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TD n°8 : La responsabilité du fait des choses

Recommandations :

Pour chaque séance de TD, les étudiants devront impérativement connaître le cours relatif au
thème de la séance et préparer les exercices demandés. Il est en outre nécessaire d’apporter son
code civil lors des séances de TD.

Les étudiants devront, après la séance, reprendre l’ensemble des éléments de correction et refaire
les exercices.

Exercices :

Résoudre les cas pratiques suivants.

Cas pratique n°1 :

Claire et Stéphanie (5 et 6 ans) jouent ensemble au tennis un mercredi après-midi. Claire est blessée
à l’œil droit par une balle lancée par Stéphanie, balle qu’elle n’a pas vu venir et n’a donc pas pu
éviter.

La responsabilité de Stéphanie en tant que gardienne de la balle peut-elle être engagée ?

MAJEURE
L’article 1242 alinéa 1 du Code civil dispose que : « On est responsable non seulement du dommage
que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont
on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »

Il ressort de cet article 4 conditions cumulatives pour pouvoir engager la responsabilité d’une
personne sur ce régime. Il faut :

-un préjudice

-une chose : conception extensive par l’arrêt JAND’HEUR 1930. Seuls sont exclus les animaux,
les VTAM et les bâtiments en ruine qui font l’objet d’un régime particulier. Les choses immatérielles
sont également concernées.

-un rôle actif de la chose : Arrêt CADÉ 1941, la chose doit avoir été la cause efficiente du dommage
(elle doit avoir eu un rôle de premier plan dans la réalisation du dommage). Si le rôle n’est que
secondaire, passif, il n’y a pas fait de la chose.

La jurisprudence a posé une présomption irréfragable de rôle actif de la chose lorsque deux
conditions cumulatives sont remplies : la chose est en mouvement ET a touché le siège du
dommage (ex. Civ. 2e, 13 mars 2003 : escalator en mouvement)
Si une de ces conditions fait défaut, la victime doit prouver l’anormalité de la chose (état, position,
comportement anormal).

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- un gardien : il faut l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Initialement, ce critère était
purement juridique et seul le propriétaire était responsable. L’arrêt FRANCK 1941 a redéfini ce
critère et retient désormais une conception matérielle de la garde. Le gardien est celui qui a «
l’usage, la direction et le contrôle de la chose » au moment du dommage.
Le propriétaire est présumé être le gardien, jusqu’à preuve du contraire.
Arrêts TRICHARD 1964 et GABILLET 1984 : La responsabilité est engagée même si le
responsable n’est pas capable de discernement.
MINEURE
En l’espèce, il faut vérifier que les conditions sont remplies pour déterminer si Stéphanie peut être
responsable.

En l’espèce, Claire est blessée à l’oeil droit. Il s’agit d’un préjudice corporel. Elle a été blessée par
une balle de tennis qui constitue une chose. Ce critère ne pose pas de difficulté. La balle est entrée
en contact avec le visage de Claire et la balle était en mouvement. Par conséquent, il y a une
présomption irréfragable de rôle actif de cette chose selon l’arrêt du 13 mars 2003. Enfin, il faut
déterminer si Stéphanie était la gardienne de la balle.
Stéphanie a lancé la balle. Elle en a donc l’usage, la direction et le contrôle.

Par conséquent, la responsabilité de Stéphanie peut être engagée. Claire pourra lui demander
d’indemniser son préjudice.

NB : Stéphanie ne peut pas évoquer la théorie de l’acceptation des risques puisqu’elle n’est admise
actuellement qu’au titre de la réparation de préjudices matériels.

Cas pratique n°2 :

En allant rendre visite à sa tante, Martin a pris l’ascenseur pour monter au 3e étage. Lorsque les
portes se sont ouvertes, l’ascenseur était en réalité arrêté entre le 2e et le 3e étage, et Martin, qui a
avancé sans se méfier, a fait une chute de 11 mètres dans la cage de l’appareil. Il est grièvement
blessé. L’ascenseur appartient à la société Jamot.

1/ Première hypothèse : le dysfonctionnement demeure inexpliqué. Est-il possible d’agir contre la


société Jamot sur le fondement de la responsabilité du fait des choses ?

