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Une épistémologie à hauteur d'homme : l'anthropologie

interprétative de Clifford Geertz et son apport potentiel à


la recherche francophone en management
Bernard Leca, Loïc Plé
Dans Management & Avenir 2013/2 (N° 60), pages 35 à 52
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.060.0035
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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management20

par Bernard Leca21 et Loïc Plé22

Résumé

L’anthropologie culturelle de Clifford Geertz constitue l’un des fondements


des approches interprétatives. Au sein de cet ensemble, elle se singularise
toutefois par une radicalité caractérisée par sa modestie à l’égard de la
connaissance produite, la nature de ses liens avec la méthodologie, et le
statut accordé aux résultats de recherche. La première partie de cet article
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vise donc à présenter cette anthropologie et ses particularités. La seconde
propose, à partir d’une analyse bibliométrique, de l’intégrer à d’autres
approches, de manière à en dépasser les limites et à prendre appui sur ses
forces pour enrichir la recherche francophone en management.

Abstract

Clifford Geertz’s cultural anthropology lays the foundations of interpretive


approaches. Yet, it distinguishes itself by a radicality whose main
characteristics are its modesty towards the knowledge produced, the nature
of its links with methodology, and the status granted to research results.
Hence, the first part of this paper aims at presenting this anthropology and its
particularities. The second part proposes to integrate it to other approaches,
in a way that enables to go past its limitations and benefit from its strengths
to fertilize Management research.

La situation de l’approche interprétative dans le monde de la recherche en


management francophone est paradoxale. D’un côté un grand nombre d’études
empiriques se fondent sur ses techniques (études qualitatives approfondies,
compte rendu des justifications que les agents donnent de leurs actes…), d’autre
part elle est peu étudiée. L’article de l’ouvrage de méthodologie dirigé par Thiétart
consacré à l’épistémologie mentionne ainsi l’interprétativisme mais l’essentiel
des développements est consacré au positivisme et au constructivisme (Girod-
Séville et Perret, 1999). En cela la situation de l’interprétativisme contraste
20. Une version précédente de ce texte a été publiée en cahier de recherche enregistré sous les références ‘2007-MAN1’ à l’IESEG
et 2007-29 au LEM (Lille Economie et Management). Les auteurs remercient l’éditeur et les évaluateurs de cet article dont les
commentaires et remarques ont permis de l’améliorer substantiellement. L’ordre des auteurs est alphabétique, ce travail est pleinement
collaboratif.
21. Bernard Leca, IAE de Lille des
Professeur - LEM, UMR 8179
Université, IAE-de
et Lille,
Rouen Business
LEM School,
UMR 8179, Rouen Business School, bleca@iaelille.fr
bleca@iaelille.fr
IESEG School
22. Loïc Plé, Professeur of Management,
associé, IESEG School LEM,
of UMR 8179, l.ple@ieseg.fr
Management, LEM, UMR 8179, CETI, l.ple@ieseg.fr

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60

singulièrement avec celle du constructivisme, une approche, elle, amplement


revendiquée par les auteurs, alors même que selon Charreire et Huault (2001),
ses prescriptions étaient assez peu utilisées en pratique dans les recherches.

Le but de cet article est de proposer une approche synthétique de l’interprétativisme,


de ses concepts et de ses méthodes. Nous pensons qu’une telle approche peut
présenter un intérêt certain pour les nombreux chercheurs dont toute ou partie de
la démarche se rattache à l’interprétativisme « sans le savoir ». Nous avons fait
le choix d’aborder l’interprétativisme à travers la présentation de l’anthropologie
de Clifford Geertz pour plusieurs raisons. D’une part, Geertz est l’un des auteurs
majeurs de ce courant et son travail est à la fois fondateur et très influent. À la
fois théorique, empirique et réflexif, il permet de montrer comment un chercheur
de terrain utilise concrètement les concepts théoriques issus de l’herméneutique
et de la phénoménologie. D’autre part, son travail comprend quelques-unes des
idées les plus provocatrices de l’interprétativisme et s’inscrit en en rupture avec
l’approche fonctionnaliste qui dominait alors en anthropologie, et domine encore
aujourd’hui largement le management (Burrell et Morgan, 1979). Dans ce contexte,
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une approche interprétativiste dans la lignée de Geertz demeure disruptive en
gestion comme le rappelle l’opposition entre Van Maanen (1995), tenant d’une
telle approche, et Pfeffer (1993), tenant d’un scientisme plus rigoureux.

Cet article comprend deux parties. Dans la première, nous présentons


l’anthropologie interprétative développée par Clifford Geertz, à la fois dans ses
fondements et dans ses méthodes. Nous rendons compte, dans la seconde, de sa
réception dans les travaux francophones en management et des aménagements
qui ont été proposés pour faciliter son utilisation en management. Un résumé
de l’ensemble, ainsi que des pistes futures de recherche sont proposés en
conclusion.

1. L’anthropologie interprétative de Clifford Geertz : un


paradigme anthropologique

L’épistémologie interprétative de Geertz est une anthropologie culturelle,


initialement développée en réaction aux courants dominants de son époque
(1.1), avec les méthodes desquelles elle tranche radicalement (1.2). En effet,
Geertz va à l’encontre du mythe du chercheur tout-puissant, qu’il invite à prendre
conscience de ses faiblesses pour littéralement pratiquer une « lecture » des
phénomènes sociaux qu’il étudie.

