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Sociologie des organisations – EAD

Licence Economie Gestion


2ème année
Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Sommaire

Introduction générale à la sociologie ___________________________________________ 3


1. Emile Durkheim, père de la sociologie moderne ____________________________________________ 3
Exercice _______________________________________________________________________________ 3
2. La sociologie, une science de quel objet ? _________________________________________________ 4
3. Sociologie et économie : accointances et spécificités ________________________________________ 5
4. L’empirisme comme mode de construction du savoir _______________________________________ 6
Exercice _______________________________________________________________________________ 7

Introduction à la sociologie des organisations ___________________________________ 8


1. Objets de la discipline _______________________________________________________________ 8
2. Problématiques ? __________________________________________________________________ 9
Exercice ______________________________________________________________________________ 10

I – Les courants historiques de la sociologie des organisations ___________________ 11


1. Les fondateurs : l’école classique _____________________________________________________ 11
1.1. Frederick Winslow Taylor : l’organisation scientifique du travail (OST) ___________________ 11
1.2. Henry Ford : l’application des principes de Taylor à l’industrie automobile _______________ 12
1.3. Henri Fayol : l’organisation administrative du travail _________________________________ 13
1.4. Les critiques adressées à l’école classique __________________________________________ 16
Exercice ______________________________________________________________________________ 16
2. L’école des relations humaines ______________________________________________________ 17
2.1. Les origines de la théorie _______________________________________________________ 17
2.2. Georges Elton Mayo et les bienfaits de la considération ______________________________ 17
2.3. Douglas Mac Gregor : la théorie du X et du Y _______________________________________ 18
2.4. Abraham Maslow et la pyramide des besoins _______________________________________ 19
2.5. Conclusion : les apports de l’école des relations humaines aux théories classiques _________ 21
Exercice ______________________________________________________________________________ 21
3. Les théories de contingences ________________________________________________________ 22
3.1. L’organisation comme système __________________________________________________ 22
Exercice ______________________________________________________________________________ 25
3.2. Les déterminants de la structure : les variables internes ______________________________ 25
3.3. Les déterminants de la structure : les variables externes ______________________________ 27
3.4. Conclusion sur les théories des contingences _______________________________________ 29
4. Conclusion du chapitre _____________________________________________________________ 29

II – La bureaucratie ___________________________________________________________ 31
1. Aux origines de la bureaucratie : Max Weber _____________________________________________ 31
1.1. Éléments biographiques ___________________________________________________________ 31
1.2. La sociologie compréhensive de Weber _______________________________________________ 31
1.3. Les déterminants de l’action sociale et formes d’autorité ________________________________ 32
Exercice ______________________________________________________________________________ 33
2. La critique radicale ___________________________________________________________________ 33
2.1. Arendt et la banalité du mal bureaucratique ___________________________________________ 33
2.2. David Graeber et la bureaucratie libérale _____________________________________________ 35
Exercice ______________________________________________________________________________ 35
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III – Rationalité et prises de décisions dans l’organisation ________________________ 36


1. Les biais de rationalité ________________________________________________________________ 36
1.1. Manipulation des données ______________________________________________________ 36
1.2. Soi, face d’une décision ________________________________________________________ 38
1.3. Quand on veut faire comme tout le monde…. ______________________________________ 38
2. La prise de décision individuelle _____________________________________________________ 38
2.1. Les routines __________________________________________________________________ 39
2.2. Rationalisation à posteriori _____________________________________________________ 39
3. Décider à plusieurs : démocratie, consensus, consentement ______________________________ 39
Exercice ______________________________________________________________________________ 39
3.1. Les contraintes à la décision _____________________________________________________ 39
3.2. Le modèle dit de « Garbage can » ________________________________________________ 40
Exercice ______________________________________________________________________________ 40
3.3. Décisions et rapports de pouvoir _________________________________________________ 40

IV – Les institutions totalitaires ________________________________________________ 41


1. L’univers du reclus ___________________________________________________________________ 43
1.1. Changement culturel __________________________________________________________ 43
1.2. Les techniques de mortification __________________________________________________ 43
1.3. Les voies de la dépersonnalisation ________________________________________________ 44
1.4. Réclusion et aliénation _________________________________________________________ 44
1.5. Le système des privilèges _______________________________________________________ 45
1.6. Stratégies d’adaptation ________________________________________________________ 45
Exercice ______________________________________________________________________________ 45
2. L’univers du personnel _____________________________________________________________ 45
Exercice ______________________________________________________________________________ 46

V – Méthodologies d’enquête _________________________________________________ 47


Exercice ______________________________________________________________________________ 47
1. Le questionnaire_____________________________________________________________________ 47
2. L’entretien, la conversation ___________________________________________________________ 48
Exercice ______________________________________________________________________________ 48
3. L’observation _____________________________________________________________________ 48

Évaluation finale _____________________________________________________________ 49

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Introduction générale à la sociologie

1. Emile Durkheim, père de la sociologie moderne

Emile Durkheim né le 15 avril 1858 à Épinal et mort le 15 novembre 1917 à 75014 Paris, est
un sociologue français considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie moderne.
Formé à la philosophie : barrières disciplinaires moins forte évidemment. En effet, s'il ne fut
pas le premier sociologue en France, il fut le premier à s'engager pour faire de la sociologie
une discipline autonome, se distinguant des autres sciences sociales concurrentes, comme la
psychologie et la philosophie. Il a fondé le premier département de sociologie à l'Université
de Bordeaux, dans les années 1890. Selon Durkheim, la sociologie serait « la science des
institutions, de leur genèse et de leur fonctionnement ». Une institution entendue comme «
toutes les croyances et tous les modes de conduite institués par la collectivité »
Les règles de la méthode sociologique 1894

« Un fait social se reconnaît au pouvoir de coercition externe qu’il exerce ou est susceptible
d’exercer sur les individus ; et la présence de ce pouvoir se reconnaît à son tour soit à
l’existence de quelque sanction déterminée, soit à la résistance que le fait oppose à toute
entreprise individuelle qui tend à lui faire violence ». p. 104
Le suicide, 1897. Application de ses découvertes.
La conclusion des règles de la méthode c’est :
« La sociologie n’a pas à prendre parti entre les grandes hypothèses qui divisent les
métaphysiciens. Elle n’a pas plus à affirmer la liberté que le déterminisme. Tout ce qu’elle
demande qu’on lui accorde, c’est que le principe de causalité s’applique aux phénomènes
sociaux. Encore ce principe est-il posé par elle, non comme une nécessité rationnelle, mais
seulement comme un postulat empirique, produit d’une induction légitime. » p. 234

Exercice

Vous lirez les pages 1-33 des Règles de la méthode sociologique afin de poursuivre cette
introduction. Si le cœur vous en dit, vous pouvez évidemment lire l’ouvrage en entier.

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2. La sociologie, une science de quel objet ?

Sociologie est une science objective de la société : comprendre de manière objective la


société. Contraire de positive : on ne cherche pas à dire comment cela devrait être, mais à
analyser objectivement, à construire des connaissances sur la société.
On étudie l’articulation entre :
INDIVIDU vs SOCIETE
À la fois pris ensemble et à la fois pris séparément. Leurs liens et comment l’un et l’autre se
définissent. Dire qu’on ne peut connaître l’homme que par la société ne veut pas dire qu’il est
un jouet sans libre arbitre, la question va être de déterminer quel est son libre arbitre.
Individu :
Sa définition est-elle stable ou est-ce que l’on considère qu’elle est mouvante ? Est-elle
unique ou multiple ? Est-ce que ce qui définit l’être humain c’est inné ou acquis. Si c’est
l’inné, quel est ensuite la forme des liens avec la société, si c’est acquis complètement, que
reste-t-il de libre arbitre ?

Société :
Pourquoi on vit ensemble ?
Quelles sont les règles du vivre ensemble ?
Comment elles évoluent ?
Comment parler des sociétés en comprenant que le tout n’est pas seulement la somme des
individualités ?

La sociologie va chercher à expliquer des phénomènes sociaux, à trouver des liens de


causalité. Mais c’est là que ça se corse.
Objectif de la démarche sociologique :
* montrer les liens entre les divers aspects du social et les formes institutionnelles et faire
émerger la logique (articulation)
* situer les phénomènes sociaux, les structures sociales dans leur contexte général
(contextualisation)
* montrer leur historicité en les replaçant dans le temps, souligner la diversité (relativisation)
* les interpréter dans une grille de lecture adaptée avec de la distanciation (réflexivité)
* dégager les tendances générales tout en marquant les particularités (rapports entre
l’universel et le spécifique).

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Exemple :
L’effet Mozart : les enfants qui écoutent de la musique classique ont de meilleures notes à
l’école.
Conclusion : écouter de la musique classique rend intelligent ?
NON ! C’est un neuromythe : la musique classique est écoutée par les milieux plus éduqués,
donc qui vont transmettre à leurs enfants un capital social, culturel, élevé. On sait par ailleurs
que d’un point de vue statistique, plus les parents ont fait des études, plus les enfants seront
à l’aise avec l’école.

 Les enfants qui écoutent de la musique classique ont de meilleures notes parce qu’ils
viennent de milieux sociaux favorisés. La musique correspond ici à un habitus de
classe au sens de Bourdieu.

3. Sociologie et économie : accointances et spécificités

La différence est principalement la suivante : l’économie s’intéresse à des objets particuliers


que sont la production et circulation des richesses, tandis que la sociologie s’intéresse
potentiellement à tout : socio de la famille, socio des inégalités, socio du sport, de la religion,
etc..La sociologie est plus proche d’une démarche.

La différence finalement vient d’une perspective différente : l’économie s’intéresse à


comment et pourquoi se font la production et la répartition des richesses, tandis qui la
sociologie s’intéresse aux logiques sociales qui sont à l’œuvre dans ces phénomènes.

