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Comment expliquer l’internationalisation de la production ?

La mondialisation ne se résume pas au seul accroissement du volume des échanges. Elle se


caractérise également par une internationalisation du processus de production. Ce processus
est initié par des firmes multinationales (FMN) ou transnationales (FTN). Elles sont les
principaux vecteurs de cette nouvelle organisation mondiale de la production par le biais
d’implantation de filiales à l’étranger.
On parle de firmes multinationales ou transnationales dès lors qu’une société résidente dans
un pays détient plus de 10% du capital dans une autre société résidente dans un autre pays. La
première est appelée société-mère, la seconde est considérée comme une filiale (si elle est
détenue à plus de 50%). Une firme transnationale possède donc au moins une unité de
production à l’étranger et produit grâce à elle hors de son territoire d’origine.
Quelles stratégies ces FMN développent-elles dans la mondialisation et avec quels impacts sur
les nations d’origine et d’accueil ?

1 – La production se mondialise

Le poids des FTN dans l’économie mondiale est, de nos jours, très important. Elles réalisent
10% du PIB mondial contre 7% dans les années 1960. Elles sont à l’origine de plus d'un tiers du
commerce international dont 1/3 est un commerce entre les filiales des groupes (commerce
intra-firme). Le stock de capital possédé par les FTN représente 27% du PIB mondial en 2008.

Le processus de multinationalisation des firmes :

Une multinationalisation multiforme :

La multinationalisation s’effectue de plusieurs manières :


- Les exportations constituent le mode d’entrée le plus traditionnel.
- L’investissement direct à l’étranger (IDE) : prise de contrôle de sociétés implantées à
l'étranger.
Cela peut prendre trois formes :

La création d’une filiale à l’étranger


Une fusion-acquisition par l’achat d’au moins 10% du capital d’une société étrangère.
La création d’une filiale commune (joint-venture) avec une entreprise locale, ce qui
permet de profiter des ressources du partenaire (capitaux, connaissance du marché…)
et de limiter les risques (Chine).

- L’externalisation : l’entreprise peut confier une partie ou la totalité de la production à un


sous-traitant étranger dont les coûts de production sont moins élevés.
- Les franchises consistent à vendre le droit d’utilisation d’un savoir-faire sous la forme d’un
contrat de franchise (ou parfois d’une licence). La firme Mac Donald s’est ainsi implantée
dans le monde sans à avoir à posséder l’ensemble de ses restaurants.

Les FMN ont donc des stratégies et des objectifs diversifiés en fonction pays et des avantages
qu’elles souhaitent en retirer. Ces objectifs peuvent cependant parfois se cumuler.

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Les motivations de localisation des FMN
Stratégie des Stratégie de Stratégie Stratégie de Stratégie
firmes : rationalisation d’approvisionnement pénétration des financière
marchés
Objectifs Baisse des coûts Contrôler l’accès aux Produire dans le Contrôler les
recherchés : matières premières pays pour se firmes en créant
rapprocher du un lien
marché contractuel de
dépendance
Types Filiale atelier Filiale primaire Filiale relais Franchise
d’organisation: Sous-traitance
Localisation : PED + Pays PED + Pays émergents PDEM + Pays PDEM + Pays
émergents émergents émergents

Les FMN s’implantent à l’étranger en développant les investissements directs à l’étranger


(IDE). En revanche, un investissement étranger qui est inférieur à 10% du capital sera considéré
comme un investissement de portefeuille (un placement). Depuis les années 1980, les flux d’IDE
s’accélèrent de façon spectaculaire : les flux des sortants IDE dans le monde ont été multipliés
par 70. Aujourd’hui le stock mondial d’IDE représente plus du quart du PIB mondial, alors
qu’au début des années 1980, cette part était de 5% à peine.
Quels sont les principaux constats sur les IDE ?
- Les IDE sont majoritairement issus des pays du Nord et destinés aux pays du Nord, même si
les IDE dans les pays émergents (Chine, Inde) progressent. La mondialisation demeure d’abord
l’affaire des pays riches : à l’origine de 81% des investissements et destinataires de 51%.
- L’Europe est à la fois grand investisseur (plus de 50% du total) et grand récepteur
d’investissements, une évolution qui reflète l’intégration croissante de son économie.
- En revanche, de nombreux PED (et tous les PMA) surtout en Afrique restent à l’écart de ce
phénomène.
- Enfin, depuis les années 1990, les IDE ont essentiellement pris la forme de fusions-
acquisitions (croissance externe).