1.1. Les fondements


Construite pour répondre aux limites du fonctionnalisme, l’anthropologie
interprétative de Geertz s’intéresse avant tout à ce que la culture étudiée veut
dire pour ceux qui y sont encastrés et la perpétuent. Elle s’oppose au « dogme

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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

méthodologique » de l’opérationalisme qui « n’a jamais été d’une grande


pertinence dans les sciences sociales » (1998, p. 75).
1.1.1. Une anthropologie développée en réaction
Développée à partir d’une vive critique du fonctionnalisme de Malinowski, et dans
la lignée de la sociologie phénoménologique, l’anthropologie interprétative vise à
rendre compte de la culture d’une population donnée. Il ne s’agit pas de trouver
des lois générales mais d’expliciter le sens que des actions sociales ont pour les
acteurs (Geertz, 1973). Parce que les sociétés sont très différentes, parce que les
fonctions principales peuvent varier de l’une à l’autre, il n’est pas possible de fixer
de lois générales. Le sens que l’on acquière des actions vient de la capacité à
analyser les modes d’expression des informants, leurs systèmes symboliques.

Geertz s’oppose également au « scientisme » d’autres courants, souvent de


manière assez provocante. Avant de débuter l’anthropologie, Geertz a suivi
des études de philosophie et de littérature. Il en reste une grande sensibilité au
texte qui a profondément influencé son œuvre (Geertz, 2000), et l’anthropologie
interprétative se fonde beaucoup plus sur les traditions de l’analyse littéraire, en
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particulier sur l’herméneutique, que sur la tradition scientifique. Elle constitue
à ce titre une rupture importante en sciences sociales surtout dans le contexte
américain. L’une des options les plus troublantes de Geertz est d’affirmer que
le chercheur est à la fois un savant et un écrivain, que le langage n’est pas
transparent et que les textes scientifiques renferment des stratégies discursives
visant à convaincre le lecteur, autant qu’à présenter des faits. Geertz ne critique
pas ceci mais appelle simplement les chercheurs à en prendre conscience
(Geertz, 1996/198823) et en conséquence à admettre la fragilité de tout texte
scientifique. Cette approche a rencontré de nombreuses résistances, fondées
selon Geertz sur « l’impression qu’une meilleure compréhension du caractère
littéraire de l’anthropologie détruirait les mythes professionnels liés à la rhétorique
de persuasion » (1996, p. 11).
1.1.2. Une anthropologie culturelle
Geertz (1973) considère que la culture est la « grande idée » de l’anthropologie,
le concept à partir duquel cette discipline a pris son essor et qui en spécifie les
limites. Il en retient la définition de Weber, selon lequel la culture constitue cette
« toile d’araignée » de réseaux de signification que l’homme a lui-même tissé et
dans lesquels il est pris (Geertz, 1998). Le but de l’anthropologie interprétative
est de rendre compte de la culture des individus étudiés afin d’accéder au monde
conceptuel dans lequel ils vivent (par exemple Geertz, 1980). L’explication
interprétative porte donc son attention « sur ce que les institutions, les actions, les
images, les déclarations, les événements, les usages et tous les objets habituels
d’intérêt socioscientifique, veulent dire pour ceux dont ils sont les institutions les
23. La première date renvoie à l’édition traduite en français lorsqu’elle existe, et la seconde à l’édition originale. Lorsqu’une page
précise est citée, seule l’édition utilisée est citée.

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actions, les usages, etc. » (Geertz, 1999, p. 30). Il s’agit de rendre compte de
l’interprétation des acteurs. Il appartient au chercheur d’expliquer comment une
personne est logique envers elle-même.

Ce qui est central ici c’est la position d’humilité dans laquelle doit se situer le
chercheur (voir par exemple Geertz, 1995). Ce souci de « rendre compte », tout
comme le statut littéraire rappelé du texte produit par le chercheur, condamnent
par avance toute position surplombante comme inadéquate car ne se fondant
sur aucun élément réel. Geertz (1999, p. 75) écrit ainsi avec malice : « Au pays
des aveugles, qui ne sont pas si peu observateurs qu’ils en ont l’air, le borgne
n’est pas roi, il est spectateur ». Certes, les chercheurs utilisent des concepts
spécifiques « éloignés de l’expérience » (1999, p. 73), mais ce langage ne justifie
aucune supériorité. Il permet juste d’articuler différemment des relations et de
comparer des situations. Il n’est pas possible à un chercheur de comprendre -
et même, selon Geertz, de percevoir - l’imaginaire et les motivations d’acteurs
appartenant à un autre peuple, une autre époque, en bref partageant une culture
et une rationalité différente de la nôtre. Devant cette impossibilité, « l’astuce n’est
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pas d’entrer en quelque interne correspondance d’esprit avec vos informateurs
[…]. L’astuce est d’arriver à comprendre ce que diable ils pensent être en train de
faire » (1999, p. 74, italique par nous). Le but est donc de restituer les systèmes
de pertinence des acteurs avec leurs spécificités de vérités locales valant dans
un contexte donné pour des acteurs donnés. Pour ce, des méthodes spécifiques
sont préconisées.

1.2. Les méthodes de l’anthropologie interprétative


La distinction entre épistémologie et méthode n’est pas claire dans l’interprétati-
visme. Geertz parle d’ailleurs de méthode interprétative plus que d’épistémologie.
Ce lien est d’autant plus important que les auteurs interprétatifs… se méfient des
méthodes des sciences dures ! En cela, Geertz suit Gadamer (1996) qui souligne
la mise à distance qu’opère une méthode issue des sciences exactes. Pour ce
philosophe, les sciences humaines doivent s’affranchir des exigences d’une
méthodologie modelée à partir des sciences « dures ». C’est donc un ensemble
d’approches propres aux sciences sociales qui est recommandé dans le recueil
ou dans le traitement des données.
1.2.1. Recueil de données
En ethnographie le chercheur est le principal instrument de recherche
(Sanday, 1979). Un instrument dont Geertz souligne la fragilité. Il s’oppose au
mythe du chercheur de terrain capable de se mettre à la place de l’indigène
dont Malinowski demeure une figure centrale. Il suit en ceci encore Gadamer
(1996) qui prône une conscience de ses propres préconceptions et des
limites qu’impose une compréhension réflexive. Dans cette « herméneutique
philosophique », la conscience de ses propres limites mène le chercheur à une

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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

nouvelle compréhension de la philosophie et de la connaissance en général.


