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3.

la gestion des risques :


A. Risques encourus par les banques islamiques, entre ressemblance et
spécificité par rapport aux banques conventionnelles :

Les banques islamiques sont exposées aux risques bancaires traditionnels


similaires à leurs contreparties conventionnelles à savoir le risque de crédit,
le risque de liquidité, le risque de marché et le risque opérationnel. En plus,
ces institutions font face à des risques de nature unique dû à leurs modes de
fonctionnement particuliers (Khan & Ahmed, 2001 ; Sundararajan & Errico,
2002 ; Grais & Kulthunga, 2007).

a) Risques partagés par les banques islamiques et les banques


conventionnelles :

- Risque de crédit : Le risque de crédit est généralement défini comme le


risque potentiel qu'une contrepartie ne remplisse pas ses obligations
conformément aux conditions convenues, c'est-à-dire lorsque la contrepartie
se trouve dans l’incapacité de répondre pleinement à ses obligations à la
date prévue1
- Risque de liquidité : Ce risque surgit en cas d’insuffisance des liquidités
pour les besoins des opérations courantes des banques, réduisant ainsi leur
capacité à satisfaire la demande de leurs clients. Pour les banques
islamiques, ce risque est accentué étant donné que les emprunts à intérêt
sont prohibés par la Charia2.
- Risque de marché : Le risque de marché est défini comme le risque de
pertes sur des éléments de bilan et de hors-bilan, résultant des fluctuations
des prix du marché, c'est-à-dire des fluctuations des valeurs des actifs
susceptibles d'être négociés, commercialisés ou loués (y compris les
Soukouk) et sur des portefeuilles individuels de hors-bilan (par exemple,
des comptes d'investissement restrictifs). Ces risques sont liés à la volatilité
actuelle et future de la valeur de marché d'actifs spécifiques (par exemple,
le cours d'une matière première d'un actif Salam, la valeur de marché de
Soukouk, la valeur de marché d'actifs Mourabaha achetés pour être livrés
sur une période spécifique) et des cours des devises3.
1 Conseil des Services Financiers Islamiques (CSFI), Principes directeurs de gestion des risques pour les institutions (hors
institutions d'assurance) n'offrant que des services financiers islamiques, Décembre 2005, 39 pages.
2 Ben Daoud K., L’intermédiation financière participative des banques islamiques, Etude en Economie Islamique, vol. 6,
Nos. 1&2, p. 29, (Novembre 2012, Mai 2013).
3 Conseil des Services Financiers Islamiques (CSFI), Principes directeurs de gestion des risques pour les institutions
(hors institutions d'assurance) n'offrant que des services financiers islamiques, Décembre 2005, p. 16.
- risque opérationnel : Selon le comité de Bâle sur le contrôle bancaire
(BCBS), le risque opérationnel se définit comme « le risque de pertes
résultant de carences ou de défauts attribuables à des procédures, personnels
et systèmes internes ou à des événements extérieurs. La définition inclut le
risque juridique, mais exclut les risques stratégiques et de réputation ».4 Dans
les banques islamiques, Les risques opérationnels sont encore plus amplifiés
que dans les banques conventionnelles, de fait que les banques islamiques
supportent les mêmes types de risques opérationnels des banques
conventionnelles, relatifs aux facteurs humains, procédures, technologies …

b) Risques spécifiques aux banques islamiques :

La banque est souvent présentée comme un portefeuille de risques. La banque


islamique ne fait pas exception face à cette conception. De manière générale, le
risque provient de l’impact adverse sur le résultat que pourrait avoir un
événement ou une action interne ou externe à la banque. Cet impact adverse
pourrait se présenter sous la forme d’un moindre profit, voire d’une perte, ou
de contraintes entravant la banque dans la réalisation de ses objectifs5. En plus
des risques expliqués ci-dessus, les banques islamiques font face à d’autres
types de risques liés à la particularité des contrats de financement et
d’investissement qu’elles pratiquent et à l’originalité des principes qu’elles
doivent respecter6.

- Risque de taux de référence : Comme les banques islamiques ne pratiquent


pas de taux d’intérêt, il semble qu’elles sont à l’abri des risques de marché liés
à la fluctuation des taux d’intérêt. Toutefois, les variations des taux de marché
présentent certains risques pour les gains des institutions financières
islamiques. Les institutions financières utilisent un taux de référence pour
déterminer le prix des différents instruments financiers. Ainsi, dans un contrat
Mourabaha, la marge de profit est déterminée par le rajout d’une prime de
risque au taux de référence (généralement le LIBOR). La nature de l’actif à
revenu fixe fait que la marge soit fixée pour la durée du contrat.