On voit bien l’idée que l’éco c’est une discipline sur un objet tandis que la socio c’est une
démarche, une perspective. Ainsi Bourdieu par exemple, dans Les Structures Sociales de
l’économie, 2000, p 11 : « La science que l’on appelle « économie » repose sur une abstraction
originaire, qui consiste à dissocier une catégorie particulière de pratiques, ou une dimension
particulière de toute pratique, de l’ordre social dans lequel toute pratique humaine est
immergée. »

Mais la sociologie n’est pas non plus la simple juxtaposition des faits individuels : elle construit
des connaissances globales. Mais elle ne se construit pas simplement à partir d’une somme…

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4. L’empirisme comme mode de construction du savoir

La sociologie est une science de l’observation, de l’empirisme. Les connaissances se basent


sur ce qui est empirique.
Définition de wikipedia :
« Preuve empirique, données ou connaissance, aussi appelée expérience des sens, est un terme collectif pour
désigner la connaissance ou les sources de la connaissance acquise au moyen des sens, en particulier par
l'observation et l'expérimentation1. Le terme vient du mot grec ancien pour expérience, ἐμπειρία (empeiría) »

Pour construire cet empirisme, on utilise plusieurs méthodes en sociologie :


- l’enquête (observation, entretien...)
- statistiques
Ce qui est très intéressant dans la sociologie c’est que le sociologue construit ses données.

 Ça ne peut pas être « du coup moi j’ai un exemple ». Quand on énonce des théories
sociologiques, les étudiant.es avancent parfois que « eux ils ont un exemple… »
Ce n’est pas parce que l’on voit un épisode d’un phénomène que soit 1. On peut généraliser à
une vérité toute entière ni 2. Déboulonner une théorie.
Exemple :

« Oui mais moi je connais quelqu’un qui la musique classique et qui vient d’un milieu
populaire. »

Tant mieux, le monde est divers. Seulement 1. Ça ne permet pas de conclure que la musique
classique est une musique qui s’écoute dans les milieux populaires, puisque statistiquement
ce n’est pas le cas justement, et 2. Ça ne remet pas en cause le reste de la théorie. Ça fait
juste un exemple qui sort de la statistique…

La sociologie est une science, reconnue notamment par des revues et des chaires
universitaires, ce n’est pas le café du commerce.
Souvent les étudiant.es opposent sciences durs et sociales en pensant que les sciences
sociales sont des domaines où la connaissance est relative. C’est une erreur grave, le
relativisme scientifique est un écueil.

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Exercice

Vous construirez une définition de la sociologie et de son usage à partir des vidéos ci-
dessous :
Pierre Bourdieu, La sociologie est un sport de combat.
Corinne Delma, Le métier de sociologue.

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Introduction à la sociologie des organisations

Née après la 2GM. Avec les pères fondateurs : Marx, Durkheim et Weber. Grands noms :
Simon, Crozier, Goffman dans les contemporains.
La sociologie des organisations vient tardivement parce qu’elle s’intéresse à quelque chose
qui prend forme tardivement : les grandes organisations.
Travaux de Elton Mayo à la General Electrics dans les années 20, on en tire des infos pour la
sociologie du travail, mais également sur le fonctionnement des grandes entreprises et le
poids de l’informel. Remise en cause de Taylor.

1. Objets de la discipline

Problème pour circonscrire l’objet : ambigu, diversité des organisations, complexité du champ.
L’objectif : dégager des principes d’administration et de travail. Comment gérer une organisation,
sachant que déjà on ne voit pas tout à fait.

On peut concevoir les organisations de trois façons différentes :

*comme des problèmes à résoudre


*comme des architectures qui respectent des principes de construction
*comme des processus d'action (car l'action collective s'organise continûment).

Les organisations ne sont pas forcément « grandes » même si c’est l’origine de la science.
c’est toutes les formes organisationnelles : école, entreprise, administration mais aussi
sportive, associative, syndicale, criminelles. On distingue organisations productive et non
productive, la plupart des recherches se concentrent là-dessus.
Plusieurs définitions de l’organisation :

« coordination rationnelle des activités d’un certain nombre de personnes en vue de poursuivre des
buts et des objectifs implicites communs. » (Schein, 1970)

« système de relations interpersonnelles structurelles » (Presthus, 1958)

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2. Problématiques ?

Trois types de questions

- Comment les individus construisent des relations


- Comment ils se coordonnent
- Comment sont organisées les relations de pouvoir

Aujourd’hui on est cernés par les organisations et leur fonctionnement nous échappe :
entreprise, université, administration, hypermarché...toute la journée on vit dans des
organisations et on ne les étudie pas. C’est intéressant parce qu’on y passe nos journées mais
aussi parce que c’est comme ça qu’on s’organise en tant qu’êtres humains. Et donc c’est
intéressant de comprendre comment on se comporte dans ces organisations, pour quelles
raisons, pourquoi on écoute le chef, pourquoi on s’allie avec d’autres, pourquoi pas etc.

Objet : comprendre les règles et la logique de fonctionnement de cette vie collective et des
formes de coopération auxquelles elle donne lieu.

Comment fonctionnent des organisations avec un but commun ? Comment ça tient ?


Comment ça fonctionne ?
Discipline qui date de fin 20ème, et qui croise plusieurs disciplines : économie, sociologie, mais aussi
psychologie, ou encore biologie.

Objectif :
Etude des comportements individuels et/ou collectifs qui peuvent être observés au niveau du
fonctionnement des organisations.
Elle vise à expliquer les comportements et les relations, conformes ou inattendus, par rapport
aux règles prescrites.

Déplacement de l’objet d’étude d’une réflexion sur les organisations traditionnelles vers une
réflexion sur les contextes d’action plus diffus pour aboutir à un renouvellement des théories
de l’action.
Définition :
On va donner une définition des organisations mais en gros en fonction de ce qu’on regarde
et du paradigme de départ on ne verra pas la même chose et donc on ne définira pas de la
même manière.
Au sens large de l’organisation « en général » :
Coordination rationnelle des activités d'un certain nombre de personnes pour atteindre un
but commun explicite

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L’organisation comme objet artificiel, construit et non pas « naturel » → créée afin de réaliser
un projet, en vue d’une finalité
Sociologie des organisations Vs économie des organisations. Pas le même enjeux (rationalité
et efficacité, lien à la gestion) mais des questions similaires. La sociologie des organisations se
nourrit notamment de la psychologique et de la psycho dynamique.

Exercice
Vous lirez le chapitre 1 de Les règles de la méthode sociologique, et répondrez aux questions
suivantes :
a. Durkheim donne deux éléments de définition d’un fait social, pouvez-vous les identifier et
les commenter.

b. Durkheim, pour prouver l’existence de faits sociaux qui dépassent les volontés
individuelles, fait référence à « une assemblée, les grands mouvements d'enthousiasme,
d'indignation, de pitié́ qui se produisent, n'ont pour lieu d'origine aucune conscience
particulière », p.38. Pouvez-vous donner un exemple de ce type d’assemblée auquel fait
référence Durkheim ?

c. Commentez ce passage p. 40 : « Ainsi ce n'est pas leur généralité qui peut servir à caractériser les
phénomènes sociologiques. Une pensée qui se retrouve dans toutes les consciences particulières, un
mouvement que répètent tous les individus ne sont pas pour cela des faits sociaux. ».

d. Parmi ces éléments, qu’est-ce qui n’est pas un fait social pour vous et pourquoi ?

Le genre / L’argent / Le travail / La maternité / L’arbre

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I – Les courants historiques de la sociologie des organisations

1. Les fondateurs : l’école classique

1.1. Frederick Winslow Taylor : l’organisation scientifique du travail (OST)

Travail à Midvale Steel Co puis Bethlehem Steelwork

a. norme de travail, travail fait, il s'entend, par un « homme de première classe », dans des
conditions favorables et selon des façons d'opérer qui lui ont été enseignées au terme d'une
analyse soigneuse (the one best way). Cette norme doit être acceptable par l'employeur et le
salarié (en tant que fair day's work). Il s'agit ensuite de persuader le travailleur de réaliser
cette norme,

b. La clé de ce cadre théorique est la distinction tranchée entre conception et exécution :


« Vous n'êtes pas ici pour penser », disait Taylor aux travailleurs. Pour lui, aucun conflit
fondamental n'existe entre employeur et salarié ; la prospérité de l'un est liée à la prospérité
de l'autre. D'où l'hostilité au syndicalisme.

c. Se caractérisant par trois idées essentielles :


• L’utilisation maximale de l'outillage
• La suppression de tout geste inutile dans les mouvements humains,
• La préparation du travail, le taylorisme peut se définir comme la conjugaison optimale,
recherchée scientifiquement, de la machine et de l'effort humain.

Les grands principes de l’OST :

Traditionnelle et artisanale du «métier» ne peut que favoriser les comportements


individualistes et ruiner l'efficacité collective, Taylor en vient à la conclusion qu'il faut revoir
complètement la philosophie et les principes concrets de collaboration et d'organisation du
travail en atelier. En étudiant les conditions nécessaires pour améliorer la productivité des
ouvriers.

Le principe fondateur de la démarche réside dans une double division du travail:

• Une division verticale du travail, soit la stricte séparation entre la conception des
tâches par les ingénieurs et leur exécution par les ouvriers. Avant Taylor, les ouvriers
conçoivent eux-mêmes leurs méthodes de travail, ce qui se traduit par un climat de
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« flânerie systématique » et une productivité très médiocre. Pour Taylor, le rôle de


l'encadrement doit consister à indiquer aux employés la meilleure manière de réaliser
une tâche, de leur fournir les outils et formations appropriés, et de leur délivrer des
objectifs et incitations en vue d'atteindre la performance.