Geertz invite donc le chercheur, non pas à essayer d’échapper à ses propres
préconceptions, mais plutôt à prendre conscience de ses faiblesses et de ses
présuppositions, et à ne pas viser une empathie totale avec l’acteur étudié,
empathie qu’il est impossible d’atteindre. En respectant certaines méthodes,
des « explications des subjectivités d’autres peuples peuvent être édifiées sans
qu’il soit besoin de prétendre à des capacités plus que normales d’effacement
d’ego et des sentiments de similitude » (Geertz, 1999, p. 89). Il ne s’agit donc
plus de se mettre à la place de l’indigène mais de « lire par-dessus son épaule
», c’est-à-dire de lire le texte que constitue sa culture. Le travail de recueil doit
rester au plus près de ce qui est constaté, afin de fournir le matériau pour une
description dense. Geertz fournit un exemple remarquable de cette méthode
dans son analyse des combats de coqs à Bali. La connaissance en profondeur
qu’il a acquise de la société balinaise lui permet de voir dans ces combats de
coqs et les paris auxquels ils donnent lieu, autre chose qu’une pratique ludique,
un « jeu d’enfer » qui met en cause les tensions inhérentes à cette société de
castes : « Ce dont le combat de coqs nous parle, c’est de relations entre rangs
sociaux ; et ce qu’il en dit, c’est qu’elles sont affaires de vie et de mort » (Geertz,
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1983, p. 207). L’analyse n’est donc jamais loin du recueil des données car celui-
ci implique à la fois une profonde connaissance du contexte, une capacité à
replacer ces éléments locaux dans un contexte plus large, et une compréhension
en profondeur de ce contexte qui va ensuite permettre une description dense
(voir par exemple Geertz, 1963).
1.2.2. Traitement des données
L’herméneutique : la réalité culturelle comme texte
L’herméneutique est une méthode d’interprétation littéraire qui, transposée en
sciences sociales, consiste à considérer les productions culturelles comme des
textes. La notion de texte est donc ici entendue dans un sens très large. Il ne
s’agit pas d’étudier uniquement un discours mais d’acquérir une connaissance
complète des lieux, des symboles, des pratiques, de tous les aspects empiriques
du contexte étudié – par exemple une organisation que le chercheur étudie –
qui véhiculent du sens, car ce sont tous ces aspects qui forment le « texte ».
La question centrale de l’herméneutique est : qu’est-ce que ce texte veut
dire ? Le but de l’analyse est donc de comprendre le sens de ce texte, et non
sa fonction. La méthode du « cercle herméneutique » consiste à interpréter
tout élément particulier en le rattachant à l’ensemble des données sociales et
historiques recueillies. Dhitley indique que « le cercle herméneutique a pour but
de se placer dans le même champ sémantique que ce que l’on entreprend de
comprendre et de soumettre le discours dont on part à une interprétation qui
nous le rend accessible » (cité par Foessel, 2004). L’idée est de rendre compte
de la dialectique entre le tout et ses parties telles qu’elles se présentent dans
des événements. Il faut comprendre les parties pour saisir le tout, et vice versa
(Gadamer, 1996). Pour Geertz le rôle du chercheur est de faire en permanence

39
60

ces allers-retours dialectiques entre « le plus local des détails locaux et la plus
globale des structures globales en sorte qu’on arrive à les voir simultanément »
(1999, p.88).

Selon lui, pratiquer l’ethnographie revient ainsi à « essayer de lire (au sens de
« construire une lecture de ») un manuscrit étranger, défraîchi, plein d’ellipses,
d’incohérences, de corrections suspectes et de commentaires tendancieux, et
écrit non à partir de conventions graphiques normalisées mais plutôt de modèles
éphémères de formes de comportement » (Geertz, 1998, p. 80).

La description dense
L’apport le plus connu et sans doute le plus marquant de Geertz à la méthode en
sciences sociales est la notion de description dense. S’appuyant sur un texte de
Ryle, Geertz (1973 ; 1998) affirme que le chercheur ne doit pas se limiter à faire
une description littérale des actions des individus observés mais qu’il faut les lier
au contexte culturel. Geertz (1998) reprend l’exemple donné par Ryle de deux
garçons qui clignent des yeux. Alors que l’un cligne des yeux par automatisme,
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l’autre fait un signe à un ami. Ryle oppose la description fine (thin description)
que fera un behavioriste radical par exemple et qui reviendra à ne pas faire de
différence entre les deux actions, et une description dense (thick description) qui
consiste à rendre compte des structures culturelles qui font que ces deux actions
n’ont pas le même sens. Ceci constitue le fondement du travail d’anthropologue
selon Geertz.

Ricoeur, qui constitue une influence importante de Geertz, indique ainsi (cité
par Geertz, 1996, p. 271) : « Le même segment d’action – lever le bras – peut
signifier : « je demande la parole, ou je vote pour, ou je suis volontaire pour
telle tâche ». Ces symboles sont « des entités culturelles et non plus seulement
psychologiques. En outre, ces symboles entrent dans des systèmes articulés et
structurés en vertu desquels les symboles pris isolément s’intersignifient […] ».

Finalement il s’agit pour le chercheur, par cette description dense, de persuader


le lecteur de prendre au sérieux ce qu’il dit, qu’il a « vraiment été là-bas », et qu’il
a pénétré une autre façon de faire et de comprendre (Geertz, 1996/1988).

