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Le terme « romantique » est utilisé aujourd’hui pour décrire une musique qui se distingue par
sa sensibilité, sa fièvre lyrique et son expression de sentiments exacerbés, notamment celle du
XIXe siècle. D’abord rattaché à la nature et au concept de paysage (penser surtout au jardin
anglais), le terme en est venu progressivement à qualifier des objets musicaux à la suite d’un
transfert d’abord artistique (de la peinture à la musique), puis culturel (des pays britanniques
et germaniques à la France), en plus d’avoir été influencé par les courant politiques et
idéologiques.
*Importance de la nature dans son potentiel métaphorique pour les artistes romantiques
Plusieurs sens différents se sont combinés pour aboutir à une certaine conception du
romantisme autour du 1830 ; plusieurs œuvres surgies à ce moment témoignent de cette
stabilité esthétique :
Guillaume Tell, dernier opéra de Rossini, qui opère une véritable fusion des
paradigmes romantiques (« orchestre-paysage » qui conjugue évocation historique,
assimilation française des styles étrangers et mise en valeur de la liberté sur le plan
esthétique)
Symphonie fantastique de Berlioz avec son thème d’idée fixe qui entraîne l’auditeur
dans un passé intra-diégétique (qui est situé à l’intérieur de la narration, qui en fait
partie et a une incidence sur le cours de l’histoire) et la portée métaphoriquement
révolutionnaire que le compositeur a voulu lui donner
2) Esthétique du fragment
Notion d’inachèvement, œuvre qui “conclut” sur une ouverture, sur quelque chose
d’autre qu’elle-même (dans son lied “Im wunderschönen Monat Mai” no. 1,
Dichterliebe, 1840, Schumann se permet de terminer par un accord en suspension une
œuvre qui n’a pas non plus un début précis, car la partie de la voix commence comme
au milieu d’une phrase, ce qui défie les codes de l’époque)
Concision vs monumentalité (Le Romantisme est une esthétique faite de conflit et de
contraste, contrairement à la concision du Classicisme)
Caractère éphémère, ce qui ne s’inscrit pas dans la durée
Logique de l’assemblage (Vingt-quatre préludes de Chopin, 1835-39, des préludes sans
fugue qui s’enchaînent)
Désordre (selon Schlegel le chaotique est l’esthétique du romantisme)
Critique: l’esthétique du fragment c’est aussi dire quelque chose d’autre qui vient de
dehors intervenir et interpeller dans l’œuvre
L’incursion des souvenirs : On le trouve dans l’œuvre de Schumann, surtout son cycle
“Carnaval op. 9” (1834-35). Schumann lui-même avait une personnalité brisée, pour
laquelle il s’est invité deux personnages qui font apparition dans cette œuvre pour
incarner les deux facettes musicales du compositeur : Eusebius et Florestan. Dans
“Florestan” (no. 6) on trouve aussi un passage qui est la citation d’une des premières
œuvres du compositeur (“Papillons” op. 2), et qui cherche à recréer cette sensation du
souvenir
Il n’y a plus de canevas commun (comme avec la forme sonate classique) mais un projet
commun, une volonté propre à tous les créateurs.
* L’œuvre romantique ne recherche pas une perfection formelle, comme celles de la période
classique; il peut y avoir des éléments dérangeants qui cherchent à perturber l’auditeur. Cette
œuvre peut être éclatée, fragmentée, pleine de ruptures, et cette esthétique romantique on
peut l’apprécier au point de vue musical avec les ruptures de tonalité par exemple.
Avant le XIXe, les compositeurs écrivaient dans et pour un contexte, et dépendaient des
ressources matérielles mises à leur disposition.