4 Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (BCBS), Convergence internationale de la mesure et des normes de
fonds propres, Banque des règlements internationaux. 2006. p.376.
5 Kaouther Jouaber-Snoussi, La finance islamique, Repères, La Découverte, 2012
6 Ben Jdidia Daoud K., L’intermédiation financière participative des banques islamiques, Les cahiers de la finance islamique, n°3, p. 12,
juillet 2012. 9 Tariqullah khan & Habib ahmed, La gestion des risques : l’analyse de certains aspects liés à l’industrie de la finance
islamique, Banque islamique de développement (BID), Institut islamique de recherche et de formation (IIRF). Document occasionnel
n°5, 2002, Jeddah, Arabie Saoudite, p.59.
Par conséquent, si le taux de référence varie, les taux de marge fixés dans les
contrats Mourabaha ne peuvent pas faire l’objet d’ajustement. Les banques
islamiques ont donc à faire face à des risques émanant des variations de taux
d’intérêt7.
- Le risque d’illiquidité : Le risque d’illiquidité provient des difficultés à
mobiliser des fonds à coût raisonnable (emprunts) ou à vendre des actifs
financiers. Le risque d’illiquidité émanant de ces deux sources est d’une
importance particulière pour les banques islamiques. Sachant que les
emprunts à intérêt sont prohibés par la Charia, les banques islamiques ne
peuvent pas recourir à ce mécanisme pour se ressourcer, le cas échéant, en
argent liquide. De même, la Charia n’autorise pas la vente d’une créance en
dehors de sa valeur nominale. Par conséquent, il est exclu pour les
institutions financières islamiques de s’alimenter en argent liquide en
vendant des actifs financiers.
- Le risque opérationnel : Etant des institutions de création récente, les
banques islamiques encourent un risque opérationnel provenant
essentiellement du manque de personnel qualifié capable de mener
efficacement des opérations financières islamiques. Le caractère spécial des
banques islamiques ne fait que les logiciels informatiques disponibles sur le
marché ne soient pas utiles pour les banques islamiques car ils sont conçus
pour les banques traditionnelles. Cela ajoute un nouveau type de risques liés
à l’utilisation de la technologie informationnelle au niveau des banques
islamiques.
- Le risque juridique : Sachant que les contrats financiers consacrés par les
banques islamiques ont un caractère un peu spécifique, celles-ci encourent
des risques liés à leur documentation et leur mise en application. En
l’absence de formalisation de ces contrats pour les différents instruments
financiers, les banques islamiques continuent de les concevoir en fonction de
leur appréhension de la Charia, des lois nationales, de leurs besoins et leur
intérêt. Ce manque d’uniformisation des contrats et l’absence de cadre
juridique destiné à résoudre les problèmes liés à l’exécution de ces contrats
pour toutes les parties concernées font augmenter les risques d’ordre
juridique associés aux engagements contractuels des banques islamiques.