2. Réception actuelle et apports possibles en sciences de


gestion
La réception de l’anthropologie interprétative en management est ambigüe.
D’une part, de nombreux auteurs en sciences de gestion se réclament, au moins
pour partie, de son approche, (e.g. Schultz et Hatch, 1996). D’autre part, son
usage effectif dans les études empiriques demeure à établir. Dans cette seconde
partie nous commençons donc par analyser l’usage effectif de Geertz dans les
publications francophones en management (2.1). Cela nous conduit ensuite à

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l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

discuter les apports potentiels aux recherches en sciences de gestion d’une


utilisation plus étendue du travail de Clifford Geertz (2.2).

2.1. Présentation de l’étude


L’étude bibliométrique met tout d’abord en évidence un très faible nombre
d’articles francophones en management mobilisant les travaux de Geertz. Une
analyse approfondie de leur contenu révèle en outre que l’usage qu’en font leurs
auteurs reste limité.
2.1.1. Échantillon et modalités de l’analyse
Afin de vérifier la réalité et l’ampleur de l’usage des travaux de Geertz dans les
recherches francophones en sciences de gestion, nous avons procédé à une
étude bibliométrique sur la base de données francophone de référence CAIRN.
info. Celle-ci a été réalisée en juillet 2011 au sein de la discipline « Économie-
Gestion », à partir de mots-clés utilisés seuls ou en combinaison. Aucune limite
de temps n’a été fixée, de manière à nous assurer un maximum de résultats.
En outre, après avoir constaté une absence totale de résultats en circonscrivant
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nos recherches au champ « résumé », nous les avons élargies au texte intégral
des ressources disponibles. Les mots et expressions clés utilisés, ainsi que
les résultats correspondants, sont présentés dans le Tableau 1. À l’issue d’un
retraitement qui a consisté en l’élimination des doublons entre les catégories et
des entretiens, nous avons obtenu 34 résultats, répartis de la manière suivante :
19 articles théoriques, 3 notes de lecture, et 12 articles empiriques. Les notes
de lecture ont été conservées car elles consistaient en une lecture critique et
commentée des ouvrages, et non pas en un simple résumé de ces derniers.
Pour simplifier, le terme « articles » renverra à l’ensemble des résultats obtenus
– notes de lecture incluses.

Tableau 1 : Analyse bibliométrique menée sur CAIRN.info – Juillet 2011


Champ de la recherche Mot / expression clé utilisé Résultats
Geertz 34
« Thick description » 7
« Description épaisse » 1
Texte intégral
Interprétativisme 12
Geertz + « Thick description » 3
Geertz + interprétativisme (te) 0
TOTAL 57
Nombre d’articles exploitables (hors doublons) 34
• Articles théoriques 19
Dont : • Notes de lecture 3
• Articles empiriques 12

41
60

Pour chaque article concerné, l’analyse a consisté en deux étapes : une phase
que nous qualifierons de repérage, puis une lecture approfondie. La phase de
repérage a correspondu à une recherche dans la version numérique de l’article
(bibliographie incluse) des mots-clés utilisés précédemment. Cela procédait d’un
double objectif de dénombrement et de contextualisation. Dénombrement, tout
d’abord, en ce que nous avons pu identifier le nombre d’occurrences des mots-
clés dans l’article étudié. Cela a permis d’avoir une première idée de l’influence
potentielle des travaux de Geertz sur la recherche concernée. Contextualisation,
ensuite, car au-delà d’indicateurs quantitatifs à la portée limitée, cette identification
des mots-clés nous a surtout permis de replacer la mobilisation des travaux de
Geertz dans le contexte de l’article, et ainsi de caractériser la nature de leur
influence (théorique ou méthodologique).

Pour intéressants que furent ces premiers résultats, une lecture approfondie
de chaque article était cependant indispensable pour assurer une bonne
compréhension de l’utilisation des travaux de Geertz faite par les auteurs.
2.1.2. Résultats de l’analyse
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D’un point de vue quantitatif, tant le nombre limité d’articles que leur ventilation
selon différentes catégories offrent un premier aperçu de l’importance accordée
aux travaux de Geertz. Nous prolongeons en soulignant la prépondérance des
travaux culturalistes parmi nos résultats. Enfin, nous mettons en avant la manière
dont certains auteurs s’inspirent de Geertz dans leur manière d’aborder leur
terrain de recherche.

Un premier indicateur de la réception des travaux de l’anthropologie interprétative


de Geertz dans les recherches francophones en management tient au faible
nombre de résultats exploitables (34) obtenus à l’issue de la recherche
bibliométrique (pour rappel, celle-ci n’a d’ailleurs retourné aucun résultat lorsque
nous avons cherché nos mots-clés dans les résumés). Parmi ceux-ci, les articles
théoriques sont surreprésentés, puisque nous en avons comptés 19 (auxquels
viennent s’ajouter les 3 notes de lecture), contre 12 articles empiriques. Tant cette
différence que sa nature nous ont paru surprenantes. Geertz étant un auteur
fondamentalement inductif et centré sur le terrain, l’on pourrait s’attendre à ce
qu’il soit avant tout mobilisé sur un plan méthodologique, dans le cadre de travaux
empiriques. Or, les résultats sont tout autres : sur les 34 articles identifiés, seuls
6 s’appuient sur Geertz pour élaborer ou justifier leur méthodologie. À l’inverse,
7 autres y trouvent un ancrage théorique plus ou moins marqué. Enfin, la grande
majorité des articles identifiés (21 articles) se limitent finalement à la citation
d’une référence de Geertz non déterminante à la compréhension de l’article ou à
l’élaboration de l’argumentation des auteurs.