L’utilisation de plus en plus d’indications sur les partitions, pour désigner précisément
ses intentions
Des compositions adressées aux connaisseurs (des œuvres difficiles, déjà fatigants
pour les connaisseurs et insupportables pour les simples amateurs)
La définition des conditions matérielles de leur musique par les compositeurs eux-
mêmes
« Ce n’est pas pour vous ! C’est pour les temps à venir » Beethoven
Le cas Beethoven (période viennoise) : le compositeur était souvent célébré pour des œuvres
spécialement savantes et même parfois difficiles. Il était arrivé à Vienne doté de bonnes
relations et d’honneurs, ce qui l’a mis dans une forte position sociale qui rendait crédibles les
aspects de son œuvre perçus comme controversés. De connivence avec ses protecteurs,
Beethoven innova dans le domaine de l’art d’écouter la musique, ce qui modifia en retour la
relation compositeur-protecteur. Pour reconnaître la valeur de la musique de Beethoven, ses
contemporains devaient l’évaluer par rapport à des critères nouveaux, taillés sur mesure pour
lui. Beethoven lui-même s’efforçait de restructurer les catégories esthétiques et les
conventions d’écoute de la musique dans des voies qui correspondaient davantage à son
approche personnelle.
Une prédisposition culturelle favorable au génie de Beethoven fut élaborée durant les dix
années qui ont suivi son arrivée à Vienne. La prétention de Beethoven à la légitimité et à la
reconnaissance n’aurait jamais acquis une telle puissance si elle n’avait pas été ancrée à la fois
sur ses dons exceptionnels mais aussi sur tout un ensemble de pratiques, discours critique sur
la musique, technologie musicale, mis en œuvre par le compositeur et par son « parti
personnel » (ses protecteurs et autres assistants musiciens), un réseau complexe orienté vers
la production et la réception de son talent.
* Beethoven écrit un peu contre, au-delà de ce qui est possible pour son époque par rapport à
l’effectif et à ce qui est jouable pour la facture des instruments de son temps, contrairement à
Bach qui devait composer en fonction d’un ensemble, pour un contexte très précis, une
occasion particulière. La vision de Beethoven de la musique est plutôt idéaliste.
* En 1807 l’Héroïque de Beethoven est jouée dans son intégralité pendant le deuxième acte
d’un concert.
*D’autres stratégies (et petits incidents) mises en place par le compositeur lors des concerts
privés nous révèlent sa tentative de reformer l’étiquette de l’écoute de la musique ; Beethoven
a « grandi » les enjeux de la consommation de la musique en tentant de formaliser la situation
d’écoute, en la redéfinissant comme le moment d’une dévotion rituelle solennelle.
Idéalisme vs Entertainment
Au XIXe émerge l’idée d’une hiérarchisation entre la musique classique (sérieuse, savante,
idéaliste, presque éducative) et la musique légère. Toutes ces nouvelles valeurs (l’idéaliste, le
sérieux au concert, le respect) permettent de distinguer les différentes niveaux sociaux, et
même la « vraie » l’aristocratie de celle sortie des masses. La musique était devenue un objet
de consommation, et pas mal d’auditeurs (entre eux les nouveaux riches et petits bourgeois)
n’étaient pas assez “éduqués” par rapport aux bonnes pratiques dans un théâtre; ils n’avaient
pas les moyens intellectuels pour apprécier la musique (même s’ils avaient les moyens
économiques) et ils étaient même méprisés, moqués par certains compositeurs.
Avis. Un événement important et heureux est sur le point d’arriver pour le monde musical, mais
d’abord pour Berlin. Dans les premiers jours de mars la « Musique de la Passion selon
l’Évangéliste Matthieu » de Johann Sébastian Bach sera donnée sous la direction de Monsieur
Félix Mendelssohn Bartholdy. L’œuvre la plus importante et la plus sacrée du plus grand
musicien voit ainsi le jour après avoir été dissimulée pendant près d’un siècle, une grande fête
de la religion et de l’art. (Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, mars 1829, p. 6.)