Une multinationalisation qui favorise la DIPP :

Les FMN organisent la production à l'échelle mondiale et sont donc à l’origine de la


décomposition internationale des processus productifs (DIPP) : elles vont à la fois externaliser
et délocaliser leur production en la décomposant en segments (Recherche, design,
composants, assemblage, logistique, vente, service après-vente…) qu’elles localisent dans
différents pays en fonction des avantages qu’elles peuvent en retirer. Ainsi, la conception est
souvent réalisée dans les PDEM, alors que la fabrication des composants et l’assemblage sont
localisés dans les pays émergents ou les PED. D’où la création d’un commerce intra-firme (à

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l’intérieur de la firme entre les différentes unités de production). Ce commerce intra-firme
représenterait un tiers du commerce mondial.

A partir de cette base de production mondialisée, les FMN organisent leur stratégie de
différenciation des produits. Même si un certain nombre de FMN propose un produit identique
à l'ensemble des consommateurs de la planète (IPhone, Coca Cola...), elles doivent aussi tenir
compte de la diversité des goûts des consommateurs (glocalisation) et de leur inégal pouvoir
d'achat.
La mondialisation est un processus induit par la stratégie de conquêtes de nouveaux marchés
des grandes entreprises. Les firmes déterminent leur stratégie à partir du marché mondial et
non des marchés nationaux. Autrement dit, elles produisent et distribuent des produits globaux
conçus pour le marché mondial, suivant une stratégie de compétitivité-prix et/ou de
compétitivité hors-prix.

2 - Les FMN ont une stratégie de compétitivité prix

Le prix est souvent considéré comme le facteur central (mais pas le seul) dans la compétitivité
des entreprises, surtout face à ses concurrents étrangers en provenance des pays émergents.

Le rôle central du coût de production :


La compétitivité-prix dépend d’abord de la compétitivité-coût. Le coût de production unitaire
comprend le coût des consommations intermédiaires (les matières premières et l’énergie -donc
le transport international-par exemple), le coût salarial (salaire, cotisations sociales, coût de
l’embauche et des licenciements) et le coût du capital fixe (amortissement) rapportés à la
productivité de chaque facteur.
Le coût horaire du travail qui recouvre les salaires nets, les cotisations salariales et les
cotisations employeurs, et La productivité horaire du travail qui correspond à la quantité de
produits fabriquée en une heure de travail ou à la valeur ajoutée réalisée en une heure de
travail, vont donc déterminer l’essentiel de la compétitivité-coût (et de la compétitivité-prix).
Les produits allemands ont profité d’une évolution favorable de la compétitivité coût depuis les
années 1990, grâce à une modération des hausses salariales.

Les autres facteurs de la compétitivité-prix :


La compétitivité-prix dépend ensuite de la politique de prix des entreprises. Les firmes
peuvent « faire de la marge » (marge importante sur peu de produits vendus) ou « faire du
volume » (marge faible pour accroître les quantités vendues). Lorsque le marché est
concurrentiel, on fait du volume. Lorsqu'on est en situation de monopole, on fait de la marge.
Enfin, compétitivité-prix dépend de l’évolution du taux de change. Le prix du bien exporté va
être facturé dans la monnaie du pays d’accueil. Ainsi, une dévaluation (décidée par l'Etat) ou
une dépréciation (décidée par le marché des changes) d'une monnaie nationale par rapport aux
monnaies étrangères, c'est-à-dire une baisse du taux de change se traduit par une baisse des
prix à l'exportation pour ce pays : dévaluation (ou dépréciation) compétitive (2001-2008 : la
sous-évaluation du dollar, du yen et du yuan).
Une firme va donc chercher en priorité à :
- Contrôler ses approvisionnements en produits primaires à moindre prix.

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- Diminuer ses coûts de production afin d’avoir une forte compétitivité-prix en bénéficiant des
faibles coûts salariaux, tout en limitant ses coûts de transport (hausse du prix du pétrole).

3 - Les FMN ont une stratégie de compétitivité hors-prix

Une firme détient une compétitivité structurelle ou hors-prix lorsque, à prix équivalent, ses
produits sont mieux adaptés à la demande mondiale. Afin de s’adapter en permanence à
l’évolution de la demande, à l’émergence de nouvelles concurrences et de nouvelles exigences
du consommateur, chaque entreprise doit faire preuve de toujours plus de réactivité pour
préserver ses positions sur ses marchés, les développer et en conquérir de nouveaux (comme le
montre l’exemple de l’Allemagne).