• Une division horizontale du travail, soit une répartition optimale entre postes de
travail, de façon à minimiser les doublons et les ambigüités.

• Salaire : prime au rendement

• Contrôle : contremaitre + suppression des temps morts

Avec l'application du taylorisme survient l'obtention de gains notables de productivité. Les


ouvriers voient leur rémunération fortement augmenter, alors que les prix des produits
industriels baissent : un plus grand nombre de clients sont en mesure de les acquérir.
Cependant, la contrepartie de ces progrès pour les ouvriers consiste en la dépossession de
leur expertise, désormais réservée aux ingénieurs.

Diffusion de ses idées grâce à l’ouvrage : The Principles of Scientific Management, 1911

1.2. Henry Ford : l’application des principes de Taylor à l’industrie automobile

USA grande famille, aime trafiquer les moteurs vapeurs. Fait d’abord beaucoup faillite, puis
fait des voitures de course, très ambitieux.

Son nom est notamment attaché au fordisme, une méthode industrielle = un mode de
production en série fondé sur le principe de ligne d’assemblage + modèle économique ayant
recours à des salaires élevés.

La mise en place de cette méthode au début des années 1910 révolutionne l’industrie
américaine en favorisant une consommation de masse et lui permet de produire à plus de 15
millions d’exemplaires la Ford T ; il devient alors l’une des personnes les plus riches et les plus
connues au monde.

The international jew, dans les 20’. On dit qu’il a inspiré Hitler. Ford était antisémite et aussi
anti communiste.

Rationalisation et la standardisation. La rationalisation, ou plus simplement la décomposition


de l’activité de l’ouvrier en tâches élémentaires lui permettant de travailler sur des machines-
outils spécialisées, conduit à une simplification et une normalisation des gestes ainsi qu’une
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augmentation conséquente de la productivité. La standardisation quant à elle, méthode déjà


utilisée dans l’industrie de l’armement dont certains ingénieurs de la Ford Motor Company
sont issus, permet « l’utilisation de pièces standards parfaitement interchangeables dans la
construction et la maintenance du véhicule »

Les 3 grands principes de Ford


a. Principe du travail à la chaîne
Accentuation de la division horizontale du travail, ce qui signifie que l’ouvrier répète le même
geste sans fin en recourant à la machine
Suppression du travail de manutention et gestion plus rigoureuse des stocks
b. Principe de standardisation des biens de production
Réalisation d’une production en grande série grâce à des pièces standardisées
Augmentation de la production et réalisation d’économies d’échelle
c. Principe du « five dollar a day »
Mise en place d’une rémunération journalière
(5 $ / jour)
Fidélisation des salariés qui deviennent de surcroît des clients (augmentation du pouvoir
d’achat)

La vraie révolution c’est que c’est plus l’ouvrier qui se déplace, mais les outils qui viennent à
l’ouvrier : c’est le principe de la chaîne.
La division du travail permettait déjà de travailler plus vite, la chaîne permet encore
d’augmenter la cadence.
Ford applique Taylor, mais il n’a pas cette même ambition de théorisation.

1.3. Henri Fayol : l’organisation administrative du travail

Né à Paris. Elève des Mines de Saint Etienne. Petit bourgeois, école de province, KTO, élève brillant
mais peut pas entrer à poly Tech. Restera aigri vis-à-vis des maths. Il ira aux mines de saint Étienne.

En raison de ces travaux, il est considéré comme le fondateur de la science de gestion.

Contexte d’après-guerre :
• Reconstruction
• 3 types de chefs : patrons entrepeneurs (maîtres artisans), administrateur (charge public) et
gérant ou société d’affaiure, tout nouveau en essor.
• Formation des élites par mathématique set polytech mais en critique.

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Lui il dit finalement, le travail du gérant c’est un travail en soi, il existe un travail administratif qui
repose sur l’organisation de l’entreprise. On se moquera de lui, traité d’ingénieur civil. Il atterrit à HEC
ou finalement il forme les héritiers du capitalisme, les familles patronales, menacées par cette élite
intellectuelle.

Deux éléments majeurs chez Fayol : le chef (le chef doit aider, et être libre, sans syndicat) +
réorganisation de l’état. Pionnier de la gestion d’entreprise et du management

Ouvrage clé : L'administration industrielle et générale, 1916

5 fonctions dans l’entreprise :

 Technique : Produire, transformer et fabriquer


 Commerciale : Achat, vente et échange
 Financière : Rechercher et utiliser de façon optimale les capitaux
 De sécurité : Protection des personnes et des biens
 De comptabilité : Calcul de paie et des statistiques (recensement des actifs et du patrimoine)
 Administrative : Prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler (POCCC).

C’est la dernière qu’il veut travailler. Le chef est celui qui perfectionne l’entreprise. C’est la
collaboration entre la science et le monde des afffaires. Ce chef fayolien : autorité, discipline, état
major : spécalistes internes et externes

C’est un bon chef :

« commander c’est faire fonctionner le personnel » et non pas se faire obéir.

prévoir : Anticiper et planifier, savoir où l'on va.

Organiser : Munir l'entreprise de tout ce qui est utile pour son fonctionnement: Ressources humaines,
financières et matérielles. Fayol ne décrit dans son ouvrage que l'aspect ressources humaines, qu'il
appelle "corps social".

Commander : Indiquer les tâches et instructions aux membres du corps social

Coordonner : Mettre l'harmonie entre tous les actes d'une entreprise de manière à en faciliter le
fonctionnement et le succès.

Contrôler : Vérifier que tout se passe conformément au programme adapté aux ordres donnés, aux
principes admis et signaler les fautes et les erreurs afin qu'on puisse les réparer et en éviter

Principes de bonne gestion :

Réduction des conflits internes et des ambiguïtés de rôles, Baisse des temps morts et des défauts de
qualité, Diminution des dysfonctionnements et donc des coûts

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1° Division du travail. La spécialisation permet à l'individu d'accumuler l'expérience, et d'améliorer en


permanence ses qualifications. Il peut être de ce fait plus productif.

2° Autorité, Responsabilité . Le droit de commander dans le cadre de ses fonctions et la capacité (les
moyens) à amener les personnes à obéir.

3° Discipline. Dans le cadre d'une relation de réciprocité : les employés doivent obéir aux ordres, mais
le management doit fournir le bon leadership.

4° Unité de commandement. Chaque travailleur doit avoir un seul patron sans autres lignes de
commande contradictoires.

5° Unité de direction. Les personnes engagées dans le même genre d'activité doivent avoir les mêmes
objectifs découlant d'un plan unique. C'est essentiel pour assurer l'unité et la coordination de
l'entreprise. L'unité de commandement n'existe pas sans unité de sens mais ne découle pas
nécessairement d'elle.

6° Subordination de l'intérêt particulier à l'intérêt général. Les besoins et les intérêts de l'organisation
passent avant ceux de chaque individu.

7° Rémunération du personnel. Le salaire est un important facteur de motivation, aussi doit-il être
juste et récompenser les efforts qui contribuent à la réalisation des objectifs de l'organisation. Fayol
précise qu'il n'y a aucune chose telle qu'un système parfait.

8° Centralisation. C'est une question de degré selon l'état de l'activité et la qualité de son personnel.

9° Hiérarchie. Une hiérarchie est nécessaire pour l'unité de sens. Mais la communication latérale est
également fondamentale, tant que les supérieurs savent qu'une telle communication a lieu. La chaîne
scalaire se rapporte au nombre de niveaux dans la hiérarchie de l'autorité finale au niveau le plus bas
dans l'organisation. Elle ne devrait pas être trop large et se composer de trop de niveaux.

10° Ordre. La commande matérielle et la commande sociale sont nécessaires. La première réduit au
minimum le temps perdu et la manipulation inutile des matériaux. La seconde est réalisée par
l'organisation et la sélection.

11° Équité. Mener une activité selon une "combinaison de gentillesse et de justice" est nécessaire.
Bien traiter les employés est important pour réaliser l'équité.

12° Stabilité du personnel. Les employés travaillent mieux si la sécurité de l'emploi et la progression de
carrière leur sont assurées. Un emploi temporaire et un taux élevé de rotation des employés
affecteront l'organisation défavorablement.

13° Initiative. Amener tout le personnel à faire preuve d'initiative d'une manière quelconque est une
source de force pour l'organisation. Même si cela implique un sacrifice "de la vanité personnelle" de la
part de beaucoup de dirigeants.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

14° L'union du personnel. 5 Le Management doit cultiver l'harmonie, la cohésion et la confiance au sein
de l'organisation. Il doit veiller au moral de ses employés afin de développer un esprit d'équipe
nécessaire à la réussite de toute orga.

Conclusion sur Fayol : un homme moderne?

Il ne propose pas un ensemble de recettes vides, mais il s’inscrit dans un contexte historique précis.
C’est l’émergence de la figure du chef moderne. Pour Fayol la richesse n’est ni dans le capital, ni le
travail, ni les moyens de production, mais dans la recherche de perfectionnement et le management.
Aujourd’hui, le capitalisme financiarisé va beaucoup vers l’alignement de l’intérêt du dirigeant vers
ceux des actionnaires c’est-à-dire vision court terme

On s’éloigne du chef moderne…

1.4. Les critiques adressées à l’école classique

Taylor : décortiquer le travail dans le but d’être plus efficace. Lui c’était une question centrée sur le
travail.

Ford : il élargit, le travail mais aussi dans l’entreprise, gagner en productivité.

Repris par les travaux de Fayol qui sont en fait comment bien organiser tout ça. Théorie de la gestion
pour de vrai. De la fonction de management surtout.