Canon viennois
Dans la Vienne des années 1790, le souci de normes éternelles s’impose comme la valeur
dominante en musique. La scène musicale commence à présenter de plus en plus souvent
Haydn, Mozart et Beethoven comme la « trinité » musicale des maîtres compositeurs
(préhistoire du canon en musique, les années de formation pendant lesquelles se sont
imposés des nouveaux modèles qui ont transformé le goût du public). La forme qu’a prise le
succès de Beethoven, et le fait qu’il a été considéré comme « héritier » de la tradition
canonique qui comprenait Haydn, Mozart, J. S. Bach et Haendel, est inséparable des
spécificités de la culture musicale viennoise (de l’esprit de Mozart aux mains de Haydn). On
considérait les « grands » compositeurs antérieurs comme menant aux génies modernes
Canon anglais
À Paris, le canon musical émerge tout d’abord de l’activité musicale pratique, du besoin de
programmer des œuvres en réserve que les orchestres connaissaient et pouvaient exécuter
avec peu de répétitions.
Le mot canon fait référence à l’ensemble d’activités, des valeurs et des figures d’autorité qui
entourent la musique, le cadre qui permet d’identifier les « classiques », les œuvres
individuelles considérées comme géniales.
Pendant le XIXe on voit s’affirmer au centre de la vie musicale, un canon international qui
établit l’autorité en termes esthétiques et de critique.
Le répertoire s’est définit par l’apprentissage et la critique, et le résultat fut légitimé par
l’idéologie.
5) Développement de la virtuosité
La figure de Paganini marque une émancipation sociale du musicien (il est un des premiers à
avoir le statut de musicien indépendant).
Le climat de terreur causé par le choléra va mettre en place une contreculture qui va arriver
progressivement dans les œuvres des artistes (Danse macabre, Les fleurs du Mal de
Baudelaire). L’esthétique du macabre, du grotesque, du morbide, et la recherche de la laideur
deviennent dorénavant caractéristiques du Romantisme.
L’optimisme des lumières et toutes les valeurs sur lesquelles se reposait le XIXe siècle (science,
progrès) sont ravagés par cette épidémie. Il y a une fracture au sein de la société, une
destruction du corps physique et social.
Rejetant le modèle de bienséance, Paganini ravit ou choque son public, mais il ne laisse
personne indifférente.
Paganini construit son image sur scène en jouant un peu avec le côté décadent (habillé en noir,
très maigre, d’un caractère provocateur de génie sombre, d’idole malade…), ce qui crée une
ambivalence avec le fait qu’il joue divinement. La réaction du public est aussi ambivalente,
allant de la moquerie à la vénération et l’admiration totale. La figure du virtuose a été
caricaturée, et on a diffusé de nombreuses légendes sur lui et sa technique de jeu.
Paris est envahi par le concert et le choléra. Ce contraste du plaisir et de la mort est partout…
Le fait qu’on place la technique et la difficulté au centre de l’art suscite des réactions diverses,
et certains la méprisent en considérant qu’elle masque une manque de profondeur, de vrai
savoir-faire
Caractère superficiel, manque d’originalité (des compositeurs qui se sert des motifs
connus), pauvreté d’harmonie, pur « remplissage » avec des effets frappants et des
tournures insignifiantes (beaucoup de bruit pour… rien)
Caractère éphémère (beaucoup dans le moment mais qui ne s’inscrit pas dans les
esprits, dans la durée, contraire à l’élément de la contemplation de l’art)
Caractère théâtral (le fait que le physique et le visuel prenne un peu le pas sur la
musique, encore un symbole de la superficialité)
Valorisation du musicien comme individu: présentation des pianistes seuls sur scène, grâce aux
nouvelles possibilités données par l’évolution de l’instrument.
* Dès les années 1820-1830, l’exhibition du corps de l’artiste en plein effort devient un objet
esthétique porté par le goût des foules pour l’exploit technique. À Paris, les facteurs
d’instruments s’attachent des artistes pour faire la promotion de leur production
manufacturée. L’éloquence du virtuose est alors utilisée à des fins commerciales lors des
présentations dans des locaux commerciaux aménagés comme salles de concert.
Imprésario au XIXe siècle: une sorte d’agent qui va s’occuper de négocier les contrats de
l’artiste, d’organiser les tournées, louer les salles, faire attention à ce qui est mis sur les
journaux par rapport à l’artiste.