MAJEURE : Renvoi au cas pratique numéro 1

MINEURE : En l’espèce, Martin a subi un préjudice puisqu’il a fait une chute de 11 mètres. Il est
grièvement blessé. Son préjudice est corporel. De plus, l’ascenseur est bien une chose. Il ne fait
pas l’objet d’un régime particulier. Concernant le rôle actif de la chose, selon l’arrêt CADÉ de 1941,
la chose doit avoir été la cause efficiente du dommage (elle doit avoir eu un rôle de premier plan
dans la réalisation du dommage). En l’espèce, si Martin a subi le dommage, c’est bien parce que
l’ascenseur est tombé en panne. Par conséquent, il y a un rôle actif de la chose dans le dommage.
Il n’y a pas de présomption irréfragable de rôle actif de la chose, puisque l’ascenseur était à l’arrêt
lors de la chute. Martin devra prouver l’anormalité de la chose. Martin devra donc prouver que
l’ascenseur était en panne.

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Enfin, il faut un gardien. Le gardien a l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Une
présomption de garde pèse sur le propriétaire de la chose. Par conséquent, la société Jamot est
considérée comme étant la gardienne de l’ascenseur. Pour s’exonérer, il faudra qu’elle prouve
qu’elle a transféré la garde, ce qui est, en pratique, impossible.

NB : Il est envisageable pour la société Jamot de s’appuyer sur la faute de la victime pour essayer de réduire sa
responsabilité. En effet, Martin a chuté en se rapprochant de la porte ouverte entre deux étages. Il n’aurait pas dû
le faire. En jurisprudence, de manière générale, cette faute de la victime n’est pas retenue (lien avec l'obligation de
sécurité de résultat des ascensoristes dans leur contrat).

2/ Seconde hypothèse : le dysfonctionnement résulte de l’intervention sur l’ascenseur, au moment


des faits, d’un technicien de la société Jamot, Monsieur Henri. Celui-ci, qui effectuait une
réparation, avait interdit l’accès à l’ascenseur par des affiches et des rubans de plastique rouge collés
en travers de la porte. Malheureusement, les rubans du hall d’entrée ont été arrachés par des
inconnus (sans doute des enfants) juste avant l’arrivée de Martin et celui-ci n’a pas fait attention
aux affiches.

Martin peut-il obtenir réparation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité du fait des
choses ? Contre qui devra-t-il agir ?

MAJEURE : CF SUPRA

MINEURE : En l’espèce, les éléments sont les mêmes que dans l’hypothèse 1. Seule la condition
du gardien va changer.

Ici, Monsieur Henri intervenait sur l’ascenseur au moment du dommage. Il avait le contrôle, la
direction et l’usage de l’ascenseur. Il représente le propriétaire, la société Jamot. En jurisprudence,
il est prévu que les notions de préposé et de gardien sont incompatibles car la garde suppose
l’indépendance (Civ. 2, 1 avr. 1998). Ici, Monsieur Henri est le préposé de la société Jamot. Par
conséquent, seule cette dernière peut être tenue responsable.

Il est indiqué que Martin n’a pas fait attention aux affiches. Il est possible de se demander si ce
comportement pourrait constituer une faute de la victime, permettant d’exonérer partiellement la
responsabilité de Monsieur Henri.

De plus, se pose la question de la responsabilité de la personne qui a retiré les rubans dans le hall
d’entrée. En effet, de par ce comportement, Martin a emprunté l’ascenseur et son dommage est
intervenu. Si les rubans n’avaient pas été retirés, Martin ne serait pas monté dans l’ascenseur.

Ce comportement est constitutif d'une faute, car il n’est pas le comportement d’une personne
raisonnable. De plus, il y a bien un dommage. En retenant la théorie de l’équivalence des conditions,
il est possible de prouver un lien de causalité entre le dommage et la faute.
La seule difficulté réside dans le fait de déterminer qui a retiré des banderoles. S’il s’agit d’enfants
mineurs, leur responsabilité personnelle peut être engagée mais également celle de leurs parents.
S’il s’agit de majeurs, seule leur responsabilité personnelle peut être engagée.

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RAPPEL MÉTHODOLOGIQUE :

Article 1242 alinéa 1 du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause
par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »

4 conditions pour engager cette responsabilité :

-un préjudice

-une chose : conception extensive par l’arrêt JAND’HEUR 1930. Seuls sont exclus les animaux,
les VTAM et les bâtiments en ruine qui font l’objet d’un régime particulier. Les choses immatérielles
sont également concernées.

