traces de rondeurs de bébé. » Der Spiegel, 20 février 1989.

« Après avoir perdu du poids pour s’approcher d’une silhouette idéale, Anne-Sophie Mutter a
délaissé ses robes de mariée zurichoise pour ne plus jouer que dans des robes aux corsages
décolletés, que le couturier Marc Bohan de la maison Dior, crée pour elle, qui l’enveloppent
parfois, en bas, dans un étrange cocon. » (2003)

Sophie Menter est « le meilleur pianiste du temps présent ».

(Judex, « Concerts », Le Monde artiste, 12 mars 1893, p. 186)

« On peut attribuer un génie reproductif au beau sexe mais on ne peut lui reconnaître une vraie
production (...). Il n’y aura jamais de compositrice, mais tout au plus une copiste appliquée. Je
ne crois pas au féminin du concept : créateur. » Hans von Bülow à propos de Clara Schumann.

11) Le geste musical

Statut du corps dans la musique occidentale

Boèce, théoricien du Moyen Age, va reprendre les concepts et idées de Pythagore (harmonie
des sphères, musique comme partie du Quadrivium, avec la géométrie, l’arithmétique et
l’astronomie) et il va les réadapter à la pensée religieuse de son époque.

L’art au Moyen Age fait plutôt référence à un savoir-faire, il n’a pas encore achevé ce statut
élevé qu’on lui connaît. On a aussi la distinction entre le musicus (celui qui pense la musique,
qui est capable de l’expliquer et la juger, considéré comme le véritable musicien) et le cantor
(celui qui joue d’un instrument). Le statut du musicien, de celui qui utilise son corps pour faire
de la musique, est complètement dévalué.

- Musica mundana (celle qui est expliquée, enseignée, raisonnée)


- Musica humana (vocale, « bénite » car la voit et un don divin)
- Musica instrumentalis (digne de reprochement)

Le corps du musicien au 19e siècle

Le XIX se caractérise par une série de pratiques dédiées à « effacer » le corps du musicien, le
rendre invisible sur scène pour laisser le plus de place à la musique. C’est aussi la période où
les méthodes sont produites en quantités, où l’on commence à standardiser la technique des
différents instruments de musique. Suivant ces méthodes le geste des bras devait suivre les
codes d’étiquette, ce qui donnait des mouvements assez réduits avec les bras près du corps et
le coude plutôt bas pour le jeu du violon, par ex

1795: ouverture du Conservatoire de Paris

Importance de l’étiquette
Pierre Baillot, Rode et Kreutzer, méthode pour le violon de 1803 qui demandait une attitude
noble et aisée sans donner aucun mouvement au corps à l’exception du bras. Tout ce qui
déborde cette norme est jugé de ridicule

La méthode de Baillot de 1834, d’une précision extrême, veut mettre le corps en service de la
musique. Le théoricien crée une sorte de corset pour le musicien, avec des distances
mesurées, des schémas pour le mouvement de l’archet, etc. Il y a aussi une grande importance
accordée à l’aspect visuel de l’interprétation ; le musicien est un peu considéré comme un
orateur.

(Avant ce moment, la taille du violon par ex., ainsi que la façon de le tenir, varient beaucoup
entre les musiciens)

* Violoneux : joueur de violon, surtout dans les campagnes, et qui n’a pas le statut d’artiste du
violoniste. L’opposition entre violonistes et violoneux est une courante très systématique du
XIXe siècle, suivant les idées défendues par le Conservatoire. Avec l’instauration d’une
institution comme le conservatoire et toutes les méthodes de l’enseignement musical, on
marque la séparation entre les univers de la musique populaire et académique.