Révolution industrielle :
- Production en série
- Réseau de diffusion
- Publicité
- Agents (un personnage clé dans l’évolution du statut de l’artiste, qui n’est plus lié à/en
service de la royauté et qui devient autonome, se lance sur le marché)
- Facteurs
- Éditeurs (Giovanni Ricordi devient plein propriétaire d’énormément d’œuvres
produites dans le théâtre La Scala)
Avec tous ces acteurs on peut dire que au XIXe la musique (le Répertoire tant qu’on l’a défini
en cours) devient un objet du marché qui s’inscrit dans le modèle capitaliste et qui par la suite
va être vendu, consommé par un public. On commence à écrire des œuvres qui répondent à
cette demande, ce qui démarre une inversion des paradigmes.
Époque de standardisation :
- Invention du métronome
- Standardisation des instruments de musique et du tempérament
- Conservatoires
Par rapport aux critiques adressées à la virtuosité, dans cette période de révolution industrielle
elle commence à être vue comme un produit du capitalisme et de l’industrialisation:
- La Nouvelle École allemande, basée surtout à Weimar, avec Liszt et Wagner (et Berlioz
qui les influence), prend le modèle comme prétexte à l’innovation,
* Des interprétations qui reflètent le ressenti du musicien, l’esprit moderne, et qui
incluent des effets propres aux instruments perfectionnés
- À Leipzig, les conservateurs (Schumann, Mendelssohn et Brahms) imitent et
respectent le modèle, résultant en une interprétation de l’œuvre comme l’auteur a dû
la comprendre, l’exécuter lui-même ou vouloir qu’elle soit exécutée.
Sécularisation: musique religieuse qui devient séculière, qui est dégagée de sa fonction
originale (religieuse), par exemple, en étant jouée dans des salles de concert à la place d’une
église. La musique profane, d’autre part, on commence à la sacraliser.
- Cadences : Les cadences des concertos, beaucoup étudiées par les musicologues, sont
un des aspects les plus spectaculaires de l’improvisation oratoire
- Introduction d’un morceau ou d’un concert (l’entrée en matière) : il fut longtemps
impensable de commencer un morceau musical sans poser quelques accords qui
étaient parfois agrandis en une véritable pièce introductive. On retrouve des modèles
pour ces moments improvisés dans des ouvrages pédagogiques ou dans des recueils
de l’époque
- « Passages » : Au concert aussi, la musique est pensée comme un art oratoire. Jusque
tard dans le XIXe siècle, toute exécution soliste est ponctuée de gestes sonores
éloquents. Pour faire entendre au public les articulations de leur discours, les
musiciens soulignent le mouvement d’une période à une autre. L’édition musicale a
conservé la trace de ces ponctuations comme des traits en petites notes non mesurées
(souvent athématiques). Les ponctuations oratoires ne sont pas la propriété exclusive
des solistes. Dans les orchestres aussi, jusqu’au début du XIXe siècle, il était d’usage de
s’écarter de la partition.
- Des genres libres comme la rhapsodie invitaient plus ouvertement à l’improvisation
Dès les années 1820, étaient apparues les prémices du nouveau régime du jeu musical :
« Exécuter une pièce de musique, c’est (…) la rendre telle qu’elle est notée sur la partition. » La
condition impérative du respect du texte allait de pair avec une méfiance systématique envers
le medium humain soupçonné de trahir les intentions des créateurs : « Si le compositeur est à
la merci de l’ignorance des exécutants, ou de leur malveillance, il y est aussi de leur faux savoir
et de leur faux goût. Ce qu’ils ajouteraient à ce qu’il a fait serait quelquefois plus pernicieux que
ce qu’ils y pourraient omettre. »
Une nouvelle façon de considérer les œuvres place la partition au cœur de la pratique des
artistes comme des auditeurs. Lorsque l’œuvre devient une partition, on voit apparaître le
problème de l’interprétation moderne : un corpus de textes amené à être infiniment fréquenté
(les classiques) ; des textes sacralisés (« œuvres vénérables ») pris en charge par un musicien
spécialisé dans l’exégèse des partitions (un « interprète »), tantôt « traduisant » les maîtres,
tantôt les « reproduisant », dans tous les cas s’effaçant derrière les génies défunts ; enfin une
démarche aux présupposés historiques qui n’applique pas à chaque pièce le goût
contemporain mais respecte les caractéristiques de chaque auteur.
