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SEMEIOLOGIE DES GROS FOIES

OBJECTIFS
1. Définir l'hépatomégalie
2. Décrire l’examen physique du foie en précisant la position du patient et la position de
l’examinateur,
3. Décrire les données de l’examen clinique indépendamment de l’étiologie de l’hépatomégalie :
inspection, palpation, percussion, auscultation.
4. Décrire l’hépatomégalie et indiquer sa valeur sémiologique dans l’un des contextes suivants: dans
la cirrhose, dans les cancers du foie, dans les abcès du foie, dans le foie cardiaque et dans la
cholestase.

1. INTRODUCTION :
1.1. Définition :
L’hépatomégalie ou hypertrophie du foie est définie par augmentation de volume du foie. C’est une
augmentation au delà de 12 cm de la hauteur du foie sur la ligne médio-claviculaire ou au-delà de 3 cm
au dessous de l’appendice xiphoïdien.
1.2. Intérêt
C’est un signe ayant valeur de syndrome pouvant relever donc de plusieurs étiologies ;
L’hépatomégalie peut être inaugurale ou évolutive d’une maladie hépato-biliaire (cirrhoses, hépatites
virales ou non, cancer primitif du foie) ou extra-hépatique (foie de stase soit cardiaque ou de
cholestase, abcès hépatiques, métastases….).

2. EXAMEN PHYSIQUE DU FOIE


2.1. Il doit être précédé d’un interrogatoire qui précise :
 Le mode de début : insidieux, progressif ou brutal,
 L’existence de signes évocateurs d’atteinte hépato-biliaire :
* douleurs de l’hypochondre droit dont les caractéristiques doivent être précisées (coliques
hépatiques, douleurs continues, hépatalgies d’effort).
* de dyspepsies (lenteur de la digestion notamment des aliments protidiques ou graisseux),
* ictère (aspect des urines, des selles et des téguments et muqueuses), etc....
 L’existence de signes extra-hépatiques, de signes généraux (fièvre, frissons, sueurs,
amaigrissement, asthénie, anorexie),
 Les antécédents.
2.2. Examen hépatique proprement dit :
2.2.1. L'inspection ne trouve souvent rien. C’est parfois à l’inspection de l’abdomen qu’une
hépatomégalie peut être suspectée devant l’existence d’une voussure ou d’une tuméfaction de
l’hypochondre droit, et/ou de l’épigastre contrastant avec la dépression de l'hypochondre gauche.
2.2.2. La palpation
 Elle peut se faire selon deux techniques
* La première où 1'examinateur est à la hauteur de 1'épaule du patient, la main posée sur la paroi
abdominale. Les extrémités des doigts recourbés en croche, cherchent à accrocher le bord inférieur du
foie, lors des inspirations profondes.
* Au cours de la deuxième technique, 1'examinateur est à la hauteur du bassin du patient et pose sa
main a plat sur la paroi abdominale, au niveau de la fosse iliaque droite, remonte sa main en cherchant
à sentir le bord inférieur du foie.
La palpation doit être profonde, essayant d'étudier, non la paroi, mais le viscère. Elle étudie le bord
inférieur et la face antérieure :
 Le bord inférieur :
* que l'examinateur sent venir "buter" contre ses doigts, à chaque inspiration profonde du malade ;
* qu'il faut suivre dans toute sa longueur : depuis l'hypochondre droit, le creux épigastrique, jusqu'à
l'hypochondre gauche ;
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* dont il faut préciser les caractères (tranchant ou mousse).
 La face antérieure :
* dans l'hypochondre droit où elle déborde les fausses côtes ;
* dans le creux épigastrique, voire l'hypochondre gauche ;
* dont il faut noter :
- la surface (lisse, cloutée ou nodulaire)
- la sensibilité (douloureux ou pas)
- la consistance (élastique, ferme, dure ou pierreuse)
* s'il existe une ascite : le signe du glaçon permet de sentir la face antérieure buter contre la paroi
abdominale, après une pression brusque sur l'hypochondre droit. Mais l'examen du foie reste imprécis
avant l'évacuation de l'ascite.
 Recherche reflux hépato-jugulaire
2.2.3. La percussion
 Elle doit être douce, avec les mains de 1'examinateur réchauffées. La main gauche, doigts écartés et
tendus, est posée à plat contre la paroi de l'abdomen. Le médius de la main droite recourbé, percute la
face dorsale des doigts de la main gauche.
La percussion se fait de haut en bas, à partir de la clavicule, sur la ligne medio claviculaire après la
sonorité pulmonaire normale, on perçoit la matité hépatique.
La limite entre la zone sonore pulmonaire et la zone mate hépatique correspond au bord supérieur du
foie. Cette délimitation peut être difficile en cas de coexistence avec un épanchement pleural droit.
On percute ensuite de bas en haut la limite entre zone sonore du colon et la matité hépatique, qui
détermine la limite inférieure du foie.
2.2.4. L'auscultation est accessoire. Elle permet parfois d’entendre les rares souffles intra-hépatiques
dus à des tumeurs hypervascularisées ou des fistules artério-veineuses.
2.2.5. Au total, on doit noter :
* les limites du foie :
- avec un crayon dermographique ;
- ou suivies à l'aide de calques répétés lors des examens successifs.
* l’importance de l’hépatomégalie ;
* la surface, la consistance et la sensibilité à la palpation ou à l’ébranlement du foie ;
* les caractères du bord inférieur.
* l’existence d’un souffle au niveau de l’aire hépatique
Sont ainsi précisés
* La flèche hépatique est calculée à partir de la distance entre la limite supérieure et la limite
inférieure, le long de la ligne medio claviculaire. Elle ne dépasse pas 11 cm.
* Le bord inférieur non palpe, qui se confond avec la limite des côtes, ou bien à la limite mou, régulier
et légèrement sensible, chez le sujet normal. II peut être dans les cas pathologiques, ferme, dur,
irrégulier et tranchant.
* La face antérieure, normalement régulière et élastique. Elle peut devenir irrégulière dure et
nodulaire.
* La sensibilité : le foie normal est indolore. II peut devenir douloureux, parfois de façon exquise.
* La consistance du foie normale est molle, alors qu'elle est ferme, dure voire pierreuse dans les cas
pathologiques.

