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JuriBistroMD eDOCTRINE

Date: 2018/01/15

Volume 303 - Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail 2009


Les mutuelles de prévention : jurisprudence récente et questions à venir
Réjean Côté*
Informations bibliographiques

Table des matières


Le cancer pulmonaire vu par un banc de trois commissaires
Bouchard, Marie Jo ; Côté, François
Les circonstances nouvelles permettant la modification du plan de réadaptation et l’emploi
convenable à temps partiel : mythe ou réalité
Letreiz, Michel

Les mutuelles de prévention : jurisprudence récente et questions à venir


Côté, Réjean
INTRODUCTION
1. LES POUVOIRS DE LA C.S.S.T. AFIN DE CONCLURE UNE ENTENTE VISANT LA
CRÉATION ET LE MAINTIEN DE MUTUELLES DE PRÉVENTION
1.1 Les dispositions pertinentes de la loi
1.2 Le Règlement-cadre
1.3 L’entente relative au regroupement ou le « contrat type »
1.3.2 La notion d’« employeur admissible »
1.3.4 Le programme de prévention
1.3.5 Les exigences relatives aux membres
1.3.6 L’annulation du contrat par la C.S.S.T.
1.3.7 Les avis sur la portée et les conséquences juridiques et financières du contrat type
1.4 La nature du contrat type conclu entre la C.S.S.T. et les employeurs membres de la mutuelle
1.5 La nature du contrat entre les différents employeurs, membres d’une mutuelle
2. LE DROIT D’INTERVENTION DE LA MUTUELLE DEVANT LES TRIBUNAUX
2.1 L’affaire Scierie Gatineau et la jurisprudence majoritaire
2.2 Les affaires Vibert et Casa du Spaghetti – l’émergence d’une nouvelle tendance ?
2.3 Analyse des deux courants jurisprudentiels – vers une solution mitoyenne ?
2.3.1 La portée de l’article 357.1 L.A.T.M.P.
2.3.2 La personnalité juridique de la mutuelle et la notion de « personne » telle que prévue à la
L.A.T.M.P.
3. La situation de l’avocat dans un contexte de mutuelles de prévention
CONCLUSION

Administration de la preuve et objections devant la C.L.P.


Noiseux, Jean-Sébastien ; Santos de Aguilar, Tatiana
Suicide et lésion professionnelle, une équation complexe
Lavoie, André G.
Obération injuste dans les cas de contribution majoritaire d’un tiers : l’affaire Ministère des
Transports et son influence
Fournier, Lydia ; Lussier, Mylène

[Page 125]

INTRODUCTION
Les mutuelles de prévention font partie du paysage juridique québécois depuis un peu plus de dix ans.
Et l’intérêt des employeurs pour ce produit d’assurance offert par la C.S.S.T. ne se dément pas. Au
moment de mettre sous presse, pas moins de 29 445 employeurs, représentant 37 307 établissements,
étaient membres de l’une des 143 mutuelles de prévention en activité au Québec. Ces employeurs
représentaient 15,7 % de l’ensemble des employeurs inscrits à la C.S.S.T., comptaient pour 16,1 % de
la masse salariale assurable, soit 16,9 milliards de dollars, et pour 23,1 % de la cotisation totale de
1
l’année 2007, laquelle s’élevait à 538,1 millions de dollars .
2
Selon le Guide en vue de la création d’une mutuelle , élaboré par la C.S.S.T. à l’intention des employeurs
du Québec, une mutuelle de prévention correspond à :
un regroupement d’employeurs qui choisissent de s’engager dans une démarche afin de favoriser la
prévention des lésions professionnelles, la réadaptation et le retour en emploi des travailleurs accidentés, en
vue de bénéficier d’une tarification qui reflète leurs efforts.

Par la création des mutuelles, la C.S.S.T. invite donc les employeurs à déployer les efforts
nécessaires afin de réduire les coûts associés aux lésions professionnelles dont sont victimes les
travailleurs à leur emploi, afin de réduire la cotisation qu’ils versent à la C.S.S.T., selon le principe bien
connu de l’utilisateur-payeur. Pour les
[Page 126]

employeurs visés, c’est-à-dire la petite et la moyenne entreprise, cet objectif ne peut être véritablement atteint que par l’effet du regroupement.
3
Ces regroupements d’employeurs, créés sous l’égide d’une loi d’ordre public dont l’objectif consiste
4
d’abord et avant tout à indemniser les travailleurs victimes de lésions professionnelles , soulèvent
encore aujourd’hui bon nombre de questions. Au cours des pages qui suivront, nous tenterons
d’identifier les plus importantes d’entre elles et d’apporter les éléments d’analyse, de réponse ou de
réflexion appropriés.
La première de ces questions concerne bien entendu les fondements et l’étendue des pouvoirs dont
dispose la C.S.S.T. en ce qui a trait à tous les aspects de la mutuelle de prévention, sans oublier les
droits, et surtout les obligations, des employeurs qui la composent.

1. LES POUVOIRS DE LA C.S.S.T. AFIN DE CONCLURE UNE ENTENTE VISANT LA CRÉATION ET LE


MAINTIEN DE MUTUELLES DE PRÉVENTION

1.1 Les dispositions pertinentes de la loi


C’est l’article 284.2 L.A.T.M.P., adopté à la faveur de la vaste réforme de la tarification entreprise par
la C.S.S.T. dans les années 90 et qui a mené à l’adoption de la Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail
5
et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail , qui confère à la C.S.S.T. le pouvoir
de conclure une entente avec un groupe d’employeurs visant la création et/ou le maintien de mutuelles
de prévention. Cet article se lit comme suit :
284.2. La Commission peut conclure, avec un groupe d’employeurs qu’elle estime approprié, une entente
déterminant notamment les conditions particulières d’assujettissement de ces employeurs à des taux
personnalisés ou à l’ajustement rétrospectif de la cotisation ainsi que les modalités de calcul de ces taux ou
de cet ajustement. Elle détermine, par règlement, le cadre à l’intérieur duquel peut être conclue une entente.
[Page 127]

Une telle entente peut déroger aux conditions et modalités prévues dans les règlements utilisés pour fixer la
cotisation d’un employeur et doit prévoir, à l’exclusion de tout autre recours prévu à la présente loi, l’arbitrage
des différends qu’entraîne son application.
En corollaire, l’article 454, al. 1er, par. 4.2o autorise la C.S.S.T. à adopter les règlements nécessaires
à la conclusion de ces mêmes ententes :
454. La Commission peut faire des règlements pour :
[...]
4.2o déterminer le cadre d’application de l’article 284.2 aux fins de la conclusion des
ententes qui y sont prévues.
On constate immédiatement que le législateur a choisi d’accorder à la C.S.S.T. une très grande liberté
afin de définir les conditions applicables pour tout ce qui concerne les mutuelles de prévention. En effet,
le texte de l’article 284.2 indique clairement que la C.S.S.T. peut conclure une entente déterminant :
− les conditions d’assujettissement des employeurs membres de la mutuelle à des taux personnalisés ou à l’ajustement rétrospectif de la
cotisation ;

− les modalités de calcul de ces taux ou de cet ajustement ;

− avec un groupe d’employeurs qu’elle estime approprié.

L’article 284.2 L.A.T.M.P. permet même à la C.S.S.T. de déroger aux conditions et modalités prévues
6
dans les règlements utilisés pour fixer la cotisation d’un employeur .

1.2 Le Règlement-cadre
En vertu des pouvoirs qui lui sont reconnus par la loi, la C.S.S.T. a adopté en 1997 le Règlement-cadre
concernant les ententes relatives
[Page 128]

au regroupement d’employeurs aux fins de l’assujettissement à des taux personnalisés et aux modalités de calcul de ces
7
taux .

Essentiellement, ce sont les articles 4 et 5 du Règlement qui définissent, de façon très sommaire, les
conditions de fond permettant de conclure les ententes permises par l’article 284.2 L.A.T.M.P. Ces
articles se lisent comme suit :
4. Toute entente doit avoir comme objectif de favoriser la prévention des lésions professionnelles et doit à
cette fin prévoir des mesures concrètes de prévention des lésions professionnelles que les employeurs
doivent s’engager à mettre en œuvre pendant la durée de cette entente.
5. Toute entente doit également avoir comme objectif de favoriser la réadaptation et le retour au travail des
travailleurs victimes de lésions professionnelles.

La C.S.S.T. a donc choisi de miser sur la prévention des lésions professionnelles, la réadaptation et
le retour au travail des travailleurs victimes de telles lésions, ce que l’article 284.2 L.A.T.M.P. n’exigeait
nullement.
C’est à l’article 3 du Règlement-cadre que l’on doit l’expression désormais consacrée « mutuelle de
prévention » :
3. Un groupe d’employeurs partie à une entente est appelé « mutuelle de prévention ».
L’entente dont il est question aux articles 3, 4 et 5 du règlement est définie comme suit à l’article 1 :
1. Dans le présent règlement on entend par :
« entente » : une entente écrite conclue par la Commission et un groupe d’employeurs en vertu de l’article
284.2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

Selon le Règlement-cadre, une mutuelle de prévention se définit donc comme un groupe


d’employeurs, partie à une entente conclue avec la C.S.S.T. en vertu de l’article 284.2 L.A.T.M.P.
[Page 129]

Les employeurs qui désirent se regrouper en mutuelle de prévention doivent d’abord convaincre la
C.S.S.T. que le regroupement leur permettrait d’atteindre les objectifs de prévention des
lésions professionnelles et de réadaptation des travailleurs accidentés qu’imposent les articles 4 et 5.
L’article 7 du Règlement prévoit en effet ce qui suit :
7. Les employeurs d’un groupe qui désirent conclure une entente doivent, avant le premier octobre de
l’année précédant le début de l’application de l’entente recherchée, en informer la Commission et lui
transmettre la liste des employeurs qui composent ce groupe ainsi qu’un exposé sommaire expliquant en quoi
le regroupement permettrait d’atteindre les objectifs prévus aux articles 4 et 5.
Le Règlement-cadre n’impose aucune exigence particulière à ce chapitre. En pratique, le
regroupement établit ses objectifs et détermine les moyens nécessaires à leur réalisation.
Enfin, pour une année donnée, tous les employeurs membres de mutuelles de prévention doivent être
soumis aux mêmes conditions particulières d’assujettissement à des taux personnalisés et aux mêmes
8
modalités en ce qui concerne les calculs de ces taux .
La C.S.S.T. dispose donc d’un éventail de pouvoirs très étendus afin d’accepter de créer des
mutuelles de prévention, de les maintenir en activité et de déterminer chacune des conditions qui leur
seront applicables.
Tout comme la loi, le règlement est fort laconique en ce qui concerne les droits et obligations des
parties et n’impose aucune condition quant aux méthodes de calcul qui serviront à fixer la cotisation des
employeurs du groupe. Le Règlement-cadre nous apprend que la prévention et la réadaptation doivent
se situer au cœur des préoccupations de la mutuelle, mais ne fournit aucun détail quant aux exigences
en cette matière. En fait, c’est vers le texte de l’entente elle-même qu’il faut se tourner afin d’en
9
apprendre davantage .
[Page 130]

1.3 L’entente relative au regroupement ou le « contrat type »


Cette entente, dont le titre exact est : « Contrat type – Entente relative au regroupement d’employeurs
10
aux fins de l’assujettissement à des taux personnalisés et au calcul de ces taux » , est la même pour
11
tous les employeurs membres de mutuelles de prévention et n’a que très peu changé depuis la
12
création des mutuelles de prévention il y a dix ans . Comme l’indique son titre, elle détermine les
droits et obligations des employeurs qui désirent être membres d’une mutuelle de prévention, définit les
engagements de la C.S.S.T. en plus de prévoir un mécanisme d’arbitrage des différends, en conformité
13
avec les exigences de la loi et du règlement-cadre .
1.3.1 Dispositions préliminaires

Les conditions imposées par les articles 4 et 5 du Règlement- cadre sont reprises intégralement dans
les dispositions préliminaires du contrat type.
Les employeurs membres de la mutuelle doivent ainsi déclarer à la C.S.S.T. qu’ils ont formé la
mutuelle de prévention dans le but de favoriser à la fois la prévention des lésions professionnelles, mais
aussi la réadaptation et le retour au travail des travailleurs qui en sont victimes.
De plus, la mutuelle doit s’engager à se doter, pendant la durée de l’entente, de moyens lui permettant
14
d’atteindre ces objectifs .