- L’inventeur de musique
- L’interprète
(Le compositeur n’est plus nécessairement l’interprète de ses œuvres)
« Les yeux fixés sur le texte, pour le comprendre et le faire comprendre (…) de rendre intelligible
à l’élite, un des textes les plus riches, les plus médités, les plus pensés de la musique de piano
contemporaine. »
L’interprète est celui qui amène à la lumière le sens enfoui du texte. Face aux mystères des
œuvres des créateurs les plus exigeants, les musiciens sont mis en demeure de traduire,
d’expliquer, de lever toute ambiguïté. L’humilité absolue sera la norme à la fin du siècle
Participent aussi de cette situation l’inflation des écrits sur la musique et le développement de
l’analyse musical. Durant le courant du XIXe, l’analyse devient le moyen pour l’interprète de
trouver la signification de l’œuvre : c’est la structure de la pièce qui détermine l’explication et
sur laquelle repose la clarification des intentions du maître.
« Relativement aux indications de tempo, [...] qu’y a-t-il de plus absurde que [le terme] Allegro,
qui signifie une fois pour toutes joyeux, alors que nous sommes si éloignés du sens de cette
indication, de telle sorte que le morceau lui-même dit le contraire de l’indication. [...] quant à
moi, j’ai imaginé depuis longtemps renoncer à ces appellations absurdes Allegro, Andante,
Adagio, Presto ; le métronome de Maelzel nous en donne la meilleure occasion. » Beethoven
L’instauration des répétitions partielles a eu lieu pendant le XIXe. Conseillés par Berlioz dans
un article de la revue Le Rénovateur (1834), où il promet « un résultat incomparablement
supérieur à celui que six ou sept séances, suivant la méthode ordinaire (l’ancien système
d’études collectives), vous auraient donné ». Dans L’art du chef d’orchestre (1856) il donne des
indications précises sur comment organiser le système de répétition pour des orchestres de
large mesure, à adopter toutes les fois qu’il s’agit de monter un ouvrage de grandes
dimensions (toujours précédé d’un travail analytique du chef, qui est sensé connaître
parfaitement la partition qu’il va faire exécuter). Liszt conseille aussi l’emploi « de répétitions
partielles des instruments à cordes, à vent, en cuivre, et à percussion. Par cette méthode de la
division du travail on épargnera du temps en facilitant aux exécutants l’intelligence de
l’ouvrage. »
« Le compositeur est « maître absolu de cet immense instrument intelligent ; quand il est sûr
qu'il n'y a plus qu'à lui communiquer les nuances vitales de mouvement qu'il sent et peut
donner mieux que personne, le moment est venu pour lui de se faire aussi exécutant, et il
monte au pupitre-chef pour diriger. » Berlioz
Au XIXe siècle, en dépendant de l’instrument choisi, la vocation d’une femme pouvait être jugé
de monstrueuse. La différence entre les dates auxquelles les femmes ont commencé à être
acceptées pour jouer certains instruments, parle aussi beaucoup du statut de l’instrument. Le
piano par exemple était un élément fondamental de l’éducation correcte d’une jeune femme
de bonne famille bourgeoise.
