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sociales de Tunis
Mastère Recherche Droit des affaires
Droit du marché
financier
Inès YOUSSEF
2022/2023
SOMMAIRE
2
INTRODUCTION
En droit tunisien, le marché financier est placé dans un cadre juridique spécial
visant la protection de l’épargne publique.
C’est ainsi que les principaux textes juridiques en la matière sont :
- CSC
- Code des OPCVM
3
- Décret n°99-2478 du 1er novembre 1999 portant statut des intermédiaires
en bourse
- Décret n°99-2773 du 13 décembre 1999 relatif à la fixation des conditions
d’ouverture des « Comptes Epargne en Actions », des conditions de leur
gestion et de l’utilisation des sommes et titres qui y sont déposés tel que
modifié par les décrets n°2002-1727 du 29 juillet 2002 et n°2005-1977 du
11 juillet 2005 et le décret présidentiel n°2022-531 du 3 juin 2022
- Décret n°2005-3018 du 21 novembre 2005 Portant application des
dispositions de l’article 329 du code des sociétés commerciales
- Décret n°2006-1208 du 24 avril 2006 fixant les conditions et les modalités
d’émission et de remboursement des bons de trésor
4
CHAPITRE 1 : Le marché financier
5
Le marché financier peut aussi désigner la régulation, puisqu’il est
généralement doté d’une autorité de régulation.
Toutefois, la question demeure de savoir ce qu’il faut entendre,
concrètement, par marché financier.
Au sens large des termes, il s’agit du marché de l’argent à long terme, quels
que soient les emplois auxquels il est affecté.
Dans un sens plus étroit, l’expression est réservée au marché des capitaux à
long terme, utilisant pour support les valeurs mobilières.
Le marché financier s’oppose alors au marché monétaire, défini comme le
marché des capitaux à court et moyen termes.
Habituellement, le marché monétaire est celui des banques alors que le
marché financier est ouvert à tous les opérateurs économiques.
Cependant, cette distinction s’est estompée puisque le marché monétaire
s’est ouvert à d’autres opérateurs et à d’autres produits à moyen terme;
tandis que le marché financier a connu une mutation remarquable.
7
La concurrence des marchés financiers. Au sens classique, la bourse est «
un processus d’enchères réservé aux valeurs mobilières cotées et imposé à
toutes les transactions sur celles-ci »
En d’autres termes « la bourse, c’est le monopole des transactions sur les
titres cotés » .
La conception anglo-américaine est différente : ce n’est plus celle d’une «
bourse », mais d’un marché.
Le marché représente la liberté de concurrence.
Aujourd’hui, c’est cette dernière conception qui règne, à tel point qu’on
parle de la « fin de la bourse » , en considérant que : « la bourse n’est plus,
mais les marchés financiers demeurent » . Ces marchés sont même
hégémoniques et très variés.
A l’origine de cette mutation, on trouve le progrès technologique et
l’innovation financière qui ont provoqué une révolution dans l’architecture
des marchés financiers et leurs fonctionnements.
Par conséquent, contrairement à l’opinion largement admise, le marché
financier ne s’identifie plus à la « bourse ».
9
Le marché secondaire accueille les titres déjà émis et cotés. C’est donc
le marché de la bourse pour l’essentiel.
- Le marché gris se situe entre les deux marchés décrits
précédemment. C’est un marché de négociation des titres entre le
moment de leur émission et celui de leur entrée en bourse.
Ainsi, la fonction initiale et principale du marché boursier est le
financement de l’entreprise ; De cette fonction découle d’autres
fonctions économiques.
Les autres fonctions économiques. Une fois cotée sur le marché boursier,
la notoriété de la société s’accroît car la presse financière lui accorde
désormais son attention. Observée et évaluée, la cotation incite alors à
l’amélioration de ses résultats.
Comme le marché boursier confère en permanence une valeur à
l’entreprise, il apparaît ainsi comme un outil irremplaçable de valorisation
des actifs. Le marché exerce ainsi une grande influence sur la gestion et le
contrô le des entreprises émettrices. Le cours des titres peut donc être un
puissant facteur de motivation dès lors qu’il traduit les efforts accomplis
par le personnel.