Les facteurs de la compétitivité structurelle :


La compétitivité structurelle ou hors-prix dépend donc d’un certain nombre de facteurs :

- La politique de recherche et d’innovation va permettre une double différenciation des


produits : Une différenciation verticale des produits qui consiste à décliner une gamme de
produits pour satisfaire les besoins de différenciation des clients qui n’ont pas les mêmes
revenus (de la Twingo à l’Espace pour Renault) et une différenciation horizontale des produits
qui consiste à augmenter la variété des produits pour satisfaire la diversité des goûts des
consommateurs (ordinateur de bureau, ordinateur portable, ultraportables,…). Le design entre
dans cette logique de différenciation.
- La politique de la qualité totale va permettre d’avoir un avantage si le produit dure plus
longtemps (avec moins de pannes) et si le service après-vente est efficace (les voitures BMW
par exemple). Ceci passe par : la politique commerciale (publicité, marque…), la formation de la
main-d’oeuvre (capital humain, compétences en langues étrangères…) et l’utilisation des TIC :
une meilleure utilisation des TIC dans la gestion des entreprises et leurs relations commerciales
est un facteur de gains plus importants de productivité (facture électronique, plateformes
communes, dématérialisation des commandes ...).
- Enfin, l’appareil productif doit être réactif vis-à-vis des variations de la demande. Ceci
implique : une amélioration de l’organisation de la production et de la gestion (management)
de l’entreprise (principes du Toyotisme, flexibilité) et une bonne implantation à l’étranger pour
de mieux connaître les goûts des consommateurs locaux.
Ainsi les dotations de facteurs ne sont pas « naturelles » mais construites, et reposent sur les
stratégies des firmes et sur celles des Etats, dans un contexte de concurrence imparfaite.
Une firme va donc chercher en priorité à :
- Mieux répondre aux besoins des consommateurs et à leur évolution, en terme de
différentiation et de personnalisation, car elle plus proche d’eux, ce qui lui permet d’être plus
réactive (la Logan est une voiture conçue par Renault pour les pays émergents à partir de
composants de la Clio) ;
- Améliorer son image de marque et la qualité des produits, en se donnant une image
d’entreprise efficace et performante ou « mode ».
- Profiter d’une main d’œuvre qualifiée et favoriser la recherche-développement

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4. L’internationalisation de la production a des effets positifs et négatifs sur les pays
d’accueil et d’origine.

Les FMN ont des effets contrastés (positifs et négatifs) aussi bien sur les pays d’accueil que
d’origine des firmes. En faisant fabriquer ses produits moins chers à l’étranger, la FTN va
augmenter le pouvoir d’achat des populations du pays de la maison-mère et le pouvoir
d’achat du pays d’implantation (de manière plus limitée). Cela se traduira par une
augmentation de la demande qui favorisera le développement du commerce mondial et la
croissance.

Dans le domaine de l’emploi :


La multiplication des implantations de filiales dans les pays disposant de main d’oeuvre peu
chère et/ ou de législations du travail plus souples ont fait craindre des destructions d’emplois
dans les pays développés ou pour le moins un manque à gagner en termes de nouveaux
emplois. Cependant, il ne faut pas confondre IDE et délocalisation car tous les IDE ne sont pas
des délocalisations. Au sens strict, la délocalisation c’est la fermeture d’une usine dont les
équipements vont être implantés à l’étranger (environ 4 à 5 % des Investissements Directs à
l’Etranger).
Les délocalisations détruisent des emplois à court terme et en créent à long terme dans les
pays développés. Le transfert d’activité vers l’étranger se traduit par des suppressions
d’emplois industriels, peu qualifiés et aisément substituables. Les études ont montré que les
délocalisations étaient responsables seulement de la destruction de 0,5 % des emplois
industriels par an. Mais, plus récemment, ce sont des emplois plus qualifiés dans les services
qui ont été touchés (laboratoires d’analyses médicales, services informatiques, recherche-
développement, centre d’appels ou de traitement des données...).
Cependant, les délocalisations créent des emplois à long terme dans les pays développés. La
délocalisation des activités traditionnelles oblige l’entreprise à innover et à se spécialiser dans
les secteurs à plus forte valeur ajoutée ce qui créera des emplois qualifiés et renforcera la
compétitivité hors prix de l’entreprise. Les emplois qualifiés créés se substitueront aux emplois
peu qualifiés perdus (mais les créations seront-elles supérieures aux suppressions ?). De plus, la
délocalisation permet d’importer des produits moins chers ce qui va augmenter le pouvoir
d’achat des consommateurs qui vont déplacer leur demande sur des services produits
localement.
Si les délocalisations ont un faible impact sur le volume de l'emploi dans les pays développés,
elles ont, en revanche, des effets sur la structure des emplois et sur les conditions d'emploi de
la main-d’oeuvre.
- D'une part, ce sont les emplois les moins qualifiés qui sont le plus touchés car ils sont mis en
concurrence avec les salariés peu qualifiés et moins coûteux des pays émergents.
- D'autre part, la recherche de la compétitivité à tout prix débouche sur une augmentation de
l'intensité du travail et du stress. Sur tous ces plans, la mondialisation accroît la pression sur
les travailleurs les plus fragiles et contribue à l’augmentation des inégalités.