Dans le conservatoire, il y avait l’idée « rationnelle » des classes séparées, car les classes
mélangées pouvaient être préjudicielles aux hommes, par exemple dans le cadre des concours
où des musiciennes sont récompensées en égalité :
« notez qu’un premier prix accordé à une femme, par conséquent enlevé à un homme, n’a pas
du tout une signification égale. »
La mentalité de l’époque étant que la femme se marierait éventuellement, et une fois devenue
mère de famille sont prix passerait en état de souvenir (au contraire de l’homme qui, pourvu
de son prix, deviendrait un professionnel)
Style « féminin » :
« Des yeux bruns pétillants, des joues bien rebondies, une jolie petite bouche couleur cerise, le
tout encadré d’une magnifique chevelure bouclée. La silhouette est arrondie et les bras
montrent encore des traces de rondeurs de bébé. » Der Spiegel, 20 février 1989.
« Après avoir perdu du poids pour s’approcher d’une silhouette idéale, Anne-Sophie Mutter a
délaissé ses robes de mariée zurichoise pour ne plus jouer que dans des robes aux corsages
décolletés, que le couturier Marc Bohan de la maison Dior, crée pour elle, qui l’enveloppent
parfois, en bas, dans un étrange cocon. » (2003)
« On peut attribuer un génie reproductif au beau sexe mais on ne peut lui reconnaître une vraie
production (...). Il n’y aura jamais de compositrice, mais tout au plus une copiste appliquée. Je
ne crois pas au féminin du concept : créateur. » Hans von Bülow à propos de Clara Schumann.
Boèce, théoricien du Moyen Age, va reprendre les concepts et idées de Pythagore (harmonie
des sphères, musique comme partie du Quadrivium, avec la géométrie, l’arithmétique et
l’astronomie) et il va les réadapter à la pensée religieuse de son époque.
L’art au Moyen Age fait plutôt référence à un savoir-faire, il n’a pas encore achevé ce statut
élevé qu’on lui connaît. On a aussi la distinction entre le musicus (celui qui pense la musique,
qui est capable de l’expliquer et la juger, considéré comme le véritable musicien) et le cantor
(celui qui joue d’un instrument). Le statut du musicien, de celui qui utilise son corps pour faire
de la musique, est complètement dévalué.
Le XIX se caractérise par une série de pratiques dédiées à « effacer » le corps du musicien, le
rendre invisible sur scène pour laisser le plus de place à la musique. C’est aussi la période où
les méthodes sont produites en quantités, où l’on commence à standardiser la technique des
différents instruments de musique. Suivant ces méthodes le geste des bras devait suivre les
codes d’étiquette, ce qui donnait des mouvements assez réduits avec les bras près du corps et
le coude plutôt bas pour le jeu du violon, par ex
Importance de l’étiquette
Pierre Baillot, Rode et Kreutzer, méthode pour le violon de 1803 qui demandait une attitude
noble et aisée sans donner aucun mouvement au corps à l’exception du bras. Tout ce qui
déborde cette norme est jugé de ridicule
La méthode de Baillot de 1834, d’une précision extrême, veut mettre le corps en service de la
musique. Le théoricien crée une sorte de corset pour le musicien, avec des distances
mesurées, des schémas pour le mouvement de l’archet, etc. Il y a aussi une grande importance
accordée à l’aspect visuel de l’interprétation ; le musicien est un peu considéré comme un
orateur.
(Avant ce moment, la taille du violon par ex., ainsi que la façon de le tenir, varient beaucoup
entre les musiciens)
* Violoneux : joueur de violon, surtout dans les campagnes, et qui n’a pas le statut d’artiste du
violoniste. L’opposition entre violonistes et violoneux est une courante très systématique du
XIXe siècle, suivant les idées défendues par le Conservatoire. Avec l’instauration d’une
institution comme le conservatoire et toutes les méthodes de l’enseignement musical, on
marque la séparation entre les univers de la musique populaire et académique.
- Développement de la « physiognomie »
- Méthodes pour servir à l’expression des sentiments
« Se maintenir dans une attitude rigide, au moment d’une puissante émotion, est une
contrainte insupportable pour un artiste. (...) Le mouvement né d’une impulsion intérieure est
salutaire et bienfaisant… » Flesch, méthode de 1923
Le geste musical :
Baillot mentionne la « variété que l’on peut mettre dans la manière d’orner une phrase ou une
cadence, et en même temps de la retenue qu’il faut avoir dans l’emploi de ces agréments où il
est si facile de pécher contre l’harmonie et le bon goût. » (Méthode, 1801)
Au début du XXe siècle (jusqu’aux années 20-30), ces pratiques d’interprétation ont été en
quelque sorte bannies pour favoriser ce qui est écrit sur la partition. On est dans une période
de nettoyage, de purge des excès de sentimentalité du Romantisme, pour essayer d’arriver à
quelque chose de plus pure, de plus fidèle au texte.
