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Éc l a irage FINANCEMENT

Les règles prudentielles


de Bâle 1, Bâle 2, Bâle 3
et le financement
des entreprises Par Michel Di Martino
Expert-comptable,
Commissaire aux comptes,
Président du tribunal de commerce
de Lons le Saunier
Les chefs d’entreprise, juristes, magistrats, juges consulaires,
administrateurs et mandataires judiciaires, avocats,
experts-comptables et commissaires aux comptes se doivent
de connaître la réglementation dite « Bâle 1, Bâle 2 et Bâle 3 »
applicable aux établissements bancaires.
En effet, ces règles prudentielles sont appliquées aux
entreprises, sans parfois qu’elles le sachent. Or, compte tenu
des exigences de cette réglementation, les établissements
bancaires, rencontrent de plus en plus de difficulté pour financer
les entreprises en difficulté et en procédures amiables ou ratio « McDonough ». Il est applicable en
collectives. Cet article a pour objectif notamment de souligner France depuis le 1er janvier 2007, pour la
les impacts opérationnels de cette réglementation. méthode standard.
Cette réforme a pour objectif de mobiliser
moins de fonds propres pour les banques.
Que représentent les accords ne faisait aucune différence entre les risques :
Le ratio de 8 % est toujours applicable, mais
de Bâle ? le ratio de 8 % de fonds propres s’appliquait
celui-ci sera pondéré par un coefficient
Les crises financières successives ont conduit aussi bien à une entreprise cotée 3++ (cote
déterminé à partir de la notation de l’entre-
en 1974 plusieurs pays à se regrouper au sein d’excellence) qu’à une entreprise de cotation
prise. Bâle II définit un ensemble de règles
d’un comité : le comité de Bâle qui se réunit médiocre…
afin de mieux appréhender le risque lié au
à Bâle au siège de la Banque des règlements Un décalage de plus en plus important crédit accordé.
internationaux. Ce comité n’a pas de pouvoir s’effectuait entre la réglementation et le
législatif ou réglementaire mais ses règles risque économique : le ratio de 8 % était Exemple
s’imposent par accord des parties prenantes. devenu une contrainte « administrative » qui Lorsqu’une banque prête 100 000 € à
Créé par les gouverneurs des principales ne correspondait plus du tout aux impératifs une entreprise cotée 3++ ou 3+, celle-ci
banques centrales, le comité sur le contrôle économiques. C’est pourquoi, les règles ont bénéficiera dans la méthode standard, d’un
bancaire a pour but de renforcer la stabilité été modifiées avec Bâle II. coefficient de pondération de 20 %.
du système bancaire et d’harmoniser les Bâle II a été créé pour harmoniser le régle- La banque devra mobiliser :
règles prudentielles entre les banques. mentaire avec l’économique. • dans Bâle I : 100 000 € × 8 % = 8 000 €
Au gré des évolutions du contexte éco- de fonds propres ;
nomique et financier, ces règles se sont Définitions • dans Bâle II : 100 000 € × 8 % × 20 % =
modifiées par palier, identifiées par Bâle 1, Fonds propres économiques : fonds 1 600 € de fonds propres.
Bâle 2 et Bâle 3. propres détenus par la Banque et affectés Soit une économie de 6 400 € de fonds
en interne à ses propres évaluations de propres avec la nouvelle approche Bâle Il.
Accord de Bâle 1 risque. Plus l’entreprise sera bien cotée ou bien
Adopté en 1988, l’accord dit de Bâle I impo- Fonds propres réglementaires : fonds « notée », moins sa banque devra mobiliser
sait aux banques de couvrir au moins 8 % des propres exigés et définis par le Comité de de fonds propres lors de la réalisation de
crédits qu’elles accordaient aux entreprises Bâle ou l’autorité nationale. crédits.
par leurs fonds propres (ratio Cooke). En
termes simples, lorsqu’un établissement
bancaire accordait 10 000 € de crédits à Accord de Bâle II Accord de Bâle III
une entreprise, celui-ci devait immobiliser Dénommé « Bâle II », ce dispositif définit un Les accords de Bâle 3 impactent surtout les
800 € de fonds propres. ensemble de règles qui aboutissent à mieux banques.
Ce ratio prudentiel et empirique ne tenait pas mesurer le risque lié au crédit accordé à
compte de la solvabilité de l’emprunteur et l’entreprise avec l’élaboration d’un nouveau

