Vous êtes sur la page 1sur 24

2341TA

SÉLECTION VÉGÉTALE
II. Sélection créatrice
par
Yves HERVÉ
Professeur, chaire de phytotechnie
École Nationale Supérieure Agronomique de (35) Rennes

SOMMAIRE ANALYTIQUE
I. Stratégies principales de la sélection créatrice (1 à 7)
A. Amélioration des populations par sélection récurrente (2 à 5)
1. Création variétale par sélection récurrente (3)
2. Création de « populations sources » par sélection récurrente (4 et 5)
Liste
B. Création de variétés fixées (6 et 7)

II. Sélection créatrice chez les espèces autogames (9 à 28)


Ta b l e A. Modalités de l’autogamie (9)
B. Conséquences génétiques de l’autogamie (10 à 12)
C. Propriétés agricoles des variétés de lignées pures (13 à 16)

Index D. Méthodes principales de création de nouvelles lignées pures (17 à 21)


E. Amélioration des lignées pures existantes (22 à 25)
1. Méthode biologique (le rétro-croisement) (23 et 24)
2. Méthode biotechnologique : les transformations génétiques directes (25)
Glossaire F. Utilisation des lignées pures pour la création d’hybrides F1 (26 à 28)

III. Sélection créatrice chez les espèces allogames (29 à 73)


A. Modalités de l’allogamie (30 à 43)
1. Les systèmes de pollinisation (31 et 32)
2. Les mécanismes de l’allogamie (33 à 43)
B. Fondements génétiques de l’amélioration des plantes allogames (44 à 54)
1. Structure des populations chez les plantes allogames (44 à 46)
2. « Inbreeding et hétérosis » (47 à 54)
C. Méthodes de sélection des espèces allogames (55 à 73)
1. La création de variétés hybrides (56 à 65)
2. La création de variétés synthétiques (66 à 70)
3. Les variétés populations (71 à 73)

IV. Sélection créatrice chez les espèces à reproduction végétative (74 à 86)
A. La reproduction végétative et ses conséquences génétiques : les variétés clones (74 à 78)
B. Les modalités de reproduction végétative (79)
C. Méthodes générales d’amélioration (80 à 86)
1. Création de nouveaux clones (81 à 83)
2. L’amélioration des clones existants (84 à 86)

v. CONCLUSION (87 à 89)

©Techniques Agricoles 2341


Document à usage pédagogique
SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
INDEX ALPHABÉTIQUE
Allogamie, 30, 33. Greffage, 79. Recombinaison, 17.
Autofécondation, 7, 36. Rétrocroisement, 23.
Hétérosis, 26, 47, 52.
Autogamie, 7, 9.
Hétérozygotie, 10. Sélection, 17.
Autoincompatibilité, 37.
Homozygotie, 10, 26, 49. – clonale, 85.
Back-cross, 23. Hybridation, 7. – généalogique, 73.
Biotechnologie, 12, 25, 43, 78. Hybride, 7, 26, 42, 56. – massale, 3, 73.
Bouturage, 79. – récurrente, 2, 5.
Inbreeding, 47.
Semences apomictiques, 79.
Castration, 5. Interfécondation, 5.
– artificielles, 55.
Clone, 7, 55, 75, 81.
Lignée pure, 7, 14, 17, 22, 49. Stérilité mâle, 5, 39.
Consanguinisation, 17.
Consanguinité, 48. Monoïque, 35. Variété, 1.
Croisement, 5, 15. Multiplication végétative, 7, 74. – clone, 7.
Cultivar-clone, 75. Mutagenèse, 86. – fixée, 6.
– hybride, 7, 26.
Dioécie, 34. Pollinisation, 30.
– lignée pure, 7.
Population, 1, 44.
Espèce allogame, 7, 26, 44. – population, 3, 71.
– source, 4.
– autogame, 7, 26, 29. – synthétique, 66.

Liste

Ta b l e

I n dex

Glossaire

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

I. STRATÉGIES PRINCIPALES • La sélection améliorante n’est pas continue : elle peut


DE LA SÉLECTION CRÉATRICE être interrompue à tout moment lorsque la population a
atteint le niveau souhaité. La variété se conserve ensuite
1.– Alors que la diversité génétique représente la matière sans évolution importante, sans sélection ou avec simple-
première du sélectionneur, les méthodes de sélection ment une épuration éliminant les plantes défectueuses :
constituent ses outils, lui permettant de modeler de nou- la population devient alors une variété à peu près fixée.
velles variétés.
L’amélioration génétique comprend globalement 2 grands 2. Création de « populations sources »
groupes de méthodes qui correspondent à 2 étapes de la par sélection récurrente
sélection :
4.– L’amélioration des populations peut être recherchée
• Amélioration et création des populations dans un autre contexte : non pour créer des variétés cultiva-
• Création de variétés fixées bles, mais pour former des populations-sources qui servi-
ront ensuite, par d’autres méthodes, à la sélection de varié-
A. Amélioration des populations tés fixées, homogènes et stables. Elle se situe par conséquent
par sélection récurrente en amont de la création variétale proprement dite.
2.– Depuis les débuts de l’agriculture, les hommes ont cher- Cette sélection est dite récurrente car elle procède par
ché à améliorer les populations qu’ils utilisaient, en choisis- cycles successifs : la population améliorée produite à la fin
sant pour plantes reproductrices celles qui leur paraissaient de chaque cycle sert aussitôt de matériel de départ pour le
les meilleures. Ce système était utillisé de manière récurrente cycle suivant. Le nombre de cycles de sélection est très
Liste variable : le sélectionneur peut à tout moment extraire de
puisqu’il était reproduit à chaque génération.
ces populations des plantes ou des familles qu’il utilise
comme matériel de départ pour la création variétale.
1. Création variétale par sélection récurrente
5.– Les nombreuses méthodes de sélection récurrente
3.– Ces méthodes ne sont plus guère utilisées pour la présentent toujours 2 opérations communes (fig. 1) :
Ta b l e
création variétale chez les grandes espèces cultivées car
les populations ainsi produites, en raison de leur hétéro- • Le choix de plantes, qui peut porter sur leurs propres
généité et de leur instabilité, ne correspondent générale- caractères (ex. : sélection massale, vue précédemment),
ment plus aux exigences de l’agriculture moderne. La ou sur l’observation de leurs descendances obtenues de
création de variétés-populations peut toutefois être diverses façons, appelée alors sélection généalogique. Le
Index recherchée pour de nombreuses espèces d’intérêt agricole but est d’améliorer la valeur moyenne de la population.
mineur, qui ne permettent pas de valoriser des variétés • L’interfécondation (croisement) des plantes sélection-
obtenues par des méthodes plus complexes, surtout lors- nées, utilisée pour réaliser un brassage génétique et
que de plus l’homogénéité des cultures n’est pas un créer ainsi de la variabilité qui permettra ainsi de faire
objectif essentiel. Des variétés-populations sont ainsi uti- apparaître de nouveau des plantes supérieures, qui
Glossaire lisées chez certaines productions légumières (ex. mâche, seront à leur tour sélectionnées, etc.
salsifis, cresson, cardon, certains choux…), condimen- Lorsque la méthode est conduite chez une espèce se
taires (persil, cerfeuil…), la quasi-totalité des espèces reproduisant par autofécondation, il est nécesaire de for-
médicinales ou aromatiques… mais aussi certaines pro- cer ce croisement par castration des plantes ou introduc-
ductions fourragères, de plantes à gazon, et de nombreu- tion de systèmes de stérilité mâle… Pour cette raison la
ses espèces forestières. sélection récurrente est plus fréquemment utilisée chez
Dans ce contexte, les méthodes d’amélioration utilisées les espèces se reproduisant par croisement.
présentent deux caractéristiques principales :
• Elles sont généralement simples et de mise en œuvre B. Création de variétés fixées
facile. La méthode la plus utilisée est la sélection massale : 6.– Les variétés fixées répondent aux exigences des agri-
les individus reproducteurs sont choisis dans la masse culteurs qui souhaitent mettre en terre des semences ou
des plantes cultivées et leur descendance est elle-même des plants représentant un potentiel de culture connu, et
cultivée en masse, sans séparation de familles. Cette pra- être sûr de le retrouver chaque année, aussi longtemps
tique a 3 conséquences : qu’ils utiliseront la même variété. Cette exigence de stabi-
– il y a un cycle de sélection par cycle de reproduction de lité est d’ailleurs l’une des conditions de l’agrément offi-
l’espèce (ex. un par an pour une espèce annuelle) ; ciel des variétés exigé avant même leur diffusion aux pro-
– l’efficacité de la sélection est influencée par la précocité ducteurs.
d’expression des caractères sur lesquels porte la sélec- Cependant, les particularités de l’agriculture moderne
tion ; par exemple elle sera meilleure pour les caractè- requièrent aussi d’utiliser des variétés homogènes qui
res observables avant la floraison, car seuls les indivi- assureront l’uniformité des plantes d’une culture, favori-
dus retenus serviront à la reproduction, les autres sant ainsi les opérations culturales et permettant aussi
pourront être éliminés ; d’obtenir un produit récolté homogène.
– la valeur de la sélection faite dépend de l’héritabilité des De plus, cette exigence pratique rejoint une conséquence
caractères, c’est-à-dire de la probabilité pour que la génétique de la sélection puisque le moyen pour obtenir
supériorité d’un individu retenu soit transmissible à sa la meilleure variété est bien de pouvoir reproduire à
descendance. l’infini le meilleur génotype d’une population.