La cotation offre aussi la possibilité d’ouvrir à l’international le capital
social des entreprises étrangères.
Qu’il s’agisse d’une entreprise étrangère ou nationale, le marché assure
également la pérennité de l’entreprise.
Le cours des titres est déterminé par l’information disponible. Si cette
information disponible est fiable on est alors en présence d’un marché
efficient.
10
La théorie des marchés de capitaux efficients (efficient capital market
hypothesis), Cette théorie préconise que le prix d’une valeur mobilière
reflète rapidement toute l’information disponible sur le marché qu’elle soit
fournie par la société ou générée essentiellement par des analystes.
C’est à FAMA que revient le mérite d'avoir formulé de manière précise en
1965, la théorie de « la marche au hasard »1 des prix spéculatifs et d'avoir
montré que le prix pratiqué pour un actif financier sur un marché efficient
reflète à tout moment, sa valeur intrinsèque.
Le marché boursier a la spécificité, par rapport aux autres secteurs, d’avoir
consacré l’information, ou la transparence, comme instrument central de
son équilibre et de son bon fonctionnement.
L’information n’est pas seulement une condition de la concurrence comme
sur les autres marchés. En effet, sur le marché boursier, les économistes ont
montré que l’information ne se limitait pas à ce rô le, mais qu’elle était la
condition principale de son bon fonctionnement, dans la mesure où les
produits échangés ne sont perceptibles que par l’information qui les décrit :
L’investisseur ne peut ni examiner ni essayer les produits proposés,
lesquels constituent économiquement des droits sur des revenus futurs. De
fait, toute nouvelle information concernant les valeurs mobilières est
susceptible de modifier la perception des investisseurs sur leur nature et
partant, sur leur prix. L’information tient alors un rô le fondamental dans le
processus de formation du prix.
Il reste que les investisseurs n’ont pas tous des motifs d’investissement.
Alors que certains se fondent sur ces informations pour investir dans telle
entreprise et participer réellement à son développement, d’autres sont
guidés uniquement par la spéculation. C’est là où réside la différence entre
un comportement d’entreprise et un comportement spéculatif.
1
Si les prix reflètent l’information disponible, les fluctuations de prix des titres ne peuvent être dues qu’à la
survenance d’événements purement incertains, c’est-à-dire totalement imprévisibles. Dans la mesure où il en est
ainsi, ces fluctuations de prix ne peuvent être elles-mêmes que purement aléatoires. Cette hypothèse théorique
est connue sous le nom de marche au hasard (random walk).
11
Comportement d’entreprise et comportement spéculatif. L’investisseur,
se préoccupe de l’activité réelle de l’entreprise alors que le spéculateur
cherche la maximisation de la rentabilité financière.
L’opération spéculative peut s’entendre comme un achat ou une revente
dont le but est de réaliser des gains à court ou à moyen termes. Le
placement serait alors la recherche d’un revenu régulier et d’une sécurité
du capital par l’achat d’un produit dans un objectif à plus long terme. De la
sorte, l’investissement est une activité consistant à prévoir le rendement
attendu d’un actif tout au long de sa vie, tandis que la spéculation est une
activité consistant à prévoir la psychologie du marché.
Dans la pensée commune, la bourse est associée à la spéculation en raison
de la présence d’agioteurs. De ce fait, elle a fait l’objet de « jugements
péremptoires de dénigrement divers ». Elle est souvent qualifiée de casino,
de loterie et de jeu de hasard2.
Néanmoins, au moment où on assimilait la bourse à un jeu, elle était
réservée à une petite catégorie d’initiés et les joueurs étaient sélectionnés.
Aujourd’hui, on assiste à la démocratisation de la bourse et à la
transformation du jeu : le marché boursier a glissé d’un marché de
financement à un marché des dérivés.
A. Le monopole boursier
16
B. Le principe de concurrence entre les marchés financiers
18
3) La transaction de bloc dans le cadre d’une offre publique : Art.6 Loi
1994
Notons ici que selon l’article 71 Loi 1994, les titres des sociétés ne faisant
pas appel public à l’épargne ne sont pas négociés mais soumis à une simple
formalité d’enregistrement en Bourse.
