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IUC / ICIA Année Académique 2017/2018

BANQUE Niveau : Licence


CHAPITRE 2
PRATIQUE DU MÉTIER DE LA MICROFINANCE

Les institutions de microfinance ont besoin de professionnels qualifiés, disposant des


compétences clés pour faire fonctionner leur établissement. Pourtant se former aux métiers de
la microfinance est difficile sauf à l’occasion de conférences d’illustres acteurs d’organismes
internationaux ou en lisant sur Internet sur le portail de la Microfinance. Les aspects pratiques
apparaissent souvent comme un domaine de spécialistes interdit aux profanes, ou encore
comme la chasse gardée de grandes organisations en lien avec des gouvernements.
Aujourd’hui comme avant, la pratique de le principal métier de la microfinance se résume au
crédit et à l’épargne. Mais il faut désormais y associer des nouveaux produits et services
financiers et non financiers.

I. LES PRODUITS FINANCIERS DE LA MICROFINANCE

La microfinance, de manière générale, est une aide destinée aux personnes en situation
de marginalisation financière, ou encore d’exclusion financière. Différentes sortes de produits
financiers adaptés à ces personnes ont alors vu le jour.

I.1. Le microcrédit

I.1.1. Définition

C’est un prêt de faible montant destiné aux personnes qui n’ont pas accès au circuit
bancaire classique et qui ont un projet de création d’entreprise. Il peut également être défini
comme un prêt à la création ou au développement de très petites entreprises pour des publics
non éligibles au système bancaire, faute de garanties réelles ou d’apport personnel suffisant.

I.1.2. Caractéristiques

Les microcrédits se distinguent des crédits classiques offerts par les banques. Même
s’ils peuvent être différents d’une IMF à une autre ou d’un pays à un autre, les microcrédits
ont des caractéristiques communes :

 Le montant faible du microcrédit ;


 La courte durée de remboursement ;
 La clientèle ;
 Le taux d’intérêt (vision institutionnelle et vision welfariste) ;
 La destination des microcrédits ;

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 Les techniques d’octroi et de recouvrement face à l’absence de garanties (la relation de
proximité et les crédits de groupe solidaire, la technique du crédit progressif).

I.1.3. Typologie

a. Le microcrédit individuel

Ici, le prêt est accordé à une personne en se basant sur sa capacité à présenter les
garanties de remboursement et un certain degré de sécurité de l’institution lui octroyant le
crédit. Ce type de crédit a un but précis, il n’est pas possible d’en faire un usage libre comme
le crédit solidaire. Il sert à financer un projet en particulier. L’IMF est alors directement en
charge de la sélection de ses emprunteurs, elle ne repose plus sur un mécanisme d’auto
sélection. L’octroi de ce crédit dépend donc de deux choses : la capacité de remboursement du
client et ses garanties.

La capacité de remboursement dépend de la pertinence de son projet d’investissement


(information hard) tandis que la garantie peut vêtir la forme d’une garantie physique, d’une
épargne obligatoire ou d’une garantie morale (information soft). La technique du crédit
progressif est également une forme de garantie.

b. Le microcrédit solidaire

Il consiste à s’appuyer sur un mécanisme de groupes composés généralement de quatre


à cinq emprunteurs afin de compenser l’absence de garanties matérielles de ces individus.
Chacun se porte « caution solidaire » pour les autres dans le sens où si l’un des membres ne
rembourse pas son prêt, les autres doivent le faire pour lui. C’est donc au groupe lui-même
qu’est transféré le risque de non remboursement. Bien que les prêts soient accordés
personnellement, les sanctions en cas de non remboursement quant à elles, concernent le
groupe. Elles sont bien souvent sous forme de suspension de nouveaux prêts.

La pression sociale fait donc que chacun rembourse car aucun ne veut être celui qui
pénalise les autres, et ils ont alors tout intérêt à surveiller et écarter eux-mêmes ceux qui sont
susceptibles de ne pas pouvoir rembourser : les emprunteurs à haut risque. Ce principe de
responsabilité collective du groupe et cette sélection des membres par le groupe lui-même
résout le problème d’asymétrie d’information de la banque, c’est-à-dire son manque de
renseignements sur les emprunteurs, et diminue les risques de sélections adverses, d’aléa
moral, le cout de l’audit, et permet un meilleur respect des contrats. Ce mécanisme de caution
solidaire permet un très fort taux de remboursement (proche de 100%) et une baisse des couts
de transactions connues pour être important.