Revue Française de Comptabilité Février 2020 N° 539 3


Éc lairage FINANCEMENT

L’exigence minimale de fonds propres régle- Le « paquet bancaire Bâle III » a surtout Critères pris en compte
mentaires, fixée par Bâle 2, au regard des visé à renforcer la capacité des banques pour la notation
risques pondérés (entreprises) reste inchan- à résister à de futures crises. D’ailleurs, au La plupart des banques appliquent une
gée à 8 %. Mais la crise des subprimes étant niveau européen, la directive et le règlement notation interne pour leurs entreprises
passée par là, Bâle III impose aux banques sur les exigences de fonds propres se sont clientes, à partir d’un modèle qui leur est
de nouvelles normes de sécurité en capitaux fortement inspirés du dispositif de Bâle III 1. propre, validé et « agréé » par la commis-
propres et de risque de liquidités : Pour les banques françaises, signalons que le sion bancaire. Les éléments qui permettent
• renforcement de la structure du capital des niveau des fonds propres est généralement d’établir cette notation sont souvent les
banques avec amélioration de la qualité plus important que le montant imposé, suivants :
des fonds propres et un objectif de fonds celles-ci voient d’un mauvais œil ces nouvelles • r atios d’analyse financière ;
propres à atteindre de 10,50 % du total contraintes, d’autant plus que le comité de Bâle • fi
 abilité des documents prévisionnels ;
des engagements en 2019. Les capitaux propose de nouvelles modalités d’application •é  tude de la rentabilité ;
propres doivent représenter au moins 3 % de Bâle III (Bâle IV) sur une échéance comprise • respect des échéances clients et fournis-
du total de l’actif du bilan d’une banque. entre 2022 et 2027 qui conduiraient à une seurs ;
Le niveau de capital est crucial puisqu’il exigence de fonds propres plus importante. •p  lace de l’entreprise sur le marché ;
garantit la solvabilité des banques face aux •q  ualités du dirigeant ;
pertes qu’elles pourraient réaliser ; Les méthodes de notation •o  rganisation interne de l’entreprise ;
• amélioration de la gestion de la liquidité : des entreprises par •g  arantie du crédit accordé ;
l’établissement bancaire doit sélectionner • fonctionnement du compte ;
les banques françaises
des actifs facilement cessibles (sans perte • incidents de paiement ;
Issues de Bale II, il existe trois méthodes de
de valeur) pour alimenter sa trésorerie •d  épassements des concours autorisés ;
notation :
en cas de difficulté ayant pour origine • relation entre mouvements remis et
• la méthode standard : un organisme externe
des retraits massifs de sa clientèle, ou un concours autorisés ;
(Banque de France, COFACE…) évalue la
assèchement du marché interbancaire : • etc.
note de crédit. Cette méthode est retenue
obligation de couvrir les sorties nettes de
par les petites et moyennes banques ; La notation attribuée en interne peut être
trésorerie pendant les trente prochains
• la méthode de notation interne fondation comparée à la notation attribuée par les
jours ;
(FIRB) ; agences de notation ; toutefois, peu d’entre-
• introduction d’un plafond d’effet de levier,
• la méthode de notation interne avancée prises françaises font l’objet d’une notation
dans le but de limiter le montant total des
(AIRB). par les agences.
actifs qu’une banque peut posséder en
fonction de ses fonds propres. Cette dernière méthode applicable depuis Depuis la mise en application de Bâle II,
Les banques devront également disposer le 1er janvier 2008 est celle retenue par les les banques qui ont pour la plupart utilisé
d’un « coussin contracyclique » de fonds plus grandes banques françaises. Elle permet leurs propres modèles de notation interne
propres, sorte de matelas de sécurité, qu’elles d’obtenir une notation plus fine et sur mesure ont réalisé de réelles économies de fonds
constitueront et alimenteront en phase de l’entreprise et du risque. propres (voir ci-après tableau de simulation
d’expansion et dans lequel elles pourront, à de la commission bancaire).
l’inverse, puiser, lors de récessions. Dates d’application de Bâle II en France Rappelons que la Banque de France (BdF)
L’accord de Bâle III est un chantier aujourd’hui • depuis le 1er janvier 2007 pour les éta- est reconnue comme organisme externe
terminé. blissements qui ont retenu la méthode d’évaluation du crédit.
standard ;
• depuis le 1er janvier 2008 pour les éta- Les banques peuvent s’appuyer sur la cota-
blissements qui appliquent leurs propres tion BdF pour déterminer le montant des
modèles de notation interne (FIRB ou fonds propres réglementaires nécessaires
1. Directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 ; AIRB). pour couvrir les risques de leur activité de
Règlement (UE) 575/2013 du 26 juin 2013. crédit aux entreprises.