3. RECHERCHE DE SIGNES ASSOCIES


* Ascite
* Ictère
* Signes d’insuffisance hépato-cellulaire
* Signes cliniques d’hypertension portale
* Signes de dissémination tumorale
* Signes d’insuffisance cardiaque droite
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4. CAUSES D'ERREUR
4.1. Tous les gros foies ne sont pas palpables
Lésions siégeant sur la face supérieure et qui refoulent le diaphragme
L'ascite abondante gène l'examen du foie mais la présence d'un signe du glaçon permet de
soupçonner l'hépatomégalie
4.2. Tous les foies palpables ne sont pas gros
Foie ptosé
Anomalies morphologiques non pathologiques telles les lobes de Riedel appendus au bord droit
du foie et dessinant dans le flanc droit une languette (foie en casquette)
4.3. Faux gros foies
 Certaines affections des organes de voisinage du foie peuvent dans leurs formes tumorales poser un
problème de diagnostic différentiel avec une hépatomégalie : autres organes de l’hypochondre
droit notamment tumeur du colon, rein et surrénale ;
 Mais aussi les organes en dehors de l’hypochondre droit : estomac, pancréas, rate, organe du petit
bassin.

5. EXAMENS PARACLINIQUES
Pour ces raisons, il est souvent nécessaire d'effectuer des examens complémentaires pour préciser les
caractères morphologiques de l'hépatomégalie, sa structure et son étiologie.
5.1. Biologiques
 les examens biologiques réalisés en routine (Explorations fonctionnelles hépatiques)
 les examens biologiques réalisés en fonction du contexte (marqueurs viraux, auto-anticorps,
marqueurs de maladies métaboliques, marqueurs tumoraux.. .)
5.2. les explorations morphologiques
 l’échographie est l’examen de 1ère intention,
 Selon le contexte, l’échographie du foie est complétée par l’examen tomodensitométrique
(scanner), voire l’IRM (imagerie par résonance magnétique nucléaire), la laparoscopie ou la PBH
(ponction biopsie hépatique).