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En effet, le fait que ce soit les membres du groupe qui sélectionnent les emprunteurs,
évite à l’établissement de crédit toute recherche et analyse coûteuse pour connaitre les
informations sur le client et ainsi lui permettre d’économiser les couts d’instruction d’un
dossier. L’autre avantage du micro-crédit solidaire est son rôle positif sur la société avec ce
mécanisme de solidarité qui permet de créer et développer des liens, voire des amitiés au sein
du groupe des cautions solidaires.

I.2. La micro épargne

I.2.1. Définition et caractéristiques

L’épargne est la part des revenus restant disponibles après les dépenses de
consommation courante. Les IMF peuvent être autorisées sous certaines conditions à collecter
l’épargne (2ème catégorie). Toutefois, en raison de la nécessité d’assurer la protection de
l’épargne des pauvres, les États et les banques centrales fixent le cadre dans lequel les IMF
peuvent collecter l’épargne afin d’assurer une protection aux épargnants. La micro épargne
est un service de dépôt qui permet aux micro-épargnants d’épargner des faibles montants
d’argent pour des usages ultérieurs.

Dans bien des cas, les ménages pauvres ont plus besoin des services d’épargne que
ceux de crédit. Les plus démunis veulent surtout sécuriser leur économie. Déposer son
argent, son épargne en sécurité est en effet le plus demandé de tous les services de
microfinance. En l’absence de lieux de dépôt, l’épargne des ménages quand elle, constituée
de petites pièces ou de petits billets doit être cachée dans un jardin, dans le plafond, sous le
matelas,… Pour les personnes pauvres, il est fondamental de disposer d’un endroit sûr pour
conserver leur épargne, cette démarche répond :

- Au besoin de se protéger, la possession et la conservation d’une somme même très


petite n’étant pas sans risque au regard de la perte, du vol, voire d’une agression
physique ;

- Au besoin de s’équiper d’un bien, accumulation des petites sommes pendant une
période plus ou moins longue, permet à l’épargnant de disposer d’un capital le
moment voulu ;

- Au besoin d’anticiper des couts à venir, naissance, mariage, entretien du logement etc

Les banques, mais aussi souvent les IMF ne peuvent (ou ne veulent) généralement pas
répondre à la demande d’épargne pour trois raisons essentielles :

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- La collecte et la gestion de très petites sommes représentent un cout élevé de collecte ;
- L’éloignement des populations ne permet pas aux établissements financiers de se
déplacer pour collecter l’épargne.
- Certaines IMF peuvent ne pas être juridiquement autorisées à collecter l’épargne.

I.2.1. Formes modernes de micro épargne

Dans sa conception traditionnelle, l’épargne apparait beaucoup plus sous la forme de


tontines. Dans sa version moderne cependant, on note entre autres :

 L’épargne obligatoire : étant une des conditions du micro crédit solidaire, elle se
caractérise par des versements obligatoires que doivent réaliser les bénéficiaires d’un
crédit. Son montant dépend donc de celui du prêt accordé et doit être versé avant
l’octroi du crédit, ou au même moment. Elle est restituée à l’emprunteur une fois son
prêt remboursé, mais le crédit étant souvent renouvelé, les clients n’en voient rarement
la couleur. Cette difficulté reste théorique. Cela représente donc pour les individus une
contrainte et surtout un coup d’accès au crédit, plutôt qu’une ressource financière. Elle
doit pouvoir être mobilisable en cas de besoin pour être appréciée. Mais pour l’IMF,
c’est loin d’être une contrainte, au contraire, elle lui permet de se constituer une source
de financement sans cout de collecte et bloquée, d’avoir une garantie facile à mettre en
place, de créer un fonds de réserve.
 L’épargne volontaire bloquée : elle est le deuxième type de produit d’épargne
développé par les IMF. C’est une épargne versée sur un compte bloqué pendant une
durée déterminée pouvant aller de quelques semaines à plusieurs années. Ce compte
doit être régulièrement rémunéré. Les IMF l’apprécient beaucoup car cela leur permet
de pouvoir faire les anticipations et de prévoir et planifier la gestion de la liquidité des
dépôts. Étant bloqué pendant un certain temps, connu de l’institution, elle est
« prêtée » au client désirant un crédit ;
 Les dépôts à vue et les comptes semi-liquides : ici il s’agit des comptes d’épargnes les
plus liquides, ils n’ont aucune contrainte. Les clients y déposent et y retirent de
l’argent comme bon leur semble. Cependant, les IMF imposent souvent des limites
dans le nombre et le montant des retraits. En effet, des mouvements de retraits trop
nombreux, surtout pour de petites sommes, font subir l’IMF des couts de gestion trop
élevés. En plus d’autres désavantages pour l’IMF, les dépôts à vue ne peuvent pas être
recyclés en crédit puisqu’ils n’ont pas de durée déterminés et peuvent donc être retirés
à n’importe quel moment.