-un rôle actif de la chose : Arrêt CADÉ 1941, la chose doit avoir été la cause efficiente du dommage
(elle doit avoir eu un rôle de premier plan dans la réalisation du dommage). Si le rôle n’est que
secondaire, passif, il n’y a pas fait de la chose.

La jurisprudence a posé une présomption irréfragable de rôle actif de la chose lorsque deux
conditions cumulatives sont remplies : la chose est en mouvement ET a touché le siège du
dommage (ex. Civ. 2e, 13 mars 2003 : escalator en mouvement).
Si une de ces conditions fait défaut, la victime doit prouver l’anormalité de la chose (état, position,
comportement anormal).
- un gardien : il faut l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Initialement, ce critère était
purement juridique et seul le propriétaire était responsable. L’arrêt FRANCK 1941 a redéfini ce
critère et retient désormais une conception matérielle de la garde. Le gardien est celui qui a « l’usage,
la direction et le contrôle de la chose » au moment du dommage.
Le propriétaire est présumé être le gardien, jusqu’à preuve du contraire.
Un transfert de garde est possible si les trois pouvoirs sont transmis, volontaire ou non.
Arrêts TRICHARD 1964 et GABILLET 1984 : La responsabilité est engagée même si le
responsable n’est pas capable de discernement.
Attention, la garde est alternative. Une garde commune est parfois possible (Civ. 2, 10 févr. 1966
: accident de chasse)

Les causes d’exonération :


- Force majeure (JAND’HEUR)
- Faute de la victime (JAND’HEUR)
- Théorie de l’acceptation des risques, uniquement pour les dommages matériels (abandonné en
jurisprudence mais reprise dans une loi de 2012)

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Cas pratique n°3 :
Une explosion s’est produite dans les silos à grains d’un producteur de bière, la société La
Malterie de la Moselle. Celle-ci conclut alors un marché de démolition et d’évacuation des déblais
avec la société Cardim, entreprise de travaux publics. Cette dernière société, qui n’avait pas été
avertie de l’origine de l’explosion due à la fermentation de l’orge, évacua ces déblais dans une
décharge qui se trouvait à l’intérieur du périmètre du captage d’eau de la commune de Montigny-
les Metz. Quelques mois plus tard, les autorités communales décidèrent d’arrêter le pompage et,
pour obtenir l’eau nécessaire à la consommation des habitants de la commune, s’adressèrent à la
société Mosellane des Eaux. Cette décision a entraîné un surcroît de dépenses et c’est de ce
préjudice qu’elles voudraient obtenir réparation.
La responsabilité du fait des choses peut-elle jouer ici ? Contre qui faut-il agir ?
I- SUR LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES
MAJEURE : l’article 1242 alinéa 1 du code civil dispose « On est responsable non seulement du
dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des
personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Il faut la réunion de quatre conditions pour la mise en œuvre de la responsabilité d’une
personne sur le fondement de la responsabilité du fait des choses.
➢ Un préjudice
➢ Une chose : conception extensive par l’arrêt JAND’HEUR 1930. Seuls sont exclus les
animaux, les VTAM et les bâtiments en ruine qui font l’objet d’un régime particulier. Les
choses immatérielles sont également concernées.
➢ Un rôle actif de la chose : Arrêt CADÉ 1941, la chose doit avoir été la cause efficiente
du dommage (elle doit avoir eu un rôle de premier plan dans la réalisation du dommage).
Si le rôle n’est que secondaire, passif, il n’y a pas fait de la chose.
➢ La jurisprudence a posé une présomption irréfragable de rôle actif de la chose lorsque
deux conditions cumulatives sont remplies : la chose est en mouvement et a touché le
siège du dommage (ex. Civ. 2e, 13 mars 2003 : escalator en mouvement).
➢ Si une de ces conditions fait défaut, la victime doit prouver l’anormalité de la chose (état,
position, comportement anormal).
➢ Un gardien : il faut l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Initialement, ce critère
était purement juridique et seul le propriétaire était responsable. L’arrêt FRANCK 1941
a redéfini ce critère et retient désormais une conception matérielle de la garde. Le gardien
est celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle de la chose » au moment du dommage.
➢ Le propriétaire est présumé être le gardien, jusqu’à preuve du contraire.
➢ Un transfert de garde est possible si les trois pouvoirs sont transmis, volontaire ou non.
MINEURE : En l’espèce une explosion se produit dans les silos à grain d’un producteur de
bière qui conclut un marché de démolition et d’évacuation des déblais avec une société qui au
moment de la consultation a fait faillite. Les déblais sont déchargés à l’intérieur du périmètre de
protection du captage d’eau de la commune consultante, qui craignant un risque de pollution par