 Critiques conceptuelles :

 Un « bon modèle » : repose sur l’idée qu’il n’existe qu’un seul bon modèle

 Les hommes sont interchangeables dans l’organisation

 Chaque homme y est réduit à sa fonction

 Critiques sur les applications de la théorie :

 Déshumanisation du travail

 Poids de la hiérarchie

Exercice
Regarder les deux vidéos sur le travail à la chaîne, l’une dans l’usine de Ford, l’autre dans l’usine de
Peugeot Sochaux, ainsi que ce bref retour historique sur le travail à la chaîne.

Quels points communs ? Quelles différences ?

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

2. L’école des relations humaines

Ecole qui a marqué la recherche sur les organisations à partir de la fin de la 2ème Guerre
Mondiale.

2.1. Les origines de la théorie

Contexte d’après Shoah aussi où on questionne le bienfondé de la rationalisation : Hannah


Arendt. Toutes ces manières d’organiser ça a déshumanisé le travail et du coup ça perd en
intérêt. Aliénation, travail à la chaîne etc. d’où la création de l’école des RH

On se considère plus les travailleurs comme des facteurs de production mais comme de
nouvelles ressources humaines. C’est une approche plus psychologique. C’est plus du tout des
patrons qui développent ces théories comme pendant l’école classique, mais des chercheurs,
en particulier des psychologues.

2.2. Georges Elton Mayo et les bienfaits de la considération

Georges Elton Mayo, australien psychologue et sociologue à l'origine du mouvement des


relations humaines en management. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs de la
sociologie du travail.

À Continental Mills, permet de baisser le turn over de 5% par an à 250% ainsi que la
dépression et l’alcoolisme. Notamment en instituant des pauses et en apprenant des gestes
simples de relaxation aux ouvriers. Il montre que ce turn over était dû à la monotonie des
tâches, fatigue ect.

 Fonde la sociologie du travail

 Premières expériences à Continental Mills et premiers succès

Le directeur l’embauche. En fait la question de départ c’est : est-ce qu’il faut installer un
système d’éclairage artificiel pour obtenir un meilleur rendement?

On divise en deux groupes :

- Sur l’un on ne fait rien

- Sur l’autre on augmente la lumière.

Surprise : dans les deux groupes la productivité augmente. Pourquoi ?


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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Autre expérience : on baisse le temps de travail = la productivité augmente. Puis on remonte


le temps de travail et la productivité ne rebaisse pas !

Parce que finalement ce qui joue c’est qu’on s’intéresse à eux. Les ouvriers sont plus sensibles
à l’attention dont ils sont l’objet qu’à la modification de leurs conditions de travail.

Naissance de l’effet d’Hawthorne : en sciences soc le simple fait d’observer un phénomène le


modifie.

Pleins d’enquête vont naître, on isole des groupes teste dans une pièce et on observe. Là
encore ce qu’on cherche c’est en modifiant les conditions de travail qu’est-ce qui se passe. On
mesure leur temps de travail, leur fatigue, leur nourriture, le temps de sommeil, la pression
artérielle…

2.3. Douglas Mac Gregor : la théorie du X et du Y

Professeur de management au MIT, docteur en psychologie. Publication notable : La dimension


humaine de l’entreprise, 1960. Psychologue américain, ses travaux auront un grand écho.

Cherche les motivations au travail et comprend que l’argent ne suffit. Considère que
l’entreprise est le lieu de l’épanouissement personnel.

Il postule que la manière dont une organisation est dirigée résulte directement des convictions
de ses dirigeants sur la nature humaine et le comportement des hommes.

THEORIE DU X :

Hypothèses :
• L’homme est paresseux, il n’aime pas travailler
• L’homme n’aime pas les responsabilités, il aime être dirigé
• Il a peu d’ambition et préfère la sécurité, il aime les tâches routinières

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

THEORIE DU Y :
Hypothèses :
• L’effort physique ou mental est naturel aux hommes
• La sanction n’est pas le seul moyen d’obtenir un effort
• L’homme peut s’autocontrôler
• Il est doué de créativité qui peut servir l’organisation

Conclusions :

La théorie X est la plus répandue mais elle est peu efficace.

La plus efficace est la théorie Y car elle repose sur des motivations plus profondes pour
intégrer les buts individuels aux buts de l’organisation.

La conclusion c’est que la manière dont on envisage le salarié dès le début et dont on
envisage son comportement vont être performatifs.

2.4. Abraham Maslow et la pyramide des besoins

Psychologue américain, ses travaux auront un grand écho. Cherche les motivations au travail
et comprend que l’argent ne suffit. Considère que l’entreprise est le lieu de l’épanouissement
personnel. Il veut justifier la théorie Y mais ça marche mal parce que malgré ça, y’a quand
même des gens dans l’entreprise qui cherchent la sécurité.

Il s’aperçoit de la complexité parfois contradictoire de ce qu’il appelle les besoins, la variété


des besoins en fonction des personnes.
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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Fonde la fameuse pyramide des besoins :

Les individus essaient de satisfaire un besoin puis passent au suivant.

Pour plus d’explications sur la pyramide voir Draw Me Economics.

Volonté de s’intéresser aux motivations profondes.


 Un accueil et une postérité sans pareil
 L’argent n’est pas la seule motivation au travail : accomplissement de soi
Mais…
 Un résultat dans un certain niveau ne supprime pas le besoin
 Les besoins physiologiques sont latents : ils reviennent en cas de manque
 La hiérarchisation des besoins est socialement aménagée
Finalement est-ce que c’est des besoins? On pourrait parler d’attentes ou de désirs peut-être
Vision simpliste et pas très opérationnel. Ça a été très repris parce que c’est simple…

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

2.5. Conclusion : les apports de l’école des relations humaines aux théories classiques

Exercice

Afin de conclure sur les transformations induites par le passage de l’école des relations
humaines vers l’école classique, vous remplirez le tableau ci-dessous.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

3. Les théories de contingences

S’intéresse cette fois à la forme des organisations. Comment caractériser les structures?
Quels sont les facteurs qui peuvent influencer leur agencement? Existe-t-il une structure
idéale? Années 80-90.

Contexte :
Forte croissance. La question c’est de savoir quelle est la structure, l’organisation qui permet
d’être le plus efficace et productif.
Comment et pourquoi les organisations industrielles varient-elles en structure et pourquoi
certaines structures semblent-elles associées à un plus grand succès commercial ?
Ça va donner un courant fécond, basé sur des recherches empiriques dont le but va être
d’identifier des structures types et de voir lesquels sont les plus efficace.
On l’appelle contingence parce que ces théories induisent l'absence de déterminisme*
Situation où l’état d’un système est déterminé par la valeur de paramètres internes et
externes indépendants, voire contradictoires de ses objectifs. Par extension, théorie qui met
en valeur l’aptitude, la capacité à trouver une solution pertinente à un problème donné, en
fonction de tous les paramètres internes et externes à l’organisation.
C’est sur ces facteurs de contingence que vont naître plusieurs courants dans la théorie des
contingences : les variables internes et les variables Externes.
L’adoption d’un type de structure est contingente.
On passe du modèle one best way à l’ancienne vers pas de modèle unique
Les structures de l’entreprises doivent s’adapter. Quels sont dès lors les principaux facteurs
de contingence ?
Variables internes vs Variables externes

3.1. L’organisation comme système

« La structure d’une organisation peut être définie simplement comme la somme totale des
moyens employés pour diviser le travail entre tâches distinctes pour ensuite assurer la
coordination entre ces tâches »

Mintzberg, 1939 –

Universitaire canadien, professeur de management. Il est très connu pour ses travaux sur les
organisations. Approche globale de l’entreprise : gestion, pouvoir, management…Professeur
en sciences de gestion depuis 1968 à Montréal.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Activité prolifique et fondatrice dans la théorie des organisations et dans la théorie des
contingences en particulier
Structure et dynamique des organisations (1982)
Le pouvoir dans les organisations (1983)
Manager. Ce que font vraiment les managers (2011)

6 éléments structurent les entreprises :


 Le centre opérationnel
Il est composé de membres de l’organisation (les opérateurs) dont le travail est lié à la
production de biens et services
Il se charge des tâches au contact direct du produit telles que l’approvisionnement, la
fabrication, la distribution et le support logistique de la production
 Le sommet stratégique
Il a pour objectif de faire en sorte que l’organisation remplisse sa mission de façon efficace,
notamment en servant les besoins de ceux qui contrôlent l’organisation ou qui ont du pouvoir
sur elle
Il a un rôle de supervision directe : le sommet prend les décisions importantes, résout les
conflits, alloue les ressources et contrôle, enfin il a en charge la communication externe de
l’entreprise
Il développe par ailleurs la stratégie de l’entreprise
 La ligne hiérarchique
Cette ligne joint le sommet stratégique au centre opérationnel
Elle est généralement unique et va de haut en bas, depuis les cadres situés sous la direction
générale jusqu’à l’encadrement de premier niveau (la maîtrise)
 La technostructure
Cet ensemble regroupe les experts qui vont aider à standardiser l’organisation et agir sur le
travail des autres pour le rendre plus efficace
La technostructure conçoit, planifie, contrôle le travail mais n’est pas en relation directe avec
lui
 Les fonctions de support logistique
Ce sont des unités relativement autonomes regroupant des activités secondaires ou
complémentaires qui pourraient être réalisées à l’extérieur de l’entreprise mais que l’on
conserve dans les limites de celle-ci pour mieux les contrôler
Ces fonctions vont du conseil juridique au restaurant d’entreprise en passant par les relations
publiques

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Les principales caractéristiques des structures : la division et la coordination du travail.

 Division pose la question de la spécialisation

 Coordination pose la question du pouvoir

Division horizontale forte : chacun est très spécialisé et fait des tâches très répétitives.

Division horizontale faible : opérateurs polyvalents qui tournent de postes en postes. Donc
moins spécialisés.

Division verticale forte : purs exécutants

Division verticale faible : responsabilisation des travailleurs et on favorise leurs initiatives.