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De l’analyse précédente, il ressort que le micro prêt et le micro épargne sont les services
des IMF les plus connus et les plus anciens. Toutefois, la modernisation desdites institutions
s’est faite accompagnée de nouveaux produits financiers.

I.3. Les nouveaux produits financiers de la microfinance

Le secteur de la micro finance a considérablement changé depuis l’époque où les IMF


proposaient un seul produit, le micro crédit à destination d’une seule clientèle, les micros
entrepreneurs. Aujourd’hui, les IMF sont capables de proposer des produits financiers plus
élaborés qui répondent mieux aux besoins de leurs différents segments de clientèles. Au rang
des nouveaux produits mis sur pied par les IMF, on note entre autres la micro assurance et le
crédit habitat.

I.3.1. La micro assurance

Elle consiste à proposer aux ménages à faibles revenus des produits d’assurance
ajustés à leur situation. Ce mécanisme contribue à réduire la vulnérabilité des populations
démunies, particulièrement exposées aux maladies, accidents, décès ou catastrophes
naturelles.

Ceci permet aux ménages de contourner les insuffisances relatives aux mécanismes de
recours informels à la famille ou aux proches. Ceci permettrait aussi d’éviter les conséquences
néfastes d’une crise importante (surendettement, vente des biens de la famille, …). La micro
assurance permet aux individus et aux micro-entreprises de prévoir une provision financière
leur permettant de se protéger contre différents risques non maitrisables. Ce type de service
d’assurance inclut l’assurance-vie, l’assurance-santé et l’assurance-invalidité.

I.3.2. Le crédit habitat

S’agissant du crédit habitat, ce produit financier s’occupe du financement de l’habitat


des populations pauvres. Mais il connait beaucoup de limites.

En effet, les prêts à l’habitat s’avèrent être des prêts de longue durée et ne générant pas
directement des revenus. Le ménage se voit donc prélevé une partie de son revenu afin de
rembourser ce crédit sur le long terme.

Quant-aux IMF voulant proposer ce genre de crédit, elles doivent être capables de
proposer des crédits de très longs termes, et donc de disposer des capitaux nécessaires.
Malheureusement, c’est rarement le cas. Et plus la durée du prêt est longue, plus le risque de
non remboursement est augmenté. Concernant les garanties, elles sont dures à mettre en place,

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car les habitants des pays concernés ne disposent pas de titres de propriétés donc les IMF ne
peuvent appliquer les modes de garantie classiques du crédit habitat qui est le nantissement de
l’habitat financé.

c. Le transfert d’argent

Outre l’activité principale des Institutions de MicroFinance (IMF) qui est de proposer
des microcrédits à leurs clients, services de transfert d’argent sont donc de plus en plus
considérés par les IMF comme un marché potentiel. Ces services sont alors une opportunité
d’offrir un nouveau produit potentiellement rentable. Cependant, à l’international, les IMF ne
sont pas obligatoirement les mieux placées pour gérer ce genre de services. *

En effet celles-ci disposent de réserves de capital limitées ainsi que des liens limités
aux réseaux internationaux. Pour les IMF, la façon la plus simple de s’introduire sur le marché
serait de s’allier avec un acteur spécialisé du secteur (Western Union par exemple). C’est le
cas pour certaines de ces institutions qui servent d’agent pour ces opérateurs internationaux de
transfert d’argent.

d. Le mobile banking

C’est l’innovation en vogue actuellement dans le monde de la microfinance. Le mobile


banking consiste à utiliser le téléphone portable pour faciliter les opérations de transfert avec
les clients et en conséquence, pour réduire les coûts de l’activité.