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la toxicité des déblais a dû se fournir à une société privée pour pourvoir sa commune en eau,
entrainant un surcroît des dépenses, à l’origine duquel est basée la consultation.
Le régime de la responsabilité du fait des choses se présente de la façon suivante :
- La responsabilité prend naissance lorsqu’un dommage est causé par le fait d’une chose.
Le dommage, selon la jurisprudence et la doctrine, est une perte faite ou un gain manqué, qui
doit être certain, personnel et légitime : ici le dommage est le surcroît des dépenses de la
commune et la pollution de l’eau.
La chose est définie très largement par la jurisprudence, qui dit qu’il s’agit de tous les corps
matériels inanimés : ici ce sont les déblais qui sont qualifiés de choses.
Le fait de la chose est défini par l’arrêt Cadé de 1941 qui établit qu’il correspond au rôle actif
de la chose ; la chose doit avoir été l’instrument ou la cause efficiente du dommage : ici c’est la
décharge des déblais dans un périmètre de protection du captage d’eau qui provoque le
dommage. Une des applications concrètes de cette condition est celle des cas dans lesquels le
dommage résulte du pouvoir toxique ou pathogène de la chose, cas où le rôle actif est évident.
Dans le cas présent il est explicité que dans les matériaux évacués étaient mêlés des résidus
d’orge fermentée qui créaient un risque de pollution, démontrant de façon première et non
approfondie la toxicité de la chose. Il faudrait donc dans le cas où la commune s’appuie sur cet
aspect du reproche que l’on peut faire à la Malterie, faire un véritable travail de preuve et
d’expertise. Le fait de la chose, dans cette hypothèse qui risque d’être facilement confirmée,
pourrait donc justifier l’application de l’article suscité pour une réparation pour le fait de la chose
que l’on a sous sa garde. En l’espèce, cette responsabilité pèse aussi sur le gardien de la chose qui
peut se prévaloir des causes d’exonération totale ou partielle.
En effet l’article énoncé établit qu’on est responsable du fait de la chose dont on a la garde.
Le gardien est celui qui a l’usage, la direction et le contrôle de la chose au moment du dommage.
Il faut qui plus est qu’il y ait respect des trois conditions déjà citées que sont :
a) il faut que le propriétaire ait remis la chose à une personne qui n’est pas elle-même sous
son contrôle ; on dit que la garde suppose l’indépendance. Ici la malterie a remis les
déblais à la société qui a fait faillite.
b) il faut que le tiers ait acquis sur la chose les trois pouvoirs qui caractérisent la garde. Si le
propriétaire ne lui a transmis qu’un pouvoir, généralement l’usage, et qu’il conserve la
direction et le contrôle de la chose, il reste gardien. La société qui a déchargé les déblais,
ayant conclu un marché avec la malterie, a eu un transfert de garde de la part de celle-ci
puisqu’il y a bien cession de l’usage, de la direction et du contrôle.
c) si la chose cause le dommage en raison d’un défaut de structure ou d’une propriété
dangereuse, il faut que le tiers ait eu connaissance de ce défaut ou de cette propriété. C’est ce qui
peut intéresser l’argumentation de la commune dans la situation donne. L’arrêt qui a posé cette
règle est un arrêt célèbre, celui de l’Oxygène Liquide (Civ. 2, 5.01.1956). La Cour de Cassation
établit à cette occasion que si le tiers ignore le défaut ou la propriété dangereuse il ne contrôle pas
tous les éléments de la chose. On dit alors que le propriétaire est condamné parce qu’il est resté
gardien de la structure de la chose. Lorsque la chose cause un dommage en raison d’un défaut de
structure et que le tiers ignorait ce défaut, on doit décider que le responsable de l’accident est le
propriétaire.
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Ici, il est clairement dit que la société qui a été chargée de décharger les déblais n’a pas été
informée de l’origine et de la nature toxique de ces derniers, ce qui renvoie directement la
responsabilité sur le propriétaire, c’est-à-dire la Malterie. Sur cet aspect la commune pourra donc
demander réparation pour fait de la chose à celle-ci en ce qu’elle était le gardien de la chose
lorsque le dommage a été causé.
CONCLUSION : C’est donc sur ces deux aspects principaux que la commune pourrait
appuyer ses arguments contre la Malterie et pour obtenir réparation pour les divers dommages
causés.
Cas pratique n°4:
M Bourgeois et Mme Clément, qui pêchaient en mer à bord d’un canot appartenant à cette
dernière, ont péri noyés, l’embarcation s’étant renversée. La veuve de M Bourgeois assigne, en
réparation de son préjudice, les héritiers de Mme Clément, sur le fondement de la responsabilité
du fait des choses. Quelles sont ses chances de succès ?
1/ Première hypothèse : il est établi que Mme Clément conduisait le bateau au moment de
l’accident.
2/ Deuxième hypothèse : le bateau était conduit par M Bourgeois à qui Mme Clément
donnait des conseils car c’était la première fois qu’il s’essayait à la conduite d’un bateau.
3/ Troisième hypothèse : le bateau était conduit par M Bourgeois, barreur expérimenté.
4/ Quatrième hypothèse : on ne sait pas qui dirigeait le bateau.

