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Institut Universitaire d’Abidjan (IUA), Droit international du travail, année académique 2023-2024

INTRODUCTION

Le droit international du travail est l’ensemble des règles juridiques à caractère


international édictées pour réguler les rapports entre les partenaires du monde du
travail que sont les employeurs, les travailleurs des secteurs public et privé et
l’administration du travail.

Ce droit tire ses sources, notamment, de :

• La Déclaration universelle des droits de l’Homme (Articles 18 à 24) ;

• Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels


(Articles 6 à 11) ;

• La Convention internationale des droits de l’enfant (Article 32) ;

• La Convention internationale sur la protection des droits de tous les

travailleurs migrants et des membres de leur famille, du 18 décembre 1990


(art.76)1 ;

• La Constitution et des Conventions et Recommandations de l’OIT. C’est

d’ailleurs cette institution qui a le mieux élaboré le droit international du travail à


travers les principes et droits au travail qu’elle a mis en place.

CHAPITRE I : GENERALITES SUR L’OIT


SECTION I: HISTORIQUE

L’OIT a été fondée en 1919 sous l’égide du Traité de Versailles, qui a mis fin à la
Première Guerre mondiale. La création de l’OIT s’inscrivait dans le droit fil de la
réflexion selon laquelle une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la
base de la justice sociale.

La Constitution de l’OIT a été élaborée entre janvier et avril 1919 par la Commission
de la législation internationale du travail. Celle-ci avait été créée par la Conférence de
la Paix, réunie d’abord à Paris, puis à Versailles. Cette commission était composée de
représentants de neuf pays (Belgique, Cuba, Etats-Unis, France, Italie, Japon,
Pologne, Royaume-Uni et Tchécoslovaquie). Elle a donné naissance à une

1
Convention à laquelle la Côte d’Ivoire a adhéré le 26 septembre 2023.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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organisation tripartite, unique en son genre, dont les organes exécutifs sont
composés de représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs.

La Constitution de l’OIT intégra les principes et valeurs alors promus par l’Association
internationale pour la protection légale des travailleurs, fondée en 1901 à Bâle. L’idée
de créer une organisation internationale dédiée aux questions du travail remonte en
fait à la deuxième moitié du XIXe siècle. Elle était alors défendue par deux
industriels, le Gallois Robert Owen (1771-1853) et le Français Daniel Legrand (1783-
1859).

La création de l’OIT a constitué la réponse de la communauté internationale à un


certain nombre de préoccupations sur le plan sécuritaire, humanitaire, politique et
économique. Ainsi, selon les termes du préambule de la Constitution de l’OIT, les
Hautes Parties Contractantes étaient « mues par des sentiments de justice et
d'humanité, aussi bien que par le désir d'assurer une paix mondiale durable… »

Les travailleurs étant fortement exploités dans les économies industrialisées de


l’époque, d’aucuns surent mesurer l’importance de la justice sociale pour assurer la
paix. Par ailleurs, face à l’interdépendance croissante des économies nationales, les
grandes nations commerciales comprirent qu’il était dans leur intérêt de coopérer
pour que les travailleurs aient partout les mêmes conditions de travail et qu’elles
puissent ainsi affronter la concurrence sur un pied d’égalité. Toutes ces idées
figurent dans le Préambule de la Constitution de l’OIT, qui débute en affirmant :

§ Attendu qu'une paix universelle et durable ne peut


être fondée que sur la base de la justice sociale ;
§ Attendu qu'il existe des conditions de travail
impliquant pour un grand nombre de personnes l'injustice, la misère et les
privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l'harmonie
universelles sont mises en danger, et attendu qu'il est urgent d'améliorer ces
conditions;
Attendu que la non-adoption par une nation
§
quelconque d'un régime de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des
autres nations désireuses d'améliorer le sort des travailleurs dans leurs propres pays;

Le Préambule mentionne également un certain nombre d’actions destinées à


améliorer la situation des travailleurs, qui sont toujours d’actualité, notamment :

§ la réglementation des heures de travail, y compris la


fixation d'une durée maximum de la journée et de la semaine de travail;
le recrutement de la main-d’œuvre, la lutte contre le
§
chômage, la garantie d'un salaire assurant des conditions d'existence convenables;

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§ la protection des travailleurs contre les maladies


générales ou professionnelles et les accidents résultant du travail;
§ la protection des enfants, des adolescents et des
femmes;
les pensions de vieillesse et d'invalidité, la défense des
§
intérêts des travailleurs occupés à l'étranger;
§ l'affirmation du principe "à travail égal, salaire égal";
§ l'affirmation du principe de la liberté syndicale;
§ l'organisation de l'enseignement professionnel et

technique et autres mesures analogues.

SECTION II : MISSION ET OBJECTIFS DE L’OIT

Étant la seule institution multilatérale au monde dotée d’une structure tripartite, l’OIT
a pour vocation de fournir aux hommes et aux femmes de tous les pays, riches ou
pauvres, de meilleures possibilités d’obtenir un travail et un revenu décents, la
sécurité de l’emploi et de meilleures conditions de vie. Elle s’efforce d’atteindre ces
objectifs en promouvant les droits au travail, en encourageant la création d’emplois
décents, en améliorant la protection sociale et en renforçant le dialogue social dans
le domaine de l’emploi.

L’OIT est la tribune internationale pour tout ce qui a trait au monde du travail. Un
des principaux objectifs de l’OIT consiste à aider les gouvernements des pays
membres à mettre en place les institutions propres à garantir le fonctionnement de la
démocratie et à rendre compte de leurs actions aux citoyens.

L’OIT élabore des normes internationales du travail sous la forme de Conventions et


de Recommandations qui fixent les conditions minimales des droits fondamentaux au
travail, notamment la liberté syndicale, le droit d’organisation et de négociation
collective, l’abolition du travail forcé, l’égalité des chances et de traitement, et autres
instruments régissant les multiples aspects du monde du travail.

Les différents champs d’action de l’OIT s’articulent autour de quatre objectifs


stratégiques.

Les quatre objectifs stratégiques de l’OIT:


§ promouvoir et mettre en oeuvre les normes et les principes et droits
fondamentaux au travail ;
§ accroître les possibilités pour les femmes et pour les hommes d’obtenir un

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emploi et un revenu décents ;


§ accroître l’étendue et l’efficacité de la protection sociale pour tous ;
§ renforcer le tripartisme et le dialogue social.

CHAPITRE II : LES PRINCIPES ET DROITS


FONDAMENTAUX AU TRAVAIL

Ces principes et droits sont consacrés par la Constitution de l’Organisation


Internationale du Travail (OIT) et par ses huit (8) Conventions fondamentales au
travail que sont :

• La Convention n°29 sur le travail forcé, 19302;


• La Convention n°105 sur l’abolition du travail forcé, 19573;
• La Convention n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical,
19484 ;
• La Convention n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective,
19495;
• La Convention n°100 sur l’égalité de rémunération, 19516;
• La Convention n°111 concernant la discrimination en matière d’emploi et de
profession, 19587;
• La Convention n°138 sur l’âge minimum, 19738;
• La Convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants, 19999.

« La déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et


son suivi », qui est un engagement des gouvernements, des organisations
d’employeurs et de travailleurs à respecter les valeurs universelles fondatrices des
droits et libertés au travail, adoptée par la Conférence Internationale du Travail le 18
juin 1998 les a regroupés en quatre (4) catégories de principes et droits au travail
suivantes:

• L’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession ;


• L’élimination de toute forme de travail forcé et obligatoire ;

2
Ratifiée par la Côte d’Ivoire le 21 novembre 1960.
3
Ratifiée le 05 mai 1961.
4
Ratifiée le 21 novembre 1960.
5
Ratifiée le 05 mai 1961.
6
Ratifiée le 05 mai 1961.
7
Ratifiée le 05 mai 1961.
8
Ratifiée le 07 février 2003.
9
Ratifiée le 07 février 2003.

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• La liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation


collective ;
• L’abolition effective du travail des enfants.

SECTION I : L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION EN MATIERE


D’EMPLOI ET DE PROFESSION
Elle est réglementée par les Conventions n°100 sur l’égalité de rémunération et
n°111 concernant la discrimination (emploi et profession).

L'article 1, paragraphe 1-a de la convention n°111 définit la discrimination comme


"toute distinction, exclusion ou préférence (fondée sur certains critères) qui a pour
effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances et de traitement en matière
d'emploi et de profession". Cette définition purement descriptive contient trois
éléments :

-- un élément de fait (l'existence d'une distinction, d'une exclusion ou d'une


préférence dont il n'est pas précisé qu'elle provienne d'un acte ou d'une omission)
qui constitue la différence de traitement ;

-- un critère qui provoque la différence de traitement ; et

-- le résultat objectif de cette différence de traitement (la destruction ou l'altération


de l'égalité de chances et de traitement).

Par cette ample définition, la C111 couvre l'ensemble des situations qui peuvent
affecter l'égalité de chances et de traitement dont elle doit assurer la promotion. Il
ressort de l'examen des informations disponibles plusieurs points qui méritent une
particulière attention. En premier lieu, les mesures discriminatoires ont fait l'objet,
dans certains pays, de définitions qui peuvent restreindre la protection prévue par la
convention. En second lieu, certaines précisions relatives au caractère direct ou
indirect des discriminations ont été apportées soit par des dispositions législatives,
soit par les tribunaux, soit par des organismes mis en place pour traiter des
questions de discrimination. Enfin, les exclusions ou préférences visées peuvent avoir
leur source dans la législation mais aussi et surtout dans la pratique.

L’élimination de la discrimination dans l’emploi et la profession s’obtient en assurant


l’égalité dans l’accès, les conditions de travail et l’égalité de rémunération entre
l’homme et la femme.

Paragraphe I : L’égalité dans l’accès et les conditions de travail


L’égalité garantie par la convention concerne aussi bien l’accès à l’emploi que les
conditions de travail.

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Ainsi aucune discrimination ne doit être faite aux personnes qui postulent à un
emploi, encore moins à celles qui exercent de cet emploi.

Cependant, certaines distinctions ou préférences ne sont pas considérées comme


discriminatoires.

A. La notion de discrimination

1. Les critères de la discrimination


Toutes les distinctions, exclusions ou préférences dans l'emploi et la profession ne
sont pas contraires à la convention n°111. Sont considérées comme illicites et, à ce
titre, font l'objet de la politique nationale visant à promouvoir l'égalité de chances et
de traitement celles qui sont fondées soit sur un des critères expressément
mentionnés à l'article 1, paragraphe 1 a), de la convention n°111, soit sur un critère
spécifié après consultation des organisations représentatives d'employeurs et de
travailleurs, comme prévu à l'article 1, paragraphe 1 b), de ladite convention.

L'article 1, paragraphe 1 a), de la convention se réfère à sept critères de


discrimination énumérés limitativement : la race, la couleur, le sexe, la religion,
l'opinion politique, l'ascendance nationale et l'origine sociale.

Cependant, l’article 5-2 de la Convention dispose que chaque Etat peut, «après
consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs, définir comme non
discriminatoires toutes autres mesures spéciales destinées à tenir compte des
besoins particuliers de personnes à l’égard desquelles une protection ou une
assistance spéciale est, d’une manière générale, reconnue nécessaire pour des
raisons telles que le sexe, l’âge, l’invalidité, les charges de famille ou le niveau social
ou culturel », ainsi que l’état de santé, la nationalité, l’orientation sexuelle, l’affiliation
syndicale…

2. La nature de la discrimination
La discrimination prohibée en l’espèce n’est pas seulement d’ordre juridique c’est-à-
dire fondée sur les normes nationales. Elle concerne également la discrimination
d’ordre pratique c’est-à-dire celle qui est faite dans les faits alors même que la
législation du pays est irréprochable.

Un traitement discriminatoire peut consister aussi bien dans l'édiction de normes


générales et impersonnelles établissant des distinctions fondées sur des critères
interdits que dans le comportement ponctuel d'une autorité publique ou d'une
personne privée qui traite de façon inégale des individus ou des membres d'un
groupe ayant vocation à bénéficier des mêmes droits ou à obtenir les mêmes
avantages.

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La discrimination prohibée n’est pas nécessairement intentionnelle. La discrimination


non intentionnelle est toute autant interdite.

Aussi, la discrimination peut-elle revêtir une nature directe ou indirecte.

Les discriminations indirectes, les phénomènes tels que la ségrégation


professionnelle fondée sur le sexe rentrent dans le champ de la convention. La
notion de discrimination indirecte se réfère à des situations où des réglementations
et des pratiques, apparemment neutres, aboutissent à des inégalités à l'encontre de
personnes présentant certaines caractéristiques ou appartenant à certains groupes
présentant des caractéristiques déterminées (race, couleur, sexe, religion, par
exemple).