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341

Population groupe
de départ des
Population plantes
de sélectionnées
départ

Sélection des
meilleures plantes

Interfécondation
Interfécondation
de ces plantes
Liste

Population
Population améliorée Ta b l e
améliorée

gain

Nouveau cycle etc. I n dex


de sélection récurrente
Fig. 1. – Principe de la sélection récurrente

7.– Il n’existe en fait que trois types de variétés fixées et Espèces autogames:
homogènes : chacune est caractéristique d’un système Céréales: avoine - blé tendre - blé dur - orge - riz - Glossaire
biologique de reproduction et de sélection : sorgho (*)
Légumineuses à graines: arachide - haricot - féverole
• espèces sexuées autogames : variété lignée pure ; (*) - lentille - lupin - pois - soja - vesce
• espèces sexuées allogames : variétés hybride F1 ; Espéces légumières: aubergine - laitue - piment -
poivron - tomate
• espèces à reproduction végétative : variété clone. Espèces industrielles: colza (*) - caféier arabica - coton
Dans chacun de ces trois cas, la variété est un génotype uni- - lin - tabac
que : toutes les plantes qui la constituent ont la même com- Espèces fruitières (multiplication végétative
habituelle): abricotier - nectarine - pêcher
position génétique : c’est ce caractère monogénotypique qui
assure l’homogénéité culturale de ces variétés (fig. 2). Espèces allogames:
Lorsque l’homogénéité génétique n’est pas un caractère Céréales: maïs - mil - seigle
indispensable, ou que les systèmes disponibles ne per- Espèces fourragères: graminées: dactyle - fétuque -
fléole - ray-grass légumineuses: luzerne - trèfle violet -
mettent pas de créer des variétés à génotype unique, trèfle blanc - lotier
d’autres types de variétés peuvent assurer la stabilité Espèces légumières: asperge - carotte - céleri -
génétique au cours du temps tout en apportant une uni- chicorée - choux - concombre - endive - épinard -
formité relative, suffisante en pratique : ce sont les varié- melon - oignon - navet - salsifis
Espèces industrielles: betterave - chanvre - tournesol
tés synthétiques ou les variétés hybrides complexes (ex. :
Espèces forestières: la plupart
hybrides doubles ou hybrides trois voies).
Dans tous les cas, la nature finale de la variété et son Espèces à multiplication végétative:
mode d’obtention sont profondément influencés par le Espèces alimentaires: artichaut - fraisier - manioc -
système biologique de reproduction, naturel ou imposa- pomme de terre - patate douce
Espèces fruitières: bananier - cacaoyer - figuier - olivier
ble par le sélectionneur. Pour cette raison, les méthodes - pêcher (*) - poirier - pommier
de sélection créatrice seront présentées en fonction des
trois grands modes de multiplication des plantes : (*) Mode dominant de reproduction
• reproduction sexuée par autofécondation (autogamie) ;
Fig. 2. – Modes de reproduction des principales espèces
• reproduction par hybridation (allogamie) ;
cultivées
• multiplication végétative.

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

II. SÉLECTION CRÉATRICE CHEZ LES ESPÈCES – Fleurs hermaphrodites, c’est-à-dire présentant à la fois
AUTOGAMES des pièces mâles et femelles
– Contact ou proximité permanente ou temporaire des
8.– Le modèle variétal prédominant chez les plants auto-
étamines et des stigmates
games est la lignée pure. Cette structure génétique
découle de ce système biologique de reproduction. – Synchronisme des floraisons mâles et femelles
– Absences de systèmes d’autoincomptabilité et de stéri-
A. Modalités de l’autogamie lité mâle.
9.– L’autogamie est une fécondation forcée et exclusive • Dispositifs floraux empêchant la fécondation croisée :
d’un individu par lui-même. Au plan anatomique, l’auto- – Fleurs closes (ou au moins stigmates protégés durant
gamie est assurée par la structure de la fleur qui facilite leur période de réceptivité).
l’autofécondation et empêche l’hybridation : 5 conditions Toutefois l’autogamie est rarement totale : un faible taux
biologiques doivent être réunies à la fois (fig. 3) : d’hybridation (0,5 à 5 %) subsiste généralement. Il aura
• Dispositifs floraux favorisant l’autofécondation (facili- surtout pour conséquence d’obliger à certaines précau-
tant le dépôt de l’auto-pollen) : tions pour maintenir la pureté des variétés.

B. Conséquences génétiques de l’autogamie


étamines (organes émetteurs mâles ) 10.– L’autofécondation est un phénomène génétique
fondamental qui, partant d’une situation génétique quel-
Liste conque, crée progressivement un état génétique homo-
stigmates (organes récepteurs femelles)
zygote.
ovaire (partie reproductrice femelle) La marche vers l’homozygotie entraînée par l’autofécon-
dation peut être simplement illustrée par l’observation
Ta b l e bractées ou glumelles enfermant la fleur de l’évolution des fréquences respectives des plantes
homozygotes et hétérozygotes en partant d’une situation
Fig. 3. – Coupe schématique de la fleur d’une céréale entièrement hétérozygote, créée par exemple par croise-
autogma (ex. : blé) ment (fig. 4).

Index Évolution des fréquences de génotypes Fréquence des


Génération hétérozygotes homozygotes
(1 gène avec 2 allèles A et a)
AA x aa
l
Glossaire Parents Croisement 0 100 %

1 Aa
Hybride F1
100 % 0
Autofécondation

1
– Aa
Génération 2
1 1
suivante – A A’ – aa 50 % 50 %
4 4
F2 Autofécondation

1 1 1 1 1
– AA+ – AA – Aa – aa+ – aa
4 8 4 8 4 25 % 75 %
F3
3 Autofécondation 3
– AA – aa
8 8

5 1 5 87,5 %
F4 – AA – Aa – aa 12,5 %
16 8 16

Sélection généalogique
Séparation des descendances

Fig. 4. – Régression des hétérozygotes sous l’effet de l’autofécondation

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
11.– On constate que la fréquence des hétérozygotes, pour zygotie totale est difficile et même pratiquement impos-
chaque gène, diminue de 50 % à chaque génération : il y a sible à atteindre. On admet cependant, dans la pratique
donc élimination progressive, et de plus en plus lente, des de la sélection, que 8 à 10 générations d’autofécondation
hétérozygotes, selon une loi de régression asymptotique : permettent d’atteindre un niveau d’homozygotie géné-
Hn = (1/2)nHo illustré par la figure 5. rale suffisant pour assurer l’homogénéité et la stabilité
des descendances qui peuvent alors être considérées
Hn : Probabilité des hétérozygotes pour chaque gène après comme des lignées pures (fig. 4).
n générations de reproduction par autofécondation.
Ho : Probabilité initiale des hétérozygotes pour ce gène. • Remarques :
12.– L’autofécondation n’est pas le seul moyen pour créer
Générations Nombre de gènes (indépendants) l’homozygotie : tous les systèmes de reproduction entre
d’auto- individus apparentés augmentent le degré d’homozygo-
fécondation 1 2 3 5 10 20 100 tie. Cependant, l’autofécondation est le système biologi-
1 (F2) 50 25 12 3 0,1 0,0001 1.10- 28 que naturel chez les plantes autogames, et que l’on peut
2 (F3) 75 56 42 24 6 0,3 3.10 -11 souvent imposer aux autres plantes, qui permet d’obtenir
3 (F4) 87 76,5 67 51 26 7 0,001 la progression la plus rapide de l’homozygotie.
4 (F5) 94 88 82 72 52 28 0,2 Par exemple le croisement intra-famille (entre individus
5 (F6) 97 94 91 85 73 53 4 d’une même descendance), tel que le croisement frère x
6 (F7) 98,4 96,8 95,3 92 85 73 21 sœur, entraîne une régression des hétérozygotes qui, pour
7 (F8) 99,2 98,4 97,6 96 92 85 46 chaque gène, est 3,3 fois plus lente que l’autofécondation. Liste
8 (F9) 99,6 99,2 98,8 98 96 92 68 L’intérêt de la lignée pure en amélioration des plantes a
9 F(10) 99,8 99,6 99,4 99 98 96 82 conduit les sélectionneurs à rechercher des moyens, sou-
10 F(11) 99,9 99,8 99,7 99,5 98 98 91 vent artificiels, pour l’obtenir plus rapidement. C’est ce
qui explique le recours à des cycles de reproduction accélé- Ta b l e
La vitesse de progression vers l’homozygotie, qui est évi- rés (culture en serre, reproduction dans un autre hémis-
demment l’inverse de la disparition de l’hétérozygotie, phère, culture d’embryons…), ou encore l’emploi de bio-
est d’autant plus faible que le nombre de gènes différents technologies, telles que l’haploïdie provoquée, permettant
considérés est grand. Si l’on considère par conséquent d’obtenir beaucoup plus rapidement des lignées pures,
l’ensemble des gènes manipulés en sélection, l’homo- chez les espèces végétales qui s’y prêtent (cf. fasc. 2350). I n dex

Pourcentage
d'homozygotes
00
Glossaire

75 homozygotie
"pratique"

50
1 5 10 30 40 100 Gènes indépendants en ségrégation

25

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Génération
d'autofécondation

Fig. 5. – Évolution du pourcentage d’individus homozygotes au cours des générations d’autofécondation (de diploïdes)