Évolution à la fin du XIXe siècle

- Développement de la « physiognomie »
- Méthodes pour servir à l’expression des sentiments

« Se maintenir dans une attitude rigide, au moment d’une puissante émotion, est une
contrainte insupportable pour un artiste. (...) Le mouvement né d’une impulsion intérieure est
salutaire et bienfaisant… » Flesch, méthode de 1923

Le geste musical :

- Les gestes qui servent directement à produire le son


- les gestes qui ne sont pas essentiels à la production du son, mais qui la soutiennent
- les gestes qui accompagnent la musique > fonction symbolique, servant à
communiquer avec le public ou avec les autres musiciens

Caractéristiques de l'interprétation du violon au 19e siècle, correspondant à la perception du


bon goût de l’époque:

- Importance du portamento : élément d’expression pour donner à l’exécution de la


liaison, du moelleux, de la suavité, toujours à être utilisé en rapport avec l’esprit de la
musique, et avec du goût
- Vibrato occasionnel
- Fluctuations de tempo
- Importance de l’ornementation

Baillot mentionne la « variété que l’on peut mettre dans la manière d’orner une phrase ou une
cadence, et en même temps de la retenue qu’il faut avoir dans l’emploi de ces agréments où il
est si facile de pécher contre l’harmonie et le bon goût. » (Méthode, 1801)
Au début du XXe siècle (jusqu’aux années 20-30), ces pratiques d’interprétation ont été en
quelque sorte bannies pour favoriser ce qui est écrit sur la partition. On est dans une période
de nettoyage, de purge des excès de sentimentalité du Romantisme, pour essayer d’arriver à
quelque chose de plus pure, de plus fidèle au texte.

12) Gestes : études

Le corps au travail

L’étude : Sortes de compositions dont le thème est un passage difficile, destinées qu’au travail
de cabinet, et à familiariser l’élève avec les difficultés de tous les genres qu’il rencontrera
ensuite dans le répertoire

- outil d’apprentissage
- objet commercial
- principe compositionnel

Le corps civilisé et entraîné

« Comme la bonne grâce y est nécessaire il faut commencer par la position du corps. »

- 1880 : enseignement de gymnastique obligatoire dans tous les établissements


d’instruction publique, pour favoriser le développement corporel des enfants
- Entre 1840 et 1920 environ, on voit très souvent l’emploi du mot « gymnastique »
dans des méthodes musicales
- Gymnastique = souplesse, agilité, force = efficacité technique

L’organisation du temps de travail

Présupposés d’une étude :

- le corps du musicien est perfectible à condition de diviser rationnellement les


problèmes techniques à résoudre ;
- il faut imprimer les réflexes mécaniques dans le corps par la répétition insistante des
gestes ;
- le temps de l’étude ne se confond pas avec le temps de la « musique ».

L’étude continue à supposer :

- une théorie du corps qui postule la standardisation ;


- une doctrine pédagogique fondée sur la gymnastique digitale et la division du travail ;
- une morale du dépassement de soi.

Lire article

https://larevue.conservatoiredeparis.fr/index.php?id=1269

13) Ouverture vers l’ailleurs – Écoles nationales

Phénomène du XIXe siècle qui veut utiliser la musique pour s’affirmer en tant que nation.
Il y a en Europe dans cette période une série de révolutions (Belgique et Pologne en 1830,
Hongrie en 1848). Ces pays vont chercher dans leur folklore d’autres caractéristiques
musicales, pour présenter des éléments différents à ceux établis par les grandes nations
musicales (France, Allemagne, Italie). L’esprit du temps est celui de se forger une identité en
marge de ces nations.

L’exemple de Brahms

Grâce à son ami et violoniste hongrois Eduard Reményi, le compositeur a découvert la musique
hongroise, celle qui était jouée dans la campagne par les tziganes. Ils ont fait des tournées
dans les tavernes où ils jouaient en duo piano-violin des pièces appelées Czardas, qui
consistent en deux parties:

- lassu (tactile): une sorte d’introduction lente


- frisska (habilement)

Brahms reprend les caractéristiques de cette musique, en essayant de capter son esprit et
d’imiter ses sonorités et instruments traditionnels.