Tableau de pondération des entreprises. Méthode standard

Notation agence de notation AAA à AA A BBB BB <B Non noté


3++ 4+ 5, 6, 8
Cotation Banque de France 3 5+ –
3+ 4 9, P
Pondération du risque entreprise 20 % 50 % 100 % 100 % 150 % 100 %

8% 8% 8% 8% 8% 100 %
Quota
× 20 % × 50 % × 100 % × 100 % × 150 % = ×8%
ou ratio de fonds propres Bâle II
= 1,6 % =4% =8% =8% 12 % =8%

Petites entreprises et PME Pondération : 75 %


classées « Banque de détail » 8 % × 75 % = 6 %

4 Février 2020 N° 539 Revue Française de Comptabilité


dans le portefeuille « Grandes entreprises » expresse de ses découverts (avertir si
Remarques : la méthode standard est
suivant que le montant du prêt excède ou besoin son conseiller dans les cas critiques)
la méthode retenue lorsque la méthode
non un million d’euros. Afin de préserver le et ses incidents de paiement ;
interne n’a pas été choisie. Les pourcen-
secteur économique des petites et moyennes • mettre en avant sa cotation Banque de
tages de pondération sont fixés à partir France lorsque celle-ci est bonne (3) ou
entreprises, Bâle II accorde aux PME incluses
des notes attribuées par les organismes excellente (3++);
dans la catégorie « Banque de détail » un
de notation (dont la Banque de France). • prendre rendez-vous avec le directeur de
traitement favorable : le taux de pondération
est fixé à 75 % au lieu de 100 % dans Bâle I. la succursale de la Banque de France, du
Exemples siège de son entreprise pour discuter des
Bâle II et la tarification des crédits palliatifs et des mesures à prendre pour
1. Une banque prête à une entreprise cotée
Une entreprise bénéficiant par sa notation améliorer sa cotation lorsque celle-ci a été
3++ (cote d’excellence)
d’une forte pondération, permettra à sa dégradée ;
Le pourcentage de pondération à appliquer banque, comme nous l’avons vu, de mobiliser • se renseigner auprès de son conseiller ban-
à son prêt est de 20 % (voir tableau). caire, sur les critères ayant permis d’établir
un montant de fonds propres bien inférieur
Le capital à immobiliser par la banque pour au montant à mobiliser pour une entreprise sa notation interne, s’il y a lieu ;
respecter le ratio fonds propres de Bâle sera mal cotée (voir exemples). • communiquer sur son développement, sur
de : son environnement juridique, etc. ;
La réforme de Bâle II lie étroitement le niveau
8 % × 20 % = 1,6 % du montant du prêt. de fonds propres avec les risques réellement • surveiller les mouvements d’opérations
Si l’entreprise emprunte 1 000 000 d’euros, encourus par l’établissement prêteur. effectués avec la banque ;
la banque devra immobiliser : Partant de ce constat, on pourra voir •e  n clair, bien présenter la mariée !…
1 000 000 € × 1,6 % = 16 000 € pour res- apparaître une différenciation de taux entre
pecter le ratio réglementaire Bâle II. l’entreprise bien notée et celle mal notée… et Important ! La France ayant opté dans
Dans Bâle I, la banque aurait dû immobiliser des taux individualisés. Bâle II pour une approche de risques
en capital : consolidés de groupe, il convient lorsque
Une simulation réalisée par la commission
1 000 000 € × 8 % = 80 000 €. le dirigeant possède plusieurs sociétés ou
bancaire pour le passage de Bâle I à Bâle II
filiales de veiller à la bonne notation de
Soit une « économie » manifeste de fonds pour les TPE et PME conclut à une économie
chaque entité. En effet, la mauvaise nota-
propres de 64 000 €. de fonds propres par le système bancaire sur
tion d’une société du groupe pourra influer
Bâle I : 80 000 € le risque de crédit des TPE/PME, et ce quelle
sur les autres. Aussi, il est primordial de
Bâle II : 16 000 € que soit la méthode utilisée.
ne pas ternir l’image d’un groupe (si petit
64 000 € Cette économie peut atteindre environ un
soit-il) par un découvert sans autorisation
tiers de fonds propres dans le cas de l’appli-
2. Une banque prête à une entreprise dans une SCI non surveillée et négligée...
cation par la banque de la « méthode interne
cotée 5 (cotation BdF)
avancée » (40 % pour les TPE).
Coefficient de pondération 150 % (voir