6. VARIETES SEMIOLOGIQUES
6.1. Hépatomégalie cirrhotique
6.1.1. L'hépatomégalie est un signe important, quoique inconstant, de la cirrhose hépatique. Elle est
remarquable par :
 son volume : augmenté dans son ensemble parfois l'hypertrophie prédomine sur un lobe :
 son bord inférieur tranchant pouvant présenter 2 incisures : une externe correspondant à l'incisure
vésiculaire et l'autre interne correspondant au sillon interlobaire.
 sa surface parfois irrégulière cloutée, granitée, parfois nodulaire ; mais souvent apparaît lisse.
 sa consistance dure, scléreuse
 sa sensibilité : elle est indolore à la palpation et à l'ébranlement
 ses signes négatifs :
* elle n'est pas ou guère douloureuse à la palpation, à la pression ;
* elle n'est ni pulsatile, ni expansible ;
* elle ne donne pas de reflux hépato-jugulaire.
6.1.2. Les signes associés : Tous les autres signes de la cirrhose peuvent être rattachés à l’hypertension
portale ou à l’insuffisance hépatocellulaire (cf. cours).
 Signes d’hypertension portale :
* Circulation veineuse collatérale (CVC),
* Splénomégalie,
* Ascite,
* Varices oesophagiennes mises en évidence par la fibroscopie digestive haute.
 Signes d’insuffisance hépatocellulaire
* ascite,
* ictère,
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* angiomes stellaires,
* érythrose palmaire,
* troubles endocriniens,
* encéphalopathie pouvant aller jusqu’au coma (coma hépatique).
6.1.3. Bilharziose hépato-splénique
L’examen clinique montre une hépatomégalie parfois importante prédominant sur le lobe gauche, une
splénomégalie fréquente même en l’absence d’hypertension portale.
6.2. Hépatomégalies tumorales
6.2.1. Cancer primitif du foie
 Hépatomégalie
* très importante, globale, parfois localisée à un lobe
* bord inférieur mousse sans incisure
* à surface lisse ou irrégulière
* indolore, mais pouvant être sensible à la palpation et à l’ébranlement
* très dure voire pierreuse
* peu mobile lors des mouvements respiratoires
* s’accroissant rapidement
 Les signes associés sont dominés par l’altération de l’état général
6.2.2. Cancer secondaire du foie
 On trouve à l'examen un foie remarquable car :
* Son volume est augmenté dans son ensemble ou au niveau d'un lobe
* Son bord inférieur est mousse
* Sa surface, surtout, présente des nodules
- de nombre et de taille variable ;
- arrondis, à limites nettes, se détachant du reste de la surface du foie ;
- indolores, ou légèrement sensibles ;
- comparables à des verres de montre, à des marrons enchâssés dans le foie (« foie marronné »). La
consistance du reste du foie est normale
* Ses signes négatifs
- le foie n'est pas pulsatile ;
- il n'y a pas de reflux hépato-jugulaire ;
- il n'y a pas de grosse rate, ni de circulation collatérale sous-cutanée abdominale.
 Les signes associés peuvent être en rapport avec le cancer primitif
6.2.3. De ces tumeurs malignes, on peut rapprocher les hépatomégalies observées au cours des
hémopathies malignes
6.2.4. Les rares tumeurs bénignes du foie : hépatomégalie plus ou moins volumineuse, plus ou mois
régulière
 Adénomes, Hyperplasie nodulaire, Hémangiome
Les caractères de l’hépatomégalie sont polymorphes, variables d’un cas à l’autre
* elle peut être diffuse
* parfois il s’agit d’une formation nodulaire isolée
* la tumeur peut être pédiculée, semblant indépendante du foie
 Foie polykystique ; kystes biliaires intra-hépatiques.
L’hépatomégalie peut être volumineuse, nodulaire et ferme
Une polykystose rénale est souvent associée
6.2.5. "Tumeurs" parasitaires
 Bilharziose hépato-splénique
* hépatomégalie modérée, ferme
* Splénomégalie modérée
 Hydatidose hépatique
Les caractères de l’hépatomégalie sont variables selon le siège des kystes
 Distomatose hépatique
* Hépatomégalie douloureuse inconstante.
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6.3. Hépatomégalie suppuratives