1.3.2 La notion d’« employeur admissible »


C’est dans le contrat type que la C.S.S.T. détermine quels sont les employeurs qui peuvent espérer
faire partie d’une mutuelle de prévention. La définition d’un « employeur admissible » y est libellée
comme suit :
« employeur admissible » signifie un employeur qui, pour l’année d’application de la présente entente, n’est
pas assujetti à l’ajustement rétrospectif de la cotisation en vertu du Règlement
[Page 131]

sur l’ajustement rétrospectif de la cotisation, n’a pas soumis une demande en vertu des articles 5, 33, 48,
74, 82.2 et 86 de ce règlement, ou n’est pas déjà partie à une entente visée par l’article 284.2 de la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles pour une même année d’application ;
Ainsi, un employeur ne peut être membre de deux mutuelles à la fois et ne doit pas non plus être
assujetti au Règlement sur l’ajustement rétrospectif de la cotisation. Les grandes et très grandes entreprises
sont donc généralement exclues des mutuelles de prévention.
1.3.3 Les effets du regroupement

Les clauses 4.1 et 4.2 du contrat type déterminent quels sont les effets de la mutuelle sur le plan
financier. Ces dispositions se lisent comme suit :
4.1 Le regroupement d’employeurs au sein de la mutuelle de prévention a pour effet de substituer, pour un
employeur qui en est membre pour une année, les salaires assurables et le coût des prestations de la
mutuelle de prévention à ceux qui auraient été les siens n’eût été de cette mutuelle pour cette année, aux fins
de déterminer l’assujettissement de ce membre à un taux personnalisé et de calculer son taux ;
4.2 L’assujettissement à un taux personnalisé et le calcul de ce taux pour un membre de la mutuelle de
prévention pour une année donnée sont effectués conformément aux règlements alors en vigueur.
Cependant, pour une année où ces règlements prévoient que les salaires assurables et le coût des
prestations de l’année 2009 sont utilisés, la C.S.S.T. substitue la somme des salaires assurables de l’année
2009 et la somme du coût des prestations de la mutuelle de prévention relatives aux accidents du travail
survenus et aux maladies professionnelles déclarées au cours de l’année 2009 à ceux de ce membre pour
cette même année.

Ce sont donc ces deux clauses qui établissent le principe de la mise en commun des masses
salariales et de l’expérience des employeurs membres de la mutuelle aux fins du calcul de leur cotisation
15
selon le Règlement sur le taux personnalisé . On y consacre également
[Page 132]

l’interdépendance des membres de la mutuelle pour l’atteinte des objectifs communs. En somme, c’est ici que l’expression « mutuelle » prend véritablement
tout son sens.

1.3.4 Le programme de prévention


Selon la clause 5 du contrat type, l’employeur membre de la mutuelle doit avoir élaboré, avant le
1er avril de l’année de son adhésion au regroupement, un programme de prévention pour chacun de ses
16
établissements . Il doit également mettre à jour, pendant la durée du contrat, le programme de
prévention qu’il a élaboré pour chacun de ses établissements. Cette mise à jour est également imposée
17
à tout programme de prévention antérieur . Le programme de prévention et ses mises à jour, au même
18
titre qu’un avis indiquant que l’employeur est membre d’une mutuelle de prévention , doivent être
affichés dans un endroit accessible aux travailleurs, dans chacun de ses établissements ou à tout autre
19
endroit, selon que l’accès à ce programme ou à cet avis par les travailleurs en est facilité .
Bien entendu, le contrat type n’a pas pour effet de réduire les exigences de l’employeur en matière de
prévention dans l’hypothèse, par exemple, où il serait assujetti au Règlement sur le programme de
20
prévention . De la même manière, les obligations imposées à l’employeur par la Loi sur la santé et la
21
sécurité du travail demeurent exactement les mêmes.

1.3.5 Les exigences relatives aux membres


Selon la clause 6.1 du contrat type, chaque membre de la mutuelle de prévention doit être un
« employeur en règle » au moment de la signature de l’entente et doit s’engager à le demeurer pendant
toute sa durée.
Or, un « employeur en règle » signifie un employeur qui respecte chacune des obligations prévues par
la L.A.T.M.P. et la L.S.S.T.,
[Page 133]
22
sous réserve des droits reconnus aux employeurs en vertu de ces lois .

Il est facile de comprendre que cette clause confère une marge de manœuvre extrêmement
importante à la C.S.S.T., d’autant plus que la réserve qui y est exprimée s’avère plutôt imprécise et
difficile d’interprétation.
Techniquement, cela signifierait que la moindre irrégularité de la part d’un employeur dans l’application
de la L.A.T.M.P. ou de la L.S.S.T. suffirait pour qu’il soit exclu de la mutuelle, et rien ne permet de
déterminer le degré de gravité nécessaire à cette exclusion. Si certaines situations apparaissent
évidentes, d’autres le sont beaucoup moins. On peut aisément comprendre qu’un employeur membre
d’une mutuelle de prévention qui, par exemple, refuserait ou entraverait inutilement la visite d’un
23
inspecteur de la C.S.S.T. pourrait être exclu du regroupement sans autre forme de procès.
Mais qu’en est-il d’un simple retard de la part d’un employeur dans les déclarations des masses
24
salariales assurables ? Une telle irrégularité serait-elle suffisante pour qu’il soit exclu de la mutuelle ?
Et quelle est l’ampleur du retard qui doit être considérée ?
Qu’en est-il également d’un refus de rémunérer un travailleur pour ses vacances perdues en raison
d’une lésion professionnelle, alors que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles
est divisée sur la question ?
Dans le cadre des inspections qu’elle mène chez les employeurs membres de mutuelles de
prévention, la C.S.S.T. a élaboré une liste des exigences minimales – communément appelées : « points
de conformité » – qui doivent être vérifiées par ses inspecteurs. Cette liste compte neuf obligations, en
l’occurrence :
1. existence d’un programme de prévention ;
[Page 134]

2. affichage du programme de prévention ;


3. affichage de l’avis d’appartenance à la mutuelle ;
4. identification des dangers propres à l’établissement ;
5. mesures prévues pour corriger les dangers identifiés ;
6. moyens de contrôle des dangers identifiés ;
7. présence d’activité de formation et d’information à l’intention des travailleurs ;
8. existence de mécanismes de participation des travailleurs à la prévention ;
9. mise en application du programme de prévention.

En pratique, nous avons cependant pu observer que le respect de cette liste d’exigences n’est pas
toujours suffisant pour qu’un employeur puisse accéder à une mutuelle de prévention ou s’y maintenir.
En toute déférence, et sans accuser ni même soupçonner la C.S.S.T. de quelque intention
malveillante que ce soit, la possibilité qu’une sanction très grave soit appliquée en réponse à une
irrégularité insignifiante existe bel et bien. De telle sorte que la définition d’un « employeur en règle »
devrait être revue et corrigée, en plus d’être incluse dans le règlement-cadre lui-même, afin de
déterminer les bases permettant de prévoir de façon beaucoup plus précise dans quelles circonstances
la situation d’un employeur cesse de correspondre à cette définition.
Enfin, la clause 7 du contrat type indique que la mutuelle de prévention doit transmettre à la C.S.S.T.,
avant le 1er octobre de l’année d’application de l’entente, un bilan des moyens mis en œuvre et des
résultats obtenus dans l’atteinte des objectifs de prévention des lésions professionnelles, de
réadaptation et de retour au travail des travailleurs victimes de telles lésions.
[Page 135]

1.3.6 L’annulation du contrat par la C.S.S.T.


Le contrat type détermine les circonstances permettant à la C.S.S.T. d’annuler le contrat. Les
clauses 9.1 à 9.4 prévoient ce qui suit :
9.1 Dans l’éventualité où la C.S.S.T. en viendrait à la conclusion que la mutuelle de prévention a été
constituée sans égard à la prévention des lésions professionnelles, ou à la réadaptation et au retour au
travail des travailleurs qui en sont les victimes, elle pourra annuler unilatéralement la présente entente en
donnant un avis écrit du fait qu’elle se prévaut de son droit d’annuler la présente entente à chaque membre
de la mutuelle de prévention et en indiquant les raisons qui motivent ce geste. Préalablement à l’exercice de
ce droit, la C.S.S.T. devra donner un préavis de 30 jours pendant lequel les membres de la mutuelle devront
remédier à la situation à la satisfaction de la C.S.S.T. ;
9.2 Dans l’éventualité où la C.S.S.T. se prévaudrait de son droit d’annuler la présente entente, telle
annulation aura un effet rétroactif à la date de sa signature et la C.S.S.T. établira la cotisation de chaque
membre de la mutuelle de prévention ou, le cas échéant, établira une nouvelle cotisation pour chaque
membre de la mutuelle de prévention, comme s’il n’avait jamais été un membre de la mutuelle de prévention ;
9.3 Le droit de la C.S.S.T. de recourir à l’annulation se prescrit par six mois de sa connaissance des faits
justifiant l’exercice de ce droit ;
9.4 La C.S.S.T. ne pourra appliquer la clause 9.2 avant l’expiration du délai d’arbitrage des différends prévu
à la clause 11.5 ou, le cas échéant, avant qu’une décision de l’arbitre lui donnant raison ait été rendue.

La lecture de ces clauses révèle donc que la C.S.S.T. se réserve seule le droit d’annuler une entente.
25
Ce droit n’est reconnu ni à l’employeur, ni à la mutuelle . Fait intéressant, on ne parle pas de
[Page 136]

résiliation, mais bien d’annulation, ce qui confère un effet rétroactif à la terminaison du contrat, comme le prévoit d’ailleurs expressément et sans ambiguïté la
clause 9.2. La C.S.S.T. pouvait difficilement faire autrement, puisque les dispositions du Règlement sur le taux personnalisé ne lui permettent pas
de considérer l’effet du regroupement autrement que pour une année complète.

Au moment de mettre sous presse, la C.S.S.T. n’avait encore jamais utilisé les pouvoirs que lui
confèrent ces clauses. Ce qui ne veut pas dire que toutes les mutuelles ont été reconduites. À deux
26
occasions , la C.S.S.T. a tout simplement refusé de renouveler l’entente, dont la durée prévue est
27
limitée à un an , ce qui dans les faits a entraîné la dissolution du regroupement.
Le contrat type ne contient aucune disposition prévoyant le renouvellement de l’entente à l’arrivée de
son terme. Juridiquement, chaque mutuelle n’existe que pour un an. Dans les faits, la vaste majorité des
ententes sont reconduites chaque année.
Comme nous en avons fait mention précédemment, la C.S.S.T. dispose d’un pouvoir très élargi pour
conclure des ententes visant la création ou le maintien de mutuelles de prévention, ou pour refuser de le
faire. La lecture de la loi, du Règlement-cadre et du contrat type suffit pour s’en convaincre. Cela ne
signifie pas toutefois pas que la C.S.S.T. puisse agir comme bon lui semble. Comme tous les
28
organismes publics, elle est soumise aux exigences de la bonne foi . L’article 1375 C.c.Q. précise en
effet :
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation
qu’à celui de son exécution ou de son extinction.
29
Depuis son entrée en vigueur en 1994, le Code civil du Québec consacre le principe selon lequel une
personne ne peut abuser des droits que lui confère la loi de manière excessive ou déraisonnable, ou
30
encore dans le but de nuire à autrui . L’article 6 C.c.Q. indique que
[Page 137]

toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. À notre avis, ces principes doivent gouverner la conduite de toutes
les parties, incluant la C.S.S.T., lors de la création ou du renouvellement d’une mutuelle de prévention.

Soulignons enfin que l’article 358 L.A.T.M.P. ne permet pas de contester une décision de la C.S.S.T.
refusant de conclure une entente prévue à l’article 284.2 L.A.T.M.P.

1.3.7 Les avis sur la portée et les conséquences juridiques et financières du contrat type
Selon le texte du contrat type, la responsabilité des avis quant à la portée et aux conséquences
juridiques et financières de l’entente est assumée non pas par la C.S.S.T., mais bien par les conseillers
de la mutuelle. L’article 12.4 du contrat type prévoit en effet ce qui suit :
Chacun des membres de la mutuelle de prévention déclare et reconnaît avoir reçu, à son entière satisfaction,
un avis de la part de ses conseillers sur la portée et les conséquences juridiques et financières de la
présente entente. Chacun des membres de la mutuelle de prévention déclare de plus que cette entente est à
son entière satisfaction et que celle-ci a été signée en raison des avantages qu’elle lui procure. (Nos
italiques)
Bien que certaines de ses publications visent à inciter les employeurs à promouvoir la prévention et à
31
réduire ainsi leurs cotisation au moyen de l’adhésion à une mutuelle de prévention , la C.S.S.T. ne
participe pas à la création du regroupement, pas plus qu’elle ne conseille à un employeur de se joindre à
32
une mutuelle ou une autre. Au contraire, elle les invite fortement à bien choisir leur mutuelle . Les
employeurs demeurent seuls responsables de leurs démarches et de leurs choix.

1.4 La nature du contrat type conclu entre la C.S.S.T. et les employeurs membres de la
mutuelle
Le contenu du contrat type, comme nous en avons déjà fait mention, est entièrement dicté par la
C.S.S.T. L’employeur a le choix d’y
[Page 138]

adhérer ou non. Sa seule marge de manœuvre se résume à ce choix. Il est donc clair que le contrat type utilisé par la C.S.S.T. correspond à un contrat
d’adhésion, tel que défini par l’article 1379 C.c.Q. :

1379. Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une
des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être
librement discutées.
Tout contrat qui n’est pas d’adhésion est de gré à gré.