Ainsi, on peut affirmer que le marché financier tunisien est un marché
centralisé et gouverné par les ordres introduits par les intermédiaires, d’où
l’obligation d’intermédiation.
20
Il présente différents marchés gouvernés par les prix, des marchés
d’intermédiaires et de professionnels : les teneurs de marché (market
makers).
Ce sont surtout des marchés sans monopole. La concurrence entre ces
marchés financiers a toujours été la règle . Le Congrès Américain a rejeté le
modèle de marché unique, mais il a prévu que les lieux de négociation
seraient reliés par des réseaux de diffusion des données (communication
and data processing facilities). A cette fin il a chargé la SEC (Securities and
Exchange Commission) de la mission de faciliter l’établissement du «
Système national de marché » (« National market system » (NMS)) .
21
CHAPITRE 2 : Les valeurs mobilières
23
Critique de la méthode énumérative. Pour une notion utilisée dans
plusieurs branches du droit, il est légitime de penser qu’« il serait donc
inquiétant que, dans des domaines aussi divers, les incertitudes de la notion
entraînent des applications contradictoires, lorsqu’il s’agit de titres qui ne
bénéficient pas d'une reconnaissance bien établie ».
Avec la méthode énumérative, la notion de valeur mobilière a longtemps été
considérée comme une notion introuvable, ambiguë et négative.
Expliquant cette démarche énumérative en droit tunisien, certains auteurs 4
ont avancé l’argument de l’innovation financière qui a semé des
perturbations dans cette notion.
En outre, on a précisé que le phénomène de diversification des valeurs
mobilières dans le cadre du droit tunisien se révèle par la création de
nouvelles catégories de valeurs mobilières par la loi n°92-107 du 16
novembre 1992 portant institution de nouveaux produits financiers pour la
mobilisation de l’épargne, telles que les actions à dividendes prioritaires
sans droit de vote, les certificats d’investissement, les certificats de droit de
vote, les obligations convertibles en action, les prêts participatifs et les
parts du fond commun de placement (FCP).
A vrai dire, bien que cette loi ait introduit de nouvelles valeurs mobilières,
on ne peut parler d’une véritable innovation financière.
En effet, depuis la promulgation de cette loi, on n’a pas assisté à
l’introduction ou la substitution de nouvelles valeurs jusqu’à en 2001 où a
été promulgué le code des organismes de placement collectif introduisant le
fonds commun de créances (FCC)5 .
Cette timide initiative a été suivie par l’admission en 2006 à la négociation
sur la BVMT des bons de Trésor6.
4
A.BOUKAMCHA, Conservation et propriété des valeurs mobilières, thèse droit privé, FDSPT, 2008-2009, dir.
N.BEN AMMOU ; Du même avis. V. H.BCHIR, La bourse des valeurs mobilières comme mécanisme de
soutien à l’entreprise économique, RJL, mai 2009, n°5, année 51, p. 132.
5
Loi n°2001-83 du 24 juillet 2001 portant promulgation du code des organismes de placement collectif
24
En 2013, le législateur a introduit les sukuks islamiques en droit tunisien 7 et
les a considérés comme des valeurs mobilières.
En vertu de l’article premier Loi 2013-30 : « Les sukuk sont des titres
négociables qui représentent des parts communes à valeur égale dans la
propriété de biens, d’usufruit, de services, de droits, existants ou qui seront
créés ou un mélange de biens, d’usufruit, de services, de monnaies et
créances du produit de la souscription. Ils sont émis dans le cadre d’un
contrat conformément aux normes charaïques et sur la base du principe de
partage de profits et de pertes. »
Certes, c’est l’influence du système anglo saxon qui permet le mieux
d’expliquer la démarche pragmatique d’énumération ,mais elle trouve sa
limite dans l’hostilité du législateur tunisien à s’adapter avec l’innovation
financière et avec l’évolution de la notion.
27
L’opposition classique entre l’action et l’obligation est établie d’un point de
vue juridique : alors que l’actionnaire est un associé, l’obligataire est un
créancier.
On peut alors classer les différentes valeurs mobilières en deux catégories
les titres de capital (§1) et les titres de créance (§2).
- Les actions. Les actions sont les titres des actionnaires d’une société
par actions. Représentative d’une fraction du capital social et
contrepartie de l’apport, l’action est classée selon la nature de cet
apport en action de numéraire et actions d’apport.