3. Le champ d’application de la C111


Aucune disposition de la convention ne limite le champ d'application personnel et
professionnel des discriminations. Cette convention protège tous les travailleurs des
secteurs public et privé. Cette protection s’étend aussi à la formation professionnelle,
à l’accès à l’emploi, aux conditions de travail et de rupture des relations de travail.
Cela est conforme à l'objet des instruments internationaux qui est de protéger les
personnes humaines en tant que telles contre les types de discrimination qu'ils
visent. Ainsi, l'élimination des discriminations en matière d'emploi et de profession
fondées sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance
nationale ou l'origine sociale concerne aussi bien les nationaux que les non-
nationaux.

B. Les exceptions
Les qualifications exigées par un emploi déterminé ne sont pas discriminatoires.

Aux termes de l'article 1, paragraphe 2 de la convention 111, les "distinctions,


exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi
déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations".

La promotion de l'égalité de chances et de traitement visée par la convention


demande que l'accès à une formation, à un emploi, à une profession se fasse sur la
base de critères objectifs fondés sur les qualifications scolaires et professionnelles
nécessaires à l'activité considérée. Normalement, ces exigences ne constituent pas
des discriminations visées par la convention et restent donc en dehors de son champ
d'application. Des problèmes quant à la délimitation entre discrimination illégale et
exigence inhérente à l'emploi peuvent surgir de deux manières : soit qu'une
qualification exigée ne s'avère pas inhérente à l'emploi considéré tout en constituant
une discrimination sans qu'il y ait référence à l'un des critères visés par la
convention, soit qu'une distinction fondée sur un tel critère est ouvertement exigée

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comme une qualification nécessaire. L'exception admise par l'article 1, paragraphe 2,


de la convention doit donc être interprétée strictement afin de ne pas aboutir à une
limitation indue de la protection que la convention vise à assurer.

Au titre des mesures non discriminatoires, on a :

1. Mesures prises à l'encontre de personnes soupçonnées d'activités


préjudiciables à la sécurité de l'Etat

Aux termes de l'article 4 de la convention,"(n)e sont pas considérées comme des


discriminations toutes mesures affectant une personne qui fait individuellement
l'objet d'une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité
de l'Etat ou dont il est établi qu'elle se livre en fait à cette activité, pour autant que
ladite personne ait le droit de recourir à une instance compétente établie suivant la
pratique nationale". L'article 4 est une clause d'exception qui doit être appliqué
stricto jure de manière à ne pas conduire à une limitation indue de la protection que
la convention vise à assurer. Peu d'informations ont été communiquées par les
gouvernements quant aux conditions et aux critères d'application de l'article 4 de la
convention.

2. Mesures spéciales de protection et d'assistance

Les mesures spéciales de protection et d'assistance visées à l'article 5 de la


convention sont de deux ordres : les mesures de protection et d'assistance prévues
dans les conventions et recommandations internationales du travail et les mesures
déterminées après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs
pour tenir compte des besoins particuliers de personnes ou de groupes de personnes
à l'égard desquels une protection ou une assistance particulière est nécessaire.

3. Mesures prévues dans les normes internationales du travail

La ratification de la convention no 111 ne saurait entrer en conflit avec la ratification


ou l'application d'autres instruments prévoyant des mesures spéciales de protection
ou d'assistance adoptés par la Conférence internationale du Travail. Aux termes de
l'article 5 de la convention, les distinctions ou préférences qui peuvent résulter de
l'application de telles mesures ne seront pas considérées comme des discriminations
au sens de la convention. Tel est le cas des mesures spéciales qui peuvent être
prises en faveur des personnes handicapées ou âgées, dont le caractère non
discriminatoire est expressément reconnu. Tel est également le cas des dispositions
visant la protection de la maternité ou de la santé des femmes, qui font l'objet de
différents instruments internationaux de l'OIT.

4. Mesures spéciales destinées à tenir compte des besoins particuliers de


certaines catégories de personnes

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L'article 5, paragraphe 2 de la convention indique que "tout Membre peut, après


consultation, là où elles existent, des organisations représentatives des employeurs
et des travailleurs, définir comme non discriminatoires toutes autres mesures
spéciales destinées à tenir compte des besoins particuliers des personnes à l'égard
desquelles une protection ou une assistance spéciale est, d'une façon générale,
reconnue nécessaire pour des raisons telles que l'âge, l'invalidité, les charges de
famille ou le niveau social ou culturel". Cette disposition s'inspire, en premier lieu, du
souci d'éviter des conflits entre ces mesures spéciales de protection et celles
adoptées en vue d'éliminer les discriminations dans le cadre de la politique générale.
En second lieu, ces mesures spéciales tendent à assurer dans les faits une égalité de
chances et de traitement qui tienne compte de la diversité des situations de certaines
catégories de personnes, afin qu'elles ne continuent pas à subir les effets de la
discrimination exercée à leur encontre. Ces traitements préférentiels sont alors
destinés à rétablir un équilibre et s'inscrivent ou devraient s'inscrire dans le cadre
plus large de la promotion de toutes les actions visant à obtenir la suppression des
inégalités.

5. Mesures adoptées en raison du sexe

On peut distinguer, parmi les différentes mesures adoptées en faveur des femmes,
d'une part les mesures spéciales proprement dites ayant pour objet la protection de
la maternité et de la santé (En Côte d’Ivoire, l’article 23.3 C.T. interdit, par exemple,
le licenciement de la femme pendant sa grossesse ainsi que pendant les douze
semaines qui suivent l’accouchement, sauf faute lourde de sa part. L’article 23.4 du
même code l’autorise à rompre son contrat de travail sans préavis et sans avoir à
payer une indemnité de rupture) d'autre part des mesures plus proches de la notion
de traitement préférentiel prises par les Etats dans le but de remédier aux effets de
la discrimination faite à l'encontre des femmes. Ces dernières se situent aux
différents niveaux des besoins : formation, accès à l'emploi, conditions de travail.

La grande majorité des Etats possède une législation protectrice s'appliquant


uniquement aux femmes et relative soit à l'interdiction à l'emploi des femmes dans
certains domaines, soit à l'établissement de conditions de travail spéciales pour
celles-ci. On peut ranger dans la première catégorie les dispositions sur l'interdiction
des travaux souterrains, du travail de nuit et de certains travaux dangereux et
malsains. Dans la seconde catégorie se trouvent les dispositions relatives aux
conditions de travail différentes applicables aux femmes.

6. Mesures adoptées à l'égard des personnes âgées

La plus courante des mesures adoptées semble être celle qui consiste à accorder des
subventions salariales aux entreprises en vue de favoriser l'embauche des travailleurs
âgés. En Espagne, il est prévu d'accorder à l'entreprise recrutant des travailleurs de
plus de 45 ans un certain nombre de facilités. L'entreprise bénéficie pour chaque
travailleur engagé alors qu'il a déjà atteint l'âge de 45 ans d'une subvention, d'un

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abattement de 50 pour cent (et ce pendant deux ans) des primes dues pour ce
travailleur au titre de la sécurité sociale, et de la formation professionnelle gratuite
pour ce travailleur. En France, une prime d'incitation à l'embauche des cadres âgés
de plus de 50 ans avait été instituée à titre exceptionnel en 1979. En Allemagne, des
subventions ou des prêts peuvent être accordés aux entreprises, au titre du coût des
salaires des travailleurs ayant atteint un certain âge, pour faciliter l'embauche des
chômeurs de plus de 45 ans.

Dans quelques pays, un système de quotas impose l'obligation d'engager un certain


pourcentage de travailleurs âgés. C'est le cas au Japon où, depuis 1976, les
entreprises publiques sont, en cas de besoins reconnus par le ministre du Travail,
tenues d'employer au moins 6 pour cent de travailleurs âgés de 55 à 65 ans du total
des salariés qu'elles emploient à plein temps. En Colombie, tout employeur ayant
plus de dix travailleurs à son service a l'obligation d'employer des Colombiens âgés
de plus de 40 ans dans une proportion non inférieure à 10 pour cent du total des
travailleurs non qualifiés et à 20 pour cent du personnel qualifié ou de confiance.

7. Mesures adoptées à l'égard des personnes handicapées

Dans le cadre de l'article 5, paragraphe 2, de la convention no 111 et de l'article 4 de


la convention (no 159) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes
handicapées, 1983, les mesures protectrices prises par les Etats ont pour but
d'assurer aux personnes handicapées un meilleur accès à l'emploi et, par là, une
meilleure intégration sociale. Les dispositions législatives qui prévoient de manière
expresse l'interdiction de la discrimination fondée sur les déficiences physiques ou
mentales se trouvent contenues soit dans des lois générales parfois de rang
constitutionnel soit, plus rarement, dans des conventions collectives.

Le nombre de pays ayant adopté une législation spécifique sur l'emploi des
handicapés est en progression constante. Qu'il s'agisse des dispositions contenues
dans des lois générales sur le travail ou de législations traitant particulièrement de
l'emploi des handicapés, pratiquement toutes contiennent des mesures spéciales de
protection en faveur de ces travailleurs.

En Côte d’Ivoire, la loi n°98-594 du 10 novembre 1998 d’orientation en faveur des


personnes handicapées octroie le bénéfice de l’obligation d’emploi aux travailleurs
reconnus handicapés par la commission technique d’orientation et de reclassement
professionnels.

Dans certains cas, la collaboration entre les organisations d'employeurs et de


travailleurs est expressément demandée en vue de la promotion de l'égalité des
chances des travailleurs handicapés. Dans d'autres cas, c'est le placement de ces
travailleurs qui est recherché par le truchement de cette collaboration. D'une manière
générale, les catégories visées par ces lois comprennent aussi bien les travailleurs
dont le handicap provient d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle
que les personnes diminuées physiquement pour des raisons étrangères au travail, et
dans certains cas les invalides de guerre.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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Certains traitements préférentiels en faveur des travailleurs handicapés visent la


protection spécifique des travailleurs qui, en raison de maladie ou d'accident du
travail, n'ont plus la même capacité productrice.

Ainsi, en Côte d’Ivoire, le travailleur victime d’accident du travail ou de maladie


professionnelle qui ne peut reprendre son poste initial du fait des séquelles de la
maladie ou de l’accident, ne peut être licencié, mais doit plutôt être reclassé ou
recasé ; à moins qu’il refuse le nouveau poste à lui attribué ou qu’aucun poste ne
corresponde à son handicap.

Les mesures les plus fréquemment prises pour favoriser l'engagement de travailleurs
handicapés sont les subventions accordées aux entreprises qui engagent ces
travailleurs, les déductions fiscales et l'exonération des cotisations dues aux systèmes
de sécurité sociale. La loi d’orientation de 1998 prévoit en son article 9 une aide
financière aux entreprises ivoiriennes qui engageraient des travailleurs handicapés.
Pareille mesure ne saurait être considérée comme discriminatoire au sens de la
Convention 111.

La plus répandue des mesures de protection spéciale en faveur des personnes


handicapées est celle qui impose à l'employeur l'obligation d'engager un certain
pourcentage de travailleurs handicapés. Dans certains pays, le pourcentage imposé
par la loi est de 2 pour cent, calculé sur l'ensemble des travailleurs permanents, pour
les entreprises qui occupent plus de 50 travailleurs. A Bahreïn, le pourcentage de 2
pour cent est imposé aux entreprises occupant plus de 100 salariés, et au Ghana il
est de 0,5 pour cent de la main-d’œuvre totale. Au Japon, le quota de personnes
handicapées (physiques ou mentales) a été porté à 2 pour cent des emplois
administratifs, à 1,9 pour cent des emplois des entreprises publiques, et à 1,6 pour
cent des emplois dans les entreprises privées depuis la réforme de la loi intervenue
en 1987. En Inde, depuis novembre 1977, 3 pour cent des postes des services du
gouvernement central pourvus par recrutement direct sont réservés aux handicapés.
En France, la législation sur l'emploi des handicapés en vigueur depuis le 1er janvier
1988 prévoit pour les entreprises de 20 salariés et plus l'obligation d'employer 6 pour
cent de travailleurs handicapés ; cette obligation pèse également sur le secteur
public. Les employeurs peuvent s'acquitter de l'obligation instituée par la loi en
versant au Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés
une contribution annuelle pour chacun des postes qu'il aurait dû pourvoir. En
Allemagne, les employeurs privés et publics qui disposent d'au moins 16 postes sont
tenus d'employer des handicapés dans une proportion de 6 pour cent, lesquels
comprennent également les postes occupés aux fins de la formation professionnelle ;
le pourcentage obligatoire pour les employeurs du secteur public pourra être fixé à
un niveau plus élevé que celui concernant les employeurs privés, sans toutefois
excéder 10 pour cent.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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8. Mesures adoptées à l'égard de minorités ethniques et autres groupes


sociaux

Les mesures protectrices adoptées en faveur des minorités ethniques et autres


groupes sociaux peuvent revêtir des formes diverses. Conçues pour garantir aux
populations aborigènes et tribales un traitement particulièrement favorable quant à
l'accès à l'emploi dans le secteur public ou privé ainsi qu'à des établissements
d'enseignement, il s'agit d'accès contingentés et réservés, leur garantissant des
droits établis sur une base proportionnelle. Dans d'autres cas, des programmes
spéciaux de formation et d'emploi sont prévus pour ces minorités, sans que des
contingents fixes soient établis, afin de leur donner de façon générale davantage de
chances sur le marché du travail. En Inde une importance particulière a été attribuée
à des politiques préférentielles en faveur des castes et tribus spécifiées et d'autres
"catégories arriérées". Des actions positives en faveur des minorités défavorisées,
notamment tribales, sont prévues par la Constitution.