Selon les termes de l’article 1432 C.c.Q., le contrat type devrait par conséquent être interprété en
faveur des employeurs ou de la mutuelle en cas de doute. Cet article énonce ce qui suit :
1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a
stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.

Quant aux clauses illisibles, incompréhensibles et abusives, les articles 1436 et 1437 C.c.Q. imposent
des règles bien précises :
1436. Dans un contrat de consommation ou d’adhésion, la clause illisible ou incompréhensible pour une
personne raisonnable est nulle si le consommateur ou la partie qui y adhère en souffre préjudice, à moins
que l’autre partie ne prouve que des explications adéquates sur la nature et l’étendue de la clause ont été
données au consommateur ou à l’adhérent.
1437. La clause abusive d’un contrat de consommation ou d’adhésion est nulle ou l’obligation qui en
découle, réductible.
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l’adhérent d’une manière excessive et
déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi ; est abusive, notamment, la clause si
éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle
dénature celui-ci.

Donc en théorie, les clauses illisibles, incompréhensibles ou abusives du contrat type, à supposer
qu’il en existe, pourraient être frappées de nullité si un employeur membre de la mutuelle devait en
[Page 139]
33
souffrir préjudice . « L’autre partie » dont il est question à l’article 1436 C.c.Q. réfère à celle qui a dicté les termes du contrat c’est-à- dire, dans la
situation qui nous intéresse, à la C.S.S.T.

Celle-ci pourrait-elle invoquer les dispositions du contrat type, et plus particulièrement celles que l’on
retrouve à l’article 12.4, afin de se soustraire, en quelque sorte, aux obligations que lui impose
l’article 1436 C.c.Q. ? A priori, une telle solution apparaît contraire aux prescriptions du droit civil, et plus
particulièrement à l’article 1440 C.c.Q., qui prévoit nommément que le contrat n’a d’effet qu’entre les
parties contractantes. Sauf dans les cas prévus par la loi, le contrat ne produit pas d’effet quant aux
tiers.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la L.A.T.M.P. est une loi d’ordre public, comme le prévoit
son article 4. Dans ces circonstances, est-il possible d’invoquer que les ententes conclues par la
C.S.S.T. en vertu de l’article 284.2 L.A.T.M.P. dérogent au droit commun ? Il serait sans nul doute fort
intéressant de voir quelle réponse les tribunaux pourraient apporter à cette question.
Mais une situation de cette nature nous semble hypothétique. En effet, il est évident que la
clause 12.4 du contrat type lance une invitation très claire à l’employeur pour qu’il obtienne un avis de la
part de ses conseillers quant aux effets du regroupement, non seulement sur le plan juridique, mais aussi
34
– et surtout – sur le plan financier . À notre avis, l’employeur pourrait difficilement blâmer la C.S.S.T. si
les résultats de son adhésion à une mutuelle ne sont pas ceux qu’il espérait obtenir au départ.
En pratique, nous savons que la C.S.S.T. n’incitera jamais directement un employeur à se joindre à
une mutuelle de prévention. Et le contrat type ne renferme aucune disposition qui puisse laisser croire,
de près ou de loin, que la mutuelle sera financièrement bénéfique pour les employeurs qui la composent.
Il est notoire que ces analyses appartiennent aux firmes de conseillers ou de consultants.
[Page 140]

La C.S.S.T. permet aux membres d’une mutuelle de bénéficier d’un degré de personnalisation et d’un
taux de cotisation qui reflétera leur expérience en matière de lésions professionnelles. Mais la mise en
œuvre des moyens pour réaliser cet objectif appartient à chacun des membres et à ses conseillers, le
cas échéant.
La C.S.S.T. ne prend aucune part active aux résultats de la mutuelle et, lorsque l’on analyse les
différentes clauses du contrat type, on constate rapidement que son seul véritable engagement consiste
à tenir compte de l’expérience et des masses salariales du groupe afin de déterminer la cotisation de
chaque employeur en fonction du Règlement sur le taux personnalisé.
Par conséquent, malgré le fait que le contrat type soit bel et bien un contrat d’adhésion au sens de
l’article 1379 C.c.Q., les possibilités d’invoquer les articles 1436 C.c.Q. ou 1437 C.c.Q. au bénéfice d’un
employeur ou d’un regroupement, à l’encontre de la C.S.S.T., dans l’hypothèse où la mutuelle serait
déficitaire ou contre-performante, apparaissent a priori bien davantage théoriques que réelles.
En ce qui concerne la définition d’un « employeur en règle », dont nous avons fait mention un peu
plus tôt, nous croyons que le pouvoir de définir cette notion relève précisément des prérogatives
accordées à la C.S.S.T. par l’article 284.2 L.A.T.M.P. En ce sens, le contrat type apparaît difficilement
attaquable sous cet angle malgré, encore une fois, qu’il s’agisse d’un contrat d’adhésion. Les termes
employés, compte tenu de l’objectif législatif, ne peuvent être considérés comme étant abusifs ou
déraisonnables. Ce qui ne change rien au fait que la C.S.S.T. demeure soumise, tel que mentionné, aux
exigences de la bonne foi au moment d’appliquer cette définition à un employeur plutôt qu’à un autre.

1.5 La nature du contrat entre les différents employeurs, membres d’une mutuelle
Selon l’article 2186 C.c.Q., le contrat d’association est celui par lequel les parties conviennent de
poursuivre un but commun, autre que la réalisation de bénéfices pécuniaires, à partager entre les
membres de l’association.
La constitution de l’association n’obéit à aucun formalisme particulier. L’article 2267 C.c.Q. précise en
effet que le contrat constitutif de l’association peut être écrit ou verbal. Il peut également résulter de faits
manifestes qui indiquent l’intention de s’associer.
[Page 141]

Or, comme nous l’avons vu précédemment, le contrat type exige que les employeurs membres de la
mutuelle déclarent à la C.S.S.T. qu’ils ont formé la mutuelle de prévention dans le but de favoriser la
prévention des lésions professionnelles ainsi que la réadaptation et le retour au travail de leurs
travailleurs qui en sont victimes.
Nous savons également que les employeurs qui adhèrent au regroupement ont souvent – sinon
toujours ! – pour objectif premier de réaliser des économies sur la cotisation qu’ils versent à la C.S.S.T.
35 36
chaque année . Considérant les dispositions du Règlement sur le taux personnalisé , ces économies ne
peuvent être réalisées que par l’effet du regroupement.
Par conséquent, nous croyons que les conditions de l’article 2186 C.c.Q. sont remplies et que la
mutuelle de prévention constitue une véritable association, au sens du Code civil.
Il existe également une façon de faire très répandue en pratique, où les membres de la mutuelle
concluent une entente distincte du contrat type, dans laquelle ils s’engagent à adhérer à une mutuelle de
prévention et à y respecter chacune des conditions. Le plus souvent, la convention désigne un
gestionnaire responsable et dresse la liste des droits et obligations des employeurs membres. À notre
avis, l’existence d’un contrat de cette nature n’est pas nécessaire à la reconnaissance d’une association.
Mais lorsqu’une telle entente existe, le doute quant au fait que la mutuelle forme bel et bien une
association au sens de l’article 2186 C.c.Q. n’est plus permis.

2. LE DROIT D’INTERVENTION DE LA MUTUELLE DEVANT LES TRIBUNAUX

2.1 L’affaire Scierie Gatineau et la jurisprudence majoritaire


La mutuelle peut-elle intervenir devant les tribunaux ? Et dans l’affirmative, à quelles conditions ?
Une première réponse à ces questions nous est donnée par la Commission des lésions
professionnelles (C.L.P.) dans l’affaire La
[Page 142]
37
Mutuelle de prévention des produits de la forêt, aménagement et transformation et Scierie Gatineau . Dans cette affaire,
l’employeur impliqué avait cessé ses activités et la C.L.P. devait déterminer si la mutuelle avait l’intérêt nécessaire pour déposer, en son propre nom, une
demande de partage d’imputation des coûts fondée sur l’article 329 L.A.T.M.P. et pour contester les décisions de la C.S.S.T. qui statuait sur cette question. À
ce sujet, le tribunal écrit :

[19] Rappelons que la loi prévoit que des employeurs peuvent se regrouper afin, notamment, de bénéficier
de taux de cotisation personnalisée. L’article 284.2 prévoit ce qui suit :

[...]
[20] Aussi, lorsqu’un tel regroupement existe, la loi prévoit qu’un employeur ne peut contester une décision
concernant un autre travailleur du groupe. L’article 357.1 est le suivant :

[...]
[21] Cependant, le législateur n’a pas prévu que le regroupement, tel qu’autorisé en vertu de l’article 284.2,
ne pouvait pour sa part procéder aux contestations relatives à des lésions professionnelles survenues aux
travailleurs des employeurs membres du regroupement. Le tribunal considère ainsi que s’il a l’intérêt, le
regroupement peut agir en son propre nom.
[22] Rappelons que la loi énonce à l’article 359 qu’une personne qui se croit lésée par une décision rendue
par la C.S.S.T. peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles.
[...]
[23] Il ressort de cette disposition que le droit de contestation n’est pas limité aux seuls employeurs et
travailleurs, mais vise toute personne, y compris une personne morale, qui se croit lésée par la décision de la
C.S.S.T. Soulignons d’ailleurs que la jurisprudence a établi à de nombreuses reprises l’intérêt d’un tiers à
intervenir dans des litiges visés par une demande de partage d’imputation des coûts en vertu du deuxième
alinéa de l’article 326 de la loi dans les cas où l’accident du travail est
[Page 143]

attribuable à un tiers. Également, en matière de réparation, le législateur a par ailleurs prévu qu’une
association d’employeurs peut exercer les droits d’un employeur disparu, en vertu de l’article 273 de la loi.
[24] En l’espèce, la convention liant l’employeur et la Mutuelle permet de conclure que la Mutuelle est le
gestionnaire du regroupement visé à l’article 284.2 de la loi. Tel que mentionné précédemment, les
employeurs de ce regroupement ne peuvent déposer des contestations relatives à des lésions
professionnelles de travailleurs autres que les leurs, mais le législateur n’interdit pas à la Mutuelle de
procéder en son propre nom. (Références omises)
En ce qui concerne l’intérêt juridique requis pour agir à titre de partie intéressée, la C.L.P. rappelle que
38
cette notion ne se fonde pas sur des motifs exclusivement pécuniaires . Mais lorsque l’intérêt
pécuniaire est en jeu, la situation est d’autant plus claire.
Le tribunal analyse ensuite de quelle façon l’intérêt pécuniaire de la mutuelle est susceptible d’être
affecté :
[27] Dans le dossier qui nous occupe, la lésion professionnelle pour laquelle la Mutuelle fait une demande de
partage des coûts est survenue le 4 juillet 1999 alors que l’employeur exploitait son usine et était membre de
la Mutuelle. En vertu du jeu des implications financières, la lésion professionnelle survenue en juillet 1999
aura un impact financier sur les cotisations des employeurs membres de la Mutuelle pour les années 2001,
2002, 2003 et 2004 en vertu des articles 2 et 9 du Règlement sur les taux personnalisés, et ce, malgré que
l’employeur chez qui est survenue la lésion a cessé ses activités. Ces dispositions sont les suivantes :

2. Dans le présent règlement, on entend par :


« période de référence afférente au premier niveau » : les trois années antérieures à
celle qui précède l’année de cotisation ;
[Page 144]

« période de référence afférente au deuxième niveau » : les trois années antérieures aux deux années qui précèdent
l’année de cotisation :

Décision, 98-09-17, art. 2.

9.Pour déterminer l’expérience de l’employeur, la Commission tient compte de chaque


accident du travail survenu et de chaque maladie professionnelle déclarée pendant les
périodes de référence afférentes au premier et au deuxième niveau et dont le coût des
prestations lui est imputé en tout ou en partie.
Lorsque l’employeur est visé par l’article 5, que tout ou partie des salaires assurables
gagnés par ses travailleurs ne peuvent être départagés conformément à cet article pour
une ou plusieurs années des périodes de référence afférentes au premier ou au
deuxième niveau et que ces salaires ne sont pas répartis par la Commission
conformément à cet article, la Commission ne tient pas compte d’un accident du travail
survenu à un de ces travailleurs ou d’une maladie professionnelle déclarée par un de ces
travailleurs dans une année pour laquelle ces salaires ne peuvent ainsi être départagés
ou répartis, si cet accident est survenu ou si cette maladie a été contractée alors que le
travailleur participait aux activités d’une unité pour laquelle tout ou partie de son salaire
ne peut être départagé ou réparti.
Décision, 98-09-17, art. 9.

[28] Par conséquent, le tribunal détermine que la Mutuelle possède l’intérêt juridique nécessaire pour agir
dans le présent dossier et demander le partage des coûts en regard d’un dossier de lésion professionnelle
imputable à un employeur membre du regroupement et qui est en faillite. La Mutuelle constitue donc une
partie intéressée aux présentes et en l’occurrence la requérante. Devant cette conclusion, la Commission
des lésions professionnelles analysera maintenant la demande de partage des coûts faite par la Mutuelle en
vertu de l’article 329 de la loi. (Références omises)
La C.L.P. devait rendre une décision au même effet dans l’affaire Succession Paul Giroux et CPG
et Mutuelle de
Construction inc.
[Page 145]
39
prévention de la construction du Québec , bien que l’objet de la contestation n’était pas le même, puisque la mutuelle s’opposait à la réclamation
40
déposée par la succession du travailleur .