Selon l’article 316 CSC. Les actions d’apport sont celles émises pour
rémunérer un apport en nature, alors que les autres sont celles dont
le montant est libéré en espèces ou par compensation d’une créance
ou celles émises par suite de l’incorporation des réserves des
bénéfices ou des primes d’émission
Les actions sont en principe librement négociables et confèrent à
leurs titulaires des droits identiques, à savoir des droits pécuniaires
et des droits extra-pécuniaires ou extrapatrimoniaux.
Quant aux droits pécuniaires l’actionnaire a droit à des
dividendes et à l’attribution d’actions gratuites à la suite
d’une augmentation du capital par incorporation de
réserves.
Il a également un droit de préférence à la souscription des
actions de numéraire émises pour réaliser une
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augmentation du capital, un droit au remboursement de
l’apport lors de la liquidation de la société et un droit au
boni de liquidation.
Quant aux droits extra-pécuniaires, l’actionnaire a le
droit de faire partie de la société. L’actionnaire a un droit
de vote et de participation dans les décisions collectives,
un droit d’éligibilité aux fonctions sociales et un droit
d’information.
- Les parts des FCC, les parts des FCP, des titres de créance. Dans le
COPCVM, le législateur a clairement prévu que les parts des FCC sont
des valeurs mobilières
Le FCC est « une copropriété ayant pour objet unique l’acquisition de
créances saines détenues par les banques ou d’autres organismes
prévus par décret, en vue d’émettre des parts représentatives de ces
créances. L’émission des parts s’effectue en une seule fois » Art. 35
COPCVM .
Le régime des parts de FCC est très proche de celui qui gouverne les
FCP.
30
Selon l’article premier de la loi n°2000-35 du 21 mars 2000 relative à
la dématérialisation des titres, les parts des FCP sont considérées
comme des valeurs mobilières.
L’OPCVM est une entité qui recueille des capitaux auprès du public et
les investit collectivement dans un ensemble de valeurs mobilières.
C’est le véhicule de la gestion collective.
En droit tunisien, la matière est codifiée dans le Code des organismes
de placement collectif (COPCVM). On ne trouve pas une définition de
la gestion collective ou de l’OPCVM. L’article premier du COPC se
contente de citer les deux formes que peut prendre un OPCVM à
savoir un FCP, ou une société d’investissement à capital variable
(SICAV).
Il est à remarquer qu’en droit tunisien, les valeurs mobilières sont des
titres émis par catégorie et le FCP est une copropriété dépourvue de
la personnalité morale.
Le rattachement des parts des FCP à la catégorie des valeurs
mobilières est théoriquement discutable en raison de l’inexistence de
personnalité morale des FCP. Cette qualification est inhabituelle car
elle consacre un droit de créance sur un fonds, alors que celui-ci n’a
pas de personnalité juridique.
Toutefois, elle empêche un tiraillement entre le régime applicable aux
SICAV et celui applicable aux FCP.
A cô té des parts des OPCVM, on trouve en droit tunisien, d’autres
catégories de titres de créance.
31
Les obligations ordinaires. En vertu de l’article 327 CSC,
les obligations sont des valeurs mobilières négociables
émises pour une durée minimale de 5 ans.
L’obligataire se définit comme un prêteur d’argent. Il est
titulaire d’un droit de créance à l’encontre de la société
émettrice qui peut être soit, une société anonyme soit,
une société en commandite par actions (Art. 329 et 391
CSC).
Ce droit de créance se traduit par le remboursement à
l’échéance de la somme prêtée augmentée des intérêts. Le
taux d’intérêt est déterminé par la société émettrice.
Aucune disposition du CSC ne réglemente ce taux.
Les obligataires ont également des droits extra-
pécuniaires comme le droit de se réunir en assemblée
spéciale des obligataires, le droit de s’opposer aux
opérations de fusion (Art. 419 CSC) le droit de négocier
leurs obligations et le droit d’information.
Sur le marché tunisien, on constate le succès des
emprunts obligataires subordonnés. Ce sont des
emprunts obligataires auxquels est rattachée une
clause de subordination. De ce fait, ils sont soumis
aux règles et textes régissant les obligations,
notamment l’article 331 CSC.