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

C. Propriétés agricoles D. Méthodes principales de création


des variétés lignées pures de nouvelles lignées pures
13.– Les propriétés agricoles sont de deux ordres : 17.– La recherche de nouvelles lignées pures comporte
toujours 4 opérations :
génotype homozygote aa – la création d’une variabilité génétique généralement
(individu provoquée chez les plantes autogames par le croise-
d’une lignée pure) ment de lignées pures préexistantes apportant des
descendance aa aa aa aa caractères complémentaires ;
d’un individu Stabilité
homozygote – la recombinaison entre les gènes des parents conduisant
à la création de nouveaux génotypes ;
descendances
successives aa aa aa aa – la consanguinisation créant de nouvelles lignées pures,
Homogénéité progressivement par autofécondations successives, ou
brutalement par haplodiploïdisation ;
– la sélection consistant à retenir les meilleures lignées pures
• Homogénéité : dans la multitude de nouveaux génotypes apparus.
14.– Toutes les plantes constituant une variété lignée En pratique, la création de lignées pures commence tou-
pure ont le même contenu génétique homozygote et sont jours par l’hybridation. Ensuite, les 4 principales métho-
donc identiques. Cette identité génétique a deux princi- des utilisables se différencient surtout par les modalités et
Liste paux avantages : la précocité d’intervention du sélectionneur au cours du
processus de formation de nouvelles lignées.
– Homogénéité des cultures facilitant les opérations cultu-
rales (désherbage, récolte) et permettant l’exploitation • Méthode généalogique directe (fig. 6)
optimale du milieu, à condition que celui-ci soit lui- 18.– Le sélectionneur intervient très tôt pour choisir des
Ta b l e même homogène. plantes, bien avant qu’elles soient parvenues à l’état
Toutefois les plantes peuvent conserver une marge de d’homozygote.
variation interne de nature physiologique : par exemple • Méthode généalogique différée
les différents talles d’une plante de céréales (blé-orge) (méthode « bulk ») (fig. 7)
Index
peuvent produire des épis de taille et de précocité diffé-
rentes. L’homogénéité génétique annule la variation 19.– Le sélectionneur laisse opérer plusieurs générations
entre les plantes mais pas la variation intra-plante. de consanguinité sans faire de choix individuel des plan-
tes. La sélection dans les descendances de plantes indivi-
– Homogénéité des produits récoltés facilitant leur utilisa- duelles est retardée.
tion industrielle et permettant de caractériser des lots
Glossaire • Méthode généalogique par filiation monograine
importants par des échantillons réduits.
(méthode S.S.D. Single Seed Descent)
• Stabilité 20.– Les premières générations d’autofécondation sont
15.– En raison de leur homozygotie initiale et de leur conduites sans sélection et de manière accélérée, en con-
reproduction par autofécondation les lignées restent sta- servant une graine de chaque descendance pour éviter
bles au cours des générations. Même s’il y a un certain une sélection précoce.
taux de croisement, il n’y a pas altération de la pureté de • Méthode d’haplodiploïdisation
la variété par les hybridations qui se produisent entre les
21.– Les lignées pures sont créées non pas progressive-
plantes d’une même variété.
ment comme lors d’autofécondation naturelle, mais bru-
La conséquence principale est la possibilité pour l’agri- talement par haploïdie suivie de doublement chromoso-
culteur de reproduire lui-même la variété et la facilité de mique. La sélection peut donc directement s’appliquer à
la sélection conservatrice qui permet de limiter les coûts des lignées réellement pures, totalement homozygotes.
de production des semences (cf. sélection conservatrice).
16.– Homogénéité et stabilité des lignées pures entraî- E. L’amélioration de lignées pures existantes
nent aussi quelques inconvénients : 22.– La correction de lignées pures existantes est néces-
– pour le sélectionneur, l’absence de protection de la saire lorsqu’une variété de bonne valeur générale man-
variété, puisqu’elle peut être facilement reproduite à que d’un ou de quelques caractères à déterminisme géné-
l’identique par ses utilisateurs ; tique simple, contrôlé par un ou quelques gènes.
Il s’agit alors de modifier la lignée pure pour ces seuls
– pour l’utilisateur, la rigidité de la variété qui l’expose à
caractères sans altérer sa valeur génétique d’ensemble. Il
toute altération importante du milieu (nouvelle race
est évidemment nécessaire de disposer d’un génotype
d’un parasite, froid ou sécheresse anormale…)…
donneur qui possède les caractères correcteurs, mais peut
Ce dernier inconvénient peut être limité par la création avoir par ailleurs une valeur tout à fait quelconque. Le
de variétés multi-lignées, constituées de lignées ayant déterminisme génétique des caractères à introduire doit
une base génétique commune mais présentant par exem- aussi être connu : nombre de gènes en jeu, action domi-
ple des résistances à différentes races d’un parasite. nante ou récessive des gènes…

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341

1987 croisement des parents : Effectif (pour exemple)

espèce cultivé sélectionné


annuelle
exemple plantes lignées plantes lignées
1988 F1 50 50

1989 F2 5000 250

1990 F3 lignées 250 125 dans 50

Liste

familles
1991 F4 de 125 90 dans 40 Ta b l e
lignées

familles I n dex
1992 F5 de 90 80 dans 35
lignées

Glossaire

1993 F6 80 15

Multiplication
de lignées et
1994 F7 essais de ren- 15 4
dement (avec
répétition)

lignées en
1995 F8 essais de 4 1
rendements
(avec répétition)

essais de
rendements
1996-97 F9-F10 et 1 1
d'inscription
au catalogue

Fig. 6. – Schéma de sélection généalogique directe après hybridation

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

1987 croisement des parents : Effectif (pour ex.)


cultivé sélectionné
hybride F1 plante lignée plante lignée
1988 F1 50 50

F2 " population hybride " 5000 5000


1989
(sans sélection généalogique)

1990 F3 -id- 5000 5000

Liste

1991 F4 -id- 5000 5000

Ta b l e

1992 F5 5000 250

Index
Début de la sélection généalogique

Glossaire 1993 F6 Lignées 250 15

Multipli-
cation et
1994 F7 essais de 15 4
rendement

1995 F8-F9 lignée en 4 1


essais de
rendement

1996-97 F10-F11 essais de 1 1


rendement

Fig. 7. – Schéma de sélection généalogique différée (bulk-méthod) après hybridation

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
1. Méthode biologique : le rétro-croisement zygotes. Cet effet est généralement beaucoup plus faible chez
(back-cross) (fig. 8) les espèces autogames que chez les espèces allogames, s’expli-
23.– • La variété à améliorer et le génotype correcteur quant probablement par le fait que les plantes autogames,
sont croisés, entraînant un mélange de l’ensemble de contraintes de supporter l’homozygotie à laquelle les soumet-
leurs caractères. tait leur régime de reproduction, ont sélectionné des associa-
tions favorables de gènes différents, répartis linéairement sur
• Les caractéristiques de la lignée pure recherchée sont les chromosomes. Par contraste, la qualité des hybrides pro-
retrouvées progressivement par une série de croisements vient plutôt des interactions favorables et la diversité généti-
successifs avec cette lignée appelée de ce fait lignée récur- que apportée par les différentes formes d’un même gène
rente. A chaque génération il est nécessaire d’opérer une (allèle) présents au même endroit (hétérozygotie).
sélection afin de n’utiliser, pour ces croisements « en
retour » avec la lignée récurrente, que des plantes ayant Cependant les deux phénomènes peuvent se conjuguer et
conservé le caractère que l’on souhaite introduire. les espèces autogames manifestent souvent un effet
d’hétérosis suffisant pour rendre intéressante la création
• Le retour vers la lignée initiale s’opère avec la même
de variétés d’hybrides.
vitesse de progression que celle observée lors de l’obten-
tion de l’homozygotie dans le cas de l’autofécondation 27.– Néanmoins, au-delà de cet intérêt théorique, la
(fig. 6) : à chaque génération de rétrocroisement la moitié création et l’utilisation effective de variétés hybrides F1
des gènes résiduels du génotype donneur sont éliminés. chez les espèces autogames rencontrent deux difficultés
24.– En pratique, après 6 à 8 rétrocroisements, la lignée pure supplémentaires par rapport aux espèces allogames, alors
initiale a été retrouvée, enrichie du caractère recherché. que la supériorité des variétés hybrides y est moins forte :
– la nécessité de transformer complètement le système Liste
La correction de la variété d’origine est plus longue biologique de l’espèce, obligeant à trouver et à utiliser
lorsqu’il s’agit de l’introduction de caractères complexes des mécanismes génétiques (stérilités mâles) ou tech-
et que le génotype donneur est génétiquement éloigné de niques (produits chimiques détruisant le pollen :
la variété récurrente. Cette méthode biologique du rétro- gamétocides) rendant allogames, durant la génération
croisement est très utilisée en amélioration des plantes, Ta b l e
de production des semences hybrides, des plantes nor-
en particulier pour l’introduction de gènes de résistance malement autogames ;
à des maladies, de caractères biochimiques (ex. absence – la nécessité pour l’agriculteur d’acheter chaque année,
d’acide érucique ou de glucosinolates chez le colza), de dans un circuit commercial, des semences hybrides
caractères biologiques rares tels que des stérilités mâles généralement nettement plus chères que les semences de
dans la perspective de création de variétés hybrides, etc. lignées pures, qu’il pouvait souvent produire lui-même.
I n dex

2. Méthode biotechnologique : 28.– Ainsi les variétés hybrides ne se sont imposées que
les transformations génétiques directes chez les espèces autogames où l’incidence d’un coût plus
élevé des semences est acceptable par le producteur en
25.– Le développement des techniques de biologie molé- raison de la valeur de la production finale, comme chez Glossaire
culaire offre une autre voie pour le transfert de gènes, plusieurs cultures légumières (tomate, melon…). Chez
avec deux avantages importants : les espèces où la part des semences dans les charges de
– accélération de l’introduction des caractères puisque production est plus importante, les variétés hybrides, en
ceux-ci peuvent être directement introduits dans les dépit de leur potentiel technique supérieur, se dévelop-
variétés à corriger ; pent plus difficilement (ex. : blé).
– possibilité de rechercher des gènes correcteurs en
dehors de l’espèce à améliorer puisque l’introduction III. SÉLECTION CRÉATRICE CHEZ LES ESPÈCES
des gènes ne fait pas appel au croisement biologique, à ALLOGAMES
la différence de la méthode du rétrocroisement.
29.– Le type variétal dominant chez les espèces allogames,
Cependant, les techniques de transformation directe pré- qui sont très diverses, tend à devenir le cultivar hybride
sentent d’autres difficultés : l’identification et clonage des F1. Cependant, la systématisation de ce type de variétés
gènes à introduire – expression et régulation des gènes est contrariée car leur création est longue et difficile et
dans le génome de la plante réceptrice, réceptivité de leur maintien coûteux. Il existe ainsi chez ces espèces,
l’espèce aux méthodes du génie génétique. d’autres modèles variétaux tels que les cultivars-popula-
Les grandes lignes de ces méthodes sont présentées dans tions ou les variétés synthétiques. La possibilité d’un
le fascicule 2350. contrôle plus ou moins complet de l’allogamie constitue
l’élément déterminant pour l’orientation de la création
F. L’utilisation des lignées pures variétale chez une espèce déterminée.
pour la création d’hybrides F1
26.– Les lignées pures sont un passage obligé lors de la A. Modalités de l’allogamie
création de variétés hybrides. C’est l’homozygotie des 30.– L’allogamie ou reproduction par hybridation
lignées pures parentes des variétés hybrides qui assure demande en fait deux conditions simultanées :
l’homogénéité et la reproductibilité de ces hybrides. – un mécanisme biologique empêchant ou limitant les pos-
L’intérêt agronomique des hybrides est dû à l’effet d’hétérosis, sibilités d’autofécondation ;
exprimant la supériorité de l’hybride sur ses parents homo- – un dispositif de transport du pollen d’une plante à une autre.