L’entreprise de l’employeur, CPG Construction inc., était détenue en majorité par le travailleur. Pour
les mêmes motifs que ceux retenus dans l’affaire Scierie Gatineau, la C.L.P. a conclu que la mutuelle
possédait son propre intérêt juridique pour agir et qu’elle était en conséquence une partie intéressée.
41
Le même raisonnement a été suivi dans l’affaire Martin Patry et Groupe Poitras Lettographe inc. ainsi que
42
dans plusieurs autres décisions .
43
Dans l’affaire Mutuelle de prévention ARQ et Auberge Grand- Mère , le commissaire Jean-François
Clément est à son tour appelé à statuer sur un litige semblable. Voici comment il résume la situation qui
lui est soumise :
[23] Dans le cas qui nous occupe, l’employeur, Entreprises Yvon Duhaime inc., existe encore et a précisé
qu’il ne voulait pas contester la décision d’admissibilité et qu’il ne voulait pas que la Mutuelle le fasse non
plus. Cependant, il ressort clairement que l’employeur a comme seul administrateur, président et actionnaire
majoritaire l’intimé lui-même, Yvon Dumaime (sic). En pareilles circonstances, il ne faut pas se surprendre de
l’attitude de cet employeur qui n’est ni plus ni moins que l’alter ego de l’intimé.
[24] Il est clair qu’en pareil cas, les intérêts de l’intimé et de l’employeur sont confondus et qu’il y a confusion
des rôles. On ne peut pas prétendre sérieusement que l’intimé peut à la fois veiller aux intérêts de
l’employeur et à ses intérêts propres. Force est donc de conclure que devant les circonstances spéciales de
ce
[Page 146]

dossier, autant l’intimé que l’employeur ont intérêt à épouser et défendre le fait qu’il y a bel et bien eu lésion
professionnelle et que l’intimé est bel et bien un travailleur au sens de la loi. Ni l’intimé ni l’employeur n’ont
l’intention de prétendre le contraire.
[25] Dans la majorité des dossiers où le travailleur et l’employeur sont des personnes réellement distinctes,
chacun mesure l’étendue de ses droits et prend les décisions en conséquence. Dans le présent dossier, cet
exercice n’a pas été fait étant donné la proximité sinon l’adéquation qui existe entre l’employeur et l’intimé.

La C.L.P. souligne ensuite que la réclamation d’Yvon Duhaime entraîne un impact financier important.
Le commissaire Clément en conclut :
[26] [...] Il est donc clair que tous les membres de la Mutuelle dont l’employeur fait partie sont affectés par cet
accident sans que l’employeur en cause n’ait aucune intention de défendre son réel intérêt et par le fait
même l’intérêt de la Mutuelle et de ses membres.
[27] En pareil cas, le tribunal estime que la Mutuelle peut réellement se considérer lésée, au sens des
articles 358 et 359 de la loi, par les décisions rendues par la C.S.S.T. en première ligne et en révision
administrative. En effet, cette Mutuelle a été mise sur pied pour protéger les intérêts financiers de ses
membres par une prévention adéquate et un contrôle des réclamations, le tout ayant pour effet ultimement de
contrôler les cotisations versées à la C.S.S.T. Par son attitude dans le présent dossier, il est clair que
l’employeur ne se préoccupe aucunement de ses intérêts et de ceux des membres de la Mutuelle. La
Mutuelle a donc le droit d’intervenir pour pallier l’inaction de l’employeur, inaction aucunement basée sur des
motifs objectifs, mais plutôt sur la simple adéquation entre les personnes de l’employeur et de l’intimé.
[28] Ceci ne contrevient pas à l’article 357.1 de la loi puisque aucun employeur faisant partie de la Mutuelle
n’a demandé d’intervenir au présent dossier. Cet article n’empêche pas la Mutuelle d’intervenir elle-même
pour défendre le bien commun.
[Page 147]

[29] Le tribunal ne croit pas que l’intérêt juridique de la Mutuelle soit tributaire de l’existence ou de la
disparition de l’employeur membre de la Mutuelle. Le tribunal estime plutôt que cet intérêt naît lorsque
l’employeur en cause ne défend pas ses intérêts et par le fait même nuit au membre de la Mutuelle dont il fait
partie.

En résumé, la jurisprudence reconnaît que la mutuelle peut intervenir devant la C.L.P., lorsque l’intérêt
financier de ses membres est potentiellement compromis par les actions ou omissions de l’employeur
directement impliqué. Tel sera le cas dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
− l’employeur et le travailleur (ou le réclamant dont le statut de « travailleur » n’est pas admis) sont des personnes liées, d’une manière ou d’une autre ;
44
− l’employeur se désintéresse de son dossier ou est en faillite ;

− il existe un conflit entre l’employeur et la mutuelle.

Bien entendu, comme le laisse entendre a contrario le commissaire Clément, il va de soi que la
mutuelle pourra difficilement justifier son intérêt lorsque l’employeur agit de façon à défendre ses
propres intérêts financiers puisque ce faisant, il défend également les intérêts de la mutuelle. Sans
compter qu’en pratique, le plus souvent, c’est la mutuelle qui désigne un procureur ou un représentant
pour défendre les intérêts de l’employeur devant la C.L.P.
Le fait que la mutuelle puisse bénéficier du statut de partie intéressée, ou même de partie requérante,
devant la C.L.P. ne signifie pas qu’elle doive nécessairement être considérée à ce titre lors de toutes les
étapes du traitement d’un dossier. Voilà ce qui ressort de la décision rendue par la C.L.P. dans l’affaire
45
Ressources santé L.M. inc. et Blain , où le tribunal devait décider si une contestation déposée par
[Page 148]
la mutuelle au nom de l’employeur respectait le délai prévu à l’article 358 L.A.T.M.P. Les prétentions de la mutuelle à ce sujet sont ainsi résumées :

[15] Toutefois, la procureure de l’employeur plaide que le procureur qui a déposé la contestation le 31 mai
2006, soit Me J. Trudel, agissant pour GESTESS, représente les intérêts d’une mutuelle de prévention à
laquelle souscrit l’employeur. Elle soumet également que la mutuelle a l’intérêt voulu pour contester toute
décision, car elle constitue une personne lésée au sens de l’article 358 de la loi. De ce fait, puisque la
mutuelle a été notifiée de la décision rendue le 20 avril 2006 seulement le 31 mai 2006, comme le démontre
un fax envoyé par l’employeur à GESTESS le jour même, la contestation est ainsi déposée à l’intérieur du
délai de l’article 358 de la loi. (Références omises)

Plus loin, la C.L.P. ajoute :


[25] Le tribunal reconnaît, comme le mentionne la jurisprudence déposée, qu’une mutuelle de prévention
peut constituer une personne lésée dans un dossier. Elle doit alors démontrer son intérêt et être inscrite
comme partie au dossier. Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.
[26] Le tribunal conclut que cet argument doit être rejeté à sa face même. Reconnaître une telle situation de
fait signifierait qu’un employeur, membre d’une mutuelle, constatant qu’il est hors délai pour contester une
décision n’aurait qu’à avertir la mutuelle le jour même pour déposer, en son nom, une contestation et que de
facto, ses droits seraient alors maintenus, sa contestation devenant alors à l’intérieur du délai prévu à la loi.
Ce n’est certes pas là la volonté du législateur. Si une mutuelle désire contester une décision, elle doit le
faire en son nom propre et démontrer son intérêt, disposant des mêmes délais pour le faire. Telles ne sont
pas les circonstances de la présente affaire.
Précisons cependant que les motifs retenus par la C.L.P. pour rejeter les prétentions de la mutuelle
sont en grande partie fondés sur le fait que celle-ci n’avait jamais indiqué, dans le cadre de ses
contestations, agir en son propre nom. La demande de révision et la contestation, déposées
respectivement en vertu des articles 358 et 359 L.A.T.M.P., désignaient l’employeur à titre de partie
requérante.
[Page 149]

La question de savoir si une mutuelle peut demander la révision d’une décision rendue par la C.S.S.T.
46
en première instance, en vertu de l’article 358 L.A.T.M.P., serait donc toujours d’actualité . Mais il
semble clair que la mutuelle devra faire les représentations qui s’imposent en temps opportun. Il ne
saurait être question de lui reconnaître le statut de partie intéressée a posteriori.
La C.L.P. est arrivée sensiblement aux mêmes conclusions dans une autre affaire, faisant appel à des
47
principes similaires . Il s’agissait dans ce dossier d’un litige où l’employeur avait conclu une entente
défavorable aux intérêts du regroupement, laquelle avait été entérinée par une décision de la C.L.P.
En vertu de l’article 429.56 L.A.T.M.P., la mutuelle a alors déposé une requête en révision ou
révocation. Essentiellement, la mutuelle prétendait avoir été victime d’un manquement aux règles de
justice naturelle au motif qu’elle n’avait pas été convoquée devant la C.L.P. et qu’elle n’avait pu, en
conséquence, se faire entendre.
La C.L.P. a reconnu que la mutuelle possédait l’intérêt requis pour déposer une requête en révision ou
en révocation selon l’article 429.57 L.A.T.M.P., en se fondant sur des motifs qui rejoignent ceux déjà
48
exprimés dans l’affaire Scierie Gatineau . Toutefois, la requête quant au fond du litige a reçu un accueil
moins favorable :
[37] La Commission des lésions professionnelles estime que la Mutuelle ne peut réussir dans la présente
requête. En effet, l’article 429.56 de la loi, deuxième paragraphe, édicte que le tribunal peut réviser ou
révoquer une décision lorsqu’une partie n’a pu pour des raisons suffisantes se faire entendre. Dans la
présente affaire, le tribunal estime que la Mutuelle, quoique partie à la requête en révision sous étude, ne
peut prétendre avoir été une partie devant la Commission des lésions professionnelles lorsque la
contestation de la travailleuse a été déposée.
[Page 150]

[38] Dans le dossier soumis au premier commissaire, les parties au litige étaient madame Bastien et les
employeurs, Les Systèmes intérieurs, et Écono-Porte inc. Certes, les règles de justice naturelle impliquent
qu’une partie a le droit d’être représentée, mais ce droit n’est pas absolu puisqu’une partie peut y renoncer. Il
revient en effet à une partie de décider si elle entend se prévaloir du droit d’être représentée et ainsi d’agir
en conséquence.

Les obligations contractuelles qui obligent l’employeur à aviser la mutuelle de toute réclamation
déposée à la C.S.S.T. ne sont pas opposables à la C.L.P. et ne créent pas un droit, pour la mutuelle, de
recevoir automatiquement le statut de partie au dossier lorsque de telles réclamations entraînent des
contestations ou des demandes de révision. Toujours dans l’affaire Mutuelle A.P.C.H.Q., la C.L.P. précise :
[46] La Commission des lésions professionnelles estime qu’elle a respecté les obligations qui sont édictées
par la loi et elle ne peut étendre la portée de la règle audi alteram partem aussi loin que le voudrait la
Mutuelle.
[47] L’employeur qui a signé l’accord a fait un choix et ce sera à la Mutuelle, en vertu du contrat qui la lie
avec cet employeur, à exercer les représailles qui y sont prévues. Quant à la Mutuelle, ce n’est pas au
niveau de la Commission des lésions professionnelles qu’elle devra faire ses représentations pour obtenir un
statut qu’elle voudrait semblable à celui de la C.S.S.T.

2.2 Les affaires Vibert et Casa du Spaghetti – l’émergence d’une nouvelle tendance ?
Comme nous venons de le voir, la jurisprudence largement majoritaire s’est montrée favorable au
droit de la mutuelle d’intervenir devant la C.L.P. afin de défendre les intérêts de ses membres, peu
importe la nature de la contestation. Cependant, il existe deux décisions récentes où la C.L.P. est
49
parvenue à des conclusions diamétralement opposées , dont l’une où elle s’est livrée à une analyse en
profondeur de l’article 357.1 L.A.T.M.P. Cet article se lit comme suit :
[Page 151]

357.1 Une opération visée à l’article 314.3 ne fait pas renaître des droits de révision ou de contestation
autrement éteints.
Un employeur qui fait partie d’un groupe d’employeurs ayant conclu une entente en vertu de l’article 284.2 ne
peut demander la révision ni contester une décision concernant le travailleur d’un autre employeur du
groupe.