Au-delà de cette réception somme toute limitée au plan quantitatif, l’utilisation de


Geertz s’illustre par une certaine diversité, puisque quatorze de ses publications

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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

sont citées à travers les 34 articles, avec une prépondérance pour son ouvrage
The Interpretation of Cultures de 1973, cité dans 6 articles. En revanche, cette
apparente diversité ne résiste pas à un examen plus fouillé sur la perspective et
l’objet de recherche des 34 papiers. L’essentiel de ceux-ci s’ancrent en effet dans
une perspective culturaliste, qu’il s’agisse par exemple d’identifier les facteurs
clés de succès d’alliances transfrontalières (Barmeyer et Mayrhofer, 2009),
le management des conflits au sein d’organisations pluriculturelles (Arcand,
2006), de réfléchir sur le concept d’idéologie (Poulain, 2001 ; Voirol, 2008),
de comprendre les interrelations entre la référence religieuse et les modèles
de management (D’Iribarne, 2007 ; Yousfi, 2007) , de décrypter les différentes
significations de la relation de crédit (Laferte, 2010), ou encore d’analyser les
pratiques de management des ressources humaines en Euroméditerranée
(Scouarnec et Silva, 2006) .

Enfin, sur un plan méthodologique, Geertz est principalement utilisé autour


de deux dimensions étroitement dépendantes l’une de l’autre : le recours à la
description épaisse, et les liens entre le chercheur et son terrain.
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Le rôle de la description épaisse dans un processus de construction théorique est
reconnu, en ce qu’il participe à la structuration de champs dont les dimensions
théoriques manquent encore de clarté. C’est ce que soulignent par exemple Loilier
et Tellier (2011) lorsqu’ils analysent les travaux portant sur le modèle d’innovation
ouverte, dont ils considèrent que les descriptions dans lesquelles s’ancrent
ces derniers permettent aux chercheurs d’approfondir leur connaissance et
compréhension de ce phénomène et, partant, de conceptualiser progressivement
ce domaine de connaissance. D’autres auteurs soulignent toutefois que recourir
à la description épaisse peut poser problème dans l’interprétation d’un contexte
et des actions de ses parties prenantes. Cela résulte de ce que la recherche
de l’équilibre entre l’activité de traduction (rapporter les paroles du terrain avec
son propre langage) et l’activité de représentation (rendre compte et rester fidèle
aux acteurs du terrain) du chercheur prend place dans un double processus,
centripète et centrifuge : « Toute tentative pour raconter une histoire cohérente
d’un processus d’organisation peut être analysée comme un mouvement
centripète, laissant de côté les détails, la richesse, la variété rencontrée sur
le terrain. Toute tentative d’embellir l’histoire par des détails, toute description
approfondie (« thick description ») se termine par un mouvement centrifuge :
les conclusions trahissent les citations qu’elles commentent, la cohérence et la
pertinence s’estompent et disparaissent » (Czarniawska, 2005, p. 361). Découlent
de cette approche deux conséquences pour le chercheur en management. Il
doit tout d’abord être conscient de ce double processus, pour appréhender la
polyphonie des sens (la multiplicité des représentations et des langages des
acteurs rencontrés) qu’il recueille durant sa collecte de données. On en revient
ainsi à la « lecture par-dessus l’épaule » si chère à Geertz. Ensuite, cela ne va
pas non plus sans répercussions sur la phase d’analyse de données, qui se doit

43
60

d’être nécessairement réflexive pour éviter de tomber dans le piège d’un langage
scientifique qui serait déconnecté du terrain (Karjalainen, 2011).

Ce qui précède montre qu’utiliser la description épaisse exige de prendre


des précautions particulières en termes de recueil et d’analyse de données.
Cette description est influencée par les méthodes de recueil de données de
l’anthropologie interprétative. Ainsi, la position endossée par le chercheur est
susceptible d’agir sur les dynamiques relationnelles que ce dernier entretient avec
les acteurs de terrain (Karjalainen, 2011). Plus particulièrement, la dimension
émotionnelle des échanges entre les acteurs et le chercheur, ainsi que les émotions
du chercheur lui-même (en tant que chercheur, mais aussi en tant qu’individu)
vont influencer sa manière d’aborder le terrain, de le comprendre, et in fine d’en
rendre compte à travers cette description épaisse (Down, Garrety et Badham,
2006). À titre d’exemple, le simple besoin de reconnaissance et d’acceptation
que peut ressentir tout chercheur de terrain à un moment ou un autre du stade
empirique de sa recherche peut altérer (au sens de modifier) sa capacité ou sa
volonté à voir ou à comprendre certains événements, certaines relations, etc. En
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conséquence, la description épaisse qui en résultera sera nécessairement altérée
elle-aussi. Si Geertz reconnaît cette influence réciproque entre les émotions et la
restitution du contexte étudié, ce n’est toutefois pas le cas de la grande majorité
des travaux en management, qui la passent sous silence quand ils ne la réfutent
pas. La réflexivité évoquée plus haut devrait donc intégrer cette prise de recul
vis-à-vis de ces émotions, afin de « dissiper les tensions et faire en sorte que le
travail puisse se poursuivre » (Down, Garrety et Badham, 2006, p. 99).

Au final, l’utilisation de Geertz s’inscrit, sur un plan méthodologique, dans une


volonté de répondre à des interrogations que se posent tous les chercheurs
en management. En partant de ce constat, la section suivante s’intéresse aux
apports potentiels d’une utilisation plus étendue de Geertz pour les chercheurs
en management.