10

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

Exemple : Introduction d'un caractère monofactoriel dominant A


d'une variété « donneuse » D dans une variété « récurrente » R.
D R

Croisement initial d'introduction


x

AA aa
R
x
1er rétrocroisement : B. C. 1 (= « bacckross 1 »)

Aa aa
R
x
B. C. 2
Liste
aa Aa aa
(éliminé)
R

x
Ta b l e
B. C. 3

aa Aa aa
(éliminé)
R
Index
x
B. C. 4

aa Aa aa
Glossaire (éliminé) R

x
B. C. 5

aa Aa aa
(éliminé)

Résultats
du B. C. 5

Aa aa éliminés

Sélection
généalogiques
après
autofécondation
AA Aa aa

R(AA)

Fig. 8. – Sélection par rétrocroisement

11

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
1. Les systèmes de pollinisation mâles et femelles différentes. Alors qu’elle est quasiment
31.– Le transport du pollen peut être assuré par des moyens généralisée chez les animaux, la dioécie est rare chez les
variés, mais deux modes de pollinisation prédominent : plantes supérieures (asperge, épinard, chanvre, houblon,
palmier, dattier, figuier, kiwi, papaye…). Les espèces
• La pollinisation par le vent, relativement rare chez les plan- dioïques présentent inévitablement une hétérogénéité
tes supérieures est cependant de règle chez de nombreuses culturale. Celle-ci n’a pas d’inconvénient lorsque le ren-
espèces cultivées importantes : betterave, graminées alloga- dement n’est pas influencé par le sexe (épinard) ou lor-
mes, plantes fruitières et forestières… Cette fécondation à que les pieds du sexe le plus reproductif peuvent être
l’aide du vent est réalisée par conséquent sans qu’il y ait un reproduits par voie végétative (ex. : plantes femelles du
transport dirigé du pollen de la fleur émettrice de pollen houblon) ou par des artifices de sélection (ex. : nouvelles
(mâle) vers la fleur réceptrice. Elle a donc un caractère variétés entièrement mâles de l’asperge).
entièrement aléatoire et, pour être efficace, se traduit par des
adaptations biologiques particulières : Chez d’autres espèces il a été possible de créer des varié-
– émission d’une très grande quantité de grains de pollen tés dont les plantes sont d’un seul type, bisexué (ex. :
très légers, aisément dispersés ; variétés monoïques de chanvre).
– organisation florale favorisant l’émission du pollen • Monoïque
(étamines libres, à longs filets…) et sa réception par les 35.– Une plante monoïque présente les deux types de
pièces femelles (stigmates exposés, gluants…) ; fleurs (mâles dites staminées, femelles dites pistillées)
– réduction ou disparition des pièces florales (pétales, nec- mais elles sont séparées sur la même plante : maïs,
taires…) n’ayant pas de fonctions dans la pollinisation. melon, concombre, ricin, hévéa, cocotier… Cette dispo-
sition des fleurs prédispose à l’allogamie sans la rendre Liste
• La pollinisation par les animaux et principalement par les
insectes requiert d’autres adaptations biologiques, souvent obligatoire. Dans le cas du maïs, le regroupement des
très complexes, telles que la coadaptation de l’activité des fleurs mâles en une panicule au sommet de la plante
pollinisateurs et de la période de floraison des plantes, le favorise la castration et est exploitée pour la production
développement de dispositifs floraux favorisant la visite des semences de variétés hybrides. Ta b l e
des pollinisateurs, à la fois pour l’enlèvement du pollen • Hermaphrodisme avec isolement des sexes dans la fleur
produit et l’accueil du pollen étranger : couleurs des fleurs, 36.– De nombreux dispositifs biologiques contribuent à
offrande de nourriture (nectar et pollen), odeurs et média- éviter ou à contrarier l’autofécondation bien que les
teurs chimiques divers, attirant les insectes. organes mâles et femelles soient à proximité au sein des
Chez les espèces strictement allogames, cultivées pour mêmes fleurs : I n dex
des organes de la reproduction sexuée (fruits ou graines) – séparation par la distance de la partie émettrice du pol-
la productivité est entièrement dépendante de cette acti- len (anthères) et réceptrice (stigmate) : ex. : hétérosty-
vité pollinisatrice. Il est alors absolument nécessaire de lie (sarrasin, primevère…) ;
ménager les pollinisateurs naturels ou même d’augmen- – séparation dans le temps de la maturité des pièces
ter leurs populations pour optimiser la fécondation Glossaire
mâles et femelles, selon deux modalités :
(tournesol - colza - certains arbres fruitiers…). L’élevage
d’insectes sociaux (abeilles - bourdons…) est ainsi une - protandrie : maturité plus précoce des organes mâles :
importante activité auxiliaire de l’agriculture. maïs, tournesol, artichaut, betterave, carotte, oignon…
32.– La reproduction par croisement, qu’il convient donc - protogynie : maturité prématurée des organes femelles :
de favoriser pour la multiplication de toute variété, a avocatier, cacaoyer, noyer, vulpin…
pour corollaire la nécessité de séparer les variétés diffé- • Autoincomptabilité
rentes pour maintenir leur pureté lors de leurs multipli- 37.– Ce phénomène très fréquent chez les plantes se dis-
cations. Le maintien de la pureté génétique des variétés tingue des précédents par l’absence de manifestation visi-
est obtenu en séparant les unités de production de ble... Il est dû à l’impossibilité pour le pollen de féconder
semences, soit le plus souvent par des distances suffisan- la plante dont il est issu. Cette réaction d’inhibition est de
tes pour réduire les risques de pollution réciproque de nature biochimique et intervient entre la pollinisation et
variétés différentes, soit par des isolements artificiels la fécondation. Elle présente deux types principaux :
(ex. : productions de semences sous abris anti-insectes et
– l’autoincompatibilité gamétophytique lorsque la réac-
introduction de pollinisateurs).
tion est déterminée par la nature génétique du pollen
lui-même (gamétophyte mâle),
2. Les mécanismes de l’allogamie
– l’autoincompatibilité sporophytique où l’absence de
33.– La nature a développé un ensemble de systèmes dif- germination du pollen est commandée par la plante
férents visant à éviter ou à réduire l’autofécondation qui qui l’a produit (sporophyte), de telle sorte qu’il peut y
risquait d’affaiblir les populations par les effets généti- avoir non seulement absence d’autofécondation mais
ques qui accompagnent fréquemment l’augmentation de aussi impossibilité de croisement entre des plantes qui
la consanguinité. Ces systèmes d’isolement des sexes sont ont en commun un seul allèle d’incompatibilité.
très variés et de type temporel ou physiologique.
38.– L’autoincompatibilité peut être utilisée par les sélec-
• Dioécie tionneurs pour produire des variétés hybrides. Ce sys-
34.– La situation biologique la plus efficace pour assurer tème présente quelques avantages tels que la possibilité
la reproduction par hybridation est l’existence de plantes de récolter des semences hybrides sur les deux parents.

12

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

Mais il présente aussi des difficultés dues à l’expression Deux systèmes génétiques principaux contrôlent le phé-
parfois incomplète du phènomène, et surtout des restric- nomène :
tions d’emploi aux espèces qui sont cultivées pour la pro-
duction d’organes végétatifs. En effet les hybrides pro- a) La stérilité mâle génique
duits sont généralement eux-mêmes autoincompatibles 40.– Elle est due à la seule action de gènes portés par les
et par conséquent incapables de produire des graines en chromosomes du noyau. Lorsque ces gènes sont récessifs,
cultures pures. cas le plus fréquent, la stérilité mâle n’est réalisée que
L’autoincompatibilité est surtout utilisée pour la produc- lorsqu’ils sont à l’état homozygote (fig. 9).
tion de semences hybrides chez les crucifères (choux).
Chez certaines espèces fruitières (ex. : pommier - poi- Cette stérilité mâle présente malheureusement un incon-
rier…), l’existence d’autoincompatibilité chez les variétés vénient qui contrarie son emploi pour la production de
cultivées qui sont des clones, oblige à introduire dans les semences hybrides : en effet, le parent femelle (car mâle
vergers un certain taux de plantes pollinisatrices, d’une stérile) de l’hybride ne peut être perpétué que par voie
autre variété. végétative, ou en le croisant avec des plantes identiques
mais mâles-fertiles, hétérozygotes pour le gène de stéri-
• Stérilité mâle lité (croisement sœur x frère) ; or il apparaît danc ce cas
39.– Cette situation biologique généralement très rare dans la descendance 50 % seulement de plantes mâles
dans les populations naturelles, est le moyen le plus stériles, et 50 % de plantes mâles fertiles qui doivent être
recherché pour créer l’hybridation en amélioration des impérativement repérées et éliminées avant floraison,
plantes. Elle se traduit par l’atrophie des étamines ou sous peine de provoquer des croisements indésirables
Liste l’avortement plus ou moins précoce du pollen dans les entre plantes consanguines, au lieu des véritables hybri-
anthères. dations recherchées.

Ta b l e
Mécanisme biologique et génétique
Objectif et
utilisation
Femelle Mâle Descendance en sélection
(mâle stérile) (pollinisateur)
Index

Ms Ms Ms Maintien et
Cellule multiplication
Glossaire Ms Ms Ms
Noyau du parent
femelle
50% 50% (mâle stérile)
Ms mâles stériles mâles fertiles
Ms

Gène de Ms Ms Production
stérilité de plantes
Ms Ms
hybrides
fertiles
Femelle Pollinisateurs 100%
(mâle stérile) mâles fertiles
Fig. 9. – Hérédité et utilisation de la stérilité mâle génique

b) La stérilité mâle nucléo-cytoplasmique L’utilisation de cette stérilité mâle requiert deux condi-
41.– Cette stérilité mâle est un exemple très intéressant tions génétiques simultanées :
d’interaction entre le noyau et le cytoplasme pour le con- – la présence dans le cytoplasme (en général dans des
trôle d’un caractère. Bien qu’elle soit très rare et de con- organites appelées mitochondries) de facteurs de stéri-
trôle génétique plus complexe que la stérilité mâle géni- lité « S » (gènes ou autres déterminants héréditaires) ;
que, elle est particulièrement recherchée par les – l’existence sur les chromosomes du noyau d’un gène dit de
sélectionneurs en raison de ses qualités pour le contrôle restauration de fertilité (Rf) qui, à l’état homozygote
de l’hybridation. récessif (rf), entraîne l’expression de la stérilité mâle.
Elle est ainsi utilisée pour la création de variétés hybrides 42.– Lorsqu’un parent mâle stérile (lignée-famille…)
chez de nombreuses espèces : tournesol - betterave - sor- conjuguant ces deux caractères a été obtenu, ce type de
gho - oignon - carotte… stérilité s’avère particulièrement intéressant (fig. 10).