Paragraphe II : L’égalité de rémunération entre homme et femme


La lutte contre la discrimination dans l’emploi et la profession tend également à
assurer l’égalité de rémunération entre l’homme et la femme travailleurs. C’est le
sens de la Convention n°100 sur l’égalité de rémunération.

Selon l'article 1, paragraphe a), de la convention, "le terme "rémunération"


comprend le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous autres
avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature par
l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier". Cette définition,
énoncée en termes les plus larges possibles, cherche à assurer que l'égalité ne soit
pas limitée au salaire de base ou ordinaire, ni restreinte de quelque manière que ce
soit par des distinctions rédactionnelles.

L'expression "tous autres avantages" fait entrer dans le champ d'application de la


convention des éléments aussi nombreux que divers. Ainsi, le terme "rémunération"
aux fins de la convention inclut notamment les augmentations de salaire en raison de
l'ancienneté, la mise à disposition d'un logement ou l'allocation de résidence, et
l'allocation de famille, payées par l'employeur, ainsi que des prestations en nature
telles que l'octroi et le nettoyage des vêtements de travail.

L'expression "directement ou indirectement", ajoutée à la définition du terme


"rémunération" dans la convention, a pour objet d'y inclure certains avantages qui ne
sont pas payés directement par l'employeur au travailleur intéressé. La convention
vise toutes les composantes de la rémunération, directes et indirectes, qui découlent
de la relation de travail.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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A. Contenu de l’égalité

1. Travail de valeur égale (travail égal, identique, similaire,


travail différent mais dont la valeur est égale)
Selon les termes de la convention sur l'égalité de rémunération de 1951, s'inspirant
de ceux du Préambule de la Constitution de l'OIT, l'égalité de rémunération entre la
main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine doit s'entendre "pour un travail
de valeur égale". De la sorte et contrairement à un certain nombre d'autres
instruments sur l'égalité de traitement, les normes de l'OIT vont au-delà d'une
référence à un travail "identique" ou "similaire" en plaçant la comparaison sur le
terrain de la "valeur" du travail.

Aux termes de l'article 1 b) de la convention, l'expression "égalité de rémunération


entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de
valeur égale" se réfère aux taux de rémunération fixés sans discrimination fondée sur
le sexe. Une telle définition, tout en excluant clairement toute considération relative
au sexe des travailleurs, ne fournit aucune indication positive quant à la manière
dont la "valeur" du travail devrait être déterminée. Au cours de l'élaboration des
instruments de 1951, le rapport du Bureau a examiné des critères qui peuvent se
classer en trois groupes: rendement respectif des hommes et des femmes occupés à
des travaux de nature comparable, frais de production ou valeur d'ensemble pour
l'employeur et, enfin, nature du travail.

Le paragraphe 3 de l'article 3 de la convention complète la définition purement


négative qui figure à l'article 1 b) en spécifiant que "les différences entre les taux de
rémunération qui correspondent sans considération de sexe à des différences
résultant d'une telle évaluation objective dans les travaux à effectuer ne devront pas
être considérées comme contraires au principe de l'égalité de rémunération (...) pour
un travail de valeur égale". La convention ne prévoit pas une obligation
inconditionnelle d'adopter des mesures en vue de l'évaluation objective des emplois
sur la base des travaux à effectuer; encore moins n'impose-t-elle pas le choix d'une
méthode d'appréciation particulière à cet effet. Mais il découle du paragraphe 3 de
l'article 3 qu'une certaine forme d'évaluation objective des emplois sur la base des
travaux qu'ils comportent est le seul moyen prévu par la convention pour différencier
les taux de rémunération conformément au principe de l'égalité.

L'adoption du concept de travail de valeur égale implique logiquement une


comparaison des tâches; lorsque la valeur de diverses tâches a lieu d'être comparée,
il devrait y avoir un mécanisme et des procédures propres à assurer une évaluation
exempte de toute discrimination fondée sur le sexe.

La convention n'exige pas l'abolition de différences dans le niveau général des


salaires entre régions, secteurs ou même entreprises lorsque de telles différences
s'appliquent également aux hommes et aux femmes.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


Institut Universitaire d’Abidjan (IUA), Droit international du travail, année académique 2023-2024

Le principe de l'égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-


d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale ne concerne pas seulement les cas
où un travail semblable est effectué dans le même établissement, ni les seuls travaux
accomplis par une main-d'oeuvre mixte. La discrimination peut résulter tout d'abord
de l'existence de catégories professionnelles ou de fonctions réservées aux femmes.
Plus généralement et en dépit des difficultés d'une comparaison plus globale des
emplois, le fait que la main-d'oeuvre féminine soit concentrée le plus souvent dans
certains emplois et dans certains secteurs d'activité doit être pris en considération
afin d'éviter ou de corriger une évaluation préconçue des qualités traditionnellement
tenues pour typiquement "féminines".

Le travail de valeur égale peut signifier « le même travail », « un travail


substantiellement identique », « un travail semblable ou similaire», « un travail
différent mais dont la valeur est égale ».

2. La fixation du taux de rémunération


En se référant aux "taux de rémunération fixés sans discrimination fondée sur le
sexe", la convention vise non seulement les cas de discrimination ouverte contre l'un
ou l'autre sexe mais aussi ceux où des critères apparemment objectifs, tels que le
rendement ou la difficulté de la tâche, sont explicitement ou implicitement définis ou
appliqués par référence au sexe des travailleurs. Elle implique l'élimination de tous
les préjugés fondés sur le sexe lors de la fixation des salaires. Le critère du
rendement, s'il est légitime en soi, devient inacceptable quand les seules
travailleuses sont obligées de justifier leur rendement ou quand des catégories de
salaires différentes sont créées en fonction du rendement moyen de chaque sexe. De
même, les diverses dispositions de nature protectrice, telles que l'interdiction aux
femmes d'effectuer certains travaux que peuvent prévoir les lois ou les conventions
collectives, ne sauraient être utilisées pour justifier des barèmes de salaires
différenciés selon le sexe.

Toutes les inégalités de salaires ne constituent pas une discrimination.

B. Inégalités de salaire admises (Celles fondées sur des critères


objectifs et non sur le sexe : ancienneté, éducation, qualifications,
expérience, productivité)

Certaines inégalités de salaires sont admises parce que fondées sur des critères
objectifs et non sur le sexe. C’est le cas des critères relatifs à l’ancienneté, à
l’éducation, aux qualifications, à l’expérience, à la productivité…

1. Durée du travail et ancienneté

Parmi les éléments additionnels mentionnés dans un certain nombre de lois comme
constituant des critères de comparaison des rémunérations figurent des facteurs tels

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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que la durée du travail ou l'ancienneté, qui se rapportent au temps passé au poste


de travail ou dans l'exercice de l'emploi ou dans le service ou l'entreprise. De tels
critères, qui sont également applicables aux femmes et aux hommes, ne font pas
intervenir un élément de jugement ou d'appréciation et peuvent être considérés
comme neutres du point de vue de la discrimination salariale fondée sur le sexe.

2. Qualification professionnelle et rendement des travailleurs.

Certaines législations sur le travail qui prévoient l'égalité de rémunération pour "un
même travail" exigent que non seulement la nature du travail ou les conditions de
travail mais aussi la qualification des travailleurs ou leurs qualifications et aptitudes,
la qualité du travail, le rendement des travailleurs ou la quantité de travail soient les
mêmes. De même, les dispositions de l'article 91 du Code du travail de la France
d'outre-mer prévoyait le versement du même salaire à tous les travailleurs, quels que
soient leur origine, leur sexe, leur âge et leur statut, "à conditions égales de travail,
de qualification professionnelle et de rendement". Cette disposition a été insérée
dans les codes du travail qu'ont adoptés un grand nombre de pays africains
francophones.

Si des critères d'évaluation de la prestation du travailleur, tels que ses aptitudes, son
rendement, ainsi que leurs équivalents ne sont pas discriminatoires en eux-mêmes
pour servir de base à une différenciation des salaires, il faut que leur application se
fasse de bonne foi.

3. Efficacité.

Le critère d’efficacité peut légitiment servir à la différenciation des salaires. Le critère


de l'efficacité combine les critères de l'aptitude et du rendement, critères d'évaluation
de la prestation personnelle.

Par exemple l'Argentine autorise des différences de traitement correspondant à des


facteurs tels qu'"une plus grande efficacité, le zèle ou l'application à ses tâches de la
part du travailleur".

4. Quantité et qualité du travail.

Les critères de quantité et de qualité du travail apparaissent objectifs, en ce sens


qu'ils se rapportent à un objet plutôt qu'à une personne. Cependant, seuls des
travaux de même nature peuvent faire l'objet d'une évaluation comparative sur la
base des critères de quantité et de qualité, qui sont en fait des corollaires des
critères du rendement et de l'aptitude du travailleur. D'autres critères
occasionnellement mentionnés en relation avec le principe de l'égalité de
rémunération pour un travail égal sont les mérites et capacités. Ces critères se
rapportent à une évaluation des travailleurs plutôt que du travail.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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SECTION II : LA LIBERTE SYNDICALE ET LE DROIT DE NEGOCIATION


COLLECTIVE
C'est bien avant la création de l'OIT que les organisations ouvrières ont réclamé la
reconnaissance de la liberté syndicale. Partie intégrante des droits fondamentaux de
l'homme et pierre angulaire des dispositions visant à assurer la défense des
travailleurs, la liberté syndicale présente une importance toute spéciale pour l'OIT en
raison de sa structure tripartite. Elle revêt également un intérêt certain pour les
organisations d'employeurs qui exercent maintenant plus fréquemment les recours
établis pour en assurer l'application. L'OIT ne pouvait donc manquer d'inscrire ce
principe dans sa Constitution de 1919 comme l'un des objectifs de son programme
d'action. Le Préambule de la Partie XIII du Traité de Versailles mentionnait
"l'affirmation du principe de la liberté syndicale" parmi les objectifs de l'OIT et les
principes généraux énoncés à l'article 427 du Traité contenaient une disposition sur
le "droit d'association en vue de tous objets non contraires à la loi aussi bien pour les
salariés que pour les employeurs".

La liberté syndicale ayant ainsi été proclamée dès le début comme l'un des principes
fondamentaux de l'Organisation, le besoin se fit rapidement ressentir d'adopter des
dispositions donnant un contenu plus précis à ce concept général et d'énoncer ses
éléments essentiels dans un instrument formel de l'OIT, afin d'en promouvoir et d'en
surveiller efficacement l'application générale.

En 1944, la Constitution de l'OIT fut complétée par l'insertion de la Déclaration de


Philadelphie qui réaffirmait "les principes fondamentaux sur lesquels est fondée
l'Organisation, à savoir notamment ... la liberté d'expression et d'association est une
condition indispensable d'un progrès soutenu". Parallèlement, cette Déclaration
reconnaissait l'obligation solennelle de l'OIT de seconder la mise en œuvre de
programmes propres à réaliser, entre autres, "la reconnaissance effective du droit de
négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d’œuvre pour
l'amélioration continue de l'organisation de la production, ainsi que la collaboration
des travailleurs et des employeurs à l'élaboration et à l'application de la politique
sociale et économique". L'ensemble des principes ainsi énoncés par la Constitution
s'impose à tous les Etats Membres de l'Organisation.

Historiquement, la première convention de l'OIT traitant du droit syndical fut la


convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture) adoptée en 1921, suivie en
1947 par la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non
métropolitains). Toutefois, le projet de réglementation internationale de la liberté
syndicale ne se concrétisa vraiment qu'avec l'adoption, en 1948, de la convention (no
87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical puis, l'année suivante, de
la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective : ce sont
là les instruments fondamentaux en matière de liberté syndicale.

S'agissant de la négociation collective et du règlement des différends, on peut relever


en particulier :

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- la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, qui


concerne la procédure de négociation collective, la définition des conventions
collectives, leurs effets, leur interprétation et le contrôle de leur application ;

- la recommandation (no 92) sur la conciliation et l'arbitrage volontaires, 1951,


qui vise à promouvoir l'établissement d'organismes paritaires de conciliation et
d'arbitrage ; elle souligne le caractère volontaire de ces procédures et précise
qu'aucune de ses dispositions ne peut être interprétée comme limitant le droit
de grève ;

- la convention (no 154) et la recommandation (no 163) sur la négociation


collective, adoptées en 1981, visant la promotion de la négociation collective
libre et volontaire.