I- PREMIÈRE HYPOTHESE : IL EST ÉTABLI QUE MME CLÉMENT


CONDUISAIT LE BATEAU AU MOMENT DE L’ACCIDENT.

L’article 1242 alinéa 1 du code civil dispose « On est responsable non seulement du
dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des
personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »

Il faut la réunion de quatre conditions pour la mise en œuvre de la responsabilité d’une


personne sur le fondement de la responsabilité du fait des choses.

➢ Un préjudice

➢ Une chose : conception extensive par l’arrêt JAND’HEUR 1930. Seuls sont exclus les
animaux, les VTAM et les bâtiments en ruine qui font l’objet d’un régime particulier.
Les choses immatérielles sont également concernées.

➢ Un rôle actif de la chose : Arrêt CADÉ 1941, la chose doit avoir été la cause efficiente
du dommage (elle doit avoir eu un rôle de premier plan dans la réalisation du
dommage). Si le rôle n’est que secondaire, passif, il n’y a pas fait de la chose.

➢ La jurisprudence a posé une présomption irréfragable de rôle actif de la chose lorsque


deux conditions cumulatives sont remplies : la chose est en mouvement et a touché le
siège du dommage (ex. Civ. 2e, 13 mars 2003 : escalator en mouvement).

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➢ Si une de ces conditions fait défaut, la victime doit prouver l’anormalité de la chose
(état, position, comportement anormal).

➢ Un gardien : il faut l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Initialement, ce critère


était purement juridique et seul le propriétaire était responsable. L’arrêt FRANCK 1941
a redéfini ce critère et retient désormais une conception matérielle de la garde. Le
gardien est celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle de la chose » au moment du
dommage.

➢ Le propriétaire est présumé être le gardien, jusqu’à preuve du contraire.

➢ Un transfert de garde est possible si les trois pouvoirs sont transmis, volontaire ou non.

MINEURE :

Etant donné que le canot appartenait à madame Clément et comme propriétaire elle est
présumée la gardienne de la chose, objet du dommage et qu’en l’espèce le rôle actif de la chose
peut être retenu parce qu’il a joué un rôle de premier dans la réalisation du dommage. Il y a fait
de la chose. D’autant plus madame Clément avait le contrôle, l’usage et la direction du canot.

CONCLUSION : C’est la propriétaire qui manœuvre l’embarcation au moment de


l’accident, nous pouvons dire qu’elle a l’usage en ce qu’elle est sur le bateau, la direction en ce
qu’elle dirige le bateau et le contrôle en ce qu’elle le conduit : elle est donc l’auteur de la faute
et par conséquent son gardien. Sa responsabilité apparaît donc comme clairement engagée.

II- Deuxième hypothèse : le bateau était conduit par M Bourgeois à qui Mme
Clément donnait des conseils car c’était la première fois qu’il s’essayait à la
conduite d’un bateau.

MAJEURE : SUPRA

MINEURE : mais ici il y a une complexification par rapport au gardien de la chose.

En effet, il existe, à l’heure de désigner le gardien pour engager sa responsabilité pour le fait
de la chose, une présomption pesant sur le propriétaire de la chose, qui doit prouver qu’au
moment de l’accident il n’avait ni le contrôle ni l’usage ni la direction de la chose, pour
l’exonérer ainsi de sa responsabilité.

