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Horloge !

dieu sinistre, effrayant, impassible,


Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon


Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde


Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !


(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide


Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,


Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! "
I. Le poète/ Le thème / strophe 1 – 2

a.Le poème s’ouvre sur une apostrophe « Horloge ! » Baudelaire interpelle un objet qui symbolise
le temps qui passe, cette apostrophe est reprise par la périphrase « dieu sinistre, effrayant,
impassible »
La gradation en dit toute la menace.
La métaphore est filée à travers le doigt vengeur et accusateur des aiguille qui sympbolise une
injonction « souviens-toi ! »

b. L’oxymore « vibrantes Douleurs » dit l’importance du spleen ici désigné comme viatique
poétique , expliquant qu’elles soient elles aussi allégorisées.

c. Le temps est l’ennemi (cf « l’ennemi »). Le poète est partagé entre Spleen et idéal // entre «
Douleurs » et « Plaisir », autres dieux du panthéon baudelairien, que le poète imagine dans une
mort prochaine
la douleur plantée dans le coeur « comme dans une cible », elle aura vaincu le poète
les plaisirs enfui « comme une sylphide » // image redondante car une sylphide est vaporeuse.
→ le temps figera tout, vaincra tout.

Ainsi, le poète qui interpelle cette horloge s’abandonne au spleen qui le dévore et qui prend forme
dans l’horloge, symbole du temps qui consume la vie.

II. L’horloge /L’allégorie / strophe 3 – 4-

a. Le poète construit dans la seconde partie du poème une hypotypose : le temps jusqu’à ce que le
poète donne au texte une portée hallucinatoire en mettant en scène l’allégorie du temps qui vient
parler au poète et lui répondre.
La Seconde chuchote : allégorie, déesse nymphe au service du dieu + personnification « chuchotte
»
+ une seconde apostrophe « mortel folâtre »

b. L’énonciation à la première et deuxième personne lui donne vie + métaphore filée de l’insecte.

c. Son propos : « souviens-toi » répété à chaque strophe comme les battement de l’aiguille,
renvoyant à la synesthésie et au cercle infernal dans lequel le poète est enfermé
entendre l’horloge rend mélancolique / être mélancolique provoque l’ennui / l’ennui accentue le
son / qui accentue le spleen etc.
Cette répétition fait également du poème un memento mori

d. L’allégorie comme le spleen est fondée sur l’amplification


insecte < chronos « mon gosier de métal »

+ « les secondes » > « les minutes » = il s’agit pour le poète à travers la métaphore de la noix
entendre l’injonction faite au poète « qu’il ne faut pas lâcher sans extraire l’or »

Ainsi, la poésie naît de cette traversée du spleen, de cette conscience du temps. Ces conditions
sont en synergie, bien que douloureuses.

III. Retour à la méditation

a. Le délire hallucinatoire laisse place à la méditation apaisée et mythologique


c’est le temps de l’acceptation
parallélismes « le jour décroît, la nuit augmente » / « le gouffre a toujours soif ; la clpsydre se vide
»

b. Anaphore qui conduit à la mort fantasmée « où »


où l’homme chemine assisté d’un nouveau panthéon « le divin Hasard », « l’auguste vertu » « le
Repentir »

c. Le poète offre un dernier panache ironique (oh la dernière demeure) ou « meurs, vieux lâche il
est trop tard » les exclamations disent la distance désabusée et ironique en même temps que
l’acceptation cynique.

Toutefois, si le poète, en reprenant le topos du memento mori, évoque le désespoir causé par le
spleen, il parvient par la création à extraire l’or de chaque minute en accomplissant ce poème, qui
précisément ne rend la vaine la descente dans le spleen, par la création de tout un monde vivant et
vivace propre à conjurer le temps.

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