Une fois le travail divisé, la question va être de coordonner les activités, structurer la
coopération, c’est ce qu’on appelle les mécanismes de coopération.

En gros ça veut dire comment est organisée la spécialisation : modalités de la division


verticale et horizontale du travail;

La coordination : certains sont spécialisés, mais il faut des processus et des standards :
comment on ajuste, comment on contrôle (ajustement directe, supervision) et est-ce qu’on
standardise els résultats? Les qualifications? Les procédés?

Formalisation : c’est la standardisation des processus de travail par :


- Standardisation des postes
- Des flux de travail
- Par le règlement.

Structure fonctionnelle : découpage de l’entreprise en grandes fonctions et spécialisation.


C’est la dirigeant qui coordonne et centralise. Plus l’entreprise grossit, plus les fonctions
opérationnelles se spécialisent : RH, marketing etc.

Divisionnelle : unités autonomes spécialisées en fonction des domaines d’activités


stratégiques, en gros division par produit ou type de production.

Matricielle : c’est un mixte, en gros c’est produits/région. Y’a plusieurs lignes hiérarchiques.

Mintzberg définit l’organisation comme un système, les auteurs que nous allons voir après
cherchent à comprendre quelles sont les variables qui font évoluer ces configurations.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Exercice

Vous retrouverez à partir d’une recherche internet et/ou bibliographique, les 5 configurations
institutionnelles de Mintzberg.
Dans votre dossier, vous devrez identifier de quel type l’organisation que vous avez choisi se
rapproche le plus.

3.2. Les déterminants de la structure : les variables internes

3.2.1. La technologie

Joan Woodward

1916 - 1971

 Expliquer les performances des entreprises par la structure


 Les structures n’expliquent pas les performances mais…
 Les types de technologies expliquent les performances.

Professeur de sociologie industrielle au Collège Impérial de Science et Technologie de


l'université de Londres. Il s'agissait, initialement, d'une étude sur la corrélation entre le succès
des entreprises et la mise en pratique des principes classiques.

Elle a tenté d’expliquer les performances (variables dépendantes ou à expliquer) par les
structures (variables indépendantes ou explicatives).

Les résultats montrèrent qu'il n'existait pas de relation directe significative entre ces
caractéristiques et le succès des entreprises. En d'autre termes, on trouvait dans les firmes
obtenant de bons résultats des configurations structurelles très différentes ; d'où la réflexion
de Woodward " il ne peut y avoir une seule bonne façon d'organiser les entreprises ".

3 types de production identifiées :

a. Production à l'unité ou en très petite série :

Production spécifique, c'est à dire production à la commande par exemple : la confection sur
mesure; production de petites séries selon les définitions fournies par le client.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

b. Production de grandes séries :

Production de grandes séries en ateliers séparés, production de grandes séries sur ligne
d'assemblage, production de masse.

c. Production en continu ou par processus : comme par exemple l'industrie pétrolière et


chimique, avec une distinction entre

Résultat 1 : les structures d'organisation varient avec les types de système de production.
• le nombre de niveaux d'autorité augmente avec la complexité technique.
• les communications passent de entièrement verbales à presque entièrement écrites.
• le ratio : effectif cadre + direction / effectif total croît avec la complexité technique.

Résultat 2: les entreprises performantes sont celles dont la structure est la plus proche de la
structure type du groupe auquel elles appartiennent. Inversement les firmes les moins
performantes ont les structures les plus éloignées du type de leur catégorie.

La conclusion des recherches de Woodward est qu'il existe bien une structure idéale mais dans
chacune des catégories technologiques distinguées.

Les structures d’organisation varient avec les types de système de production

Les entreprises performantes sont celles dont la structure est la plus proche de la structure
type du groupe auquel elles appartiennent.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

3.2.2. La stratégie

Alfred Chandler, historien des affaires.


1918 - 2007
Ouvrages fondateurs :

Stratégies et structures de l’entreprise (1962);

La main visible des managers (1972)

Influence sur les milieux d’affaires :

Chandler part de l’observation de 4 grandes entreprises américaines, en décrivant la façon


dont elles ont maitrise la complexité vécue en terme d’organisation pour identifier une
séquence stratégie/structure. A une stratégie donnée doit correspondre une organisation type.

Pour lui les choix stratégiques sont conditionnés par l’environnement + stock de ressource.
C’est la stratégie élaborée à partir de ces éléments qui conditionne la structure.

- La petite entreprise produit dans son marché, puis elle grossit et se diversifie.
Stratégie d’expansion en volume;

- Avec la hausse de la demande, elle va chercher des opportunités, nouvelles


ressources, etc aller vers des partenaires extérieurs. Stratégie d’expansion
géographique (multiplication des sites d’implantation)

- Elle va donc décentraliser son pouvoir avec son extension et formaliser sa structure.

Pour ça elle doit passer par une structure fonctionnelle :

- Stratégie fonctionnelle stratégies d’intégration verticales

- Puis elle élargit sa gemme et va vers une structure plus souple, de type matricielle.

Finalement la structure est mouvante en fonction des périodes. Il participe ainsi à expliquer
pourquoi à un type de capitalisme correspond une forme d’entreprise.

3.3. Les déterminants de la structure : les variables externes

Burns et Stalker (1966)

Mesure de la variabilité de l’environnement à partir de taux de changement de la technologie


et du marché.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

5 types d’environnement :
L’environnement stable
L’environnement requiert de petits ajustements
La technologie est très changeante
Technologie et marché instables
Technologie et marché instable et incertitude totale

Là encore la question c’est comment l’environnement joue sur la structure.


Prise en compte de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise. Ils ont étudié une
vingtaine de firmes industrielles, en Grande Bretagne, appartenant à différents secteurs.

Résultat : Plus les marchés sont stables, plus on va vers une structure mécaniste. Au contraire,
plus y’a de changement, plus on va vers structure organique.

Aucun des deux systèmes n'est intrinsèquement supérieur à l'autre.


Le type mécaniste doit permettre d'atteindre de meilleurs résultats pour les firmes travaillant
avec un marché relativement stable et une technologie qui ne change pas.
Le type organique est approprié pour les organisations confrontées à des situations instables,
des tâches nouvelles, des problèmes imprévisibles

Résumons …

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

3.4. Conclusion sur les théories des contingences

4. Conclusion du chapitre

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

Encastrement des sciences de gestion dans les disciplines voisines. Rôle du contexte
historique dans le développement des théories des sciences de gestion.

Une diversité de travaux dans des disciplines voisines (sociologie, économie) afin de
comprendre comment augmenter la performance des entreprises et comment les organiser
pour qu’elles atteignent ces objectifs de performance.

Les contextes socioéconomiques et politiques ont un impact sur les théories.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

II – La bureaucratie

Envisager bureaucratie comme lourdeur et lenteur c’est ne pas comprendre le cheminement


de pensée de toute cette époque. Au contraire, c’est le degré de rationalisation qui a fasciné
ces auteurs, Weber mais aussi Merton. Rationalisation qui touche les représentations, les
valeurs, les institutions, les pratiques sociales. La bureaucratie est un instrument de
rationalisation dont se dotent les grandes organisations modernes.

C’est majeur parce que : la bureaucratie comme phénomène moderne est apparue en
Occident en même temps qu’une économie monétaire et qu’un capitalisme en formation,
lequel avait intérêt à obtenir la sécurité́ du droit et la prévisibilité́, deux qualités qui favorisent
à leur tour ce capitalisme et que la rationalité́ formelle de la bureaucratie et du système de
droit (qui lui correspond) est le mieux à même de garantir.

Bureaucratie, administration : ça parle de l’admin bien sûr, mais pas que. Bureaucratie c’est
aussi les grandes sociétés. Est-ce que c’est efficace ? Comment c’est organisé ? et surtout
pourquoi ?

1. Aux origines de la bureaucratie : Max Weber

1.1. Éléments biographiques

Max WEBER est né le 21 avril 1864 est protestant et se compose d’industriel du textile, de
hauts fonctionnaires et d’universitaires.

A 25 ans, il soutient sa thèse de doctorat sur l’histoire des sociétés commerciales au moyen
âge et achève 2 ans plus tard son écrit d’habilitation.
En 1909, il débute son œuvre majeure qui demeura inachevée : « Economie et société ».

1.2. La sociologie compréhensive de Weber

Revenir au holisme méthodologique pour comprendre Weber : un détour par Durkheim.


Ouverture de Economie et société : « Nous appelons sociologie une science qui se propose de
comprendre par interprétation l’action sociale et par là d’expliquer causalement son
déroulement et ses effets. Nous entendons par « action » un comportement humain, quand
et pour autant que l’agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. Et par action

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

« sociale », l’action qui d’après son sens visé par l’agent ou les agents, se rapporte au
comportement d’autrui, par rapport auquel s’oriente son déroulement ».
Deux objectifs de cette sociologie compréhensive wébérienne :

1. interprétation compréhensive (ie non normative) de l’action sociale pour expliquer son
déroulement et ses effets
2. expliquer la transformation massive des institutions de la vie collective qui a modifié la
figure globale de la civilisation occidentale : la formation de l’économie capitaliste.
Méthode des idéaux types.

« c’est une construction du chercheur, un tableau de pensée qu’on ne trouve nulle part
empiriquement. ». Ce n’est pas une catégorisation non plus. C’est une abstraction de la
réalité qui sert à mesurer les écarts à la réalité, ce n’est pas une fin en soi c’est un moyen de
construire la connaissance.
1.3. Les déterminants de l’action sociale et formes d’autorité

4 types de déterminants à l’action sociale, des motivations subjectives.

