Vous êtes sur la page 1sur 2

Fiche Sous la responsabilité de ses auteurs

Geste chirurgical

Les techniques d’incision

Fiche n° 2
O. Cogrel1, J.M. Amici2
(1 Service de dermatologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux ;
2
service de dermatologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux)
AL Ligne
d’incision

L
es techniques d’incision doivent être parfaitement maîtrisées,
car elles conditionnent à la fois le résultat cosmétique
des cicatrices et le succès d’une chirurgie d’exérèse carcinologique
en s’appliquant à ne pas minimiser les marges. La profondeur
de l’incision, l’angle d’attaque de la peau par la lame, l’obliquité
des tranches de sections sont les paramètres qui interviennent
dans la qualité de l’affrontement des berges avec des conséquences
sur la planimétrie de la cicatrice. 1

Le shaving
Encore dénommé shave-biopsie, il s’agit d’une exérèse tangentielle parfois
cupuliforme.
C’est davantage une excision qu’une authentique incision, car on ne traverse
pas la totalité de la peau. Cette technique a longtemps été décriée : il lui est
reproché de ne pas permettre une interprétation histologique fiable sur la
profondeur d’une lésion enlevée superficiellement.
Les bonnes indications doivent en fait se limiter aux lésions cutanées bénignes,
épidermiques et/ou dermiques superficielles, exophytiques (figure 1). On
pourra traiter par cette technique : molluscum pendulum, papule fibreuse du
nez, naevus dermique achromique de type “verrue molle” du visage, verrue,
kératose séborrhéique, lentigo des lèvres et chéloïde de petite taille avant
cryochirurgie (figure 2).
Le shaving est contre-indiqué en cas de mélanome, car il ne permet pas de 2
donner des critères histopronostiques fiables ; il est discuté pour le diagnostic
d’un carcinome baso-cellulaire avant exérèse chirurgicale.
Elle est parfois un bon recours dans des localisations anatomiques difficiles
pour une exérèse suture conventionnelle comme les zones convexes du nez
et péri-narinaires ou en zones de fortes contraintes mécaniques. Dans tous
les cas, il faut s’imposer un contrôle histologique pour se mettre à l’abri d’une
éventuelle erreur diagnostique et éliminer une lésion maligne. C’est le cas
par exemple des lésions de type “verrue molle” du tronc ou des membres, qui
peuvent facilement être confondues avec un mélanome achromique. 3
• Technique (2) :
L’anesthésie locale n’est pas indispensable pour les lésions les plus pédiculées
et superficielles, mais elle est utile de par l’action hémostatique de l’adrénaline
associée à la xylocaïne. L’infiltration doit être d’autant plus profonde que la
lésion l’est dans le derme.
• La lésion est ainsi surélevée par la solution anesthésique. Après avoir déprimé
D É T A C H E R

la peau environnante entre le pouce et l’index, elle est excisée à la lame de


bistouri n° 11 par de fins mouvements de “scie” tangentiels, en gardant le
contact avec la surface du tégument.
• Les lésions les plus pédiculées peuvent être coupées aux ciseaux.
• L’hémostase peut être ensuite assurée par une électrocoagulation directe
au bistouri électrique, mais celle-ci doit être superficielle et prudente pour 4

I
À

Images en Dermatologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2009


Fiche
Geste chirurgical

éviter une cicatrice déprimée ou préférablement par une solution aqueuse de


chlorure ferrique à 20 % ou de TCA à 30 %. a. b. c.

Incisions en chirurgie carcinologique (3)


L’incision est guidée par la lecture carcinologique, consistant à identifier la
tumeur en s’aidant de loupes grossissantes ± lumière polarisée, puis à repérer
ses limites (+ palpation et test d’étirement) qui seront marquées au feutre
dermographique (limite tumorale en pointillé, marge en plein).
La lame du bistouri n° 15 doit attaquer la peau à 90 °, ce qui permet à la pointe
de franchir la peau dans toute son épaisseur jusqu’à l’hypoderme ; puis le
scalpel tenu comme un stylo bascule et progresse selon un angle de 30 ° à 5
60 ° (figure 3).
La peau péri-lésionnelle tendue entre pouce et index facilite la progression de
l’incision, d’un trait net et continu.
Il est important que l’axe de la lame reste bien à la perpendiculaire pour un
affrontement parfait des berges lors du rapprochement (figure 4). Un biais
vers l’intérieur aurait pour conséquence de minimiser la marge d’exérèse,
de constituer un obstacle profond au rapprochement avec une tendance à
l’éversion de la suture et un léger écartement épidermique.
Il est possible de réaliser une incision avec un biais vers l’extérieur en profon-
deur en chirurgie carcinologique car cela apporte une sécurité supplémentaire,
mais il faudra prendre en compte la tendance à l’inversion de la suture et la
corriger par des points d’appui dermiques profonds qui suppriment en même
temps le risque d’espace mort (figure 5).
Pour suivre le tracé préalablement dessiné et habituellement circulaire, un
mouvement de torsion doit être imprimé au manche de bistouri.
De façon générale et surtout sur le visage, il est préférable de ne pas dessiner
le tracé d’un éventuel fuseau, mais de réaliser secondairement les résections
d’oreilles et de placer les cicatrices de ces excédents tissulaires dans les lignes
de moindre tension ou les rides. 6

Cas particulier de la chirurgie de Mohs


La chirurgie micrographique de Mohs combine, dans le même temps, l’acte
chirurgical et l’examen microscopique extemporané sur coupes congelées
horizontales.
Le but est de techniquement obtenir une galette horizontale qui intègre à la
fois les berges latérale et profonde, et ceci selon plusieurs méthodes.
Classiquement on réalise une première excision assez superficielle de la
tumeur (ou debulking) qui est fixée. La galette de 2 mm d’épaisseur en moyenne
est ensuite prélevée en incisant à 45 ° en biseau. Ce biais permettant d’obtenir Pour en savoir plus…
une marge périphérique sur un plan horizontal.
La technique genevoise consiste à effectuer une exérèse classique ; la pièce 1. Smith LC. Shave biopsy without local anaesthetic to
diagnose basal cell carcinoma and other skin tumours prior
opératoire étant ensuite débitée de la profondeur vers la superficie tous les to definitive treatment: analysis of 109 lesions. Br J Dermatol
150 microns. (Celle-ci est divisée en plusieurs segments si elle est > à 2 cm). 2009;160:180-2.
Des techniques intermédiaires ont été proposées (4) : elles consistent à prati- 2. Vujevitch J et al. The four angle of cutting. Dermatol surg
quer l’exérèse de la lésion de façon classique avec une incision à 90 °, de 2008;34:1082-4.
D É T A C H E R

réaliser un debulking in vivo ou ex vivo avec des incisons de “décharge” intra- 3. Wanitphakdeedecha R et al. In vivo intraoperative relaxing
tumorales perpendiculaires ou concentriques qui permettent d’aplatir le prélè- incisions for tissue flattening in mohs micrographic surgery.
vement (figure 6). II Dermatol Surg 2008;34:1085-7.

II
À

Images en Dermatologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2009

Vous aimerez peut-être aussi