Les obligations convertibles en actions. Les
obligations convertibles en actions sont des obligations
dont les conditions d’émission prévoient qu’elles
comportent une option de transformation en actions sur
la demande de leur porteur. La conversion des obligations
en actions réalise une augmentation de capital. Ainsi, un
créancier devient un actionnaire.
32
Les titres participatifs. Ces valeurs mobilières sont
émises par les sociétés anonymes. Au regard de la
réglementation boursière, les titres participatifs sont
considérés comme des titres de créance (Art. 47.
RGBVMT).
Ce sont des titres de créance, mais ils ne sont remboursés
qu’après les créanciers chirographaires et souvent
uniquement lors de la dissolution de la société.
Les droits des propriétaires de titres participatifs
concernent le droit à une rémunération et le droit au
remboursement. La rémunération des titres participatifs
fixée au niveau de la notice d’émission comporte
obligatoirement une partie fixe et une partie variable
calculée par référence à des éléments relatifs à l’activité
ou aux résultats de la société et liée au nominal du titre.
(Art. 369 CSC).
Le remboursement des titres participatifs ne peut être
envisagé que dans l’une des situations envisagées dans
l’article 370 du CSC.
C’est ainsi qu’aux termes de l’article 370 CSC « La société
ne rembourse les titres participatifs qu'à l'expiration d'un
délai qui ne peut être inférieur à sept ans
ou en cas de liquidation.
Les titres participatifs ne sont remboursables en cas de
liquidation qu'après désintéressement de tous les autres
créanciers privilégiés ou chirographaires à l'exclusion des
titulaires des titres participatifs. »
Le propriétaire d’un titre participatif a le droit de se
réunir en assemblée spéciale, le droit d’opposition aux
33
opérations de fusion et le droit de communication des
documents de la société (Art. 373. CSC).
Il a également le droit de négocier ses titres. Comme il a été
précisé dans l’article 369. CSC : « Les titres participatifs sont
des valeurs mobilières négociables. ».
Ce droit de négociabilité est ainsi un droit commun à
toutes les valeurs mobilières déjà présentées. En effet, la
négociabilité est l’une des caractéristiques des valeurs
mobilières. Néanmoins, elle est devenue un facteur
d’incertitude sur la notion.
SECTION II : Les incertitudes dues à certaines caractéristiques des valeurs
mobilières
34
-les valeurs mobilières donnent accès, directement ou indirectement,
à une quotité du capital ou à un droit de créance général sur le
patrimoine de la société émettrice ;
-les valeurs mobilières sont des titres négociables ;
-les valeurs mobilières sont dématérialisées ;
-les valeurs mobilières sont des biens incorporels. Cette
caractéristique signifie que les valeurs mobilières n’existent pas
matériellement sous forme de titre.
§1La dématérialisation
- Dématérialisation de fait :
35
L’idée de dématérialisation a été évoquée dans un premier temps par
la loi 1994 en vue de faciliter la circulation des valeurs mobilières sur
le marché boursier.
En effet, elle était étroitement liée à la création par cette loi du
dépositaire central (la STICODEVAM désormais Tunisie Clearing).
La dématérialisation résultait alors du dépô t des valeurs mobilières à
la STICODEVAM, lequel constitue une condition nécessaire à
l’admission des valeurs mobilières à la cote de la bourse. On parlait
alors d’une dématérialisation de fait.
Dans le cadre de ce régime, les titulaires de valeurs mobilières,
conservent la possession des titres physiques qui sont en même
temps l’objet d’une inscription en compte auprès du dépositaire
central. Dès lors, il s’agit d’un système hybride assurant la coexistence
entre les titres physiques et les titres dématérialisés sous forme
d’écriture en compte où les titres tout en étant conservés par la
STICODEVAM ( Tunisie clearing) , demeurent en la possession de
leurs propriétaires. Il fallait attendre l’an 2000 pour introduire la
dématérialisation de droit.
36
comptes tenus par la personne morale émettrice ou par un
intermédiaire agréé ».
Il en découle que la dématérialisation est obligatoire puisqu’elle ne
dépend nullement de la volonté des propriétaires de valeurs
mobilières.