En raison des motifs qui y sont élaborés, ces décisions méritent d’être analysées avec une attention
toute particulière.
Dans l’affaire, Vibert, la mutuelle de prévention prétendait être en présence d’une situation
exceptionnelle où, en raison du lien de parenté existant entre le travailleur et l’employeur, elle était en
droit d’intervenir pour protéger l’intérêt de l’ensemble de ses membres. Précisons également que
l’employeur avait retiré à la mutuelle le droit de le représenter.
La C.L.P. situe le contexte dans lequel doit s’effectuer l’analyse de la façon suivante :
[47] La Commission des lésions professionnelles n’est donc pas un tribunal qui a pour rôle de départager des
intérêts privés afin de déterminer une partie « gagnante ». En vue de rendre une décision finale sur le sort
d’une réclamation, la Commission des lésions professionnelles doit se placer en lieu et place de la C.S.S.T.
pour déterminer si le travailleur, qui a déposé une réclamation à la C.S.S.T., a droit à la prestation qu’il
demande, tout en s’assurant qu’il reçoive ce que la loi a prévu dans sa situation, mais pas plus. En corollaire
et du même coup, elle s’assure que l’employeur supporte les coûts qu’il doit supporter, ni plus ni moins.
[48] De l’avis du tribunal, c’est en ayant à l’esprit ce contexte, qu’il faut déterminer si la Mutuelle peut
intervenir dans les dossiers dont elle est saisie.
En ce qui concerne le statut juridique des mutuelles, la C.L.P., après avoir analysé les dispositions
pertinentes de la loi et des règlements, conclut comme suit :
[63] La lecture de ces dispositions amène le tribunal à conclure que le législateur n’a pas attribué à la
Mutuelle une personnalité
[Page 152]

juridique lui permettant d’agir en son propre nom dans le traitement des dossiers d’indemnisation des
travailleurs à l’emploi des employeurs membres d’un groupe partie à une entente mentionnée à la loi et au
règlement précité.
[64] En fait, selon les dispositions, une mutuelle de prévention désigne un groupe d’employeurs, sans plus.
[65] Par conséquent, pour décider du droit de la Mutuelle d’intervenir dans le présent dossier, qui, rappelons-
le, vise une question d’indemnisation, il y a lieu de déterminer s’il est possible à un autre employeur, membre
du groupe, identifié comme une mutuelle de prévention, lui-même ou avec d’autres, d’exercer ce droit.

À cette question, le tribunal répond par la négative :


[66] Le tribunal est d’avis que la loi a explicitement exclu qu’un employeur, autre que l’employeur du
travailleur, mais qui fait partie du même regroupement, puisse se faire reconnaître le statut de partie à la
contestation d’une décision en matière d’indemnisation.
[67] En effet, l’article 357.1 de la loi, que l’on retrouve dans le chapitre XI intitulé Compétence de la
Commission, Révision et Recours devant la Commission des lésions professionnelles, prévoit qu’un
employeur, qui fait partie d’un groupe d’employeurs ayant conclu une entente en vertu de l’article 284.2, ne
peut demander la révision ni contester une décision concernant le travailleur d’un autre employeur du
groupe :
[...]
[68] Cette disposition a été adoptée en 1996, en même temps que l’article 284.2 qui a été à l’origine des
ententes ayant donné lieu à des regroupements d’employeurs.
[69] Il est pertinent de lire les propos du ministre du Travail de l’époque à l’occasion des débats sur l’article
40 du Projet de loi 74 qui a amené l’adoption de l’article 357.1 :

M. Rioux : Le 9 étant réglé, nous passons à 40. Vous avez raison, M. le Président.
[Page 153]

Alors, M. le Président, étant donné que l’article 40... étant donné qu’on va vivre dans un
système de mutuelles, ce qu’on voudrait essayer d’éviter, et ce qu’on va éviter, c’est
qu’un employeur – étant donné qu’ils sont ensemble – aille contester une décision qui a
été prise – c’est ça ? – chez un autre employeur. C’est pour protéger évidemment nos
travailleurs que cet article-là est inscrit au projet de loi. Parce qu’on est dans un scénario
qui est un peu nouveau, un peu spécial. Mais il faut faire attention, avec tout ça, qu’en
bout de piste les travailleurs ne soient pas pénalisés. [...]
[70] Par cette disposition, le législateur a voulu éviter qu’un travailleur à l’emploi d’un employeur faisant partie
d’un regroupement visé à l’article 284.2 se voie confronté à plus d’un employeur à l’occasion d’un débat sur
une réclamation qu’il a déposée.
[71] En effet, si un autre employeur, membre d’un regroupement, avait ce droit, il faudrait conclure que
chaque employeur de ce regroupement aurait ce droit et par conséquent, que chaque employeur de ce
regroupement pourrait éventuellement demander au tribunal de soumettre le travailleur à une expertise
médicale et d’avoir accès à son dossier médical.
[72] Le tribunal est d’avis que le regroupement d’employeurs, prévu dans le cadre des ententes mentionnées
à l’article 284.2 de la loi, ne pouvait avoir pour effet d’accorder aux autres employeurs de ce groupe le droit
d’intervenir devant la Commission des lésions professionnelles.
[73] La Mutuelle invoque les dispositions de la convention à laquelle l’employeur a adhéré et dans laquelle
celle-ci s’est engagée à « gérer les lésions professionnelles ».
[74] Ce contrat, non spécifiquement prévu à la loi ni au règlement-cadre n’est pas opposable à la
Commission des lésions professionnelles et aux tiers comme le travailleur et la C.S.S.T. et le tribunal n’a pas
à s’immiscer dans la gestion des conflits possibles entre les employeurs membres du regroupement et, ou
entre un de ces employeurs et le gestionnaire de la mutuelle de prévention. D’ailleurs, la convention contient
à son article 7 une clause compromissoire prévoyant un arbitrage obligatoire en cas de conflits semblables.
[Page 154]

[75] L’APCHQ, à titre de gestionnaire désigné par les employeurs du regroupement, ne peut avoir des droits
que ces derniers n’ont pas. (Références omises)
La C.L.P. conclut de la façon suivante :
[78] Vu l’article 357.1 de la loi, il n’est pas utile de décider si les employeurs, membres du groupe de la
Mutuelle, peuvent intervenir en prétendant qu’ils sont susceptibles d’être affectés par la décision de la
Commission des lésions professionnelles. En effet, la loi leur nie explicitement cette possibilité.

Soulignons que la C.L.P. avait déjà exprimé quelques réserves quant au droit d’intervention d’une
50
mutuelle dans l’affaire Pietras et Laboratoires Ultrateck inc. , où le commissaire Norman Tremblay écrit :
[15] Le tribunal n’est pas persuadé que le raisonnement exprimé par la commissaire Langlois puisse
trouver application sans distinction dans un cas de réparation étant donné l’article 357.1 de la loi. Par
contre, le tribunal convient que face à des situations exceptionnelles, comme c’est le cas dans le présent
dossier où l’employeur et le travailleur sont des personnes liées, ou encore lorsqu’on se trouve face à un
employeur qui a cessé ses activités et qui se désintéresse de son dossier, il devrait être permis à la Mutuelle
d’agir en son propre nom afin d’être en mesure de protéger les intérêts des autres membres de la Mutuelle.
(Nos italiques)
Le commissaire Racine ne retient pas cette distinction dans l’affaire Vibert. Après avoir analysé la
décision Mutuelle ARQ, il exprime :
51
[92] Le tribunal considère donc (dans l’affaire Mutuelle ARQ) que l’intérêt de la Mutuelle ne ressort pas
nécessairement du contrat intervenu entre la Mutuelle et l’employeur, mais plutôt du fait que, dans la situation
actuelle, où « l’employeur abdique complètement ses devoirs et obligations en ne démontrant aucun intérêt à
défendre son patrimoine, et ce, au détriment des membres de la Mutuelle » (par. 30). Le tribunal estime
[Page 155]

donc que l’intérêt naît lorsque l’employeur en cause ne défend pas ses intérêts et, par le fait même, nuit aux
membres de la Mutuelle dont il fait partie.
[93] Comme dans plusieurs décisions sur le sujet, le tribunal s’appuie sur la décision de la Commission des
lésions professionnelles dans l’affaire La Mutuelle de prévention des produits de la forêt, aménagement et
transformation et Scierie Gatineau inc. Il y a lieu de rappeler que cette décision a été rendue dans un
contexte de financement, tout comme celle de A. Vaillancourt dans Société des Alcools du Québec et
Placements Havrex Ltée. Il s’agit de deux affaires où le tribunal avait à statuer sur une demande de partage
de coût.
[94] Avec respect, le présent tribunal ne peut souscrire à cette opinion puisque la Commission des lésions
professionnelles n’a pas à se demander si les employeurs, membres d’un groupe désigné comme une
mutuelle, peuvent s’estimer lésés ou voir leurs droits affectés par une décision à être rendue.
[95] Vu le deuxième alinéa de l’article 357.1 de la loi, le tribunal n’a pas d’autre choix que d’exclure du débat
portant sur une réclamation d’un travailleur, les employeurs membres du groupe, autres que l’employeur du
travailleur.
[96] Ainsi, il n’est pas pertinent de s’interroger sur le caractère exceptionnel d’une situation dans la mesure
où le législateur n’a pas permis aux autres employeurs de s’immiscer directement ou indirectement dans un
recours concernant la contestation d’une décision portant sur une demande d’indemnisation.
[97] Comme la Commission des lésions professionnelles l’a déjà mentionné dans l’affaire de la Mutuelle
A.P.C.H.Q. et Bastien et Les systèmes intérieurs et Écono-Porte inc., ce n’est pas au niveau de la
Commission des lésions professionnelles qu’une mutuelle doit faire des représentations pour obtenir un
statut semblable à celui de la C.S.S.T.
[...]
[98] Lors de l’adoption de l’article 284.2 de la loi, qui a amené la « création » des mutuelles de prévention, ni
par la suite, le législateur n’a pas cru bon de permettre à ces dernières, qui n’ont pas
[Page 156]

d’ailleurs d’existence légale, ni à leurs membres, la possibilité d’intervenir en leur propre nom, au lieu et place
de l’employeur, dans un débat concernant la réclamation d’un travailleur. Au contraire, le législateur leur a
clairement nié ce droit dans le but de préserver le tripartisme qui existe en matière d’indemnisation.
(Références omises)
2.3 Analyse des deux courants jurisprudentiels – vers une solution mitoyenne ?
L’analyse de ces deux courants de pensée peut laisser croire, a priori, que les positions défendues
sont irréconciliables. Est-ce vraiment le cas ?
Pour répondre à cette question, il convient d’abord d’analyser la portée de l’interdiction édictée par
l’article 357.1 L.A.T.M.P.

2.3.1 La portée de l’article 357.1 L.A.T.M.P.


Certaines affirmations énoncées dans le cadre de l’affaire Vibert nous semblent, à notre humble avis,
52
sujettes à caution . Mais il n’en demeure pas moins que le raisonnement élaboré autour de
l’article 357.1 L.A.T.M.P. apparaît difficile à contourner.
En effet, reconnaître à la mutuelle le droit de contester une décision où les droits d’un travailleur sont
en jeu équivaut à reconnaître ce droit de contestation à l’ensemble des employeurs du regroupement,
collectivement. À toutes fins utiles, cela revient à faire indirectement ce que l’on ne peut faire
directement. Si un employeur de la mutuelle ne peut demander la révision d’une décision concernant un
travailleur d’un autre employeur du groupe, il devient difficile d’affirmer que tous les employeurs réunis en
mutuelle peuvent ensemble
[Page 157]
53
exercer ce droit par l’entremise d’un intermédiaire, et ce, même si cet intermédiaire est une compagnie, jouissant de la pleine personnalité juridique .