- l’action « téléologiquement rationnel », ce qui est en fait du pragmatisme. Les individus font
des choix rationnellement en fonction de but et capacités.
- l’action wertrationnel, rationnelle en valeur : action réfléchie ordonnées à des valeurs ou
des impératifs auquel l’individu se sent engagé (éthique, religieux…) ce qui la distingue de la
première c’est le fait de ne pas prendre en compte les conséquences anticipables.
Par exemple, un révolutionnaire radical ou un pacifiste (les exemple de Weber) qui ne
prennent pas en compte la réalisation concrète de leurs actions et se fichent de l’issu qui peut
avoir des effets pervers. c’est l’éthique qui prévaut ici.
- l’action déterminée par des affects ou des émotions : vengeance, jouissance.
- l’action traditionnelle : imitative, qu’il déconsidère vu qu’elle s’appuie sur rien.

Aucune action n’est seulement une catégorie : la règle c’est que c’est les 4 mélangées.

Ce qui l’intéresse c’est comment dans ces organisations, les gens gouvernent les autres gens.

Les formes de légitimité qui permettent à certains d’agir sur d’autres :

Diversité de formes de pouvoir dans les collectifs, mais qui trouve sa source sur ce qui fait
adhérer au pouvoir. Pour Weber les organisations sont de la domination et de la soumission,
bien que volontaire. Mais comment expliquer ? A partir des formes de légitimité. Il en
distingue 3 :
- domination légale : croyance dans les normes de droit qui font par des arrêtés que le chef
est le chef.
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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

- domination traditionnelle qui s’appuie sur la tradition, le fait que c’est le chef depuis
toujours. S’appuie sur le fait que les gens sont qualifiés. Relation type seigneur sujet.
- domination charismatique : confère au chef une aura qu’il aurait hérité de ses exploites.
Plus tard on a montré que c’était insuffisant pour expliquer la soumission, mais ça montre que
ce qui intéresse Weber c’est surtout la bureaucratie. C’est toujours une explication des règles
et du droit.

C’est des idéals types pas des modèles à chercher dans la réalité.

Exercice
Vous lirez le texte de Weber, 1920 et celui de Treiber 2010 pour dégager les principales
caractéristiques de la bureaucratie.

2. La critique radicale

2.1. Arendt et la banalité du mal bureaucratique

Hannah Arendt conçoit la bureaucratie comme le pouvoir « d’un système complexe de


bureaux où ni un seul, ni les meilleurs, ni le petit nombre, ni la majorité, personne ne peut
être tenu pour responsable, et que l’on peut justement qualifier de règne de l’Anonyme ».
Dans ce cadre, la bureaucratie ne permet pas de contrôle et met en place une « conspiration
involontaire » qui peut exécuter des actes qu’aucun individu n’appuierait, mais dans lesquels
tous sont finalement complices : « dans une bureaucratie pleinement développée, il ne reste
plus personne avec qui l’on puisse discuter, à qui l’on puisse présenter des griefs, sur qui les
pressions du pouvoir pourraient être exercées ».
La « banalité du mal » est un concept philosophique développé par Hannah Arendt en 1963,
dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal. Lors de son procès,
Eichmann, qu’on pense être une bête furieuse et qui devrait laisser une forte impression,
montre plutôt l’image d’un petit fonctionnaire médiocre, ce qui fait dire à Arendt que le mal
ne réside pas dans l’extraordinaire mais dans les petites choses, une quotidienneté à
commettre les crimes les plus graves.
Hannah Arendt, philosophe juive d'origine allemande réfugiée aux États-Unis et auteure d'un
livre sur Les Origines du totalitarisme, offre au magazine The New Yorker d'agir comme
envoyée spéciale pour couvrir le procès d'Adolf Eichmann, criminel de guerre nazi, auquel elle
assiste à Jérusalem en 1961 et 1962. L'accusé n'est pas comme elle s'y attendait ; c'est un
homme « insignifiant ». Le procès fait une large place aux « isme », nazisme et antisémitisme,
mais elle veut comprendre le rapport entre l'homme et ses propres actes. Ainsi, dans une
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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

série d'articles, elle soutient qu'Adolf Eichmann a abandonné son « pouvoir de penser » pour
n'obéir qu'aux ordres, il a renié cette « qualité humaine caractéristique » qui consiste à
distinguer le bien du mal, et, en n'ayant « aucun motif, aucune conviction (personnelle) »,
aucune « intention (morale) » il est, dit Arendt, devenu incapable de former des jugements
moraux. D'un point de vue philosophique, ce qui est en cause dans les actes affreux qu'il a
commis n'est donc pas tant sa méchanceté que sa « médiocrité » - d'où l'expression «
banalité du mal ».
Selon Arendt, Eichmann a complètement abandonné sa capacité à penser ses actes à partir
de la conférence de Wannsee, en 1942. Elle rejette complètement l'accusation de ses
détracteurs qui l'accusent de défendre Eichmann. Dans le drame biographique de Margarethe
von Trotta sorti en 2013, Hannah Arendt, qui relate la controverse et l'incompréhension
suscitées par les articles de la philosophe sur le procès de Eichmann, il est rapporté qu'elle
aurait prononcé lors d'un cours à ce sujet : « j'ai essayé d'écouter et de comprendre ; ce n'est
pas la même chose que pardonner ». Elle confirme que son crime est « impardonnable ».
Cependant, Hannah Arendt comprend l'absence de pensée comme étant, non pas une fatalité
imposée de l'extérieur par quelque force insurmontable, mais le résultat d'un choix
personnel, de l'ordre de la démission. Penser est une faculté humaine, son exercice relève de
la responsabilité de chacun. Eichmann, selon elle, a forcément choisi d’arrêter de penser,
voilà pourquoi il reste coupable, l'obéissance mécanique n'étant, dans cette situation, pas une
excuse. La banalité : ce terme indique aussi que le mal est partout dans la société. Toute une
société se met, de façon commune, à accepter une étiquette morale sans entretenir de
réflexion à son sujet. La société adhère à un système normatif et cesse de comprendre son
contenu. Puis, sous diverses pressions, ce contenu évolue, pouvant même devenir l'inverse de
ce qu'il était : "tu tueras ton prochain" pour le IIIe Reich, ou "tu porteras de faux témoignages
contre ton prochain" pour l'URSS sous Staline. Cette évolution peut se produire très
brutalement : en une nuit, dit Hannah Arendt, et il ne reste plus que l'habitude de tenir
fermement à quelque chose. Hannah Arendt a montré pourquoi la pensée humaine était un
rempart contre le totalitarisme. Et la comparution devant un tribunal permet de mettre un
terme à cette absence de pensée, à cette banalité du mal, car l'accusé n'y apparait plus et ne
s'y pense plus comme un rouage d'un État tout puissant, mais comme un individu pensant qui
doit répondre de ses propres actes. L’obéissance à des ordres n'est jamais mécanique, car en
politique l’obéissance a le même sens que le mot soutien. Voilà pourquoi, chacun est
personnellement redevable, possiblement coupable, de ses actes. Il peut y avoir une
responsabilité collective, mais la culpabilité s'examine à l'échelle de chaque individu.
Source Wikipedia.

Peut-on faire un parallèle avec l’écologie ?

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

2.2. David Graeber et la bureaucratie libérale

David Graeber, né le 12 février 1961 à New York (États-Unis) et mort le 2 septembre 2020 à
Venise (Italie), est un anthropologue et militant anarchiste américain, théoricien de la pensée
libertaire nord-américaine et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street.
Évincé de l'université Yale en 2007, David Graeber, « l’un des intellectuels les plus influents du
monde anglo-saxon » selon le New York Times, a ensuite été professeur à la London School of
Economics. Il est notamment le théoricien du concept de « bullshit job ».
Bureaucratie, l’utopie des règles est un livre de l'anthropologue David Graeber sur la manière
dont les populations « s'identifient » et sont influencées par les bureaucraties. Publié en 2015
aux États-Unis, il est traduit en français la même année.

Exercice

Vous écouterez le podcast et vous vous demanderez pourquoi la bureaucratie est une conséquence
paradoxale du libéralisme.

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

III – Rationalité et prises de décisions dans l’organisation1

Prise de décision et rationalité sont des thèmes très classiques de la sociologie des
organisations. Il s’agit de comprendre comment les individus se coordonnent et prennent des
décisions, et du coup forcément ça pose la question de la rationalité dans la décision.
On a renoncé depuis longtemps à la rationalité illimitée : on sait que les individus ont des
comportements pas nécessairement rationnels au sens recherche de maximisation du profit.
En partie parce qu’ils ne peuvent pas : accès illimitée aux informations, compréhension,
anticipation. Mais on ne peut pas s’arrêter à ça pour comprendre comment les individus se
comportent dans les organisations. On va plutôt chercher les manières de faire cohérence et
chercher les différentes formes de rationalité à l’œuvre. On fait parfois des choses qui nous
paraissent très rationnelles mais qui ne le sont pas…et cela pour diverses raisons que nous
allons expliciter ici. Il existe des biais qui expliquent qu’on ne soit pas tout à fait rationnels, ce
qui ne veut pas dire que les comportements ne puissent pas être expliqués.

1. Les biais de rationalité

Il ne faut pas voir biais au sens négatif mais au sens de la contrainte, ce qui empêche. Ce n’est
pas forcément faire des erreurs. Il ne faut pas y mettre une dimension normative.