Elle est généralisée étant donné qu’elle s’étend à toutes les valeurs
mobilières sans se limiter aux seules valeurs prises par la
STICODEVAM (désormais Tunisie Clearing).
Enfin, elle est irréversible puisque les propriétaires des valeurs
mobilières ne peuvent plus les convertir en titres physiques tout en
ayant perdu leur détention à titre définitif.
Cette dématérialisation repose sur la suppression des titres au porteur. Par
conséquent, elle implique la disparition de la distinction entre les titres au
porteur et les titres nominatifs.
9
V. par ex., les articles 347, 355, 377, 378 CSC.
38
Si la dématérialisation des titres a été analysée par la doctrine française
comme une détitrisation, cette position n’a pas été partagée par M.
A.BOUKAMCHA qui trouve cette position exagérée. L’auteur considère, en
effet, que même si la dématérialisation avait entraîné la suppression de la
représentation matérielle des valeurs mobilières, elle n’empêche pas leur
qualification de titres. Il s’agit alors pour lui, d’une simple modification de la
forme des titres qui a entraîné la substitution du titre papier par un titre
scriptural à travers un système d’inscription en compte.
39
§2 La négociabilité
10
Ch.MZOUGHI, La négociation des valeurs mobilières en droit tunisien Essai sur l’évolution du droit des
contrats, Ed Raslen, 2015, p. 236, n°377.
44
CHAPITRE 3 : L’appel public à l’épargne
Définition SFAPE dans le CSC. L’article 162 CSC prévoit que : « Sont
réputées sociétés faisant appel public à l’épargne celles qui émettent ou
cèdent des valeurs mobilières en appelant le public à l’épargne.
Il en est de même pour toutes les sociétés désignées comme telles par des
lois spéciales ».
45
Le démarchage s’entend de l’activité de la personne qui se rend
habituellement à la résidence de personnes, sur leurs lieux de travail
ou dans les lieux publics, en vue de leur proposer la souscription ou
l’acquisition de titres. Est également considéré comme démarchage,
l’envoi de lettres, dépliants ou tous autres documents lorsqu’il est
utilisé, de façon habituelle, pour proposer la souscription ou
l’acquisition de titres .
47
§2 Publication d’une notice
Les fondateurs, doivent, avant l’ouverture des souscriptions, publier une
notice destinée à donner au public des indications à caractère juridique sur
la société. La notice doit comporter certaines indications dont certaines
sont destinées à informer les épargnants sur les caractéristiques
essentielles de la société et les autres sur les droits d’actionnaires, les
éventuelles restrictions à ces droits ou les causes de rupture d’égalité. La
notice doit également indiquer les délais ouverts à la souscription, les
modalités de convocation à l’assemblée générale constitutive et le lieu de sa
réunion.
§3 Le prospectus
L’article 2 loi 1994, oblige tout société ou organisme qui émet des valeurs
mobilières ou produits financiers par appel public à l’épargne, à publier un
prospectus destiné à l’information du public et portant notamment sur
l’organisation de la société ou de l’organisme, sa situation financière et
l’évolution de son activité ainsi que les caractéristiques et l’objet du titre ou
du produit émis.
Lorsqu’il s’agit de la constitution d’une société par appel public à l’épargne,
les informations financières sont par définition de nature prévisionnelle.
Le prospectus est préparé selon des modèles fixés par le CMF et est soumis
au visa dudit conseil.
L’article 7 alinéa 1 du règlement du CMF relatif à l’APE détaille ces données
en prévoyant que : « Le prospectus doit comprendre toutes les informations
nécessaires au public pour fonder son jugement sur le patrimoine, l’activité,
la situation financière, les performances, l’évolution de l’émetteur, ainsi que
sur les droits attachés aux titres ».
La volonté de fournir aux souscripteurs une information fiable explique le
choix de ne pas laisser l’élaboration du prospectus à la discrétion de
48
l’émetteur. Effectivement, ledit prospectus est préparé selon des modèles
fixés par le CMF.
Le prospectus d’émission doit être remis ou adressé à toute personne dont
la souscription est sollicitée. Il doit en outre être déposé au siège de la
société et chez les intermédiaires chargés de recueillir les souscriptions.