La Conférence a également adopté plusieurs instruments afin :

- de tenir compte des difficultés particulières auxquelles se heurtent les


travailleurs de certains secteurs dans l'exercice de leurs droits syndicaux,
telles la convention (no 141) et la recommandation (no 149) sur les
organisations de travailleurs ruraux, 1975 ;

- d'adapter les instruments existants au statut particulier de certains


travailleurs, par exemple la convention (no 151) et la recommandation (no
159) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978 ;

- de renforcer la protection des représentants des travailleurs et de leur


assurer les facilités leur permettant de remplir rapidement et efficacement
leurs fonctions, convention (no 135) et recommandation (no 143) concernant
les représentants des travailleurs, 1971.

Afin d'encourager la compréhension mutuelle et de bonnes relations entre les


autorités et les organisations professionnelles, ainsi qu'entre ces dernières, d'autres
instruments ont consacré la consultation en tant qu'institution dans le domaine des
relations professionnelles :

- sur le lieu de travail, recommandation (no 94) concernant la collaboration


sur le plan de l'entreprise, 1952 ;

- à des niveaux plus élevés, recommandation (no 113) sur la consultation aux
échelons industriel et national, 1960.

Outre les conventions et recommandations, la Conférence internationale du Travail a


adopté, dans le domaine de la liberté syndicale, diverses résolutions dont les deux
suivantes présentent un intérêt particulier. La Résolution de 1952 sur l'indépendance
du mouvement syndical formule plusieurs principes sur les relations entre les
organisations de travailleurs, les gouvernements et les partis politiques ; elle déclare

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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qu'il est indispensable de préserver dans chaque pays l'indépendance du mouvement


syndical afin de permettre à ce dernier de remplir sa mission économique et sociale,
quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir. Cette résolution
prend une résonance particulière dans le contexte du récent mouvement de
démocratisation et conserve toute son actualité. Il en va de même de la Résolution
de 1970 sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, qui affirme
que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se
fonder sur le respect des libertés civiles et politiques, énoncées notamment dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques.

Les Nations Unies ne traitent pas des questions du travail en tant que telles et, dans
un accord conclu en 1946 avec l'OIT, elles ont reconnu celle-ci comme l'institution
spécialisée investie de la responsabilité de prendre des mesures appropriées pour
l'accomplissement des objectifs prévus dans sa Constitution. Elles ont cependant
adopté, essentiellement dans le cadre des instruments relatifs aux droits de l'homme,
des normes et des principes concernant également des questions de travail, dont les
droits syndicaux. Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948, puis le
Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966, et le Pacte relatif
aux droits civils et politiques, 1966, ont consacré des droits et libertés qui sont
indispensables au libre exercice des droits syndicaux. La Déclaration, dont l'influence
morale est incontestable, dispose notamment que toute personne a droit à la liberté
de réunion et d'association pacifiques (art. 20.1) et le droit de fonder avec d'autres
des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts (art.
23.4). Les Pactes, entrés en vigueur en 1976, contiennent des dispositions sur le
droit d'association, en particulier celui de fonder des syndicats, et sur le droit de
grève. Conformément à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, l'OIT fait rapport au Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) sur les progrès réalisés dans l'observation des
dispositions du Pacte relevant de la compétence de l'Organisation.

Paragraphe I : La notion de liberté syndicale et de droit de négociation


collective

A. La liberté syndicale

1. Le droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction


d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de
s’y affilier et le droit au libre fonctionnement de ces
organisations syndicales

a. Le droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction


d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix
et de s’y affilier

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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L'article 2 de la convention no 87 dispose que "les travailleurs et les employeurs,


sans distinction d'aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur
choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, ...". En retenant les termes
"sans distinction d'aucune sorte", la Conférence internationale du Travail a souligné
que le droit syndical doit être garanti sans distinction ou discrimination d'aucune
nature quant à la profession, au sexe, à la couleur, à la race, aux croyances, à la
nationalité et à l'opinion politique. Le droit syndical doit donc être considéré comme
le principe général dont la seule exception est prévue à l'article 9 de la convention,
qui permet aux Etats de déterminer dans quelle mesure les garanties prévues par la
convention s'appliqueront aux forces armées et à la police.

La majorité des pays reconnaît le droit d'organisation aux travailleurs et employeurs


visés à l'article 2. Plusieurs législations nationales distinguent cependant différentes
catégories de professions ou de personnes à cet égard. Les distinctions le plus
fréquemment relevées concernent certains groupes de travailleurs (agents de la
fonction publique, dirigeants et cadres, travailleurs agricoles); elles peuvent aussi
s'appliquer à des catégories particulières (travailleurs employés dans les zones
franches d'exportation, gens de mer, employés de maison), ou être fondées sur
d'autres aspects (nationalité, par exemple), ou encore concerner la reconnaissance
du droit d'association des employeurs.

• Fonction publique

Au cours des travaux préparatoires de la convention no 87, il a été souligné que la


liberté syndicale devrait être garantie non seulement aux employeurs et aux
travailleurs de l'industrie privée, mais aussi aux fonctionnaires.

Étant donné le libellé très large de l'article 2 de la convention no 87, tous les agents
de la fonction publique doivent avoir le droit de constituer des organisations
professionnelles, qu'ils s'occupent de l'administration de l'Etat à l'échelon central,
régional ou local, ou qu'ils soient des agents d'organismes assurant d'importants
services publics ou travaillant dans des entreprises de caractère économique
appartenant à l'Etat..

• Police, forces armées

Les seules exceptions autorisées par la convention no 87 concernent les membres de


la police et des forces armées (art. 9), exceptions qui se justifient par les
responsabilités des personnes concernées en matière de maintien de la sécurité
externe et interne de l'Etat. Bien que l'article 9 de la convention no 87 soit tout à fait
explicite, il n'est pas toujours facile de déterminer dans la pratique si des travailleurs
sont des militaires ou des policiers, ou simplement des civils travaillant dans les
installations militaires ou occupant un emploi au service de l'armée et qui devraient
avoir le droit de constituer des syndicats. De l'avis de la commission, l'article 9 de la
convention ne prévoyant que des exceptions au principe général, les travailleurs
devraient en cas de doute être considérés comme des civils.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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• Droit d'organisation des employeurs

La commission rappelle à cet égard que le champ d'application de la convention no


87 s'étend aussi bien aux employeurs qu'aux travailleurs.

• Droit de constituer des organisations sans autorisation


préalable

L'article 2 de la convention no 87 garantit le droit des travailleurs et des employeurs


de constituer des organisations "sans autorisation préalable" des autorités publiques.
Les Etats restent libres de prévoir dans leur législation certaines formalités qui leur
semblent propres à assurer le fonctionnement normal des organisations.

Les réglementations nationales en la matière ne doivent toutefois pas équivaloir à


une "autorisation préalable" contraire à l'article 2 de la convention, ou constituer un
obstacle tel qu'elles aboutissent en fait à une interdiction pure et simple.

b. Le droit au libre fonctionnement des organisations syndicales

L'article 3 de la convention no 87 garantit le libre fonctionnement des organisations


de travailleurs et d'employeurs, en leur reconnaissant quatre droits fondamentaux:
élaborer leurs statuts et règlements administratifs, élire librement leurs
représentants, organiser leur gestion et leur activité et formuler leur programme
d'action sans ingérence des autorités publiques. L'article 8 de la convention dispose
que les organisations sont tenues, dans l'exercice de ces droits, de respecter la
légalité. Mais la législation nationale ne doit pas porter atteinte ni être appliquée de
manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention.

• Elaboration des statuts et règlements administratifs

Pour que ce droit soit pleinement garanti, deux conditions de base doivent être
remplies : premièrement, la législation nationale ne doit prévoir que des exigences
de forme en ce qui concerne les statuts syndicaux ; deuxièmement, les statuts et
règlements ne doivent pas faire l'objet d'une approbation préalable discrétionnaire
par les autorités.

Cependant toutes les dispositions législatives relatives à l'élaboration, au contenu, à


la modification, à l'approbation ou à l'homologation des statuts et règlements
administratifs des organisations qui vont au-delà de ces exigences de forme risquent
d'entraver la constitution et le développement des organisations et constituent une
intervention contraire à l'article 3 (2) de la convention.

• Election des représentants

L'autonomie des organisations ne peut être réellement garantie que si leurs membres
ont le droit d'élire en toute liberté leurs représentants. Les autorités publiques

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devraient donc s'abstenir de toute intervention de nature à entraver l'exercice de ce


droit, que cela concerne le déroulement des élections syndicales, les conditions
d'éligibilité, la réélection ou la destitution des représentants.

• Destitution des dirigeants ou des organes exécutifs syndicaux

Toute destitution ou suspension des dirigeants syndicaux qui ne résulte pas d'une
décision interne du syndicat, d'un vote des adhérents ou d'une procédure judiciaire
régulière constitue une grave ingérence dans l'exercice des fonctions syndicales
auxquelles les dirigeants ont été librement élus par les membres de leurs syndicats.

• Gestion des organisations

Le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'organiser leur gestion en


dehors de toute intervention des autorités publiques comprend notamment
l'autonomie et l'indépendance financière et la protection des fonds et biens de ces
organisations.

Il n'y a pas atteinte au droit des organisations d'organiser leur gestion si, par
exemple, le contrôle exercé par l’autorité publique se borne à une obligation de
soumettre des rapports financiers périodiques ou s'il est effectué parce qu'il existe de
sérieuses raisons de considérer que les actions d'une organisation sont contraires à
ses statuts ou à la loi (qui de son côté ne devrait pas être en contradiction avec les
principes de la liberté syndicale). Il n'y a pas atteinte à la convention si la vérification
est limitée à des cas exceptionnels, par exemple sur à une plainte ou s'il y a eu des
allégations de malversation.

• Inviolabilité des locaux, de la correspondance et des


communications

La liberté de gestion reconnue aux organisations syndicales ne se limite pas aux


opérations strictement financières mais comprend également le droit de disposer
pleinement de tous leurs biens mobiliers et immobiliers, ainsi que le droit à
l'inviolabilité de leurs locaux, de leur correspondance et de leurs communications.
Lorsque la législation prévoit des exceptions à cet égard, par exemple en raison
d'une situation d'urgence ou de considérations d'ordre public, si les syndicats ne
peuvent se prévaloir d'aucune immunité particulière contre les perquisitions, celles-ci
ne devraient toutefois être possibles que sur autorisation de l'autorité judiciaire
compétente, lorsque celle-ci est convaincue qu'il existe de bonnes raisons de
supposer qu'on trouvera les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit et à la
condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du
mandat.

• Les activités et programmes d'action

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La liberté syndicale implique pour les organisations de travailleurs et d'employeurs le


droit d'organiser en toute liberté leurs activités et de formuler les programmes
d'action visant à défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres, dans le
respect de la légalité. Cela comprend en le droit de tenir des réunions syndicales, le
droit des dirigeants syndicaux d'avoir accès aux lieux du travail et de communiquer
avec les membres de la direction, ainsi que le droit de grève et, plus généralement,
toute activité relative à la défense des droits des membres.

2. Le droit de grève

Manifestation la plus visible de l'action collective en cas de différend du travail, la


grève est souvent qualifiée de recours ultime des organisations syndicales pour faire
valoir leurs revendications.

Le droit de grève constitue certes un droit fondamental, mais non pas une fin en soi.
Coûteuse et perturbatrice pour les travailleurs, les employeurs et la société, la grève
traduit l'échec de la négociation collective des conditions de travail.

Le maintien du lien d'emploi constitue une conséquence juridique normale de la


reconnaissance du droit de grève. Une protection réellement efficace devrait exister
à cet égard dans la législation, faute de quoi le droit de grève risque d'être vidé de
tout contenu.

Le droit de grève constitue une des modalités essentielles d’exercice de la liberté


syndicale. Il fait partie des activités des organisations syndicales au sens de l’article
3.1 de la Convention n°87. C’est un moyen de pression important pour promouvoir et
défendre les intérêts économiques et sociaux des travailleurs ou des employeurs.

La liberté syndicale n’implique pas seulement le droit pour les travailleurs de


constituer librement des associations de leur choix, mais encore celui, pour les
associations elles-mêmes, « de se livrer à une activité licite de défense de leurs
intérêts professionnels »10 ; le droit de grève constitue un droit légitime auquel
peuvent recourir les travailleurs et leurs organisations, et un des moyens essentiels
dont ils disposent « pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et
sociaux »11. Même les travailleurs en période d’essai ne sauraient être privés de ce
droit12.

Cependant, le droit de grève, bien que fondamental, n’est pas un droit absolu ;
« non seulement il peut exceptionnellement faire l’objet d’une interdiction

10
Recueil Comité de la Liberté Syndicale, paragr. 345.
11
Recueil Comité de la Liberté Syndicale, paragr. 362 et 363 ; Etude d’ensemble, 1983, paragr. 200 ; Etude
d’ensemble, 1994, paragr. 148.
12
Recueil CLS, 1985, paragr.389.

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générale », mais « il peut également être encadré par une réglementation qui
impose des modalités ou des restrictions » dans son exercice.