***
tableau). Sans oublier que les taux sont parfois plus
dépendants de la concurrence entre les
Le capital à immobiliser par la banque pour Culturellement, le système bancaire français
banques que de la notation de l’entreprise…
respecter les règles de Bâle II sera de : est très différent du modèle anglo-saxon.
8 % × 150 % = 12 % du montant du prêt. Ainsi, en matière de crédit immobilier, en
Conseils aux entreprises
Soit, pour un emprunt d’un million d’euros : France, le montant du prêt est fonction de la
Le maître mot ou conseil à donner aux
1 000 000 × 12 % = 120 000 €. capacité de remboursement de l’emprunteur.
entreprises dans le contexte Bâle Il est « de
Dans de nombreux pays, à l’instar des États-
Dans ce cas la banque devra immobiliser communiquer ». En effet, parallèlement à la
Unis, il est calculé en fonction de la valeur
40 000 € de capital de plus que dans production de documents comptables de qua-
du bien. Aussi, sur le plan international, une
Bâle I. lité, les banques exigent de leurs clients des
harmonisation de pratiques semble difficile
Bâle II : 120 000 € renseignements plus précis, plus détaillés et
en raison d’une approche au niveau du risque
Bâle III : 80 000 € transparents. Ce qui n’est pas toujours perçu
tout à fait différente…, les banques améri-
≠ 40 000 € des chefs de petites et moyennes entreprises.
caines n’appliquant pas Bâle II.
Le chef d’entreprise devra donc :
En ce qui concerne l’incidence de Bâle 3
• faire en sorte que son banquier comprenne
Classification des entreprises sur l’économie réelle, d’après une étude de
son activité, ses produits, sa stratégie ;
dans Bâle II approche standard la Commission européenne 2, les exigences
• privilégier les relations avec son conseiller
Dans Bâle II, les entreprises sont classées de Bâle 3, en matière de fonds propres (exi-
clientèle et anticiper avec lui les difficultés
en fonction de leur chiffre d’affaires et des gences déjà réalisées et dépassées par les
financières. La communication avec le
montants des crédits accordés. grandes banques françaises) devraient réduire
chargé d’affaires de sa banque est dans ce
• Le portefeuille grandes entreprises les prêts d’environ 1,8 % et augmenter les taux
cas nécessaire et impérative ! ;
(Corporate) comprend celles dont le chiffre d’intérêt de 0,15 % environ. Rien d’inquiétant
• présenter régulièrement les forces de son
d’affaires est supérieur à 50 M€. en soit bien que l’appauvrissement du crédit
entreprise, les points positifs, les nouveaux
• Le portefeuille « PME » comprend celles se fera sentir essentiellement sur les entre-
atouts (ceci ne signifie pas de passer sous
dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 M€. prises en difficulté...
silence les points faibles à améliorer) ;
Notons toutefois qu’une PME peut être clas- • surveiller les dépassements d’autorisa-
sée dans la catégorie « Banque de détail » ou tion de découvert et avoir l’autorisation 2. CE, rapport du 17 juillet 2012.

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