13

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341

Mécanisme biologique et génétique


Objectif et
utilisation
Femelle Mâle
Descendance en sélection
(mâle stérile) (pollinisateur)

Cytoplasme inducteur Cytoplasme


de stérilité normal

S S Maintien et
rf rf
multiplication
rf rf du parent
femelle
Femelle Pollinisateur Descendance 100 % (mâle stérile)
(mâle stérile) mainteneur mâle fertile
de stérilité (fertilité mâle
(portant gène r f) restaurée par le gêne r f)

Liste
Rf

Rf
S S
rf Rf
Production de Ta b l e
rf S rf
Rf plantes
hybrides
Femelle Rf Descendance 100 %
fertiles
(mâle stérile) mâle fertile
Pollinisateurs (fertilité mâle restaurée
I n dex
restaurateurs r le gêne Rf)
de stérilité mâle
(portant gène Rf)

Fig. 10. – Hérédité et utilisation de la stérilité mâle nucléo-cytoplasmique Glossaire

• Si ce parent est croisé avec un géniteur mainteneur de tes pourront permettre d’accélérer le processus (cf.
stérilité car homozytoge pour les gènes nucléaires rf, la fasc. 2350).
descendance obtenue est entièrement mâle stérile : ce sys-
tème est utilisé pour le maintien et la multiplication des Pendant ce temps, le parent mâle fertile A en cours de
parents femelles des hybrides (ou pour la production conversion en lignée mâle stérile, est maintenu par auto-
d’hybrides stériles). fécondation ou tout autre système permettant de la per-
pétuer (fig. 11 b).
• Si ce parent est croisé avec un géniteur restaurateur de
fertilité car homozygote pour les gènes nucléaires Rf, les A l’issue de la conversion, après environ 5 à 6 rétrocroise-
hybrides obtenus ont une fertilité mâle normale. C’est ments le parent initial existe sous les deux versions, mâle-
ainsi que sont produits les hybrides commerciaux. stérile et mâle fertile. Le croisement de ces deux formes
43.– Les problèmes rencontrés pour la mise en œuvre isogéniques (c’est-à-dire comportant les mêmes gènes et
pratique de ce type de stérilité sont de plusieurs ordres : ne différant que par leurs cytoplasmes) permettra ensuite
de conserver indéfiniment ce géniteur (fig. 11 c).
En raison de la rareté de la situation génétique inductrice
de stérilité mâle, celle-ci n’est pratiquement jamais trou- Pendant ce temps, des lignées ou des géniteurs mâle fertiles
vée dans des plantes ou des lignées de bonne valeur agro- sont créés par les voies habituelles, par ex. par autoféconda-
nomique. tion successive pour obtenir des lignées pures (fig. 11 d).
Il est donc nécessaire : Enfin la production de semences hybrides est réalisée cha-
– de rechercher des géniteurs de stérilité, parfois dans des que année par croisements entre le parent femelle (mâle
espèces étrangères. Les croisements interspécifiques sont stérile) et le parent pollinisateur (mâle fertile) (fig. 11 e) :
parfois aussi des moyens de créer de telles situations ;
– si le pollinisateur apporte des gènes de restauration
– d’introduire le système de stérilité dans les parents de
dominants Rf, l’hybride sera fertile ;
bonne valeur et dont on souhaite la stérilité mâle, par
une longue série de rétrocroisements (fig. 11 a). Cer- – si le pollinisateur est homozygote récessif pour les allè-
taines biotechnologies comme les fusions de protoplas- les de restauration (rf), l’hybride est stérile.

14

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

Production du parent femelle de l'hybride Production du


parent mâle
Mâle-stérile Mâle fertile

B A (d)
r r Création puis
r r maintien par
S autofécondations
successives de la
lignée mâle-fertile
(éventuellement
restauratrice de
B A fertilité)
r r
r r
S
(b)
Maintien par
autofécondations
Liste
successives de la
B A lignée (mâle-fertile) C
(a) r r à convertir en lignée R
Conversion d'une r r mâle stérile R
S
lignée mâle-fertile en
Ta b l e lignée mâle-stérile
"isogénique" par
rétrocroissements
successifs

Index

B A C
r r R
r r R
Glossaire S

Croisement Autofécondation
(c) de maintien de maintien
Maintien de la lignée de la lignée de la lignée
mâle-stérile par mâle-stérile mâle-fertile
croissement, et de sa mainteneuse
lignée isogénique
mainteneuse par A A C
autofécondation r r R
r r R
S

A C
(e)
Utilisation de la stérilité mâle r r
Production de des cendances S r r
hybrides à fertilité restaurée
(qui seront productrices de graine) Mâle-stérile Mâle-fertile
AC
R Hybride
S r mâle-fertile

Fig. 11. – Création, maintien et utilisation de la stérilité mâle nucléocyplasmique


pour la production de variétés hybrides

15

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
B. Fondemenths génétiques tions consanguines ou les lignées qui en résultent ont
de l’amélioration des plantes allogames presque toujours une valeur générale (performances-
adaptation) fortement diminuée.
1. Structure des populations chez les plantes Cette baisse de vigueur est essentiellement due à l’aug-
allogames mentation de la fréquence relative des génotypes homo-
zygotes au sein des familles ou lignées ainsi créées.
44.– L’hybridation permanente, même si elle n’est pas
totale, entraîne un brassage génétique constant de telle 49.– En effet, cet accroissement de l’homozygotie entraîne
sorte que chaque plante d’une population naturelle plusieurs conséquences génétiques généralement néfastes :
d’une espèce allogame est un génotype unique, instable • Expression de gènes récessifs qui ont souvent des effets
et fortement hétérozygote : défavorables et qui restaient masqués chez les popula-
– unique car la diversité des combinaisons génétiques tions dans des génotypes hétérozygotes.
possibles est telle qu’aucune d’elles n’a de réelles chan- Lorsqu’ils passent sous forme homozygote, ils entraînent
ces d’apparaître une nouvelle fois ; l’apparition de tares ou de défauts d’adaptation qui
– instable car chaque génotype se détruit à chaque géné- abaissent la valeur générale des plantes et des lignées qui
ration en donnant des gamètes (pollen et ovule) extrê- les portent (« émancipation des gènes récessifs »).
mement variés qui, de plus, vont s’associer au hasard • La suppression ou la diminution des interactions de
pour créer de nouvelles plantes ; dominance qui conféraient aux génotypes hétérozygotes
– hétérozygote car la rencontre de gènes différents est des valeurs supérieures à celles des moyennes des homo-
favorisée par l’hybridation. zygotes qui les remplacent sous l’effet de la consanguinité. Liste
45.– Cette diversité génétique extrême entraîne une série • La perte de certaines relations d’épistasie : ces interac-
de conséquences pratiques : tions entre gènes non-allèles sont fortement appauvries
– les populations sont hétérogènes ; par la consanguinité.
– les populations ne peuvent présenter de très bonnes L’importance de cette dépression de vigueur est variable Ta b l e
performances techniques dans un milieu relativement selon les espèces et même selon les populations au sein
fixé puisqu’elles sont composées d’un mélange de d’une espèce. Elle est sensiblement proportionnelle au
plantes de valeurs différentes ; taux d’allogamie.
– en absence de sélection et dans un milieu constant, les
populations restent à peu près stables, dans leur valeur • La création de lignées pures en imposant la consangui-
nité à des plantes naturellement allogames a ainsi I n dex
moyenne et dans leur hétérogénéité ;
– les populations peuvent s’adapter au changement des d’importantes conséquences pratiques :
conditions extérieures par la diversité génétique qu’elles – les lignées ainsi obtenues sont très affaiblies et presque
recèlent : elles sont susceptibles d’évoluer si le milieu toujours inutilisables comme variétés cultivées. Leurs
change : cette plasticité est à la base de l’évolution. multiplications requièrent des précautions (isole- Glossaire
ment…) pour préserver leur pureté… ;
46.– Les deux premières propriétés des populations (leur
hétérogénéité et leur valeur agricole moyenne) contri- – ces lignées sont cependant particulièrement intéressantes,
buent à ce que les variétés cultivées actuelles chez les non pour leur usage direct, mais comme parents d’hybri-
espèces allogames soient rarement des populations natu- des : l’homozygotie des lignées parentales provoque
relles. Elles seront généralement : l’homogénéité des hybrides obtenus par leur croisement :
– soit des populations améliorées par sélection, ou des
populations artificielles et contrôlées appelées variétés Croisement Croisement
synthétiques ; de plantes de lignées
hétérozygotes homozygotes
– soit des hybrides divers, qui sont en fait la généralisa-
tion à l’échelle d’une variété des meilleurs génotypes Aa x Aa AA x aa
pouvant exister dans les populations naturelles, et qui
visent à exploiter le phénomène génétique d’hétérosis.
AA Aa aa Aa
2. « Inbreeding et hétérosis » Hybride hétérogène Hybride homogène
47.– Ces deux phénomènes génétiques peuvent être con-
sidérés comme des aspects inverses du fonctionnement
génétique des espèces allogames. 50.– De plus, les lignées étant fixées par leur homozygo-
ties et pouvant être maintenues identiques (par autofé-
a) La dépression de vigueur due à la consanguinité ou « condations ou multiplications en isolement, à l’abri
effet d’inbreeding » d’autre pollen), le croisement annuellement répété des
48.– Les plantes allogames se reproduisent normalement lignées permettra d’assurer la stabilité dans le temps des
par hybridations permanentes entre elles, se rapprochant hybrides ainsi créés et perpétués.
de la panmixie (= croisement universel). Si on leur 51.– Homogénéité et stabilité, deux propriétés essentiel-
impose un régime de reproduction consanguine (autofé- les pour des variétés agricoles, sont donc apportées par
condation, croisement frère x sœur, ou tout autre mode l’hybridation de lignées consanguines. Mais ces caracté-
de reproduction entre plantes apparentées), les popula- ristiques qui sont apportées par le croisement de