Ces limitations du droit de grève ne doivent concerner que les « fonctionnaires qui
exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat »13 ou « les services essentiels »
c’est-à-dire « les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou
dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne »14.

Lorsque le droit de grève fait l’objet de limitation, des garanties appropriées doivent
être consenties aux travailleurs ainsi privés d’un moyen fondamental de défense de
leurs intérêts professionnels. En compensation il faudrait recourir à «des procédures
de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes
desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et les décisions arbitrales
devraient être dans tous les cas obligatoires pour les deux parties. De tels
jugements, une fois rendus, devraient être exécutés rapidement et de façon
complète »15.

Les instruments de l'OIT constituent les sources primaires de droit en la matière.


Toutefois, le droit de grève est également reconnu par plusieurs autres instruments
internationaux et régionaux ainsi que par la législation et la pratique nationales.

• Les instruments de l'OIT

Bien que le droit de grève ne soit pas expressément inscrit dans la Constitution de
l'OIT ou dans la Déclaration de Philadelphie, ni reconnu spécifiquement dans les
conventions n° 87 et 98, il semble avoir été tenu pour acquis. A l'heure actuelle,
seuls l'article 1 de la convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957, et les
paragraphes 4, 6 et 7 de la recommandation (n° 92) sur la conciliation et l'arbitrage
volontaires, 1951, mentionnent la grève, et ce de façon indirecte. En revanche,
plusieurs résolutions de la Conférence internationale du Travail, de conférences
régionales ou de commissions sectorielles font état du droit de grève, ou de mesures
visant à garantir son exercice.

• Autres instruments internationaux et régionaux

L'article 8.1.d) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et


culturels dispose que les Etats parties au Pacte s'engagent à assurer, entre autres,
"... le droit de grève, exercé conformément aux lois de chaque pays". Sur le plan
régional, l'article 6.4 de la Charte sociale européenne de 1961 reconnaît
expressément le droit de grève en cas de conflits d'intérêts, sous réserve des
obligations résultant des conventions collectives en vigueur. La Charte internationale

13
Etude d’ensemble CE, 1994, paragr.158.
14
Recueil CLS, paragr. 394 et 400 ; Etude d’ensemble, 1983, paragr. 214.
15
Etude d’ensemble CE, 1983, paragr.214 ; Recueil CLS, paragr. 397 ; Etude d’ensemble, 1994, paragr. 164.

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américaine de garanties sociales de 1948 prévoit en son article 27 que : "Les


travailleurs ont droit de faire la grève. La loi réglemente ce droit quant à ses
conditions et à son exercice. " Le droit de grève est également reconnu à l'article
8(1)(b) du Protocole additionnel de la Convention américaine relative aux droits de
l'homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels.

3. La dissolution et la suspension des organisations syndicales

L'article 4 de la convention n°87 dispose que les organisations de travailleurs et


d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie
administrative. L'article 6 étend cette garantie aux fédérations et confédérations de
syndicats. Les mesures administratives de cet ordre constituent une des formes les
plus extrêmes d'ingérence des autorités publiques dans les activités des
organisations syndicales puisqu'elles mettent fin à l'exercice de leurs activités.

Si l'article 4 de la convention complète les garanties relatives à la constitution et au


fonctionnement des organisations en leur offrant des garanties contre une dissolution
ou une suspension arbitraire par voie administrative, il ne leur confère aucune
immunité au regard du droit commun. Les organisations et leurs membres restent
tenus, aux termes de l'article 8 (1) de la convention, de respecter la légalité. Ainsi,
par exemple, une organisation qui viserait à porter atteinte à la sécurité interne et
externe de l'Etat ne saurait invoquer les principes de la liberté syndicale pour se
soustraire à l'application des règles de droit commun valant pour toutes les
associations illicites. Toutefois, le corollaire de cette obligation imposée aux
organisations et à leurs membres reste que, aux termes de l'article 8 (2), la
législation nationale ne doit pas porter atteinte ni être appliquée de manière à porter
atteinte aux garanties prévues par la convention.

Il est préférable que la législation nationale ne permette pas la dissolution ou la


suspension des organisations de travailleurs et d'employeurs par voie administrative.
Mais, si elle en admet la possibilité, l'organisation visée par de telles mesures doit
pouvoir recourir devant un organe judiciaire indépendant et impartial qui a
compétence pour examiner le cas quant au fond, étudier les motifs ayant fondé la
mesure administrative et, le cas échéant, annuler cette dernière. De plus, la décision
administrative ne devrait pas pouvoir prendre effet avant qu'une décision judiciaire
finale soit rendue. Les mesures de dissolution ou de suspension prises dans une
situation d'urgence devraient également bénéficier des garanties judiciaires
normales, y compris le droit de recourir devant les tribunaux contre la décision de
suspension ou de dissolution.

La dissolution d'une organisation pose le problème de la répartition ou de la


transmission de ses actifs. Certaines législations contiennent à cet égard des
dispositions qui varient en fonction du caractère, volontaire ou non, de la mesure. La
commission partage avec le Comité de la liberté syndicale l'avis que les biens
devraient être affectés aux finalités pour lesquelles ils avaient été acquis.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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Au total, la dissolution ou la suspension des organisations syndicales constituent les


formes extrêmes d'intervention des autorités dans les activités de ces organisations,
et devraient donc être entourées de toutes les garanties nécessaires. Celles-ci ne
peuvent être assurées que par une procédure judiciaire normale, qui devrait par
ailleurs avoir un effet suspensif. S'agissant de la répartition du patrimoine syndical en
cas de dissolution, les biens devraient être affectés aux finalités pour lesquelles ils
ont été acquis. Les autorités et l'ensemble des organisations concernées devraient
coopérer pour faire en sorte que tous les syndicats aient la possibilité d'exercer leurs
activités en toute indépendance et sur un pied d'égalité.

B. La notion de droit de négociation collective


La convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, adoptée
en 1949, aborde sous deux angles différents la liberté syndicale. Elle tend
premièrement à protéger l'exercice du droit syndical par les travailleurs face aux
employeurs ainsi qu'à protéger les organisations de travailleurs et les organisations
d'employeurs les unes à l'égard des autres (art. 1 à 3). En deuxième lieu, pour
assurer la promotion de la négociation collective, la convention met l'accent sur
l'autonomie des parties et le caractère volontaire des négociations (art. 4). Comme la
convention no 87, la convention no 98 laisse aux législations nationales le soin de
décider si elle s'applique aux forces armées et à la police (art. 5). En revanche, à la
différence de la convention no 87, la convention no 98 exclut de son champ
d'application certaines catégories de fonctionnaires publics, en prévoyant en son
article 6 que la convention "... ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics
et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs
droits ou à leur statut".

Ainsi, le droit de négociation collective protège contre tous actes de discrimination


antisyndicale, tous actes d’ingérence et fait la promotion de la négociation volontaire.

1. Interdiction de tous actes de discrimination antisyndicale

La protection accordée aux travailleurs et aux dirigeants syndicaux contre les actes
de discrimination antisyndicale constitue un aspect capital du droit syndical, puisque
de tels actes peuvent aboutir dans la pratique à une négation des garanties prévues
par la convention no 87. Cela implique notamment qu'un licenciement antisyndical ne
peut être traité sur le même pied que d'autres types de licenciement, parce que le
droit syndical est fondamental. De l'avis de la commission, cela entraîne des
distinctions en ce qui concerne par exemple les modalités de preuve, les sanctions et
les mesures de redressement.

L'article 1 de la convention no 98 dispose, en termes généraux, que "les travailleurs


doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination
tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi" (paragr. 1). La
portée de cette protection est précisée au paragraphe 2. Il en résulte que les
travailleurs doivent, aux termes de cet instrument, bénéficier d'une protection
appropriée contre toute mesure de discrimination antisyndicale à la fois au moment

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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de l'embauche et en cours d'emploi, la reconnaissance de la liberté syndicale par le


partenaire au contrat de travail constituant le corollaire nécessaire de la
reconnaissance de la liberté syndicale par l'Etat. Des garanties identiques sont
établies en ce qui concerne les agents publics par l'article 4 de la convention no 151
sur les relations de travail dans la fonction publique.

La majorité des législations contiennent des dispositions générales ou détaillées


protégeant les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Toutefois,
le degré de protection varie selon la période couverte, les personnes protégées, les
mesures visées ainsi que les procédures instituées et les sanctions prévues pour
assurer le respect des dispositions protectrices.

• Personnes protégées

Cette protection est particulièrement nécessaire en ce qui concerne les dirigeants et


délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions en pleine
indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en
raison du mandat syndical qu'ils détiennent. L'une des manières d'assurer la
protection des délégués syndicaux est de prévoir que ces délégués ne peuvent être
licenciés ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables ni durant l'exercice de leurs
fonctions, ni pendant un certain laps de temps après la fin de leur mandat. Même si
certaines exceptions peuvent être prévues en cas de faute grave, la nature et
l'importance des fonctions de représentant syndical et les exigences de ce type de
mandat devraient être prises en considération pour déterminer si une infraction a été
effectivement commise et en apprécier la gravité.

• Période couverte

La commission considère que la protection prévue par la convention couvre tant la


période d'embauche que celle de l'emploi, y compris le moment de la cessation de la
relation de travail.

• Actes visés

Un travailleur victime de discrimination antisyndicale au moment de l'embauche peut


faire face à des difficultés insurmontables car il lui sera souvent pratiquement
impossible de prouver que son affiliation ou ses activités syndicales constituent le
véritable motif des refus d'embauche qu'il essuie.

De toutes les manifestations de la discrimination antisyndicale, le licenciement est le


plus lourd de conséquences, et le plus évident. D'autres mesures peuvent cependant
causer un très grave préjudice au travailleur qui en est victime: transfert, mutation,
rétrogradation, privations ou restrictions de tous ordres (rémunération, avantages
sociaux, formation professionnelle). C'est notamment pour prévenir ces situations
que l'article 1 (2) (b) de la convention vise, outre le congédiement, les actes ayant
pour but de porter préjudice au travailleur "par tous autres moyens", en raison de

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son affiliation ou de ses activités syndicales. Cependant, comme dans les cas de
discrimination à l'embauche, la difficulté majeure aura souvent trait à la possibilité de
prouver le caractère discriminatoire de la mesure en question.

• Licenciements économiques

Un problème particulier est posé par les licenciements pour motifs économiques qui
peuvent avoir des répercussions négatives sur les travailleurs syndiqués, et en
particulier les dirigeants syndicaux, s'ils sont utilisés comme un moyen détourné pour
se livrer à des actes de discrimination antisyndicale à leur égard sous couvert de
licenciement économique. Entre autres mesures, la recommandation no 143 sur les
représentants des travailleurs suggère en son paragraphe 6 (2) f) la priorité à
accorder au maintien en emploi des représentants des travailleurs en cas de
réduction du personnel. Par ailleurs, la convention (no 158) sur le licenciement,
1982, impose à l'employeur qui envisage des licenciements pour des motifs de
nature économique, technologique, structurelle ou similaire une obligation de
consultation des représentants des travailleurs (article 13) et de notification à
l'autorité compétente (article 14). Si elles ne confèrent pas une protection spécifique
aux travailleurs syndiqués et dirigeants syndicaux en cas de licenciement pour des
motifs économiques, ces deux dispositions peuvent néanmoins contribuer à les
protéger contre les actes de discrimination antisyndicale.

• Procédures et sanctions

L'existence de dispositions législatives générales interdisant les actes de


discrimination antisyndicale est insuffisante en l'absence de procédures rapides et
efficaces qui en assurent l'application dans la pratique, d'où l'importance de l'article 3
de la convention n° 98 qui dispose que "Des organismes appropriés aux conditions
nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit
d'organisation défini par les articles ...(1 et 2)." Cette protection contre les actes de
discrimination antisyndicale peut donc être assurée par des moyens divers, adaptés à
la législation et à la pratique nationales à condition qu'ils préviennent ou réparent
efficacement la discrimination antisyndicale, et permettent aux représentants
syndicaux d'être rétablis dans la situation antérieure et de continuer à exercer leur
mandat, conformément au souhait de leurs mandants.

• Preuve

Comme il est souvent difficile, sinon impossible, à un travailleur de prouver qu'il a


été victime d'un acte de discrimination antisyndicale, la législation et la pratique
devraient contenir des dispositions qui remédient à ces difficultés.