2.2. Les apports potentiels d’une utilisation plus étendue de


Clifford Geertz en management
Une utilisation plus étendue, et finalement plus radicale, de Geertz en management
pourrait avoir de l’intérêt que ce soit dans le recueil de données et l’analyse sur le
terrain ou dans la manière de rendre compte de celui-ci.
2.2.1. Utiliser Geertz pour enquêter
Geertz (1973 ; 1999) recommande de partir du terrain et notamment de
l’observation participante des pratiques, et de la manière dont les indigènes
en rendent compte, pour progressivement développer des raisonnements plus
abstraits. C’est d’ailleurs cet attachement au terrain et à l’analyse inductive qui
crée une relation forte entre interprétativisme et théorie enracinée (Suddaby,

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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

2006). Cette démarche peut être difficile à mettre en œuvre tant la recherche en
management est dominée par des méthodes hypothético-déductives conduisant
le chercheur à retenir une théorie qui tend ensuite à orienter son travail, et
constitue un spectre à travers lequel il rendra compte du réel, mettant ainsi en
évidence certains éléments, mais en négligeant d’autres. Il existe cependant
des possibilités croissantes de recherche ethnographiques, inductives tel que
le courant ‘Strategy as Practice’ (Golsorkhi, Rouleau, Seidl et Vaara, 2010) dont
les auteurs utilisent des perspectives théoriques très différentes mais qui ont
en commun d’étudier ce que les acteurs font, à la différence d’une recherche
stratégique plus traditionnelle qui s’efforce essentiellement de définir ce qu’ils
devraient faire. Dans ce cadre des travaux comme ceux de Denis et al. (2007)
visent à rendre compte du sens que les acteurs donnent à leurs actions et une
approche inspirée de Geertz pourrait fournir une aide précieuse.

Par ailleurs, des situations peuvent se prêter particulièrement à une approche


inspirée des travaux de Geertz. Ainsi ceux-ci peuvent offrir des outils intéressants
pour rendre compte du changement en particulier en intégrant des dimensions
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culturelles et cognitives. Ayant effectué de nombreuses recherches sur le
changement dans des sociétés traditionnelles touchées par la « modernisation »
(pour une synthèse voir White, 2007), Geertz propose une analyse qui rend
compte de ce changement du point de vue des indigènes, et notamment de
la perte des repères traditionnels, et des situations de désarroi qui sont des
dimensions essentielles des problématiques de changement. Cette approche
pourrait être mobilisée pour étudier le changement organisationnel où cette
dimension de perception par les acteurs est essentielle. Il n’est cependant
possible de rendre compte de ces perceptions qu’en acquérant une intimité du
terrain qu’une approche inspirée de Geertz permet.

Pour productive qu’elle puisse être l’approche anthropologique de Geertz est


très exigeante. Elle implique une position d’écoute vis-à-vis des indigènes qui
nécessite d’abandonner toute tentation d’attitude surplombante pour rendre
compte des actions et des interprétations que les acteurs ont de ces actions. Elle
implique également une observation participante qui doit permettre de créer une
familiarité, voire une complicité avec les indigènes. Geertz (1973) raconte ainsi
comment lui et sa femme sont passés du statut d’étranger à celui de participant
après l’irruption de la police dans un combat illégal de coqs. Au lieu de rester sur
place, ils se sont mis à courir comme les balinais pour échapper à la Police et ont
trouvé refuge chez un couple dont le mari avait également assisté au combat.
Le lendemain, les villageois qui les avaient jusqu’alors ignorés, les considéraient
avec sympathie, ce qui permettait à Geertz et son épouse de dépasser leur statut
d’enquêteur et finalement de mieux faire le travail d’enquête. On peut trouver
des exemples, cependant assez rares, de ce type de comportement dans les
recherches en management. Ainsi, en rendant compte de sa socialisation dans
les services de radiologie où il effectuait son terrain de thèse, Barley (1990)

45
60

indique s’être assuré le soutien d’un technicien au rôle central dans le service
en aidant, et en couvrant, celui-ci alors qu’il devait trouver d’urgence un cathéter
afin d’assurer une opération et d’éviter de sérieux ennuis. Une telle proximité
pose potentiellement des questions éthiques, voire juridiques, auxquelles les
anthropologues répondent essentiellement en invoquant l’intérêt de la recherche
(pour une synthèse des débats actuels voir Cefaï et Costey, 2009 en anthropologie,
et Courtier et Leca, 2011 en sciences de gestion en France).
2.2.2. Utiliser Geertz pour analyser et rendre compte
Mais c’est peut-être dans l’analyse et la rédaction de la recherche que le travail de
Geertz apparaît le plus en rupture avec les recherches actuelles en management,
et donc potentiellement le plus innovant. Comme on l’a vu plus haut, la réception
des méthodes d’analyse de Geertz s’est effectuée généralement a minima
en management, et ceci s’explique sans doute largement par l’originalité des
propositions qu’il a formulées dans le domaine de l’analyse. Les auteurs ont
souvent essayé de rapprocher en management les approches interprétatives de
formes d’analyse plus traditionnelles comme la tradition positiviste (Lee, 1991)
ou en développant l’aspect rigoureux de ces analyses afin d’en proposer des
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critères de validité « scientifiques » (Klein et Myers, 1999). À rebours de ces
démarches nous insistons ici sur les innovations que pourraient permettre en
management une prise en compte plus substantielle de la démarche proposée
par Geertz notamment sur la question de la « validité scientifique » et sur celle
de la généralisation.

La validité scientifique
Geertz souligne que le texte anthropologique est avant tout une œuvre littéraire et
qu’il doit être apprécié en fonction de critères littéraires. Le texte anthropologique
est alors un exercice de rhétorique par lequel un chercheur essaie de convaincre
ses lecteurs de ce qu’il avance. Seront écoutés, parmi les anthropologues, ceux
qui « transmettent dans leur prose plus efficacement que d’autres, l’impression
qu’ils ont été en contact étroit avec des existences qui nous sont étrangères […]»
(Geertz, 1996, p. 14). Ce qui importe n’est pas la vérité, inconnue du lecteur,
mais la vraisemblance du récit. La dimension littéraire importe donc plus que
des tentatives forcément incomplètes de tenter de se rapprocher d’une approche
inspirée des sciences exactes.