7 Tariqullah khan & Habib ahmed, La gestion des risques : l’analyse de certains aspects liés à l’industrie de la finance islamique, Banque
islamique de développement (BID), Institut islamique de recherche et de formation (IIRF). Document occasionnel n°5, 2002, Jeddah,
Arabie Saoudite, p.59
- Le risque fiduciaire : L’AAOIFI (Accounting and Auditing Organisation
of Islamic Financial Institutions) (1999) identifie également le risque
fiduciaire comme le risque que les clients perdent confiance en leur banque
suite à la non-conformité des opérations bancaires avec les principes de la
finance islamique ou bien à cause d’une mauvaise gestion des fonds.
Ceci engendre généralement une dégradation de l’image de la banque et une
perte de confiance de la part des titulaires des dépôts qui peuvent être amenés
à retirer leurs dépôts.
- Le risque commercial déplacé : La banque islamique est exposée
également à un autre risque spécifique appelé le risque commercial déplacé
(Sundararajan, 2008; Archer and karim, 2007; Archer and Karim, 2009; El-
Hawary et al. 2007, Archer and Karim, 2006). Ce risque spécifique résulte de
la gestion des comptes d’investissement participatifs. L’AAOIFI (1999)
l’identifie comme étant la probabilité que la banque ne soit pas capable de
faire face à la concurrence des autres banques (conventionnelles et/ou
islamiques) à cause d’un taux de rendement faible sur les comptes
d’investissement islamiques.
- Le risque de concentration : Le risque de concentration peut se définir
comme l’exposition excessive à un secteur particulier, à une région
géographique donnée, à un type d’activité bien spécifique, à un mode de
financement déterminé… Cet investissement excessif peut engendrer des
pertes significatives pour l’investisseur en cas de crise touchant le secteur en
question, le marché ou la zone géographique choisis. Ce risque dans le cas
des banques islamiques est spécifique dans la mesure où, pour l’instant, les
emplois bancaires destinés à gérer les liquidités sont peu variés, aussi, les
grandes entreprises admises pour le placement des investissements sont peu
nombreuses à satisfaire les critères islamiques et, au passif, le nombre de
contreparties institutionnelles est peu élevé. Ces éléments laissent les
banques islamiques dépendantes à de faibles emplois de leurs ressources.
- Le risque d’investissement : Les banques islamiques, offrent un
financement sous les principes du partage de profit et des risques avec ses
déposants. A ce titre, Le risque d’investissement dans les banques islamiques
découle des choix de placement de la banque, puisqu’en investissant en
capital, la banque encourt le risque d’une perte de ses apports, perte qu’elle
partage, avec ses déposants.
- Le risque religieux ou de non-conformité : Les écoles de pensée
musulmanes se rejoignent dans l’interprétation de la plupart des textes
religieux et dans la promulgation de la quasi-majorité des opinions
juridiques. Cependant, il n’est pas exclu que certaines d’entre elles émettent
un avis différent concernant un même questionnement juridique ou qu’elles
produisent des décisions divergentes. Ces situations sont rares mais peuvent,
quand elles se produisent, entraver par exemple le lancement d’un produit
par une institution financière islamique.
B. Importance de la gestion de risque :
Pour les institutions financières, la gestion des risques, telle que définie par la
littérature financière, consiste à créer de la valeur économique dans une
entreprise en utilisant des instruments financiers pour gérer l'exposition à
différents risques. En effet la gestion des risques et, par la suite, l'atténuation
des risques est l'un des principaux aspects à prendre en compte dans la finance
islamique. Étant impliquée dans le processus d'intermédiation, la gestion des
risques est aussi importante pour les institutions financières islamiques que
pour les institutions financières conventionnelles8.
En vue de l'importance de la gestion des risques, des institutions internationales
très reconnues, comme le Comité de Bâle, ont proposé un ensemble de
principes et de règles pour identifier et atténuer les différents risques financiers.
Ainsi, le pilier 1 de Bâle III9 a recommandé un ensemble de principes pour le
calcul des exigences minimales en matière de capital nécessaire pour soutenir
les différents risques de l'entreprise. Le Pilier 2, quant à lui, recommande un
ensemble de principes à adopter par l'autorité de surveillance des institutions
financières islamiques afin de procéder à un examen efficace du processus de
gestion des risques. Faisant partie du secteur financier, les institutions
financières islamiques visent, par la gestion des risques, à identifier, contrôler
et atténuer les différents risques auxquels elles sont confrontées afin de
maximiser la valeur du propriétaire et de préserver les droits des déposants.
En raison de l'importance du système de gestion des risques dans le secteur
financier islamique, les autorités financières internationales chargées de la
finance islamique, comme le Conseil des services financiers islamiques 10, ont
formulé et recommandé des principes pour les meilleures pratiques du système.
Cela veut dire que la gestion des risques est un élément crucial pour toute
institution financière islamique qui cherche à pérenniser ses opérations,
puisqu'elle est considérée comme un facteur important pour atténuer la
probabilité d'une faillite due à une mauvaise gestion des risques, qui a un effet
négatif direct sur les propriétaires, les déposants et, par conséquent, la société.
8
A risk management standard, 2002, The Institute of Risk Management.
9
Les normes de Bâle III constituent un cadre prudentiel permettant de mieux appréhender les risques bancaires,
principalement le risque de crédit ou de contrepartie, et les exigences visant à garantir un niveau minimum de
capital pour assurer la solidité financière.
10
Le Conseil des services financiers islamiques (CSFI) a élaboré trois principes directeurs dans le but de favoriser
la consolidation des structures et procédures de gouvernance dans divers segments de l'industrie des services
financiers islamiques (IFSI), conformément à son mandat de promouvoir la solidité et la stabilité du système
financier islamique.

Les risques changent ou évoluent également en fonction de résultats


inattendus. C’est la possibilité de perte pour les institutions financières
islamiques suite à des changements de conditions qui affectent la valeur de la
position parmi les institutions financières islamiques, y compris les
définitions du risque. D'après les connaissances financières et économiques,
telles que définies, le risque est défini comme la volatilité ou l'écart type des
flux de trésorerie nets d'une entreprise/unité commerciale. Le risqué existe
lorsqu'il y a une possibilité que l'issue d'un événement non unique et son
résultat plus large soient inconnus11
La prohibition du riba et du gharar y compris le maysir devient une question
centrale dans le débat sur la finance islamique. Riba plus croisé avec l'intérêt,
gharar tous liés à la question du risque. Ces limitations ont des implications
importantes pour la nature des actifs financiers, le commerce et l'atténuation
des risques, ainsi que pour la gestion des actifs financiers islamiques en
général.
En outre, le risque fait référence à la perte probable de revenus et de la valeur
des actifs. Seules les pertes inattendues sont prises en compte et les pertes
attendues ne sont pas comprises dans la définition du risque. Le risque
financier est défini dans l'organisation des institutions financières islamiques
comme la possibilité que le résultat d'une activité "...puisse avoir un impact
négatif, ce qui pourrait causer un préjudice direct au revenu ou à la position
du capital de l'institution financière islamique ou à la capacité de l'institution
financière islamique à atteindre ses objectifs commerciaux. Cela aura
également une incidence sur la capacité de l'institution financière islamique à
faire des affaires ou à obtenir des avantages et des opportunités pour étendre
le champ de ses activités.

11
Heffernan, S. A. (1995). An econometric model of bank failure. Economic and Financial Modelling, été, 49-83.

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