La commission souligne l'intérêt que présentent à cet égard les dispositions d'autres
instruments de l'OIT. Ainsi l'article 9.2 de la convention no 158 sur le licenciement
prévoit notamment ce qui suit: "Afin que le salarié n'ait pas à supporter seul la
charge de prouver qu'un licenciement n'était pas justifié, les méthodes d'application

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mentionnées à l'article 1 de la présente convention devront prévoir l'une ou l'autre


ou les deux possibilités suivantes: a) la charge de prouver l'existence d'un motif
valable de licenciement tel que défini à l'article 4 de la convention devra incomber à
l'employeur; ...". L'article 5 a) et b) de cette convention dispose par ailleurs que
l'affiliation ou les activités syndicales, notamment l'exercice d'un mandat de
représentation des travailleurs, ne constituent pas des motifs valables de
licenciement. De plus, le paragraphe 6 (2) e) de la recommandation no 143 dispose:
"... lorsqu'il est allégué qu'un licenciement d'un représentant des travailleurs ou la
modification à son désavantage de ses conditions d'emploi seraient discriminatoires,
l'adoption de dispositions faisant obligation à l'employeur de prouver que la mesure
en question est en réalité justifiée".

• Indemnisation

S'agissant de la forme de la réparation, la commission est d'avis que celle-ci devrait


avoir pour but la réparation intégrale, tant sur le plan financier que professionnel, du
préjudice subi par un travailleur en raison d'un acte de discrimination antisyndicale
puisqu'il s'agit ici de la violation d'un droit fondamental. La meilleure solution est
généralement la réintégration du travailleur dans ses fonctions avec indemnisation
rétroactive et maintien des droits acquis. Pour ce faire, les autorités chargées de
l'examen du cas (tribunaux ordinaires ou organismes spécialisés) doivent disposer de
tous les pouvoirs nécessaires pour statuer rapidement, complètement et en toute
indépendance, et notamment décider du remède le plus approprié en fonction des
circonstances, y compris la réintégration dans l'emploi si le travailleur la demande.

La commission estime qu'une législation qui permet en pratique à l'employeur de


mettre fin à l'emploi d'un travailleur à condition de payer l'indemnité prévue par la loi
en cas de licenciement injustifié alors que le motif réel est son affiliation ou ses
activités syndicales n'est pas suffisante au regard de l'article 1 de la convention, la
mesure la plus appropriée étant la réintégration.

En cas d'impossibilité de réintégration, les indemnités pour licenciement antisyndical


devraient être plus élevées que celles qui sont prévues pour les autres types de
licenciement.

2. Interdiction de tous actes d’ingérence

Aux termes de l'article 2.1 de la convention, "les organisations de travailleurs et


d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes
d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou
membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration". Le
paragraphe 2 du même article décrit ensuite à titre d'exemple certains actes
particuliers d'ingérence "tendant à provoquer la création d'organisations de
travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à
soutenir des organisations de travailleurs pas des moyens financiers ou autrement,
dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une
organisation d'employeurs". La convention complète ainsi les droits syndicaux

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reconnus aux travailleurs individuels par la garantie du libre exercice du droit syndical
des organisations de travailleurs. Elle assure également aux organisations
d'employeurs la même protection qu'aux organisations de travailleurs.

L'article 3 de la convention dispose que "des organismes appropriés aux conditions


nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit
d'organisation définis par les articles précédents". Il vise aussi bien la protection des
travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale que la protection des
organisations contre les actes d'ingérence.

Il arrive assez fréquemment que la législation ou la pratique autorise les employeurs


à participer au financement des syndicats ou à leur accorder certains avantages
(locaux, facilités, etc.), ce qui pourrait entraîner divers risques d'ingérence ou de
favoritisme. S'il n'existe pas d'objection de principe à ce que l'employeur manifeste
ainsi sa reconnaissance au syndicat comme partenaire social, cela ne doit pas avoir
pour effet, d'une part, de lui permettre d'exercer un contrôle sur le syndicat ni,
d'autre part, de favoriser un syndicat au détriment d'un autre.

L'article 2 de la convention n° 98 établit que les organisations de travailleurs et


d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes
d'ingérence des unes à l'égard des autres. Il importe donc que, chaque fois que la
protection contre l'ingérence paraît insuffisante ou que de tels actes sont commis
dans la pratique, les gouvernements prennent des mesures spécifiques, notamment
par voie législative, pour faire respecter les garanties énoncées dans la convention et
donnent la publicité nécessaire à ces dispositions pour assurer leur pleine efficacité
dans la pratique.

3. Promotion de procédures de négociations volontaires

L'article 4 de la convention no 98 dispose que "des mesures appropriées aux


conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et
promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges des procédures de
négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les
organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre
part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi". Cette disposition
comporte deux éléments essentiels : l'action des pouvoirs publics afin de promouvoir
la négociation collective, et le caractère volontaire de la négociation qui implique
l'autonomie des parties.

a. Promotion de la négociation collective

La législation ou la pratique de la grande majorité des pays reconnaissent le droit des


travailleurs de négocier collectivement leurs conditions d'emploi. Toutefois, ces
législations nationales assurent de façon inégale la promotion de la négociation
collective; les principales difficultés rencontrées à cet égard dans la pratique
concernent la reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective, et la
mise sur pied d'organismes et de procédures visant à faciliter la négociation. Par

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ailleurs, des problèmes particuliers se posent en ce qui concerne les négociations


dans la fonction publique.

Certaines législations nationales disposent que seuls les syndicats enregistrés


peuvent être reconnus comme agents négociateurs. Si les conditions posées pour
l'enregistrement sont par ailleurs excessives, le développement de la négociation
collective peut être gravement entravé.

La reconnaissance d'un ou plusieurs syndicats comme partenaires à la négociation


collective pose immédiatement le problème de leur représentativité. Lors de la
discussion de la convention no 98, la Conférence internationale du Travail a évoqué
cette question et a admis dans une certaine mesure la distinction parfois opérée
entre les divers syndicats en présence, selon leur degré de représentativité. Par
ailleurs, l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT consacre la notion
d'organisations les plus représentatives. Par conséquent, le simple fait qu'une
législation établit une distinction entre les organisations syndicales les plus
représentatives et les autres organisations ne prête pas, en soi, à critique. Encore
faut-il qu'une telle distinction n'ait pas pour conséquence d'accorder aux
organisations les plus représentatives des privilèges allant au-delà d'une priorité en
matière de représentation aux fins de la négociation collective, de consultation par
les gouvernements, ou encore de désignation des délégués auprès d'organismes
internationaux.

b. Négociation collective volontaire (autonomie des parties)

Le principe de la négociation volontaire, et partant de l'autonomie des partenaires,


constitue le deuxième élément essentiel de l'article 4 de la convention no 98. Les
organismes et procédures existants doivent être destinés à faciliter la négociation
entre les partenaires sociaux, ces derniers restant libres de leur négociation.
Plusieurs difficultés se posent toutefois à cet égard, car un nombre croissant de pays
restreignent cette liberté à des degrés divers. Les problèmes les plus fréquents
concernent: la fixation unilatérale du niveau de négociation; l'exclusion de certaines
matières du champ de la négociation; la soumission des accords collectifs à
l'agrément préalable des autorités administratives ou budgétaires; le respect de
critères préétablis par la loi, notamment en matière salariale; l'imposition unilatérale
des conditions de travail.

• Niveau de la négociation collective

Le droit de négocier collectivement devrait également être accordé aux fédérations et


aux confédérations; toute restriction ou interdiction à cet égard entrave le
développement des relations professionnelles et, en particulier, empêche les
organisations possédant des moyens insuffisants de recevoir l'aide des organisations
faîtières en principe mieux pourvues en personnel, en ressources et en expérience
pour mener à bien les négociations. A l'inverse, une législation qui fixerait
impérativement le niveau de la négociation collective à un échelon supérieur

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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(secteur, branche d'activité, etc.) pose également des problèmes de compatibilité


avec la convention.

• Restrictions au contenu de la négociation

Dans certains pays, la nature et l'étendue des matières négociables sont encadrées
par la législation qui, soit prescrit la discussion de certains sujets afin d'assurer que
les parties règlent elles-mêmes les problèmes majeurs qui les concernent, soit
interdit la négociation de certaines questions pour des raisons d'intérêt général ou
d'ordre public. De l'avis de la commission, les mesures prises unilatéralement par les
autorités pour restreindre l'étendue des sujets négociables sont souvent
incompatibles avec la convention; des discussions tripartites visant à élaborer sur
une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective
constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier.

• Travailleurs des secteurs public et parapublic

La négociation dans la fonction publique comporte des particularités que l'on


retrouve, à des degrés divers, dans la plupart des pays. La première raison
généralement invoquée est que l'Etat a dans ce cadre une double responsabilité,
étant à la fois employeur et législateur; la distinction parfois malaisée entre ces deux
rôles et leurs contradictions virtuelles peuvent susciter des difficultés. Par ailleurs, la
marge de manouvre de l'Etat dépend étroitement des recettes fiscales et il est
ultimement responsable devant l'électorat de l'affectation et de la gestion de ces
ressources, dans son rôle d'employeur. Enfin, certaines traditions juridiques, voire
socioculturelles, considèrent que le statut des fonctionnaires est incompatible avec
toute notion de négociation collective, quand ce n'est pas de simple droit syndical.
Dans de nombreux pays, la législation garantit le droit de négociation collective aux
fonctionnaires mais, dans plusieurs autres, elle le leur refuse expressément.

La situation de la fonction publique est spécifiquement traitée dans la convention n°


151 et la recommandation n°159 sur les relations de travail dans la fonction
publique, 1978, en des termes semblables à ceux de la convention no 98. L'article 7
de la convention no 151 autorise cependant une certaine souplesse dans le choix des
modes de détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique, puisqu'il
vise les procédures permettant la négociation des conditions d'emploi entre les
autorités publiques et les organisations intéressées ou "toute autre méthode
permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination
desdites conditions". Comme il a déjà été mentionné, si l'article 6 de la convention no
98 permet d'exclure de son champ d'application les fonctionnaires commis à
l'administration de l'Etat, les autres catégories doivent bénéficier des garanties de la
convention et, en conséquence, pouvoir négocier collectivement leurs conditions
d'emploi, y compris salariales.

Les deux éléments essentiels de l'article 4 de la convention no 98 concernent d'une


part, l'action des pouvoirs publics afin de promouvoir la négociation entre les

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partenaires sociaux et, d'autre part, le caractère volontaire de la négociation. De


l'avis de la commission, il est contraire aux principes de la convention no 98 d'exclure
de la négociation collective certaines questions tenant notamment aux conditions
d'emploi, d'exiger l'approbation préalable d'une convention collective avant son
entrée en vigueur, ou de permettre son annulation parce qu'elle irait à l'encontre de
la politique économique du gouvernement. Les parties impliquées dans un conflit
d'intérêts devraient disposer d'une complète latitude pour négocier collectivement,
pendant un laps de temps suffisant, avec le concours d'une médiation ou d'une
conciliation indépendante. Le gouvernement devrait s'efforcer de convaincre les
parties de tenir compte de leur propre gré dans leurs négociations des raisons
majeures de politique économique et sociale et d'intérêt général qu'il invoque.

Paragraphe II : Les procédures spéciales de promotion et de contrôle de


la liberté syndicale

A. La Commission d'investigation et de conciliation en matière de


liberté syndicale

Établie en accord avec le Conseil économique et social des Nations Unies, cette
commission examine les plaintes en violation des droits syndicaux que le Conseil
d'administration lui renvoie, concernant des pays Membres de l'OIT qui ont ou non
ratifié les conventions sur la liberté syndicale. Toutefois, si le pays mis en cause ne
les a pas ratifiées, son consentement au renvoi de la plainte de la commission est
nécessaire. Fonctionnant en règle générale par groupe de trois membres et
composée de personnalités indépendantes nommées par le Conseil d'administration,
cette commission est essentiellement un organe d'investigation. Mais elle peut
examiner avec le gouvernement intéressé les possibilités de régler les difficultés par
voie d'accord. La commission n'a été convoquée que rarement, en raison notamment
du fait qu'aucun accord des gouvernements sollicités n'avait pu être obtenu avant
1964. Les plaintes soumises contre des Etats membres des Nations Unies mais non
de l'OIT, sont transmises à la commission, conformément à une procédure
particulière et avec le consentement du gouvernement mis en cause. C'est ainsi que
le BIT a été saisi en 1988 d'une plainte présentée par le Congrès des syndicats sud-
africains contre le gouvernement d'Afrique du Sud. Celui-ci a donné, en 1991, son
consentement à la transmission de la plainte à la commission qui a établi un rapport
très détaillé contenant ses conclusions sur les aspects factuels et législatifs de la
situation des relations professionnelles dans ce pays, et formulé de nombreuses
recommandations, notamment en matière de liberté syndicale et de négociation
collective.