1.1. Manipulation des données

Le premier biais c’est bien évidemment lié à la manipulation des données. On croit toujours
comprendre les statistiques, les données chiffrées parce que c’est chiffré, mais ce n’est pas le
cas. De manière générale, les individus prennent des décisions en se fondant sur une
rationalité qu’ils pensent chiffrée, donc juste. Mais il y a pleins d’erreurs et/ou de décisions
qui sont prises qui sont liées justement au fait qu’on ne soit pas des bons statisticiens :
On surestime/sous-estime parfois la probabilité d’évènements. C’est tous les individus qui
font cette erreur, mais également des chercheur.es, des politiques, des ingénieurs, etc. On
pense plus probable ou moins probable la survenue d’un évènement.
Si on prend les deux dernières années et la pandémie, rien que sur l’aspect médical il y a des
chiffres dans tous les sens, et pourtant des difficultés à s’y retrouver, et surtout, tous les
individus pensent être rationnels.
« C’est rationnel de ne pas se faire vacciner selon moi. »

1
Cette partie est librement inspirée du cours de Thomas Reverdy disponible en ligne. Vous pouvez vous y
référer pour approfondir si nécessaire.
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« C’est irrationnel de ne pas se faire vacciner selon moi. »

Les deux se sentent complètement rationnels et ont l’impression que l’ensemble des données
à leur disposition leur donne tout à fait raison.

Confusion entre corrélation statistique et relation de cause à effet.

Ce n’est pas parce que deux évènements statistiques sont corrélés, c’est-à-dire quand l’un
baisse l’autre agit de la même manière ou au sens inverse, qu’il y a un lien de cause à effet
entre les deux.
Exemple bien connu :
« En France, 57 % des morts ont lieu à l’hôpital : la probabilité de mourir dans les
établissements de santé est supérieure à celle de passer l’arme à gauche chez soi dans son lit.
Alors, dangereux l’hôpital ? Non. Si la proportion de morts est plus élevée à l’hôpital, c’est
parce qu’on s’y rend lorsqu’on est malade, et que c’est quand on est malade qu’on risque le
plus de mourir. »
De la même manière, voici une corrélation forte :

 Le nombre de personnes vivants avec le VIH est corrélé avec la concentration de CO2
dans l’atmosphère. Corrélation positive, c’est-à-dire que les deux évoluent dans le
même sens.
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Qu’en conclure ?
ABSOLUMENT RIEN ! L’un n’explique pas l’autre.
Voir le site internet du journal Le Monde pour d’autres corrélations absurdes. Attention
vraiment à cette question.

1.2. Soi, face d’une décision

Nos décisions sont prises en fonction du degré de risque qu’on mesure. Or, les individus ont
de manière générale une aversion au risque : on choisira toujours la décision la moins risquée,
même si le gain à la fin est moins élevé…

D’autre part, les individus prennent des décisions à partir de souvenirs passés : toutes les fois
où j’ai agi comme ça, il s’est passé cette chose-là : la décision est guidée par l’expérience mais
pas par un calcul rationnel.

Enfin, les individus prennent de mauvaises décisions parce qu’ils ne se concentrent pas sur
l’élément sur lequel ils devraient se focaliser…Dans l’organisation on se focalise parfois sur un
élément et du coup on oublie les autres.
1.3. Quand on veut faire comme tout le monde….

Dernier biais dans la prise de décision, c’est le poids des autres. Les individus sont influencés
par ce que font les autres et suivent leurs décisions.

Déjà les individus ne sont pas rationnels ont l’a vu, ou plutôt ils pensent tous l’être. On prend
des décisions sur la base d’une rationalité qui est limitée. Mais on peut également voir ces
biais comme autant de façon de construire des réalités propres en fonction des individus. On
construit nos prises de décisions en fonction de croyances, de biais qui nous sont propres.

2. La prise de décision individuelle

Donc nos décisions sont guidées par un univers qui n’est pas rationnel, nos propres systèmes
de croyances et la réalité que nous construisons à partir des données qui nous entourent. Et
puis, nous agissons en fonction d’heuristiques de décisions, de paternes.

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2.1. Les routines

En organisation, surtout en entreprise, rôle majeur des routines. On prend des décisions à
partir de ce qu’on connait déjà. Les membres d’une organisation ont acquis des routines, des
habitudes de travail et de vie qu’ils reproduisent sans se poser la question à chaque fois de
l’efficacité ou de la rationalité.
2.2. Rationalisation à posteriori

Même lorsque l’on a fait une erreur de décision, on continue de penser que c’était une
décision rationnelle : on s’en convainc presque. Le but est de garder la face mais aussi parce
que nous sommes attachés à un idéal rationnel : personne ne peut se dire « je prends des
décisions complètement au hasard ».

3. Décider à plusieurs : démocratie, consensus, consentement

Forcément, il ne s’agit pas de rationalité. Comment prendre des décisions tous ensemble ?
Exemple très connu de la crise des Missiles de Cuba.

Exercice

Vous lirez l’article Wikipédia sur la Crise des Missiles de Cuba en 1962. Cela illustre comment les
décisions sont prises sur la base des routines et non de la rationalité.

Ce document propose une réinterprétation de la crise COVID à partir de cette grille de lecture.

3.1. Les contraintes à la décision

Dans les organisations cependant, y’a des contraintes : il y a un cadre, une division du travail,
des protocoles, qui empêchent les individus de prendre des décisions seules. Evidemment
plus l’organisation est grande et bureaucratique, plus cela est vrai. On dira donc pour
reprendre Cyert et March que la rationalité des individus est contrainte dans l’organisation
par plusieurs mécanismes :

• L’information ne circule pas librement : tout le monde n’a pas accès aux mêmes
informations ;
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• Les individus dans l’organisation obéissent aux procédures, ils ne sont pas complètement
libres de sortir des processus déjà établis ;
• Plus la hiérarchie est forte, moins les possibilités de décisions sont élevées ;
• Les individus n’ont pas forcément le temps de chercher la meilleure façon de prendre
une décision ni toutes les informations nécessaires.

3.2. Le modèle dit de « Garbage can »

Exercice

Vous lirez le texte original de la « Garbage can* » : pourquoi les organisations peuvent être
considérées par les auteurs comme des organisations anarchiques ? Qu’est-ce qu’ils entendent par
« anarchie organisée » ?

* Si la lecture en anglais vous pose des problèmes, vous pouvez lire des résumés de la théorie ici ou là.

3.3. Décisions et rapports de pouvoir

Enfin, les décisions dans les organisations sont prises en fonction de rapport de pouvoir. Au-
delà de la rationalité et des routines, c’est également les différentes coalitions au pouvoir qui
expliquent les formes des décisions.

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IV – Les institutions totalitaires

Ce qui est intéressant c’est de regarder les organisations « spéciales » pour voir ce que
finalement elles révèlent des organisations classiques. Ça permet de mettre à distance la
normalité.
Erving Goffman, Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux, 1968.
On reprend le livre, en particulier le 1er et 2ème chapitre.

Mort en 1982, avec Howard Becker, seconde école de Chicago. L’interactionnisme. La mise en
scène de la vie quotidienne.
Bourdieu dit :

« Mais peut-être faut-il isoler l'ouvrage que Erving Goffman a consacré aux “ institutions
totalitaires ”, Asylums (1961), sans doute son livre le plus important et tout à fait à part dans
son œuvre. Goffman entreprend de montrer, par l'étude comparative des casernes, couvents,
asiles, prisons, voire camps de concentration, que des institutions apparemment très
différentes dans leurs fonctions déclarées, présentent des analogies frappantes dans leur
fonctionnement : ces mondes fermés où l'on n'entre qu'après un dépouillement préalable de
tout ce qui faisait l'identité sociale, soumettent le nouvel entrant à un processus de
restructuration qui, dans le cas de l'asile psychiatrique, a nom “ asilisation ”. Dans ce
processus de production d'un “ homme nouveau ” ajusté aux exigences de l'institution, le
langage de l'institution, celui de la psychiatrie par exemple, a un poids déterminant. »
« un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même
situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent
ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées. »

Exemples : asiles, prison, maison de retraite, caserne, couvent, camp de concentration.


Goffman dit toutes les institutions prennent du temps et accaparent, créent un langage qui
enveloppe. Mais les institutions totalitaires poussent à bout le concept.
On peut les classer en 5 groupes :
- celles dont le but est de prendre en charges les personnes jugées incapables de subvenir à
leurs besoins et innoffensives (vieillards, orphelins) ;
- celles celles dont le but est de prendre en charges les personnes jugés incapables de
subvenir à leurs besoins et dangeureuses pour la communauté même si c’est involontaire
(asile) ;
- celles dont le but est de protéger la communauté des dangers, sans que la première
intention soit celles concernant les personnes mises dedans (prison, camp de prisionnier) ;

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- celles qui répondent au besoin de créer les meilleures conditions pour la réalisation d’une
tâche donnée et qui justifient leur existence par cela (casernes, navires, internat, camp de
travail) ;
- celles qui ont pour objectif d’offrir une retraite hors du monde (couvent)

Aucun des éléments qu’on va décrire ne s’applique qu’aux organisations totalitaires, et


chacune en présente des signes différents et une intensité différente. Goffman pensait que
c’était un trouble conceptuel, on pense au contraire que c’est justement le mesure de la
norme qui est intéressant.
Vie recluse et vie normale :

Caractéristique de nos sociétés : les individus dorment, se distraient et travaillent dans des
endroits différents, sans que cette diversité relève d’un plan d’ensemble. Au contraire, les
institutions totalitaires brisent les frontières et séparent ces trois champs.

- Tous les aspects de la vie sont sous la même autorité et dans le même cadre.
- Toutes ces activités sont effectuées avec de la promiscuité avec les autres personnes-
habitants
- Ils sont tous soumis aux mêmes traitements et obligations
- Les périodes d’activités sont réglées selon un rythme clair et un programme strict. Chaque
tâche s’enchaîne avec la suivante.

→ Les différentes actvités ainsi mises font un plan unique et ratonnel, consciemment
construit pour répondre au but officiel de l’institution.
« le caractère essentiel des institutions totalitaires est qu’elles appliquent à l’homme un
traitement collectif conforme à un système d’organisation bureaucratique qui prend en
charge tous ses besoins, quelles que soient en l’occurrence la nécessité ou l’efficacité de ce
système ».