Les gros foies abcédés sont douloureux et fébriles.
 Le foie est augmenté de volume :
* Modérément,
* Au niveau d'un lobe, parfois dans sa totalité,
* Son bord inférieur est mousse,
* Sa surface est lisse.
* Ce foie est douloureux parfois spontanément ou à la palpation et toujours à l'ébranlement.
* Signes négatifs
- pas de splénomégalie ;
- pas de circulation collatérale abdominale ;
- pas d'ascite.
 Signes associés : La température du malade est élevée, de façon variable, la fièvre est typiquement
irrégulière.
6.4. Hépatomégalies vasculaires ou foie cardiaque
6.4.1. Description clinique :
 Le gros foie cardiaque est remarquable par :
* Son volume est augmenté globalement
* Son bord inférieur est arrondi et mousse ;
* Sa face antérieure lisse, régulière, sensible, douloureuse à la pression et à la palpation.
* Sa consistance : ferme sans être dure.
 Son caractère vasculaire avec
* Le reflux hépato-jugulaire
* Le pouls hépatique (foie pulsatile, expansible à chaque systole) traduisant une insuffisance
tricuspidienne.
 Son évolution
* cette hépatomégalie est intimement liée à la cause cardiaque qui l'a déterminée ;
* son volume est variable : il diminue ou augmente parallèlement à l’importance de la stase vasculaire,
c'est le "foie accordéon".
* sous l'effet du traitement, elle disparaît plus ou moins complètement au début, devient de moins en
moins sensible lors des poussées suivantes, finit par être irréductible ;
 Ses signes associés
* cardiaques : tachycardie, assourdissement des bruits ;
* périphériques : œdèmes des membres inférieurs, parfois épanchement pleural.
6.4.2. Valeur sémiologique
Le gros foie cardiaque traduit une stase hépatique. Il se rencontre donc dans :
 l’insuffisance cardiaque droite ou globale ;
 l’adiastolie : péricardite constrictive, péricardite avec un épanchement abondant ;
 le syndrome de Budd-Chiari : exceptionnel, mais gravissime ; par thrombose des veines sus-
hépatiques (il n'y a pas de reflux hépato-jugulaire).
6.5. Hépatomégalies de cholestase
6.5.1. Description : la cholestase donne une hépatomégalie remarquable par :
 Son volume modérément augmenté :
* L'augmentation intéresse l'ensemble de l'organe,
* Sa sensibilité à la palpation et à la pression,
* Sa surface : lisse, régulière,
* Sa consistance : ferme sans être dure,
* Son bord inférieur : arrondi, mousse,
* Son évolution parallèle à l'intensité de la cholestase.
* Ses signes associés : Ictère de type rétentionnel (ictère cutanéo-muqueux avec urines foncées
mousseuses et selles graisseuses plus ou moins décolorées,
* Ses signes négatifs
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- Le foie n'est ni pulsatile, ni expansible.
- Il ne donne pas de reflux hépato-jugulaire.
6.5.2. Valeur sémiologique
Elle traduit une rétention biliaire
 Par lithiase du cholédoque, ou plus rarement helminthiase cholédocienne.
 Par compression extrinsèque :
* pancréatite, cancer du pancréas ;
* cancer des voies biliaires, du foie ;
* adénopathies …
6.6. Hépatomégalies de surcharge
6.6.1. Stéatose hépatique
 Gros foie isolé, mou, régulier à bord inférieur mousse, parfois légèrement sensible.
 La stéatose peut s’observer en cas d’alcoolisme, de dénutrition, de diabète ou d’obésité
6.6.2. Amylose hépatique plus rare
 Gros foie ferme, parfois dur, lisse et régulier. Il peut être associé a une amylose digestive, cardiaque
ou rénale…
 L’amylose est souvent secondaire à une infection chronique, un myélome ou une polyarthrite
rhumatoïde. Elle peut être primitive.

7. CONCLUSION
 Les principales causes d’hépatomégalie dure sont les hépatites chroniques, les cirrhoses et les
cancers.
 Une hépatomégalie dure avec signes d’hypertension portale et/ou d’insuffisance hépatocellulaire
correspond le plus souvent à une cirrhose.
 Un gros foie avec fièvre évoque en premier lieu un abcès, un cancer, une hépatite alcoolique aiguë.
 Une hépatomégalie douloureuse doit faire évoquer un abcès, une lithiase biliaire, un foie cardiaque
ou une tumeur hépatique.
 Une hépatomégalie avec ictère évoque en premier lieu un obstacle sur la voie biliaire ou une
hépatite alcoolique aiguë.
 Une hépatomégalie molle et isolée correspond le plus souvent à une stéatose.

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