Le corps au travail
L’étude : Sortes de compositions dont le thème est un passage difficile, destinées qu’au travail
de cabinet, et à familiariser l’élève avec les difficultés de tous les genres qu’il rencontrera
ensuite dans le répertoire
- outil d’apprentissage
- objet commercial
- principe compositionnel
« Comme la bonne grâce y est nécessaire il faut commencer par la position du corps. »
Lire article
https://larevue.conservatoiredeparis.fr/index.php?id=1269
Phénomène du XIXe siècle qui veut utiliser la musique pour s’affirmer en tant que nation.
Il y a en Europe dans cette période une série de révolutions (Belgique et Pologne en 1830,
Hongrie en 1848). Ces pays vont chercher dans leur folklore d’autres caractéristiques
musicales, pour présenter des éléments différents à ceux établis par les grandes nations
musicales (France, Allemagne, Italie). L’esprit du temps est celui de se forger une identité en
marge de ces nations.
L’exemple de Brahms
Grâce à son ami et violoniste hongrois Eduard Reményi, le compositeur a découvert la musique
hongroise, celle qui était jouée dans la campagne par les tziganes. Ils ont fait des tournées
dans les tavernes où ils jouaient en duo piano-violin des pièces appelées Czardas, qui
consistent en deux parties:
Brahms reprend les caractéristiques de cette musique, en essayant de capter son esprit et
d’imiter ses sonorités et instruments traditionnels.
Ces compositions, qui reprennent les mélodies hongroises, ne présentent pas de numéro
d’opus, car le compositeur ne les considérait comme de son appartenance.
La vraie musique folklorique est aux antipodes de la tradition normée des conservatoires.
Mazurka: ensemble de danses avec un tempo modéré (normalement plus lent que celui des
danses viennoises) et l’accent qui se déplace du troisième temps au deuxième dans la
quatrième mesure, ce qui crée une relance de la dynamique (il faut garder en tête que ces
caractéristiques ne sont pas absolues).
Chopin arrive à Paris vers 1830. Son objectif n’est pas d’écrire une musique nationale, mais
plutôt une musique romantique, qui répond à l’esprit de son époque. Il cherche à créer une
musique libre, mais il va quand même chercher dans la musique de la Pologne, il est resté
attaché à ses origines mais seulement pour le potentiel musical, pas avec une idée patriotique.
Chopin a composé des mazurkas qui jouent entre deux caractères; selon l’interprète, on peut
entendre ressortir des éléments plutôt campagnards, rustiques, ou un caractère très élaboré,
plutôt semblable aux mazurkas de salon. Il permet toute une latitude à partir de quelque chose
de rudimentaire, ce qui donne beaucoup plus de liberté aux instrumentistes pour s’exprimer.
Les mazurkas de sa jeunesse prenaient du folklore hongrois authentique, mais plus tard dans
sa carrière elles deviennent des créations plus personnelles, plus modernes.
Le rubato, très présent dans l’œuvre de Chopin (et surtout exagéré dans son jeu), est plutôt un
produit des mazurkas de salon
Mazurkas de Chopin:
- Caractère rustique
- Forme libre et sophistiquée
Evocation à travers la musique d’un endroit, un peuple ou un milieu social qui n’est pas
complètement imaginaire et qui est perçu comme profondément différent par le créateur de
l’œuvre et par son public
Orientalisme de distanciation
* Ne pas se contenter de repérer les composantes exotiques d’une partition, mais élaborer
une compréhension plus globale des rapports avec l’Autre.
Le cas de Ravel