Dans ce monde, opposition forte entre les reclus et l’équipe admin. Les reclus ne vont pas ou
peu à l’extérieur, alors que l’équipe admin travaille et donc sort. Les échanges sont faibles et
chacun à des vues très stéréotypés sur le groupe d’en face.

Ce qui augmente la distance entre reclus et personnel : la rétention d’information. On ne leur


donne pas. En particulier les malades par exemple. Les reclus ont moins d’information y
compris sur eux-mêmes. Deux univers sociaux et culturels cohabitent dans ces lieux.

Le fossé qui existe entre travailleur et patron est réduit lorsque le travailleur perçoit son
salaire : l’autorité prend fin et le travailleur fait ce qu’il veut. Alors que les reclus ça ne s’arrête
jamais. C’est pour ça que souvent ils s’ennuient…
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D’autres institutions totalitaires font travailler les reclus : les prisons.


Code du travail pénitentiaire :
Le code du travail et le Smic habituel ne s'appliquent pas aux personnes détenues travaillant en prison.
La personne détenue ne signe pas de contrat de travail, mais un acte d'engagement.
La rémunération ne peut pas être inférieure à 1,62 € par heure.
Le montant de la rémunération est porté à la connaissance des personnes détenues avant le début de
l'activité. La rémunération est soumise à des cotisations sociales.
La personne détenue reçoit sa rémunération nette sur son compte bancaire nominatif. Elle peut en
disposer immédiatement, mais une partie est cependant retenue pour constituer un pécule de
libération. Il peut arriver aussi qu'une partie de la rémunération soit retenue pour indemniser les
victimes.

La durée du travail pénitentiaire ne peut pas dépasser les horaires pratiqués en dehors de la prison
dans le secteur d'activité concerné.

(Les sections suivantes reprennent l’ouvrage de Goffman).

1. L’univers du reclus

1.1. Changement culturel

L’individu entre avec une culture importée dont il doit se défaire. D’où l’importance d’enlever
les vêtements, les objets qui comptent etc.
Déculturation.
1.2. Les techniques de mortification

L’individu entre avec une présentation de lui-même qu’il construit avec des dispositions :
objets etc. on lui enlève, le but c’est de mortifier cet être. « Profanation de la personnalité ».

• Isolement (on prive dès le début de droit de visite pour bien marquer la frontière ;
• Cérémonies d’admission (enregistrement, pesée, cv, photo) mais aussi bizuth, forme
de violence, mise à nu du corps ;
• Dépouillement : on remplace les biens de l’individu par des biens de série, déjà utilisés
et qui ne sont pas propre à lui. On les change fréquemment pour qu’il ne puisse pas
mettre sa personnalité dans ces objets ;
• Dégradation de l’image de soi : peur de la perte d’intégrité, qu’on en veuille à son
corps (traitement de choc, viol, etc.).

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

• Contamination physique : c’est sal, contamination des corps, entrée dans l’intime. Les
faits déshonorants sont connus de tous. Mais aussi être forcé à manger des
médicaments, à manger tout court. Hygiène douteuse sur la santé ;
• Contamination morale : contamination par d’autres co détenus considéré comme
moins bien. Les gardiens dénient aux gens la possibilité de garder les privilèges
associés à leur classes sociales (ex dans l’armée).

1.3. Les voies de la dépersonnalisation

Autre forme de mortification, le fait de faire rompre le lien qui unit normalement la personne
à ses actes : ce qui le fait agir.

• Le ricochet : le fait que dans la vraie vie quand on est énervée on boude on crie on
refuse, là on ne peut pas sinon c’est pire. Et du coup c’est un usage de la vie recluse de
nous apprendre à faire des choses que nous ne voulons pas faire. On apprend à se
soumettre. De plus, dans la vie normale ce que on fait dans les différentes sphères
c’est avec d’autres gens d’où différentes façons de se présenter et potentiellement
différents regards. Là c’est tous mélanger du coup on peut pas se comporter de
différentes manières ;
• L’embrigadement : dans la vie normale, on n’a pas peur de subir des sanctions et des
réprimandes toutes la journée. On peut ranger comme on veut, manger dans l’ordre
qu’on veut dans la vraie vie, dans la vie contrainte on apprend à ne pas se poser cette
question. Autorité qui s’exerce sur tout : nourriture, vêtement.

1.4. Réclusion et aliénation

2 points généraux de ces formes de mortification :

• La perte d’autonomie
• La rationalisation de la servitude « dans la plupart des IT, les mortifications sont
officiellement rationalisées en fonction d’autres principes : hygiène = prétexte aux
corvées de latrine ; sauvegarde de la vie = faire avaler de force les aliments ; aptitude
au combat = justifier le règlement militaire ; sécurité = règles coercitives en prison.
Pourtant dans ces trois types d’IT, les diverses mortifications de la personnalité ne
procèdent souvent que du souci de régler à moindre frais l’activité quotidienne d’un
nombre important de personnes sur un espace restreint. »

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Sociologie des organisations – EAD 2022/2023

1.5. Le système des privilèges

C’est ce qui charpente la reconstruction de la personnalité.

1.6. Stratégies d’adaptation

La logique de solidarité et fraternisation est l’exception plutôt que la règle.


La stratégie c’est plutôt :
• Repli sur soi ;
• Intransigeance : ne pas collaborer (dans le cas de l’HP ou des prisonnier) alors que
pourtant on sait que c’est une posture défensive. En règle général on considère que
c’est une forme de stratégie ;
• Installation : le monde reclus remplace totalement le monde normal ;
• Conversion : adopte le point de vue de l’institution. A fond ;
Evidement les stratégies se mélangent, personne ne fait une seule.

Exercice

Vous lirez le texte écrit par un détenu, Libre Flot, et publié dans l’Envolée. Vous relèverez
l’ensemble des dispositifs mis en lumière par Goffman et que l’on retrouve dans le texte.

2. L’univers du personnel

Le personnel travail sur l’humain en fait et uniquement là-dessus c’est l’organisation des
humains. L’homme y est une chose : exemple on préfère des patients minces que gros parce
que plus facile à manipuler comme sur une chaine de montage.
L’homme comme fin : considéré comme un matériau sur lequel on agit. Inanimé.
Les vêtements sont considérés utilitaires et non esthétiques. Il cite une publicité de 1955 :
« Combinaison gaie, robuste, fermeture par les boutons pressions, d’une seule pièce,
spécialement conçue et expérimentée par des établissements pour malades mentaux et
arriérés. Contrarie les instincts d’exhibition. Très résistante, s’enfile par-dessus la tête,
dispense de soutien-gorge et de tout autre sous vêtement. Boutons pression à l’entre jambes
pour faciliter la satisfaction des besoins intimes. Modèles imprimés de jolis dessins ou en deux
couleurs. Encolure ronde, en V ou en carré. Ne se repasse pas. »

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L’humain comme matériaux. Différence avec l’objet inanimé c’est la capacité de résister mais
très faible pour les raisons évoquées avant.
Idéologie forte de l’institution sur lui : il doit voir les reclus comme l’institution fait semblant
de les traiter.

Exercice

Vous écouterez le podcast de Canal U sur les prisons africaines. Dans quelle mesure ce
podcast confirme ou infirme l’idée selon laquelle la prison est une institution totalitaire ?

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V – Méthodologies d’enquête

Toutes ces questions nécessitent de l’enquête pour pouvoir y avoir accès. Mais comment fait-
on pour enquêter sur le travail ? sur la rationalité ? la motivation ? comment fait-on pour
avoir accès aux comportements dans l’organisation ?
On met en place des méthodologies d’enquête, comme dans les autres sciences. On l’a dit en
introduction du cours, c’est la différence entre la sociologie et le café du commerce : les
propos sont des connaissances scientifiques qui s’appuient sur quelque chose pour étayer
leurs propos, mais du quoi sur quoi on s’appuie ? Et comment on construit ces connaissances
scientifiques, comment on les valide ?

Exercice

À partir des éléments déjà vus en cours, listez les méthodologies d’enquête qui ont été
présentées. Vous réfléchirez pour chacune des méthodes à quelle question elles ont répondu
et éventuellement quelle(s) question(s) restent malgré tout en suspens.

Pour les questions qui nous intéressent dans ce cours, quelques méthodes peuvent-être
privilégiées :

• Le questionnaire
• L’entretien directif, semi-directif, l’entretien de vie
• L’observation
Nous allons voir ce que chacune de ces méthodes permet de construire comme
connaissances, quelles sont les limites et les possibilités.

1. Le questionnaire

Objectif : saisir le sens de pratiques, de conduites, en les confrontant à des éléments


sociodémographiques et/ou des variables explicatives qui semblent adéquates d’après les
hypothèses.
Exemple : je cherche à étudier quel est le profil des gens qui pratiquent le football en club. Je
vais donc chercher des variables explicatives : âge, sexe, CSP, lieu de vie etc.
 On doit expliquer pourquoi on retient une variable plutôt qu’une autre.
Exemple : je ne retiens pas la variable « posséder un animal domestique » pour expliquer la
pratique du football parce que…

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Le questionnaire nécessite donc de construire des hypothèses c’est-à-dire de partir de


variables qu’on pense explicatives.
On peut se rendre compte que nos variables ne sont pas explicatives et donc en chercher
d’autres, il y a un va et vient avec le terrain.

2. L’entretien, la conversation

Exercice

Vous lirez le texte sur l’entretien et sur l’observation : Sardan, 1995 ; L’entretien
l’observation.

3. L’observation

Chaque moment suppose des opérations concrètes et renvoie à des questions


méthodologiques :

*Comment observer les comportements en organisation ?


* Comment identifier les comportements informels et les différencier des comportements
conformes?
* Comment raisonner pour construire des hypothèses explicatives ?
* Comment rendre opérationnels les concepts des modèles théoriques ?

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Évaluation finale

Corpus documentaire et questions de cours sur le corpus

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