Pour les pays d’accueil des FMN, l’implantation procure des avantages en termes de créations
d’emplois mais ces emplois sont souvent des emplois peu qualifiés, flexibles, mal payés et aux
conditions de travail dégradées par rapport aux normes de travail occidentales.
Enfin, le phénomène des délocalisations ne doit pas être exagéré pour plusieurs raisons :

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- Les activités stratégiques sont peu délocalisées (recherche, design, direction de l’entreprise,
marketing…) afin d’éviter le copiage et les contrefaçons.
- Un grand nombre d’emplois industriels (bâtiment, agro-alimentaire…) et de services ne sont
pas transférables à l’étranger (services de santé, service d’éducation, services immobiliers…).

- Il existe aussi des mouvements de relocalisation car la délocalisation n’apporte pas toujours
les effets bénéfiques attendus (coûts de transport élevés avec les prix du pétrole, sous-traitants
peu fiables en qualité)

En matière d’autonomie économique des Etats-Nations :


Compte tenu de leur puissance, les FMN ont une capacité à influencer les décisions prises par
les Etats- Nations en matière de politique extérieure et commerciale, de normes sociales (droit
du travail) et de normes environnementales. Ce sont des lobbies puissants qui financent des
campagnes politiques, en espérant en retour des mesures qui leur soient favorables. Elles
peuvent ainsi faire du chantage à l’emploi (menace de délocaliser) pour obtenir une baisse de la
fiscalité.
Les pays se trouvent pris entre deux feux : attirer les FMN et/ou soutenir leurs secteurs
d’activité traditionnels.
En matière financière, la perte d’autonomie est encore plus nette. Les capitaux se déplacent
rapidement et facilement d’une place financière à l’autre en fonction des opportunités (intérêts
plus élevés, hausse plus rapide des cours en bourse, faible fiscalité…).
Des bulles spéculatives se forment donc, ce qui facilite les krachs financiers ou boursiers, qui se
multiplient depuis 20 ans, avec des conséquences négatives sur l’économie réelle.
Les Etats es ont perdu le contrôle de ces flux et leur capacité à les réguler est réduite :
- Les mouvements de capitaux deviennent autonomes : les acteurs financiers internationaux
s’ils jugent les politiques menées dangereuses vont transférer leurs capitaux vers un pays jugé
financièrement plus conformes, privant le pays de ressources pour se financer (Grèce). Cela
pénalise la croissance économique et accentue le chômage.
- Les États sont désarmés : les mouvements spéculatifs sur le marché des changes échappent
aux autorités monétaires. Pour être efficace, leur intervention demanderait des réserves de
changes importantes dont elles ne disposent pas obligatoirement ou qui leur coûteraient trop
cher. Certains pays sont donc obligés d’avoir des taux d’intérêt élevés pour attirer les capitaux
ce qui freine les investissements et la consommation (coût du crédit élevé).
Les années 80 ont permis un développement spectaculaire de la finance, à tel point que l'on a
parlé d'une déconnexion entre la sphère de l'économie réelle et la sphère monétaire et
financière. Pour lutter contre cette financiarisation à outrance, certains économistes
préconisent une taxation des transactions spéculatives (Taxe TOBIN), afin de financer le
développement des PED et de limiter la spéculation source de crises.

La mondialisation a des conséquences contrastées, mais il semble que les effets positifs
restent supérieurs aux effets négatifs. La spécialisation et le libre-échange sont les fondements
de ce mouvement d’ouverture, qui provient pour l’essentiel de l’action des FMN et de leurs
différentes stratégies, qui ont aussi des effets contrastés sur le fonctionnement de l’économie.
Cette situation est accentuée par la perte partielle d’autonomie des Etats et une financiarisation
des échanges internationaux.

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La mondialisation paraît irréversible mais, pour limiter l'instabilité qu'elle induit, il semble
nécessaire de mettre en place des instances de régulation ou de coordination supranationales.
Ce qui a défaut d’être réalisable au niveau mondial (ou du moins difficilement), peut l’être au
niveau continental comme semble le montrer partiellement l’exemple de l’intégration
européenne.

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