Ce nouveau service est apparu suite au constat de l’importance du nombre d’utilisateurs


de téléphones portables. En 2008, alors qu’un milliard de personnes possèdent un compte en
banque, trois milliards de personnes utilisent un téléphone portable. Le mobile banking
permet aux populations rurales et isolées d’accéder aux services financiers, de payer leurs
factures ou encore d’obtenir un micro crédit sur place, sans avoir à se déplacer.

II. PRODUITS NON FINANCIERS DE LA MICROFINANCE ET


STRATÉGIE D’INTÉGRATION

Les institutions de microfinance peuvent développer, en complément de leurs produits


classiques, des services non financiers : formation professionnelle, assistance technique,
éducation agricole ou sanitaire. Toutefois, le choix du modèle d’intégration et sa mise en
œuvre doivent être soigneusement adaptés au contexte. L’objectif de cette section est moins
de présenter ces services non financiers, mais plutôt de clarifier sur les stratégies d’intégration

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de ces services dans l’offre de l’IMF. À cet effet, il existe principalement trois modèles
d’intégration : Il s’agit des modèles dits “joint”, “parallèle” et “unifié”.

II.1. Le modèle « joint »

Dans le modèle “joint”, les services sont fournis par deux organisations indépendantes,
l’IMF ne fournissant pas directement de services non financiers mais établissant un
partenariat avec une autre entité, qui s’en charge. Ce modèle est parfaitement approprié
lorsque ces services nécessitent des compétences spécialisées (que l’IMF ne possède pas :
services en matière de santé, assistance technique en agriculture, par exemple). Ce modèle
permet aussi de déterminer le coût exact des services non financiers et de décider de la
meilleure façon de les gérer. Cependant, l’IMF n’a que peu de contrôle sur la qualité des
services de son partenaire.

II.2. Le modèle « parallèle »

Le modèle dit “parallèle” est souvent appliqué aux organisations multiservices (par
opposition aux IMF à part entière). Les services financiers et non financiers sont alors
proposés par la même organisation dans le cadre de différents programmes et sont gérés par
un personnel distinct, spécialisé, qui travaille sous la même enseigne. Par exemple, la
Fundacion para el Desarrollo Integral de Programas Socioeconomicos (FUNDAP) au
Guatemala, ou Interactuar en Colombie, disposent de programmes de formation et de
microcrédit solides, fournis par des départements différents à des clients qui ne sont pas
nécessairement bénéficiaires des deux services à la fois. Ce modèle permet d’employer du
personnel spécialisé et d’avoir un contrôle direct sur chaque programme. Cependant, la
gestion séparée des programmes fait peser un fardeau financier et administratif significatif sur
l’organisation. De plus, “l’approche complète” n’est pas vraiment mise en œuvre car les
services financiers et non financiers sont proposés à des bénéficiaires différents.

II.3. Le modèle unifié

Le modèle “unifié” vise, lui, une complémentarité entre les services financiers et non
financiers en les inscrivant dans un produit hybride que proposera le même personnel. Dans
ce schéma, contrairement aux deux autres modèles, les bénéficiaires de services financiers
sont généralement obligés de souscrire aux services non financiers. Ils incluent généralement
des activités d’éducation, qui se déroulent au cours de réunions de groupe régulières. Un
exemple connu est le modèle “Crédit avec Éducation” développé par Freedom From Hunger.
Il utilise une méthodologie de services bancaires au niveau du village (village banking) : des

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groupes de 15 à 25 femmes se réunissent chaque semaine pour recevoir des services
financiers auprès d’un agent de crédit, qui délivre alors une session de formation de 10 à 20
minutes sur des sujets tels que la santé, la nutrition, le management d’entreprise et la gestion
financière. S’il est bien intégré, ce modèle peut se révéler moins coûteux pour les IMF que les
deux autres : outre les frais de gestion (pour le matériel de formation, la formation des
formateurs, etc.), il ne nécessite du temps supplémentaire qu’à la fin de chaque réunion.
Cependant, la mesure de ce coût supplémentaire est difficile à établir, car tous les services
sont fournis par le même personnel.

Il apparaît de ce qui précède que l’offre des services non financiers par les
établissements de microfinance demeure une utopie dans le contexte camerounais caractérisé
par une population essentiellement « intéressée » et insatiable. Mais aussi par des acteurs de la
microfinance au profil social à améliorer.

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