16

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

d’inbreeding, mais par rapport aux populations alloga-


année n AA x aa Aa 1re production mes dont ont été extraites ces lignées.
d’hybrides
53.– Les causes génétiques de l’effet d’hétérosis sont com-
plexes et s’analysent par opposition à celles qui provo-
maintien quent la dépression de vigueur due à la consanguinité :
des lignées parentales – effets de masquage de gènes récessifs défavorables dans
par autofécondation ou
reproduction séparée des plantes hétérozygotes ;
en isolement – interactions positives entre les gènes apportés par les
deux parents : outre la supériorité fréquente des hété-
rozygotes sur les homozygotes parentaux (effets de
année dominance ou de superdominance), la plus grande
n+1 AA x aa Aa 2e production richesse génétique des hybrides leur permet d’avoir un
etc. d’hybrides
fonctionnement génétique plus efficace. Cet avantage
des hybrides se traduit par l’homéostasie, souplesse
n’importe quelles lignées 2 à 2, ne sont pas suffisantes génétique leur permettant de mieux s’adapter que les
pour qu’un hybride ait un intérêt pratique. Il faut de plus lignées aux variations du milieu et d’avoir ainsi un
que l’hybridation confère des caractéristiques biologi- comportement plus stable. (Pour chaque gène une
ques et techniques (vigueur - fertilité - résistances…) lignée pure n’apporte qu’une réponse génétique, celle
recherchées par les utilisateurs. de l’allèle qu’elle porte ; l’hybride, par son hétérozygo-
Liste tie, peut en apporter deux).
Cette propriété nécessaire des hybrides est apportée par
le phénomène d’hétérosis. 54.– Toutefois, l’importance de l’hétérosis peut être
extrêmement variable selon les couples de lignées croi-
b) La « vigueur hybride » ou « hétérosis » sées. L’hétérosis moyen, supériorité de la moyenne des
Ta b l e hybrides produits par rapport aux lignées extraites sans
52.– L’hétérosis est le phénomène génétique inverse (ou
sélection de populations allogames, est égal à l’effet
réciproque) de l’effet d’inbreeding. Il se présente comme
d’inbreeding moyen supporté au préalable par ses lignées
une stimulation due à l’hétérozygotie (d’où vient le
: cet hétérosis moyen n’a donc pas d’intérêt pratique.
terme « hétérosis »), dont l’expression pratique est la
vigueur des hybrides : La sélection améliorante cherchera à créer et à identifier
Index les meilleures combinaisons entre lignées. L’hétérosis
– au plan génétique, l’hétérosis se traduit par un avantage utile est donc la supériorité du meilleur hybride par rap-
de l’hétérozygote par rapport à la moyenne des homo- port à la valeur moyenne des populations de départ : il
zygotes parentaux (dominance) ou même sur le mesure le gain génétique réalisé au cours des opérations
meilleur des deux parents (superdominance) ; successives de consanguinité et d’hybridation. En
Glossaire – au plan agronomique, la vigueur hybride recherchée est somme, l’obtention de cet hybride est le moyen de fixer le
une supériorité, non seulement par comparaison aux meilleur génotype pouvant exister dans les populations
lignées parentales, qui sont affaiblies par l’effet parentales (fig. 12).
Vigueur

meilleur hybride

effet
d'inbreeding

effet
Populations d'hétérosis
d'origine Populations
d'hybrides

consanguinité hybridation

Populations de lignées
(homozygotes)
Temps

Fig. 12. – Évolution de la vigueur dans une population soumise successivement à une phase de consanguinité (création de
lignées) puis à l’hybridation entre les lignées obtenues

17

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
C. Méthodes de sélection relles ou artificielles. Le choix de ces plantes est réalisé sur
des espèces allogames leur phénotype et également sur le comportement de leur
première descendance. Un système de consanguinisation est
55.– La création de variétés hybrides F1, issues du croise- alors appliqué : il s’agit généralement de l’autofécondation
ment de lignées pures est la voie la plus perfectionnée et ou éventuellement du croisement intrafamilial frère x sœur,
généralement la plus efficace d’amélioration des espèces qui est toutefois 3,3 fois plus lent en moyenne que l’autofé-
allogames car elle est la seule méthode permettant d’exploi- condation pour la réalisation de l’homozygotie.
ter complètement le phénomène d’hétérosis. Cependant, sa
complexité et sa durée, et par conséquent son coût, et la La consanguinité qui s’établit progressivement permet l’ana-
nécessité de disposer de « systèmes d’allogamisation » com- lyse génétique des lignées et conduit à les « débarrasser »
plète (ex. stérilité mâle ou castration) ne permet pas actuel- d’allèles défavorables qui peuvent s’exprimer dans des struc-
lement de l’utiliser chez toutes les espèces cultivées. tures homozygotes et donnent ainsi prise à la sélection.
D’autres méthodes, moins performantes au plan généti- Au long de cette phase de consanguinisation, le choix des
que, mais techniquement plus faciles ou moins coûteu- futurs parents d’hybrides s’effectue progressivement.
ses, pourront alors être utilisées : Les générations de lignées successives (I1 - I2 - I3…) sont
– amélioration de populations existantes ; conduites en sélection généalogique : des individus choi-
sis dans les meilleures lignées « jeunes » puis des lignées
– création de variétés-populations synthétiques.
entières sont retenues.
Enfin une autre voie, inutilisable dans l’état actuel des
59.– La sélection des lignées sur leur valeur propre peut
techniques requises, pourrait apparaître à l’avenir : la
être efficace pour certains caractères : précocité, résis- Liste
production de semences « artificielles », véritables clones
tance aux parasites, mais elle présente des limites et de
reproduits par graines résultant d’embryogénèse somati-
nombreuses difficultés ; en effet :
que (cf. fasc. 2350).
– la dépression générale de vigueur qui les affecte modifie
l’expression de nombreux caractères ;
1. La création de variétés hybrides – il n’y a pas de corrélation assurée entre la valeur des Ta b l e
a) Propriétés des variétés hybrides lignées et celle des hybrides qu’elles peuvent donner ;
56.– Elles sont mentionnées au tableau de la figure 13. – les meilleurs hybrides sont fréquemment obtenus par la
combinaison de lignées très différentes.
Avantages Inconvénients Il est par conséquent nécessaire de créer des lignées en
I n dex
Pour le sélectionneur partant de groupes génétiques éloignés et de compléter la
sélection directe des lignées par l’étude de leur valeur en
• Possibilités d’association • Complexité et longueur du
dans un génotype hybride de cycle de création des lignées combinaison.
caractères provenant de parentales et des hybrides.
parents distincts. • La sélection des lignées sur leur valeur hybride
• Protection de la variété: le • Introduction obligatoire Glossaire
sélectionneur possédant les chez l’un des parents d’un 60.– Pour la détection de l’aptitude générale à la combi-
lignées parentales contrôle la système rigoureux de contrôle naison des lignées, chaque lignée à étudier est croisée par
multiplication de la variété. de l’hybridation. un testeur. L’analyse des descendances des croisements
• Obligation de
réapprovisionnement continu • Contraintes et coût de la permet de repérer les lignées ayant une bonne aptitude
en semences pour les production des semences. moyenne à transmettre des caractères favorables déter-
utilisateurs permettant la
rentabilisation de la sélection. minée par les effets génétiques de type additif (fig. 14).
Pour l’utilisateur (producteur agricole) Les testeurs destinés au premier tri des lignées ont de
préférence une base génétique large, telles que des popu-
. Valeur agronomique • Coût relativement élevé des
générale: semences en raison des frais lations qu’il est difficile cependant de conserver sans
(vigueur - adaptation - de sélection et de production variation. Ces partenaires peuvent être aussi des hybrides
résistances) des semences.
• Homogénéité variétale, • Achat obligatoire des simples ou un ensemble de lignées.
facilitant toutes les opérations semences et dépendance d’un
culturales. système commercial en raison 61.– Deux tests principaux sont utilisés :
• Stabilité dans le temps et de l’impossibilité de – le test top-cross : chaque lignée est croisée par un testeur
l’espace. reproduire les variétés à la
ferme. identifié et qui sera le même pour toutes les lignées ;
Fig. 13. – Propriétés des variétés hybrides
– le test polycross : l’ensemble des lignées est placé en
interfécondation : chacune d’elles étant ainsi croisée
avec l’ensemble des autres qui constitue le testeur.
b) Méthodologie de la création des variétés hybrides Les lignées ayant montré une bonne aptitude générale à
57.– Elle comporte essentiellement 3 phases : la combinaison sont croisées entr’elles 2 à 2 au cours du
– l’obtention des lignées ; test diallèle. L’étude des descendances de ces croisements
– la recherche des aptitudes à la combinaison des lignées ; permet d’apprécier l’aptitude spécifique à la combinaison
– la réalisation des hybrides. des couples de lignées. Cette aptitude particulière qui
permet ainsi d’identifier les meilleurs hybrides résulte
• L’obtention des lignées des complémentations et des interactions entre partenai-
58.– La création de lignées commence par la sélection d’indi- res et est principalement influencée par les effets généti-
vidus de départ, têtes de familles, dans des populations natu- ques de dominance et d’épistasie.