L’offre de souscription des valeurs mobilières ou produits financiers de
sociétés faisant appel public à l’épargne sans respect de la formalité du
prospectus est sanctionné par une amende.
Il convient de signaler que le prospectus ne s’impose pas seulement à
l’occasion de la constitution de la société ou bien lors d’une augmentation
de son capital. Le législateur le maintient aussi quand les titres des
organismes émetteurs sont admis à la cote de la Bourse et lorsqu’il y a des
offres publiques. On parle selon le cas de prospectus d’admission ou de
prospectus d’offre.
Dans certaines hypothèses n’exigeant pas de l’émetteur de fournir aux
investisseurs une information poussée, un prospectus abrégé suffit. Ces cas
sont signalés par l’article 31 du règlement du CMF relatif à l’APE. Ils sont au
nombre de 5 :
- Les valeurs mobilières offertes proviennent de l’exercice d’un droit issu
de valeurs mobilières dont l’émission a déjà donné lieu à l’établissement
d’un prospectus.
- Les valeurs mobilières sont offertes en substitution d’actions de la
même société et leur émission n’entraîne pas une augmentation du
capital de l’émetteur.
- L’émetteur a obtenu un visa relatif à un placement depuis moins de 6
mois et désire faire un nouvel APE.
- L’APE est fait par un émetteur auprès de ses salariés et dirigeants ou de
ceux d’une société du même groupe, par la voie du placement de ses
propres titres.
49
- Le placement est réalisé auprès d’acquéreurs avertis, à savoir l’É tat et
ses démembrements ainsi que les banques, les compagnies d’assurance,
les caisses de retraite, les organismes de placement collectif en valeurs
mobilières et les intermédiaires en Bourse agissant pour leur propre
compte.
§4 La souscription au capital
La souscription dans un sens large est l’acte par lequel une personne
s’engage à faire des apports. L'apport peut être en numéraire ou en nature.
Le législateur n’a pas bouleversé les règles antérieures en cas d’apport en
numéraire.
Mais en cas d’apport en nature, la vérification de la valeur de l’apport est
assurée par un commissaire, aux apports désignés par le juge. Quant aux
apports en industrie, ils sont écartés expressément par l’article 166 alinéa 2
CSC. La loi permet, enfin, la stipulation d’un avantage particulier qui est
soumis à une procédure de vérification par un commissaire aux apports.
§1 Obligation d’information
Les SFAPE sont astreintes à une obligation d’information.
Cette information est procurée à l’épargnant d’une manière occasionnelle, à
l’occasion de certains événements marquant l’entité, ou périodique, c’est-à -
dire continue, ou encore abstraction faite de la survenance d’un fait ou de la
réunion d’une assemblée générale ordinaire.
A. Information occasionnelle
L’article 2 de la loi de 1994 impose à toute société émettrice de valeurs
mobilières par APE de publier un prospectus d’information du public.
- L’article 3 sixis de la même loi prévoit l’obligation pour le
commissaire aux comptes d’une SFAPE
1-de signaler immédiatement au CMF tout fait de nature à
mettre en péril les intérêts de la société ou les porteurs de ses
titres,
2- remettre en même temps au CMF une copie de chaque
rapport adressé à l’assemblée générale.
- Dans le même contexte, l’article 36 du règlement du CMF relatif à
l’APE dispose que les SFAPE doivent porter à la connaissance du
public, dans un journal quotidien, dans le bulletin officiel du CMF et
51
dans le bulletin de la BVMT, tout fait important susceptible d’avoir
une incidence significative sur le cours ou la valeur de leurs titres.
- Une troisième information s’impose à l’occasion de la tenue d’une
assemblée générale extraordinaire (AGE), elle résulte de l’article 3
quinter de la loi de 1994. Ce texte oblige les SFAPE de déposer au
CMF et à la BVMT ou leur adresser quinze jours au moins avant la
date de la tenue de l'assemblée générale extraordinaire:
l'ordre du jour et le projet des résolutions proposées par
le conseil d'administration ou par le directoire,
le rapport du ou des commissaires aux comptes
éventuellement,
les documents mis à la disposition des actionnaires
comme appui aux résolutions proposées.