B. Le Comité de la liberté syndicale

Institué en 1951 comme organisme tripartite de neuf membres du Conseil


d'administration et présidé depuis 1978 par une personnalité indépendante, le comité
examine les plaintes contenant des allégations de violations des conventions sur la
liberté syndicale, que le pays en cause ait ou non ratifié ces instruments.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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Le consentement des gouvernements intéressés n'est pas nécessaire à l'examen des


plaintes : le fondement juridique de cette conception repose sur la Constitution de
l'OIT et la Déclaration de Philadelphie en vertu desquelles, du fait de leur adhésion à
l'Organisation, les Etats Membres sont tenus de respecter les principes fondamentaux
contenus dans la Constitution, notamment ceux concernant la liberté syndicale,
même s'ils n'ont pas ratifié les conventions en cette matière. Le comité procède à un
examen systématique quant au fond des affaires qui lui sont soumises et présente
ses conclusions, adoptées à l'unanimité, au Conseil d'administration en lui
recommandant le cas échéant d'attirer l'attention des gouvernements intéressés sur
les principes mis en cause, et en particulier sur les recommandations formulées pour
régler les difficultés soulevées dans la plainte. Le comité se réunit trois fois par an et,
depuis sa création, a examiné près de 1800 cas, souvent d'une nature très sérieuse.
Ce faisant, il a élaboré un ensemble de principes qui forme un véritable droit
international de la liberté syndicale.

SECTION III : ELIMINATION DE TOUTE FORME DE TRAVAIL FORCE OU


OBLIGATOIRE
Dans le monde d’aujourd’hui, le travail forcé ou obligatoire est imposé à des fins de
production ou de service, et en tant que sanction ou corollaire de punition. Il est
exigé par l’Etat ou par des personnes ou entités privées, sous couvert de lois et de
réglementations nationales.

En principe, le travail forcé ou obligatoire est presque universellement proscrit. Les


deux conventions de l’OIT l’abolissant sont les conventions n°29 et 105.

Paragraphe I : La convention n°29 sur le travail forcé, 1930

A. Définition du travail forcé ou obligatoire


Aux termes de l’article 2, paragraphe 1 de la convention n°29 de l’OIT, le travail
forcé ou obligatoire désigne « Tout travail ou service exigé d’un individu sous la
menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de
plein gré ». Cette définition énonce 3 aspects qu’il convient d’élucider.

1. Travail ou service

La définition vise le travail ou le service. L’imposition d’un travail ou service se


distingue des cas dans lesquels un enseignement ou une formation doivent être
suivis. Si le travail ou service obligatoire est proscrit, le principe de l’enseignement
obligatoire est reconnu dans diverses normes internationales en tant que moyens
d’assurer le plein exercice du droit à l’éducation. Il est admis qu’un programme de
formation professionnelle obligatoire, par analogie avec l’instruction générale
obligatoire, ne constitue pas un travail ou un service obligatoire au sens de la
convention.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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2. Menace d’une peine quelconque

Pour que le travail exécuté soit considéré comme forcé ou obligatoire, le travail ou le
service doit avoir été exigé sous la menace d’une peine quelconque. La peine dont il
s’agit ici ne doit pas revêtir seulement la forme d’une sanction pénale, il peut s’agir
de privation de quelques droits ou avantages. Par exemple, il peut s’agir pour un
prisonnier de la réduction d’une perspective de libération anticipée.

3. Offre de plein gré

Elle est relative à la forme et à l’objet du consentement, aux incidences d’une


contrainte extérieures ou indirecte, imputable ou non à l’Etat ou à l’employeur, à la
possibilité pour un mineur de donner un consentement valable, et à la possibilité de
reprendre un consentement qui avait été librement donné.

a. Forme et objet du consentement

La convention n°29 ne prescrit pas les modalités du consentement au travail, et les


organes de contrôle de l’OIT ne se sont attachés au consentement formel que dans
les circonstances particulières où le libre arbitre du travailleur ne peut être présumé,
et notamment lorsqu’un prisonnier fait un travail qui ne saurait lui être imposé au
terme de la convention.

Pour ce qui concerne l’objet du consentement, il y a lieu de savoir que lorsqu'un


travailleur migrant à la recherche d’un emploi, a été amené par la ruse, de fausses
promesses et la rétention des papiers d’identité ou la force à la disposition d’un
employeur, il y a travail forcé ou obligatoire.

b. Rôle des contraintes extérieures ou indirectes

La liberté de s’offrir de plein gré pour un travail ou un service doit tenir compte du
cadre législatif ou pratique qui assure cette liberté. Ainsi, la simple liberté de choisir
parmi toutes les catégories de travail ou de service existant ne suffit pas pour
assurer le respect de la convention lorsque la loi prévoit une obligation générale de
travailler.

De même, lorsqu’une main d’œuvre captive (personnes appelées au service militaire


obligatoire ou purgeant une peine privative de liberté) se voit offrir un choix limité
entre le travail qui peut de toute manière leur être imposé aux termes des exceptions
prévues par la convention et un autre travail qui lui est proposé, l’on peut parler de
travail forcé.

Une contrainte extérieure ou indirecte portant atteinte à la liberté du travailleur de


s’offrir de plein gré peut résulter non seulement d’un acte des autorités, tel qu’une

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loi, mais également de la pratique d’un employeur telle que la rétention des papiers
d’identité d’un travailleur migrant.

c. Possibilité pour un mineur (ou ses parents) de donner un consentement


valable

En ce qui concerne le travail des enfants, la question se pose de savoir si un mineur


peut être considéré comme s’étant offert de plein gré pour un travail ou un service,
si le consentement des parents est nécessaire à cet égard et s’il est suffisant et
quelles sont les sanctions en cas de refus.

Le mineur peut conclure et rompre seul un contrat de travail à l’âge que chaque
législation nationale autorise. En Côte d’Ivoire, c’est à l’âge de 18 ans qu’il peut le
faire, étant entendu qu’ici le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a pas
encore atteint l’âge de 21 ans révolus.

Les emplois dangereux pour la santé, la sécurité et la moralité sont interdits aux
enfants de sorte que ni eux-mêmes ni leurs représentants légaux ne sont
valablement admis à consentir à un tel emploi. Il est admis que des mineurs engagés
pour une carrière militaire puissent revenir sur leur engagement.

d. Possibilité de reprendre un consentement librement donné

Une personne adulte qui s’est offerte de plein gré pour un travail ou un service, peut-
elle être libre de quitter cet emploi ?

Pour les organes de contrôle de l’OIT, bien que l’emploi soit le résultat d’un accord
librement conclu, le travailleur ne saurait aliéner son droit au libre choix de son
travail. En conséquence, les dispositions légales empêchant un travailleur engagé
pour une durée indéterminée de mettre fin à son emploi moyennant un préavis
raisonnable ont pour effet de transformer une relation contractuelle fondée sur la
volonté des parties en un service imposé par la loi et sont incompatibles avec les
conventions sur le travail forcé. Il en est de même lorsque le travailleur est tenu de
servir au delà de l’échéance d’un contrat à durée déterminée.

B. Exclusion du champ d’application de la convention de certains


travaux
Aux termes de la convention n°29, certaines formes de services obligatoires sont
exclues de la notion de travail forcé ou obligatoire. Il s’agit de :

• Tout travail ou service exigé en vertu des lois sur le service

militaire obligatoire et affecté à des travaux d’un caractère purement militaire ;

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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• Tout travail ou service faisant partie des obligations civiques

normales des citoyens d’un pays ;

• Tout travail ou service exigé d’un individu comme

conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire, à la


condition que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance ou le contrôle des
autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition
de particuliers, compagnies ou personnes morales privées.

• Tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure,

c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistres ou menace de sinistres tels


qu’incendies, inondations, famine, tremblement de terre, épidémies, épizooties
violentes, invasions d’animaux, d’insectes ou de parasites végétaux nuisibles, et en
général toutes circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la
vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la
population ;

• Les menus travaux de village, c’est-à-dire les travaux

exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité par les membres de celles-ci, travaux
qui de ce chef, peuvent être considérés comme des obligations civiques normales
incombant aux membres de la collectivité, à condition que la population elle-même
ou ses représentants directs aient le droit de se prononcer sur le bien fondé de ces
travaux.

Paragraphe II : La convention n°105 sur l’abolition du travail forcé, 1957


Aux termes de l’article 2 de la convention, tout membre de l’OIT qui ratifie cette
convention s’engage à prendre des mesures efficaces en vue de l’abolition immédiate
et complète du travail forcé ou obligatoire tel qu’il est décrit à l’article 1er.

Selon l’article 1er, tout membre de l’OIT qui ratifie la présente convention s’engage à
supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n’y recourir sous aucune forme :

• En tant que mesure de coercition ou d’éducation politique ou

en tant que sanction à l’égard des personnes qui ont ou expriment certaines opinions
politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou
économique établi ;

• En tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la

main d’œuvre à des fins de développement économique ;

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• En tant que mesure de discipline du travail ;

• En tant que punition pour avoir participé à des grèves ;

• En tant que mesure de discrimination raciale, sociale,

nationale ou religieuse.

A. Circonstances visées par la convention n°105

1. Coercition politique

La convention interdit le recours au travail forcé ou obligatoire en tant que mesure


de coercition ou d’éducation politique ou en tant que sanction à l’encontre de
personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur
opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La gamme des
activités qui doivent être à l’abri d’une sanction comportant du travail forcé ou
obligatoire comprend ainsi la liberté d’exprimer des opinions politiques ou
idéologiques oralement, par la presse ou d’autres moyens de communication ; de
même que l’exercice de divers autres droits généralement reconnus, tels que les
droits d’association et de réunion par lesquels les citoyens cherchent à faire connaître
et accepter leurs vues. Les peines comportant du travail forcé relèvent de la
convention lorsqu’elles sanctionnent l’interdiction d’exprimer des opinions ou de
manifester une opposition au système politique, social ou économique établi, que
cette interdiction soit imposée directement par la loi ou au moyen d’une décision
discrétionnaire de l’administration.

Toutefois, certaines limitations aux droits et libertés en cause peuvent être établies
par la loi « en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés
d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du
bien être général dans une société démocratique ».

Ainsi la convention n’interdit ni la punition par des peines comportant du travail


obligatoire des personnes qui recourent à la violence, incitent à la violence ou
s’engagent dans des actes préparatoires à la violence, ni l’imposition judiciaire de
certaines incapacités aux personnes convaincues d’infractions de cette nature.

Outre les limites applicables dans les circonstances normales, la liberté d’expression
et d’autres droits fondamentaux qui concernent la convention peuvent être soumis,
pendant des périodes exceptionnelles, à des restrictions temporaires. La nécessité
d’un recours inhabituel à de telles mesures est reconnue dans le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques « dans le cas où un danger public exceptionnel
menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel ».

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Les organes de contrôle d’ l’OIT ont adopté un point de vue analogue en ce qui
concerne les mesures exceptionnelles telles que la suspension des libertés et droits
fondamentaux qui peuvent avoir une incidence sur l’article 1.a de la convention dès
lors qu’elles sont assorties de sanctions comportant du travail obligatoire. Des
mesures exceptionnelles de ce genre ne sont admises que dans la mesure où elles
sont nécessaires pour faire face à des circonstances mettant en danger, dans
l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité et la santé de la
personne.

2. Développement économique

L’article 1.b de la convention interdit le travail forcé ou obligatoire en tant que


méthode de mobilisation et d’utilisation de la main d’œuvre à des fins de
développement économique. Cette disposition vise des situations où le recours au
travail forcé ou obligatoire a une certaine importance quantitative et une finalité
économique. L’interdiction s’applique même lorsque le recours au travail forcé en
tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main d’œuvre à des fins de
développement économique a un caractère temporaire ou exceptionnel.

3. Discipline du travail

Le travail forcé ou obligatoire imposé en tant que mesure de discipline du travail peut
revêtir deux formes. Il peut consister en des mesures destinées à assurer l’exécution,
par un travailleur, de son travail sous la contrainte de la loi (sous la forme d’une
contrainte physique ou d’une menace de punition) ou en une sanction par
manquement à la discipline du travail avec des peines comportant une obligation de
travail.

Dans ce dernier cas, les organes de contrôle de l’OIT ont distingué entre les peines
infligées pour faire respecter la discipline du travail en tant que telle (et qui tombe
sous le coup de la convention) et celles qui frappent des manquements à la discipline
du travail qui compromettent ou risquent de mettre en danger le fonctionnement de
services essentiels. Les travailleurs intéressés doivent rester libres de mettre fin à
leur contrat de travail moyennant un préavis raisonnable.

4. Participation à des grèves

La convention interdit le recours aux sanctions comportant du travail forcé ou


obligatoire « en tant que punition pour avoir participé à des grèves ».

Toutefois, « des sanctions peuvent être infligées pour participation à des grèves
illégales et que ces sanctions comportent un travail pénitentiaire normal ».

5. Discrimination

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La convention n’admet le recours à aucune forme de travail obligatoire « en tant que


mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse ». Cette disposition
exige l’abolition de toute distinction discriminatoire fondée sur des critères raciaux,
sociaux, nationaux ou religieux dans l’imposition du travail à des fins de production
ou service. De même lorsqu’une peine comportant du travail obligatoire frappe plus
lourdement certains groupes définis en fonction de considérations raciales, sociales,
nationales ou religieuses, cela relève de la convention (même si le délit réprimé par
la peine est un délit de droit commun qui ne bénéficie pas autrement de la protection
de l’article 1.a, c et d de la convention.