On doit également tenir compte du fait que la L.A.T.M.P. est d’ordre public.
Cela nous amène à nous questionner sur le texte de l’interdiction édictée par l’article 357.1 L.A.T.M.P.
En d’autres termes, que signifie l’expression « une décision concernant le travailleur », que l’on retrouve à
l’article 357.1 L.A.T.M.P. ? Au-delà des situations claires où les droits d’un travailleur sont directement en
cause, qu’en est-il des dispositions en matière de financement ? La décision rendue par la C.L.P. dans
54
l’affaire Prieur et Sûreté du Québec offre une piste de solution intéressante à cet égard :
[19] Quant à la notion de « personne qui se croit lésée par une décision », il a été décidé qu’elle vise la
personne qui est réellement lésée par la décision qu’elle conteste. Par exemple, dans l’affaire Boudreau, la
Commission d’appel en matière de lésions professionnelles s’est exprimée comme ceci :
[...]
Une longue jurisprudence de la Commission d’appel a établi que les articles précités
requéraient non seulement qu’une personne se croie lésée par une décision, mais
également que celle-ci soit effectivement lésée et qu’elle puisse en faire la preuve.
[...]
[20] Or, la jurisprudence enseigne qu’une décision rendue en matière d’imputation n’est pas de nature à léser
un travailleur. À cet effet, même si elle intervient en vertu de l’article 329 de la L.A.T.M.P., il a été décidé
qu’elle intéresse seulement l’employeur, car elle influe sur le montant de sa cotisation alors qu’elle n’a aucun
impact sur les droits du travailleur. À ces occasions,
[Page 158]

la Commission d’appel en matière des lésions professionnelles a également rappelé que la reconnaissance
du handicap dont il est question à l’article 329 intervient dans un contexte bien précis, de sorte qu’il s’agit
d’un constat dont la portée est bien limitée. En effet, une telle déclaration ne doit produire d’effet qu’en
matière d’imputation.
[...]
[22] Enfin, on remarque que le législateur a cru nécessaire de préciser au troisième alinéa de l’article 429.16
de la L.A.T.M.P. qu’un travailleur pouvait intervenir devant la Commission des lésions professionnelles
lorsque les questions en litige concernent, comme en l’espèce, l’article 329 de la loi. En effet, cette
disposition se lit comme suit :
[...]
[23] Ainsi, si la L.A.T.M.P. accordait au travailleur le droit de contester de telles décisions, il est évident qu’il
serait inutile de prévoir cette faculté d’intervention. De même, comme le droit d’intervenir est bien différent de
celui de contester il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles d’en élargir la portée pour
reconnaître à monsieur Prieur le droit de produire la requête qu’il a logée. En effet, cette compétence
appartient au législateur. (Références omises).
Considérant les principes élaborés par la C.L.P., il est donc clair que les décisions rendues par la
C.S.S.T. en matière de financement ne devraient pas être considérées comme des décisions
« concernant » le travailleur, au sens de l’article 351.7 L.A.T.M.P.
Le même raisonnement s’applique lorsque le litige soumis à la juridiction de la C.L.P. consiste à
déterminer si le réclamant est bel et bien un « travailleur » au sens de la loi. En effet, tant que le statut du
« travailleur » n’est pas clairement reconnu, la mutuelle devrait être admise à faire valoir ses prétentions
sur ce point. En ce sens, les principes élaborés dans la décision rendue par le commissaire Clément
55
dans l’affaire Mutuelle ARQ demeurent, à quelques nuances près, toujours d’actualité.
[Page 159]

En ce qui concerne la différence entre le droit d’intervention et le droit de contester, toujours dans
l’affaire Prieur, le commissaire Ranger cite la décision rendue par la Commission d’appel en matière de
56
lésions professionnelles (C.A.L.P.) dans l’affaire Mécano Soudure Drummond , où il est écrit :
Le droit d’intervention prévu à l’article 416 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles est un droit d’une nature différente du droit d’appel prévu à l’article 193 de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Ses conditions d’exercice sont également différentes. En effet, la
Commission peut intervenir de plein droit dans tout appel sans avoir à y établir son intérêt. Cependant, si la
Commission est en mesure d’établir un intérêt justifiant son droit d’appel, elle peut en appeler d’une
décision, même si le législateur n’a pas cru opportun de lui conférer le pouvoir d’en appeler de plein droit
de toute décision d’un bureau de révision. La Commission d’appel considère à cet égard que l’absence d’un
droit d’appel conféré spécifiquement à la Commission place simplement celle-ci dans la même situation que
tout justiciable qui veut en appeler d’une décision rendue par un bureau de révision à la suite d’une
demande de révision d’une ordonnance ou d’une décision rendue par un inspecteur. (Nos italiques ;
références omises)
Il faut souligner que l’article 357.1 L.A.T.M.P. impose une restriction uniquement en ce qui concerne le
droit de demander la révision d’une décision ou de déposer une contestation. Il n’est aucunement
question du droit d’un employeur, ou encore de la mutuelle, d’intervenir à titre de partie intéressée. Et le
droit d’intervention ne doit pas être confondu avec le droit de contestation, comme nous venons de le
voir.
Sur ce point, le commissaire Racine dans l’affaire Vibert semble lui-même établir une distinction entre
l’intervention et la contestation proprement dite.
[75] L’APCHQ, à titre de gestionnaire désigné par les employeurs du regroupement, ne peut avoir des droits
que ces derniers n’ont pas.
[76] Toutefois, rien ne lui interdit d’effectuer des démarches auprès de la C.S.S.T. avant que le processus de
révision ou de
[Page 160]

contestation ne soit enclenché. De même, il lui est possible de communiquer en tout temps avec la C.S.S.T.
pour lui transmettre toute information pertinente aux fins de l’intervention de cette dernière devant la
Commission des lésions professionnelles.

En toute déférence, nous voyons mal en quoi la situation d’une mutuelle qui transmet des
commentaires à la C.S.S.T. avant qu’elle ne rende une décision d’admissibilité est différente de celle où
la mutuelle intervient devant la C.L.P. par la suite. Cela n’équivaut-il pour un employeur à « intervenir »
devant la C.S.S.T. afin de s’opposer à la réclamation soumise par un travailleur ? Et pourquoi cette
intervention ne serait-elle permise qu’en première instance ? Cette distinction, à notre humble avis, ne
nous semble pas correspondre à l’intention du législateur.
Par conséquent, même si on devait en arriver à la conclusion que la mutuelle ne peut contester une
décision concernant un travailleur au service d’un autre employeur du groupe, cela ne signifie pas
automatiquement que le regroupement ne puisse être considéré à titre de partie intéressée dans le
cadre d’un litige impliquant un travailleur et son employeur, à la condition bien entendu qu’il arrive à
démontrer son intérêt.
57
À l’instar de la jurisprudence majoritaire s’appuyant sur l’affaire Scierie Gatineau , nous croyons que
rien ne s’oppose à ce que la mutuelle soit considérée comme une « personne qui se croit lésée », ce qui
nous amène à notre prochain point.

2.3.2 La personnalité juridique de la mutuelle et la notion de « personne » telle que prévue à la


L.A.T.M.P.
Tel que nous l’avons mentionné précédemment, le raisonnement élaboré dans l’affaire Vibert a été
58
suivi dans une décision toute récente :
[25] Dans la présente affaire et en accord avec ces enseignements établis dans l’affaire Vibert précitée, la
Commission des lésions professionnelles estime donc que la Mutuelle de prévention de l’ARQ n’a pas la
personnalité juridique requise pour agir
[Page 161]

en son propre nom. Au surplus, rien ne l’empêche de s’adresser à la C.S.S.T. pour la presser d’intervenir
dans le litige. Enfin, il est permis de penser qu’en vertu de l’article 34 de la loi, le nouvel employeur pourrait
intervenir puisqu’en principe, il assume les obligations de l’ancien employeur à l’égard du travailleur et en ce
qui concerne le paiement des cotisations. (Nos italiques)
Ce point de vue est nouveau, puisque dans les décisions qui ont précédé les affaires Vibert et Casa du
59
Spaghetti, la question de la personnalité juridique de la mutuelle n’avait jamais été abordée . De la même
manière, la distinction entre l’intérêt de la mutuelle elle-même et l’intérêt des employeurs qui en font
partie n’a jamais fait l’objet d’un débat spécifique. Outre les affaires Vibert et Casa du Spaghetti, la C.L.P. a
généralement considéré la mutuelle comme une « personne qui se croit lésée » au sens de l’article 359
L.A.T.M.P.
Il est vrai que la L.A.T.M.P. ne définit pas le mot « personne ». À l’instar de la C.L.P. dans l’affaire
Vibert, le premier réflexe qui s’impose à l’esprit consiste à croire que cette notion signifie « une personne
morale ou physique ». Cependant, l’article 2188 C.c.Q. édicte :
2188. La société est en nom collectif, en commandite ou en participation.
Elle peut être aussi par actions ; dans ce cas, elle est une personne morale. (Nos italiques)

Donc, a contrario, une société en nom collectif, en commandite ou en participation n’est pas une
60
personne morale au sens du Code civil . Or, la L.A.T.M.P. définit un employeur de la façon suivante :
« employeur » : une personne qui, en vertu d’un contrat de travail ou d’un contrat d’apprentissage, utilise
les services d’un travailleur aux fins de son établissement
[Page 162]

S’il fallait suivre cette logique, une société en nom collectif et une société en commandite ne
pourraient donc pas être des « employeurs » au sens de la loi, puisqu’elles ne sont pas des
« personnes » selon le Code civil. De toute évidence, cette conclusion n’a strictement aucun sens.
Le mot « personne » doit donc être interprété en fonction du contexte législatif édicté par la
61
L.A.T.M.P., le tout en conformité avec l’article 41 de la Loi d’interprétation qui se lit comme suit :
41. Toute disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d’imposer des
obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer
quelque avantage.
Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution
de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin. (Nos italiques)
62
Dans un arrêt récent , la Cour d’appel passe en revue les principes qui doivent guider l’analyse en
matière d’interprétation des lois.
[41] Les principes applicables en matière d’interprétation d’une loi et d’un règlement sont bien connus. Le juge Iacobucci, dans l’arrêt
Chieu c. Canada [...] les énonce ainsi :

[27] This Court has stated on numerous occasions that the preferred approach to
statutory interpretation is that set out by E. A. Driedger in Construction of Statutes [...] :
Today there is only one principle or approach, namely, the words of an Act are to be
read in their entire context and in their grammatical and ordinary sense harmoniously
with the scheme of the Act, the object of the Act, and the intention of Parliament.
(Références omises)
[42] Plus récemment, la Cour suprême a réitéré ces principes dans l’affaire Pharmascience inc. c. Binet, [...] :
[Page 163]

[35] Les principes d’interprétation suggèrent qu’en cas d’ambiguïté, l’interprétation la


plus favorable à l’objet de la loi doit primer. Le professeur P.-A. Côté résume ainsi cette
règle :
Il est en effet incontestable qu’on peut, lorsque la formule soulève une difficulté
d’interprétation, lorsqu’elle n’est pas claire, se référer à la finalité de la loi ou de la
disposition examinée pour choisir celui des sens possibles qui est le plus propre à
réaliser cette finalité. (Interprétation des lois) [...]
Ce principe est conforme à la Loi d’interprétation, L.R.Q., ch. I-16, qui, à son art. 41,
énonce qu’une « disposition d’une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des
droits, d’imposer des obligations ou de favoriser l’exercice des droits, ou encore de
remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage ». Le deuxième alinéa du
même article dispose aussi qu’une « loi reçoit une interprétation large, libérale, qui
assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant
leurs véritables sens, esprit et fin ».
[43] On doit donc tenir compte de tous les facteurs énumérés par Driedger, soit le sens ordinaire des mots,
l’économie de la loi, son esprit, son objet, l’intention du législateur et le contexte des mots en cause.
À ce sujet, comme nous l’avons vu, le contrat de mutuelle peut être considéré comme un contrat
d’association au sens de l’article 2186 C.c.Q., qui prévoit en effet que : « le contrat d’association est celui
par lequel les parties conviennent de poursuivre un but commun autre que la réalisation de bénéfices
pécuniaires à partager entre les membres de l’association ». Or, l’article 2271 C.c.Q. permet aux
administrateurs d’une association d’ester en justice « pour faire valoir les droits et les intérêts de
63
l’association » . Puisque le but commun de la mutuelle consiste à promouvoir la prévention des lésions
professionnelles et la réadaptation des travailleurs qui en sont victimes, mais aussi à réduire la
cotisation versée à la C.S.S.T. par les employeurs qui en sont membres, il apparaît logique de croire
que l’association
[Page 164]

devrait être habilitée à intenter tout recours, ou encore à intervenir devant toute instance, lorsque la cotisation des employeurs risque d’être affectée,
directement ou indirectement, alors que personne ne prend autrement la défense des intérêts du groupe.

Bien entendu, ces recours ne pourront être exercés que dans le respect des dispositions de
l’article 357.1 L.A.T.M.P., et sous réserve des conditions élaborées par la jurisprudence majoritaire,
comme nous en avons déjà fait mention.
Précisons par ailleurs que le regroupement produit des effets juridiques et financiers concrets et
64
tangibles. Sans compter qu’une mutuelle contre-performante est appelée à disparaître . Comment
65
pourrait-on refuser à une association le droit de défendre sa propre survie ?
Dans ces circonstances, en toute déférence, nous croyons que rien ne s’oppose à ce que la C.L.P.
considère la mutuelle de prévention comme une « personne » qui se croit lésée, au sens des
articles 358 et 359 L.A.T.M.P., comme le reconnaît la jurisprudence majoritaire de la C.L.P.
Nous savons que les principes issus du droit civil ne peuvent pas toujours être importés devant les
tribunaux administratifs. Mais à notre humble avis, il ne faut pas perdre de vue la disposition préliminaire
du Code civil, qui édicte ce qui suit :
Le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les
principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes, ainsi que les biens.
Le Code est constitué d’un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre,
l’esprit ou l’objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite,
[Page 165]

le droit commun. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter
au Code ou y déroger. (Nos italiques)

Par conséquent, la C.L.P. peut, et même doit, faire référence au droit civil dans la mesure où la
66
L.A.T.M.P. n’y déroge pas . Cela apparaît d’autant plus vrai lorsque la loi est muette sur un sujet donné.
En conclusion, nous croyons que la mutuelle peut intervenir devant la C.L.P. afin de défendre les
intérêts de ses membres lorsqu’un employeur agit de façon à compromettre les intérêts du groupe, par
omission ou de façon délibérée. L’article 357.1 L.A.T.M.P. empêche toutefois la mutuelle de contester
une décision de la C.S.S.T. lorsque les droits du travailleur sont en jeu, mais il ne devrait pas avoir pour
effet de restreindre le droit de la mutuelle d’intervenir devant la C.L.P.
Nous sommes conscient qu’une interprétation à l’effet contraire, fondée sur l’objet de la L.A.T.M.P. tel
que défini à son article premier et sur les propos du ministre du Travail à l’époque de l’adoption de
l’article 357.1 L.A.T.M.P., demeure possible.
Sur ce point, soulignons cependant que le ministre du Travail, si l’on se fie aux extraits de débats qui
sont retranscrits dans l’affaire Vibert, n’a fait que répéter les termes de l’article 357.1 L.A.T.M.P. et
expliquer dans quel but cette modification législative avait été suggérée. Il n’a jamais été question de
nier nommément à la mutuelle le droit de contester une décision concernant un travailleur, et encore moins
de lui nier tout droit d’intervention devant les tribunaux.