C’est ce travail littéraire que fait Geertz lorsqu’il mentionne sa fuite avec les balinais
après le combat de coqs, donnant au lecteur des éléments de vraisemblance quant
à sa présence et sa connaissance du terrain. Mais alors qu’en anthropologie ceci
est considéré comme un élément du discours, en management ceci est considéré
comme une anecdote. Si cette dimension rhétorique, ce souci de vraisemblance,
est présent dans les études qualitatives en gestion c’est de manière presque
honteuse car posant problème, sans doute parce que trop éloigné d’une démarche
plus traditionnelle hypothético-déductive et quantitative. Une approche littéraire

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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

de la recherche à la Geertz pose problème en gestion, et renvoie à l’opposition


entre Pfeffer (1993) et Van Maanen (1995). Ce dernier défend une vision de la
recherche dans la lignée de l’anthropologie interprétativiste de Geertz insistant
sur le caractère littéraire des textes académiques, et donc de l’élaboration de
la théorie, rejetant ainsi l’approche proposée par Pfeffer (1973) qui suggère
d’encadrer plus strictement les thèmes de recherche, ainsi que les méthodes
de collecte et d’analyse des données. Van Maanen y déplore que le champ de
la recherche en management soit dominé par une tradition ‘logocentrique’ qui
veut tendre à une précision mathématique et ignore l’importance du style et de
rhétorique alors qu’il s’agit du fondement même de tout texte et, partant de là, de
toute théorie.

Deux directions semblent ici possibles :


La première consiste à utiliser des outils méthodologiques ‘validés’ et
compatibles avec une approche à la Geertz. Ainsi, la théorie enracinée est une
approche reconnue, et extrêmement rigoureuse, compatible avec une approche
interprétative. L’articulation avec une approche ‘à la Geertz’ implique de constituer
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les codes initiaux en fonction des cadres d’analyse des acteurs et de progresser
à partir de ceux-ci vers des concepts plus éloignés. C’est par exemple ce que font
Corley et Gioia (2004) dans leurs études sur la perception par les acteurs de leur
identité organisationnelle, et aux ambigüités vécues par eux lors de la filialisation
d’une unité de grande entreprise qui prend son indépendance. D’obédience
explicitement interprétative, cette recherche propose un usage de la théorie
enracinée qui part, pour définir les codes de premier ordre (les plus proches du
terrain), du langage utilisé par les acteurs eux-mêmes tant que possible, et de
manière générale en s’éloignant le moins possible de la perception qu’ont les
acteurs. Reste que la théorie enracinée par son processus même de codage
rigoureux tend à minimiser la dimension littéraire de la recherche qui est centrale
chez Geertz mais pose problème en management où elle est perçue comme un
manque de rigueur, ce qui rejoint les réflexions de Czarniawska (2005).

Une seconde voie consisterait à adopter, et à revendiquer, un point de vue


strictement anthropologique se réclamant de Geertz et rejetant le codage pour
proposer un récit. Il s’agit alors de proposer un récit du terrain. Mais un tel
récit ne recourt pas à une grille analytique précise, mais à un genre, au sens
de genre littéraire, flou (blurred genre) dans lequel le chercheur utilise divers
moyens rhétoriques pour proposer une explication. S’opposant aux approches
qui s’inspirent des sciences exactes, Geertz (1999, p.26) propose de s’éloigner
d’« un idéal d’explication des lois et des exemples pour se tourner vers un idéal
d’interprétation, cherchant moins la sorte de chose qui associe les planètes et les
balanciers et plus la sorte qui associe les chrysanthèmes et les épées » dans une
référence implicite au travail de Benedict (1998) sur la culture japonaise. Pour
Geertz, se détacher des sciences exactes c’est inventer d’autres analogies pour

47
60

analyser et rendre compte. Ces analogies peuvent être celles du jeu, comme chez
Goffman, du théâtre comme chez Turner ou Burke, ou de la lecture et du rapport
au texte comme chez Ricoeur ou Geertz (Geertz, 1999/1983). Dans la lignée de
ces derniers travaux la méthode suggérée est l’approche herméneutique (voir
1.2.2.). Cette approche floue demeure cependant peu répandue en gestion, et
provoque parfois des réactions franchement hostiles en sciences sociales (par
exemple Schemeil, 2002). Il est pourtant possible de développer une recherche
rigoureuse s’appuyant sur les principes développés par Geertz en management.
En effet, cette rigueur n’implique pas que le chercheur pourra prétendre atteindre
LA vérité. Les interprétations produites par les chercheurs, pour rigoureuses
qu’elles soient, demeurent subjectives. Comme le souligne Geertz (Panourgia,
2002, p. 423, italiques ajoutés par nous) à propos de ses propres travaux :
« J’ai fait de nombreuses lectures (readings) de Bali, et d’autres en ont fait
d’autres lectures, certaines ne sont pas très bonnes, d’autres aussi bonnes
que les miennes parce qu’il n’y a pas de point final. On discute de ces choses.
Parfois ces questions disparaissent parce que les gens en ont marre. Certaines
explications ne marchent plus. Mais ça n’aurait pas de sens que nous finissions
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par tous nous entendre sur une interprétation sur quelque chose comme la
‘société javanaise’ ou la ‘société marocaine’ ».

Cette insistance sur le côté partiel de toute étude a également des conséquences
sur les généralisations possibles.

Une généralisation limitée


La question de la possible généralisation est récurrente dans les travaux
interprétatifs. Il n’existe pas de position unie. Selon des auteurs comme Denzin
(1983), ou Guba et Lincoln (1994), toute généralisation est impossible (pour
une synthèse critique de leurs positions, voir Williams, 2000) tant en raison du
caractère idiosyncrasique de tout terrain qu’à la nécessité de rendre compte des
interprétations des acteurs elles-mêmes spécifiques. D’autres auteurs adoptent
une position moins radicale (par exemple Williams, 2000), dont Geertz lui-
même.