- La gamme tzigane, qui donne une couleur caractéristique


- La polarisation entre les voix, avec une mise en lumière de la voix principale
- Le rubato en permanence, avec des changements de carrure constants (fluctuation de
tempo et disparition de la carrure classique)
- Le caractère improvisé

Ces compositions, qui reprennent les mélodies hongroises, ne présentent pas de numéro
d’opus, car le compositeur ne les considérait comme de son appartenance.

La vraie musique folklorique est aux antipodes de la tradition normée des conservatoires.

Le cas de Chopin et les mazurkas

Mazurka: ensemble de danses avec un tempo modéré (normalement plus lent que celui des
danses viennoises) et l’accent qui se déplace du troisième temps au deuxième dans la
quatrième mesure, ce qui crée une relance de la dynamique (il faut garder en tête que ces
caractéristiques ne sont pas absolues).

Chopin arrive à Paris vers 1830. Son objectif n’est pas d’écrire une musique nationale, mais
plutôt une musique romantique, qui répond à l’esprit de son époque. Il cherche à créer une
musique libre, mais il va quand même chercher dans la musique de la Pologne, il est resté
attaché à ses origines mais seulement pour le potentiel musical, pas avec une idée patriotique.
Chopin a composé des mazurkas qui jouent entre deux caractères; selon l’interprète, on peut
entendre ressortir des éléments plutôt campagnards, rustiques, ou un caractère très élaboré,
plutôt semblable aux mazurkas de salon. Il permet toute une latitude à partir de quelque chose
de rudimentaire, ce qui donne beaucoup plus de liberté aux instrumentistes pour s’exprimer.

Les mazurkas de sa jeunesse prenaient du folklore hongrois authentique, mais plus tard dans
sa carrière elles deviennent des créations plus personnelles, plus modernes.
Le rubato, très présent dans l’œuvre de Chopin (et surtout exagéré dans son jeu), est plutôt un
produit des mazurkas de salon

Mazurkas de Chopin:

- Caractère rustique
- Forme libre et sophistiquée

14) L’exotisme en musique

Evocation à travers la musique d’un endroit, un peuple ou un milieu social qui n’est pas
complètement imaginaire et qui est perçu comme profondément différent par le créateur de
l’œuvre et par son public

Orientalisme de distanciation

* Ne pas se contenter de repérer les composantes exotiques d’une partition, mais élaborer
une compréhension plus globale des rapports avec l’Autre.

Le cas de Ravel

Le compositeur a fait une série d’hommages

- au Baroque (ex. Le Tombeau de Couperin)


- au Classicisme (ex. la Sonatine)
- au Romantisme (ex. Gaspard de la nuit)
- à l’Espagne (ex. L’Heure espagnole)
- au Jazz (ex. Concerto pour piano en Sol)

On peut distinguer chez Ravel 3 types de rapports avec l’Autre :

- Orientalisme romantique, dont le but est de faire rêver/voyager l’auditeur


- Méta-orientalisme, c’est-à-dire attitude ironique envers l’orientalisme romantique
- Négociation/appropriation créative plus abstraite

15) Musiques populaires du XIXe

Musiques « populaires » versus musique « savante »

La musique contribue progressivement à l’élaboration de stratégies de distinction

- Œuvres sérieuses et canoniques


- Développement d’une étiquette, d’un rituel
- Les mélomanes remplacent les amateurs

Musiques populaires des villes au XIXe :


- Paris (début des années 1830) : musique de rue et des guinguettes, qui fait vivre des
musiciens ambulants, des « saltimbanques », des chanteurs
La chanson d’ouvrier (écho des sentiments publics) et le cabaret
- Vienne : musique de danse (valse, polka, quadrille)
- New York : les blackfaces Minstrels
- Londres : le Music-Hall, avec des textes des chansons insinuantes

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