3. La situation de l’avocat dans un contexte de mutuelles de prévention


En toutes circonstances, l’avocat doit obéir aux règles déontologiques qui lui sont applicables, tel que
67
le prévoit le Code de déontologie des avocats . Aux fins de notre propos, ce sont les arti- cles 3.06.06,
3.06.07 et 3.06.08 qui nous intéressent plus particulièrement. Ces articles se lisent comme suit :
3.06.06. L’avocat doit éviter toute situation de conflit d’intérêts.
[Page 166]

3.06.07. L’avocat est en conflit d’intérêts lorsque, notamment :


1o il représente des intérêts opposés ;
2o il représente des intérêts de nature telle qu’il peut être porté à préférer certains
d’entre eux ou que son jugement et sa loyauté peuvent en être défavorablement
affectés ;
3o il agit à titre d’avocat d’un syndic ou d’un liquidateur, sauf à titre d’avocat du
liquidateur nommé en vertu de la Loi sur la liquidation des compagnies (L.R.Q., c. L-4), et
représente le débiteur, la compagnie ou la société en liquidation, un créancier garanti ou
un créancier dont la réclamation est contestée ou a représenté une de ces personnes
dans les 2 années précédentes, à moins qu’il ne dénonce par écrit aux créanciers ou
aux inspecteurs tout contrat de services professionnels antérieur reçu du débiteur, de la
compagnie ou de la société ou de leurs créanciers pendant cette période.
Dans tous les cas où l’avocat exerce ses activités professionnelles au sein d’une
société, les situations de conflits d’intérêts s’évaluent à l’égard de tous les clients de la
société.
3.06.08. Pour décider de toute question relative à un conflit d’intérêts, il faut considérer l’intérêt supérieur de
la justice, le consentement exprès ou implicite des parties, l’étendue du préjudice pour chacune des parties,
le laps de temps écoulé depuis la naissance de la situation pouvant constituer ce conflit, ainsi que la bonne
foi des parties.

Le plus souvent en pratique, l’avocat qui défend les intérêts de l’employeur devant la C.L.P. est
mandaté par les gestionnaires de la mutuelle, quand il n’est pas un salarié en bonne et due forme de la
firme de gestion qui souvent gère et administre la mutuelle.
Puisque la performance de l’employeur affectera la performance du groupe, on peut dire que l’avocat
défend en réalité à la fois les intérêts de l’employeur et ceux de la mutuelle.
Sans grande surprise, sa position privilégiée l’amène fréquemment à obtenir des informations à
caractère confidentiel de la part du client et de ses employés.
[Page 167]
68
Mais qu’advient-il lorsque les intérêts de l’employeur et ceux de la mutuelle deviennent divergents ?
L’avocat peut-il, ou doit-il, utiliser les informations confidentielles transmises par l’employeur à une autre
époque au bénéfice de la mutuelle, si ces informations vont à l’encontre des intérêts défendus par cet
employeur dans le cadre d’un litige particulier ? Cet employeur peut-il invoquer le droit au secret
professionnel pour obliger l’avocat à se retirer d’un dossier qui doit être instruit devant la C.L.P. ?
Les principes applicables en semblable matière sont exposés de façon détaillée dans l’affaire Pagé et
69
Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal où plusieurs litiges opposaient le travailleur et son employeur,
soit le Syndicat des cols bleus de Montréal. Devant la C.L.P., les prétentions de l’employeur, soit le
Syndicat, sont résumées comme suit :
e
[19] [...] Il (l’employeur) prétend que M Pelletier a été le procureur de l’employeur pendant une période
d’environ 15 ans et que dans le cadre de l’exécution de son mandat, il a obtenu des renseignements
relativement à un conflit avec le personnel de bureau qui serait survenu en novembre 2004. Comme le
travailleur fait référence, dans ses allégations à sa demande d’indemnités à la C.S.S.T., à ce conflit,
l’employeur croit qu’il y a un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment de l’employeur. Il
craint que Me Pelletier puisse se retrouver dans une situation de conflit d’intérêts s’il continue à représenter
le travailleur.
70
Citant l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Succession MacDonald c. Martin , la C.L.P. indique :
[68] La décision de principe en matière d’utilisation de renseignements confidentiels par un avocat contre son
ancien client est l’arrêt Succession MacDonald c. Martin. La Cour suprême, sous la plume du juge Sopinka,
s’exprime comme suit au sujet des règles prévues au Code de déontologie des avocats :
Un code de déontologie contient des lignes directrices dont la transgression est, en
règle générale, sanctionnée par des mesures disciplinaires.
[Page 168]

[...]
Les tribunaux, qui ont le pouvoir inhérent de priver un avocat du droit d’occuper pour une
partie en cas de conflit d’intérêts, ne sont pas tenus d’appliquer un code de déontologie.
Leur compétence repose sur le fait que les avocats sont des auxiliaires de la justice et
que le comportement de ceux-ci à l’occasion de procédures judiciaires, dans la mesure
où il peut influer sur l’administration de la justice, est soumis à leur pouvoir de
surveillance. Néanmoins, les normes exposées dans un tel code relativement à une
question dont un tribunal est saisi doivent être considérées comme un important énoncé
de principes. La règle énoncée au chapitre V doit donc être tenue pour l’expression par
la profession au Canada de sa volonté d’imposer une norme très stricte qui régit la
conduite des avocats dans une situation où des renseignements confidentiels pourraient
être utilisés contre un ancien client. La règle énoncée repose sur le principe, accepté par
la profession, qu’il faut éviter même l’apparence de manquement à la déontologie.
[69] La Cour suprême nous enseigne donc que les tribunaux ont un pouvoir inhérent de priver un avocat du
droit d’occuper pour une partie en cas de conflit d’intérêts, sans avoir à appliquer un code de déontologie.
Quant aux normes exposées dans ce code, elles doivent être considérées comme un important énoncé de
principes.
Quant au respect du secret professionnel et au droit d’une partie de se faire représenter par un
avocat de son choix, la commissaire Di Pasquale précise :
[71] L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne (la charte) prévoit également des
garanties visant à protéger les clients et leur assurer que les renseignements confidentiels transmis à un
avocat à l’occasion d’un mandat ne puissent être divulgués ou servir contre eux dans une autre affaire :

[...]
[72] Par ailleurs, l’article 34 de la charte consacre le droit d’une personne de se faire représenter par un
avocat de son choix :
[...]
[Page 169]

[73] Le droit de se faire représenter par une personne de son choix est également prévu à la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, à l’article 429.17.
Quant aux exigences de la Cour suprême, elles sont résumées comme suit :
[74] La Cour suprême nous enseigne, dans l’affaire Succession MacDonald, que pour décider s’il existe un
conflit d’intérêts entraînant une inhabilité, la Cour doit prendre en considération trois valeurs en même
temps : 1) le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d’avocat et l’intégrité de notre
système judiciaire ; 2) en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son
droit de retenir les services de l’avocat de son choix ; et 3) la mobilité raisonnable qu’il est souhaitable de
permettre au sein de la profession.
[75] Pour nous aider à régler ce genre de conflit, la Cour indique qu’il y a lieu de répondre aux deux
questions suivantes : 1) L’avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d’avocat
à client, qui concernent le litige ? 2) Y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du
client ? Voici comment s’exprime le juge Sopinka relativement à ces questions :

46 Pour répondre à la première question, la cour doit résoudre un dilemme. Il peut en


effet être nécessaire, pour examiner à fond la question, de révéler les renseignements
confidentiels que l’on cherche justement à protéger. La requête perdrait alors tout son
sens. Les tribunaux américains ont résolu ce dilemme en adoptant le critère du « lien
important ». L’établissement d’un « lien important » fait naître une présomption
irréfragable selon laquelle l’avocat a appris des faits confidentiels. À mon avis, ce
critère est trop rigide. Il peut arriver qu’il soit prouvé hors de tout doute raisonnable
qu’aucun renseignement confidentiel pertinent en l’espèce n’a été divulgué ; le requérant
a pu, par exemple, reconnaître ce fait au cours de son contre- interrogatoire. Or, cette
preuve serait inefficace au regard d’une présomption irréfragable. À mon avis, dès que le
client a prouvé l’existence d’un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver
l’avocat est suffisante, la Cour
[Page 170]

doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l’avocat convainc la Cour
qu’aucun renseignement pertinent n’a été communiqué. C’est un fardeau de preuve dont il aura
bien de la difficulté à s’acquitter. Non seulement la Cour doit être convaincue, au point
qu’un membre du public raisonnablement informé serait persuadé qu’aucun
renseignement de cette nature n’a été transmis, mais encore la preuve doit être faite
sans que soient révélés les détails de la communication privilégiée. Néanmoins, je suis
d’avis qu’il ne convient pas de priver de tout moyen d’action l’avocat qui veut s’acquitter
de ce lourd fardeau.
47 Il s’agit en deuxième lieu de décider si un mauvais usage sera fait des
renseignements confidentiels. Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents
ne peut pas agir contre son client ou son ancien client. Il sera automatiquement déclaré
inhabile à agir. Peu importe qu’il donne l’assurance ou qu’il promette de ne pas utiliser
les renseignements. L’avocat ne peut pas compartimenter son esprit de façon à trier les
renseignements appris de son client et ceux obtenus d’autres sources. Au surplus, il
risquerait de s’abstenir d’utiliser des renseignements obtenus licitement, par crainte de
donner l’impression qu’ils proviennent du client. L’avocat serait ainsi empêché de bien
représenter son nouveau client. Par surcroît, l’ancien client aurait le sentiment d’être
désavantagé. Il ne pourrait s’empêcher de penser que les questions posées au cours du
contre-interrogatoire au sujet de sa vie privée, par exemple, ont leur origine dans la
relation antérieure. [Nos italiques]
L’avocat ne sera donc pas automatiquement exclu s’il représente la mutuelle de prévention dans le
cadre d’un litige où, par exemple, un employeur qu’il a déjà représenté autrefois refuse que la mutuelle
conteste la réclamation d’un travailleur. Il lui faudra cependant démontrer qu’il n’a pas appris des faits
confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d’avocat à client, qui concernent le litige, et qu’il n’y a
aucun risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client. Cette preuve peut néanmoins
s’avérer difficile, particulièrement si l’avocat a bénéficié des confidences du client.
[Page 171]

L’avocat risquerait également de représenter des intérêts opposés dans l’hypothèse, par exemple, où
l’employeur chercherait à se départir des services du travailleur en profitant du fait que celui-ci est
indemnisé par la C.S.S.T. et qu’il pourrait bénéficier du droit à la réadaptation si l’employeur refusait ou
négligeait de lui offrir un emploi convenable disponible. Or, en pareil cas, l’intérêt de la mutuelle, tout
comme les engagements qu’il a souscrits avec la C.S.S.T., exigeraient plutôt que l’employeur offre
l’emploi convenable au travailleur. La même situation existe lorsque le litige concerne l’existence de
limitations fonctionnelles permanentes en relation avec une lésion professionnelle.
De la même manière, un avocat qui « hérite » d’un dossier de la part d’un client qui vient de changer
de mutuelle devrait y songer deux fois avant d’accepter un tel mandat. Nous croyons qu’un avocat placé
dans cette situation peut difficilement éviter le conflit d’intérêts, s’il est en réalité un salarié de la firme de
conseillers qui gère et administre la mutuelle à laquelle l’employeur vient d’adhérer.
Une analyse en profondeur des implications financières et juridiques du dossier s’impose en toutes
circonstances. Si l’issue du litige est susceptible d’affecter la performance d’une mutuelle gérée par une
firme concurrente, l’avocat devrait théoriquement s’abstenir.
En effet, l’apparence de conflits d’intérêts est très forte puisque l’avocat, s’il perd sa cause, affectera
défavorablement la mutuelle d’un concurrent. Sa loyauté serait donc divisée, du moins en apparence,
entre les intérêts de son client et ceux de sa firme, qui peut avoir un intérêt à ce que les mutuelles gérées
par ses concurrents soient moins performantes que les siennes.
Il s’agit d’un intérêt sans doute très indirect, certes, mais qui n’en demeure pas moins réel en
certaines circonstances.
CONCLUSION
Au cours des dix dernières années, les mutuelles de prévention n’ont cessé de gagner en popularité
chez les employeurs du Québec. Bien sûr, le système est loin d’être parfait ! Mais les objectifs
poursuivis ne peuvent qu’être bénéfiques à long terme pour tous les acteurs impliqués, en l’occurrence
les employeurs, les travailleurs et la C.S.S.T.
[Page 172]

Il faut cependant garder à l’esprit que ces regroupements comptent parmi leurs membres de petites
et moyennes entreprises qui, cela va de soi, ne disposent pas des mêmes moyens financiers que les
grandes entreprises. Les exigences qui leur sont imposées doivent tenir compte de cette réalité si l’on
désire qu’ils continuent, dans la mesure de leurs moyens souvent modestes, à promouvoir la prévention
des lésions professionnelles et la réadaptation des travailleurs qui en sont victimes dans les
établissements qu’ils exploitent.
Dans cette optique, comme nous avons eu la chance de l’exprimer, certaines règles auraient
avantage à être mieux définies afin que tous sachent précisément à quoi s’en tenir en ce qui concerne
non seulement leurs devoirs mais aussi leurs droits et leurs obligations.
Notes de bas de page
*.
Avocat chez Raymond Chabot Grant Thornton. Le présent texte constitue un document d’analyse, d’information, de synthèse et de réflexion. Il ne s’agit pas
d’une opinion juridique quant aux sujets qui y sont abordés. Les opinions exprimées n’engagent que leur auteur, qui tient à exprimer sa reconnaissance à M
e
Carmen Poulin, avocate, pour sa précieuse collaboration.