Si Geertz n’est pas totalement opposé à la généralisation, il est extrêmement


méfiant vis-à-vis de celle-ci. Il tient la construction de théories générales pour
des entreprises « mégalomaniaques » (Geertz, 1999), en soulignant que le but
de la démarche anthropologique et interprétativiste n’est pas de proposer des
codages en catégories abstraites mais des descriptions épaisses qui rendent
compte des différentes strates de significations (Geertz, 1998). Geertz souligne
que la théorisation n’implique pas de généralisation (Geertz, 1973), elle implique
la construction inductive d’un cadre permettant de rendre intelligibles les
observations réalisées dans le cas étudié. La théorisation ne consiste donc pas
initialement à généraliser entre des cas (across cases) mais au sein même de
ceux-ci (within cases). Il peut donc y avoir théorisation à partir d’un cas unique,

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Une épistémologie à hauteur d’homme :
l’anthropologie interprétative de Clifford
Geertz et son apport potentiel à la recherche
francophone en management

alors que la généralisation implique de considérer plusieurs cas. Il est cependant


possible d’envisager une généralisation à partir de la théorisation de deux
manières.

D’un côté, en partant de la description épaisse effectuée qui implique de mettre


par écrit le sens des actions que les acteurs qui les ont entrepris leur donnent,
il est possible de montrer « ce que la connaissance ainsi acquise démontre de
la société étudiée, et plus généralement de la vie sociale elle-même » (Geertz,
1998 : 101). La généralisation s’effectue alors vers des niveaux sociaux plus
larges.

D’autre part, une généralisation plus transversale peut être tentée de ces
théories locales, en montrant dans quelle mesure elles peuvent permettre de
rendre intelligibles d’autres situations dans d’autres contextes. Généralement
chaque nouvelle recherche emprunte à d’autres qui la précèdent et qu’elle relie
entre elles, affine et applique à d’autres problèmes d’interprétation. Ce type
de généralisation dite analytique est assez fréquente en management, où les
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recherches se fondent sur des recherches passées, fréquemment conduites
dans d’autres contextes et dont il faut tester la robustesse, les enrichir ou en
fixer les limites, et ambitionnent de contribuer à des recherches futures qui à leur
tour testeront cette robustesse et permettront un enrichissement, ou de fixer des
limites. C’est ainsi à travers cet usage qu’émergent de nouveaux éclairages, de
nouvelles pistes de recherche. Ceci ne permet cependant pas pour autant une
accumulation constante, ni cohérente chronologiquement.

Geertz (1998, p. 98-99) indique ainsi :


« Plutôt que de suivre une courbe ascendante de découvertes accumulées,
l’analyse culturelle se brise en une séquence décousue et cependant cohérente
de trouvailles de plus en plus hardies. Les études se construisent à partir d’autres
études, non pas au sens où elles reprennent les choses là où d’autres les ont
laissées, mais au sens où mieux informées et mieux conceptualisées, elles
plongent plus profondément dans les mêmes choses […] mais le mouvement ne
va pas d’un théorème déjà prouvé à un autre, il va d’un tâtonnement maladroit
visant la compréhension la plus élémentaire jusqu’à l’affirmation étayée d’un
accomplissement et d’un dépassement. Une étude représente un progrès si
elle est plus incisive – quel que soit le sens que l’on donne à ce terme – que
celles qui l’ont précédée ; mais elle s’appuie moins sur les épaules de celles qui
précèdent qu’elle ne se développe parallèlement, lançant elle-même le défi ou y
répondant.»

De la sorte, Geertz insiste sur la nécessaire modestie du chercheur qui peut


proposer une analyse mais ne peut prétendre qu’elle soit définitive.

49
60

Conclusion

Le but de cet article était à la fois de proposer une présentation générale de


l’anthropologie interprétative de Clifford Geertz et son apport possible à la
recherche francophone en management, un domaine où, si le nom de Geertz
est parfois cité, son œuvre demeure une référence marginale et peu exploitée.
Geertz propose une approche du terrain, et de son analyse, en rupture avec les
démarches positivistes qui vise à favoriser et à légitimer une certaine humilité du
chercheur vis-à-vis de son objet et à donner la parole aux acteurs. En insistant
sur la nécessité de se situer à hauteur d’acteur et d’adopter une approche
modeste, Geertz peut permettre au chercheur en management de créer une
complicité avec ces acteurs et de révéler des éléments que d’autres approches,
plus surplombantes, ne permettent pas de voir. Cet article s’efforce de suggérer
des pistes et de donner des indications quant à la manière dont cette démarche
peut être adoptée dans le cadre de la recherche en management et de contribuer
ainsi aux études qualitatives qui se développent actuellement et visent à rendre
compte de ce que les acteurs font et du sens qu’ils donnent à ce qu’ils font.
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© Management Prospective Editions | Téléchargé le 15/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 190.253.245.222)

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Annexe 1 : Quelques œuvres majeures de Clifford Geertz


Nous citons ici quelques œuvres majeures de Geertz pour le lecteur qui souhaiterait aller
au-delà du présent article.
Geertz C. (1973), The Interpretation of Cultures, Basic Books.
Geertz C. (1983), Bali, interprétation d’une culture, Gallimard.
Geertz C. (1996), Ici et Là-Bas, l’anthropologue comme auteur, Métailié.
Geertz C. (1998), « La description dense : vers une théorie interprétative de la culture »,
Enquête, n°6, p. 73-105.
Geertz C. (1999), Savoir local, savoir global, Presses Universitaires de France.

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