18

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

• La réalisation des hybrides limité et contrôlé, permettant ainsi une certaine exploita-
62.– L’appellation d’hybrides F1 est en principe réservée tion de l’hétérosis et une relative stabilité de la variété au
aux seuls hybrides résultant du croisement de lignées cours du temps.
pratiquement pures, résultant de 7 à 8 générations La quasi-totalité des cultivars utilisés chez les espèces
d’autofécondation au minimum. Cependant, dans cer- fourragères (graminées et légumineuses prairiales) sont
tains cas et notamment chez les espèces légumières, le des variétés synthétiques. D’une manière générale, ce
niveau d’homozygotie est beaucoup moins important et type de variété est surtout recherché lorsque l’état des
le terme peut alors prêter à confusion. techniques de sélection ou leur coût ne permet pas
Lorsque les lignées sont fixées par l’homozygotie, la dépres- l’emploi de méthodes de sélection plus performantes tel-
sion de vigueur consanguine qui les affecte, rend parfois la les que par exemple la création de variétés hybrides : con-
production de semences hybrides très onéreuse, en raison trôle incomplet des systèmes d’hybridation (auto-incom-
du coût de reproduction par autofécondation des lignées patibilité-stérilité mâle…) - difficultés d’obtention ou de
chétives et de leur faible rendement en semences. maintien de lignées pures.
Il est alors possible de réduire ces inconvénients, au b) Principes de créations des variétés synthétiques (Fig. 16)
détriment toutefois d’une part de l’homogénéité et par- 67.– La création et la production des variétés synthéti-
fois de la vigueur des hybrides, par la création : ques comprennent trois étapes principales.
– d’hybrides trois voies : hybride simple (femelle) X • La sélection des parents
lignée (mâle) ;
68.– Les plantes parentales sont choisies dans des popu-
Liste – d’hybrides doubles : hybride simple X hybride simple. lations et parfois soumises à une phase limitée de con-
63.– La recherche des meilleurs hybrides trois voies ou sanguinité de façon à les épurer et à mieux étudier leurs
hybrides doubles est délicate, en raison du nombre de aptitudes, qui sont appréciées à la fois sur leurs valeurs
combinaisons possibles, même avec un petit nombre de propres et sur leurs aptitudes à la combinaison avec
lignées : par exemple avec n lignées : d’autres plantes parentales.
Ta b l e
n(n-1) hybrides simples possibles • Intercroisement initial et maintien des parents
2 (ex : 45 pour n = 10 ; 435 pour n = 30…) ; 69.– Lorsqu’un groupe de parents, fréquemment de 4 à
n(n-1) (n-2) (n-3) hybrides doubles 12, a été identifié, l’intercroisement libre de ces parents
fournit la base génétique de la variété (polycross initial
Index 8 (ex : 630 pour n = 10 ; 667 720 pour n = 30…). ou synthétique o). La constance ultérieure de la variété
64.– Il a été nécessaire de rechercher des formules perme- synthétique est recherchée :
tetant de prévoir la valeur des hybriedes doubls à partir de – soit en conservant les plantes parentales par clonage ou
différents hybrides simpls réalisables avec les lignées. multiplication consanguine (ex. : croisement frère x sœur) ;
Glossaire Exemple : formule de JENKINS : – soit en produisant d’emblée une quantité importante
(AxB) x (CxD) = AxC + AxD + BxC + BxD de semences par intercroisement, et en commençant
ensuite chaque année la multiplicaiton de la variété en
4 prélevant une fraction des semences conservées.
Le rendement de l’hybride double est égal à la moyenne • Multiplication de la variété
des rendements de quatre hybrides simples non paren-
taux. 70.– La variété synthétique est obtenue en multipliant le
produit du polycross initial durant un nombre de géné-
Les hybrides doubles et trois voies qui ont été très utilisés, rations de reproduction qui est constant pour une variété
notamment pour l’amélioration du maïs, sont progressi- déterminée.
vement supplantés par les hybrides simples, plus homo-
gènes et plus performants. Ce nombre varie de 3 à 5 et dépend du coefficient de
multiplication de l’espèce : il est déterminé de manière à
65.– Il existe donc plusieurs types d’hybrides, mais seuls réaliser l’amplification de la variété, depuis la petite
les hybrides F1 de lignées pures exploitent complètement quantité de graines produites par l’intercroisement initial
les propriétés génétiques et agronomiques de ce modèle des parents jusqu’au tonnage de semences nécessaires
variétal (fig. 15) chaque année pour la commercialisation de la variété.

2. La création de variétés synthétiques 3. Les variétés populations


a) Définition et caractéristiques a) Caractéristiques
66.– La variété synthétique est une population artificielle 71.– Les populations ne sont plus guére utilisées comme
obtenue par multiplication en croisements d’un nombre variétés cultivées chez les grandes espèces agricoles. En
limité de parents, sélectionnés sur leurs valeurs propres revanche, elles sont parfois le seul type variétal chez cer-
et leurs aptitudes à la combinaison. taines espèces d’intérêt agricole mineur pour lesquelles
Le contenu génétique et le comportement des variétés l’intensification génétique ne présente pas un intérêt
synthétiques se rapprochent de ceux des populations majeur (ex. : plantes condimentaires, médicinales ou
naturelles. Elles en diffèrent cependant par l’utilisation aromatiques), ou qui ne permettent pas de rentabiliser
permanente des mêmes parents, dont le nombre est un effort de sélection long et coûteux.

19

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341

Sélection "de départ"


dans les populations
ou des hybrides préexistants

AUTOFÉCONDATIONS
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Autofécondations
(réalisations progressives des lignées)

AUTOFÉCONDATIONS
Testeur

Descendances
Testeur x lignées

AUTOFÉCONDATIONS
Liste
Testeur

Tests de valeur en
combinaison des lignées :
Descendances - Top-croos
Testeur x lignées (x testeur commun) Ta b l e
- Polycross
- Diallèle

AUTOFÉCONDATIONS
Testeur

I n dex

Descendances
Testeur x lignées

Glossaire
AUTOFÉCONDATIONS

AUTOFÉCONDATIONS Testeur de
valeur en
combinaison
AUTOFÉCONDATIONS (diallèles)

Croissement des meilleures


lignées choisies sur leur valeur
propre et leur valeur en
combinaisons hybrides

Fig. 14. – Schéma de sélection généalogique améliorante. Création d’hybrides contrôlés


Chez des espèces agricoles ou horticoles ou forestières b) Méthodes de sélection
plus importantes, dont l’amélioration a été entreprise 72.– La majorité des variétés populations n’ont pas fait
assez récemment ou qui posent des problèmes de sélec- l’objet d’une véritable création variétale, elles résultent
tion particulière, les variétés populations peuvent coha- souvent d’une épuration et d’une stabilisation d’ancien-
biter avec des variétés plus élaborées mais plus coûteuses nes variétés cultivées obtenues par sélection empirique.
à obtenir et à multiplier (ex. : variétés hybrides ou syn-
thétiques) ; ainsi chez certaines espèces légumières 73.– L’obtention et le maintien ultérieur des variétés
(chou, chou-fleur, cornichon, épinard) ou florales, les populations sont généralement assurés par l’une des
variétés populations sont conservées pour le marché des deux méthodes suivantes :
amateurs et jardiniers, qui est parfois très important, • Sélection massale
alors que des variétés hybrides sont utilisées par les pro- – obtention de la variété : des plantes jugées supérieures
ducteurs professionnels, plus exigeants. sur leur apparence et leur comportement individuel

20

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

vigueur IV. SÉLECTION CRÉATRICE CHEZ LES ESPÈCES


générale Homo-
(exploitation généité Stabilité À REPRODUCTION VÉGÉTATIVE
de l’hétérosis)

Hybrides de populations ± – – A. La reproduction végétative et ses


ou de familles (incomplète) (médiocre) (médiocre) conséquences génétiques : les variétés-clones
Hybrides de lignées
partiellement consanguines
± ± ± 74.– La reproduction végétative est une multiplication
perpétuelle, par une série de mitoses suivie de fragmen-
Hybrides de clones
(parents non lignées maintenus
± ± + tations individualisant des organes de multiplication.
par voie végétative) (bonne)
Elle conserve donc l’intégrité génétique des plantes, à la
Hybrides doubles ± ± ± différence de la reproduction sexuée qui, par la méiose,
(croisement de 2 entraîne généralement des modifications génétiques
hybrides F1)
dans les descendances, sauf dans le cas des lignées pures.
Hybrides Hybrides trois-voies
de lignées (croisement
+ + + 75.– Chez les espèces cultivées se reproduisant par voie
pures d’hybride par lignée)
végétative, les variétés cultivées sont presque toujours des
Hybrides simples
(croisement
++ ++ ++ clones, ou quelquefois des mélanges de clones très voisins.
de 2 lignées pures) (très bonne)
Un cultivar-clone est un ensemble de plantes génétiquement
Fig. 15. – Propriétés des différents types d’hybrides identiques, parce qu’elles proviennent d’une même plante-
Liste
mère par une succession de cycles de reproduction végétative.
Avantages Inconvénients
76.– Un clone est en fait la multiplication d’une cellule ini-
tiale, celle d’un zygote provenant d’une rencontre gaméti-
– Coût de semences – hétérogéneité de variété que unique : tous les clones sont donc génétiquement diffé-
relativement faible rents, comme le sont tous les individus d’une population.
Ta b l e – plasticité de la variété –performances moyennes
– possibilité de reproduction
Les plantes constituant un clone sont donc des copies
–risques d’évolution de la d’un génotype unique.
(limitée) par l’utilisateur sans variété à long terme en cas
risques d’évolution de perte ou d’instabilité de
importante ni rapide 77.– Les cultivars-clones présentent de très nombreux
certains parents
avantages :
Index – ils sont parfaitement homogènes et stables. Seules les
sont sélectionnées dans des populations locales ou
dans des populations artificielles. Elles sont ensuite mutations, par leur accumulation au cours des cycles,
multipliées en isolement. peuvent modifier progressivement, mais très lente-
ment, leur composition génétique ;
– maintien de la variété : elle est assurée par l’élimination
continue de plantes inférieures ou hors-types, c’est-à- – ils sont aisément reproduits. Le prélèvement d’une partie
Glossaire de la production perpétue un clone à l’identique, sans les
dire s’écartant du comportement standard de la
variété. contraintes d’isolement qui caractérisent la reproduction
des variétés chez la plupart des espèces à reproduction
• Sélection généalogique sexuée, surtout lorsqu’elles sont allogames.
L’obtention de la variété comprend aussi une sélection 78.– Les cultivars-clones ont aussi des inconvénients :
sur le phénotype (massale) mais elle est complétée pour
une sélection sur les descendances des plantes initiale- – les organes de la multiplication végétative, générale-
ment choisies. ment aqueux, sont plus encombrants, plus vulnérables
et plus difficiles à conserver que des graines. Ils trans-
– Dans le cas de la sélection généalogique maternelle mettent aussi parfois un arrière-effet physiologique des
directe, les plantes ainsi retenues après observation de plantes-mères sur leurs descendances ;
leurs descendances sont reproduites en interféconda-
tion pour obtenir la variété. – le coefficient de multiplication végétative est souvent
faible, de quelques unités à quelques dizaines (ex. : 8 à
– Dans le cas de la sélection généalogique avec multipli-
10 chez les pommes de terre, 5 à 10 chez de nombreu-
cation, ce sont les descendances sélectionnées qui sont
ses espèces florales à bulbes…). Les nécessités de la
multipliées en interfécondation pour constituer la
reproduction entraînent donc un prélèvement parfois
variété.
important sur le produit de la culture. Par ailleurs les
– Différentes variantes de ces deux méthodes, adaptées à délais pratiques de multiplication des nouvelles varié-
la biologie florale de chaque espèce, peuvent être mises tés avant leur mise à disposition des utilisateurs sont
en œuvre. très longs (8 à 15 ans) ;
– Le maintien des variétés est assuré par sélection mas- – les clones sont particulièrement exposés à des dégéné-
sale ou également parfois par sélection généalogique. rescences de nature parasitaire, notamment celles pro-
voquées par les virus. En effet, ces parasites, souvent
arrêtés lors de la formation des gamètes précédant le
passage à la graine, sont ici préservés ;
– ces deux derniers inconvénients expliquent le succès
des techniques de multiplication végétative artificielle,