Dans cette hypothèse, la victime pour laquelle l’ayant droit demande réparation, est celle qui a
conduit le bateau sous les conseils de la seconde victime, propriétaire de l’embarcation. Dans
ce cas il apparaît que la propriétaire a volontairement transféré la garde à la victime, le tiers,
c’est-à-dire qu’il a remis la chose, ici le bateau, entre les mains d’un tiers avant le dommage.
Mais ce transfert de garde doit respecter trois conditions si cette exonération veut être
acceptée par le tribunal :

a) Il faut que le propriétaire ait remis la chose à une personne qui n’est pas elle-même sous
son contrôle ; on dit que la garde suppose l’indépendance. Ici les deux victimes ne sont

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dans aucune situation de subordination l’une envers l’autre et elles sont donc
indépendantes.

b) il faut que le tiers ait acquis sur la chose les trois pouvoirs qui caractérisent la garde. Si le
propriétaire ne lui a transmis qu’un pouvoir, généralement l’usage, et qu’il conserve la
direction et le contrôle de la chose, il reste gardien. C’est le cas ici, puisque la victime suit
les conseils de la propriétaire, restant ainsi sous sa direction et son contrôle.

c) si la chose cause le dommage en raison d’un défaut de structure ou d’une propriété


dangereuse, il faut que le tiers ait eu connaissance de ce défaut ou de cette propriété. Ici la
question ne se pose pas vraiment étant donné que l’embarcation apparaît comme tout à
fait normale.

CONCLUSION : Une des trois conditions n’est donc pas respectée et il ne sera donc pas
possible pour les successeurs de la propriétaire d’alléguer le transfert de la garde à la victime.
L’ayant droit ici représentée pourra donc facilement faire appliquer l’article 1384 al.1er contre
la propriétaire puisqu’elle apparaît comme le gardien, malgré l’apparence de transfert de la
garde.

III- Troisième hypothèse : le bateau était conduit par M Bourgeois, barreur


expérimenté.

MAJEURE : SUPRA
MINEURE : Nous reprenons ici aussi le même raisonnement que dans les cas précédents
ainsi que le questionnement sur le transfert de la garde au profit du tiers qui est ici la victime par
le propriétaire.
Comme nous l’avons dit il faut que le propriétaire ait remis la chose à une personne qui n’est
pas elle-même sous son contrôle, ce qui est le cas ici ; il faut que le tiers ait acquis sur la chose les
trois pouvoirs qui caractérisent la garde. C’est cette condition qui va résoudre la question des
chances de réussite de l’action en réparation de l’ayant droit de la victime non-propriétaire sur le
fondement de l’article 1384 al.1er. En effet, dans l’hypothèse présente le tiers semble avoir eu le
transfert des trois conditions de transfert de la garde, puisqu’il est barreur expérimenté, ce qui
dénote une connaissance et d’une pratique aisées. Le contrôle est donc exercé par le tiers qui
conduit l’embarcation, qui de ce fait se voit attribuer l’usage mais aussi la direction puisqu’il dirige
le bateau au moment de l’accident.
CONCLUSION : Il y a donc transfert de la garde à la victime et le propriétaire est exonéré
de sa responsabilité puisqu’il n’est plus le gardien de la chose. La possibilité d’une action en
réparation sur le fondement de l’article 1384 al.1er n’a donc pas beaucoup de chances de succès.
IV- Quatrième hypothèse : on ne sait pas qui dirigeait le bateau
MAJEURE: SUPRA
MINEURE : Il faut parler dans le cadre de cette hypothèse de l’exonération totale du gardien
dans le cas de la participation de la victime à la garde de la chose, aussi appelée la garde
commune. Ce moyen d’exonération est très étroit. Il s’applique lorsque la victime a participé à
la garde de la chose, conjointement avec le responsable. En ce cas, la Cour de Cassation décide
qu’elle est privée du droit d’invoquer l’article 1384 al.1er contre son cogardien.

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Si l’on considère les faits, selon lesquels les deux victimes conduisaient indistinctement
l’embarcation et qu’ils sortaient en mer ensemble depuis longtemps, il est très probable que nous
soyons dans une de ces rares hypothèses de garde commune de la chose, qui implique
l’exonération totale du gardien.
CONCLUSION : l’ayant droit de la victime non-propriétaire aura donc difficulté à faire
prospérer son action sur le fondement de l’article 1384 al.1er, considérant les conditions
particulières de celle-ci.

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