B. Portée de la Convention n°105 par rapport à la Convention n°29 et


au travail pénitentiaire obligatoire

La convention n°105 ne constitue pas une révision de la convention n°29, mais elle
est plutôt destinée à la compléter.

Si la Convention 29 prévoit l’abolition générale du travail obligatoire, sous certaines


exceptions, la Convention n°105 ne requiert l’abolition du travail forcé que dans les 5
cas énumérés par l’article 1er.

La convention n°105 ne s’oppose pas à ce que du travail forcé ou obligatoire soit


exigé d’un délinquant de droit commun reconnu coupable bien qu’il soit astreint au
travail sous la menace d’une peine et contre son gré. Par contre si une personne est,
de quelque manière que ce soit, astreinte au travail parce qu’elle a ou exprime
certaines opinions politiques ou parce qu’elle a manqué à la discipline du travail ou
participé à une grève, cela tombe sous le coup de la convention.

Selon les organes de contrôle de l’OIT, si dans le cas des délinquants de droit
commun, le travail pénitentiaire est destiné à la rééducation et à la réinsertion
sociale, ce même besoin n’existe pas quand il s’agit de personnes condamnées pour
leur opinion ou pour avoir pris part à une grève.

La conformité des législations pénales à la convention peut être assurée à différents


niveaux :

Au niveau des droits et libertés civiques et sociaux, lorsque notamment l’activité et


l’expression d’opinions politiques , la manifestation d’opposition idéologique, les
infractions à la discipline du travail et la participation à des grèves échappent à la
répression pénale ; au niveau des peines pouvant être imposées, lorsqu’il s’agit
uniquement d’amendes ou d’autres sanctions ne comportant pas d’obligation au
travail ; et en dernier lieu au niveau du régime pénitentiaire : dans un certain
nombre de pays, la loi reconnaît traditionnellement aux prisonniers condamnés pour

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certains délits politiques un statut spécial, comparable à celui des prévenus, qui les
libère du travail pénitentiaire imposé aux criminels de droit commun, tout en leur
accordant la possibilité d’avoir une activité à leur demande.

SECTION IV : ABOLITION EFFECTIVE DU TRAVAIL DES ENFANTS


De société en société, l’activité économique des enfants auprès de leurs parents a
été considérée comme le principal facteur de socialisation dans le cadre de l’unité de
production économique que constitue la famille. Cependant, de formateur, le travail
des enfants s’est rapidement transformé en une exploitation nuisible pour leur
développement. D’où la nécessité d’une réglementation internationale.

L’accent mis par les normes internationales du travail sur l’élimination du travail des
enfants témoigne de la conviction de l’OIT que l’enfance est une période de la vie qui
ne devrait pas être consacrée au travail, mais à leur développement physique et
mental, à leur éducation, à leur socialisation ainsi qu’aux jeux et activités récréatives.
Cette conviction se reflète tant dans la convention n°138 sur l’âge minimum, 1973 et
dans la recommandation n°146 qui la complète que dans la convention n°182 sur les
pires formes de travail des enfants, 1999, et la recommandation n°190
correspondante.

Paragraphe I : Fixation d’un âge minimum d’admission à l’emploi ou au travail

Une des méthodes les plus efficaces pour s’assurer que les enfants ne commencent
pas à travailler trop jeunes est de déterminer l’âge légal auquel ils sont susceptibles
d’être employés ou autorisés à travailler.

Cet âge minimum ne devra pas être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité
obligatoire, c’est-a-dire á 15 ans. Pour les pays en développement, cet âge peut être
exceptionnellement fixé á 14 ans.

Pour les travaux dangereux, l’âge minimum ne doit pas être inférieur á 18 ans. C’est
seulement sous certaines conditions que les enfants de 16 ans peuvent les faire.

Quant aux travaux légers, des enfants de 13 á 15 ans sont autorisés á les exécuter,
pour autant que ceux-ci ne portent pas préjudice à leur santé, leur sécurité, leur
assiduité scolaire ou à leur participation à des programmes de formation
professionnelle. Cependant, dans les pays en développement, les enfants de 12 á 14
ans peuvent être autorisés á faire des travaux légers.

Paragraphe II : Interdiction et élimination des pires formes de travail des enfants

Alors que le travail des enfants prend de nombreuses formes différentes, la priorité

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est donnée à l’élimination immédiate des pires formes de travail des enfants, telles
que définies par l’article 3 de la Convention nº 182 de l’OIT :

• Toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la


traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail
forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants
en vue de leur utilisation dans des conflits armés ;
• L'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de
production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ;
• L'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites,
notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les
définissent les conventions internationales pertinentes ;
• Les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils
s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité
de l'enfant.
Le travail qui met en danger le développement physique, mental ou bien-être moral
de l'enfant, soit par sa nature ou par les conditions dans lesquelles il est effectué, est
dénommé « travail dangereux ».

Des orientations destinées aux gouvernements sur certaines activités dangereuses du


travail des enfants, qui devraient être interdites, sont données dans la
Recommandation nº190. Cette Recommandation, qui accompagne la convention nº
182, concerne l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action
immédiate en vue de leur élimination.

En déterminant les types de travail visés à l'article 3 d) de la Convention et leur


localisation, selon la Recommandation, il faudrait prendre en considération :

• Les travaux qui exposent les enfants à des sévices physiques, psychologiques
ou sexuels ;
• Les travaux qui s'effectuent sous terre, sous l'eau, à des hauteurs
dangereuses ou dans des espaces confinés ;
• Les travaux qui s'effectuent avec des machines, du matériel ou des outils
dangereux, ou qui impliquent de manipuler ou porter de lourdes charges ;
• Les travaux qui s'effectuent dans un milieu malsain pouvant, par exemple,
exposer des enfants à des substances, des agents ou des procédés
dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations
préjudiciables à leur santé ;
• Les travaux qui s'effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, par
exemple pendant de longues heures, ou la nuit, ou pour lesquels l'enfant est
retenu de manière injustifiée dans les locaux de l'employeur.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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Tous ces éléments doivent guider chaque Etat dans la détermination de la liste des
travaux dangereux qu’il s’oblige á faire périodiquement, au vu de l’article 4 de ladite
Convention. C’est en application de cette disposition que la Côte d’Ivoire dresse
périodiquement la liste des travaux dangereux en Côte d’Ivoire telle que celle prévue
par l’arrêté du 2 juin 2017 du ministre chargé du travail.

CHAPITRE III : LES MECANISMES DE CONTROLE DE


L’APPLICATION DES DROITS ET PRINCIPES DE L’OIT
Des mécanismes internationaux ont été élaborés dans le cadre de l’OIT à l’effet de
rendre plus efficace le contrôle de l’effectivité des conventions relatives aux droits et
principes au travail.

Ces mécanismes internationaux sont fondés sur les rapports des Etats membres et
sur les réclamations et plaintes dont ceux-ci peuvent faire l’objet.

SECTION I : Les Rapports des Etats membres


Selon l’article 22 de la Constitution de l’OIT, chacun des Etats membres s’oblige à
présenter au BIT un rapport annuel sur les mesures prises par lui pour mettre en
pratique les conventions auxquelles il a adhérées.

Le rapport annuel que l’Etat devra fournir au BIT, sera résumé par le Directeur
Général de cet organe permanent de l’OIT avant d’être présenté à la prochaine
session de la Conférence Générale des Représentants des Etats membres.

En pratique, c’est une commission d’experts indépendants composée d’une vingtaine


de personnalités qui examine le rapport avant sa soumission à la Conférence
Internationale du travail composée de délégués des gouvernants, des employeurs et
des travailleurs. L’Etat s’obligera à fournir copie de son rapport aux organisations des
employeurs et des travailleurs nationaux qui font partie de cette Conférence et qui
ont aussi le droit de fournir des informations. Si l’obligation du dépôt du rapport
n’incombe à l’Etat qu’à partir de l’entrée en vigueur de la convention, il est tenu, dès

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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la ratification, de prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer le


respect des droits et principes consacrés par lesdites Conventions.

Toutefois, l’expérience des autres conventions internationales, hormis celles de l’OIT,


a bien montré que les rapports étatiques sont des moyens de contrôle dont
l’efficacité est considérablement limitée.

Aussi, l’OIT a-t-elle adjoint à ce mécanisme les procédures de réclamation et de


plaintes pour garantir l’effectivité de ses conventions.

SECTION II : Les procédures de réclamation et de plaintes


A. La procédure de Réclamation
La ratification des conventions fondamentales de l’OIT par un Etat donne le droit à
toute organisation professionnelle des travailleurs ou d’employeurs de cet Etat de
saisir le BIT si elle estime que les pouvoirs publics n’assurent pas de manière
satisfaisante le respect desdites conventions. Cette réclamation pourra être transmise
par le Conseil d’administration au gouvernement de l’Etat violateur et celui-ci pourra
être invité à faire la lumière sur sa mise en cause. Si aucune mise au point n’est faite
par les autorités gouvernementales dans un délai raisonnable ou si la déclaration
faite par elles ne satisfait pas le conseil d’administration, ce dernier pourra rendre
publique la réclamation reçue et le cas échéant, la réponse du gouvernement.

L’originalité et l’intérêt de cette procédure est de permettre à une personne privée


de déclencher un mécanisme international de contrôle qui obligerait, si le conseil
d’administration l’estime utile, le gouvernement à s’expliquer et exposant ce dernier à
une explication de la réclamation et de la réponse fournie, sur décision du conseil
d’administration.

Parallèlement à la réclamation, il existe aussi une procédure de plainte.

B. La procédure de Plainte
Il s’agit du droit qu’a un quelconque Etat partie à l’OIT de saisir le BIT d’une plainte
contre un autre Etat partie qui, à son avis, n’assure pas suffisamment l’exécution
d’une convention de l’OIT. Le conseil d’administration peut, s’il l’estime utile, et avant

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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de saisir une commission d’enquête, se mettre en rapport avec le gouvernement qui


pourra être invité à se justifier. Si le conseil d’administration ne juge pas nécessaire
de communiquer la plainte au gouvernement mis en cause ou si, cette
communication ayant été faite, aucune réponse satisfaisante n’a été donnée dans un
délai raisonnable, le conseil d’administration pourra former une commission
d’enquête qui aura pour mission d’examiner la question litigieuse et de faire un
rapport. Dès cet instant, chaque Etat partie intéressé ou non par la plainte s’oblige à
mettre à la disposition de la commission toutes informations utiles à l’instruction du
litige. Au terme de son instruction, la commission d’enquête rédige un rapport dans
lequel elle fait des recommandations sur les mesures à prendre pour donner
satisfaction au gouvernement plaignant et les délais dans lesquels celles-ci doivent
prendre effet. Il convient de préciser que ces recommandations peuvent comporter
des sanctions économiques contre l’Etat mise en cause. Le Directeur Général du BIT
est chargé de publier ce rapport non sans l’avoir communiqué au conseil
d’administration et aux Etats en conflit. Ceux-ci ont trois mois pour signifier au
Directeur Général s’ils acceptent ou non les recommandations contenues dans le
rapport de la commission et au cas où ils ne les acceptent pas, s’ils désirent
soumettre le différend à la Cour Internationale de Justice. Cette Cour a compétence
pour confirmer, amender ou annuler les recommandations de la commission
d’enquête. Et sa décision n’est susceptible d’aucun recours. Si le gouvernement qui
succombe ne se conforme pas aux recommandations de la commission d’enquête ni
à la décision de la cour, le conseil d’administration peut recommander à la
Conférence Générale des représentants des Etats membres toutes mesures qu’il juge
nécessaires pour assurer l’exécution desdites recommandations. Cependant, le
gouvernement convaincu de violation de la convention peut, à tout moment,
informer le conseil d’administration des mesures prises pour se conformer soit aux
recommandations de la commission d’enquête soit à celles contenues dans la
décision de la cour. Et il peut lui demander de vérifier la sincérité de ses déclarations
par une autre commission d’enquête. S’il se révèle que ces mesures sont réelles, le
conseil d’administration recommandera que les sanctions prises soient rapportées.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.


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En tout état de cause, cette procédure peut être également engagée par le conseil
d’administration soit d’office soit sur plainte d’un délégué à la conférence.

Comme on peut le constater, les mécanismes de contrôle institués par l’OIT pour
surveiller l’application de ses conventions sont d’une singularité sans pareille et d’une
efficacité sans précédent. Car pour l’application des conventions ratifiées, depuis
1969, l’OIT a institué une procédure de contact direct entre un représentant du
Directeur Général du BIT et les gouvernements. En effet à la demande ou avec
l’accord du gouvernement intéressé, un représentant du Directeur Général se rend
dans le pays pour examiner la situation litigieuse avec les représentants
gouvernementaux. Il doit aussi prendre contact avec les organisations d'employeurs
et de travailleurs. Cette procédure est étendue aujourd'hui, en raison des bons
résultats obtenus, aux problèmes de l'envoi des rapports périodiques dus et aux
obstacles à la ratification d'une convention de l’OIT.

TRABI Botty Jérôme, Magistrat.

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