Les résolutions sont adressées au CMF et à la BVMT dès leur adoption par
l'assemblée générale.
B. Information continue
L’information occasionnelle est doublée d’une autre, procurée d’une
manière continue, avant ou après la tenue d’une assemblée générale
ordinaire (AGO).
a) L’information préalable
Il s’agit d’une information préalable à la réunion de l’AGO, l’article 3 de la loi
de 1994 prévoit que les SFAPE doivent déposer ou adresser, sur supports
papiers et magnétique, au CMF et à la BVMT, dans un délai de quatre mois,
au plus tard, de la clô ture de l’exercice comptable et quinze jours au moins
avant la tenue de l’AGO :
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Les documents et les rapports prévus par les articles 201 ou 235 CSC et
l’article 471 dudit code. Il s’agit essentiellement des états financiers, des
états des sû retés et du rapport annuel de gestion. A ces documents
s’ajoutent, pour le groupe de sociétés, les états financiers consolidés et le
rapport de gestion relatif au groupe. L’article 3 de la loi de 1994 exige un
certain nombre de mentions devant figurer dans le rapport annuel de
gestion, à savoir un exposé sur les résultats, leur évolution, les
changements des méthodes d’élaboration des états financiers et les
éléments du contrô le interne (article 44 du règlement du CMF relatif à
l’APE). Cette disposition marque la spécificité des sociétés ouvertes,
puisque le Code des sociétés commerciales ne réglemente le contenu du
rapport annuel de gestion que dans le cadre du groupe de sociétés.
Les rapports du ou des commissaires aux comptes contenant une
évaluation générale du contrô le interne.
L’information préalable à la tenue de l’AGO résulte également de l’article 42
du règlement du CMF relatif à l’APE disposant que les sociétés ouvertes
doivent adresser au CMF, 15 jours au moins avant la réunion de l’AGO, leurs
états financiers annuels.
b) L’information postérieure.
Dans ce contexte, l’article 3 ter de la loi de 1994 impose aux SFAPE, dans les
4 jours ouvrables suivant la date de la tenue de l’AGO, de déposer ou
d’adresser au CMF et à la BVMT :
les documents de l’article 3 de la loi de 1994, en cas de modification,
les résolutions adoptées par l’AGO,
l’état d’évolution des capitaux propres, en tenant compte de
l’affectation du résultat,
le bilan après affectation du résultat,
la liste ders actionnaires,
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la liste des titulaires des certificats de droit de vote,
la liste des titulaires d’obligations convertibles en actions.
Liste des membres du conseil d’administration comprenant leurs
principales activités professionnelles et, le cas échéant, leur mandat
dans d’autres conseils d’administration.
La plupart de ces documents sont publiés au bulletin officiel du CMF et dans
un quotidien paraissant à Tunis, 30 jours au plus tard après la réunion de
l’AGO, et ce, en vertu de l’article 3 quater de la loi de 1994.
§2 Sanction pénale
L’importance accrue de l’information dans les sociétés ouvertes explique
que sa mauvaise exploitation soit pénalement sanctionnée. ( article 81 loi
1994)
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La déclaration de franchissement des seuils reste obligatoire même lorsque
l’actionnaire n’a procédé à aucune opération, notamment en cas de
variation du capital ou des droits de vote de l’émetteur suite à une
augmentation ou réduction du capital, à des conversions d’actions ou à des
privations des droits de vote (Article 57 du règlement du CMF relatif à
l’APE).
La déclaration de franchissement des seuils semble pallier la perte du
contrô le de l’actionnariat par les SFAPE, à travers l’interdiction qui leur est
faite d’insérer dans leurs statuts des clauses d’agrément et de préemption.
Cette prohibition, traduisant une autre contrainte pesant sur les entités
ouvertes, résulte de l’article 321 alinéa 1 CSC prévoyant que : « Sauf en cas
de succession ou de cession soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un
descendant, la cession à un tiers d’actions émises par une société ne faisant
pas appel public à l’épargne, peut être soumise à l’agrément de la société
par une clause statutaire ».
Une lecture a contrario de ce texte implique que la négociabilité des actions
d’une société ouverte ne peut être freinée par des clauses d’agrément et de
préemption.