1.
Rapport annuel de gestion de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.) pour l’année 2007. Dépôt légal – Bibliothèque et Archives
nationales du Québec, 2008, ISBN : 978-2-550-52667-4, ISSN : 1913-29560.

2.
Guide en vue de la création d’une mutuelle, Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec,
2008, ISBN : 2-550-42727-0. La véritable définition du concept se retrouve aux articles
1 et 3 du Règlement-cadre concernant les ententes
relatives au regroupement d’employeurs aux fins de l’assujettissement à des taux personnalisés et aux modalités de
calcul de ces taux, c. A-3.001, r. 0.4.03, Décret 1296-97, 1997 G.O. II, 6561.

3.
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001, ci-après « L.A.T.M.P. », art. 4.

4.
L.A.T.M.P., art. 1.

5.
L.Q. 1996, c. 70.

6.
En l’occurrence, le Règlement sur l’ajustement rétrospectif de la cotisation (R.R.Q., c. A-3.001, r. 0.001.1) et le Règlement sur le
taux personnalisé (R.R.Q., c. A-3.001, r. 5).

7.
Chapitre A-3.001, r. 0.4.03, Décret 1296-97, 1997 G.O. II, 6561 (ci-après, le « Règlement- cadre »).

8.
Règlement-cadre, art. 6. Cela ne signifie pas que les obligations des employeurs soient nécessairement toutes les mêmes pour ce qui a trait aux autres
conditions de l’entente. Selon la situation particulière qui lui est soumise, la C.S.S.T. peut imposer certaines exigences préalables à la création d’une mutuelle,
ou nécessaires à son maintien ou à son renouvellement.

9.
Ce qui, de toute évidence, correspond précisément à l’objectif législatif recherché par l’adoption de l’article 284.2 L.A.T.M.P.

10.
Ci-après : « contrat type ».

11.
Règlement-cadre, art. 6.

12.
Source : Monsieur Rémi Gauthier, coordonnateur des mutuelles de prévention, service des comptes majeurs et des mutuelles de prévention (C.S.S.T.).

13.
Art. 284.2 L.A.T.M.P.

14.
Contrat type, dispositions préliminaires, p. 2.

15.
Précité, note 6. Bien que l’article 284.2 L.A.T.M.P. le lui permette en théorie, la C.S.S.T. a choisi de ne pas assujettir les mutuelles de prévention à
l’ajustement rétrospectif de la cotisation.

16.
Ce délai peut toutefois être prolongé avec l’accord de la C.S.S.T., pour des motifs qu’elle estime raisonnables (contrat type, clause 5.2).

17.
Contrat type, clause 5.2.

18.
Bien que le règlement ne comporte aucune exigence quant à la forme de l’avis, la C.S.S.T. fournit une affiche standardisée qui, à notre connaissance, est
utilisée par tous.

19.
Contrat type, clause 5.3.

20.
R.R.Q., c. S-2.1, r. 13.1.
21.
L.R.Q., c. S-2.1, ci-après « L.S.S.T. ».
22.
Contrat type, clause 2.3. Les « droits reconnus aux employeurs » dont il est question à cette clause signifient les droits de révision et de contestation
reconnus par la loi.

23.
L’article L.S.S.T. prévoit que nul ne peut entraver un inspecteur dans l’exercice de ses fonctions.

propos des mutuelles de prévention, février 2003/Vol. 2, no 1, p. 6, la C.S.S.T. utilise précisément cet exemple.
24.
Dans son bulletin : À

25.
Cela n’empêcherait toutefois pas, selon nous, les employeurs de la mutuelle d’invoquer l’une des causes de nullité des contrats prévues au Code civil
du Québec (ci-après C.c.Q.).
26.
Source : Monsieur Rémi Gauthier, directeur des comptes majeurs à la C.S.S.T. Au moment de mettre sous presse, les données disponibles n’incluaient pas
les mutuelles qui auraient pu ne pas être renouvelées au début de l’année 2009.

27.
Contrat-type, clause 10.1.

28.
Art. 6, 7, 300 et 1375 C.c.Q.

29.
L.Q. 1991, c. 64.
30.
C.c.Q., art. 7.

31.
Guide en vue de la création d’une mutuelle, précité, note 2. Voir également les informations au sujet des mutuelles de prévention contenues dans le site
Internet de la C.S.S.T.

32.
Ibid.

33.
Il nous faut cependant admettre que la vaste majorité des clauses que contient le contrat type ne soulève guère de difficultés, même pour un profane. Et
en pratique, l’employeur se lance rarement à l’aveuglette dans ce genre de projet. L’expérience nous a également appris que les mutuelles de prévention
sont administrées par des gestionnaires spécialisés, et rarement sinon jamais par les membres eux-mêmes.

34.
N’oublions pas qu’en pratique, les avantages financiers de la mutuelle constituent une source de motivation très puissante pour l’employeur.

35.
La réalisation d’économies ne correspond pas à la notion de bénéfices pécuniaires (Cimon c. Arès, 500-09-011939-022, 14 janvier 2005 (C.A.)).

36.
Précité, note 6.

37. e
C.L.P. 215666-07-0309, 10 mai 2004, M Marie Langlois.

38.
Reynald Côté inc., [1994] C.A.L.P. 530 ; Camiré et Salaison Olympia ltée, C.L.P. 105347-62B-9809, 99-06-01, N. Blanchard ;
Boudreau et
e
Société des alcools du Québec et Placements Havrex Ltée, C.L.P. 184726-62B-0205, 4 décembre 2002, M Alain Vaillancourt.
39. e
C.L.P. 232502-07-0404, 21 février 2005, M Marie Langlois.

40.
Cette distinction n’est pas sans importance, comme nous le verrons plus loin.

41.
C.L.P. 254947-32-0502, 256911-32-0503, M
e Carole Lessard.

42. e
Micor Auto Location inc., C.L.P. 229351-63-0403, 12 octobre 2005, M Jean-Pierre Arsenault ; Micor
Auto inc., C.L.P. 239544-64-0407, 6 décembre
e
2005, M Robert Daniel ; Mutuelle de prévention ARQ et Auberge Grand-Mère, [2006] C.L.P. 161. Ginsberg, Gingras & ass. Syndic et
Gervais Dodge Chrysler Jeep, C.L.P. 314651- 08-0704, 10 janvier 2008, Me Pierre Prégent ; Audet Soudure (1989) inc., C.L.P. 335146-31-
e
0712, 16 avril 2008, M Marie-Andrée Jobidon.

43.
Précitée, note 42.
44.
L’article 71 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. (1985), c. B-3) prévoit que les biens du failli sont dévolus au syndic de
faillite. C’est lui qui dispose alors des pouvoirs nécessaires à la gestion du patrimoine du failli. Nous savons cependant qu’en pratique, les syndics de faillite
n’interviennent que très rarement devant la C.L.P. À toutes fins utiles, cette situation équivaut à une situation où l’employeur refuse ou néglige de mandater la
mutuelle pour défendre ses intérêts.

45. e e
C.L.P. 296268-64-0607, 27 juin 2007, M Robert Daniel (révision rejetée, 12 juin 2008, M Santina Di Pasquale).

46.
Nous utilisons le conditionnel ici puisque la décision rendue récemment par la C.L.P. dans l’affaire Vibert et Excavation
Bernard & Gene Cahill
e
inc. et C.S.S.T. (318325-01B-0705, 333155-01B-0711, 333180-01B-0711, 8 septembre 2008, M Martin Racine) ferme la porte à cette possibilité, du
moins lorsque les droits du travailleur sont en cause. Nous y reviendrons.

47.
Mutuelle A.P.C.H.Q. et Bastien, C.L.P. 220489-63-0310, 13 juin 2005, M
e Luce Boudreault.

48.
Précitée, note 37.

49. e
Vibert et Excavation
Bernard & Gene Cahill inc., C.L.P. 318325-01B-0705, 333155-01B-0711, 333180-01B-0711, 8 septembre 2008, M Martin
e
Racine ; Casa du spaghetti et Laporte, C.L.P. 332944-04B-0711 et 335355-04B-0712, 9 janvier 2009, M Lise Collin.

50. e
C.L.P. 252559-62C-0501-2, 31 mars 2006, M Norman Tremblay.

51.
N.D.L.R.

52.
Particulièrement lorsque la C.L.P. écrit : « Le fait que le tribunal doive appliquer une loi d’ordre public et s’assurer que le travailleur n’obtienne pas plus que
ce qu’il a droit et le fait que la C.S.S.T. puisse intervenir constituent des moyens suffisants pour éviter qu’un travailleur obtienne des prestations auxquelles il
n’a pas droit, même si son employeur ne conteste pas la lésion et même si, comme dans le cas présent, il appuie la réclamation du travailleur. » En toute
déférence, et à moins que nous ne fassions lourdement erreur, cela revient pratiquement à dire que la présence des représentants, ou même de la partie
adverse dans certains cas, n’est pas nécessaire pour que les intérêts des parties et de la justice soient sauvegardés.

53.
En pratique, certaines mutuelles sont constituées en compagnies, et sont donc des personnes morales au sens du Code civil.

du Québec et C.S.S.T., C.L.P. 157921-05-0103, 10 juillet 2001, Me François Ranger.


54.
Prieur et Sûreté

55.
Précitée, note 42.

56.
C.S.S.T. et Mécano Soudure Drummond ltée, [1986] C.A.L.P. 12, 16.
57.
Précitée, note 37.

58.
Casa du Spaghetti, précité, note 49.

59.
Comme nous l’avons déjà mentionné, certaines mutuelles sont incorporées. La définition du mot « personne » ne leur pose donc aucune difficulté. C’est
pourquoi toute la section au sujet de la personnalité juridique de la mutuelle vise spécifiquement les mutuelles qui ne sont pas incorporées.

médicale Fabreville s.e.c., C.A. Montréal, no 500-09- 016819-062, 27 mars 2007, j. Brossard, Delisle, Thibault
60.
Ville de Laval c. Polyclinique
e
(C.A.) ; Domahu société en commandite et C.S.S.T., C.L.P. 296019-01A-0608, 301145-01A-0610, 16 mai 2007, M Sophie Sénéchal.

61.
L.R.Q., c. I-16.

62.
Goumbarak c. Québec (Procureur général), 500-09-016709-065, 7 octobre 2008, (C.A.).

63.
Malgré le fait que l’association ne soit pas considérée comme une personne morale.

64.
L’effet du regroupement n’est pas nécessairement bénéfique. Parfois, il peut même être carrément nuisible sur le plan financier. Par exemple, si le coût des
lésions professionnelles chez les employeurs de la mutuelle s’avère trop élevé, ceux-ci verront leurs cotisations augmenter au lieu de descendre. Dans
certains cas, ils devront même débourser davantage que s’ils avaient choisi de ne pas joindre les rangs d’une mutuelle. En pareil cas, c’est la survie même du
regroupement qui peut être compromise.

65.
Les mêmes remarques peuvent s’appliquer lorsque la mutuelle est incorporée, alors que les administrateurs doivent agir au nom et au bénéfice de la
compagnie.

66.
Domahu société en commandite et C.S.S.T., précitée, note 60.

67.
R.R.Q., c. B-1, r. 1.
68.
D’excellents exemples nous sont fournis par les décisions rendues dans les affaires traitant du droit d’intervention de la mutuelle.

69. e
C.L.P. 311782-61-0703-2, 17 avril 2008, M Santina Di Pasquale.

70.
[1990] 3 R.C.S. 1235.

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