21

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341

Sélection de parents

Sélection
créatrice

P1 P2 P3 P4 Syn 0

Interfécondation libre de
plusieurs parents (ex. 4 à 10)

Syn 1 Sélection
conservatrice
Liste

Syn 2
Ta b l e

Syn 3 (ou 4)
Variété synthétique I n dex
(= population artificielle)

Glossaire

Fig. 16. – Principes de création et deproduction des variétés synthétiques

Avantages Inconvénients potentiel de totipotence des cellules végétales. Les systèmes


de multiplication végétative sont très variés :
– Semences peu coûteuses – hétérogénéiité
– bonne adaptation – performances moyennes
• Bouturage
– reproduction possible par – adaptations parfois étroite – par boutures feuillées (ex. : fraisier, ananas, cacaoyer,
l’utilisateur à des milieux particuliers certains caféiers, nombreuses espèces ornementales
– hétérogénéité permettant (écotypes)
(géranium…) ;
des productions échelonnées – risques d’instabilité au
(légume pour jardins cours du temps (dépend de la – par fragments de tiges (ex. : manioc, canne à sucre) ;
amateurs ou diversifiées qualité de la sélection
(productions florales) parfois co,nservatrice car la variété – par drageons ou œilletons latéraux partant de rhizomes
recherchées est reconstruite à chaque ou de la base des plantes (ex. : artichaut, bananier,
génération)
nombreuses graminées).
• Formation de bulbes ou de caïeux
appelées micropropagation « in-vitro », qui permettent – ex. : échalote, ail, tulipe, iris, glaïeul…
d’accélérer la reproduction des clones dans des condi-
tions évitant normalement les contaminations. • Formation de tubercules
D’autres biotechnologies telles que les cultures de (extrémités de tiges souterraines)
méristèmes ou la thermothérapie permettent même de – ex. : pomme de terre (fig. 17), topinambour, dalhia…
régénérer des clones atteints (cf. fasc. 2350).
• Greffage
– ex. : rosacées fruitières (pommier, poirier, pêcher) -
B. Les modalités de reproduction végétative vigne - citrus - avocatier - manguier…
79.– La majorité des espèces, cultivées et spontanées, possè- Le greffage, à la différence des sytème s précédents, n’est
dent des capacités de multiplication végétative, résultant du pas une multiplication végétative spontanée mais requiert

22

Document à usage pédagogique


2341TA SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice

une intervention humaine. Les porte-greffes peuvent être C. Méthodes générales d’amélioration
eux-mêmes multipliés par clonage, ou par semis. 80.– Dans ses principes, l’amélioration des espèces à mul-
• Semences apomictiques tiplication végétative est facile puisque tout génotype nou-
Chez certaines espèces de graminées (ex. : panicum, veau obtenu est d’emblée fixé et reproductible à l’identique.
paturins) plusieurs citrus (oranger, citronnier…) et de
nombreuses espèces sub-spontanées (framboisier, ronce) 1. Création de nouveaux clones
les semences ne résultent pas, en dépit des apparences, 81.– L’obtention de nouveaux génotypes, extrêmement
d’une véritable reproduction sexuée, mais proviennent variés, est assurée par le passage à la reproduction sexuée.
d’un développement parthénogénétique de cellules Les clones sont en effet très hétérozygotes et le croise-
sexuelles autres que des gamètes, entraînant un clonage ment de clones différents ou même leur autofécondation
par graines. provoquent, par recombinaisons génétiques, la produc-
Les tentatives de production de semences artificielles par tion d’une très grande diversité dans la descendance, dès
embryogénèse somatique visent aussi à conjuguer les la première génération.
avantages de la graine (miniaturisation, possibilités de 82.– Il est ensuite nécessaire de multiplier ces génotypes
conservation) et ceux de la multiplication végétative nouveaux par la voie végétative naturelle, les transfor-
(reproduction à l’infini d’un même génotype). mant ainsi en de nouveaux clones sur lesquels portera la
sélection. Cette 2e phase est généralement longue car il
est nécessaire d’obtenir plusieurs centaines de plantes de
chaque clone pour pouvoir réaliser un choix sur les
Liste
caractères d’importance agronomique (ex. : fig. 17, sélec-
tion créatrice chez la pomme de terre).

Année Ex. d’effectifs observés et selectionnés dans une station de sélection Opérations
Ta b l e 0 serre : 500 croisements x 100 graines = 50 000 graines produites création des génotypes

1 serre : 50 000 semis –> 1 tubercule/plante –> 40 000 plantes produites Sélection sur:
2 champ : 40 000 plantes (6 à 7 tubercules) –> 4 000 retenus caractères individuels
3 champ : 4 000 clones de 6 plantes –> 800 retenus (forme, couleur...
4 champ: 800 clones de 30 plantes –> 200 retenus du tubercule)
Index champ : 200 clones de 100 plantes –> 100 retenus Sélection sur:
5
6 champ :100 clones de 150 plantes –> 50 retenus - rendement
- qualité
7 champ: 50 clones de 500 plantes –> 20 retenus - adaptation aux milieux
8 champ: 20 clones de 1 500 plantes –> 2 à 3 retenus - etc.

Glossaire 9 champ: Expérimentation officielle –> 2 à 3 retenus


10 champ: pour inscription au Catalogue –> 1 à 2 inscrits
variétés-clones

v|
COMMERCIALISATION

Fig. 17. – Démarche de la sélection pour la création de variétés-clones : exemple de la pomme de terre

83.– L’introduction de la reproduction sexuée est parfois que est ensuite fixée et perpétuée par la reproduction
difficile chez les espèces où cette fonction est dégénérée. Il végétative.
est alors nécessaire de rétablir ou d’améliorer la floraison et • La sélection clonale
la production des graines par des artifices techniques (ex. :
85.– Les clones cultivés depuis très longtemps ont pu
suppression de la tubérisation, greffage sur une autre espèce,
accumuler des mutations ayant progressivement créé une
fécondation in-vitro…) ; ou physiologique (modification
diversité génétique limitée. Par ailleurs, certaines variétés
de l’environnement, de la photopériode, etc.).
anciennes peuvent ne pas provenir d’un individu unique
Cette phase de création de variabilité pose évidemment mais de quelques génotypes voisins. La séparation de clo-
moins de problèmes lorsque l’espèce, bien que habituelle- nes proches et l’identification de formes supérieures peu-
ment propagée par voie végétative, a conservé son potentiel vent être réalisées par sélection.
de reproduction sexuée (ex. : arbres fruitiers, vigne). En général, les progrès apportés par sélection clonale ont
été très limités.
2. L’amélioration des clones existants • La mutagenèse
86.– La mutation provoquée a connu ses principaux suc-
84.– La correction de défauts limités ou la recherche de cès chez les espèces à reproduction végétative, lorsqu’elle
caractères nouveaux à déterminisme génétique simple, a été utilisée pour rectifier un ou quelques caractères
peut être entreprise sur des clones existants. En effet, simples sans altérer le reste du génotype. Elle a cependant
toute amélioration introduite, si elle est de nature généti- pour caractéristique d’être entièrement aléatoire et de

23

Document à usage pédagogique


SÉLECTION VÉGÉTALE II. Sélection créatrice
TA 2341
provoquer fréquemment la formation de chimères (asso- sélection végétale est assurée en France par des organis-
ciation de tissus génétiquement différents), qui peuvent mes publics ou des sociétés privées :
se perpétuer par voie végétative mais aussi parfois faire
retour à la forme primitive. – la recherche publique est assurée en France par l’INRA
(département de génétique et d’amélioraton des plan-
Les nouvelles méthodes de mutagénèse in-vitro permettant tes) principalement pour les espèces de climat tem-
d’exposer aux agents mutagènes des fragments végétaux très péré, et par le CIRAD (centre international de recher-
réduits, et parfois même des cellules isolées ou des proto- che agronomique pour le développement) pour les
plastes, limitent les risques de formation de ces chimères. cultures exotiques. Son rôle est d’apporter et d’éprou-
ver de nouvelles méthodologies d’amélioration des
V. CONCLUSION espèces et aussi de réaliser la création de variétés chez
les espèces pour lesquelles la rentabilité des opérations
87.– L’amélioration génétique des espèces cultivées est de sélection n’est pas assurée ;
l’une des principales voies du progrès agronomique. Il est
– la recherche privée est réalisée par un grand nombre
généralement admis qu’elle contribue pour environ 50 % à
d’établisssements de sélection dont le nombre a cepen-
l’amélioration de la productivité des principales cultures.
dant fortement diminué au cours des deux dernières
Mais son rôle dépasse la simple augmentation quantita- décennies, à la suite de concentrations. Ces regroupe-
tive des productions. Elle a aussi permis en modifiant les ments ont entraîné la création de puissants groupes de
exigences écologiques des plantes, en renforçant leurs l’industrie des semences, se situant parfois proches des
résistances aux adversités… l’acclimatation puis le déve- principales firmes mondiales (ex. : Limagrain), et par-
Liste
loppement de cultures nouvelles qui ont occupé, au tageant le marché des semences avec de nombreuses
cours des dernières décennies une place croissante (maïs, filiales de groupes multinationaux, dépendant souvent
tournesol, soja…). Pouvant être une source de pollution de sociétés de l’industrie chimique, pharmaceutique
dans la mesure où elle permet l’intensification des pro- ou pétrolière.
ductions, elle contribue aussi à la protection de l’envi- Ta b l e
ronnement en rendant possible le renforcement du 89.– Le développement et le dynamisme de « l’industrie
potentiel génétique de résistance des plantes à leurs para- génétique » répond à l’intérêt croissant des agriculteurs
sites et prédateurs. pour l’innovation variétale. Les producteurs les plus per-
formants considèrent en effet que la variété la plus adap-
88.– Activité orientée vers l’innovation génétique, met- tée représente le facteur de production le plus efficace et
tant en œuvre des disciplines scientifiques variées, la en général le moins coûteux. I n dex

Glossaire

24

Document à usage pédagogique

Vous aimerez peut-être aussi